Un Module de 15 Jours Pour Creer Un Spe
Un Module de 15 Jours Pour Creer Un Spe
Un Module de 15 Jours Pour Creer Un Spe
P.P.
BRUXELLES – BRUSSEL X
BC 1528
LE JOURNAL DE
L’ALPHA
q
Pratiques théâtrales
N°171 Novembre 2009
Périodique bimestriel - Ne paraît pas en juillet/aout - Bureau de dépôt : Bruxelles X - N° d’agréation : P201024
Expéditeur : Lire et Ecrire Communauté française - Rue Charles VI, 12 - 1210 Bruxelles
RÉDACTION OBJECTIFS DU JOURNAL DE L’ALPHA
Lire et Ecrire Communauté française a.s.b.l. > Informer et susciter réflexions et débats sur
Rue Charles VI, 12 - 1210 Bruxelles des thèmes pédagogiques et politiques liés
tél. 02 502 72 01 à l’alphabétisation et à la formation de base
courriel : [email protected] des adultes peu scolarisés.
> Favoriser les échanges de pratiques pédagogiques
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
centrées sur l’analyse et la réflexion critique,
Sylvie-Anne GOFFINET
le développement personnel et collectif,
COMITÉ DE RÉDACTION la participation à la vie sociale, économique,
Nadia BARAGIOLA culturelle et politique des personnes en formation.
Catherine BASTYNS > Mettre en relation les acteurs du secteur de
Jean CONSTANT l’alphabétisation et de secteurs proches dispersés
Véronique DUPONT géographiquement ou institutionnellement.
Cecilia LOCMANT > Ouvrir un espace rédactionnel aux intervenants
Véronique MARISSAL de ces secteurs.
Véronique RAISON
PROCHAINS DOSSIERS
EDITRICE RESPONSABLE > L’oral
Catherine STERCQ > L’orthographe
Rue Charles VI, 12
1210 Bruxelles
PHOTO DE COUVERTURE
« Tout perdu Tout gagné. Histoire de vies »
Ce numéro du Journal de l’alpha
MISE EN PAGE est écrit en nouvelle orthographe
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des Revues scientifiques et culturelles
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Journal de l’alpha n°171 Novembre 2009
Dossier : Pratiques théâtrales
Edito: Prises de parole et actions par le jeu théâtral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Catherine STERCQ – Coprésidente de Lire et Ecrire Communauté française
« Missing »
Le théâtre est-il un péché à Saint-Josse ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Gennaro PITISCI – Brocoli Théâtre
Théâtre et développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
Le théâtre-forum selon l’Atelier-Théâtre Burkinabé
Prosper KOMPAORÉ – Atelier-Théâtre Burkinabé
« La 3e personne du pluriel » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Le théâtre-forum, un lieu pour amorcer le changement
Philippe DUMOULIN – Théâtre du Public
Hédia BACCAR, Michel MASLINGER et Delphine HUBERT
– Lire et Ecrire Centre-Mons-Borinage
L’improvisation théâtrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Construction d’histoires, construction de relations
Florence PIRE, intervenante à l'asbl Ex-pression
Recension
Pratiques théâtrales : pistes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Sophie ZEOLI – Centre de documentation du Collectif Alpha
Littéralpha
La lettre et autres histoires d’amour ............................................. 116
Recueil proposé par Hélène FARA
Livres-Médias-Outils
A propos des relations Nord-Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Présentation d’ouvrages et outils récents sur la mondialisation
et l’altermondialisation :
> Le Sud entre mondialisation et altermondialisation de François POLET
> Mondialiser le travail décent de Arnaud ZACHARIE et Alexandre SERON
> Souveraineté alimentaire : cultiver, pas mendier ! de Sophie CHARLIER
et Gérard WARNOTTE
Prises de parole
et actions par le jeu théâtral
S I L’ÉCRIT est naturellement une pratique
culturelle au cœur de l’alphabétisation,
l’alphabétisation utilise également de nom-
s’organiser pour que le spectacle créé fonc-
tionne même s’il y a des absents. Dans une
autre, il s’agit de faire en sorte que ce soit
breuses autres pratiques culturelles : arts toujours quelqu’un de différent qui joue un
plastiques, photo, cinéma, chant, théâtre,… même rôle pour éviter les stigmatisations.
Quelles que soient celles-ci, les motivations Dans une troisième, chaque personne du
et les manières de les intégrer à un projet groupe est irremplaçable, les scènes devant
d’alphabétisation sont multiples, comme toujours être jouées par les mêmes personnes
vous le découvrirez au fil des articles qui dont elles reflètent les émotions propres.
constituent ce journal consacré aux pratiques
Elles parlent de fictions et de réalités, de
théâtrales.
verbal et de non verbal, de créateurs-inter-
Pratiques qu’il s’agit de découvrir et de gou- prètes ou d’interprètes, de partenariats
ter, presque toujours pour la première fois. apprenants/artistes/formateurs. Elles nous
font part des difficultés du quotidien et
En tant qu’acteur par le biais de textes
de l’action auxquelles sont confrontés les
écrits par d’autres, parfois très anciens, pour
formateurs.
confronter passé et présent, prendre
conscience de nos identités plurielles, revi- Elles posent la question de la langue : fran-
siter les mythes. çais classique, langage quotidien, ‘immigra-
tien’ : créole de l’immigration compris mieux
En tant qu’auteur, pour prendre la parole,
que le français par les migrants de toutes
mettre en scène les injustices et oppres-
origines. Créole immigré qui, comme le sou-
sions subies, y confronter les spectateurs,
ligne l’auteur de l’article, « ne s’oppose pas
tenter des solutions et envisager l’action.
à la pratique du français classique ou à son
En tant qu’apprenant pour travailler sa voix, apprentissage » mais « invite à ce que cet
sa prise de parole, sa mémoire, ses gestes, apprentissage le prenne en compte et s’en
l’écriture théâtrale et sa lecture,… nourrisse, y prenne appui ».
Les pratiques théâtrales présentées dans ce Elles posent aussi la question de l’écoute,
numéro sont tantôt plus pédagogiques, au même dans le geste. « S’écouter, même si ce
service d’apprentissages émancipateurs, tan- n’est qu’en mouvement, mais s’écouter visuel-
tôt plus politiques, centrées sur l’analyse, la lement les uns les autres. » Etre à l’écoute
conscientisation et l’action par la mise en « jusqu’au bout du geste ». Aller « jusqu’au
lumière de « la part d’ombre de la société ». bout de l’écoute ».
Elles proposent différents points de vue. Elles illustrent que « tout ce qui nous parait
Ainsi, dans une expérience, l’enjeu est de impossible à changer dans ce bas monde doit
Le théâtre-action :
champ social, moisson politique
Lumière sur le réel, le théâtre n’est pas ce qu’il devrait être
s’il laisse de côté la part d’ombre d’une société.
Pour Paul Biot, qui fut directeur du Centre de Théâtre-Action de 1992 à 2005,
co-fondateur et comédien-animateur de la Compagnie du Campus 1, le
théâtre-action porte la parole critique, l’analyse des rapports de force, la mise
en lumière des multiples formes d’exploitation, la mémoire des drames, des
luttes,… Il hausse les questions issues de l’espace social au niveau de
l’interrogation politique en décortiquant et en montant sur scène les situa-
tions et les mécanismes de la domination sociale, la parole de ceux qui la
subissent. Et cette parole est portée, dans un processus de création collecti-
ve, par ceux mêmes qui vivent cette domination sans que d’autres, qui
seraient ‘les professionnels des arts de la scène’, ne se chargent de la porter
à leur place. Le théâtre-action, c’est du théâtre à part entière, même si ses
acteurs, son public, ses lieux de diffusion, ses principes de création et ses fon-
dements politiques et philosophiques se démarquent à tout point de vue de
ce que nous appelons habituellement ‘théâtre’…
Croyez-vous vraiment que la pauvreté soit l’égalité entre les êtres concerne essentielle-
seulement une question sociale ? Croyez- ment le partage des tâches ? Que l’orga-
vous vraiment que la violence à l’école nisation du pouvoir public soit juste une
soit juste un problème scolaire ? Que question d’élections ? Que l’intolérance et le
l’occupation des Forges de Clabecq relève racisme relèvent du seul traitement pédago-
essentiellement du judiciaire ? Que travailler gique ? Que la guerre soit une simple opéra-
– ou non – appelle exclusivement un traite- tion de police internationale ? Que les géno-
ment économique ? Que l’accès à la culture cides soient avant tout affaire de pulsions de
pose uniquement un problème de prix masse ? Que la destruction des écosystèmes
d’entrée ? Que la spéculation monétaire soit juste un problème scientifique ? Croyez-
traduise une simple problématique boursiè- vous vraiment que la progression de la mal-
re ? Que les délocalisations participent bouffe soit simplement affaire de diété-
seulement à l’ingénierie financière ? Que tique ? Croyez-vous vraiment...
