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ISSN : 2226-2695

LA REVUE DU CENTRE DE RECHERCHE


ET D'ETUDES EN LITTERATURE
ET SCIENCES DU LANGAGE

Revue semestrielle N°9- Décembre 2019

Université Félix Houphouët-Boigny


ISSN : 2226-2695 UFR Langues, Littératures et Civilisations
LA REVUE DU CENTRE DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN
LITTERATURE ET SCIENCES DU LANGAGE
Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan
Revue semestrielle N° 09 • Décembre 2019 UFR Langues, Littératures et Civilisations
ISSN : 2226-2695

• Études de didactique, de linguistique et de stylistique

• Théories et analyses littéraires


Illustration: Masque Senoufo (logo de l’université Félix Houphouët Boigny)

• Cinéma, arts du spectacle et autres arts


Réalisation :

• Sylvie NIAMKEY
• Spiritualité et littérature orale
- CRELIS (Centre de Recherche et d'Études en Littérature et Sciences du Langage)
BP V 34 Abidjan - E-mail: [email protected]

- JCR Editions
04 BP 1433 Abidjan 04 - Tél. 08 03 06 56

Dépôt légal: Décembre 2019

Université Félix Houphouët-Boigny


UFR Langues, Littératures et Civilisations 04 HP 1433 Abidjan 04
R.CJ.
DIRECTEUR DE PUBLICATION
Prof. KOUADIO Kobenan N’guettia Martin

RÉDACTEUR EN CHEF
Dr. DIOMANDÉ Mory

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT


Dr. FOBAH Éblin Pascal

COMITÉ SCIENTIFIQUE

- Adama COULIBALY
Professeur titulaire Vice-Doyen de l’UFR Langues, Littératures et Civilisations
Spécialités : Roman africain, Sémiotique littéraire, Littérature postmoderne et Narratologie
Université de Cocody – Abidjan, Côte d’Ivoire

- Djah Célestin DADIÉ


Professeur titulaire Vice-Doyen UFR Communication, Milieu et Société)
Chef du Département de Lettres Modernes - Directeur de publication de la Revue
scientifique Lettres d’Ivoire - Spécialités: Littérature française, option: Poésie francophone
Université de Bouaké, Côte d’Ivoire

- Jean DERIVE
Professeur émérite - Spécialités : Littérature comparée (mention francophonie, littératures
africaines écrites et orales) - Université de Savoie / LLACAN, France

- Joëlle GARDES-TAMINE
Professeur des Universités - Spécialités : Grammaire et Stylistique -Université Paris IV
Sorbonne, France

- Xavier GARNIER
Professeur des Universités - Spécialités : Littératures française et francophones
EA: «Ecritures de la modernité» - Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, France

- Samia KASSAB-CHARFI
Professeur des universités - Spécialités: Littératures française et francophone des XIXe et
XXe siècles. Stylistique. Rhétorique - Université de Tunis, Tunisie

- Christophe KONKOBO
Ph.D. Assistant Professor of Francophone Studies -Spécialité : Théâtre africain
contemporain - Department of Languages, Literature, & Philosophy
Tennessee State University, Nashville TN, USA

- N’guessan Jérémie KOUADIO


Professeur Titulaire en Sciences du langage - Doyen de l’UFR Langues, Littératures et
Civilisations - Université de Cocody-Abidjan, Côte d’ivoire

- Jean LASSEGUE
Directeur du CREA au CNRS - Spécialité : Anthropologie - Paris IV Sorbonne, France
- Ayébi Aïssa Anna MANOUAN
Maître de Conférences - Spécialités : Science du Langage (Linguistique, didactique de
l’anglais, psycholinguistique) - Membre du Laboratoire de Recherche et d’expérimentation
Citoyenneté Active pour le Développement Durable (LA.R.C.A.D.D.)
Université de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire

- Emmanuel MATATEYOU
Maître de conférences (Habilité à Diriger des Recherches, HDR)
Spécialités: Poétique de l’oral, Didactique des littératures africaine et francophone
Ecole normale supérieure, Université de Yaoundé 1, Cameroun

- Georges MOLINIÉ
Professeur des Universités - Spécialité : Stylistique - Paris IV Sorbonne, France

- Aboubakar OUATTARA
Maître de Conférences - Spécialités : Sémantique cognitive et sémantique énonciative en
corrélation avec les solutions syntaxiques et l’entourage pragmatique ; analyse linguistique
des textes francophones - Université de TROMSØ, section de français, Norvège

- ┼ Bernard ZADI ZAOUROU


Maître de conférences - Spécialités : Stylistique, Linguistique, Poétique et Littérature orale
Université de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire
TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE : STYLISTIQUE, DIDACTIQUE, GRAMMAIRE


ET LINGUISTIQUE ............................................................................................................ 5

AKROBOU Agba Ezechiel, BAMBA Dochienmè Mathieu, Pour une conception


interdisciplinaire de la traductologie : les théories de la traduction .......................................... 6
KONAN Kouamé Richard, Approche stylistique de la ponctuation dans l’œuvre théâtrale
de Sony Labou Tansi ............................................................................................................ 19

