LES FOCUS

TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

LE PARI
DE L'HYDROGÈNE VERT

avril / 2023
 SO
M
M
AI
SOMMAIRE
INTRODUCTION
L'EUROPE À FOND SUR L'HYDROGÈNE
RE 2
3
4
• LE PIIEC HYDROGÈNE, CARREFOUR DES AMBITIONS ÉCOLOGIQUES 4
EUROPÉENNES
• DÉPLOIEMENT DE LA FILIÈRE HYDROGÈNE : « LA DIFFICULTÉ PRINCIPALE SE 6
SITUE SUR LE TERRAIN RÉGLEMENTAIRE »
• « NOUS VOULONS DEVENIR LEADER SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN DU VÉHICULE 9
UTILITAIRE HYDROGÈNE »
• QUELS SERONT LES BÉNÉFICES CLIMATIQUES D'UNE ÉCONOMIE DE 12
L'HYDROGÈNE ?
POUR ALLER PLUS LOIN 14
• UE : LA FAUSSE INTERDICTION DES MOTEURS THERMIQUES EN 2035 14
• JCB : DE L’HYDROGÈNE DANS LE MOTEUR 16
• UN NOUVEAU MATÉRIAU POUR LA PRODUCTION D'HYDROGÈNE VERT À GRANDE 18
ÉCHELLE
• QUELS MATÉRIAUX POUR UN STOCKAGE DE L'HYDROGÈNE PLUS PERFORMANT 21
ET ACCESSIBLE ?
• LE VÉRITABLE COÛT DE L'HYDROGÈNE VERT 23
• LES THÈSES DU MOIS : LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT 24
 INTRODUCTION
Le projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) doit constituer un tremplin pour faire
de l’hydrogène le vecteur énergétique du futur en Europe.
Par ce PIIEC, la commission européenne autorise un soutien public, qui avoisine 5,4 milliards
d’euros, par les 15 États membres pour le développement et la recherche sur des technologies
liées à la chaîne de valeur de la technologie hydrogène.
Cette manne financière va accompagner 35 entreprises sur une quarantaine de projets, qui ont
déjà pris place dans plusieurs États membres, dont l’hexagone fait partie.
L’idée de faire de l’hydrogène un vecteur important dans le mix énergétique français pas
nouvelle. Aujourd’hui, la contrainte principale, pour réduire les émissions de gaz à effet de
serre liées à l’utilisation de l’hydrogène, consiste à le produire de manière décarbonée : le
fameux hydrogène vert. Cet hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau via une source
d’électricité décarbonée. Comme l’est l’électricité nucléaire. Une étude du CNRS estime qu’une
tonne d’hydrogène rejetée dans l’atmosphère “produit” treize fois moins de gaz à effet de serre
qu’une tonne de CO2.
Le PIIEC constitue donc le signal d’un déploiement industriel des technologies hydrogène sur
le continent. Pour l’heure, la production d’hydrogène en France est très largement - 94 % -
carbonée. Tout l’enjeu consiste à entraîner certaines filières industrielles vers de nouveaux
usages énergétiques, au profit de l’utilisation d’hydrogène. En France ce dernier est très
majoritairement utilisé dans la chimie et le raffinage. La volonté derrière les investissements
actuels est d’élargir les usages de l’hydrogène, en en faisant un vecteur énergétique,
notamment pour le stockage. Ensuite, la molécule doit révolutionner le secteur des transports.
Pour ce dernier, l’usage de l’hydrogène, sous forme de combustible ou alors au sein d’une pile à
combustible, permettrait de faire baisser substantiellement les émissions liées aux transports,
qui représentent en France plus d’un quart des émissions de GES.
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L'EUROPE À FOND SUR L'HYDROGÈNE

LE PIIEC HYDROGÈNE, CARREFOUR

DES AMBITIONS ÉCOLOGIQUES
EUROPÉENNES
Le projet important d’intérêt européen commun l’hydrogène, les acteurs continentaux sont plus à même de
consacré à l’hydrogène va permettre à l’Europe mettre les différents projets en cohérence, et au-delà éviter
de déployer dans certains de ces États membres des distorsions de concurrence.
des technologies de production et de stockage Côté français, les 10 projets retenus, et financés à hauteur
d’hydrogène. de 2,1 milliards d’euros, constituent le tremplin tricolore
Cet outil, validé par la commission européenne, verra vers une économie hydrogène décarbonée. C’est ainsi que
quelque 5,4 milliards d’euros soutenir près de 41 projets sept gigafactories doivent voir le jour, réparties sur le terri-
relatifs à la molécule hydrogène. A cette manne s’ajoute- toire français, créant au passage 5200 emplois directs. Ces
ront près de 9 milliards d’investissements venant du sec- giga usines assureront la production d’électrolyseurs, de
teur privé. piles à combustible, de réservoirs d’hydrogène, mais aussi
de véhicules (trains et automobiles) et de matériaux.
Quinze États membres sont impliqués : l'Allemagne, l'Au-
triche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, Les plus grandes entreprises françaises sont impliquées
la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, les Pays-Bas, la sur le PIIEC : Air Liquide, McPhy, Alstom, Renault, Faure-
Pologne, le Portugal, la Slovaquie et la Tchéquie. cia, et d’autres fleurons de l’industrie française sont ainsi
engagés sur les 10 projets prenant place sur le territoire.
Les 41 projets sélectionnés couvrent l’ensemble de la
Les autres projets européens, sont eux aussi portés par
chaîne de valeur des technologies hydrogène : produc-
des grands groupes industriels, accompagnés de quelques
tion, pile à combustible, stockage, transport, distribution,
jeunes pousses.
et applications d’utilisation finale, en particulier pour le
secteur de la mobilité. Cette offensive sur l’hydrogène va Pour l’Europe, le pari sur l’hydrogène est risqué et extrê-
créer de l’emploi (on parle de 100 000 postes d’ici à 2030 mement ambitieux. En effet, selon les estimations, l’hydro-
sur l’ensemble de la filière au niveau européen), et per- gène pourrait représenter jusqu’à 20 % du mix électrique
mettre aux pays membres de l’UE d’accélérer leur transi- européen à l’horizon 2050. Partant de là, l’hydrogène pour-
tion énergétique, en remplaçant, quand cela est possible, rait couvrir 2 à 50 % de la demande énergétique dans les
la consommation d’énergies fossiles par celle de l’hydro- transports, et entre 5 et 20 % de la demande énergétique
gène. C’est particulièrement vrai pour un secteur comme pour l’industrie.
l’automobile et les transports en général, qui génère à lui Pour atteindre ces objectifs, la contrainte majeure consiste
seul près du quart des émissions de gaz à effet de serre au à produire de l’hydrogène décarboné, dit vert, voire jaune
niveau européen. dans le cas de l’électrolyse de l’eau alimentée par de l’élec-
Concrètement, quelle est la raison d’être de ce PIIEC sur tricité nucléaire. Le PIIEC et les investissements européens
l’hydrogène ? Tout d’abord sa dimension : en formalisant ont pour objectif de produire de l’hydrogène décarboné,
au niveau européen des investissements massifs autour de seul hydrogène permettant de réduire efficacement les

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

émissions de gaz à effet de serre.

Seconde contrainte, les fuites d’hydrogène potentielles,
liées au déploiement massif de la molécule. Les simula-
tions démontrent que les effets indirects d’une augmenta-
tion du taux d’hydrogène atmosphérique sur les autres gaz
à effet de serre peuvent rendre le bilan global des techno-
logies hydrogène négatif en termes de bilan GES global.
Les objectifs élevés de la France et de l’Europe sur l’hydro-
gène vont, d’ici à 2030, révolutionner le mix énergétique
continental, à condition de lever les deux verrous tech-
nologiques que constituent la production décarbonée de
l’hydrogène, et la limitation des fuites potentielles dans
l’atmosphère.

