PDF of Le Vampire Des Cevennes 1St Edition Gilles Milo Vaceri Full Chapter Ebook

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Le vampire des Cévennes 1st Edition

Gilles Milo Vacéri


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Présentation
Préface
Prologue
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV
Chapitre XXV
Chapitre XXVI
Chapitre XXVII
Épilogue
Du même auteur
Présentation

Une promotion et l’arrivée d’une stagiaire dans son équipe


provoquent les foudres du commandant Gerfaut. Alors qu’il tente de
négocier, la Gendarmerie le sollicite, car un tueur en série terrorise
les Cévennes. Les victimes sont exsangues après avoir subi
d’étranges morsures au cou.
Entre un magistrat intransigeant, des élus impatients, et une
bataille autour d’un projet immobilier, Gerfaut à fort à faire. Il doit
déjà résoudre une première énigme : et si les vampires existaient
vraiment ?
Face au surnaturel, Gerfaut n’hésitera pas à mordre le premier.
LE VAMPIRE DES CÉVENNES

Tome XII
Les Enquêtes du commandant
Gabriel Gerfaut

Gilles MILO-VACÉRI
À Caroline…
Préface

Après avoir découvert les enquêtes du commandant Gabriel


Gerfaut, dévorées en quelques semaines, j’ai pris la décision de
contacter Gilles Milo-Vacéri. Je suis également un commandant de
police en fonction, affecté à la Direction Centrale de la Police
Judiciaire.
Issu de la 7e promotion d’officiers de police, j’ai eu la chance de
débuter ma carrière à l’Office Central pour la Répression du Trafic
Illicite des Stupéfiants (OCRTIS). Comme tout jeune officier sorti de
l’école, la tête remplie de certitudes, j’avais, en réalité, tout à
apprendre du métier de flic de terrain. D’ailleurs, les anciens nous le
faisaient bien comprendre.
Ainsi, pour nos premières surveillances, je me souviens encore de
leur petit sourire en coin lorsqu’ils nous ont affectés dans le soum{1},
durant la canicule de l’été 2003 ! Un soum qui s’est rapidement
transformé en un véritable sauna et dans lequel nous avons tous fini
en petite tenue, au beau milieu des cités de Pierrefitte-sur-Seine !
J’ai appris à maîtriser les procédures de flagrant délit, en étant
affecté à un groupe chargé de la gestion des saisies de drogue dans
les aéroports parisiens. Après une année, j’ai intégré un des cinq
groupes d’enquête d’initiative de l’OCRTIS où nous avons réalisé de
très belles affaires.
Je me rappelle principalement le Spes Nostra, un voilier contenant
3,5 tonnes de cocaïne, en provenance du Venezuela. Pour cette
affaire, j’ai pu embarquer pendant quinze jours sur un bateau de la
Marine Nationale espagnole afin d’arraisonner ce voilier au large des
Açores. C’est ma plus belle expérience au sein de ce service
prestigieux.
En plus de mes fonctions, j’étais également chef du groupe
d’appui opérationnel de l’OCRTIS afin d’effectuer les interpellations
les plus dangereuses. J’ai pris ensuite la tête d’un groupe sur la
nouvelle plateforme aéroportuaire de l’OCRTIS et après plusieurs
années très prenantes, j’ai quitté ce service. Je souhaitais privilégier
ma vie de famille et profiter pleinement de mes deux enfants.
J’ai alors intégré la section formation de la DCPJ dont je suis
aujourd’hui le responsable.
Durant toute ma carrière, j’ai toujours pris le temps de lire de
nombreux livres, notamment les aventures du commissaire Marcas
de Giacometti et Ravenne, ainsi que beaucoup d’autres ouvrages
mêlant enquête, Histoire et ésotérisme.
J’ai récemment découvert les enquêtes du commandant Gabriel
Gerfaut, avec le premier tome, Que son règne vienne. J’ai
immédiatement accroché avec ce personnage haut en couleur et j’ai
dévoré les onze épisodes, les uns à la suite des autres !
Les qualités de Gabriel Gerfaut sont nombreuses. Ses valeurs, sa
façon de penser, le fait de toujours faire passer les autres avant lui,
sans jamais chercher de reconnaissance, donner le meilleur de lui-
même tout en allant chercher le meilleur de son équipe… tout cela
en fait un modèle pour tout chef de groupe de Police Judiciaire.
Certes, il prend parfois d’énormes raccourcis, mais on ne suit pas
ses enquêtes pour s’infliger un cours de procédure pénale. Quoi qu’il
en soit, nous avons tous rêvé de prendre les mêmes libertés comme
de n’en faire qu’à notre tête dans certains dossiers !
C’est difficile de donner sa préférence à un épisode de notre cher
Gerfaut. Son combat contre le mal, incarné par Brigitte Tomaselli,
nous tient tous en haleine et j’espère que l’affrontement final aura
bientôt lieu. Sinon, j’ai énormément apprécié L’honneur du Samouraï
et Piège mortel au Vatican. Le premier pour son immersion dans
l’univers de ces guerriers mythiques du Japon médiéval. En plus,
l’émotion que ressent Gabriel lors du retour de Kenshin sur les terres
nipponnes m’a beaucoup touché. Le second, pour le microcosme
mystérieux du Vatican et la révélation tant attendue des sentiments
de Gabriel pour Adriana.
J’avoue avoir été très surpris lorsque Gilles m’a demandé d’écrire
cette préface. J’ai longuement hésité, mais les différents contacts
par écrit puis par téléphone avec Gilles m’ont convaincu de sauter le
pas et de partager, avec vous, mon expérience de lecteur assidu,
mais avec mon regard de commandant de police.
Étant désormais chargé du recrutement et de la formation,
notamment des futurs membres des Brigades de Recherches et
d’Intervention (BRI) de la DCPJ, je sais qu’il est important de
transmettre son savoir-faire, mais aussi qu’il est très difficile d’y
parvenir.
Gilles Milo-Vacéri sait parfaitement nous transmettre toutes les
émotions que connaissent les policiers lors d’une enquête ainsi que
les liens très forts qui unissent les équipiers d’un groupe.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente lecture !

Sébastien Gendre
Commandant de Police
Chef de la section formation
Direction Centrale de la Police Judiciaire
Sous-Direction de la Lutte contre la Criminalité Organisée
Prologue

Samedi 19 août 2023


Quelque part dans les Cévennes

Je suis le prince des ténèbres. Je suis la nuit. Je suis la Vie et la


Mort. Nul ne peut me vaincre, personne ne peut résister à ma
volonté. Je suis maudit et je suis la malédiction en même temps. Le
bourreau et la victime.
Je sens. Je flaire. Je hume. Je renifle. Je respire… je les devine et
les trouve, même à distance.
Et je l’ai trouvée.
Ma proie est proche, toute proche, ignorant tout de ma présence
invisible.
Elle est là-bas et se pense à l’abri. Pauvresse !
Je suis la nuit, le silence, la sanction, la punition et la mort.
Maintenant, je peux la voir à travers les frondaisons. Je la regarde
s’activer, assise devant un petit réchaud. Je vois la tente dressée,
quelques affaires et objets épars.
Je la vois, ELLE ! Je ne vois plus qu’elle.
Elle porte un débardeur, un short, sa poitrine s’agite alors qu’elle
remue sa cuillère dans la casserole. Elle est blonde, assez jolie, avec
une peau laiteuse, des taches de rousseur sur le visage que je
distingue à la lueur des petites flammes et d’une lanterne à gaz.
Puis je vois son cou absolument nu.
Tout mon corps se tend, ma salive abonde dans ma bouche. Ce
cou tout blanc, si gracile, sans protection… d’ici, j’aperçois les veines
qui battent au rythme de son cœur.
Un grondement m’échappe. Là-bas, elle a dû m’entendre, car elle
s’est immobilisée pour mieux écouter. Je ne bouge plus, mais je sens
déjà le sang couler et éclabousser mes lèvres enfiévrées. Tout mon
être exulte à l’approche du festin que je vais lui offrir.
Alors, j’avance et peu à peu j’apparais dans la faible lumière.
Elle s’est figée puis me sourit. Que croit-elle ? Pauvre folle ! Elle
n’a pas encore compris.
Soudain, je grogne et je montre mon vrai visage et mes crocs.
Elle réalise enfin, hurle, appelle certainement au secours dans une
langue que je ne comprends pas et détale dans le sous-bois. Amusé,
je la regarde essayer de fuir l’inéluctable. Elle est condamnée. Elle
est déjà morte.
Alors, je m’élance à sa poursuite par un autre chemin. Ici, je suis
dans mon royaume. Comment pourrait-elle m’échapper ? Je connais
les chemins, chaque arbre, toutes les pierres, les combes et les
causses… je sais où elle se dirige et je sais comment je vais la
cueillir par surprise. La faim qui vrille mon estomac exacerbe tous
mes sens déjà surdéveloppés. Par un détour rapide, je la devance.
Je sens sa présence.
Elle est agenouillée derrière un rocher, se croyant à l’abri. Elle
tremble comme une feuille, elle claque même des dents.
La chasse a assez duré et j’ai trop faim.
D’un bond, je surgis de la nuit dans son dos. Elle hurle de plus
belle ! Je l’assomme d’un coup et en tombant, sa nuque heurte la
pierre, en faisant un bruit sec et sourd.
Elle gît à mes pieds, allongée et offerte à mes désirs que je vais
enfin pouvoir combler.
Je m’agenouille et je repousse violemment sa tête en arrière et
enfin… Ô bonheur ! Je plante mes crocs dans la veine. Aussitôt, des
jets hémorragiques jaillissent avec force, éclaboussant mon visage
aux yeux clos. Je n’ai plus qu’à ouvrir la bouche.
Par Satan, que c’est bon ! Le sang tout chaud me remplit et je me
délecte de la vie qui est en train de fuir ce corps. Moi, je t’offre la
mort et la malédiction qui a brisé mon existence, en échange du
sang de la misérable mortelle que tu étais.
Je suis repu, le sang ne coule plus et son corps est déjà refroidi.
Ses yeux ouverts marquent encore l’effroi que je lui ai causé.
Pourtant, sa mort a été douce et belle. N’est-ce pas merveilleux de
nourrir le prince des ténèbres ? Plus tard, elle aussi…
Alors que je reste à genoux près du corps, une autre faim, aussi
impérieuse que la première jaillit en moi. Un autre feu me remplit,
gage de ma toute-puissance.
J’arrache le fragile maillot puis le short et une culotte que je jette
au loin, sans y faire attention. Je contemple longuement son torse et
soudain, poussé par une force que je ne peux réfréner, je mords un
sein à pleine bouche, je le lèche, tout en le pétrissant.
Alors, je tire à moi le cadavre et j’écarte les cuisses.
Maintenant, tu vas être complètement à moi. Je pénètre le dernier
bastion de ton enveloppe charnelle de mortelle et je grogne ma joie.
Je t’offre le pire de moi, le plus mystérieux, le plus redoutable et
pourtant plus tard, tu me remercieras.
Je vais laisser en toi mon immortalité !

Le silence qui régnait était encore oppressant, presque plus


effrayant que les hurlements qui avaient déchiré la quiétude des
lieux.
Une silhouette sombre, semblant drapée dans une cape, s’éloigna
lentement, visiblement en proie à une grande lassitude. Puis, au
détour d’un chemin, l’ombre parut s’évanouir, comme avalée par la
nature environnante, dernier sortilège de l’effroyable instant.
Un hibou grand-duc, unique témoin de la scène, détourna les yeux
et hulula son cri lugubre, fêtant à sa manière le retour d’un peu de
sérénité.
La nuit avait retrouvé son calme et les insectes nocturnes avaient
repris leur chant, insensibles à l’holocauste qui venait de se produire.
La jeune femme gisait sur le dos, baignant dans une mare de sang
que la terre asséchée s’empresserait d’absorber. Son corps nu et
martyrisé portait les traces d’une monstrueuse attaque et elle avait
gardé les yeux ouverts sur l’innommable abomination. Son cou, son
torse et son ventre étaient couverts de sang qui commençait déjà à
coaguler.