DEUXIÈME PARTIE : THÉORIES ET ANALYSES LITTÉRAIRES .......................... 38

N’GUESSAN Larroux Béatrice, Le « Roman total » ou l’autobiographie générationnelle


d’Annie Ernaux……………. ............................................................................................... 39
COULİBALY Nakpohapédja Hervé, La décolonialité dans Le rȇve mexicain
et Diego et Frida de Jean-Marie Gustave Le Clézio……... ................................................... 56
MPAMY Lucien, Regard anatomique sur le corps social parisien : Germinie Lacerteux
(1865) d’Edmond et Jules de Goncourt………. .................................................................... 67
TIBIRI Dieudonné, Rôle et utilité du cadre de vie dans Loin de mon village, c’est
la brousse de Sayouba Traoré ............................................................................................... 80
CAMARA Stanislas Modibo, Actualisation de la poétique du métissage culturel face
aux défis de la mondialisation ............................................................................................... 96
FAYE Bernard, Le bourg de Louga et la ville de Dakar : deux terroirs, deux réalités
socio-culturelles dans Maïmouna d’Abdoulaye Sadji .......................................................... 108
COLY Augustin, L’incommunicabilité et les sous-entendus dans Chanson douce de Leïla
Slimani et Je m’appelle Lucy Barton d’Elizabeth Strout ..................................................... 121

TROISIÈME PARTIE : LITTÉRATURE ORALE, CINÉMA, ARTS


DU SPECTACLE ET AUTRES ARTS ........................................................................... 134

ALADE Jean-Jacques Angoua, Poésie et peinture : Rimbaud et les impressionnistes ....... 135

Table des matières ............................................................................................................ 145


6

POUR UNE CONCEPTION INTERDISCIPLINAIRE


DE LA TRADUCTOLOGIE : LES THÉORIES DE LA TRADUCTION

AKROBOU Agba Ezechiel


[email protected]
BAMBA Dochienmè Mathieu
[email protected]
Université Félix Houphouët Boigny

RÉSUMÉ
La traduction est aujourd’hui un point de rencontre de diverses activités sociales,
économiques, scientifiques, etc. Du fait de la mondialisation, nous sommes à l’ère de la
traduction. C’est à juste titre que la traductologie prend tout son sens en tant qu’ensemble
des réflexions relatives aux phénomènes traductionnels, d’autant plus que le monde actuel
repose essentiellement sur les échanges d’ordre traductif qui ont lieu entre divers peuples ou
organismes internationaux. La présente étude vise à rendre raison de la traductologie comme
une science interdisciplinaire. Pour ce faire, elle s’appuie sur les théories de la traduction
comme outils d’analyse des phénomènes traductionnels, à cheval entre la traductologie et
d’autres sciences connexes.

MOTS-CLÉS : traduction – traductologie – science interdisciplinaire – phénomènes


traductionnels.

RESUMEN
Hoy en día, la traducción es un punto de encuentro entre diversas actividades sociales,
económicas, científicas, etc. Debido a la mundialización, nos encontramos en la era de la
traducción. La traductología cobra todo su sentido, con razón, como conjunto de reflexiones
relacionadas con los fenómenos traductivos, ya que el mundo actual se fundamenta en
esencialmente en los intercambios de índole traductiva que se dan entre diversos pueblos u
organismos internacionales. El presente estudio busca presentar la traductología como una
ciencia interdisciplinar. A este respecto, se apoya en las teorías de la traducción como
herramientas de análisis de los fenómenos traductivos, a caballo entre la traductología y
otras disciplinas afines.
PALABRAS CLAVE : traducción – traductología – ciencia interdisciplinar – fenómenos
traductivos.

INTRODUCTION
L’essence de la traductologie réside dans sa diversité conceptuelle. Les théories de la
traduction sont des outils d’analyse des phénomènes traductionnels. Elles servent de point
d’ancrage à l’étude de la traduction, selon des orientations diverses. En réalité, elles fondent
l’interdisciplinarité de la traductologie. C’est grâce aux théories de la traduction que la
traductologie a la particularité de coexister avec de nombreuses sciences qui ont également
7

pour objet l’étude de la traduction. Dès lors, cette analyse a pour objectif de rendre raison du
caractère interdisciplinaire de la traductologie, à travers les théories de la traduction. Notre
étude s’organise autour de trois axes essentiels, c’est-à-dire l’analyse des théories
linguistiques, de la théorie interprétative et de la théorie du skopos.

1. VERSLA CONSOLIDATION DE L’HÉRITAGE DE LA LINGUISTIQUE DANS LES


ÉTUDES TRADUCTOLOGIQUES : LES THÉORIES LINGUISTIQUES DE LA
TRADUCTION
Avant tout propos, il est important de signaler que la traductologie et la linguistique sont
deux sciences distinctes. L’histoire de la traductologie révèle qu’il s’agit d’une science
«nouvelle et ancienne à la fois» (Milliaressi, 2011: 11). En réalité les idées traductologiques
ont existé depuis des temps très anciens. Mais, ces idées étaient diffuses et peu organisées
pour former un système cohérent pouvant faire l’objet d’une étude scientifique rigoureuse.
Tatiana Milliaressi (ibidem) dit que l’intérêt de la linguistique pour les études
traductologiques a permis une «prise de conscience des bases théoriques de la traduction ».
Même si les premières tentatives de description de la traduction ont été faites dans une
perspective «issue de la linguistique», la traductologie est « dotée de sa méthodologie propre»
de nos jours.
1.1. LA THÉORIE LINGUISTIQUE ET LES TYPES DE TRADUCTION
Vinay et Darbelnet distinguent deux types de traduction: la traduction directe ou littérale et la
traduction oblique. Le modèle de la «stylistique comparée» considère une traduction comme
directe ou littérale lorsque «le message en langue de départ se laisse parfaitement transposer
[…] en langue d´arrivée, parce qu´il repose soit sur des catégories parallèles (parallélisme
structural), soit sur des conceptions parallèles (parallélisme métalinguistique)» (Raková,
2014: 89). En revanche, une traduction est dite oblique lorsque le traducteur dénote des
difficultés, inhérentes à la structure des langues impliquées dans le processus de traduction,
qu’il lui faudra combler par des tournures linguistiques. Ces deux types de traduction donnent
lieu à sept procédés de traduction, en fonction du type de traduction.