11/04/2023

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TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

DÉPLOIEMENT DE LA FILIÈRE
HYDROGÈNE : « LA DIFFICULTÉ
PRINCIPALE SE SITUE SUR LE
TERRAIN RÉGLEMENTAIRE »
France hydrogène est une association qui fédère les au nombre de 14. Cette action au niveau des régions nous
acteurs de la filière hydrogène. Les 460 membres permet d’aider à fédérer les acteurs de la filière au niveau
de France Hydrogène représentent l’ensemble de la territorial ; notre rôle fondamental étant d’être l’interlocuteur
chaîne de valeur de l’hydrogène : cela va du monde des pouvoirs publics sur le déploiement dans tous les sec-
industriel au monde académique, en passant par teurs des technologies hydrogène, au plan national comme
la recherche, les laboratoires et les collectivités local.
territoriales. Nous agissons également au niveau européen, et même
Au niveau industriel, France Hydrogène regroupe plus de mondial pour porter la voix de la filière française à l'interna-
110 grands groupes industriels, des secteurs de la mobi- tional, puisque le déploiement de l’hydrogène connait une
lité, de l’industrie ou de l’énergie, ainsi que plus de 200 accélération partout dans le monde.
PME ayant des activités sur la chaîne de valeur indus- Quel rôle joue le PIIEC par rapport aux autres disposi-
trielle de l’hydrogène. Un écosystème en pleine efferves- tifs mis en place pour développer la filière hydrogène ?
cence depuis quelques années, et l’engagement national
et européen sur les technologies hydrogène, le vieux conti- Le PIIEC est un outil utilisé par l’Etat français dans le
nent voulant faire de la molécule le vecteur énergétique de cadre de la stratégie nationale hydrogène, aux côtés du
la prochaine décennie. PEPR hydrogène, ou encore des appels à projet pilotés
par l’ADEME.
Christelle Werquin, déléguée générale de France Hydro-
gène, a expliqué à Techniques de l’Ingénieur comment les
investissements massifs autour de l’hydrogène en France Il permet aux pays européens qui le souhaitent, d’identifier
et en Europe, notamment via le PIIEC hydrogène, sont un des entreprises leader sur les technologies hydrogène et
tremplin pour la filière, sous certaines conditions. de leur apporter un appui financier, à certaines conditions.
Techniques de l’Ingénieur : Sur le terrain, quelles sont L'objectif étant de faire du déploiement de la filière hydro-
les conséquences des investissements massifs annon- gène une ambition commune au niveau de l’Europe.
cés pour déployer une filière européenne des technolo- Le processus de sélection des industriels bénéficiant du
gies hydrogène ? PIIEC a été long, près de 18 mois, durant lesquels les
Christelle Werquin : La dynamique actuelle autour de projets ont été sélectionnés, en deux vagues. La première
l’hydrogène s’incarne aujourd’hui beaucoup au niveau vague a permis de sélectionner des projets recouvrant
d’écosystèmes territoriaux, c’est pourquoi nous avons, dès l’ensemble de la chaîne de valeur technologique de l’hy-
2020, créé des délégations régionales, qui sont aujourd’hui drogène, et a vu 10 projets français sélectionnés sur un

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total de 35. La seconde vague a vu deux projets français de décarbonation par secteur (industrie et transport), à
de décarbonation de l’industrie être à leur tour sélection- atteindre via l’hydrogène renouvelable ou ses dérivés.
nés. Deux autres vagues de sélection sont prévues, sur les Dans ce contexte la France défend la possibilité d’utili-
aspects infrastructure et mobilité. Les 10 premiers projets ser l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire pour
français sélectionnés représentent 2,1Md€ d’argent public, répondre aux ambitions.
pour un investissement global de 5,2Md€. Ce soutien public
L’immense chantier mis en place pour déployer une
génère ainsi de l’investissement privé. Cela doit permettre
filière hydrogène au niveau européen constitue-t-il un
de faire passer de nombreux projets à l’échelle industrielle
risque industriel ?
sur le court terme.
Le risque ne réside pas dans le fait d’avoir des ambitions
Le déploiement en cours permettra-t-il d’atteindre les
importantes, mais plutôt dans le fait de prendre garde à
objectifs écologiques fixés par l’Europe ?
ne pas mettre en place des contraintes qui empêcheraient
L'Europe s’est fixée des objectifs climatiques très ambi- d’atteindre ces objectifs. Par exemple, si on veut, ce sont
tieux à travers le paquet de propositions “Fit for 55”, puis les objectifs, produire 10 millions de tonnes d’hydrogène
le “REPowerEU”, mis en place à l’aune de la situation en renouvelable sur le sol européen à l’horizon 2030, cela
Ukraine et des incertitudes en termes d’approvisionnement signifie qu’il nous faut produire près de 550 TWh addi-
énergétique qui en découlent. L’idée étant de sortir le plus tionnels d’électricité renouvelable. Ce qui est énorme. Au
vite possible de notre dépendance au gaz fossile. vu des difficultés à implanter de nouveaux ENR, avec les
règlements sur l’addition et la temporalité notamment, on
Pour atteindre ces objectifs, il va donc falloir être en mesure
voit bien que la difficulté principale ne se situe pas sur un
de produire et d’importer de grandes quantités d’hydrogène
plan technique mais plutôt règlementaire. Comme souvent,
dans les années qui viennent. L’objectif fixé est de pro-
on observe un tiraillement entre l’ambition politique affi-
duire 10M de tonnes d’hydrogène renouvelable au sein de
chée, et les règles concrètes qui sont mises en place pour
l’Union européenne, et d’en importer 10M de tonnes, pour
les acteurs industriels.
répondre aux besoins estimés à 20Mt en 2030 à l’échelle
européenne. Sur l’hydrogène, le cadre européen n’est aujourd’hui pas
clair sur beaucoup de points, avec pour conséquence le fait
Il faut donc une qualification claire de l’hydrogène renou-
de voir certains projets dans le flou, et des décisions d’in-
velable, et des règles pour répondre aux enjeux de décar-
vestissements qui ne sont pas prises. L’aboutissement d’un
bonation sectorielle fixés par l’UE. Les règles européennes
cadre clair autour de l’hydrogène et de son utilisation, le
mettent la plupart du temps un long moment avant d’être
plus rapidement possible, est fondamental au déploiement
adoptées, car elles sont le fruit de nombreuses négocia-
et à la compétitivité de la filière en France et en Europe.
tions. L’adoption mi-février[1] des deux premiers actes
délégués requis au titre de la directive sur les énergies L’hydrogène peut-il permettre de décarboner substan-
renouvelables (RED2), et qui permettent de qualifier l’hy- tiellement le secteur très émetteur des transports ?
drogène d’origine renouvelable et de connaître la métho-
Il faut raisonner en termes d’objectifs et d’usages. Si l’objec-
dologie carbone associée, a été largement saluée malgré
tif est de décarboner massivement les transports, il existe
certaines réserves, tant l’ensemble des acteurs industriels
plusieurs possibilités, pas seulement l’hydrogène. Donc
ont besoin d’un cadre règlementaire clair et stable, notam-
il faut qu’un ensemble de solutions soient développées.
ment face aux ambitions américaines ou chinoises.
Dans un contexte de mobilité zéro émission à l’échappe-
Des discussions ardues sont en cours pour finaliser l’adop- ment ou d’incorporation d’énergie renouvelable dans le
tion de la directive révisée RED3. Celles-ci fixent des cibles transport, l’hydrogène joue un rôle essentiel. Il permet en

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TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

effet de décarboner tout en préservant la facilité d’usage que de souveraineté industrielle ou technologique.
(autonomie, temps de recharge) d’un véhicule thermique.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
Il y a de la place à la fois pour les véhicules électriques à
batterie et hydrogène dans ce cadre-là. [1] Le 13 février 2023