Séances d’atelier pour le spectacle Tout le monde s’appelle Martine, texte Veronika Mabardi,
mise en scène Luc Fonteyn – Photo : Yves Gervais
Mes mots, présentation d’atelier mené au Théâtre Océan Nord – Photo : Michel Boermans
A vos bons soins, Atelier théâtre du Collectif 1984 en collaboration avec le Forum bruxellois de lutte
contre la pauvreté, mise en scène Max Lebras et Patrick Duquesne – Photo : Nicolas Schimpfessel
Le grand bal des Marolles, écriture Veronika Mabardi, mise en scène Xavier Schaffers, Théâtre Les Tanneurs
Photo : Jeanne Bidlot
Lors de la création des tableaux de la pièce, Lors de ces séances, l’écoute a eu maintes
l’acte d’écrire n’était pas obligatoire ; occasions d’être pratiquée. Nous avons dis-
chaque participant était libre de noter ce cuté beaucoup sur les idées, les messages
qu’il voulait sur une feuille. Il s’agissait que nous voulions intégrer. Un souvenir
donc de créer oralement le contenu de la ravivé par un mot était partagé, une opinion
pièce. Les phrases retenues, avalisées par confrontée à une autre, dans notre optique
tous les participants, étaient alors écrites de conflit positif. Le sujet de la pièce abor-
par un ‘secrétaire volontaire’. L’animatrice de autant l’individu que le collectif, la
reprenait ensuite ces notes et les retranscri- société et le/la politique. Discussions riches
vait pour que chacun dispose d’une mise au où chacun a trouvé sa place, l’écoute était
propre écrite du contenu ‘oral’ créé collecti- bien réciproque.
vement la semaine précédente.
Une autre envie…
Résumé de la pièce Monter cette pièce de théâtre!
Une femme, Hélène est au bord de la L’écriture de la pièce s’est achevée en avril
déprime. Elle se sent seule, jugée. Elle 2008, période à laquelle les répétitions ont
n’ose même pas le premier contact avec débuté avec les cinq membres du groupe,
sa voisine. Hélène n’est pas écoutée, devenus pour un temps écrivains-comédiens.
même par ses proches. Ses amies met-
tent du temps à comprendre ce problè- En octobre 2008, l’atelier bimensuel s’est mué
me de non-écoute. en atelier hebdomadaire et les cinq ‘tenant
bon’ ont été rejoints par un chœur, des régis-
Mais pourquoi ne s’écoute-t-on pas,
seurs, des décorateurs, une couturière et un
pourquoi s’écoute-t-on si mal ?
souffleur. Tous les lundis après-midi, ce sont
La pièce propose un début de réponse
en réalité trois sous-groupes qui se réunis-
individuelle et collective…, politique
saient sous l’appellation Atelier Histoires et
donc aussi.
Diversités. L’équipe décor-costumes-régie a été
Scène 10
Hélène est au centre de la scène. Tous les comédiens et membres du chœur, sur scène, l’entourent
en demi-cercle.
Martine : Je croyais que tu ne viendrais pas, que tu m’en voulais encore.
Hélène : Non, pourquoi ?
Martine : Je me suis comportée comme une égoïste.
Le chœur : Au lieu de t’écouter toi, de répondre à tes questions, c’est elle qu’elle a écoutée.
Hélène : Non, c’est moi, je me suis énervée bêtement aussi.
Denise : Ton amitié compte beaucoup pour moi.
Hélène : C’est aussi ce qui pouvait m’arriver de mieux dans la vie, cette amitié.
Denise : Mais c’est difficile de s’écouter avec tous les soucis, la crise, les fins de mois difficiles.
Le chœur : Tu aurais dû oublier tout cela pendant un moment.
Alain : C’est facile à dire ! Moi aussi, j’ai fait semblant d’écouter !
Le chœur : Le vrai contact, le dialogue : c’est difficile !
Hélène : Entre moi et moi.
Martine : Entre toi et moi.
Le chœur : Entre nous.
Le chœur : Entre les politiciens et nous.
Le chœur : Entre nous tous, avec toutes nos différences culturelles, sociales,…
Martine : Etre écouté et écouter vraiment.
Denise : Donner son avis, dire ses inquiétudes, c’est important.
Le chœur : Discuter les solutions aussi.
Le chœur : C’est un effort !
Martine : Ecouter… ? C’est de l’amour. Un acte d’amour.
Hélène : Quand tu es écouté, tu existes vraiment !
Alain : Ecouter… ? Il faut en avoir envie !
Le chœur : Prendre le temps, au-delà de tous les stress.
Le chœur : Il faut le vouloir !
(Tous se regardent, s’interrogent du regard. Ils attendent que le premier se bouge… Rien.)
Tous : Essayons !
Le texte qui suit, que l’on pourrait aussi sous-titrer « De l’alpha à l’oméga d’un
projet d’atelier d’écriture qui débouche sur une création théâtrale », nous
raconte comment des apprenants participant à un atelier d’écriture à Lire et
Ecrire Verviers ont imaginé de créer un spectacle, comment ils l’ont écrit,
quelles collaborations ils ont nouées pour le mettre en scène. Mais aussi quel-
le place ce spectacle a prise dans la vie culturelle locale et quelles retombées
il a eues dans la vie des participants. Bref, non seulement l’alpha et l’oméga
d’un projet, mais aussi l’alpha et l’oméga d’une expérience artistique émanci-
patrice pour les apprenants et sensibilisatrice pour les spectateurs.
L’atelier d’écriture, c’est le mercredi matin faire sentir concrètement aux apprenants que
de 9 à 12h à Lire et Ecrire Verviers. Les l’écriture est possible pour chacun. En
apprenants s’y inscrivent en plus de leur parlant d’écriture, nous pensons à celle qui
horaire de formation. Ils viennent principa- permet de formuler sa pensée. Elle peut être
lement pour écrire… c’est-à-dire relever le très simple et viser l’essentiel. Il faut alors
défi de la pratique de l’écriture malgré leurs choisir les mots justes, et ça c’est tout un
difficultés. art… L’écriture commence à devenir plaisir…
Chaque année, nous proposons aux appre- A la mi-octobre, nous abordons plus préci-
nants de rendre visible leurs écrits en réali- sément l’idée d’un projet à réaliser pour la
sant un projet commun, un projet concret, fin juin. Cette proposition a souvent ten-
quelque chose à présenter à l’extérieur de dance à surprendre ou inquiéter les nou-
Lire et Ecrire. veaux apprenants. Ils n’y croient pas vrai-
ment, cela semble impossible… Ceux qui
De l’idée au projet ont participé à l’atelier la session précéden-
Il faut d’abord quelques ateliers autour de la te se chargent de rassurer les nouveaux en
poésie pour commencer à se réconcilier avec racontant les projets auxquels ils ont parti-
sa propre écriture, pour se connaitre, pour cipé… parfois même en les montrant 1.
constituer le groupe. Ces premiers ateliers Depuis 2 ou 3 ans maintenant, les anciens
sont d’une importance capitale. Il s’agit de savent que l’atelier d’écriture est lié à la
Comment faire face à cette réalité ? Natha- Le fait de se voir filmés a permis certaines
lie a d’abord proposé d’alléger le scénario, prises de conscience chez les apprenants, au
mais les apprenants n’étaient pas d’accord. niveau de la diction, au niveau du langage
Eux proposaient de faire jouer plusieurs par- corporel. Ils ont pu également s’habituer à
ticipants et de découper le scénario. Cela entendre leur propre voix qui ne résonne pas
permettrait d’une part de diminuer le texte en externe de la même manière que celle que
à mémoriser pour les rôles principaux, et chacun entend à travers son oreille interne.