Le lendemain, au zénith, des vautours tournant dans le ciel ont


attiré l’attention des gardes forestiers du parc national des
Cévennes. Le premier homme qui aperçut le cadavre pollua la scène
de crime, incapable de résister à une nausée insurmontable.
Deux heures plus tard, les gendarmes occupaient la zone et
procédaient aux constatations.
Le soir même, la rumeur se répandait comme une traînée de
poudre dans toute la région.
Il était de retour…
Chapitre I

Vendredi 25 août 2023


Paris XVIIe - 36 rue du Bastion - Brigade criminelle

Le commandant Gabriel Gerfaut était dans la petite salle de


réunion, attenante à son nouveau bureau du Bastion. Depuis
l’installation dans les nouveaux locaux plus modernes, il regrettait
l’ambiance du Quai des Orfèvres, malgré sa vétusté et tous les
problèmes inhérents. Cependant, il bénéficiait maintenant de plus
d’espace et cette salle lui avait permis de classer ses archives
personnelles, d’afficher des photos montrant uniquement les zones
géographiques de certaines enquêtes ainsi que quelques rares
visages amis.
Assis sur un vieux fauteuil anglais qu’il avait acheté sur ses
propres deniers, il regardait un album photo, passant lentement
d’une page à la suivante. Chaque cliché lui rappelait un souvenir
bien précis, un homme ou une femme, qu’il avait croisés dans sa
carrière, des moments de partage, mais aussi des instants plus durs
qui l’avaient marqué à tout jamais.
Il resta plus longtemps devant le portrait du commandant Ange
Grisoni, celui avec qui tout avait commencé. Avec Marcelli, il avait
été son seul vrai mentor et s’il était devenu le spécialiste des tueurs
en série, c’était uniquement grâce à cet homme{2}.
— Qu’est-ce que tu fais, patron ?
Gabriel leva les yeux et regarda son second adjoint entrer et venir
vers lui.
Paul Castani, issu de la BAC et repéré par ses soins, était un flic de
choc, mais aussi un excellent enquêteur qui ferait une belle carrière.
Un peu chien fou à ses débuts, il avait réussi à le canaliser et depuis,
s’il aimait toujours l’action, il avait appris à se poser pour mieux
réfléchir et agir différemment.
— Rien, je passe le temps et j’attends ce fichu rendez-vous.
Son équipe et lui étaient convoqués chez le commissaire
divisionnaire, Gustave Marcelli, le grand patron de la Crim. Après
plus de vingt ans d’une amitié sans tache, le Vieux, comme le
surnommaient tous les flics, était plus un ami qu’un supérieur.
— J’en reviens pas ! lâcha Paul. Même toi, t’as pas réussi à savoir
ce qu’il nous veut. Ça craint, non ?
— C’est trop bizarre ! Qu’il nous ait prévenus dès lundi pour être là
aujourd’hui, ça lui ressemble pas tellement.
Puis il regarda vers la porte.
— Et Adriana ? Elle est pas avec toi ? Vous étiez bien de
permanence cette nuit ?
— Oui, tout à fait. Elle me suit, sauf qu’elle avait besoin d’une
pause.
Gerfaut le fixa, étonné. Castani se montra plus explicite.
— Une pause aux WC.
Le capitaine se pencha sur l’album que tenait son supérieur.
— C’est pas Grisoni ce type ?
Le commandant détourna les yeux et acquiesça. Castani savait
parfaitement ce que pouvait représenter cet homme. Ils en avaient
souvent parlé ensemble, entre deux enquêtes.
— C’est quand même marrant, non ?
— Euh… qu’est-ce que tu trouves marrant dans cette photo ?
— Non, pas la photo. Je pensais à la transmission. Grisoni t’a
donné ta chance et il t’a formé. Et toi, tu m’as repéré et tu m’as
gardé dans ton équipe pour m’apprendre le job. Je trouve ça sympa,
ce passage de témoin du savoir.
Ils échangèrent un regard complice.
— Il le faut, tu sais, répondit Gabriel. D’ailleurs, bientôt Adriana
passera commandant et elle sera à même de résoudre des enquêtes
difficiles. Puis, ce sera ton tour.
— Ouais, ben je suis pas pressé ! Je préfère bosser sous tes
ordres. J’ai encore beaucoup à apprendre !
— Comme moi ! répliqua son supérieur. À chaque enquête, je
découvre, je progresse et je suis ravi de partager ça avec vous deux.
— Sauf que… commença Paul, pensif.
— Quoi donc ?
— Je ne parle que pour moi, mais j’ai pas ton instinct. Je sais
pas… t’as un truc en plus…
À cet instant, le capitaine Guivarch franchit la porte.
— Salut ! Désolée, j’avais une urgence. Le kebab d’hier est mal
passé.
Adriana, jeune femme blonde, d’une vive intelligence et d’une
grande capacité d’analyse, avait été formée dès ses débuts aux
méthodes peu orthodoxes de Gerfaut{3}. Elle marchait dans ses pas
et prenait peu à peu de l’expérience et de l’assurance. En outre, elle
le complétait parfaitement en lui apportant sa maîtrise de l’outil
informatique et des nouvelles technologies, des sciences relevant de
l’aversion phobique pour son supérieur. Même si tel n’était pas son
but, un jour, elle serait appelée à le remplacer pour traquer les pires
criminels.
Au-delà de ses nombreuses qualités, Adriana était surtout la
meilleure amie de Gerfaut, son bras droit, sa conscience parfois, et
depuis quelques années, la femme qu’il aimait{4}. Elle aura dû frôler
la mort pour qu’enfin, il ose se déclarer !
Elle se pencha et posa un baiser léger sur les lèvres de son
homme. Ici, ils devaient rester discrets, la hiérarchie n’était pas
complètement informée de leur relation intime. Heureusement,
Marcelli les couvrait.
— Vous aviez l’air sérieux tous les deux quand je suis arrivée.
C’était quoi le sujet ? demanda-t-elle, en s’asseyant sans façon sur la
table.
— Paul me parlait de Grisoni et de la transmission de l’expérience
entre nous. Justement, il me disait qu’il n’avait pas mon instinct et
je…
— C’est clair ! T’es un chasseur, Gabriel, et t’as un don pour ton
job. Paul et moi, on apprend la technique à tes côtés, mais ça nous
donne pas ton savoir et ton sixième sens.
— Ah ! Tu vois que j’ai raison, ajouta Paul.
— Arrêtez ! C’est n’importe quoi.
— Tu veux une preuve ? demanda Guivarch. C’est simple… toutes
les enquêtes qu’on a menées ensemble, t’as souvent deviné le
coupable avant nous deux, alors qu’on a toujours eu les mêmes
éléments que toi. Si ça, c’est pas une évidence !
— Mais non ! Avec le temps, ça viendra et tu verras qu’un jour, ta
tablette magique ne te servira plus à rien. L’humain et tout ce qui le
concerne, ça ne se trouve pas dans les nouvelles technologies et vos
fichus ordinateurs. Ça aide oui, mais ça ne devine pas les coupables.
— C’est peine perdue ! plaisanta Castani. Tu ne pourras jamais le
convaincre.
Elle haussa les épaules et fronça les sourcils.
— Tu ne devais pas mettre une cravate aujourd’hui ? Et d’ailleurs,
tu m’avais promis que tu te raserais ! pesta Adriana, en caressant sa
joue râpeuse.
Il la fixa.
— Dis donc, toi ! Tu serais pas au courant de quelque chose ?
Elle fit non de la tête. Si elle lui avait caché quoi que ce soit, il
l’aurait tout de suite deviné.
— Pas du tout ! répliqua-t-elle. Mais si le Vieux prend la précaution
de nous donner un rencard une semaine à l’avance, avec, en prime,
un grand sourire, c’est pas pour nous engueuler. C’est pas une
enquête, non plus. Ça vous semble pas évident ?
Les deux hommes acquiescèrent. Guivarch continua :
— On va peut-être avoir une augmentation ou recevoir une
médaille. Allez savoir !
Ils rirent tous les trois. Elle reprit plus sérieusement :
— Concernant le dernier cinglé qu’on a arrêté, t’as mis tes notes
au propre ? Sinon, ça va être compliqué de faire le rapport.
Gerfaut se tourna vers Castani.
— Alors, tu les as préparées comme je t’avais dit ?
Paul se figea et ouvrit de grands yeux.
— Quoi ? Mais tu ne m’as jamais demandé de faire ça ! Arrête !
protesta-t-il avec véhémence.
Gabriel éclata de rire et prit une chemise sur la table, près de lui.
— Tiens, elles t’attendaient. J’ai écrit ça vite fait, bien fait.
Adriana soupira.
— Ouais ! Bonjour les hiéroglyphes, quoi… t’es chiant, des fois !
Castani regarda sa montre.
— Eh, les amis ! Faudrait peut-être y aller si on veut pas être en
retard, sinon on va encore se faire engueuler.
Ils suivirent son conseil et quittèrent les bureaux pour gagner
l’étage de la direction.
Chapitre II