Vinay et Darbelnet définissent des procédés de traduction exposés ci-après par Mathieu
Guidère (2016 : 45) : «l’application des critères leur permet de distinguer sept procédés
techniques de traduction : trois procédés directs (l’emprunt, le calque, la traduction littérale)
et quatre procédés obliques (la transposition, la modulation, l’équivalence, l’adaptation)».
Pour Raková (2014: 95) l’emprunt «est le plus simple des procédés». Il consiste pour le
traducteur à utiliser dans sa traduction des termes (étrangers), propres à la langue-source, et de
8

les adapter à la langue-cible. Quant au calque, il consiste à emprunter (sans adapter), à la


langue-source, une structure syntagmatique dont les différents éléments sont traduits dans la
langue-cible. Raková (ibidem) affirme, à ce sujet, que l’usage du calque peut aboutir à deux
situations: «soit à un calque d´expression, qui respecte les structures syntaxiques de la
langue-cible, en introduisant un mode expressif nouveau, soit à un calque de structure, qui
introduit dans la langue-cible une construction nouvelle.» La traduction littérale est
également appelée traduction mot-à-mot. Elle désigne le passage de la langue-source à la
langue-cible en respectant scrupuleusement la structure syntaxique et syntagmatique; elle
aboutit à un texte à la fois correct et idiomatique. (Raková, idem: 96). La transposition est un
procédé qui consiste à formuler différemment une partie du texte-source, sans pour autant
altérer le sens de ladite partie dans le texte-source. Raková (idem: 98) illustre cette définition
avec l’exemple ci-après:

«"Il a annoncé qu´il reviendrait" devient par transposition du verbe subordonné en


substantif: "Il a annoncé son retour". Cette seconde tournure sera appelée tournure
transposée, par opposition à la première, qui est tournure (sic!) de base.»1

En ce qui concerne la modulation, elle s’obtient en changeant de point de vue dans la


traduction du texte de départ afin d’éviter l’emploi d’un mot ou d’une expression qui serait
inappropriée dans la langue d’arrivée. Pour Raková (idem: 99), «elle se justifie quand on
s´aperçoit que la traduction littérale ou même transposée aboutit à un énoncé
grammaticalement correct, mais qui se heurte au génie de la langue d´arrivée.» En clair, elle
emmène le traducteur à changer la catégorie grammaticale d'un mot ou d'un groupe de mots
sans changer le sens du message. En ce qui concerne l’équivalence, le traducteur doit
comprendre la situation dans la langue de départ et trouver l’expression équivalente
appropriée qui s’utilise dans la même situation dans la langue d’arrivée. Dès lors, il procède à
une rédaction du message entièrement différente d’une langue à l’autre. Le procédé de
l’équivalence est plus utilisé pour les exclamations, les expressions figées ou les expressions
idiomatiques. L’adaptation est une situation «extrême de la traduction» (Raková, idem:
100). Elle est utilisée lorsqu’un concept ou un fait culturel est présent dans le texte-source,
mais n’a pas de correspondance culturelle directe dans la langue-cible. Dans ce cas, le
traducteur doit rendre ledit contexte par «une équivalence de situations.» (Raková, idem: 101)

1
Le texte a été mis en gras par nous, pour mettre l’accent sur les exemples énoncés.
9

La principale critique à son encontre est sa focalisation sur le seul aspect linguistique de la
traduction. La théorie de l’équivalence dynamique se présente, dans cette optique, comme une
remise en question de la théorie linguistique de la traduction.

1.2. LA THÉORIE DE L’ÉQUIVALENCE DYNAMIQUE


La théorie de l’équivalence a été développée par Eugen Nida et Charles Taber. Elle a été la
première théorie de la traduction à tenter d’expliquer le phénomène traductionnel au-delà de
la dimension purement linguistique. De ce point de vue, nous pouvons affirmer que la théorie
de l’équivalence dynamique a permis aux traductologues du XXème siècle d’établir les bases
d’une traductologie qui élargit le champ linguistique à une dimension interculturelle. Notre
analyse s’appuie sur les questions essentielles suivantes: que recouvre le concept
d’équivalence? Dans quelle mesure la théorie de l’équivalence est-elle à mi-chemin entre la
langue et la culture? Et quel est son apport à la traductologie moderne?