d’autre part répondrait au souci de marquer
L’apport de professionnels
une présence égale de tous sur scène. Mais
Jacques Stotzem a répondu positivement à
cela perturbait la cohérence de l’histoire.
notre demande de parrainage. Jacques est
Finalement, c’est un compromis qui a été
un guitariste verviétois dont la renommée
adopté. Nathalie a proposé de garder le
dépasse actuellement les frontières belges.
texte intégral, en apportant quelques modi-
fications pour que certaines parties soient Malgré un agenda bien rempli, il a accepté
dites par un narrateur. Cela permettrait de composer des musiques originales pour
d’insérer des moments de réflexion et de notre spectacle et de les interpréter en live.
garder le style poétique initial. Le spectacle s’en trouvait enrichi et cela
poussait les apprenants à donner le meilleur
Pour que ce narrateur reste central dans d’eux-mêmes. C’était pour eux à la fois
l’histoire, elle a proposé de réaliser des impressionnant et gratifiant de se confron-
séquences filmées qui feraient partie du ter à cet artiste.
décor. Le rôle de narrateur pourrait être
endossé par plusieurs personnes, y compris Nous avons également bénéficié du soutien
des personnes extérieures au projet qui de Télévesdre pour le montage des vidéos.
liraient nos textes… proposition qui a tout Une relation de plus en plus étroite se
de suite plu aux apprenants. Ainsi le spec- construit entre Lire et Ecrire et cette télévi-
tacle s’inscrirait dans le quotidien de la sion locale qui collabore maintenant réguliè-
société, ce qui donnerait au message global rement avec nous dans le cadre de la sensibi-
une résonance multiple. lisation à la problématique de l’illettrisme. 4
Christian Vilain est décédé de maladie il y a n’arrive plus jamais à d’autres : « Nous étions
peu. Je regarde les photos réalisées par Ilse malades ma femme et moi, il fallait quelqu’un
Mariën pour Les Ambassadeurs de l’Ombre. pour assurer l’avenir de notre fils. Le juge le
Une beauté magique. Mince, pas très grand, plaça. A chacune de ses fugues des institu-
élocution difficile, Christian pourtant possé- tions, qu’il faisait pour voir sa mère mouran-
dait la magie de la scène, la présence des te, on le plaça plus loin de la maison. Jus-
plus grands qui fait que le spectateur ne qu’au jour où, à treize ans, il se bourra de
regarde que lui. Lorent Wanson, le metteur médicaments, et se tua. »
en scène général de ce spectacle ne s’était
pas trompé quand il avait proposé à Christian Le spectacle Les Ambassadeurs de l’Ombre a
un rôle de magicien triste. Ce magicien permis des rencontres improbables entre des
enseigne à l’enfant, avec délicatesse, le jeu personnes de courage, vivant au quotidien
de la vie, une vie de poésie qui échappe et une vie difficile, parfois en marge de la socié-
qui s’effondre pour rebondir avant de té, et des artistes déjà reconnus. Rencontres,
s’envoler de nouveau. La vie chantée de croisements, créateurs d’une nouvelle pensée,
Christian en quelque sorte, lui qui dans le de nouveaux rythmes et couleurs, de nou-
spectacle osera dire, avec sa voix à veaux espoirs, autant de graines possibles
l’articulation incertaine, et afin que cela pour une société de justice en construction.
Le spectacle s’est construit autour des problèmes et des difficultés que les familles ont
rencontrés. Mais plutôt qu’une faiblesse, nous avons voulu en faire une arme. Nous
n’avons pas voulu montrer les participants sous le couvert du manque. Le moteur était :
« Nous allons vous montrer que nous sommes riches des coups que nous avons reçus, riches
de nos expériences que vous, public, ne connaissez pas ou dont vous n’avez qu’une idée
abstraite. Et cette connaissance de la réalité, personne ne pourra nous l’enlever ». Les
familles sont fortes de cette expérience, de cette réalité et c’est cela que j’ai voulu
montrer. Quand on entend au journal télévisé qu’il y a 12% d’enfants analphabètes en
Belgique, cela reste une notion très théorique et abstraite, mais quand une toute jeune
adolescente dit sur scène : « je ne sais pas lire ni écrire », on est alors face à la réalité.
Et de savoir qu’un huissier peut faire doubler les dettes par frais de justice, c’est aussi
théorique… Mais quand on voit des bouches dire ces mots sur scène, quand on est
confronté aux corps qui ont traversé cette expérience, c’est autre chose, il y a alors un
partage de l’expérience.
Lorent WANSON, metteur en scène des Ambassadeurs de l’Ombre
(in Alternatives théâtrales, n°69, juillet 2001, p. 62)
Journal de l’alpha : Peut-être pouvons- disait ce qu’on voulait – mais pour qu’il voie
nous commencer par le commencement. comment il pouvait travailler avec les gens
Comment tout cela a-t-il débuté ? qu’il avait devant lui. Il y avait quand même
des gens qui savaient moins lire, moins écri-
Yvette : Quand on a commencé le théâtre ici,
re, moins retenir. Et donc cette pièce, il fal-
dans la cour de la Maison des Savoirs, on n’a
lait que tout le monde puisse y participer :
pas pensé que ça allait devenir si sérieux. On
ceux qui savaient, ceux qui savaient moins,
nous avait dit : « Est-ce que ça vous plairait
ceux qui avaient déjà joué, ceux qui
de faire un peu de théâtre ? ». Au départ,
n’avaient jamais joué. Il y avait une certai-
c’était un amusement, tout simplement.
ne discipline qui était nécessaire… C’était
Je pense que les volontaires du Mouvement un ensemble. S’il manquait quelqu’un, on
ont parlé avec le metteur en scène pour lui savait très bien qu’il y aurait quelque chose
expliquer le milieu social d’où on venait. On qui ne fonctionnerait pas et on avait un
a fait beaucoup d’individuel avec lui, on a soutien réel entre nous. Parce que quand on
parlé beaucoup avec lui avant de jouer. Pas venait sur la scène tout pouvait arriver.
pour qu’il connaisse notre vie de A à Z – on Quand quelqu’un faisait une erreur, oubliait
avec et des jours sans. Il y a les soucis, Hector : Les volontaires nous ont soutenus,
quand vous vous levez le matin, qu’on vous mais il y a aussi des alliés qui nous ont sou-
annonce quelque chose ou qu’il y a quelque tenus. On était peut-être entre 20 et 25 sur
chose dans votre boite aux lettres, vous scène, mais disons que c’est un projet qui a
devez jouer avec ça dans la tête. Et donc on mobilisé 60 à 70 personnes. Il y avait les
était soutenu par les volontaires quoi qu’il marionnettes qui ont fait partie du spectacle.
advenait. Les volontaires ont travaillé avec Il y avait l’intendance : tenir les enfants pen-
nous et se sont investis, je peux presque dire, dant que les parents répétaient. On a même
jour et nuit. Il y a des gens qui ont commen- eu des baby-sitters qui ont été offerts par la
cé et qui ne sont pas restés. Il y en a d’autres Ligue des Familles. Il y avait tout un parte-
qui nous ont rejoints en chemin. Jusqu’au nariat et je dois dire qu’il y a beaucoup de
jour, où après des répétitions et des répéti- gens qui sont venus nous encourager, qui
tions, on nous a dit qu’on allait jouer au sont venus aux répétitions, qui sont venus
Théâtre National. Pour moi, le Théâtre Natio- nous voir : il y avait des juges, des assis-
nal c’était… Je n’avais jamais été au Théâtre tantes sociales, des infirmières de l’ONE… Ça
National d’ailleurs ! C’était beau, hein Hec- leur a permis des ouvertures, d’avoir un autre
tor ! Un beau grand théâtre ! On n’a jamais regard sur nous. C’était une expérience, une
richesse d’avoir joué, d’avoir fait connaissan-
pensé qu’on allait jouer devant un public si
ce avec des gens.
nombreux. Ça nous est arrivé de jouer devant
400, 500, 600 personnes. Et de tous milieux. Yvette : Et on a eu des interviews : il y a eu
On n’a pas pensé qu’on allait avoir du succès des groupes de CPAS qui sont venus nous
comme ça. Alors là, c’était parti. voir et nous questionner.