Vendredi 25 août 2023


Paris XVIIe - 36 rue du Bastion - Brigade criminelle

En arrivant, Gerfaut s’étonna de ne pas voir la secrétaire à son


poste. Il frappa et entra sans attendre. Dès qu’il franchit le seuil, il
s’immobilisa. Il y avait là de nombreuses personnes, inconnues pour
la plupart. Il nota tout de suite la petite table sur laquelle une
bouteille de champagne siégeait dans un seau à glace, près de
plusieurs coupes, vides pour le moment.
Alors, il fixa son supérieur droit dans les yeux. Il existait une telle
complicité entre eux que les mots étaient parfaitement inutiles.
Marcelli fit une grimace à peine perceptible et un regard appuyé qu’il
traduisit immédiatement. Le Vieux n’était pas à l’origine de ce qui
allait se passer.
Ses deux adjoints restèrent derrière lui, eux aussi sous le coup de
la surprise.
Xavier Francheville, le contrôleur général de la police judiciaire,
s’avança pour les saluer.
— Bonjour, Gabriel. J’espère que vous allez bien ?
— Pour l’instant, ça va encore, répondit-il, le plus sérieusement du
monde.
— Venez, je vous présente.
Négligeant l’invitation, Gerfaut se dirigea vers le bureau du Vieux
pour lui serrer la main. Encore une fois, leur échange de regards
dura un petit moment et seulement après, il rejoignit le contrôleur.
— Voici Lionel Armentier, directeur du SGAP. Je pense que…
— Oui, on s’est déjà rencontrés, ironisa le commandant qui ne
pouvait le supporter.
Ils échangèrent une rapide poignée de main puis ils passèrent au
suivant.
— Il me semble que vous vous connaissez ?
Gabriel se fendit d’un vrai sourire.
— Bonjour, Bertrand, dit-il, sur un ton aimable.
— Heureux d’être là pour toi, répondit Bertrand Vergnier, le préfet
de Police de Paris.
Il se montra aussi chaleureux en serrant la main de la femme à
côté de lui.
— Bonjour, Geneviève. Ravi de te revoir.
Geneviève Montreux était la directrice de l’école nationale
supérieure de la police, située à Cannes-Écluse, chargée de former
les officiers. Le commandant y donnait régulièrement des
conférences sur différents thèmes se rapportant à sa spécialité.
Alors qu’il regardait la dernière personne à saluer, une jeune
femme inconnue, un homme fit irruption dans le bureau, légèrement
essoufflé.
— Désolé pour le retard ! dit-il, visiblement agacé. Les
embouteillages, les travaux… j’ai cru ne jamais arriver !
Portant un costume sombre et la rosette à son revers, c’était
indéniablement un politique ou un très haut fonctionnaire. Il vint
tout droit vers Gerfaut.
— Bonjour ! Pardonnez-moi. Je ne voulais pas louper la petite
cérémonie.
Gabriel serra les dents et regarda à nouveau le divisionnaire qui,
cette fois, détourna les yeux. Le contrôleur reprit la parole :
— Monsieur Geoffroy de Lestrac, secrétaire particulier et adjoint
du ministre de l’Intérieur, chargé des affaires judiciaires, conseiller
au directoire de la sécurité publique.
Le commandant resta dubitatif et serra sa main tendue tout en se
disant que si le ministère se déplaçait, ça devait être du sérieux. Ce
qui eut pour effet principal d’éveiller sa méfiance proverbiale à
l’égard des instants solennels et autres cérémonies.
Francheville revint vers le milieu du bureau.
— Je laisse le plaisir à votre divisionnaire de vous annoncer la
bonne nouvelle.
Restés près de la porte, les adjoints du commandant affichèrent
un sourire très bref. Castani se pencha à l’oreille de sa voisine.
— Tu paries sur combien de secondes avant qu’il fiche le bordel ?
chuchota-t-il.
Adriana eut du mal à retenir un rire. Marcelli s’était levé et vint
vers son subalterne.
— Mon cher Gabriel, je…
— Quand tu commences comme ça, c’est que ça va mal finir.
Pardon, mais avant l’arrivée de monsieur, je n’ai pas pu saluer
mademoiselle.
Il s’était tourné vers la jeune femme qui attendait en silence, près
de la directrice de l’école. Le contrôleur se frappa le front.
— Zut ! Pardonnez-moi, je vous ai oubliée.
Ce fut Geneviève qui fit les présentations.
— Voici le Lieutenant Morgane Kervellec, major de sa promotion et
fraîchement émoulue de notre école. Un des meilleurs officiers que
je n’ai jamais formés !
Gerfaut s’approcha et se montra très cordial.
— Félicitations ! Je vous souhaite une longue carrière et tous les
succès que vous méritez.
Puis il se planta devant son supérieur, affichant le visage des
mauvais jours.
— Je t’écoute, dit-il, glacial.
Dans son regard, le Vieux devina la tempête qui couvait. Il avait
bien prévenu leur hiérarchie, car il connaissait son poulain encore
mieux que ses propres enfants. Ce n’était pas le genre de surprise à
faire à son meilleur élément et ça risquait de tourner très vite à
l’affrontement. Ce n’était pas un ponte du ministère qui pourrait
freiner Gerfaut. Au contraire ! Et lui avoir présenté la jeune stagiaire
avait certainement excité sa matière grise. Là, il devait se demander
pourquoi elle était là et que signifiait tout ce micmac.
Alors, autant se jeter à l’eau ! pensa-t-il.
— Bien, Gabriel… je vais être cash avec toi et…
— Oui, je préfère.
Le divisionnaire rougit.
— Si tu me coupes la parole toutes les cinq minutes, je ne vais pas
pouvoir t’annoncer la bonne nouvelle !
Il croisa les bras et attendit la suite. Marcelli se racla la gorge et
prit son courage à deux mains.
— Commandant Gerfaut, dit-il, sur un ton solennel, vous êtes
nommé au grade de commissaire avec effet au premier septembre.
Félicitations !
Le Vieux avait usé du vouvoiement pour rendre l’annonce plus
officielle. Il fixa son ami, guettant l’ouragan qui ne devrait plus
tarder à se déchaîner. Depuis des années, Gerfaut avait refusé toutes
les promotions et à chaque fois, ça s’était fini par une dispute qui
avait fait trembler les murs du 36.
Francheville, sentant le malaise, s’interposa :
— Hum ! Je vous explique les raisons de cette promotion. Dans
quatre ans, peut-être cinq au maximum, notre ami commun,
Gustave Marcelli, devra prendre sa retraite et tout le monde est
d’accord pour votre nomination à son poste quand il partira. Qui,
mieux que vous, pourrait diriger la brigade criminelle ?
Gerfaut avait pâli et son regard s’était durci. Même le contrôleur
redoutait un esclandre.
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.
Gabriel inspira profondément et fit non de la tête. Francheville
poursuivit :
— Dans cinq ans au plus tard, vous serez nommé commissaire
divisionnaire et vous tiendrez la boutique, si j’ose dire. Alors, vous…
La réponse du commandant cingla, ferme et catégorique :
— Non.
Derrière eux, Castani regarda sa montre et murmura à sa voisine.
— J’ai gagné mon pari ! Tout le monde aux abris !
Le contrôleur ne comprenait pas.
— Non, mais à quoi ?
— Non, je ne veux pas de votre grade. Non, je ne serai pas
divisionnaire dans cinq ans et non, je ne remplacerai pas Marcelli.
Non, c’est pourtant clair. Non, c’est la forme la plus simple et la plus
rapide du refus.
Francheville n’osa pas répliquer. Gabriel rejoignit le patron de la
Crim et s’adressa aux autres :
— Gustave est fait pour ça. Diriger la brigade criminelle, ça ne
s’invente pas. Lui, il a le sens de l’autorité, il sait mettre le poing sur
la table ou agir avec diplomatie pour se faire obéir de ses hommes.
La preuve ! C’est bien le seul qui sait me faire taire et le seul que je
respecte. Je ne lui arrive pas à la cheville, c’est clair. Je serai
incapable de le remplacer, ni aujourd’hui ni dans plusieurs années.
Puis il se détourna et balaya du regard l’assistance.
— Je refuse votre combine, car je suis un homme de terrain. Je
suis fait pour enquêter, pour traquer des criminels, des tueurs en
série et des assassins qui commettent des actes abominables. Pas
pour rester derrière un bureau et envoyer les autres faire mon job.
Puis il revint vers Francheville.
— Donc, c’est non. Désolé, Xavier. Et n’essayez même pas de
m’obliger…
Il laissa volontairement la phrase en suspens pour en faire une
menace très claire et bien réelle. Le préfet qui le connaissait bien ne
retint pas son rire.
— J’aurais dû parier ! Gabriel, tu devrais réfléchir avant de te
montrer si vindicatif. Gustave est un ami pour moi aussi, tu le sais,
mais on arrive à des âges où il faut se préparer à la retraite. On n’est
pas éternels. Tu devrais penser à ton avenir aussi.
Gabriel lui sourit sans répondre et se tourna vers le Vieux.
— Bah ! Quand tu te barres à la retraite, je démissionne et on ira
pêcher ensemble. T’as toujours ton bateau en Bretagne ?
Marcelli se retint à peine.
— Ça suffit, Gabriel ! Cette fois, tu ne peux pas dire non. Je…
— Si, bien sûr que je le dis ! C’est non ! s’emporta le commandant
pour de bon.
Il prit une inspiration pour reprendre le contrôle et poursuivre sur
un ton plus serein.
— C’est non, Gustave. Définitivement, non ! Et si on m’y force,
alors je démissionne dans l’heure. Tu sais que j’en suis capable.
L’ambiance avait viré au froid polaire dans le grand bureau. Ses
adjoints se gardaient bien de s’en mêler et poursuivaient leurs paris
secrets dans le dos de leur patron. Le représentant de l’Intérieur
entra dans la danse.
— Vous savez commandant, à l’origine, on souhaitait vous
nommer divisionnaire directement et cette promotion aurait été
accompagnée par la Légion d’honneur.
— Ah bon ? Et vous avez renoncé pour quelles raisons ?
— Votre supérieur nous a indiqué que vous le prendriez mal. De
vous à moi, de nombreux fonctionnaires attendent leur avancement
en trépignant et certains se damneraient pour avoir les honneurs
d’une médaille.
Gabriel eut un rire sincère.
— Je suis flic, pas fonctionnaire. Après, les médailles, j’en ai déjà
quelques-unes et ça ne m’a jamais fait courir. Je connais des tas de
bons flics qui la mériteraient beaucoup plus que moi.
— J’aimerais vous convaincre et…
— Inutile, monsieur. Je n’ai rien contre vous, alors restons en là,
s’il vous plaît.
Encore une fois, le ton froid calma les ardeurs de son
interlocuteur. La directrice de l’école toussota et s’approcha du
commandant.
— Gabriel, tu pourras toujours y réfléchir. Dans quatre ou cinq
ans, tu en auras peut-être marre des enquêtes, non ?
Il ne répondit pas et elle continua :
— Accepte au moins le grade ! Ça fait des années qu’ils auraient
dû te filer tes galons. Pense à la paie, aux avantages aussi modestes
soient-ils. Plus tard, tu verras bien.
— Tu rigoles ? À chaque fois, c’était pour me refiler un service ou
un poste de formation. Non, jamais de la vie ! Ils peuvent se le fiche
au…
— Gabriel ! tonna Marcelli, interrompant volontairement la
grossièreté.
Gerfaut se tourna vers lui.
— Bon, c’est simple. On arrête les conneries et je reste à mon
poste, ou pas ? Dépêche-toi de te prononcer, s’il te plaît.
Le préfet eut un rire franc. Il tapota l’épaule du commandant et
salua tout le monde avant de partir. Le secrétaire du ministre de
l’Intérieur en fit autant, avec un au revoir général. Quant au
directeur du SGAP, ayant déjà été la cible du courroux de Gabriel, il
hésita à prendre la parole, mais se lança finalement d’une petite
voix.
— Euh… je suppose que je peux ranger mon dossier ? Il n’y aura
pas de signature ?
Le contrôleur le regarda et acquiesça.
— T’es franchement impossible ! pesta le divisionnaire. Jamais vu
une tête de mule pareille !
— J’en conclus que c’est oublié ? C’est bon ? Je peux disposer ?
Cette fois, le rouge monta rapidement au front de Marcelli.
— Non, c’est pas fini ! Assieds-toi et silence ! s’exclama-t-il,
furieux.
— Euh, tu penses à tes ulcères ? Tu devrais…
— Silence ! s’égosilla le Vieux, vraiment hors de lui.
Francheville, habitué aux colères régulières entre les deux
hommes, s’autorisa un sourire discret et intervint.
— Calme-toi, Gustave.
— Nom de Dieu ! Ça fait plus de vingt ans qu’il me rend dingue !
Des années à toujours discuter, jamais content de rien ! Bon sang !
Le contrôleur congédia le directeur du SGAP avec quelques mots
en aparté. Celui-ci ne demanda pas son reste.
La directrice de l’école en profita pour prendre la parole.
— Bon, au point où on en est, autant t’annoncer la seconde
nouvelle !
Le Vieux la regarda, pris de court et, comprenant qu’il ne pouvait
pas l’arrêter, il se prit la tête entre les mains. Ce qui aurait dû être
une cérémonie avec des airs de fête pour n’importe qui, avec
Gerfaut, se situait entre Waterloo et le naufrage du Titanic.
— Gabriel, on voulait te l’annoncer en buvant une coupe de
champagne, mais autant te le dire tout de suite. Le lieutenant
Kervellec a demandé à rejoindre ton équipe. C’est donc ta nouvelle
stagiaire.
— Pardon ? répliqua le commandant, en se tournant brusquement
vers elle.
Marcelli reprit la parole :
— Tu as très bien entendu et pour une fois, je ne te laisse pas le
choix.
Gerfaut fixa longuement son divisionnaire.
— Attends, tu sais bien que je mène des enquêtes souvent
difficiles et je ne peux pas m’encombrer d’une stagiaire.
Gustave croisa les bras.
— Tu ne peux pas t’autoriser tout ce que tu veux, Gabriel. Je
prends note de ton refus pour la promotion, mais là, je te l’impose.
— Et si je refuse ?
— Je te vire sur-le-champ ! répliqua Marcelli, sur un ton glacial.
Ils s’affrontèrent à nouveau du regard. Le commandant comprit
qu’il n’aurait pas gain de cause et il regarda le jeune lieutenant.
— Morgane, c’est ça ?
— Oui, monsieur, dit-elle fermement.
— Morgane, vous connaissez le type d’enquête que je mène ?
Franchement, en sortant major de votre promo, vous pourriez
obtenir n’importe quel poste. Pourquoi choisir mon équipe ?
— J’ai assisté à toutes vos conférences et vous m’avez convaincue.
Ensuite, j’ai consulté les archives et j’ai tracé toutes vos enquêtes,
depuis vos débuts, même à l’époque du commandant Grisoni. J’ai lu
votre mémoire après l’école du FBI… bref, vous êtes un modèle pour
moi, monsieur, et j’ai prévenu l’école. Soit j’intègre votre groupe, soit
je plaque tout.
Gerfaut la jaugea longuement. Il fit claquer sa langue et regarda
son divisionnaire.
— OK, je la prends.
Marcelli parut se tasser dans son fauteuil, soulagé par son accord.
Francheville en profita pour déboucher la bouteille de champagne.
— Bien, à défaut de votre promotion, on peut fêter votre
équipière. Ça vous va ?
Le commandant acquiesça. Dans une atmosphère enfin détendue,
les coupes furent distribuées. Gustave et Gabriel se mirent un peu à
l’écart des autres.
— Tu m’aurais vraiment viré ?
— Tu m’étonnes ! T’es trop chiant, tu sais ça ? pesta le Vieux.
Gerfaut but une gorgée de champagne.
— Je déconnais pas. Si tu prends ta retraite, je me casse.
Il montra le fauteuil de son supérieur d’un geste de la main.
— C’est toi le patron de la Crim et personne d’autre. Je ne pourrai
jamais travailler sous les ordres du premier venu.
— C’est pour ça qu’on te propose le poste, espèce de crétin !
— Je pensais ce que je disais tout à l’heure. J’en suis incapable.
Donc, si tu pars, je partirai aussi.
— T’es vraiment con, dit-il, bien plus ému qu’il ne voulait le laisser
paraître.
— Autant que toi à vouloir me bombarder commissaire. J’en ai rien
à foutre des galons.
— Comme si je le savais pas ! C’est venu de plus haut. C’est le
ministre qui te veut à ma place.
— Bah, tu sais quoi ? Je les emmerde tous autant qu’ils sont.
Ils heurtèrent leur coupe et échangèrent un sourire.
— À l’amitié, alors ? demanda Marcelli.
— Ouais ! Et aussi à nos futures parties de pêche !
Ils rirent tous deux de bon cœur.
À cet instant, le téléphone sonna sur le bureau. Le Vieux prit
l’appel, écouta puis il tendit le combiné à Gerfaut.
— C’est ton ami, le capitaine Delamare de la SR{5} de Montpellier.
Le commandant fronça les sourcils. Alexandre était devenu un ami
après plusieurs enquêtes menées ensemble{6}. S’il appelait, ça ne
pouvait signifier qu’une chose.
— Salut, Alex ! Ben, alors ? Tu ne peux plus te passer de moi ou
tu…
Il se tut et son visage devint grave. Il écouta en silence, sans faire
de commentaires. Après de longues minutes, il put répondre.
— Bien, on part dans la foulée. Tu m’envoies l’endroit où je peux
te retrouver. OK ? Pour la paperasserie ?
Il y eut encore quelques échanges et il raccrocha. Il fixa ses
adjoints.
— Eh les zouaves ! Finissez vos verres, on décale ! Direction les
Cévennes.
— Le proc t’envoie les papiers pour ma réquisition, ajouta-t-il à
l’attention du divisionnaire. Apparemment, il y aurait deux préfets
derrière cette affaire.
— D’accord. Il a une galère ? Encore un tueur en série ?
— Oui et déjà trois victimes à son tableau de chasse en une petite
semaine. Une dans le Gard, deux en Lozère, d’où les deux préfets.
Ceci expliquant cela.
— De quel type les homicides ?
— Si j’ai bien compris, le tueur se prendrait pour un vampire. On
reste en contact.
Puis il fixa la nouvelle stagiaire.
— Bien, Morgane, on passera chez toi pour que tu récupères
quelques fringues. Ensuite, on file dans le Sud et on retrouvera
Alexandre, le directeur d’enquête. Tu vas avoir droit à un sacré
baptême du feu.
— Pas la peine, monsieur. J’ai…
— Ah, non ! Moi, c’est Gabriel et si tu veux bosser avec nous, on
se tutoie.
Elle hocha la tête et reprit :
— Je disais donc que j’ai un sac de fringues dans ma voiture. On
peut partir directement.
Adriana lui fit un clin d’œil et se tourna vers son supérieur.
— Eh ! Major de promo, c’est pas pour rien. Au fait, t’as réalisé ?
— De quoi tu parles ?
— T’as deux Bretonnes dans ton équipe. Tu fais plus le poids !
Gerfaut leva les yeux au ciel et serra les mains avant de sortir du
bureau, suivi par ses trois adjoints.

