Prescrire IRC
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Prescrire IRC
* Néphrologue Un patient hypertendu traité voit sa fonction rénale s’aggraver, une patiente
Centre médical Solbosch âgée sous IEC est victime de la gastro-entérite qui règne dans sa maison
et CH Epicura-Hornu de repos, un patient cardiaque et insuffisant rénal ne répond plus bien au
[email protected] Lasix®, etc. Voilà quelques exemples, parmi d’autres, de situations vécues
au quotidien, face auxquelles le présent article va nous aider à adapter
notre prescription.
M G & N É P H R O LO G I E 7
Mécanisme de toxicité
De façon générale, la toxicité des drogues en IRC
comprend deux grands chapitres : la toxicité rénale
et la toxicité extrarénale.
Toxicité rénale
Les médicaments peuvent entraîner de nombreux
effets secondaires néphrologiques. Ceux-ci peuvent
être dus, soit à une diminution du taux de filtration
glomérulaire (effet hémodynamique), soit à des lé-
sions rénales diverses (effet néphrotoxique direct),
dont la réversibilité est variable. Quel que soit le mé-
Figure 1 : mécanisme de néphrotoxicité pour diverses
canisme de toxicité, la diminution de la fonction ré-
médications et toxiques classiques.
nale qui en résulte accroît en retour la concentration
plasmatique des drogues, augmentant ainsi encore
leur potentiel néphrotoxique, et réalisant donc un ef-
qu’après commercialisation, lors de son usage à
fet « boule de neige ».
grande échelle. La mise à jour régulière des connais-
Mécanisme hémodynamique sances à cet égard reste donc déterminante.
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circulant. Celle-ci fait ainsi obstacle à la diurèse de
l’après- midi. Un moyen simple est de diviser la dose
Metformine
sur le début de journée (matin/midi). On évitera par
ailleurs les doses vespérales (cf. risque de chute La metforminee est une des médications les plus uti-
nocturne). lisées dans le diabète de type II. Son mécanisme de
Les effets toxiques communs de ces diurétiques toxicité est lié à son action sur la chaine respiratoire
sont triples : mitochondriale avec inhibition consécutive du cycle
• déshydratation (jugulaires plates, crampes, fati- de Krebs (glycolyse aérobie) 14. La conséquence peut
gue à l’effort, orthostatisme) ; en être une acidose lactique parfois sévère, voire
• hyponatrémie (trouble cognitif, trouble de mortelle. La présentation la plus sévère est un choc
l’équilibre), cardiogénique associé à une insuffisance rénale
• hypokaliémie (faiblesse musculaire, trouble du aigüe anurique avec acidose métabolique sévère.
rythme). L’élimination de la metformine est rénale. Le risque
Les diurétiques d’épargne potassique on des in- d’intoxication augmente donc dans l’IRC 15.
dications plus particulières que le simple contrôle La prescription et le dosage de metformine doit donc
volémique. Par son action sur le récepteur miné- être conditionnée par (1) la présence éventuelle
ralocorticoïde, la spironolactoned est un inhibiteur d’une IRC et (2) le risque éventuel d’une insuffi-
partiel de l’axe rénine-angiotensine-aldostérone. sance rénale aigüe (compromettant donc son élimi-
Son indication générale est triple : amélioration du nation). Ainsi, en présence d’une déshydratation (et
contrôle de la cardiopathie congestive, améliora- donc d’une diminution de la filtration glomérulaire),
tion du contrôle de la volémie en cas de résistance la metformine doit être arrêtée transitoirement.
aux diurétiques, contrôle de l’hypertension (4e ligne : L’éducation du patient ou des paramédicaux (MRS,
hypertension résistante). En cas d’IRC, et du fait de Home…) est primordiale pour diminuer ce risque.