Yvette : On avait le contact avec le public. Journal de l’alpha : De quoi parlait Les
On distribuait nous-mêmes les boissons… Ambassadeurs ?
Hector : On a fait non pas la soupe populai- Yvette : Dans Les Ambassadeurs, il y avait
re, mais le champagne populaire. plusieurs scènes. Il y avait le placement des
enfants, la scène des huissiers… On était
Journal de l’alpha : Quel a été le rôle des chacun dans plusieurs choses. Il y avait des
professionnels ? personnes qui parlaient de leur vie. On a
Yvette : Les professionnels nous soute- longtemps hésité à le faire. Je crois qu’il y a
naient. Par exemple, Christian, qui faisait le beaucoup de gens qui venaient pour ça
magicien dans la pièce, a été soutenu par un aussi, pour écouter des gens qui vivent des
vrai magicien qui lui a montré des tours. difficultés, etc.
Lorent 2 avait fait un chant pour nous, je Hector : Mais ça a choqué aussi beaucoup de
chantais le couplet et Danielle chantait le personnes, surtout des familles très pauvres,
refrain avec moi. Ça m’a fait drôle devant un ça les a choquées qu’on parle de notre vie
public : arriver seule sur scène… parce que devant tout le monde. C’est normal…
je ne suis quand même pas chanteuse…
Avant ça, j’avais fait partie d’une chorale Yvette : Comme c’était des choses très mar-
dans le Mouvement pendant 7 ans. C’est quantes dans notre vie, c’était bien qu’on en
peut-être ça qui m’a aidée. C’est peut-être parle. Au début, je disais : « je ne veux pas
grâce à ça qu’après, quand Lorent m’a le faire ». Mais, à la fin, je l’ai quand même
demandé de faire ce chant dans Les Ambas- fait. Il y a des gens qui m’ont dit : « tu
sadeurs, j’ai osé. Lui, il aimait bien le natu- n’aurais pas dû ». Et il y a des gens qui
rel des gens. Avant de commencer la pièce, m’ont dit que c’était bien. Il y a toujours
il mettait les gens à l’aise. des critiques.
Hector : On parle toujours de Lorent. Il y Hector : Moi, j’avais rien à raconter, donc
avait quand même aussi Elisabeth 3 qui a j’ai parlé de ce que disent les gens… J’ai
fait beaucoup. Elisabeth, c’est la copine de fait de l’impro aussi. Il y avait un sujet de
La démarche des Ambassadeurs n’était pas facile, mais l’expérience nous a tous changés :
les membres des familles qui en étaient les acteurs, mais aussi le personnel du théâtre.
Le spectacle a également évité un écueil important : on ne fait pas du théâtre avec de
bons sentiments, il fallait que ce soit du bon théâtre et ils y sont arrivés. Si la réalité
même de ces gens était montrée sur scène, c’était transcendé par la mise en scène : il y
avait de la poésie, des images, des tableaux. C’était une parole proche mais transformée
par les outils du théâtre, un encadrement professionnel et technique de qualité qui per-
met de dépasser le côté ‘patronage’. Un tourbillon bénéfique pour l’institution et qui la
remet en question : pourquoi fait-on du théâtre, à qui est-il destiné ?
Jacqueline DE PERMENTIER, Service de la Communication, Théâtre National
(in Alternatives théâtrales, op. cit., p. 65)
Lorsque la vie ne nous a pas gâtés, physi- chant de voir combien tous les comédiens,
quement, intellectuellement ou socialement, surtout le jour de la représentation, met-
les autres nous renvoient souvent une image taient tout en oeuvre pour être beaux et
bien négative de nous-mêmes. On se soumet pour rendre beaux les autres. On avait fait
alors à l’idée que nous ne sommes pas dignes venir une vraie maquilleuse, on ne badine
de beaucoup d’intérêt, on s’empêche d’agir pas avec les détails… jusqu’aux photos du
socialement, on se paralyse. mariage, celles prises dans les coulisses de
la représentation, les plus belles sans aucun
Dans Merveilleux, c’est merveilleux !, indé-
doute, parce que l’essentiel est en général
pendamment de la beauté ou de la laideur
invisible pour les yeux du spectateur.
intérieure des personnages, tout était mis
L’envers du décor révèle ce que le spectacle
en oeuvre pour qu’ils soient beaux sur
suggère : il s’est passé autre chose entre les
scène. Le titre du spectacle n’est sans doute
comédiens et les comédiennes qu’une
pas un hasard : tout devait être merveilleux.
simple représentation théâtrale.
Le contexte d’un mariage, choisi pour être le
centre du scénario, n’est pas non plus étran- Le sujet du spectacle était les médisances,
ger à cette volonté des comédiens de se les moqueries, les non-dits (voir encadré).
montrer sous leurs meilleurs atours, au-delà Tout ce qui fait qu’une personne se sent
des formes, au-delà des âges, au-delà des diminuée. Dans le quartier Ransfort, à
conditions économiques. Il était fort tou- Molenbeek près du canal, la rue renvoie bien
Infos et contact :
Site : www.collectif1984.net
Courriel : [email protected]
« Missing »
Le théâtre est-il un péché à Saint-Josse ?
« Missing » est un spectacle d’atelier mis en scène par le Brocoli Théâtre avec
des habitants des quartiers populaires de Saint-Josse. Dans ce spectacle, les
acteurs réussissent à nous entrainer, nous spectateurs, dans une réalité-
fiction sur les relations hommes-femmes, à travers un jeu incontestablement
de très grande qualité. Pour le Brocoli, cette pièce n’est en rien une expérien-
ce ponctuelle, mais plutôt une démarche issue d’un engagement politique per-
manent. Aventure humaine, entre humour, tendresse et colère, elle nous parle
de l’importance du dire et nous rappelle que tout ce qui nous parait impos-
sible à changer dans ce bas monde doit être parlé, exploré, revisité…
Le 3 mars dernier, la pièce a reçu le Prix J’en 1. Les éditions La Mesure du possible ont publié le
Pince 2009 décerné par Vie Féminine dans le texte de la pièce. Sous le titre Missing. Théâtre-
action à Saint-Josse, Gennaro PITISCI, le metteur
but de sensibiliser le grand public aux
en scène de Missing, y raconte aussi l’aventure qu’a
inégalités liées au sexisme. « Sur scène, des
été la création du spectacle. Cette édition contient
comédien-ne-s amateur-e-s mettent l’accent également des textes de Paul HERMANT (’Pourquoi
sur les fragilités plutôt que sur les réussites, nous éditons’) et d’Ahmed MEDHOUNE, échevin de
remettant en question la domination mascu- la Culture de Saint-Josse à l’initiative du projet.
line, le mythe de l’égalité-déjà-là et tout ce 2. La ’Politique des grandes villes’ a été créée en
qui parait impossible à changer », a expliqué 1999 par le Gouvernement fédéral qui souhaitait
Vie Féminine lors de la remise du Prix. porter une attention particulière aux problèmes
spécifiques rencontrés dans les grandes villes où se
Depuis, des centres culturels ont aussi pro- manifestent avec le plus d’acuité les phénomènes de
grammé le spectacle et le Brocoli a présenté chômage, d’exclusion sociale et de détérioration
une version adaptée de Missing dans des du cadre de vie, alors que les villes constituent
associations afin de toucher des publics par ailleurs l’espace où se concentrent les activités
qu’on ne voit pas dans les lieux officiels de la de développement économique, d’innovation et de
culture. Le spectacle y était suivi d’un débat. services. Face à ce constat, le gouvernement a mis
en place une politique dont l’ambition est de
Gennaro PITISCI permettre le développement harmonieux de la ville
Brocoli Théâtre tant sur le plan économique que sur celui de
l’habitabilité et du respect des citadins.