Une fois seul, Marcelli examina le porte-cartes abandonné sur son


bureau et l’ouvrit. Il examina longuement la photo du titulaire puis
les informations imprimées.
— Commissaire Gerfaut, ça sonnait pourtant bien.
Le divisionnaire le referma pour le jeter au fond d’un tiroir. Pensif,
il se leva et regarda par la fenêtre.
Sa volonté de démissionner quand l’heure de la retraite aurait
sonné l’inquiétait. Et ça l’attristait encore plus. Il savait que Gabriel
tiendrait parole et ce serait la fin de sa carrière, juste par amitié.
D’un côté, ça lui faisait chaud au cœur et en même temps, il avait
envie de lui asséner un bon coup sur la tête pour lui faire reprendre
ses esprits.
Quelle folie ! Quel idiot ! De toute manière, tout était toujours
dans l’excès avec le commandant, même son amitié. Pour se
remonter le moral, Marcelli se servit une demi-coupe de champagne.
Un petit moment plus tard, il vit ses enquêteurs monter dans la
407 de service et quitter le parking rapidement. Il leva sa coupe et la
vida d’un trait.
— À ta santé, mon ami.
Il grimaça et contempla le fond du verre. Bizarrement, le
champagne avait un goût amer… ou peut-être le goût d’une
nostalgie inévitable.
Le Vieux jura, poussa un long soupir et se remit au travail. Mieux
valait ne plus y penser.
Mais ça, c’était facile à dire…
Chapitre III