Dans un premier temps, il faut observer que le concept novateur de cette théorie, vis-à-vis de
la théorie linguistique est "l’équivalence". Dans la perspective purement linguistique, Vinay et
Darbelnet en avait fait un simple procédé de traduction. En revanche, Nida et Taber,
promoteurs de la théorie de l’équivalence, ont insufflé un dynamisme à cette notion. Pour ce
faire, ils l’ont positionnée au centre de la définition de la traduction: «la traducción consiste
en reproducir, mediante una equivalencia natural y exacta, el mensaje de la lengua original
en la lengua receptora, primero en cuanto al sentido y luego en cuanto al estilo»1 (Nida et
Taber, 1970: 40). La notion de l’équivalence est devenue, à ce titre, une notion essentielle de
la traductologie. Cela a poussé Rosa Rabadán (1991: 291) à affirmer: «noción central de la
disciplina translémica, de carácter dinámico y condición funcional relacional, presente en
todo binomio textual y sujeta a normas de carácter sociohistórico. Determina, con propiedad
definitoria, la naturaleza misma de la traducción»2.

1.3. THÉORIE DE L’ÉQUIVALENCE ET TRADUCTION DE LA CULTURE


La théorie de l’équivalence insiste sur les conditions de réception de la traduction. Elle
s’inscrit, de ce fait, dans la perspective de la sociologie de la réception. Dans cette dynamique,
elle analyse les différences culturelles qui peuvent exister entre le texte-original et sa

1
«La traduction consiste à reproduire; par une équivalence naturelle et exacte, le message de la langue
originelle dans la langue réceptrice, d’abord en ce qui concerne le sens et ensuite en ce qui concerne le style.»
(La traduction est de nous.)
2
«Notion centrale de la discipline translémique, ayant un caractère dynamique et une condition fonctionnelle
relationnelle, présente dans tout binôme textuel et sujette à des normes à caractère sociohistorique. Elle
détermine, avec une propriété définitionnelle, la nature même du de la traduction.» (La traduction est de nous.)
10

traduction. Cette différence de culture constitue, de facto, un problème à résoudre pour tout
traducteur, au moment de se lancer dans un processus de traduction. La réalité de la culture
implique que dans la traduction il faut intégrer les habitudes langagières et
communicationnelles propres à chaque peuple. Il est, certes, vrai qu’il existe dans certains cas
des équivalences invariables d’ordre lexical, syntaxique ou culturel, mais la prise en compte
de l’aspect culturel transforme la traduction en une activité où les équivalences se négocient.
Amparo Hurtado Albir (2001: 209) donne certaines situations de traduction qui illustrent
notre point de vue:

«es cierto que pueden proponerse una serie de elementos que, en principio, serían directamente
transcodificables cuando se encuentran en un texto: las unidades léxicas monosémicas (Bordeaux=Burdeos;
mil=thousand, etc.) las frases hechas (It’s raining cats and dogs=Llueve a cántaros, etc.); las unidades léxicas
polisémicas según campos léxicos (el término francés ancre si se refiere a la marina equivale al español áncla,
en relojería a áncora y en arquitectura a grapa); determinados elementos morfosintácticos (el participio
especificativo francés equivale en español a una oración de relativo); los gestos (en muchas culturas para negar
no se mueve la cabeza a derecha e izquierda sino que se levanta); los elementos culturales (el pan de la cultura
occidental corresponde al arroz en otros culturas), etc. »

2. LA THÉORIE INTERPRÉTATIVE OU THÉORIE DU SENS


La théorie interprétative est aussi appelée théorie du sens. Elle s’est développée au sein de
l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT) de Paris. Cette théorie est
d’inspiration francophone; c’est à juste titre qu’on l’appelle souvent la théorie de l’École de
Paris. Les principaux promoteurs de cette théorie sont Danica Seleskovitch, Marianne
Lederer, Jean Delisle et Amparo Hurtado Albir (cf. Moya, 2010: 69 cité par Raková, 2014 :
144). La théorie interprétative est née de l’observation de la traduction orale ou interprétation.
Ses méthodes et ses concepts fondateurs font d’elle une théorie qui s’applique prioritairement
à l’interprétation. À ce sujet, elle stipule que la traduction ne doit pas se focaliser sur les mots
(écrits ou entendus), mais se concentrer sur le sens véhiculé par le canal de ces mots.
Comment la théorie interprétative définit-elle la traduction ? Quels sont les notions clé de
cette théorie ? Et, comment contribue-t-elle à enrichir les outils d’analyse dont dispose la
traductologie ?

2.1. LES NOTIONS DE SENS ET DE SIGNIFICATION : L’ESSENCE DE LA THÉORIE

INTERPRÉTATIVE

Le sens constitue un élément important dans la théorie interprétative. Dans cette perspective,
ce qui devrait compter le plus dans une traduction, c’est le sens (conformément à la théorie
objet de la présente analyse). C’est à juste titre que cette théorie est également appelée théorie
du sens. La théorie interprétative envisage la traduction, non pas comme un travail que le
traducteur doit opérer sur la langue, mais plutôt sur le message. Comment faut-il comprendre,
11

en effet, le message, puis le ré-exprimer ? Pour résoudre cette problématique, la distinction


entre les notions de sens et de signification est d’une grande importance dans la théorie du
sens.