Ce texte est une version légèrement
modifiée et actualisée d’un article paru
Infos et contact :
dans Traces de changements, n°189,
Site : www.brocolitheatre.be
Savoir écouter, savoir parler,
Courriel : [email protected]
janvier-février 2009, p. 7.
Entre les histoires racontées – finalement il texte, son poème, La statue immigrée : « His-
s’agit toujours de leur propre histoire –, des toire de la statue immigrée aux joues rouges
voix se rencontrent et dialoguent, et des comme des fraises, au visage de lune en plei-
petits joyaux de mots apparaissent que ne nuit, dont un homme est tombé amoureux
j’attrape et note. et qu’il a emportée, mis dans une boite et
« Quand on n’a eu personne pendant des qu’il sort pour regarder chez lui. »
années à qui dire ce qu’on a dans le cœur, La peur d’être reconnue a décidé Zubida à ne
on finit par nous voir parler toute seule dans plus monter sur scène. En plus du visage, il
la rue. » aurait fallu transformer la voix. Technologi-
« Je n’ai jamais été tapée par mon père. quement trop lourd. Alors elle note pendant
Alors je n’aime pas les coups. J’ai peur de la les répétitions. Ainsi se construit peut-être
violence car j’aime trop ma peau. » son plus cher projet : écrire un livre. Au fil
des semaines, naissent des textes de ses
« Il voulait que j’enlève mon foulard pour net- notes. Textes où « les oiseaux immigrés
toyer. Je lui ai demandé ‘mais je vais nettoyer retournent l’été au pays retrouver un peu de
avec mes mains, pas avec ma tête, non ?’ » tendresse » ; « je suis jeune et viens de loin,
« Certaines ne sont pas restées dans l’atelier, mon corps est dressé comme une fleur et
car elles ont eu peur des regards. Mais moi, plein d’énergie, je vole de toit en toit (tradui-
je n’ai pas peur. Moi, je suis cabri mort. Cabri sez : je fais les ménages) ».
mort ne craint pas les couteaux. »
Malgré sa décision de ne plus jamais partici-
Je ne suis pas seul à noter. Parmi ces per à un spectacle, Zubida lit ses textes sur
femmes, il y a la surnommée Zubida. Zubida scène, mais seulement quand il n’y a pas de
a joué dans On ne parle pas que de nous. Elle caméra et de personnes qu’elle connait.
y jouait voilée, intégralement, son propre Quand elle lit, des femmes pleurent. Et après
Jouer la comédie,
ça forge le caractère !
Depuis de nombreuses années, le CIEP 1 de Namur tente d’allier l’appren-
tissage du français à différentes approches artistiques parmi lesquelles on
retrouve le théâtre-action. Ce concept repose sur la construction par le
groupe d’un projet collectif au sein d’un atelier basé sur les techniques théâ-
trales. Les répercussions de ce type d’atelier sont nombreuses. Si l’on accepte
de se donner le temps de respecter le rythme de chacun, on observe chez
les apprenants des changements en profondeur qui vont jusqu’à modifier leur
image identitaire…
Un temps pour que les premières paroles Voici quelques paroles d’apprenants autour
remontent du fond des eaux et osent de ce type de dynamique :
s’exprimer dans une fraternité du risque. « Je me suis épatée car je ne me sentais pas
Un temps de l’écoute qui rend tout son sens capable de parler français en public. » (Sonia)
à la notion de collectif. « Jouer la comédie, ça forge le caractère ! »
Un temps pour passer des premiers doutes (Jenny)
de l’insignifiant à la maturation du propos. « Maintenant, j’ai plus de confiance en moi. »
(Carine)
Un temps de la découverte de ses gestes, de
sa place dans l’espace. « C’est valorisant car on croit qu’on ne vaut
rien et j’ai pu prouver le contraire à ma famil-
Un temps pour mesurer sa responsabilité de
le. » (Vittoria)
créateur-interprète.
« J’ai raté l’examen oral d’aide nettoyante
Tous ces temps fluctuent et restent combinés
mais aujourd’hui, je le réussirais. » (Sonia)
à des activités du domaine théâtral : jeux
d’improvisation, découverte des personnages, « Ça donne de la fierté d’avoir réussi quelque
mémorisation des textes, répétitions, etc. chose ! » (Tous)
Théâtre et développement
Le théâtre-forum selon l’Atelier-Théâtre Burkinabé
A partir des réponses, il orientera les reprises Un échange d’idées a lieu entre spectateurs,
en fonction des centres d’intérêt des specta- spécialistes du problème traité et acteurs de
teurs. Le spectateur/acteur est amené, par la la troupe animatrice. Ce débat offre au public
répartie sous forme de ‘oui, mais…’ des autres de plus amples détails et explications tech-
acteurs, à pousser jusqu’au bout la logique du niques sur la problématique. L’évaluation du
changement préconisé. Le rôle ‘maïeutique’ feed-back du public permet de mieux situer
du joker fait le procès du fatalisme. ses centres d’intérêt comme ses hantises.
« La 3e personne du pluriel »
Le théâtre-forum, un lieu pour amorcer le changement
Le théâtre de l’opprimé
Pour Augusto Boal, fondateur du théâtre de l’opprimé dans les années 1960, le théâtre
est « un langage qui peut être mis au service des opprimés pour qu’ils s’expriment et décou-
vrent, en utilisant ce nouveau langage, de nouveaux contenus ».
Boal poursuit : « Pour comprendre cette poétique de l’opprimé, il ne faut pas oublier son
principal objectif : transformer le peuple, ‘spectateur’, être passif du phénomène théâtral,
en sujet, en acteur capable d’agir sur l’action dramatique. J’espère qu’on mesure clairement
les différences : Aristote instaure une poétique où le spectateur délègue ses pouvoirs au
personnage pour que celui-ci agisse et pense à sa place ; Brecht une poétique où le spec-
tateur délègue ses pouvoirs au personnage pour que celui-ci joue à sa place mais se réser-
ve le droit de penser pour son propre compte, très souvent en opposition avec le personna-
ge. Dans le premier cas, il se produit une ‘catharsis’, dans le second, une ‘prise de
conscience’. Ce que propose la poétique de l’opprimé, c’est l’action même : le spectateur ne
délègue aucun pouvoir au personnage, ni pour qu’il joue, ni pour qu’il pense à sa place ;
au contraire, il assume lui-même son rôle d’acteur principal, transforme l’action drama-
tique, tente des solutions, envisage des changements – bref, s’entraine pour l’action réel-
le. Il se peut que dans ce cas le théâtre ne soit pas révolutionnaire. Mais il est certaine-
ment ‘une répétition’ de la révolution. Le spectateur libéré, retrouvant son intégralité
humaine, se lance dans l’action. Peu importe qu’elle soit fictive : l’important c’est qu’elle
est action ! Tous les groupes de théâtre véritablement révolutionnaires doivent remettre au
peuple les moyens de la production théâtrale pour qu’il les utilise lui-même. Le théâtre est
une arme : c’est le peuple qui doit s’en servir. »
Extrait de : Augusto BOAL, Théâtre de l’opprimé, La Découverte/Poche, Coll. Essais,
1996, pp. 14-15.