Vendredi 25 août 2023


Sur l’autoroute A 75

La 407 filait sur la troisième voie à une vitesse largement


prohibée. Gerfaut était au volant, Adriana à sa droite et ses deux
autres adjoints à l’arrière.
— Euh, t’as pas vu le panneau qui annonce le radar ? demanda
Guivarch.
— Bah si !
— Alors, pourquoi t’accélères ? On est à plus de cent soixante
déjà.
Le flash ne surprit personne.
— Tu veux battre ton record ? ironisa Paul, en se penchant vers
l’avant.
— Non. Ils m’ont cassé les pieds avec leur histoire de promotion.
Alors, j’envoie le message. En plus, quand on rentrera de cette
mission, je demanderai des congés supplémentaires au Vieux.
Fou rire dans la voiture.
— Ah bah, c’est clair qu’avec une pile de contraventions pour
excès de vitesse, tu vas le mettre dans de bonnes dispositions,
répliqua Adriana.
Gabriel eut un petit sourire et le silence retomba.
— C’est vrai que tu veux démissionner si le Vieux s’en va ?
demanda-t-elle, après de longues minutes.
Il la regarda brièvement puis fixa la route à nouveau.
— Sincèrement, tu me vois bosser sous les ordres d’un jeune
premier qui ne connaît rien au métier ? Jamais il ne pourra
comprendre ma méthode de travail et ça partira en cacahuète direct.
Castani échangea un regard avec Guivarch puis il tapota l’épaule
de son supérieur.
— T’imagines ? Ils vont perdre trois flics en même temps. Ça va
fiche le bordel, non ?
— Non, quatre ! ajouta Morgane, en s’avançant à son tour. Je suis
solidaire !
Le commandant fronça les sourcils.
— Eh ! Déconnez pas. C’est valable pour toi aussi, jeune fille. Vous
avez des carrières et…
— Tu plaisantes ? l’interrompit Adriana. Tu plaquerais tout parce
que tu refuses de travailler avec un jeune divisionnaire… c’est bien
ça ? Eh bien, dis-toi que pour nous, c’est pareil. Comment pourrait-
on enquêter avec le premier flic venu qui nous ferait braire avec le
Code de procédure.
Gabriel soupira.
— Bon, c’est pas le moment de discuter de tout ça.
Il jeta un regard rapide dans le rétroviseur intérieur.
— Alors, Morgane, parle-nous de toi. Fais-nous un topo sur ta vie,
tes études, tes aptitudes… bref, on a le temps de faire connaissance.
Et s’il te plaît… pas de cachotterie ni de mensonge.
— Ah, non ! lança Paul. Il est capable de te laisser sur le bord de
la route.
Il y eut quelques rires et Kervellec commença sa présentation.
— J’ai 27 ans, un bac général, du droit pénal et deux masters. J’ai
une licence de psycho aussi, mais pas complètement validée. Euh…
je voulais faire une carrière militaire, mais au moment de plonger,
j’ai préféré devenir flic. Pour dire la vérité…
Elle marqua une courte hésitation. Gerfaut la fixa dans le petit
miroir. Elle regardait dehors et reprit enfin ses explications.
— J’ai vu un article dans le journal sur vous… pardon ! sur toi et
ça m’a donné envie d’en savoir plus.
Le commandant coupa brutalement toutes les files et se rangea en
catastrophe sur la bande d’arrêt d’urgence.
— Descends. Tu étais prévenue et tu as menti. Je te vire de
l’équipe. Salut et à la prochaine !
— Je…
— Dehors !
Adriana se tourna vers sa jeune collègue et vit tout de suite ses
yeux brouillés de larmes. Elle posa la main sur la cuisse de Gabriel.
— Démarre et laisse-lui le temps de se reprendre. OK ?
Il jura entre ses dents et reprit la route. Après quelques minutes, il
brisa le silence.
— Premier et dernier avertissement, Morgane. Je ne peux pas
travailler avec quelqu’un en qui je n’ai pas confiance. T’as pas de
chance ! J’ai un radar à mensonges et à conneries. Donc…
Il se ressaisit et s’exprima plus sereinement.
— Pourquoi es-tu entrée dans la police et dans mon équipe ? Je
t’écoute.
Elle poussa un long soupir.
— Je… je…
Sa voix s’était brisée et Gabriel qui l’observait dans le rétroviseur
reprit la parole :
— Je vais t’aider. Qui a été tué dans ta famille ?
Ses deux adjoints ne furent qu’à moitié surpris. Fidèle à sa
réputation, le commandant avait un don pour appuyer là où ça
faisait mal et deviner ce qu’on ne voulait pas lui dire.
— Ma sœur… enfin, plutôt ma demi-sœur, selon le cadre légal.
Mes parents ont eu des soucis et ont failli divorcer. Mon père a eu
une autre fille avec une femme qu’il fréquentait. Ma mère lui a
pardonné et ils sont toujours ensemble. Je m’entendais très bien
avec Florence, ma sœur.
— Homicide ? demanda Gerfaut.
— Séquestration, torture, viol et assassinat. Un malade ! Ce cinglé
préparait un autre enlèvement quand les flics l’ont arrêté. Il a été
reconnu irresponsable pénal. Aujourd’hui, il est enfermé à vie dans
une UMD{7}. Alors, j’ai choisi d’être flic pour que ça n’arrive pas à
d’autres innocents. En te découvrant, j’ai décidé d’être la meilleure
pour intégrer ton groupe.
— Qui t’a pistonnée ? Tout le monde sait que je refuse les
stagiaires et si le Vieux n’a pas pu faire barrage, c’est que ça venait
de très haut. Je t’écoute…
À nouveau, il observa sa réaction dans le miroir. Elle lui rendit son
regard. L’affrontement fut aussi intense que bref.
— C’est vrai que j’ai bénéficié d’un appui, mais… pas celui auquel
tu penses. J’aimerais garder ça pour moi et je promets que je te le
dirai plus tard. Je veux juste faire mes preuves, gagner ta confiance
et devenir un vrai flic, grâce à toi.
— C’est bon, je vais attendre, décida-t-il, à la surprise de ses deux
adjoints.
Après un petit moment, le commandant reprit la parole.
— J’attends de toi une obéissance aveugle, aucune initiative, et
surtout pas d’héroïsme gratuit, quelles que soient les circonstances.
Tu écoutes Adriana et Paul comme si c’était moi qui parlais. S’ils te
disent de te jeter à l’eau et s’il n’y a pas d’eau, tu plonges quand
même. Bien reçu ?
— Fort et clair, patron, répondit-elle, avec un petit sourire.
— Idem pour les interrogatoires. J’ai une méthode très particulière
qui m’a souvent attiré les foudres de l’IGPN. Mais je m’en moque. La
fin justifie les moyens et s’il faut retirer du circuit un cinglé qui a tué,
je n’hésiterai jamais à faire feu de tout bois. Même si c’est illégal.
— Un jour, on te racontera comment un suspect est passé par la
fenêtre{8} ! lança Castani. Moi, j’y étais pas, mais tu vas halluciner.
Kervellec ouvrit de grands yeux. Gabriel reprit :
— Pour l’instant, je te demande de respecter une règle absolue, le
silence. OK ?
— Entendu, répondit-elle, encore désarçonnée par ce qu’avait dit
son voisin.
— Autre chose, et ma question est sérieuse. Tu crois au
surnaturel ?
Morgane ne retint pas son rire.
— Tu me demandes si je crois aux fantômes ? Non, mais c’est une
blague, pas vrai ?
Puis elle réalisa que ses trois collègues ne riaient absolument pas.
— Euh… vous êtes tous sérieux, là ?
Adriana se tourna vers elle.
— On n’a jamais été aussi sérieux. Bah, écoute, je vais te raconter
une de nos enquêtes. Ça s’est passé en Bretagne. Tu connais
l’Argoat{9} ?
Guivarch déroula alors le fil d’une enquête qu’ils n’étaient pas près
d’oublier. Elle sut y mettre le ton et les détails importants, ce qui lui
prit une bonne demi-heure. Enfin, elle acheva son récit.
— Alors, qu’en dis-tu ? demanda-t-elle avec un sourire.
— Hum ! C’est un bizutage, pas vrai ? s’inquiéta Morgane.
— Absolument pas, répliqua Gerfaut. On ne va pas tout te dire,
sinon tu pourrais sauter par la fenêtre pendant qu’on roule encore.
Donc, silence et garde l’esprit ouvert, ne te fie jamais aux
apparences et écoute plus ton cœur que la raison. L’instinct, ça
s’apprend, ça se cultive et au bout de quelques années, ça devient
une seconde nature.
La jeune stagiaire hocha la tête, maintenant complètement
déstabilisée.
— Je peux poser une question à mon tour ?
— Bien entendu.
— Si j’ai bien compris ton commentaire dans le bureau de
monsieur Marcelli, tu…
— Non, faut dire, le bureau du Vieux, la coupa Adriana, en riant.
— D’accord. Donc, là, on va traquer un vampire. C’est bien ça ?
dit-elle d’une petite voix.
Le commandant eut un sourire.
— On va essayer d’arrêter un tueur en série. Le mode opératoire
ressemble à une attaque de vampire, comme certaines super
productions au ciné ou à la télévision peuvent les montrer. Pour
l’instant, c’est un malade que je vais profiler et tenter de mettre
derrière des barreaux. Tu comprends la différence ?
Elle fit oui de la tête et il poursuivit :
— Cela dit, je garde mon esprit ouvert à toutes les possibilités,
même les plus farfelues, les plus dingues ou les plus stupides. Seule
la vérité m’intéresse, la vraie, l’unique, celle qui me permettra de
mettre hors d’état de nuire un cinglé. Et souvent, cette vérité est
tellement hors de la compréhension, en dehors de tout, même de
notre monde, que je suis malheureusement le seul à pouvoir les
arrêter. Parce que les autres restent convaincus que les fantômes
n’existent pas, qu’il n’y a pas de surnaturel ou que les vampires ne
sont qu’une vue de l’esprit.
— Et ça, c’est sa force ! ajouta Castani.
Soudain, il y eut une sonnerie dans l’habitacle.
— Mince ! C’est quoi, ça ? demanda Gabriel.
Adriana se pencha et récupéra une tablette dans le sac, à ses
pieds. Le commandant la regarda faire et rit de bon cœur.
— J’y crois pas ! Tu trimballes encore ce machin ?
— Oui et tu peux te moquer. En attendant, l’alarme qu’on a
entendue, c’est pour annoncer l’arrivée du dossier complet
qu’Alexandre a fait suivre. Là, j’ai les photos, les premiers PV
d’audition, les rapports d’autopsie, les analyses toxicos… ça t’en
bouche un coin, hein ?
— N’importe quoi ! Ça sert à rien ce bidule.
— T’es vraiment un dinosaure avec tes tiroirs et les notes que tu
prends jamais ! Ce truc, qui s’appelle le Gentrack, c’est la police
criminelle deux point zéro. C’est l’avenir et tu ne peux rien faire
contre les nouvelles technologies, Gabriel. Un jour, faudra bien que
tu le comprennes et que tu l’acceptes.
Il soupira.
— Vas-y ! Traite-moi de vieux con pendant que tu y es.
Elle ricana.
— Non, monsieur l’éternel râleur ! J’ai jamais dit ça. Ce système
informatisé offre des possibilités pour des flics comme Paul, Morgane
et moi. C’est un outil, une béquille qui permet d’approcher l’affaire
différemment.
Elle le fixa, amusée.
— Il faut que tu réalises que tout le monde n’a pas ta mémoire
visuelle, ta capacité d’analyse phénoménale, ton instinct de
chasseur… et ton sale caractère, surtout !
Elle devint plus sérieuse.
— Gabriel, tu es unique et aucun flic ne t’arrivera à la cheville. Je
sais qu’aujourd’hui encore, tu pourrais me donner le signalement
d’un témoin auditionné il y a plus de vingt ans. Tu saurais me dire sa
date de naissance, son adresse et son téléphone, dans la seconde !
Mais pas moi. Paul non plus ! Personne sur cette terre n’a un
cerveau comparable au tien ! Tu peux essayer de comprendre ça ?
Le commandant grimaça et réfléchit un court instant avant de
répondre.
— J’entends ce que tu me dis. Mais il y a vingt ans, on n’avait pas
tout ce matériel, l’ADN n’était qu’un vœu pieux et on avait que nos
petites cellules grises pour résoudre des crimes compliqués. Je sais
qu’il faut évoluer, que les technologies apportent du progrès, mais il
n’en reste pas moins que l’aspect humain ne figure pas dans la
mémoire informatique de ton appareil.
— Pas faux ! C’est pour ça que le Gentrack est utilisé par des
hommes et des femmes. On garde notre libre arbitre. C’est un
moyen, pas un but.
— C’est bon ! Tu ne pourras pas me convaincre de toute manière.
Guivarch et Castani rirent sans retenue puis elle regarda la
stagiaire en se tournant vers elle.
— On fait un test ? Tu vas mieux comprendre qui est notre patron.
Elle réfléchit rapidement et continua :
— Morgane, fais-nous le signalement de Geneviève Montreux, la
directrice de l’école que tu viens de quitter et donc, une femme que
tu connais bien.
Elle accepta de bon gré.
— Eh bien ! Dans la cinquantaine, 1 m 60… peut-être 65, au
maximum, dans les 60 kg. Blonde décolorée, elle portait une veste
crème et une jupe noire, un sac à main… euh… gris foncé, je suis
pas certaine. Hum ! Sinon… ah si ! Des escarpins, mais je ne me
souviens plus de la couleur. Voilà ! C’est pas mal, non ?
— Effectivement, répondit Guivarch.
Elle tapota l’épaule du commandant.
— À toi, Gabriel.
Il soupira puis se lança dans la description.
— Sujet féminin, dans les cinquante ans, 1 m 65, 60 kg, stature
fine, peau mate, sportive de nature, souffle ample et profond, cœur
très lent, je dirais qu’elle est coureuse de fond ou demi-fond et très
régulière. Chevelure châtain clair aux racines, décoloration en blond,
pas plus d’une semaine, ce qui atteste de visites hebdo chez le
coiffeur. Yeux noisette avec des lentilles correctrices, nez droit,
bouche fine, maquillage léger, manucure bien faite. Donc, une
femme qui s’entretient autant physiquement que pour l’esthétique.
Il doubla une voiture par la droite en insultant le pauvre
automobiliste qui avait le tort de respecter la limitation de vitesse.
— Enfin, veste crème, chemisier blanc, jupe longue et noire,
fermée par quatre boutons à droite. Des bas, j’avais remarqué la
bosse d’une jarretelle, une lingerie noire aperçue. La ceinture, les
escarpins et le sac à main étaient coordonnés, un joli gris foncé
marbré.
Il regarda Kervellec dans le rétroviseur.
— Maintenant, je peux te parler de ses bijoux que je saurais
dessiner, de son petit-déjeuner, de son mari, de sa psychologie
profonde, de ses complexes… mais on sera arrivé avant que j’aie
fini. Tout est dans l’observation.
— Nom de Dieu ! lâcha la jeune stagiaire. Mais comment tu fais ?
Il secoua la tête.
— Sincèrement, j’en sais rien. Je fonctionne comme ça.
— Alors, tu comprends mieux ? demanda Adriana.
— Tu m’étonnes ! C’est dingue.
— Bon, assez parlé de mes petits tiroirs. Et si…
— Quels tiroirs ? Ça fait deux fois que j’en entends parler, s’étonna
Morgane.
— Je t’expliquerai, répondit Paul.
Après un petit moment, le commandant se tourna vers sa voisine.
— Bah, alors ! T’attends quoi ?
Surprise, elle le regarda.
— De quoi tu parles ?
Gabriel eut un rire rempli d’ironie.
— C’est pas toi, y a dix minutes, qui te vantais d’avoir reçu toute
l’affaire dans ton machin truc double zéro ?
Elle ne put que rire et s’adressa à Kervellec :
— Ça aussi, faudra t’habituer. Notre patron est le champion du
monde de la mauvaise foi et de l’humour qui ne fait rire que lui ! Au
début, tu verras, on a du mal, après on a juste envie de l’étrangler
puis, avec le temps, on s’y fait…
Sa sortie fit rire tout le monde. Guivarch ouvrit le dossier du
Gentrack.
— Je vous fais un résumé… ah, mince ! Les trois premières
victimes sont des touristes.
— Les autorités locales vont nous mettre la pression, la coupa le
commandant. Heureusement, la saison estivale est presque finie.
Désolé pour l’interruption, continue.
— Alors, une jeune femme hollandaise et un couple d’Italiens.
Voyons les photos… oh, merde ! Je vous montre les clichés des
constates.
Elle présenta l’écran de manière que toute l’équipe puisse le voir, y
compris le conducteur.
— Reviens sur la tête du mec, ordonna Gerfaut.
L’image était ignoble. L’homme avait eu le crâne littéralement
défoncé et ce n’était plus qu’un amas immonde de sang, de matière
cérébrale et d’os brisés.
— Il s’est acharné avec une violence inouïe. Bon, vu. Passe au
reste…
Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur. Sa nouvelle équipière
était très pâle.
— Morgane, si tu ne supportes pas, dis-le-moi tout de suite et
cash. Pas de quoi avoir honte, personne ne devrait avoir à subir de
telles visions d’horreur.
— Bah, si je peux m’en passer, tant mieux, c’est pas vraiment mon
fort.
Il acquiesça sans faire de commentaires.
— Adriana, tu reprends s’il te plaît ? Pourquoi Alex m’a parlé de
vampire ?
— Attends, je te montre.
Elle fit défiler écrans et afficha une photo.
— Là, sur celle-ci, on voit bien.
— Oh, merde ! C’est pas vrai ! lâcha Paul, dépité.
L’image prise de très près montrait le cou d’une victime. On
pouvait voir deux trous circulaires et alignés, bien nets, situés sur la
carotide et séparés d’environ quatre à cinq centimètres. La zone
était couverte de sang séché.
— Mort par exsanguination ? demanda le commandant.
— Apparemment, mais attends, j’ai vu un détail… un truc de ouf !
Ah, c’est là, dans les analyses toxicos.
Elle prit le temps de relire et secoua la tête.
— Pas d’erreur possible, présence de salive humaine au niveau
des morsures au cou. Il s’agit d’un ADN masculin, non répertorié aux
deux listes du FNAEG{10}. Zut, j’ai déjà la gerbe, se plaignit Guivarch.
Elle continua sa lecture et fit une autre annonce.
— En plus, le légiste est formel. Les deux femmes ont été violées
post mortem.
— Hum… le fantasme du vampire s’évanouit pour laisser la place à
un bon vieux tueur en série traditionnel, affirma le commandant.
— Pourquoi tu dis ça ? demanda Castani.
— Les vampires ne violent pas. Ils font un festin avec le sang de
leur victime, c’est tout.
Puis il regarda sa voisine.
— Aucune des trois victimes n’est ressuscitée ? Aucune ne s’est
barrée de la morgue ?
Elle rit en secouant la tête.
— Non, ils sont toujours dans leur tiroir. C’est quoi ton délire ?
— Bah, encore une preuve que c’est pas un vrai vampire. En
général, les gens mordus deviennent des vampires à leur tour,
ajouta-t-il ironiquement. Bref… pensez à prendre un pieu en chêne,
un marteau et mettez des balles en argent dans vos flingues ! Ah
oui ! Ajoutez une gousse d’ail dans vos poches et un crucifix autour
du cou.
Il avait réussi à détendre l’atmosphère. Adriana lui donna encore
quelques détails puis le téléphone de Gerfaut sonna. Il prit tout de
suite l’appel en voyant le nom affiché sur l’écran.
— Salut, Alex !
Il mit le haut-parleur pour que son équipe puisse entendre.
— Bien, content de te revoir, mais ce serait plus cool pour faire la
fête.
— En attendant, ta région, c’est un sacré repaire de cinglés, mon
vieux.
— M’en parle pas. Bon, sinon… Adriana a reçu le dossier ? Je vous
l’ai envoyé.
— Affirmatif. Et dire qu’elle se plaint tout le temps des nouvelles
technologies !
Le capitaine Delamare, ami proche de Gabriel, éclata de rire, ayant
bien compris sa plaisanterie.
— T’en loupes pas une. Bon, t’arrives quand avec tes deux
zouaves ?
Même lui connaissait le surnom affectueux avec lequel le
commandant désignait ses adjoints.
— Ah, non ! Cette fois, j’en ai trois. T’imagines ? Ils veulent ma
peau.
Il y eut un silence.
— Attends, t’es en train de me dire qu’un stagiaire a eu raison de
ta citadelle ? Je te crois pas !
— Eh si ! Et c’est pas un, mais une stagiaire. C’est quelqu’un de
bien, tu verras.
Mine de rien, Gerfaut venait de montrer qu’il avait bien accepté
Kervellec dans son équipe.
— Tu me raconteras. Sinon, t’arrives dans combien de temps ?
— Selon le GPS, on sera au Vigan vers 16 h 45.
— OK. Je te préviens tout de suite, tu vas avoir un comité
d’accueil.
— Ah oui ! Du genre ?
— Hum… du genre que tu détestes.
— Je vois. Alors, prends tes précautions. On s’est compris ?
— Reçu fort et clair, camarade. À toute !
Et la ligne fut coupée.
— Qu’est-ce qu’il voulait dire ? s’informa Kervellec.
— Qu’on est attendus par des fonctionnaires, des magistrats, des
élus locaux certainement et toute la clique des empêcheurs de
tourner en rond et autres donneurs de leçons. Sans oublier, bien sûr,
le pire de tout, les journaleux. Bref, vous me laisserez gérer.
— Bon, ça promet, conclut Adriana. On va encore marquer des
points.
— Chouette ! lança Paul. Dis Morgane, t’aimes faire des paris ?
Le commandant le fixa dans le rétroviseur.
— Capitaine Castani, t’es prévenu, tu vas retourner à la
circulation. Commence pas à corrompre ma nouvelle équipière. Je
t’ai à l’œil !
Et ils échangèrent un sourire complice.
Chapitre IV