Si on sort de l’industrie des transports pour se projeter sur {2] Automne 2023
l’industrie tout court, il y a de nombreux process indus-
triels qui seront difficiles à électrifier, donc là encore, on
12/04/2023
peut imaginer plusieurs solutions, dont l’hydrogène, afin de
décarboner ces processus dans le futur.
Quel est l’état d’esprit de la filière aujourd’hui ?
Le lancement de la stratégie hydrogène en 2020 a créé un
réel enthousiasme. Beaucoup d’appels à projets se sont
lancés, rapidement. Aujourd’hui, avec la révision straté-
gique en cours sur l’hydrogène, nous sommes un peu plus
en alerte. Avec la volonté de relier la stratégie hydrogène à
la décarbonation des 50 sites les plus émetteurs sur le ter-
ritoire, nous risquons de cantonner l’hydrogène à la décar-
bonation. Or, c’est aussi une filière industrielle créatrice
d’emplois dans les territoires. Nous sommes donc attentifs
aux révisions qui vont être faites sur la stratégie hydrogène
cet automne{2].
Au-delà, il est vital pour la France de développer sur son
territoire des technologies performantes autour de l’hydro-
gène pour pouvoir ensuite les valoriser. Pour en arriver
là, il est nécessaire que le pays soit une vitrine pour ces
technologies, avec des projets importants développés sur
notre sol. C’est tout un tissu économique local, sur les ter-
ritoires, qu’il faut déployer et pérenniser autour de l’hydro-
gène, pour être également acteur de la réindustrialisation
de l’hexagone, voulue par le Président de la République.
C’est aussi pour cela qu’il faut songer à développer des
projets de taille intermédiaire, qui peuvent être mis en route
rapidement, pour mailler le territoire et développer locale-
ment des nouveaux usages. Il y a un enjeu de temporalité,
entre la mise en place de très gros électrolyseurs pour la
décarbonation de sites industriels, et des équipements ou
des projets – notamment en mobilité -, déjà prêts à être lan-
cés. Le déploiement de l’hydrogène répond à des enjeux
structurants tant en termes de souveraineté énergétique

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« NOUS VOULONS DEVENIR LEADER

SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN DU
VÉHICULE UTILITAIRE HYDROGÈNE »
HYVIA, coentreprise entre Renault Groupe et PLUG accélérer le développement de l’entreprise ?
fondée en 2021, fait partie des entreprises françaises Le PIIEC hydrogène est un des mécanismes mis en place
sélectionnées pour bénéficier du PIIEC européen, au niveau européen pour accélérer le développement de la
qui vise à accélérer certains projets identifiés chaîne de valeur autour des technologies hydrogène.
comme porteurs pour le développement d’une filière
hydrogène au niveau européen.
Mehdi Ferhan, Directeur général en charge des opérations L’ambition étant de mettre en place au niveau européen
chez HYVIA, a expliqué à Techniques de l’Ingénieur la stra- toutes les briques technologiques qui constitueront une
tégie de l'entreprise pour devenir un leader sur le marché filière à part entière, sur l’ensemble de la chaîne de valeur
des véhicules utilitaires à hydrogène, dans un contexte de de l’hydrogène, notamment en développant de nouvelles
mise en place par l'Europe des briques pour développer technologies.
une véritable filière européenne autour de l’hydrogène. Dans le cas d’HYVIA, qui a été notifié de sa sélection à
Techniques de l’Ingénieur : Quels sont les enjeux l’automne dernier[1], le PIIEC va permettre de mettre en
aujourd’hui autour du développement de la mobilité place tout l’écosystème nécessaire à la production de piles
hydrogène pour Hyvia ? à combustible, produites sur le site de Flins, où HYVIA
vient d’ailleurs tout juste d’installer son premier électroly-
Mehdi Ferhan : L’hydrogène vert pour la mobilité constitue seur livré par PLUG. Cela consist dans un premier temps
à lui seul un écosystème, avec sa chaîne de valeur. Cela à l'assemblage des systèmes à pile à combustible puis à
concerne les véhicules, mais aussi les piles à combustible, l’intégration réalisée dans les véhicules. Cette accélération
les stations de recharge, et la production d’hydrogène à est donc également un moyen de favoriser la réalisation
partir d’électrolyseurs. Il s’agit donc de développer cet d'opérations industrielles localement, sur les territoires.
écosystème dans son ensemble, et c’est la raison d’être
d’HYVIA. Dans une seconde étape, ces développements vont se
matérialiser par la construction d’une gigafatory, qui sera
Aujourd’hui, HYVIA dispose d’une usine à Flins pour l'as- en mesure de fabriquer des piles à combustibles à l’échelle
semblage des piles à combustible et d'un site partenaire, industrielle, pour un marché du véhicule utilitaire léger qui
PVI, situé à Gretz-Armainvilliers, pour l'intégration des piles devrait décoller dans les prochaines années.
à combustibles sur les Renault Master H2-TECH. C’est
sur ce dernier site que sont fabriqués les Renault Master Quelles sont les étapes qui vont aboutir à la mise en
H2-TECH dont la version Van "grand fourgon" vient d’être route de cette gigafactory ?
homologuée pour l’ensemble du marché européen. La mise en place de cette gigafactory s’inscrit dans un pro-
Hyvia a été sélectionnée pour bénéficier du PIIEC euro- cessus par étapes. Nous avons démarré au mois de mars
péen sur l’hydrogène. Dans quelle mesure cela va-t-il 2022, par l’inauguration de notre usine pilote à Flins : les

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premiers 3500 mètres carrés d’infrastructure industrielle lement dans des pays comme l’Allemagne et les Pays-
nous permettent d’assembler une première génération de Bas, qui sont très actifs en matière de décarbonation par
systèmes à pile à combustibles PEM "ProGEN", délivrant l’hydrogène. L’étape suivante consistera à poursuivre ce
une puissance de 30 kW. déploiement européen en passant par la Grande Bretagne,
l'Espagne, le Portugal, les pays scandinaves, la Suisse,
Ces piles sont vouées à s’intégrer dans des systèmes de
la Pologne, et la République Tchèque… d’ici à deux ans,
propulsion hybrides. L’architecture des véhicules, que l’on
l’objectif sera donc de déployer dans une douzaine de pays
appelle “dual power”, est constituée de la pile à combustible
européens des capacités de commercialisation, mais aussi
d’un côté, avec des bonbonnes stockant de l’hydrogène à
d’assurer la maintenance et tous les services associés :
700 bars, et également d’une batterie, ce qui permet de
réparation, mise à disposition de véhicules de prêt, pièces
bénéficier de différents modes de propulsion et de recharge.
de rechange, recharge via de stations à hydrogène… le
Ceci est très important pour proposer des véhicules dont
tout en restant compétitifs, bien sûr.
l’utilisation ne soit pas uniquement dépendante de l’hydro-
gène. En effet, les infrastructures de recharge en hydrogène Quels sont les freins persistants au développement de
ne sont pour le moment pas suffisamment déployées sur le la mobilité hydrogène ?
territoire, et cela ne doit pas brider l’usage des véhicules.
Une des problématiques spécifiques à notre activité est
L’idée est donc de pouvoir faire une recharge en électricité
aujourd'hui de créer le marché en apportant toutes les
quand la recharge en hydrogène n’est pas possible, tout en
briques. Nous sommes au début de l’aventure des véhi-
conservant un véhicule zéro émission. Tout cela constitue
cules à hydrogène, il est donc difficile de prévoir exacte-
la première étape pour HYVIA. Aujourd’hui, le site de Flins
ment comment va évoluer la demande de la mobilité hydro-
dispose d'une capacité de production de 1000 systèmes
gène. A l’heure actuelle, nous disposons de technologies
piles à combustible par an.
robustes et éprouvées, notamment grâce au savoir-faire de
Et sur le plus long terme ? PLUG sur cette molécule. D’ailleurs la plupart des solutions
ont déjà été industrialisées dans le domaine du transport
D’ici à 2030, l’objectif pour l’entreprise est d’être un des
logistique des marchandises . Néanmoins, pour les rendre
leaders européens du véhicule utilitaire à hydrogène, avec
disponibles au plus grand nombre dans le secteur de la
une ambition chiffrée. Nous voulons capter 30% du mar-
mobilité, il existe encore un certain nombre de verrous tech-
ché sur le véhicule utilitaire à hydrogène d'ici à la fin de la
nologiques, économiques et réglementaires notamment.
décennie. En cela, l’usine pilote de Flins constitue la pre-
Le déploiement de la filière européenne est par exemple
mière brique qui doit nous mener, d’ici 7 à 8 ans, à l’ambi-
un grand défi : nous avons besoin de partenaires, de four-
tion que je viens d’évoquer. La seconde brique est la giga-
nisseurs ayant une expertise automobile, afin de dévelop-
factory, qui nous permettra de massifier la production, et de
per nos technologies avec les standards automobiles bien
localiser les technologies nécessaires au déploiement de
connus pour les moteurs thermiques. L’objectif est éga-
tout l’écosystème hydrogène sur le territoire, aux niveaux
lement de développer cette filière localement, au niveau
français et européen.
européen, à des fins de compétitivité, mais aussi dans un
souci de limiter notre empreinte environnementale tout en
Nous allons passer par un déploiement de nos véhicules renforçant notre autonomie.
utilitaires par le réseau Renault, dans un premier temps. L’ambition européenne, à travers les grands programmes
Ce réseau est constitué de concessionnaires agrémentés de décarbonation, notamment Fit for 55, est très impor-
du label PRO+ avec une gamme de services adaptés aux tante. Cela bouleverse le paysage automobile, et rend par-
professionnels. Ce réseau opère en France, mais éga- ticulièrement attractives les solutions de propulsion à l’hy-