De prime abord, le sens et la signification sont compris comme des termes synonymes. Mais,
dans la perspective de la théorie interprétative de la traduction, il convient de voir une nuance
dans la définition de ces notions. Du point de vue des théoriciens du sens, l’absence de
distinction entre ces deux notions pourrait conduire le traducteur à détourner son attention du
message pour ne "superposer" que des mots. Le contexte extralinguistique a une fonction
primordiale dans la distinction que la théorie interprétative opère entre le sens et la
signification. Par contexte, il faut comprendre l’ensemble des événements, faits ou
circonstances qui entourent le message à traduire. Le contexte représente un facteur
d’actualisation du message à traduire. C’est par le contexte qu’un mot donné s’individualise
d’un énoncé à l’autre. Hors du contexte, les mots ont un caractère ouvert. Chaque mot
considéré de façon isolé peut, ipso facto, renvoyer à un chapelet de concepts. Dans le cadre de
la théorie interprétative, chacun des concepts auxquels un mot peut se référer est appelé
"signification". En revanche, lorsque le discours est inscrit dans un contexte, l’une de ces
significations possibles s’actualise pour devenir le sens. Cela nous amène à dire que le sens
est la signification pertinente d’un mot ou d’un énoncé en contexte. Marianne Lederer (1994:
216) peut alors conclure cette analyse consacrée à la distinction entre le sens et la
signification, en disant:

«[la]"signification" s’applique à des mots et à des phrases isolées. La signification des phrases résulte des
significations lexicales et grammaticales. Les significations lexicales décrites dans les dictionnaires. Elles
relèvent de la langue et représentent un "pouvoir signifier" non actualisé. Dans les phrases, elles sont
déterminées par le contexte verbal autant que par leur signification initiale au plan de la langue ; dans le
discours, elles le sont en outre par le domaine cognitif et par la particularité d’emploi d’un auteur. Les
significations pertinentes des mots sont le produit de ces déterminations. Seules les significations pertinentes
participent à la formation du sens».

L’essence de la théorie interprétative est le sens. Quelle est donc l’implication du traducteur
dans la construction du sens ?

2.2. L’EXPÉRIENCE DU TRADUCTEUR COMME FONDEMENT DE L’ACTE DE TRADUIRE: LES

COMPLÉMENTS COGNITIFS DANS LA THÉORIE DU SENS

Selon les études réalisées dans le cadre de la théorie interprétative, l’actualisation du sens
d’un discours grâce au contexte n’est pas suffisante pour comprendre explicitement ledit
discours. Il faut aller au-delà de la dimension linguistique de l’énoncé à comprendre et à ré-
exprimer. Pour ce faire, le traducteur fait appel à son expérience personnelle, afin de
12

couronner le processus de construction du sens. D’où la notion de compléments cognitifs dans


la théorie du sens. Dans le cadre de la théorie interprétative, le lecteur-traducteur se départit
des mots, pour laisser apparaître dans son entendement les images mentales que ceux-ci
représentent. Par cette opération, le lecteur-traducteur associe l’expérience textuelle en cours à
ses expériences personnelles antérieures (que celles-ci soient manifestes ou latentes). Ainsi, il
parvient à actualiser le sens du discours dans le flux des expériences qui conditionnent sa
personnalité. Ces expériences s’ajoutent à la signification pertinente obtenue par le biais du
contexte extralinguistique. Marianne Lederer (1997: 15) illustre l’apport essentiel des
compléments cognitifs à la construction du sens, en affirmant que « [le] sens se construit
donc par la fusion de ce qui, d’une part, se dégage de la langue actualisée par le texte et de
ce qui, de l’autre, est apporté par les connaissances pertinentes du récepteur ». Dans cette
optique, la construction du sens exige un effacement constant des mots du texte-source,
doublé d’une projection immédiate des réalités contenues dans le psychisme du lecteur-
traducteur. Cela pousse Danica Seleskovitch et Marianne Lederer (1984 : 19) à dire que « [le
sens] se construit au fur et à mesure que se déroule la chaîne parlée ; si on fige brusquement
le tout pour en découper un segment au hasard, on peut certes extraire un passage et en
analyser la correction, il sera impossible d’en extraire en même temps le sens qui restera pris
dans la masse du texte ».

2.3. LE PROCESSUS INTERPRÉTATIF


La théorie interprétative voit en la traduction un processus interprétatif. Traduire revient à
interpréter ce que nous avons compris du texte-source. En d’autre termes, traduire signifie
comprendre et dire. De ce fait, le traducteur comprend le texte dans la langue de départ, puis
le ré-exprime dans la langue d’arrivée. Selon Marianne Lederer (1994: 9-15) citée par
Guidère (2016: 72), la théorie interprétative se résume en trois postulats, à savoir : 1/° tout est
interprétation; 2/° on ne peut pas traduire sans interpréter ; et 3/° la recherche du sens et sa
réexpression sont le dénominateur commun à toutes les traductions. Cela permet à la
traductologue canadienne de définir la théorie du sens en ces termes : «la théorie
interprétative […] a établi que le processus [de traduction] consistait à comprendre le texte
original, à déverbaliser sa forme linguistique et à exprimer dans une autre langue les idées
comprises et les sentiments ressentis». (Lederer, 1994, citée par Guidère, 2016 : 72).