Vendredi 25 août 2023


Le Vigan - Parc des Châtaigniers - Brigade de Gendarmerie

Gerfaut ralentit devant la brigade de gendarmerie du Vigan, dans


le Gard. C’était ici que son ami lui avait fixé rendez-vous, s’agissant
de son PC opérationnel. En cette fin d’après-midi, la température
était encore élevée, mais ce qui agaçait le commandant était tout
autre chose.
— Tiens ! En parlant de vampires, en voici une belle brochette !
pesta-t-il.
Adriana ne retint pas un rire. En effet, il y avait foule devant la
grande grille et de toute évidence, tous les médias avaient été
invités. Ils pouvaient repérer les noms des chaînes d’info continue,
les radios principales et des photographes appartenant sûrement à la
presse écrite.
— C’est quand même pas Alexandre qui a vendu la mèche ! se
plaignit Paul.
— En tout cas, pour une arrivée discrète, c’est un peu loupé,
ajouta Adriana.
— C’est toujours comme ça ? demanda Morgane, abasourdie par
le monde qui attendait là.
— Justement, non, répondit Gabriel, et ça me gave.
Il poussa un long soupir et roula jusqu’à l’accès réservé aux
véhicules. La porte s’ouvrit presque instantanément. Pendant que le
portail glissait lentement, les journalistes avaient entouré la 407 et
les flashs crépitaient de tous les côtés.
L’un d’eux se présenta à sa fenêtre et tendit son micro.
— Pour France Info, bonjour commandant ! Alors, c’est vrai, il y a
encore un tueur en série en Occitanie ? Comment allez-vous
procéder ? Vous voulez bien répondre, s’il vous plaît ?
Mais Gerfaut l’ignora et accéléra pour pénétrer dans les locaux. La
grille se referma automatiquement et il se gara derrière le bâtiment
après avoir suivi le panneau fléché portant l’inscription parking.
— Ici aussi, y a du monde, lança Guivarch.
En effet, il y avait plusieurs limousines avec escorte motorisée.
Quatre motards discutaient entre eux justement. Gerfaut rangea la
voiture à la suite des autres puis ils descendirent.
Le commandant rejoignit les gendarmes. Ils le reconnurent
immédiatement et rectifièrent leur position pour le saluer dans les
règles.
— Eh ! Pas de ça avec moi, les amis ! Bonjour à tous.
Il avait toujours respecté les policiers comme les gendarmes,
quels que soient leurs grades ou leurs services. Il serra
chaleureusement les quatre mains tendues.
— Ça fait plaisir de vous revoir, commandant ! lança l’un d’eux. J’ai
travaillé avec vous en juin 2017, sur l’affaire de la Bête.
Gabriel ne releva pas et il montra la caserne d’un signe de tête.
— Il se passe quoi là-dedans ? Alexandre… je veux dire, le
capitaine Delamare, m’a prévenu qu’il y avait un comité d’accueil.
Vous pouvez m’en dire plus ?
— Il n’y a que des huiles et du beau monde, il y a même nos
grands patrons des deux départements, ainsi que des gens que je ne
connais pas. Vous avez vu les voitures ? Nous, on a escorté les deux
préfets.
Ça, il le savait déjà. Il fit une petite grimace et ne répondit pas,
restant pensif. Son équipe l’avait rejoint, formant ainsi un petit
groupe qui discutait librement.
À cet instant, Alexandre arriva, sortant par une porte qu’il laissa
ouverte.
— Je savais que je te trouverais en train de discuter avec mes
collègues ! lança-t-il.
Les deux hommes se firent une accolade puis le commandant
présenta sa nouvelle équipière.
— Ravi de te rencontrer, Morgane. Tu peux te vanter d’être une
sacrée veinarde, parce que réussir à intégrer l’équipe de ce vieux
grigou, c’est pas donné à tout le monde.
Il embrassa sans façon Adriana et salua Paul avec un sourire.
— Je suis tellement content de vous revoir tous les trois… malgré
les circonstances.
— Ouais ! On se quitte plus, hein ? plaisanta Gabriel. Dis-moi,
c’était quand la dernière fois ?
— Juillet 2021, répondit le capitaine de la SR. L’affaire des
Templiers.
Le commandant lui sourit.
— Je vois que tu t’améliores ! T’as soigné ton Alzheimer ?
— Crétin !
Leur joie à se retrouver faisait plaisir à voir.
— Bon, faut y aller, annonça Delamare, en montrant la porte du
pouce.
— Attends un peu. C’est quoi ce bordel ? Un milliard de journaleux
devant la grille et ils sont au courant de notre arrivée, déjà là, ça
craint. Et ton comité d’accueil, en prime ! Euh… t’as pété un fusible
ou quoi ?
Alexandre secoua la tête, amusé par son langage, toujours aussi
fleuri.
— Tu me vois, moi, te faire un coup pareil ? Sans déconner ! Non,
on a un souci et tu vas vite comprendre lequel. Cela dit, j’ai pris les
devants et normalement, on devrait s’en sortir.
— T’es pas très clair, Alex ! répliqua Gabriel. Tu veux bien m’en
dire plus ?
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Jollei ottanut lukuun jomotusta polvessa, ei elämä tuntunut
hullummalta — elämän suruilla ei ollut suurtakaan sijaa tämän
nuoren miehen valvotuissa öissä. Itse asiassa ei hänellä suruja
ollutkaan. Hän oli juuri päässyt asianajajain kirjoihin, hänellä oli
kirjallisia taipumuksia ja koko maailma avoimena edessään. Isä ja
äiti olivat kuolleet, hänellä oli tuloja neljäsataa puntaa vuodessa. Mitä
siis merkitsi, minne hän matkusti, mitä teki tai milloin jotakin teki?
Hänen vuoteensa oli kova ja se varjeli häntä kuumeelta. Hän loikoi
valveilla, hengitti yön tuoksuja, joita tulvi huoneeseen avoimesta
ikkunasta aivan hänen päänalaisensa vierestä. Jollei ottanut lukuun
pientä harmintunnetta matkatoveria kohtaan, mikä oli niin
luonnollista, kun muistaa ystävysten olleen jo kolme päivää kahden
matkalla, Ashurstin muistot ja näyt olivat tuona unettomana yönä
leppoisia, kaihomielisiä ja liikuttavia. Varsinkin hän näki edessään
selvästi ja aiheettomasti — sillä hän ei ollut aikaisemmin ollut
tietoinen siitä, että olisi pannut niitä merkille — pyssyä puhdistavan
nuorukaisen kasvot ja niiden tarkkaavan, levollisen ja kuitenkin
säikähtyneen ilmeen tämän siirtäessä katseensa keittiön ovesta
tuoppeja kantavaan tyttöön. Tuo punakka, sinisilmäinen naama,
vaaleat silmäripset ja rohtimien kaltaiset hiukset olivat syöpyneet
hänen muistiinsa yhtä varmasti kuin tytön kasteenraikkaat kasvot.
Viimein hän näki uutimettoman ikkunan neliön vaalenevan ja kuuli
unisen, käheän kukonkiekaisun. Sitten seurasi hiljaisuus, joka oli
yhtä kuollut kuin ennen, kunnes mustarastas, tuskin vielä hereillään,
uskalsi rikkoa sen laulullaan. Ja tähystellen ikkunan kehystämään
valkenevaan päivään Ashurst vaipui uneen.

Seuraavana päivänä hänen polvensa oli pahasti pöhöttynyt,


jalkamatka oli siis ilmeisesti lopetettava. Garton, jonka täytyi olla
Lontoossa seuraavana aamuna, lähti keskipäivän aikaan huulilla
ivallinen hymy, joka teki toverin mieleen pienen ärtyisyyden haavan
— mikä kuitenkin meni umpeen samassa hetkessä kun hänen
kumara vartalonsa katosi jyrkästi nousevan kujan käänteessä. Koko
päivän Ashurst lepuutti polveaan vihreässä puutarhatuolissa, joka oli
nostettu ruohikolle marjakuusten alle, minne auringonsäteiden
mukana kantautui leukoijain ja neilikoiden tuoksua ja heikkona
aavistuksena kukkivien viini marjapensaiden lemua. Autuaallisessa
mielentilassa hän poltteli, uneksi ja teki havaintoja.

Maalaistalo on keväisin täynnä syntyvää elämää — nuori elämä


puhkeaa silmuista ja umpuista, ja inhimilliset olennot vaalivat sitä
ruokkien ja hoivaten kaikkea syntynyttä. Nuori mies istui niin hiljaa,
että hanhiemo taapersi juhlallisesti, kuusi keltaniskaista,
harmaaselkäistä poikasta vanavedessään hieromaan nokkaansa
ruohonlehtiin aivan hänen jalkainsa juureen. Aina väliin kävivät rouva
Narracombe tai Megan kysymässä, tarvitsiko hän jotakin, ja hän
hymyili vastatessaan: "Kiitoksia, en mitään. Täällä on ihanaa." Teen
aikaan he tulivat ulos yhdessä, toivat maljakossa pitkän, tumman
kankaisen siteen, ja tarkastettuaan ensin juhlallisesti ja huolellisesti
hänen ajettunutta polveaan käärivät siteen sen ympäri. Heidän
lähdettyään hän ajatteli tytön pehmeää huudahdusta, hänen
osaaottavia silmiään ja pientä ryppyä silmäkulmien välissä. Ja hän
tunsi jälleen aiheetonta ärtymystä poislähtenyttä ystäväänsä
kohtaan, joka oli puhunut tytöstä mokomia tyhmyyksiä. Kun Megan
kantoi pois hänen teensä, kysyi Ashurst:

"Mitä piditte ystävästäni?"

Tyttö veti ylähuultaan alaspäin, ikäänkuin olisi pelännyt, että oli


epäkohteliasta hymyillä. "Hauska herra, sai meidät kaikki
nauramaan. Luulen, että hän on hyvin oppinut."

"Mitä hauskaa hän teille kertoi?"


"Hän sanoi, että minä olen bardien tytär. Mitä ne sellaiset ovat?"

"Walesilaisia runolaulajia, jotka elivät monta sataa vuotta sitten."

"Millä tavoin voin olla heidän tyttärensä, jos saan kysyä?"

"Hän tarkoitti, että olette sellainen tyttö, joista heidän oli tapana
laulaa."

Tyttö rypisti kulmakarvojaan. "Pelkäänpä, että hän teki minusta


pilaa.
Olenko sitten sellainen?"

"Uskoisitteko minua, jos minä sen sanoisin?"

"Uskoisin kyllä."

"No niin, luulen hänen olleen oikeassa."

Megan hymyili.

Ja Ashurst ajatteli: "Oletpa kaunis!"

"Hän sanoi myöskin, että Joe on anglosaksilainen tyyppi. Mitä se


mahtaa merkitä?"

"Kuka Joe on? Sekö poika, jolla on siniset silmät ja punakat


kasvot?"

"Hän juuri. Enoni veljenpoika."

"Siis ei teidän ensimmäinen serkkunne?"

"Ei."
"Toverini tarkoitti, että Joe muistuttaa niitä miehiä, jotka tulivat
Englantiin noin neljätoistasataa vuotta sitten ja valloittivat maan."

"Ai niin! Olen kuullut heistä. Onko hän heitä?"

"Garton on hullaantunut tuollaisiin asioihin, mutta minunkin täytyy


sanoa, että Joe muistuttaa vanhoja saksilaisia."

"Vai niin."

Tuo "vai niin" huvitti Ashurstia. Se oli niin tuore ja rakastettava, niin
päättäväinen ja kohteliaan myönteinen, huolimatta siitä, että se
kohdistui asiaan, joka oli tytölle hepreaa.

"Hän sanoi, että kaikki toiset pojat olivat oikeita mustalaisia. Sitä
hänen ei olisi pitänyt sanoa. Tätini kyllä nauroi, mutta hän ei pitänyt
siitä, ja serkkuni suuttuivat. Enoni oli maanviljelijä, eivätkä
maanviljelijät ole mustalaisia. On väärin loukata ihmisiä."

Ashurst olisi tahtonut tarttua tytön käteen ja puristaa sitä, mutta


sanoi vain:

"Aivan niin, Megan. Mutta asiasta toiseen, kuulin teidän eilen


panevan pienokaiset levolle."

Tyttö punastui hiukan. "Olkaa hyvä ja juokaa teenne, se jäähtyy.


Tuonko lisää?"

"Onko teillä koskaan aikaa tehdä mitään itsenne vuoksi?"

"On toki."

"Olen katsellut teitä, mutta en ole vielä sitä huomannut."


Tyttö rypisti hämillään kulmakarvojaan, ja hänen poskensa kävivät
tummemmiksi.

Meganin mentyä Ashurst ajatteli: "Mahtoiko hän uskoa, että


tarkoitukseni oli kiusoitella häntä. Sitä en tahtoisi tehdä mistään
hinnasta." Ashurst oli siinä iässä, jolloin useille nuorukaisille
"kauneus on kukkanen", kuten runoilijat sanovat, ja herättää heissä
ritarillisia ajatuksia. Kului hetkinen, ennen kuin hän, joka ei
milloinkaan ollut erikoisen tarkka huomaamaan, mitä ympärillä
tapahtui, havaitsi nuorukaisen, jota Garton oli sanonut "saksilaiseksi
tyypiksi", seisovan tallin ovella. Pojan likaiset, ruskeat samettihousut,
pölyiset säärystimet ja sininen paita muodostivat hauskan väriläikän.
Hänen käsivartensa ja kasvonsa olivat punaiset, tukka loisti
auringonpaisteessa pellavankeltaisena. Hän seisoi liikkumattomana,
levollisena, vakavana. Kun hän huomasi Ashurstin tarkastavan
häntä, hän saapasteli pihan poikki hitaasti ja levollisesti niinkuin
ainakin nuoret talonpojat, joita ujostuttaa näyttäytyä muunlaisina kuin
hitaina ja rauhallisina, ja katosi talon päädyn taakse, missä keittiön
ovi oli. Ashurstin mieliala kävi viileäksi. Moukka? Kuinka mahdoton
oli parhaalla tahdollakaan päästä yhteisymmärrykseen heidän
kanssaan. Mutta tuo tyttö! kengät risaiset, kädet karheat — ja
kuitenkin! Oliko se hänen kelttiläisen verensä vaikutusta, niinkuin
Garton väitti? Hän oli synnynnäinen hienon maailman nainen,
jalokivi, vaikka luultavasti hädin tuskin osasi lukea ja kirjoittaa.

Hänen eilen keittiössä näkemänsä mies, jonka kasvot olivat


sileiksi ajellut, oli tullut pihalle mukanaan koira. Hän ajoi lehmät
tarhaan: Ashurst huomasi miehen ontuvan.

"Kauniita elukoita!"
Ontuvan miehen kasvot kirkastuivat. Hänellä oli silmissään
ylöspäin kääntynyt katse, jollaisen pitkäaikainen kärsimys usein
aiheuttaa.

"Niin kyllä, oikein mallilehmiä, ja hyviä lypsämäänkin."

"Senpä kyllä uskon."