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drogène comme celles proposées par HYVIA. A un niveau Propos recueillis par Pierre Thouverez
plus local, les réglementations concernant par exemple
les zones à faibles émissions (ZFE) qui vont se mettre en
place progressivement dans les centres-villes des grandes 19/04/2023
villes, puis dans les zones périurbaines, vont nécessi-
ter des solutions palliatives aux véhicules thermiques. Là
aussi, nous pensons qu’HYVIA peut se faire une place de
leader, notamment sur tout ce qui touche aux cas d'usage
de la livraison de matériel et de colis, notamment sur la
problématique du dernier kilomètre.
Pour terminer, quelle est votre stratégie en termes de
formation aux nouveaux métiers liés aux technologies
hydrogène ?
Chez HYVIA, nous avons un questionnement permanent
sur ce que seront les compétences clés dont nous aurons
besoin dans les années qui viennent pour développer la
mobilité hydrogène. L’hydrogène est un gaz qui néces-
site d’être appréhendé de façon sécuritaire, avec tous les
moyens de contrôle qui sont développées autour de son
usage. Créer les métiers de demain au sein de cette filière
est donc un enjeu énorme.
Sur le site de Flins, cela fait deux ans que des ouvriers,
opérateurs, ou techniciens, qui évoluaient pour certains
depuis plusieurs années au sein de l’usine de Renault, ont
migré chez HYVIA pour poursuivre leur carrière. Nous les
avons accompagnés dans des parcours de formation pour
leur permettre de développer des compétences en rapport
avec les nouvelles technologies de l’hydrogène. Certains
ont même eu l’opportunité de se rendre chez notre autre
partenaire, PLUG, aux Etats-Unis, pour se former spécifi-
quement aux techniques de montage des piles à combus-
tible.
Toutes ces actions nous permettent de développer des
parcours de formation spécifiques à l'hydrogène et qui
respectent les standards liés à l'automobile, pour préparer
les ressources dont nous allons avoir besoin dans les pro-
chaines années.
[1] 2022

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QUELS SERONT LES BÉNÉFICES

CLIMATIQUES D'UNE ÉCONOMIE DE
L'HYDROGÈNE ?
Les investissements massifs, en France et en En 2020, 94 % de l’hydrogène en France était gris, c’est-à-
Europe, autour des technologies hydrogène font de dire produit à partir d’énergies fossiles. On voit bien que la
cette molécule le cœur de la stratégie continentale méthode de production, au-delà des effets de l’hydrogène
pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. sur les autres gaz à effet de serre, induit déjà des consé-
quences sur l’atténuation des émissions de GES via les
Il convient de souligner que si l’hydrogène n’est pas un gaz
méthodes de production d’hydrogène. Les investissements
à effet de serre en tant que tel, il est considéré comme un
actuels, notamment via le PIIEC sur l’hydrogène, visent à
gaz climatique indirect : c’est-à-dire qu’il induit des pertur-
produire un maximum d’hydrogène décarboné, notamment
bations sur d’autres gaz, comme le méthane, l'ozone et la
en France en utilisant de l’électricité “nucléaire” pour l'élec-
vapeur d'eau dans l’atmosphère, trois puissants gaz à effet
trolyse de l’eau. On parle d'hydrogène "jaune".
de serre.
L’hydrogène, gaz climatique indirect
Tout un ensemble de recherches et de simulations per-
mettent d’anticiper les conséquences pour le climat et les La seconde source d’augmentation des GES de par l’utilisa-
températures d’une hausse de la concentration atmos- tion massive de l’hydrogène concerne les effets induits par
phérique en hydrogène, qui résulterait de l’usage massif une augmentation du taux d’hydrogène dans l’air atmos-
de cette molécule dans le mix énergétique européen, mais phérique. Cette augmentation serait principalement liée
aussi mondial. à des fuites de la molécule. Naturellement présent dans
l'atmosphère mais sous forme de traces - environ 0,510
Ainsi, les deux problématiques majeures concernant la
ppm - l’hydrogène a une durée de vie longue, ce qui lui
massification de l’hydrogène en tant que vecteur énergé-
permet de rejoindre les plus hautes couches de la stratos-
tique résident dans les méthodes de production, et donc
phère. Lorsque c’est le cas, le gaz réagit avec les radicaux
dans les conséquences de l’augmentation de sa concen-
hydroxyles (OH) pour former de la vapeur d’eau, ce qui a
tration atmosphérique sur les autres GES.
tendance à refroidir la stratosphère et ralentit la reconstitu-
Les émissions liées à la production tion de la couche d’ozone.
Vecteur principal de la transition énergétique en cours, En réagissant avec les radicaux hydroxyles, l’hydrogène
l’hydrogène peut être produit par différentes méthodes. La se substitue à d’autres gaz, qui réagissent habituellement
plus connue est l’électrolyse de l’eau, qui permet, si l’éner- avec ces radicaux, comme le méthane (mais aussi les
gie nécessaire à l’électrolyse est d’origine renouvelable, molécules type CO et NOx). Il convient donc, pour analyser
d’obtenir de l’hydrogène “vert”. l’impact de l’hydrogène en tant que gaz climatique indirect,
La seconde technologie de production est le vaporefor- d’évaluer quelle pourrait être le volume des fuites de H2
mage de l’hydrogène, qui permet de produire de l’hydro- dans l’atmosphère, pour évaluer la quantité de gaz à effet
gène “bleu”, si du carbone est séquestré lors de cette phase de serre “produite” par la massification de H2 en tant que
de production, ou “gris” (pas de séquestration de carbone). vecteur énergétique.