Un module de 15 jours
pour créer un spectacle
Un moment privilégié vecteur de mieux-être
et d’intégration pour les demandeurs d’asile
Un carnet de terrain m’a permis de consigner Les participants ont pris une part active
chaque soir le déroulé des séances et ce que dans cette analyse dans la mesure où cer-
j’avais observé et entendu au cours de la tains se sont impliqués dans des entretiens
journée d’atelier. J’ai ensuite réalisé un tra- individuels et dans un travail de récit collec-
vail d’interprétation croisée des témoignages tif où nous avons mis nos représentations en
récoltés pendant, autour et après l’atelier. débat et élaboré ensemble un savoir à partir
Spectacle Le petit poucet – Photo : Corinne Alexandre de cette confrontation.
vers des personnages. Les thèmes se préci- ne sommes pas tout à fait prêts. Les rires
sent. L’ambiance est à la fois au travail et à nerveux fusent. Les décors et les costumes
la fête. Les personnes qui ont accepté de donnent du sens. Chacun commence à y
tenter l’aventure jusqu’au bout sont mainte- croire. C’est fatigant, parfois fastidieux,
nant présentes en connaissance de cause et mais tous jouent le jeu. Ceux qui ne le sen-
elles osent. Plus il y a prise de conscience taient pas nous ont laissé en cours de
de la finalité des exercices effectués, plus la route. Chacun chemine, porte et se laisse
date du spectacle approche et plus le travail porter vers le dernier jour... La répétition
devient sérieux et intense. La tension monte générale se fait quelques heures avant le
doucement. Le travail autour des textes grand soir. On se trompe dans les enchaine-
prend de plus en plus de temps et d’impor- ments, dans les textes. On est trop mou ou
tance. Certains passent parfois plusieurs trop speed. Les metteurs en scène mettent
heures sur quelques phrases, à la fois au la pression, il faut que ce soit bien. Le
niveau du sens précis des mots mais aussi temps de midi est plus calme qu’à
des intentions, des jeux d’acteurs à mettre l’habitude. Les derniers changements et
en place. Les metteurs en scène commen- détails sont pensés et expliqués par
cent à nous faire répéter des morceaux de
l’équipe. Dans les coins de la salle, les uns
scènes. Le spectacle devient ‘réel’.
et les autres répètent leur texte encore et
Le jour qui précède la représentation est encore, aidés parfois pour la prononciation.
particulier. Il y a un mélange de stress et Peur d’oublier, de se tromper, de mal pro-
d’excitation dans l’air. Bien entendu, nous noncer. La concentration est totale.
« Le procès d’Antigone »
nous aide à nous exprimer…
Le mythe d’Antigone
Etéocle et Polynice doivent régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle. Mais Etéocle
veut la place pour lui seul. Sept grands princes étrangers que Polynice a gagnés à sa
cause sont défaits devant les sept portes de Thèbes. Les deux frères ennemis s’entretuent
sous les murs de la ville. Créon, leur oncle et nouveau roi, ordonne qu’il soit fait
d’imposantes funérailles à Etéocle, le bon frère, mais que Polynice, le vaurien, le révol-
té, le voyou, soit laissé sans pleurs et sans sépulture, proie pour les corbeaux et les cha-
cals. Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.
Tandis qu’Antigone viole l’interdit de son oncle pour rendre un dernier hommage à son
frère Polynice, sa sœur Ismène n’a pas le courage de la suivre. Mais quand Antigone est,
à l’issue d’un procès, condamnée à mort par Créon, Ismène, prise peut-être de remords,
veut partager son sort. Elle se heurte alors au refus d’Antigone qui la juge intéressée, ter-
rorisée à l’idée de se retrouver seule survivante de la famille.
L’Antigone de Anouilh, travaillé dans l’atelier, est une reprise et une adaptation de
l’Antigone de Sophocle (496-406 av. J.-C. environ). Contrairement à Sophocle, Anouilh
l’a écrite en prose avec un registre de langue courant à familier, alors que traditionnel-
lement les tragédies sont écrites en vers avec un registre soutenu. Anouilh introduit éga-
lement des anachronismes dans la pièce (les trois gardes jouent aux cartes alors que les
cartes n’existaient pas du temps de Sophocle,…) et prend certaines libertés par rapport
aux règles textuelles de la tragédie classique (il traite les gardes sous un angle familier
et leur donne la parole, alors que dans la tragédie classique ils n’ont pas le droit de
s’exprimer et on ne parle jamais de leur vie privée,…).
sais, le voisin de ma sœur il a pondu neuf Rkia : On travaille aussi pour dire des mots
œufs en or. Tu ne le diras à personne. » Et sa qui sont difficiles à dire. Pour apprendre com-
sœur elle dit : « Non, je ne le dirai à person- ment on prononce. On apprend des nouvelles
ne. » Cette dame-là, elle rencontre le mari phrases en français. Il y a des mots qu’on n’a
de la femme et lui dit : « Il parait que tu as jamais entendus… qu’on dit autrement…
pondu neuf œufs en or. » Et maintenant le
monsieur sait que sa femme c’est une men- Joëlle : Qu’est-ce que Marine dit qu’on ne
teuse, une raconteuse… Ça aussi c’est une peut pas faire ?
scène qu’on a jouée. Malika A.M., Fatimata, Salmata, Rkia :
Fatimata : C’est des exercices. On joue des Ceux qui regardent ne peuvent pas parler. Si
personnages… Une fois on fait l’homme qui quelqu’un dit quelque chose qui n’est pas
parle avec sa femme, une fois on fait juste, c’est Marine qui va corriger. On doit
Roméo… aussi être concentré quand on joue, on ne
Fatimata : Toi, tu notes si on est présent. Malika A.M. : Marine nous met en scène,
Vérification et tout… elle nous montre comment on doit faire :
L’improvisation théâtrale
Construction d’histoires, construction de relations
L’impro est surtout connue pour ses matchs médiatisés mais peu pour tout le
travail de préparation en atelier que ceux-ci demandent. Or, dans un atelier
d’impro, deux niveaux d’objectifs se côtoient : d’une part, la construction
d’histoires, et d’autre part, la construction de la relation. Florence Pire, qui a
animé des ateliers d’impro lors des Universités de Printemps de Lire et Ecrire 1,
développe ici sa conception de l’impro comme moyen ludique et original pour
expérimenter autrement l’entrée en relation avec l’autre.
Pour vous emmener dans cette rencontre décor, pas de costume. Les jouteurs sont à
avec l’impro comme outil de développement la fois scénaristes, metteurs en scène et
des compétences relationnelles, je vais abor- interprètes.
der quelques points de repères qui guident le
Les règles
déroulement des ateliers. Je parlerai surtout
des impros entre deux ‘jouteurs’ 2 mettant Une première règle importante de l’atelier
particulièrement en jeu l’interactivité. Cela est « tout le monde participe à tous les
me permettra d’établir des connexions entre exercices ». Chacun est amené à être à la
les principes de l’impro et les principes de la fois jouteur-observateur et apprend en
communication interpersonnelle. Je présen- regardant et surtout en jouant. Cette
terai également les aspects de pédagogie approche pratico-pratique de l’impro permet
active de l’impro et son intérêt dans aux participants d’être mis dans le bain très
l’apprentissage de compétences. rapidement, de vivre pleinement l’impro et
de prendre conscience de ses liens avec la
L’improvisation théâtrale nous vient du Qué-
communication.
bec et s’est développée en Belgique depuis
20 ans. Dans un espace comparable à la La seconde règle consiste à « laisser sa veste
page blanche de l’écrivain, les jouteurs au vestiaire ». En laissant de côté leurs rôles
construisent ensemble une histoire, brique quotidiens, les jouteurs sont invités à créer
par brique, avec pour seuls matériaux leur des histoires imaginaires, à explorer des uni-
corps, leurs émotions, leur imaginaire et vers hors du connu afin de sortir des sché-
leur ouverture. mas habituels. Ce choix vise à créer de nou-
veaux liens, de nouvelles interactions et à
Comment cela se déroule-t-il ?
(re)nouer des contacts sans différence de
Dans l’improvisation théâtrale, tout est à statut ou de fonction, en modifiant la vision
créer. Pas de texte, pas d’accessoire, pas de que les uns peuvent avoir des autres. Les
Deux niveaux d’écoute sont relevés par des idées et des univers. Le travail portera sur
l’impro : ce qui se dit, ‘l’écoute auditive’, et l’installation d’un rapport à l’autre qui per-
ce qui se montre, se passe, s’installe sans mettra à chaque personnage de se définir tour
les mots, ‘l’écoute visuelle’. Ensemble, tout à tour.
est à créer à ces deux niveaux.