"Toivottavasti herran jalka on parempi?"

"Kiitoksia kysymästä. Aina hiljalleen."

Ontuva mies kosketti omaa jalkaansa.

"Tunnen tuon itse omassa nahassani. Polvi on arka paikka. Minun


on ollut kipeänä jo kymmenen vuotta."

Ashurst päästi osaaottavan huudahduksen, mikä niin helposti


lähtee sellaisten ihmisten huulilta, joiden toimeentulo on turvattu, ja
ontuva hymyili taas.

"Ei kuitenkaan auta valittaa. Olivat vähällä katkaista sen."

"Ohoh"

"Niin, ja verraten siihen, millainen se silloin olisi ollut, se on nyt


melkein kuin uusi."

"Minun polvelleni panivat erinomaisen tepsivän kääreen."

"Tytön poimima lääke. Tuntee kukkaset. Hän on niitä, jotka


tietävät, mikä kukista ja ruohoista kelpaa lääkkeiksi. Äitivainajani
osasi eri hyvästi sen taidon. Toivottavasti herran jalka pian paranee.
Hei eteenpäin siitä!"
Ashurstin täytyi hymyillä. "Tuntee kukkaset." Hän itse on
kukkanen.

Samana iltana Ashurstin syötyä illallista, johon kuului kylmää


hanhenpaistia, uunijuustoa ja omenaviiniä, tuli tyttö huoneeseen.

"Suokaa anteeksi; täti käski kysyä, ettekö tahtoisi maistaa


vapunpäivä-kakkua."

"Kyllä, jos saan tulla sitä keittiöstä noutamaan."

"Tulkaa vain. Kaipaatte varmaan kovin ystäväänne."

"Enpä niinkään; mutta oletteko varma siitä, ettei kukaan pane


pahakseen, jos tulen keittiöön?"

"Kukapa sitä panisi pahakseen? Se on meistä kaikista hauskaa."

Ashurst nousi liian äkkiä kankean polvensa varaan, horjahti ja


vaipui takaisin tuoliin. Tyttö huudahti ja ojensi molemmat kätensä.
Ashurst tarttui niihin; ne olivat pienet, karkeat, ruskettuneet. Hän
hillitsi halunsa, ei vienyt niitä huulilleen, vaan antoi tytön auttaa. Tyttö
tuli aivan lähelle häntä ja tarjosi olkapäänsä tueksi. Tyttöön nojaten
Ashurst nilkutti huoneen poikki. Hänen mielestään tuo olkapää oli
miellyttävintä, mihin hän milloinkaan oli koskettanut, mutta hänellä oli
tarpeeksi kylmäverisyyttä ottaakseen keppinsä ohimennen nurkasta
ja vetääkseen pois kätensä, ennen kuin he tulivat keittiöön.

Seuraavan yön hän nukkui kuin hako, ja hänen herätessään kipeä


polvi oli tuskin tervettä paksumpi. Aamun hän vietti taaskin vihreässä
tuolissa ruohokentällä, sepitellen runoja. Mutta iltapäivällä hän jo
samoili lähiseudulla pikkupoikien, Nickin ja Rickin, seurassa. Oli
lauantaipäivä, joten tenavat olivat päässeet varhain koulusta. He
olivat vilkkaita, ujoja, tummia vekaroita, toinen seitsen-, toinen
kuusivuotias. Pian he muuttuivat varsin puheliaiksi, sillä Ashurst
osasi olla lasten kanssa. Neljään mennessä he jo olivat ehtineet
näyttää hänelle kaikki eri keinot, millä he osasivat tuhota elämää,
lukuunottamatta sitä, miten taimenia pyydystetään. Nyt he makasivat
paidanhihat ylöskäärittyinä puron partaalla tahtoen osoittaa
osaavansa senkin taidon. Se ei tietystikään onnistunut, sillä heidän
huutonsa ja naurunsa säikytti kaiken elävän lähimailta. Ashurst istui
kallionkielekkeellä pyökkimetsikössä heitä tarkastellen ja kuunnellen
käkeä, kun Nick, veljeksistä vanhempi ja vähemmän vilkas, tuli
hänen luokseen ja ilmoitti:

"Mustalaiskummitus istuu aina sillä kivellä."

"Mikä mustalaiskummitus?"

"En tiedä, en ole koskaan itse nähnyt. Megan sanoo, että sen on
tapana istua täällä. On vanha Jimkin sen kerran nähnyt. Se istui
tuossa sen päivän edellisenä iltana, jolloin poni potkaisi isää päähän.
Se soitti huilua."

"Mitä säveltä se soittaa?"

"En tiedä."

"Minkä näköinen se on?"

"Musta. Vanha Jim sanoo, että sillä on karvoja ympäri ruumiin. Se


on oikea kummitus. Eikä se käy täällä yksistään yön aikaan."
Pikkupojan vinot silmät pyörivät päässä. "Luuletteko, että se tahtoo
viedä minut? Megan pelkää sitä."

"Onko Megan nähnyt sen?"


"Ei. Mutta teitä hän ei pelkää."

"En sitä epäilekään. Mitäpä hän minua pelkäisi."

"Hän rukoili teidän puolestanne."

"Kuinka sen tiedät, pikku veitikka?"

"Kun olin vuoteessa, hän sanoi: 'Jumala siunatkoon meitä kaikkia


ja herra Ashurstia'. Kuulin hänen kuiskaavan niin."

"Teet väärin, kun kerrot, mitä olet kuullut, koska se ei ollut


tarkoitettu sinun kuultavaksesi."

Poikanen oli vaiti. Hetken kuluttua hän sanoi kuin uhitellen:

"Minäpä osaan nylkeä kaniineja. Megan ei kykene siihen. Minä


pidän verestä."

"Vai pidät sinä siitä — senkin pikku peto!"

"Mikä se on?"

"Se on ihminen, joka pitää toisen rääkkäämisestä." Poikanen


katsoi kummissaan.

"Minä nyljen ainoastaan kuolleita kaniineja, joita me syömme."

"Vai niin! Sitten pyydän anteeksi."

"Osaan minä nylkeä sammakoltakin."

Mutta Ashurst oli käynyt hajamieliseksi. "Jumala siunatkoon meitä


kaikkia ja herra Ashurstia!" Ja puhetoverinsa äkkinäiseen
hajamielisyyteen kyllästyneenä Nick juoksi takaisin purolle, mistä
taas alkoi kuulua naurua ja huutoja.

Kun Megan tuli tuomaan hänelle teetä, kysyi hän:

"Mitä se mustalaiskummitus on?"

Tyttö katsahti Ashurstiin kauhistuneena.

"Se ennustaa onnettomuuksia."

"Ette kai te usko kummituksia olevan olemassa?"

"Toivon, ettei minun koskaan tarvitse nähdä sitä."

"Varmasti ette koskaan sitä näekään. Kummituksia ei ole


olemassa. Vanha
Jim näki varmaankin ponihevosen."

"Ei! Sellaisia kummituksia asuu kallionrotkoissa. Ne ovat ihmisiä,


jotka ovat eläneet kauan sitten."

"Eivät ne ainakaan ole mustalaisia. Nuo muinaiset ihmiset olivat


kuolleet jo kauan ennen kuin mustalaiset tulivat maahan."

Tyttö sanoi yksinkertaisesti: "Ne ovat kuitenkin pahoja."

"Miksi niin pahoja? Jos tuollaisia kummituksia on, ne ovat arkoja


kuin jänikset. Kukat eivät ole pahoja, vaikka kasvavat itsestään,
orapihlajoita ei ole kukaan istuttanut — ettekä pelkää niitäkään. Pitää
lähteä joskus yöllä etsimään kummitustanne ja puhuttelemaan sitä."

"Voi älkää, älkää tehkö niin!"


"Tottahan toki! Asetun istumaan hänen kalliolleen."

Tyttö pani kätensä ristiin: "Minä pyydän, rukoilen: älkää menkö!"

"Rauhoittukaa! Mitäpä merkitsee, vaikka minulle tapahtuisikin


jotakin?"

Megan ei vastannut. Hiukan harmissaan nuorukainen jatkoi:

"Mutta pelkään pahoin, etten saa sitä nähdä, sillä minun kai täytyy
pian lähteä täältä pois."

"Joko nyt?"

"Tätinne ei kaiketikaan halua enää pitää minua täällä."

"Kyllä varmasti! Meillähän on aina kesävieraita."

Ashurst käänsi silmänsä tyttöön ja kysyi:

"Tahtoisitteko te, että minä jään tänne?"

"Kyllä."

"Minä aion tänä iltana rukoilla teidän puolestanne."

Tyttö karahti tulipunaiseksi, rypisti kulmiaan ja lähti pois


huoneesta.
Ashurst sadatteli tyhmyyttään. Tee jäähtyi kylmäksi ja mauttomaksi.
Aivan kuin olisi raskaat saappaat jalassa tallannut keskelle
sinikelloryhmää. Miksi hän oli päästänyt suustaan mokoman
tyhmyyden?
Oliko hänkin samanlainen kaupunkilainen ja yliopistoaasi kuin
Robert
Garton, yhtä mahdoton kuin hänkin ymmärtämään tuota tyttöä?

IV.
Ashurst vietti seuraavan viikon samoilemalla lähitienoilla
vakuuttautuakseen jalkansa paranemisesta. Kevät oli tänä vuonna
hänelle ilmestys. Kuin juopuneena hän saattoi seistä katselemassa
myöhästyneen pyökin punavalkoisia silmuja, kun se ojenteli oksiaan
auringossa taivaan sineä kohti, tai harvojen skotlanninkuusten
runkoja ja oksia, jotka hohtivat ruskeina voimakkaassa valossa, tai
toisin ajoin nummea ja myrskyn tuivertamia lehtikuusia, jotka
näyttivät niin eloisilta, kun tuuli puhalteli niiden nuoren vihreyden läpi,
joka levittäytyi ruosteenväristen runkojen yllä. Tai hän loikoi maassa
tarkastellen nurmikon sinisiä orvokkeja tai sanajalikossa hypistellen
vaaleanpunaisia, läpinäkyviä silmuja, käkien kukkuessa, rastaiden
säksättäessä ja leivon sirotellessa lauluhelmiään korkealta pilvistä.
Tämä kevät oli erilainen kuin kaikki edelliset, sillä kevättä oli myös
hänen rinnassaan eikä vain hänen ulkopuolellaan. Päiväsaikaan hän
tuskin näki perheenjäseniä, ja kun Megan toi hänen ateriansa, tällä
näytti aina olevan niin paljon puuhaa talossa tai pihalla, ettei hän
voinut viipyä kauempaa eikä jäädä juttelemaan Ashurstin kanssa.
Mutta iltaisin Ashurst istahti keittiön ikkunapenkille polttelemaan
piippuaan ja puheli ontuvan Jimin tai rouva Narracomben kanssa,
tytön istuessa ompelemassa tai liikkuessa huoneessa korjaamassa
illallisen tähteitä. Ja toisinaan hän oli havaitsevinaan, tuntien
samantapaisia tunteita kuin kehräävä kissa, että Meganin silmät —
nuo kasteenharmaat silmät — olivat kiintyneet häneen viipyvin,
lempein katsein, jotka omituisesti mairittelivat häntä.

Sunnuntai-iltana viikkoa myöhemmin, loikoessaan


hedelmätarhassa kuunnellen mustarastaita ja sepitellen
rakkausrunoa, hän kuuli veräjän narahtavan ja näki tytön juoksevan
sitä paikkaa kohti, missä hän seisoi, typerä punanaamainen Joe
kintereillään. Parinkymmenen metrin päässä he äkkiä pysähtyivät ja
jäivät seisomaan silmäkkäin, huomaamatta nurmikossa lojuvaa
vierasta. Poika yritti lähestyä tyttöä, mutta tämä torjui hänet luotaan.
Ashurst saattoi nähdä Meganin kiihtyneen, suuttumusta ilmaisevan
ilmeen. Hän huomasi myös nuorukaisen kiihkon — kuka olisi
uskonut, että tuo punaposkinen pojanjolppi saattoi näyttää noin
kiihtyneeltä? Kiusautuneena näkemästään Ashurst hypähti
nurmikolta pystyyn. Toisetkin huomasivat hänet nyt. Megan päästi
käsivartensa vaipumaan ja vetäytyi puunrungon taakse. Poika
murahti vihaisesti, juoksi muurin luo, kapusi sen yli ja katosi. Ashurst
meni hitaasti tytön luo. Megan seisoi liikkumattomana, purren
huuliaan. Hän oli hyvin kaunis, hieno, tumma tukka pörrötti
valtoimenaan kasvojen ympärillä. Hänen silmänsä olivat luodut
maahan.

"Pyydän anteeksi", sopersi Ashurst.

Tyttö loi häneen yhden ainoan katseen selko selällään tuijottavista


silmistään. Sitten hän veti syvään henkeä ja kääntyi mennäkseen
pois. Ashurst lähti perästä.
"Megan!"

Mutta tyttö ei pysähtynyt. Nuorukainen tarttui hänen käsivarteensa


ja käänsi hänet lempeästi puoleensa.

"Pysähtykää ja jääkää puhelemaan minun kanssani!"