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

Le CNRS a, en simulant les effets que nous venons de

mentionner, évalué que le rejet d’une tonne d’hydrogène
“vert” dans l’atmosphère correspondrait à l’équivalent de
13 tonnes de CO2 émises.
En ce qui concerne l’hydrogène “bleu” ou “gris”, les émis-
sions de méthane et de CO2 associées à leur production et
à leur transport rendent leur bénéfice climatique quasi nul.
En conclusion, il faudra veiller, en cas de massification de
l’hydrogène en tant que vecteur énergétique, à quantifier
précisément les fuites de H2 potentielles dans l’atmos-
phère, ainsi que les différents modes de production d’hy-
drogène utilisés. Ces calculs permettront d’évaluer l’impact
réel sur les émissions de gaz à effet de serre du pari tech-
nologique que constitue le choix de l’hydrogène pour incar-
ner la transition énergétique.
Par Pierre Thouverez

19/04/2023

13
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

POUR ALLER PLUS LOIN

UE : LA FAUSSE INTERDICTION DES

MOTEURS THERMIQUES EN 2035
L’UE interdira les moteurs thermiques carburant rait être récupéré dans l’atmosphère ou capturé en sortie
aux énergies fossiles en 2035. Le texte interdit ainsi des usines, le second produit par électrolyse de l’eau grâce
les véhicules essence, diesel et hybride, au profit à des énergies renouvelables.
du 100% électrique. Mais la voie des carburants de Pour la filière automobile, cette décision permettra de pro-
synthèse sera finalement bien ouverte. longer l'utilisation des moteurs thermiques. Mais l'usage de
L’Union européenne avait prévu en 2022 d’interdire les cette technologie dans l'automobile est contesté, car elle
moteurs thermiques en 2035. Mais début mars, l’Alle- demande beaucoup d’électricité. Elle coûte aussi cher, a
magne avait créé la surprise en bloquant le texte au conseil peu de chances de s'imposer sur le marché des véhicules
de l'Union européenne, manifestant son souhait de déve- particuliers et ne concernerait dans le meilleur des cas
lopper les carburants synthétiques. Le texte avait pourtant qu'une minorité de véhicules de luxe, estiment de nom-
fait l'objet en octobre d'un accord entre États membres, breux experts.
dont l’Allemagne, et négociateurs du Parlement européen, Porsche et Ferrari, notamment, soutenaient la position de
et avait été formellement approuvé mi-février par les euro- l'Allemagne. Le premier a inauguré sa première usine de
députés. production en Chili en décembre 2022. Le second mise tou-
En raison de cette abstention sur le texte sur cette dernière jours sur les moteurs thermiques. « La bonne nouvelle pour
étape, le vote avait été reporté sine die. Sans l'Allemagne, nous, c’est que nous allons pouvoir continuer à vendre des
la majorité qualifiée des 27 qui est requise (vote favorable moteurs thermiques en plus de nos moteurs électriques »,
d'au moins 55 % des États représentant au moins 65 % de a de son côté réagi le PDG de Ferrari, Benedetto Vigna
la population de l'UE) n'était en effet plus atteinte. auprès de Reuters.

La Commission européenne et l'Allemagne ont finalement Des carburants pour les plus riches qui retardent l’ac-
annoncé samedi 25 mars avoir trouvé un accord pour déblo- tion climatique
quer le texte. Ce dernier reste inchangé. Mais Bruxelles Dans un rapport, l’ONG Transport & Environnement estime
s'est engagée à une dérogation pour les véhicules utilisant que l’essence synthétique pourrait coûter plus de 2,82 euros
du carburant synthétique (ou e-fuels), comme le demandait par litre à la pompe en France en 2030, soit presque 50 %
l’Allemagne, dans une proposition séparée. Celle-ci devra de plus que l'essence ordinaire aujourd'hui. « Le coût plus
être validée d'ici à l'automne 2024. élevé des e-fuels signifiera que seuls les riches pourront
Des carburants synthétiques après 2035 se les offrir, tandis que tous les autres seront poussés à
contourner les règles et à utiliser de l'essence fossile à la
Les véhicules équipés d'un moteur à combustion pourront
place. Les automobilistes et le climat seront perdants »,
être immatriculés après 2035 s'ils utilisent exclusivement
estime Marie Chéron, responsable des politiques véhicules
des carburants neutres en termes d'émissions de CO2, s'est
à T&E France.
réjoui le ministre allemand des Transports, Volker Wissing.
Ces carburants synthétiques peuvent être produits par un Julia Poliscanova, directrice principale des véhicules et de
mélange entre du CO2 et de l’hydrogène. Le premier pour- la mobilité chez Transport & Environnement, estime même

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

cet accord dangereux. « Les carburants de synthèse sont

une diversion coûteuse et massivement inefficace de la
transformation vers l'électrique qu’affrontent les construc-
teurs automobiles européens. Dans l'intérêt de la crédibilité
climatique de l'Europe, l'accord sur les voitures zéro émis-
sion de 2035 doit entrer en vigueur sans plus tarder. »
Du fait des ressources limitées en e-fuels, autoriser la
vente de moteurs à combustion après 2035 pourrait priver
les voitures existantes de cette solution nécessaire à leur
décarbonation. « Si l'essence de synthèse est employée
dans les nouvelles voitures, les véhicules déjà en circula-
tion consommeront 135 milliards de litres d'essence fossile
supplémentaires et émettront 320 MtCO2e de plus d'ici à
2050 que si l'essence de synthèse était disponible pour le
parc automobile existant », projette Transport & Environ-
nement.

31/03/2023

15
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

JCB : DE L’HYDROGÈNE DANS LE

MOTEUR
Le constructeur britannique d’engins de chantier JCB ment repensés pour l’hydrogène », poursuit le responsable.
a annoncé en décembre dernier avoir franchi une Partant de la base d’un moteur diesel conventionnel,
étape majeure dans la production d’un moteur d’un les ingénieurs n’en ont conservé que les bases, « l’ADN
genre nouveau : un moteur à combustion interne du moteur », tel que les décrit Ryan Ballard. Ils ont en
alimenté à l’hydrogène. Une solution zéro émission revanche complètement revu de nombreux éléments clés,
aussi performante que son équivalent diesel, dont à commencer par le système d’injection, qu’ils sont en outre
vont ainsi bénéficier d’ici peu certaines machines du venus compléter par un dispositif d’allumage commandé.
fabricant basé à Rocester, au Royaume-Uni. Contrairement au gazole, l’hydrogène utilisé comme carbu-
Le projet est né d’un chalenge. Celui lancé à ses ingénieurs rant n’est en effet présent dans la chambre de combustion
par le président du troisième constructeur mondial[1] d’en- qu’à des pression et température relativement basses. Une
gins de BTP, le groupe britannique JCB. étincelle est donc nécessaire pour initier sa combustion.
Partant de ce principe, les ingénieurs de JCB se sont ainsi
Il y a un peu plus de deux ans, en pleine montée de la pan-
également attelés au développement d’un système élec-
démie de COVID-19, Anthony Paul Bamford – dit Lord Bam-
tronique de pointe destiné à assurer un contrôle précis de
ford, fils du fondateur qui a légué ses initiales au groupe,
l’allumage. Et outre cet aspect, l’équipe de développement
Joseph Cyril Bamford – a mis au défi son équipe R&D
s’est concentrée sur trois autres points clés.
composée d’une centaine d’ingénieurs de concevoir rien
de moins qu’un tout nouveau type de moteur : un moteur à Le premier d’entre eux est le turbo. Les ingénieurs britan-
combustion interne alimenté non pas par du gazole, mais niques ont en effet développé un modèle de turbocompres-
par de l’hydrogène. Une voie alors encore quasi inexplorée seur spécifiquement pensé pour les besoins du moteur à
dans le secteur des engins de chantier. hydrogène : capable de comprimer un important volume
d’air, il offre aussi un temps de réponse extrêmement court.
Aiguillonnés, c’est en l’espace de seulement quelques
semaines que les ingénieurs sont parvenus à jeter les Afin d’en optimiser les caractéristiques, le comportement
bases de cette innovation. Des mois de travail leur ont tou- du mélange air/hydrogène introduit dans les cylindres du
tefois été nécessaires pour affiner ensuite la mise au point, moteur a également été scruté à la loupe par les ingénieurs
puis l’intégration de ce moteur novateur dans un engin de JCB, à grand renfort d’outils de modélisation numérique.
chantier. Enfin, l’équipe s’est penchée sur un ultime problème, qui
Un fonctionnement entièrement revu aurait pu réduire à néant le reste de leurs efforts : celui de
la gestion des gaz d’échappement. Contrairement au die-
sel, les gaz rejetés par le moteur à hydrogène sont en effet
« Il ne s’agit pas d’une conversion à l’hydrogène, mais bien relativement froids et, surtout, composés uniquement de
d’une toute nouvelle technologie de combustion », assure vapeur d’eau. Un gaz qui a tendance à se transformer en
Ryan Ballard, directeur de l’ingénierie des groupes moto- liquide, formant ainsi des gouttelettes d’eau susceptibles
propulseurs chez JCB. « Nous avons dû passer au crible la d’enrayer le fonctionnement du moteur. Pour remédier à ce
plupart des éléments du moteur et nous les avons entière- phénomène, les ingénieurs ont ainsi eu l’idée de lubrifier le