De même, pour Danica Seleskovitch, la théorie du sens se base, à la fois, sur la perception de
la langue et de la réalité. Le processus de traduction n’est pas systématique, en réalité. Il passe
par une correcte appréhension de l’outil linguistique et de la réalité environnante. La
13

perception de la langue et de la réalité permet, de facto, de « déverbaliser » le discours. La


déverbalisation est un « processus dynamique de compréhension puis de réexpression des
idées » (Guidère, 2016 : 72). Dans la même dynamique, Jean Delisle explique le processus
interprétatif conformément à la théorie du sens. Il comporte trois étapes : la compréhension, la
déverbalisation et la réexpression.

2.3.1. LA COMPRÉHENSION
La compréhension est une étape obligatoire dans tout acte de communication. Elle l’est
d’autant plus pour la théorie interprétative, en ce sens que le résultat de toute l’opération de
traduction dépend de sa pertinence. Pour Danica Seleskovitch (1981 : 12), la compréhension
est à la fois un processus dynamique et intuitif :

«la compréhension du discours ne suit ni l’organisation verticale ni la stricte linéarité des structures de la
langue ; elle ne procède pas d’abord à une discrimination phonémique, puis à l’identification des mots, suivie de
la levée de leur ambiguïté, puis de la saisie de la signification syntaxique de la phrase, de la levée de l’ambiguïté
de cette dernière… La compréhension du discours se construit cybernétiquement en des allers et retours
constants entre perceptions partielles et des associations cognitives qui se produisent en de brusques
synthèses ».

Les travaux de l’École de Paris ont permis de postuler la traduction au-delà de la simple
matérialité linguistique. Un processus de compréhension mené à bon escient, permet de se
projeter au-delà des signes linguistiques. En réalité, le sujet qui traduit, agit à la fois en tant
que lecteur et traducteur (c’est-à-dire émetteur du texte-cible). La parfaite maîtrise de la
langue-source, associée à la pertinence des éléments cognitifs facilitent le processus de
compréhension. La phase de compréhension cède le pas à la déverbalisation.

2.3.2. LA DÉVERBALISATION
D’emblée, il faut préciser que, dans la terminologie technique de la théorie du sens, la
déverbalisation représente une notion qui s’applique plus à l’interprétation qu’à la traduction
écrite. La déverbalisation, dans la communication courante, consiste à se détacher du sens de
chaque mot isolé au profit du sens global du discours. Là-dessus, Dinh Hong Van (2010: 151-
152) souligne que « si quelqu’un nous raconte une histoire, ou une blague, nous en gardons
un souvenir cognitif et les mots avec lesquels elle a été racontée disparaissent ; la preuve en
est que, dans la grande majorité des cas, nous la raconterons en employant d’autres mots ».

À partir de ce point de vue de Dinh Hong Van, nous pouvons dire que les mots du discours-
source disparaissent très rapidement. Ainsi, la déverbalisation se fait à travers la conservation
du sens dans un souvenir mental, et non verbal. La déverbalisation est, de ce fait, une
évanescence des mots au moment de la réception du discours. À l’écrit, ce processus peut
14

paraître certes difficile à cerner, mais il existe. En effet, les mots sont fixés sur un support
visuel. Cette fixation des mots peut rendre complexe la déverbalisation du texte à traduire.
Danica Seleskovitch et Marianne Lederer (1984 : 72) illustrent ce point de vue en concluant :

« le sens est un vouloir dire extérieur à la langue (antérieur à l’expression chez le sujet parlant, postérieur à la
réception du discours chez le sujet percevant), que l’émission de ce sens nécessite l’association d’une idée non
verbale à l’indication sémiotique (parole ou geste, peu importe en soi le support qui se manifeste de façon
perceptible !) et que la réception du sens exige une action délibérée du sujet percevant. Dans cette perspective,
on est amené à ne plus voir dans l’agencement des mots que des indices, puisés par le locuteur dans le savoir
partagé qu’est la langue, reconnus de ce fait par l’auditeur, mais ne servant au premier que de jalons pour sa
pensée, et au second que de tremplin pour la construction du sens de ce qu’il entend ».

2.3.3. LA RÉEXPRESSION
La réexpression représente l’étape finale du processus de traduction, selon la théorie du sens.
Elle est le résultat des deux étapes précédentes, c’est-à-dire la compréhension et la
déverbalisation. La réexpression, en effet, met le traducteur dans la peau de l’auteur. C’est le
lieu où le traducteur transcrit le sens, le vouloir-dire de l’auteur. Ce qui amène Israël (1990:
251) à souligner l’importance de la réexpression :

«quel que soit le type de texte abordé, qu’il soit littéraire ou pas, la phase de réexpression est
une étape cruciale du processus traductif non seulement parce qu’elle en constitue
l’aboutissement mais aussi parce qu’elle est le signe concret de l’engagement du traducteur.
Et c’est elle qui bien souvent détermine le sort du texte traduit».