"Miksi pyydätte minulta anteeksi? Teidän ei pitäisi pyytää anteeksi


minulta."

"Jaha, siis Joelta."

"Kuinka hän rohkenee ahdistaa minua?"

"Rakastunut teihin, arvatenkin."

Tyttö polki jalkaansa.

Ashurst naurahti. "Tahtoisitteko, että halkaisen hänen kallonsa?"

Tyttö huudahti äkkiä kiihkeästi:

"Te pidätte minua — pidätte meitä pilkkananne!"

Ashurst tarttui hänen käsiinsä, mutta tyttö perääntyi, kunnes


hänen pienet kiihtyneet kasvonsa ja hajalleen mennyt tumma
tukkansa hukkuivat omenapuun ruusunpunaisten kukkasarjojen
sekaan. Ashurst nosti hänen toisen kätensä, jota yhä piteli
omassaan, huulilleen. Hän tunsi menettelevänsä ritarillisesti, aivan
toisin kuin tuo moukkamainen Joe, koskettaessaan vain kevyesti
huulillaan tuota pientä, karheaa kättä. Äkkiä tyttö herkesi
peräytymästä, tuntui väristen tulevan nuorukaista vastaan. Suloinen
lämpö tulvahti Ashurstin koko olemuksen läpi kiireestä kantapäähän.
Tuo solakka tyttö, joka oli niin yksinkertainen, mutta samalla niin
hieno ja kaunis, näytti siis pitävän hänen huultensa kosketuksesta.
Ja heittäytyen hetken mielihalun valtaan hän kietoi käsivartensa
tytön vartalolle, painoi tämän rintaansa vasten ja suuteli häntä
otsalle. Mutta silloin nuorukainen säikähti! Tyttö valahti kalpeaksi,
ummisti silmänsä, niin että pitkät, tummat silmäripset lepäsivät
poskea vasten ja kädet riippuivat liikkumattomina kupeilla. Tytön
poven kosketus sai Ashurstin värähtämään. "Megan!" kuiskasi hän ja
päästi tytön syleilystään. Syvässä hiljaisuudessa kuului
mustarastaan laulu. Silloin tyttö tarttui hänen käteensä, painoi sen
poskeaan, sydäntään, huuliaan vasten, suuteli sitä intohimoisesti,
pujahti samassa omenapuiden sammaleisten runkojen lomaan ja oli
hävinnyt näkymättömiin.

Ashurst istuutui vanhalle kuhmuraiselle puunrungolle, joka kasvoi


miltei vaakasuorassa pitkin maanpintaa, ja tuijotti valtimot jyskyttäen
ja pää sekavana kukkasiin, jotka äsken olivat kuin kehyksenä
ympäröineet tytön päätä, noihin vaaleanpunaisiin umppuihin, joiden
joukossa oli yksi puhjennut, valkoinen tähti. Mitä hän oli tehnyt?
Kuinka hän oli antanut kauneuden, säälin — vaiko vain kevään? —
lumota itsensä! Hän tunsi kuitenkin olevansa sanomattoman
onnellinen — onnellinen ja voitonriemuinen silloinkin, kun väristys
puistatti ruumista ja hänen mieleensä iski levottomuus. Tämä oli
alkua — niin, minkä alkua? Sääsket purivat, tanssivat hyttyset olivat
vähällä lentää suoraan suuhun ja koko hänen ympärillään heräävä
kevät näytti tulevan yhä elävämmäksi ja ihastuttavammaksi. Hän
kuuli käen kukkuvan ja mustarastaan viserryksen, näki vinot
päivänsäteet, omenankukat, jotka olivat seppeleenä kehystäneet
tytön päätä. — Ashurst nousi vanhalta puunrungolta ja lähti pois
puutarhasta; hän tunsi tarvitsevansa avaria kenttiä, vapaata taivasta
selvitelläkseen uusia tunteitaan. Hän ohjasi askelensa nummelle, ja
lehdosta pyrähti harakka lentoon kuin ilmoittamaan hänen tuloaan.
Onko ainoaakaan miestä — minkään ikäistä viisivuotiaasta alkaen
— joka voisi sanoa, ettei ole milloinkaan ollut rakastunut? Ashurst oli
rakastanut pieniä tanssikoulutovereitaan, kotiopettajatartaan, tyttöjä
koululoman aikana. Hän ei ehkä ollut koskaan ollut aivan vailla
pientä rakastumista, vaan oli aina omistanut jollekulle enemmän tai
vähemmän etäisen ihailunsa. Mutta tämä oli aivan toista, ei lainkaan
etäistä. Tämä oli kokonaan uusi, peloittavan suloinen tunne, joka
samalla antoi aavistuksen kypsyneestä miehuudesta. Pitää
kädessään tuollaista luonnonkukkaa, saada viedä se huulilleen ja
tuntea sen onnesta väristen painuvan niitä vasten! Millainen hurma
— mutta millainen huoli samalla! Mitä tuolle kukalle onkaan tehtävä,
miten kohdattava tyttö ensi kerralla? Pojan ensi hyväily oli ollut viileä,
kuin säälivä, mutta seuraava ei voinut muodostua samanlaiseksi,
kun hän nyt Meganin hänen kädelleen painamasta polttavasta pikku
suudelmasta ja siitä, että tyttö oli vienyt hänen kätensä sydämelleen,
tiesi tämän rakastavan häntä. Muutamat luonteet paatuvat siitä, että
niille tuhlataan rakkautta, toiset taas — ja Ashurst kuului
jälkimmäisiin — hurmautuvat, lämpenevät ja heltyvät kokiessaan
rakkauden ihmeen.

Ja kiivetessään kalliorinteitä hän tunsi toiselta puolen halua


antautua valtoimenaan omassa povessa tapahtuvalle kevään
täyttymykselle, toiselta puolen epämääräistä, mutta todellista
levottomuutta. Toisin hetkin hän tunsi yksinomaan ylpeyttä ja
itserakkautta, kun oli saavuttanut tuon kauniin, luottavaisen,
kastesilmäisen olennon rakkauden. Toisin hetkin hän taas ajatteli
pakottautuen vakavaksi: "Kuule, poika! Katso, mitä teet! Sinun täytyy
tietää, mihin se johtaa."

Hämätä laskeutui maille, mutta hän ei sitä huomannut, kietoi


verhoonsa juhlalliset kallioröykkiöt, jotka olivat kuin vanhoja
assyrialaisten veistoksia. Ja Luonnon ääni kuiskasi: "Tämä on sinulle
uusi maailma." Kuin ihmisestä, joka nousee vuoteestaan neljän
aikaan lähteäkseen kävelylle varhaisena kesäaamuna, jolloin
eläimet, linnut ja puut katselevat häntä oudoksuen ja ihmetellen,
samoin tuntui hänestä nyt kuin kaikki olisi muuttunut uudeksi. Hän
viipyi kalliolouhikossa tuntikausia, kunnes ilma kävi koleaksi. Silloin
hän laskeutui laaksoon yli kivien ja kanervien, saapui maantielle,
poikkesi siitä kujatielle ja käveli luonnonniityn ohi hedelmätarhaan.
Siellä hän sytytti tulitikun ja katsoi kelloa. Kohta kaksitoista.
Puutarhassa oli pimeää ja hiljaista, aivan toisenlaista kuin kuutisen
tuntia sitten, kun auringonvalo vielä viipyi mailla ja linnut lauloivat. Ja
äkkiä hän näki oman idyllinsä ikäänkuin toisen henkilön silmillä —
hän oli näkevinään rouva Narracomben kääntävän käärmemäistä
kaulaansa, tämän nopean katseen käsittäessä samassa kaikki, ja
hänen viekkaiden kasvojensa samassa kovenevan, luuli näkevänsä
mustalaisia muistuttavat, karkeaa leikkiä laskevat ja epäluuloiset
serkut, Joen typeränä ja raivoisana — vain ontuva Jim, jonka
silmistä puhui kärsimys, näytti säyseältä ja rauhalliselta niinkuin aina.
Ja hän näki kylänväkeä: puheliaita eukkoja, joita oli tavannut
kävelyretkillään. Ja lopuksi omat ystävänsä; miten Robert Garton
lähti aamulla puolitoista viikkoa sitten hymyillen ivallisesti ja
merkitsevästi. Sietämätöntä! Hetken aikaa hän suorastaan vihasi
tätä matalaa, kyynillistä maailmaa, johon kuuluvaksi oli pakko
lukeutua, tahtoipa tai oli tahtomatta. Veräjä, johon hän nojautui,
muuttui harmaaksi, hänen eteensä muodostui valojuova, joka levisi
sinertävään pimeyteen. Kuu! Se pilkisti juuri mäen takaa, se oli
punainen, melkein pyöreä — ihmeellinen kuu! Ja hän kääntyi, lähti
kulkemaan kujatietä, jossa oli yön lehmänlannan ja nuorten lehvien
tuoksua. Karjapihassa hän erotti elukat tummana, yhtenäisenä
rykelmänä, josta epämääräisinä ulkonevat sarvenkärjet häämöttivät
kuin taivaalta kärjelleen pudonneet kuunsirpit. Hän avasi varovasti
pihaveräjän. Talossa oli kaikki pimeänä. Äänettömin askelin hän hiipi
ulko-ovelle ja katsoi marjakuusta vasten painautuen Meganin
ikkunaan. Se oli auki. Nukkuiko tyttö vai valvoiko levottomana —
huolissaan hänen viipymisestään? Pöllö huusi hänen siinä
seistessään ja tähyillessään ylöspäin, ja sen ääni tuntui täyttävän
koko yön — niin hiljaista oli kaikkialla, kuului vain puron koskaan
vaikenematon solina. Päivällä käki ja nyt pöllöt — kuinka
ihmeellisesti ne tulkitsivatkaan hänessä itsessään herännyttä
levotonta hurmaa! Ja äkkiä hän näki tytön ikkunassa tähyilemässä
ulos. Ashurst astui askelen marjakuusen juurelta ja kuiskasi:
"Megan!" Tyttö vetäytyi taaksepäin, katosi, ilmestyi uudelleen
ikkunaan ja kumartui ulos. Ashurst hiipi eteenpäin ruohikolla, nojasi
leukansa vihreäksi maalattuun tuoliin ja pidätti hengitystään. Tytön
kasvojen ja riippuvien käsivarsien muodostamat vaaleat läikät eivät
liikahtaneet, poika nosti tuolin lähemmäksi ja nousi seisomaan sille.
Ojentamalla käsivartensa hän ulottui parahiksi tytön käteen. Siinä oli
suuri ulko-oven avain; poika tarttui kylmää avainta pitelevään
kuumaan käteen. Ashurst saattoi juuri ja juuri erottaa hänen
kasvonsa ja hampaiden välähdyksen huulten lomasta sekä
epäjärjestyksessä olevan tukan. Tyttö oli täysissä pukimissa —
raukka oli varmaan valvonut hänen vuokseen. "Kaunis Megan!"
Tytön kuumat, karheat sormet tarttuivat pojan käteen, hänen
kasvoissaan oli omituinen, avuton ilme. Kunpa olisi voinut koskettaa
niitä edes kädellä! Pöllö huusi, orjanruusun tuoksu tunkeutui
Ashurstin sieraimiin. Toinen pihakoira haukahti, tytön ote herpautui,
hän vetäytyi pois. "Hyvää yötä, Megan!"

"Hyvää yötä, herra!" Tyttö oli poissa. Huokaisten Ashurst laskeutui


maahan ja istuutuen tuolille riisui kengät jalasta. Ei ollut muuta
neuvoa kuin mennä levolle. Kuitenkin hän jäi vielä pitkäksi aikaa
istumaan, jalat väristen märässä kasteessa, muistellen
hurmaantuneena tytön avutonta, hymyilevää ilmettä ja tämän
kuumien sormien lujaa otetta niiden työntäessä kylmän avaimen
hänen käteensä.
V.

Ashurstilla oli aamulla herätessään sellainen tunne kuin olisi illalla


syönyt liikaa, vaikk'ei itse asiassa ollut syönyt mitään. Ja eilispäivän
romaani tuntui äärettömän kaukaiselta ja epätodelliselta. Oli
loistavan kaunis aamu. Kevät oli vihdoin tullut kaikessa loistossaan
— yhdessä yössä olivat kultaumput, niinkuin pikkupojat niitä
nimittävät, vallanneet koko kedon, ja hän saattoi ikkunastaan nähdä,
miten omenankukat verhosivat puutarhan kuin valkoiseen harsoon.
Hän lähti huoneesta miltei peläten, että tapaisi Meganin. Mutta kun
tytön asemesta rouva Narracombe toi hänen aamiaisensa, hän tunsi
suuttumusta ja pettymystä. Tuon naisen käärmemäinen niska ja
vilkkaat silmät tuntuivat tänä aamuna valppaammilta kuin konsanaan
ennen. Olikohan hän huomannut jotakin?

"Vai niin, kuulin, että olitte kuun kanssa öisellä kävelyllä. Söittekö
illallisen jossakin?"

Ashurst pudisti päätään.

"Säästimme teille illallista, mutta arvelen, että teillä oli paljon


muuta ajattelemista, joten ette ehtinyt ajatella sellaista?"

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