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

moteur à l’aide d’une huile hydrophobe renforcée d’additifs moteurs à combustion interne alimenté à l’hydrogène, JCB
empêchant la formation d’une émulsion au contact de l’eau. semble en tout cas pouvoir se targuer d’être le premier à
avoir pleinement relevé le défi. Un pari à 100 millions de
Allumage, mélange air/hydrogène, suralimentation, et ges-
livres sterling lancé – l’histoire le retiendra sans doute – en
tion de la vapeur d’eau… En parvenant à maîtriser l’en-
pleine crise sanitaire mondiale.
semble de ces points clés, l’équipe a ainsi donné naissance
à un moteur à hydrogène de 55 kW aux performances en [1] Troisième constructeur mondial en volume, numéro un
tous points comparables à celle de son équivalent diesel. « sur le segment des chargeurs télescopiques et des char-
Les propriétés de combustion uniques de l'hydrogène per- geuses-pelleteuses.
mettent au moteur de fournir la même puissance, le même
couple et le même rendement que ceux dont bénéficient
les machines JCB actuelles, mais sans émission de CO₂ 05/01/2023
» s’est ainsi félicité dans un communiqué le président du
groupe, Lord Bamford.

En route vers la production à grande échelle

Alors que le constructeur britannique annonçait début
décembre la sortie de chaîne de production du cinquan-
tième exemplaire de ce moteur zéro émission – toujours
pour des besoins de développement –, JCB en a déjà équi-
pé plusieurs de ses machines : chargeuses-pelleteuses et
chargeurs télescopiques. Des machines qui, si elles ne sont
pas encore produites en série, sont en tout cas parfaite-
ment fonctionnelles. La production à grande échelle devrait
quant à elle démarrer fin 2023 et ouvrira ainsi la voie à un
élargissement de la gamme d’engins animés par le moteur
hydrogène à combustion interne imaginé par JCB dans le
cadre de sa stratégie « Road to zero ». « Ces équipements
disposeront des mêmes caractéristiques de vitesse, de
chargement et d’excavation que ceux alimentés par du car-
burant d’origine fossile », souligne Tim Burnhope, directeur
de l’innovation.
Des engins qui devraient en outre bénéficier peu ou prou
de la même autonomie, grâce à un réservoir d’hydrogène
installé en lieu et place du réservoir de gazole, et dont le
coût ne devrait se révéler qu’à peine plus élevé que celui
de leurs homologues diesel.
Si des concurrents tels que le constructeur français Mani-
tou ont eux aussi révélé s’atteler au développement de

17
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

UN NOUVEAU MATÉRIAU POUR LA

PRODUCTION D'HYDROGÈNE VERT À
GRANDE ÉCHELLE
La transition énergétique dans laquelle sont engagés Techniques de l'Ingénieur : Quelles sont les solutions
l’ensemble des pays de la planète doit nous conduire, permettant aujourd’hui de produire de l’hydrogène ?
à l’horizon 2050, à une économie décarbonée. Pour Charles Cornet : L’hydrogène n’est pas disponible sur
cela, il faut développer des moyens de production et Terre, il faut le produire. Deux voies principales existent
de stockage d’énergie décarbonées. Des chercheurs pour cela. D’abord l’électrolyse de l’eau, que tous les col-
cherchent, partout dans le monde, à développer des légiens connaissent. Le principe consiste à plonger deux
technologies innovantes pour produire de l’énergie la électrodes dans un bac d’eau : on fait passer dans ce bac
plus décarbonée possible. un courant électrique qui va venir casser les molécules
Parmi les solutions existantes, l’hydrogène, qui n’existe pas d’eau et séparer l’hydrogène et l’oxygène. La probléma-
tel quel sur Terre, fait l’objet de nombreuses recherches. tique aujourd’hui par rapport à l’électrolyse est l’origine
Pour en produire, on utilise aujourd’hui très massivement le de l’énergie nécessaire à la réaction chimique : selon que
vaporeformage, qui consomme du méthane, pour produire cette énergie est carbonée ou décarbonée, le processus
de l’hydrogène et du dioxyde de carbone : un procédé éco- de production de l’hydrogène est plus ou moins pertinent,
nomiquement intéressant mais écologiquement inefficace écologiquement parlant.
pour réduire la concentration atmosphérique de gaz à effet L’autre technologie est le vaporeformage. On va utiliser du
de serre. méthane et le combiner à de la vapeur d’eau très chaude,
Une équipe du CNRS, dirigée par Charles Cornet, pro- pour former de l’hydrogène. Cette réaction produit égale-
fesseur des Universités à l’Institut fonctions optiques pour ment du CO2. On part donc avec du méthane, et on produit
les technologies de l'information (Institut FOTON, CNRS/ de l’hydrogène et du CO2, puissant gaz à effet de serre.
INSA Rennes/Université Rennes 1), développe une pho- D’un point de vue environnemental, le vaporeformage n’a
to-électrode pour produire, à partir d’énergie solaire, de donc pas d’intérêt. Ceci dit, il s’agit aujourd’hui du pro-
l’hydrogène par électrolyse. Ces travaux sont menés en cédé le plus économique, et 95% de l’hydrogène produit
étroite collaboration avec des chercheurs de l’Institut des aujourd’hui à travers le monde l’est par reformage.
Sciences Chimiques de Rennes (ISCR-CNRS). A l’heure Quelles sont les solutions existantes pour produire de
où l’Etat et les acteurs privés investissent beaucoup pour l’hydrogène décarboné ?
développer des méthodes de production massive d’hydro-
gène décarboné, il s’agit pour Charles Cornet et son équipe L’enjeu aujourd’hui autour de l’hydrogène est de coupler sa
de montrer que leur procédé peut produire de l’hydrogène, production avec l’utilisation d’énergies renouvelables, en
de manière décarbonée, et à un prix compétitif pour être développant des technologies viables économiquement,
économiquement viable. pour qu’elles puissent être mises en place à grande échelle.