La traduction est un cas particulier de communication. Dans cette optique, le traducteur doit
se comporter comme un locuteur dans la langue-cible. Ainsi, la réexpression permet de
restituer le sens en tant que produit non verbal du texte-source. Par ailleurs, la distance vis-à-
vis des mots du texte-source permet au traducteur de sélectionner les termes les plus
acceptables par la communauté linguistique cible. Il traduit pour faire comprendre le sens du
texte-source par la communauté-cible. Pour réaliser ce projet, il doit utiliser les codes
linguistiques admis par ladite communauté. L’objectif recherché est que la traduction soit
naturelle dans la communauté-cible, à l’image de la réception du texte original dans la
communauté-source. Les principales représentantes de la théorie interprétative peuvent donc
conclure en ces termes: «le sens est individuel mais les formes sont sociales; on peut dire ce
que l’on veut mais le moule qui recevra le vouloir dire doit être conforme aux usages. Les
mêmes idées peuvent être exprimées dans toutes les langues mais doivent l’être dans le
respect des conventions de chacune » (Seleskovitch et Lederer, 1984 : 34).
15

3. LA DIMENSION FONCTIONNELLE DE LA TRADUCTION : LA THÉORIE DU SKOPOS


La dimension fonctionnelle de la traduction a été développée par des traductologues
allemands. Leurs travaux s’appliquent fondamentalement à des textes techniques, même si la
traduction littéraire peut également servir de corpus à ces théories fonctionnelles de la
traduction. Dans la présente étude, nous allons porter notre attention sur la théorie de l’action
et sur la théorie du skopos. La théorie de l’action a été développée avant celle du skopos. En
réalité, la théorie du skopos est une récupération des fondements de la théorie de l’action. Les
théoriciens les plus représentatifs du skopos sont Hans Josef Vermeer et Katharina Reiss. Leur
point de vue sur le nombre croissant de traductions techniques ainsi des approches de plus en
plus fonctionnelles de la traduction est le suivant :

«le fait que l´on préfère aujourd´hui la traduction communicative est dû probablement à l´augmentation du
nombre des traductions des textes considérés comme techniques par rapport aux textes considérés comme
littéraires, et aussi au fait qu´aujourd´hui, par rapport à des époques précédentes, il y a un nombre
incomparablement plus élevé de lecteurs des traductions […] qui attendent que la traduction se lise "comme un
original"». (Vermeer et Reiss, 1996: 121)

Le vocable "skopos" est un emprunt fait à la langue grecque. Il signifie «la visée, le but ou
la finalité » (Guidère, 2016). Dès lors, la théorie du skopos part du principe préalable qui veut
que chaque traduction soit orientée vers une finalité précise. Les choix opérés par le
traducteur, pour accomplir sa tâche, se font en fonction du skopos ou but que celui-ci assigne
à la traduction. Il s’agit ici d’une théorie "cibliste", et pour cause ; la fonction assignée au
texte-cible est spécifiée par le client au traducteur, selon ses besoins et sa stratégie de
communication.

La philosophie rationnelle nous enseigne que la conscience humaine est toujours


orientée vers un but bien déterminé. Dès lors, c’est la conscience qui régit tous les actes
humains, par le biais de l’intention. En réalité, l’explication des actes humains est à rechercher
dans l’intentionnalité de la conscience et pour cause: « le mot intentionnalité ne signifie rien
d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’ être conscience de
quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même ». (Husserl,
1931 : 136). De notre point de vue, il est possible de s’appuyer sur certains concepts clé de la
philosophie phénoménologique développée par Husserl, pour rendre raison des fondements de
la théorie du skopos. Il faut souligner, dans ce cadre, que la phénoménologie d’Husserl et la
théorie du skopos de Vermeer ont en partage les notions d’intention et d’action. Cela se
concrétise dans l’analyse que nous faisons ci-après sur l’intentionnalité dans la théorie du
skopos.
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3.1. LE SKOPOS ET L’INTENTIONNALITÉ SELON LA PHILOSOPHIE D’EDMUND HUSSERL


Dans ses travaux sur l’explication des phénomènes qui nous entourent par la conscience,
Husserl fait ressortir la relation entre la conscience humaine et la perception des phénomènes.
Pour lui, la perception n’est pas la simple réception d’images ou de signes extérieures. Il
s’agit d’un phénomène qui va au-delà de la passivité. Il faut plutôt voir en la perception une
action régie par la conscience. Nous percevons des choses parce que nous avons la possibilité
d’agir sur elles. En s’opposant à la conception commune qui veut que la perception soit un
processus de réception d’informations extérieures par nos sens, Husserl postule que la
perception se manifeste par la capacité d’agir de la conscience sur les choses. En d’autres
termes, l’objet reflète la virtualité des actions de l’homme. Ainsi, la perception amène la
conscience à s’interroger sur les possibilités d’action sur l’objet perçu. En clair, la perception
vise l’action.

Cette relation entre l’intentionnalité de la conscience et la perception des phénomènes


s’applique également à la traduction, dans la perspective de la théorie du skopos. Ici, la
traduction tient lieu de phénomène perçu par la conscience. En d’autres termes, face à un
texte, la conscience de l’auteur scrute les différentes possibilités d’action traductives. Pour
mieux comprendre cette approche rationnelle de la traduction, nous allons analyser la relation
entre le skopos et l’action.

3.2. SKOPOS ET ACTION


La définition de skopos le donne comme finalité, but ou intention. Appliqué à la traduction, le
skopos est le principe fondamental qui détermine l’acte de traduire. En réalité, par skopos il
convient de comprendre la consigne essentielle qui motive l’action de traduire. Le skopos
s’assimile à l’intention qui est à l’origine de la traduction. En effet, le skopos fixe les
modalités préalables de réalisation de la traduction. Dans cette perspective, la traduction est
envisagée, avant tout, comme une action. Comme tel, le skopos se présente comme un
concept fondateur de la toute-puissance du traducteur. Il met le traducteur au centre de tous
les processus qui aboutissent à la traduction. La conscience de celui-ci se pose comme
l’espace de réalisation du projet de traduction. De même, c’est l’intention qui émane de la
conscience du traducteur qui lui permet d’envisager les diverses possibilités à combiner pour
mener à bien ladite traduction.