son action potentiellement hyperkalémiante, il doit
absolument être titré (majoration progressive sous Metformine et IRC9
surveillance clinique et biologique). Pour une IRC de • ClCR > 45 ml/min : Ok
stade II à IIIa, on peut débuter par 25 mg/jour, voire • ClCR = 45 à 30 ml/min : demi-dose,
la moitié pour un stade plus sévère, avec progres- revoir indication
sion mensuelle de la dose la plus adaptée. Notons • ClCR < 30 ml/min : stop
également que l’aldactone seul provoque une ré-
tention d’ions H+ non compensée par du bicarbo-
nate. Aussi, le bilan acido-basique doit-il être suivi
au même titre que le potassium (réserve alcaline,
Héparines
HCO3, CO2)13. de bas poids moléculaire
Diurétiques et IRC L’élimination des Héparines de bas poids moléculaire
Indications et dosage (HBPM) est partiellement rénale. Le dosage de l’acti-
• thiazides (hypervolémie modérée, vité anti-Xa des HBPM est peu pratiqué en médecine
ClCR > 45 ml/min) ; générale. On rappellera que, pour toute thérapie anti-
• diurétiques de l’anse (hypervolémie majeure, aggrégante et anticoagulante, l’appréciation clinique
ClCR < 45 ml/min), à majorer en cas de des signes d’hémostases est également un bon indi-
protéinurie, à fractionner en deux prises cateur. Il s’agit des signes de diathèses (hématome,
(matin/midi) ; hémorragie digestive à bas bruit…).
• spironolactone (cardiopathie, HTA), à débuter En pratique (pour dalteparine, enoxaparine, nadropa-
par 12,5 à 25 mg/j. rine) une adaptation de la dose ou de l’intervalle d’ad-
ministration doit se faire dès < 30 ml/min de ClCR et à
Suivi clinique
partir de 48 h de traitement. Cependant, pour des pré-
• effet sur la volémie (œdèmes, jugulaires) ;
ventions de courtes durées (10 jours) la dose peut ne
• déshydratation ? ;
pas être adaptée16. Pour le long cours, l’anticoagula-
• symptômes d’hyponatrémie ou d’hypokaliémie
tion aux antivitamines K sera préférée compte tenu du
(thiazides et diurétiques de l’anse) ? ;
monitoring possible et facilement accessible de l’INR.
• symptômes d’hyperkaliémie (spironolactone) ?
Suivi biologique HBPM et IRC (ClCR < 30 ml/min)
• Na+ et K+ (thiazides et diurétiques de l’anse) ;
À partir du 3° jour de traitement, réduire la dose
• K+ et HCO3 (spironolactone).
de moitié ou doubler l’intervalle d’administration
(1x/12 h > 1x/24 h)
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a. on suppose une résistance in vivo et ce contexte, il est prudent d’arrêter transitoirement
on change l’antibiotique ; le Sartan. Si l’on ajoute le risque d’une péjoration de
b. on rassure la patiente sur la durée la fonction rénale, l’arrêt de la metformine pendant
des symptômes ; quelques jours est également légitime.
c. on ajoute un AINS ;
d. on contrôle le sédiment urinaire ;
e. on réalise une biologie sanguine (fonction ré-
nale, syndrome inflammatoire ?). Bibliographie
Réponse : malgré l’absence de signe allergique la pos- 1. Guillen Anaya M. Comment aborder l’insuffisance rénale
sibilité d’une néphrite tubulo-interstitielle allergique ensemble Grande journée SSMG, Bruxelles.
reste possible (réponse e). La bilatéralité des douleurs Épidémiologie 2012.
lombaires est inattendue, aussi la prudence impose un 2. Mtazke GR et al. Drug dosing consideration in patients with
contrôle biologique à la recherche d’apparition d’une acute and chronic kidney disease – a clinical update from
KDIGO. Kidney Int 2011 ; 80 : 1122-37.
dysfonction rénale. Le sédiment, compte tenu de l’in-
fection, ne sera pas discriminant. 3. Houet JL. MDRD2 et la fonction rénale. RMG 2011 ; 283 :
200-203.