Charles Cornet a répondu aux questions des Techniques L’utilisation d’énergies renouvelables pour produire de l’hy-
de l’Ingénieur. drogène pousse à se concentrer sur l’électrolyse, pas sur

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

le reformage. L’idéal serait de pouvoir produire de l’hydro- Il nous faut passer désormais au démonstrateur. Nous
gène et de l’oxygène sans avoir à passer par les énergies avons à ce propos été lauréats récemment d’un appel à
fossiles. Cela peut se faire par exemple en connectant des projet (projet NAUTILUS), lié aux investissements France
panneaux solaires à un électrolyseur. Plusieurs démons- 2030 sur le volet des Programmes et Équipements Priori-
trateurs de ce type existent déjà. On peut aussi connecter taires de Recherche (PEPR) dédiés à l’hydrogène décar-
l’électrolyseur à une éolienne, cela a été testé également et boné. Nous allons donc pouvoir commencer à développer,
fonctionne très bien. Le problème avec ces couplages est à partir du mois de janvier 2023, un démonstrateur dans
la complexité des installations, et leur coût important. lequel nous allons associer les photos-anodes et les photo-
cathodes. Ce démonstrateur sera donc constitué d’une cel-
Comment avez-vous orienté vos recherches pour pro-
lule entière, que l’on pourra exposer au soleil et qui produira
duire « écologiquement » de l’hydrogène ?
de l’hydrogène. L’étude du rendement de ce démonstrateur
Nous avons choisi une approche qui permet d'utiliser l permettra de déterminer si notre approche a le potentiel
'énergie solaire, sans passer par un ensemble “panneau suffisant pour que le procédé soit industrialisé.
solaire / électrolyseur”. Notamment parce que les élec-
Les investissements publics et privés pour dévelop-
trodes sont souvent produites à base de matériaux extrê-
per une production « verte » d’hydrogène permettent
mement chers, comme le platine.
de mener de nombreux projets de recherche. Où vous
Nous développons actuellement des photo-électrodes, situez-vous par rapport à cette effervescence ?
sortes de panneaux solaires, qui trempent directement
En effet nous sommes très loin d’être les seuls à développer
dans l’eau. Les rayons du soleil vont être absorbés pour
des solutions pour la production d’hydrogène décarboné.
produire des charges électriques, qui vont être directement
Beaucoup d’équipes de recherches travaillent sur tout un
rejetées dans l’eau pour « casser » les molécules d’eau et
tas de solutions et de technologies, et beaucoup d’argent
produire de l’hydrogène et de l’oxygène.
est investi pour créer une filière hydrogène compétitive et
Ce mécanisme a plusieurs avantages. Déjà, le panneau décarbonée, en France, en Europe, et même au niveau
solaire produit directement l’hydrogène dans l’eau, ce qui mondial. Il est très difficile de prévoir aujourd’hui quel pro-
simplifie beaucoup le processus. Nous avons combiné une cédé sera le plus compétitif sur le moyen terme. Chaque
fine couche d’un matériau, appelé semi-conducteur III-V, technologie a ses contraintes. Par exemple, nos cellules
qui absorbe très bien la lumière, avec une couche épaisse ont besoin de soleil pour fonctionner, ce qui rend potentiel-
de silicium. Or, le silicium est un élément chimique extrê- lement leur utilisation contrainte sur le plan géographique.
mement abondant sur Terre et peu cher. Nous avons donc Chaque technologie a ses avantages et ses inconvénients.
réussi à montrer que l’utilisation de photo-électrodes à
Qu’est-ce qui va faire pencher la balance pour telle ou
base de silicium permettait d’obtenir d’excellents résultats.
telle technologie ?
C’est un élément déterminant pour évaluer le potentiel de
notre procédé à être utilisé à grande échelle. Il faut à la fois de la performance, un prix bas, et une
durée de vie du produit la plus longue possible. Nos cel-
A quel stade de recherche vous trouvez-vous actuelle-
lules solaires photo-électro-chimiques baignent dans l’eau
ment ?
et cela ajoute des risques, en termes de corrosion par
Pour le moment, nous observons des photo-électrodes exemple. Ces risques doivent être déterminés et pris en
individuelles : soit des photos-anodes, soit des photo- compte, ce que nous faisons dans nos recherches. En ce
cathodes. Les performances sont très intéressantes, si on qui concerne la durée de vie de nos cellules, nous pouvons
les met en rapport avec le faible coût des matériaux utilisés. ajouter une fine couche protectrice pour préserver les cel-

19
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

lules de la corrosion. Cela entraîne forcément une baisse

de rendement, il faut donc optimiser l’ensemble pour obte-
nir un matériel performant et résistant dans le temps. C’est
ce sur quoi nous travaillons actuellement. Un fois que cela
sera fait, le rendement déterminera le prix de revient de
l’hydrogène produit, et donc l’intérêt industriel de nos pho-
tos-électrodes.
Peut-on imaginer d’autres applications pour ce maté-
riau, en plus du procédé que vous développez ?
Je travaille actuellement sur un projet (projet ANR PIA-
NIST) destiné à mieux comprendre l’ensemble des pro-
priétés de ces matériaux qui se révèlent assez originales,
notamment en ce qui concerne leur manière de conduire le
courant ou de récupérer l’énergie solaire. Ces propriétés
laissent imaginer que ces matériaux pourraient être perfor-
mants et permettre le développement de nouvelles cellules
photovoltaïques, mais aussi de nouveaux transistors… ces
matériaux pourraient même intervenir dans le développe-
ment des technologies quantiques.
Propos recueillis par Pierre Thouverez

14/12/2022

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

QUELS MATÉRIAUX POUR UN

STOCKAGE DE L'HYDROGÈNE PLUS
PERFORMANT ET ACCESSIBLE ?
La molécule hydrogène est au centre des attentions, De nouveaux matériaux sont testés et développés pour
en France comme en Europe. Pressenti pour être améliorer les performances du stockage hydrogène : ainsi,
un vecteur énergétique fondamental de la transition les recherches menées concernent notamment la forme
énergétique, son stockage fait l’objet de nombreuses même de l’hydrogène stocké. Car la molécule H peut être
recherches, au sein desquelles de nouveaux stockée sous toutes les formes.
matériaux pourraient jouer un rôle fondamental. Le stockage liquide de l’hydrogène s’effectue à très basse
Une des caractéristiques de l’hydrogène est sa légèreté. température, car cela permet de diminuer sa masse volu-
Cet aspect de sa chimie en fait un élément chimique com- mique et de lui faire prendre moins de place. Mais ce type
pliqué à stocker, et un défi technologique pour les cher- de stockage est pour le moment limité à des usages très
cheurs. A l’heure actuelle, le stockage à haute pression et spécifiques, comme le remplissage des moteurs de fusée
à basse température est celui qui fait l’objet de nombreuses par exemple. La contrainte principale du stockage liquide
applications. Depuis l’annonce du plan France 2030, l’hy- est le besoin d’une haute pression : L’hydrogène liquide a
drogène a été désigné comme vecteur énergétique de la tendance à se gazéifier quand la température augmente,
transition à venir. Il est vrai que stocker l’hydrogène peut ce qui oblige à faire fuiter une partie du gaz du réservoir. Ce
présenter de nombreux avantages, notamment celui de qui, bien sûr, impacte très négativement le rendement de ce
pouvoir intégrer des énergies renouvelables plus facile- type de technologies. Les innovations vont donc consister
ment dans le mix énergétique ainsi obtenu. Depuis, c’est à développer des matériaux isolants (composés non tissés
toute l’Europe qui s’est lancée dans une course à l’innova- de verre, films en aluminium) pour maintenir l’hydrogène
tion pour faire du continent un leader sur le marché de l’hy- à l’état liquide, et permettre d’utiliser ce type de stockage
drogène. Cependant, pour être en mesure d'établir l’hydro- pour la mobilité.
gène en tant que fondement de la transition énergétique, L’hydrogène peut également être stocké sous forme
les industriels et les chercheurs vont devoir mettre au point gazeuse, à haute pression. Cela permet de stocker le H2
des solutions techniques pour stocker la fameuse molécule dans des réservoirs, dans des bouteilles, pour le transport
dans des conditions physico-chimiques compatibles avec notamment. L’hydrogène gazeux peut également être uti-
les constantes naturelles, en termes de pression et de tem- lisé pour alimenter une pile à combustible et générer de
pérature. Ce qui n'est pas gagné. l’électricité, et faire fonctionner un véhicule à hydrogène.
Stockage liquide, gazeux ou solide ? Enfin, la molécule d’H2 à l’état gazeux peut aussi être stoc-
kée massivement en sous-sol. En termes de matériaux,
L’hydrogène est onze fois plus léger que l’air que nous
il s’agit là de mettre au point des structures supportant la
respirons. En conséquence, ce gaz occupe beaucoup plus
pression de l’hydrogène dans le temps.
de place, si on le stocke à pression ambiante. Aujourd’hui,
l’hydrogène peut être industriellement stocké à 700 bars de Enfin, et c’est la méthode qui cristallise l’innovation actuel-
pression, ou 350 bars pour la mobilité. lement, il est possible de stocker l’hydrogène sous forme