3.3. INTENTION ET FONCTION DANS LA THÉORIE DU SKOPOS


L’intention et la fonction constituent un couple oppositionnel qui permet de
déterminer l’équilibre entre le texte-source et sa traduction. Il faut distinguer l’intention de la
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fonction d’une traduction, dans la perspective de la théorie du skopos. Tandis que l’intention a
trait à l’action du traducteur au moment d’appréhender le texte-source, la fonction se rapporte
plutôt au besoin auquel le texte-cible doit répondre au sein de la communauté réceptrice. Il
faut dans ce contexte assimiler l’intention à un plan d’actions ciblé de la part du traducteur. À
travers ce plan d’actions, le traducteur identifie le moyen le plus adapté à la réalisation de la
traduction. En revanche, la fonction désigne l’utilité du texte-cible au sein du contexte
socioculturel du public destinataire. Le texte-cible est censé correspondre aux attentes du
destinataire, en termes d’objectifs textuels, communicationnels, culturels et situationnels. En
réalité, la traduction doit avoir une utilité pertinente pour le destinataire, et ce, sans que le
texte original ne l’accompagne obligatoirement. En d’autres termes, le texte-cible doit être, à
la fois, cohérent et autonome vis-à-vis du texte-source.

Le cas idéal d’équilibre entre le texte-source et sa traduction, c’est lorsque l’intention coïncide
avec la fonction. Il faut mettre l’accent sur le fait que le texte-source et le texte-cible
appartiennent à des environnements culturels différents. Il existe une interaction entre
intention et fonction, dans cette perspective. Notre point de vue est que l’intention doit
déterminer la fonction de la traduction. L’équilibre et l’enjeu de la traduction est à rechercher
dans cette quête continue qui a lieu entre l’intention du traducteur et la fonction que la
traduction est censée occuper dans la communauté-cible.

CONCLUSION
La linguistique constitue la principale interdiscipline de la traductologie. Sa relation avec la
traductologie est symbolisée par la théorie linguistique et la théorie de l’équivalence
dynamique. Tandis que la théorie linguistique s’inscrit dans une vision comparatiste de la
traduction, celle de l’équivalence dynamique met en avant l’aspect communicationnel et
sociologique de la traduction. Au-delà des divergences entre ces conceptions linguistiques de
la traduction, elles représentent de véritables outils d’analyses des implications qui existent
entre la traductologie et la linguistique. La théorie interprétative constitue la troisième grande
théorie de la traduction que nous avons analysée dans cette étude. Elle fonde l’analyse de la
traduction sur la notion de "sens". Elle propose, dans cette optique, de faire abstraction des
mots pour ne laisser transparaître que le sens. Cet article nous a, finalement, servi de cadre
d’étude de la dimension fonctionnelle de la traductologie, à travers la théorie du skopos. Cette
théorie définit la traduction par rapport à la finalité que celle-ci doit atteindre et l’action que le
traducteur doit réaliser en vue de ladite finalité. À la différence des théories mentionnées plus
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haut, elle n’analyse pas la traduction selon la perspective d’une autre discipline. Elle
revendique donc une plus grande autonomie de la traductologie.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Guidère, Mathieu. (2016). Introduction à la traductologie, penser la traduction: hier,
aujourd’hui, demain. Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
Hurtado Albir, Amparo. (2001). Traducción y traductología, introducción a la traductología.
Madrid: Cátedra.
Husserl, Edmund. (1931). Méditations cartésiennes, une introduction à la phénoménologie.
Californie: Berkeley.
Israël, F. (1990). Traduction littéraire et théorie du sens. In Marianne Lederer. (Ed.), Études
traductologiques. Paris: Minard.
Lederer, Marianne, et Seleskovitch, Danica. (1984). Interpréter pour traduire. Paris: Didier
Érudition.
Lederer, Marianne. (1994). La traduction aujourd’hui. Le modèle interprétatif. Paris:
Hachette.
-----------------------. (1997). La traduction simultanée. Paris, France: Minard.
Milliaressi, Tatiana (éd.). (2011). De la linguistique à la traductologie, interpréter/traduire.
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Moya, Virgilio. (2010). La selva de la traducción. Teorías traductológicas contemporáneas.
Madrid: Cátedra.
Rabadán, Rosa. (1991). Equivalencia y traducción: problemática de la equivalencia
translémica inglés-español. León: Université de León.
Raková Zuzana. (2014). Les théories de la traduction. Brno: Masarykova univerzita.
Reiss, Katharina, et Vermeer, Hans Josef. (1996). Fundamentos para una teoría funcional de
la traducción. Madrid: Ediciones Akal.
Seleskovitch, Danica. (1981). Introduction. Pourquoi un colloque sur la compréhension du
langage. In Danica Seleskovitch (Ed.), Actes du colloque Comprendre le langage (pp.9-15).
Paris: Didier Erudition.
Van, Dinh Hong. (2010). La théorie du sens et la traduction des facteurs culturels. Synergies
Pays riverains du Mékong, (n°1), pp.141-171.

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