4. Gugler R, Mueller G. Plasma Protein Binding of valproic acid
(4) Patient présentant une HTA de grade II (OMS) en healthy subjects and in patients with renal disaese. Br J
mal contrôlée et associée à une IRC de stade II Clin Pharmac 1978 ; 5 : 441-6.
non protéinurique. L’adhérence au suivi médi- 5. Schlondorff D. Renal complications of nonstreroidal anti-in-
cal est satisfaisante (contrôle 3 à 4 x par an pour flammatory drugs. Kidney Int 1993 ; 44 : 643-53
adaptation du traitement). Le patient décide de 6. Kallergis EM, Goudis CA, Simantirakis EN, Kochiadakis GE,
commencer un activité sportive (vélo de prome- Vardas E. Mechanisms, risk factors, and management of ac-
nade 3x par semaine). Son traitement actuel est quired long QT syndrome : a compréhensive review. Sci World
J 2012 article ID 212178.
composé d’un anticalcique, d’un IEC associé à un
thiazide, d’un ß-bloquant et d’un régime pauvre 7. Hellden A et al. High sérum concentrations of the acyclovir
main métabolite 9 CMMG in rénal failure patient with acy-
en sel. À la dernière consultation, sa TA est me- clovir related neuropsychiatric side effects : an observational
surée et confirmée à 155/88 mmHg. On prescrit study. Nephrol Dial Transplant 2003 ; 18 : 1135 -41.
(une seule bonne réponse) : 8. Ichikawa et al. Fatal hyperammoniemia in a patient with
a. on ajoute un Sartan ; systemic lupus erythematous. Intern Med 1988 ; 65 : 238-45.
b. on ajoute un inhibiteur de la rénine ; 9. Block A, Bone HG, Fang L, Lee E, Padhi D. A single-dose
c. on ajoute une faible dose de spironolactone ; study of denosumab in patients with various degrees of rénal
d. on ajoute un antihypertenseur central. impairment. J Bone Miner Res 2012 ; 27 : 1471-9.
10. KDIGO 2012. Clinical practrice guideline for évaluation and
Réponse : l’ajout d’une deuxième inhibition de l’axe ré- management oc chronic kidney disease. Kidney Int Supp
nine angiotensine n’est pas indiqué et augmentera le 2013 ; 3 : Vii.
risque de complication du traitement (hyperkaliémie, 11. Drazner MH, Rame JE, Lynne MP et al. Prognostic impor-
insuffisance rénale aigüe). Outre attendre l’hypothé- tance of elevated jugular venous pressure and a third heart
tique bénéfice des mesures hygénio-diététiques l’ajout sound un patients with heart failure. New Engl J Med 200 ;
345 : 574-81.
d’un antihypertenseur central est de faible risque
12. Gnanaraj JF, von Haehling S, Anker SD, Raj DS,
compte tenu de la quadrithérapie antihypertensive.
Radhakrishnan J. The relevance of congestion in the cardio-
renal syndrome. Kidney Int 2013 ; 83 : 384-91
(5) Patiente de 81 ans en maison de repos, 79 kg, 13. Chaig D. Drug therapy : Diuretic therapy. New Engl J Med
diabétique sous metformine, hypertendue sous 1998 ; 339 : 387-94.
anticalcique et Sartan (ARBS). La dernière biolo- 14. Viollet B et al. Cellular and molecular mechanisms of met-
gie réalisée deux mois plutôt montre une IRC de formin : an overview. Clin Sci 2012 ; 122 : 253-70.
stade II. Elle présente une infection sévère (T° à 15. Friescke S. Outcome of severe lactic acidosis associated with
39 °C) des voies respiratoires supérieures d’al- metformin accumulation. Crit care 2010 ; 14 : R 226.
lure virale avec abattement mais ne nécessitant 16. Garcia DA et al. Parenteral anticoagulation 9TH ED : ACCP
pas d’hospitalisation. L’adaptation transitoire du guidelines. Chest 2012 ; 141, Suppl 2.
traitement nécessite (une seule bonne réponse) : 17. Zimmer S , Nouveaux anticoagulants oraux et insuffisance
a. l’arrêt de l’anticalcique ; rénale. Lettre ICAR, 05 Janvier 2013.
b. l’arrêt de l’anticalcique et du Sartan ;
c. l’arrêt des trois médications ;
d. l’arrêt du Sartan ;
e. l’arrêt du Sartan et de la metformine ;
f. aucun arrêt car l’infection est virale.
Réponse : l’hyperthermie et l’infection des voies res-
piratoires supérieures (risque d’odynophagie…) expo-
sent à un risque important de déshydratation. Dans