21
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

solide. Par exemple sous forme de poudre, en piégeant

l’hydrogène dans de la poudre de nitrure de bore. Dès lors,
l’hydrogène est stable, et peut être stocké et transporté
facilement, en grandes quantités si besoin. La recherche
appliquée, en France et en Europe, s’échine donc à mettre
au point des démonstrateurs, pour valider l’intérêt du stoc-
kage de l’hydrogène sous forme solide et son utilisation à
grande échelle.

13/12/2022

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 LE PARI DE L'HYDROGÈNE VERT

LE VÉRITABLE COÛT DE
L'HYDROGÈNE VERT
La conférence de Paris tenue en 2015 a abouti à du charbon. La production d’hydrogène par électrolyse de
des accords visant à réduire les relâchements de l’eau reste actuellement très marginale et ne représente
gaz à effet de serre dans le monde entier. L’un des que 4 % de la production totale.
principaux axes stratégiques permettant d’atteindre Pour couvrir la consommation actuelle à l’aide d’hydro-
les objectifs consiste à remplacer progressivement gène, la production annuelle mondiale de ce nouveau
les carburants fossiles par de l’hydrogène vert. Une vecteur énergétique devrait être portée à 880 Mt/an, soit
évolution qui a déjà commencé... environ 15 fois plus que la capacité de production mondiale
Un extrait de Applications mobiles et stationnaires de l'hy- totale actuelle, et 367 fois plus que la capacité mondiale
drogène dans la transition énergétique par André RAHIER actuelle de production par électrolyse de l’eau. Quant à la
puissance électrique nécessaire, en supposant que le ren-
Le coût du dihydrogène obtenu par vaporeformage du
dement de l’électrolyse est d’au moins 70 %, on serait ame-
méthane varie entre 1,5 et 2,5 €/kg. Il passe au moins à
né à consommer 4,8 TW, soit approximativement 13 fois
3,5 €/kg lorsqu’on utilise de l’électricité nucléaire pour
la puissance électrique nucléaire installée dans le monde
électrolyser de l’eau. Il s’accroît encore à plus de 5 €/kg
en 2015. Ces chiffres sont même très optimistes, car ils ne
si l’électricité est d’origine éolienne ou photovoltaïque.
tiennent pas compte de l’évolution démographique et de
Les contraintes environnementales et, principalement, les
la demande énergétique qui aura lieu pendant la période
objectifs de réduction des relâchements de gaz à effet de
nécessaire pour réaliser la transition. À titre informatif, en
serre (CO2) obligent toutefois à viser la production d’hy-
2019, la puissance électrique photovoltaïque exploitée
drogène vert par électrolyse de l’eau en utilisant des éner-
dans le monde était estimée à 0,06 TW...
gies renouvelables. Cette transition devra inévitablement
passer par une diminution du prix du kg d’hydrogène vert, Exclusif ! L’article complet dans les ressources documen-
quoiqu’en parallèle, le coût réel des énergies actuelle- taires en accès libre jusqu'au 11 mai 2023 !
ment exploitées ne cesse d’augmenter lorsqu’on prend en Applications mobiles et stationnaires de l'hydro-
compte l’impact sur l’environnement. gène dans la transition énergétique, par André RAHIER
Hydrogène : vers une production à grande échelle ?
Selon l’Association française pour l’hydrogène et les piles 27/04/2023
à combustible, la production mondiale de dihydrogène était
de 60 Mt/an en 2014 et serait passée à 74 Mt/an en 2018.
Ces chiffres restent des estimations qui varient d’ailleurs
très légèrement selon les sources d’information. On peut
affirmer avec certitude qu’en 2020, le dihydrogène était
soit produit à la demande en vue de réaliser la synthèse
d’autres agents chimiques (ammoniac, méthanol, hydro-
carbures légers), soit obtenu en tant que sous-produit de
la synthèse de la soude et du chlore ou de la gazéification

23
 LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

LES THÈSES DU MOIS : LE PARI DE

L'HYDROGÈNE VERT
Pour vous accompagner et vous fournir une or fuel cells and recovery of waste materialsGudaysew
information toujours plus riche, Techniques de Tsegaye YenesewThèse de doctorat en Chimie des maté-
l'Ingénieur s'associe au Réseau National des Ecoles riaux, Soutenue le 16-12-2022.Institut des Matériaux Jean
Doctorales - Sciences Pour l'Ingénieur (REDOC Rouxel
SPI). Chaque mois, notre partenaire sélectionne des
thèses en lien avec notre dossier mensuel afin de
vous permettre de creuser plus loin les thématiques Sustainable Hydrogen Production on PGM-free Elec-
développées dans le dossier. trocatalytic Materials in Anion Exchange Membrane
Water Electrolyzer (AEMWE)Carlos Victor Mendonca Ino-
Pour notre dossier d'avril, "Le pari de l'hydrogène vert", cencioThèse de doctorat en Chimie théorique, physique,
voici les thèses sélectionnées par le REDOC SPI. Retrou- analytique, Soutenue le 08-12-2022.Institut de Chimie des
vez le résumé de ces thèses ainsi que les thèses des mois Milieux et Matériaux de Poitiers
précédents sur le site de notre partenaire.

​ tude expérimentale d'une cellule d'électrolyseur à

É
Le rôle de l'hydrogène dans la transition énergétique- membrane échangeuse de protons (PEMWE) : contri-
Sai Bravo MelgarejoThèse de doctorat en Sciences écono- bution à l'optimisation d'une Pile A Combustible Réver-
miques, soutenue le 17-12-2021.Transitions Énergétiques sible (PAC-R), pour le stockage d'énergie solaireSébas-
et Environnementales tien BoulevardThèse de doctorat en Énergétique, Soutenue
le 28-05-2021.SLaboratoire d’énergétique, d’électronique
et procédés
Tidal stream energy integration with green hydrogen
production : energy management and system optimisa-
tionAnsu AlexThèse de doctorat en Mécanique des fluides, Élaboration, caractérisation et évaluation photocata-
énergétique, thrmique, combustion, acoustique soutenue lytique de matériaux de type TiO2 dopé – graphène-
le 24-06-2022.Laboratoire universitaire des sciences appli- Hamza El MarouaziThèse de doctorat en Chimie physique,
quées de Cherbourg Soutenue le 13-12-2021Institut de chimie et procédés pour
l'énergie, l'environnement et la santé

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ciency tracking : application to green H2 productionSu- ​ tockage solide réversible de l'hydrogène : Étude et
S
mit SoodThèse de doctorat en Automatique, productique, modélisation du comportement de la particule isolée
Soutenue le 07-12-2021.Centre de recherche en informa- de composés intermétalliques lors de l'absorptionLu-
tique, signal et automatique de Lille dovic BebonThèse de doctorat en Mécanique, soutenue
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Mécanique, Thermique et Optique - Sciences et Techno-
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sique Physique de la Matière Condensée, depuis le
01-09-2022Laboratoire de physique de la matière conden-
sée

​ ptimisation de la production d'hydrogène vert sous

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