L’acceptation
L’écoute est d’autant plus importante que Le ‘oui et …’ a pour objectif de construire
l’histoire doit rester cohérente, même dans et de raconter une histoire. « Les comédiens
des mondes farfelus, et être respectée par doivent pratiquer le oui sans lequel aucune
tous. La concentration et la mémorisation action n’est possible. Deux comédiens qui
sont suscitées à tout moment. improvisent ne sont pas en état de duel mais
Une écoute idéale permet une parfaite circu- en état de coopération pour écrire. »
larité : il y a réciprocité et chacun y trouve Le ‘oui’, c’est l’écoute et l’acceptation de ce
son compte. Des échanges bilatéraux peu- que le partenaire donne. Cela demande sou-
vent donc s’établir. Le jouteur va trouver des plesse et ouverture aux idées, aux informa-
idées en lui mais aussi en écoutant et en tions et aux univers apportés par l’autre.
observant son partenaire. L’autre devient
source d’inspiration. Porter son intérêt sur S’arrêter au seul ‘oui’ n’apporte cependant
l’autre et se centrer sur lui poussent à la ren- rien de plus. Avec le ‘et’, il s’agit d’amener
contre et à la collaboration. « […] le dépas- des informations supplémentaires pour
avancer, capter tout ce qui se passe et le
sement et l’abnégation de soi […] Tout don-
transformer, le faire évoluer. Une info de
ner à l’autre, s’oublier et par là gagner. »
l’un + une info de l’autre + … : chacun
Le ‘moi je’ n’a pas sa place dans l’impro car le amène une brique à la construction collecti-
jouteur reste alors sur lui-même au lieu d’aller ve. Plusieurs voies s’offrent aux jouteurs et
vers l’autre, et de ce fait, exclut l’imbrication ils en choisissent une à explorer. Les idées
L’expression non verbale Le regard entre les partenaires est très impor-
tant en impro car il permet de partager et de
Les messages qui passent par le non-verbal
créer la complicité. Il est la première relation
sont sujets à de multiples interprétations.
à l’autre. Il introduit une réciprocité dans la
Le partenaire va définir une lecture de ce
communication et assure l’établissement et
que l’autre montre, à partir de ses propres
le maintien du contact. Oser regarder en face
références, de ses propres idées. En y met-
et supporter le regard de l’autre renforcent
tant des mots, il donne un sens au non-ver-
l’affirmation de soi et constituent un atout
bal de son partenaire, il fait avancer
dans de nombreuses situations.
l’histoire en le situant dans un contexte, un
univers. Son équipier sera alors tenu Les émotions sont également travaillées en
d’accepter cette interprétation. impro. Elles sont des moteurs aux person-
nages et aux histoires. Elles donnent des
Il ne s’agit pas nécessairement de faire
couleurs à la vie comme aux histoires.
quelque chose pour qu’il y ait communica-
L’authenticité et la sincérité des émotions
tion. Dès que deux personnes ou plus sont
sont valorisées au détriment des stéréotypes
ensemble, elles communiquent, qu’elles le
et des caricatures.
veuillent ou non. Le jeu théâtral va se servir
énormément des différentes lectures pos- Les émotions permettent à la personne de
sibles. Le jouteur joue avec des nombreux communiquer spontanément son ressenti
éléments non verbaux ‘parlants’ comme les mais aussi de décoder rapidement ce que son
expressions faciales, les expressions vocales, interlocuteur éprouve, sa disposition. Ce tra-
les silences, les gestes, les mouvements du vail permet d’être davantage conscient des
corps, la présence, l’utilisation de l’espace,… émotions que la personne communique et de
Conclusions et perspectives
L’impro se révèle un outil intéressant pour la
formation personnelle tant des intervenants
sociaux (au sens large) que des populations
avec lesquelles elles travaillent. Plusieurs
Atelier d’impro, Université de Printemps
usages de l’impro peuvent, en effet, être
Les debriefings sont des temps de verbalisa- relevés à destination de différents publics.
tion qui invitent les participants à s’exercer Tout d’abord, un atelier d’impro peut être
à la métacommunication, à la communica- envisagé comme un axe d’une formation
tion sur la communication. « Lorsque nous visant la communication, l’expression ver-
ne nous servons plus de la communication bale et non verbale.
pour communiquer, mais pour communiquer
Il peut également constituer un temps de
sur la communication, ce qui est absolument travail sur soi et de développement person-
nécessaire dans des recherches concernant la nel. Les participants se surprennent eux-
communication, nous avons recours à des mêmes. Ils découvrent des possibilités qu’ils
conceptualisations qui ne sont pas une par- n’avaient pas ou peu explorées. Ils se voient
tie de la communication mais un discours sur autrement et osent de nouvelles expé-
la communication. » 8 riences. « Le théâtre est un indéniable outil
Les jouteurs ne sont plus dans les exercices de développement de l’individu. Il aide à
d’impro et ils portent un regard extérieur sur lever certaines inhibitions, il optimise la
ce qu’ils ont joué, vécu. Chacun peut évaluer créativité, il permet d’oublier le stress de la
sa propre attitude et sa manière d’entrer en vie quotidienne, il apprend à vivre ensemble
relation. « Le théâtre – ou la théâtralité – est puisqu’il est toujours une aventure collective.
cette propriété humaine qui permet que le Il aide aussi (et surtout) la personne qui le
sujet puisse s’observer lui-même, en action. La pratique à s’installer dans une connaissance
connaissance de soi qu’il acquiert ainsi lui per- de soi féconde et évolutive. Cela ne fait pas
met d’être le sujet (celui qui observe) d’un pour autant du théâtre un lieu thérapeutique
mais plutôt une aventure qui aurait des
objet, qui est un autre sujet : lui-même. Cette
effets éventuellement thérapeutiques. » 10
capacité lui permet d’imaginer des variantes à
son action, d’inventer des alternatives. […] Il L’impro suscite les interactions et rend le
(le théâtre) permet de voir et d’écouter. En groupe davantage porteur et moteur. Elle
voyant et en écoutant – et en se voyant et en amène les personnes à créer de nouveaux
s’écoutant –, le protagoniste acquiert des liens, de nouvelles relations et à renouer des
Journal de l’Alpha : Quel a été le point de Journal de l’Alpha : Que s’est-il passé ?
départ de l’atelier ?
Danielle : L’atelier était financé comme
Danielle : J’avais fait, en avril 2007, un ‘atelier d’initiation à une pratique artis-
stage d’improvisation théâtrale avec Florence tique’ dans le cadre des projets Alpha-Cultu-
Pire 1 à l’Université de Printemps de Lire et re de la Communauté française (voir encadré
Ecrire 2. Cet atelier était pour moi une décou- p. 104). Une des conditions pour réaliser ce
verte. Suite à ce stage, j’ai eu envie de mener type de projet, est de le mener en collabo-
un atelier d’impro avec des participants de la ration avec une structure ou une personne
locale. Beaucoup de participants se plaignent extérieure qualifiée dans le domaine artis-
de ne pas sortir souvent de leur communau- tique. Nous avons donc fait appel à un artis-
té et donc de n’avoir que rarement l’occasion te, Mathieu Richelle de la Compagnie Rico-
de parler français en dehors des cours. Je me chets. Son arrivée a fait évoluer le projet
suis dit : pourquoi pas un atelier d’impro- vers une création artistique. A la base,
visation théâtrale ? J’ai donc refait en avril Mathieu n’avait aucune connaissance du
2008 un deuxième stage d’impro dans public et par ailleurs le projet avait été
l’intention de consolider, d’un point de vue conçu pour un public qui avait un relative-
technique, mes acquis restés très relatifs ment bon niveau à l’oral, mais ce n’est pas
après le premier stage et d’intégrer les diffé- ce public qui est venu. On a eu des partici-
rentes étapes du processus. J’ai alors lancé pants qui savaient à peine parler, qui com-
l’atelier en octobre… mais ce projet a finale- prenaient à peine ce qu’on disait. On a dû
ment tourné tout autrement. s’adapter et envisager les choses autrement.
Les projets ‘Alpha-Culture’ peuvent être de trois types : initiation à une pratique artis-
tique rencontrant des enjeux d’apprentissage et d’expression, réalisation collective de
type artistique ou culturel, promotion et diffusion d’une réalisation collective de type
artistique ou culturel.
Les associations organisant régulièrement des formations d’alphabétisation et d’alpha
FLE débutant reconnues, agréées ou subventionnées par la Communauté française, la
COCOF ou la Région wallonne peuvent rentrer un projet ‘Alpha-Culture’. Pour cela, elles
doivent concevoir et développer leur projet en collaboration soit avec une structure artis-
tique ou socio-artistique connue ou reconnue par la Direction générale de la Culture de
la Communauté française, soit avec un intervenant artistique ayant des compétences
dans le domaine artistique et pédagogique. Les structures artistiques ou socio-artistiques
connues ou reconnues par la Direction générale de la Culture peuvent également rentrer
un projet, mais uniquement si ce dernier concerne la promotion et la diffusion d’une réa-
lisation.
Le texte de la circulaire du 19 juillet 2007 instaurant l’appel à projets ‘Alpha-Culture’
ainsi que le formulaire de demande sont téléchargeables à la page :
www.educperm.cfwb.be
Photo : Nadine Nollet
Danielle : Ça a été super extra. Autant ça a Danielle : La prochaine fois, j’ai envie de
été dur de mener l’atelier, autant ce qu’ils faire du théâtre-action pour mettre les
ont ramené par la suite était génial. Au paroles, les attentes, les demandes des par-
départ, à part l’un ou l’autre qui suivait déjà ticipants en valeur, pour développer une
des cours à la locale l’année dernière, les
Photo : Nadine Nollet
Pratiques théâtrales :
pistes bibliographiques
Cette bibliographie apporte un éclairage, créativité, notamment par les techniques
intéressant quoique forcément incomplet, de l’improvisation, et à apprendre, au sein
sur les différentes facettes du théâtre et d’un groupe, à s’écouter tout en respectant
les nombreuses exploitations auxquelles il les règles du jeu théâtral.
peut donner lieu en animation.
Pratiques théâtrales
Dans la partie intitulée ‘Pratiques théâ-
et militantisme
trales et militantisme’, nous verrons qu’il
existe différentes manières de dénoncer, à BOAL Augusto, Jeux pour acteurs et
travers le théâtre et notamment à travers non-acteurs : Pratique du théâtre de
des créations de théâtre-action, l’injustice l’opprimé, La Découverte, 1995, 260 p.
sociale et politique de nos sociétés, tout En 1971, Augusto Boal, dramaturge et
en impliquant le spectateur dans une écrivain brésilien est arrêté, torturé et
réflexion et une action collectives. expulsé de son pays où, comme dans de
La deuxième partie de cette bibliographie nombreux pays d’Amérique latine, règne la
s’intéresse aux expériences de créations dictature. C’est à cette époque qu’il théo-
vécues dans des groupes d’alphabétisation. rise le théâtre de l’opprimé en réponse à
Celles-ci se révèlent instructives et épa- l’oppression et à la persécution du peuple.
nouissantes, respectivement sur le plan de Les différentes formes de ce théâtre abor-
l’apprentissage de la langue et comme vec- dées dans l’ouvrage sont le théâtre-image,
teur de communication entre l’apprenant le théâtre-forum et le théâtre invisible. 1
et le monde qui l’entoure. Les créations Le théâtre de l’opprimé se veut un théâtre
présentées ont pour toile de fond la problé- politique et esthétique. Son originalité
matique de l’illettrisme ou d’autres ques- réside dans le fait que le spectateur a la
tions de société. possibilité de devenir protagoniste de
Enfin, le théâtre est également un excellent l’action dramatique et de poser un acte
outil de communication interpersonnelle et ‘libérateur’ lors d’une représentation. L’idée
de développement personnel. La dernière est qu’un spectateur capable d’analyser et
partie propose dès lors différents ouvrages de modifier les donnes d’un monde fictif
rassemblant des exercices d’initiation à la pourra en faire de même dans la société.
pratique théâtrale afin d’exploiter, en grou- Le théâtre de l’opprimé est un stimulant et
pe dans le cadre d’un atelier théâtre ou en une méthode d’action politique qui doit
individuel, l’immense potentiel de notre être pratiquée massivement pour avoir un
corps notamment au niveau de la voix et de véritable impact.
la gestuelle. Les nombreux exercices présen- Sur le plan dramatique, Boal se sert des
tés sont également destinés à stimuler la apports de Constantin Stanislavski 2. Il
Créations collectives en
formation d’alphabétisation
Théâtre alphabétisation, pratique
en alphabétisation populaire,
COMSEP, 1996, 132 p.
Ce document rapporte une expérience de
théâtre réalisée avec des personnes en
processus d’alphabétisation au COMSEP
(Centre d’organisation mauricien de ser-
vices et d’éducation populaire, Québec).
Depuis 1986, cet organisme propose à un
public en processus d’alphabétisation des
activités conscientisantes en vue de trans-
former les rapports sociaux.
La pièce retranscrite dans ce document a
été écrite par des participants. Elle a pour
thème la conjoncture sociale de la société Les textes issus de ces ateliers sont des
québécoise. L’objectif premier de la créations collectives réalisées par des per-
démarche était de favoriser l’apprentis- sonnes impliquées dans des organisations
sage du français (lecture, écriture, com- d’Education permanente, volontaires ou
préhension de textes, recherche de mots indépendantes. Crées en collaboration
difficiles, expression orale, etc.) par le avec le Théâtre des Rues, troupe de
biais du théâtre. Dans la perspective de théâtre-action reconnue par la Communau-
jouer leur propre pièce de théâtre devant té française, ces pièces abordent notam-
un public, les participants étaient particu- ment la problématique de la crise écono-
lièrement motivés lors des ateliers mique, du chômage et du travail dans les
d’écriture, de lecture et d’expression orale. années quatre-vingts. « Faire du théâtre-
La représentation leur a permis de dépas- action c’est refuser d’accréditer l’idée d’une
ser leur peur, de s’exprimer en public et culture populaire inexistante ou confinée
d’améliorer leur estime personnelle. dans la convivialité et le localisme. »
entreprises multinationales. Ce jeu permet Dans les pays du Sud, les marchés sont inon-
de mieux comprendre l’intérêt et les effets dés de produits importés à bas prix, qui bou-
de la solidarité internationale entre tra- leversent les habitudes alimentaires de la
vailleurs face à leur mise en concurrence par population et ruinent l’agriculture paysanne
la globalisation. qui ne peut concurrencer les importations.
- Prix tout compris : un dossier pour réfléchir Incontestablement, les lois du commerce
et agir à propos de notre consommation. Il agricole international et les politiques agri-
comprend une proposition d’animation à coles inappropriées sont en cause : elles ont
partir d’une paire de baskets ainsi que des ruiné les petits paysans et poussé les autres
informations décrivant la face cachée de dix à accroitre leur productivité par tous les
produits de consommation. Il comprend moyens. Ces politiques soutiennent le déve-
aussi un DVD Du Sud au Nord. loppement des multinationales et mettent
- Travail décent - vie décente : un photo-lan- l’environnement en danger.
gage permettant une réflexion sur la notion Pour Entraide et Fraternité qui mène campagne
de travail décent tant au Sud qu’au Nord. sur la souveraineté alimentaire, les politiques
- divers DVD montrant des situations où les commerciales internationales doivent :
droits élémentaires des travailleurs sont 1. Permettre aux Etats d’appliquer des poli-
bafoués, les conditions dans lesquelles sont tiques qui favorisent une agriculture familia-
fabriqués les produits que nous consom- le et une alimentation de qualité accessible
mons, les liens concrets entre l’émigration à toutes et tous. A cet effet, les moyens
et l’exploitation du Sud par les multinatio- pour protéger certaines productions doivent
nales… 2
être renforcés comme doivent être appli-
> Pour tout renseignement : quées les revendications des pays du Sud en
Alain de MÛELENAERE – CNCD faveur d’une régulation internationale des
Tél : 02 250 12 60 produits agricoles de base.
Courriel : [email protected] 2. Assurer des prix agricoles qui permettent
> Pour commander la mallette : aux agriculteurs et agricultrices de vivre
Christian LAUVERGNE – CNCD décemment de leur travail. En Europe, les
Tél : 02 250 12 54 agriculteurs reçoivent des subventions pour
Courriel : [email protected] leurs productions, ils peuvent donc écouler