PDF of La Malediction Les Jumeaux Crochemort 1 1St Edition Cassandra O Donnell 2 Full Chapter Ebook

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La malédiction Les jumeaux

Crochemort 1 1st Edition Cassandra O


Donnell
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Les Jumeaux Crochemort


La malédiction

© Flammarion, 2023

ISBN numérique : 978-2-0804-1638-4


ISBN du pdf web : 978-2-0804-1640-7

Le livre a été imprimé sous les références :


ISBN : 978-2-0804-1636-0

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


Présentation de l’éditeur :

S’il est des lieux obscurs, dévorés par les ténèbres, des demeures où
les vivants n’ont pas leur place, le manoir Crochemort sans nul doute
en fait partie.
Après des années d’exil, Silence et Oriel Crochemort sont
soudainement rappelés dans le manoir familial par des grands-
parents dont ils ignoraient l’existence. Les jumeaux ne se sentent
pas les bienvenus et découvrent qu’une terrible malédiction s’est
abattue sur la ville…

La romancière à succès Cassandra O’Donnell nous entraine dans un


nouvel univers aussi envoûtant que terrifiant.
Les Jumeaux Crochemort
Soufflant dans ses doigts, Justin tapa du pied sur le sol comme
pour se réchauffer, puis descendit l’allée sans se faire remarquer. La
lune était à moitié pleine, mais sa lumière peinait à percer l’obscurité
de la nuit, une nuit à la noirceur si épaisse et si profonde qu’elle en
était presque palpable.
— Vingt minutes, ça ne prendra que vingt minutes, murmura-t-il
avant d’ouvrir son sac à dos et d’en sortir une lampe torche.
La lumière braquée sur les pavés pour éviter de se tordre la
cheville dans un trou ou de buter sur un obstacle, il remonta
rapidement la rue Greenway, puis tourna à droite vers le quartier
Mayfield. Trottoirs, bars, boutiques et balcons étaient déserts et
aucune lumière ne filtrait des fenêtres des immeubles. La ville
entière était comme morte. Il y régnait un silence si profond, qu’en
comparaison les bruits de pas de Justin sur les pavés semblaient
assourdissants.
« Plus vite », songea-t-il, la gorge serrée.
Accélérant le pas, il parcourut une bonne centaine de mètres
avant d’avoir soudain l’étrange impression de ne plus être seul.
Quelque chose venait de bouger un peu plus loin, il en était certain.
Il ne pouvait en distinguer la forme, il voyait juste une ombre
onduler sur la partie de mur éclairée par sa torche.
— Qui est là ?
Braquant sa lampe vers un petit renfoncement situé en bas d’un
immeuble, il attendit.
— Je te vois, tu sais ? Allez, sors de ce trou ! cria Justin d’un ton
menaçant.
L’ombre dessinée sur le mur ondula et il eut tout à coup la
sensation que les ténèbres changeaient… qu’elles se contractaient et
se resserraient autour de lui.
— Si tu crois me faire peur, bredouilla-t-il, tu te…
Ses mots moururent dans sa gorge sous l’effet de la surprise en
voyant les deux grands yeux rouges qui le fixaient.
Le cœur battant si fort qu’on pouvait le croire prêt à imploser,
Justin recula et recula encore avant de soudainement heurter le mur
qui se trouvait derrière lui.
Il chercha des yeux quelque chose, n’importe quoi pour se
défendre, mais ne trouva rien.
— Laisse-moi tranquille… laisse-moi… bredouilla-t-il en agitant sa
lampe torche comme s’il tenait un bâton. Pitié, pitié…
Mais les supplications de Justin restèrent sans effet, et quand il
sentit une forme visqueuse s’enrouler autour de ses chevilles et le
faire tomber lourdement sur les pavés humides, il s’entendit appeler
sa mère.
Puis il n’y eut plus rien.
Rien que le silence.
Et deux grands yeux noirs et larmoyants, qui regardaient fixement
le ciel dans les profondeurs de la nuit.
Chapitre 1

Les mains crispées sur son oreiller, le front luisant de transpiration


et le cœur battant, Oriel Crochemort ouvrit les yeux en hurlant :
— Non ! Je ne veux pas !
Silence, réveillée en sursaut, alluma aussitôt sa lampe de chevet,
se précipita vers le lit de son frère et lui caressa le front.
— Ce n’est qu’un rêve ! Juste un mauvais rêve.
Le cerveau encore aux limites de l’inconscience, Oriel cligna des
yeux comme s’il se demandait si Silence était réelle ou une simple
illusion, puis il poussa un soupir.
Ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Il avait l’impression
d’avoir vécu cette scène des dizaines de fois, toujours la même : il
se mettait à crier pendant son sommeil et réveillait Silence, qui se
levait de son lit et venait le réconforter.
— Je suis désolé. Je sais que tu dois en avoir marre d’entendre ça,
mais…
— Je n’en ai pas marre, je suis inquiète, répondit-elle.
— Ce ne sont que des cauchemars…
Des cauchemars qui ne quittaient jamais son esprit et lui collaient
à la peau comme une mauvaise odeur.
Silence le dévisagea longuement.
— Je la vois dans tes yeux, tu sais ?
— Quoi ?
— La peur de t’endormir. De rêver.
— Ne sois pas ridicule.
— Tu as vu tes cernes ? On dirait que tu n’as pas dormi depuis des
jours.
— J’en suis conscient, c’est juste que… oh et puis laisse tomber, tu
ne peux pas comprendre !
— Ce que je comprends, c’est que tu te comportes vraiment de
manière étrange en ce moment.
« Étrange » était en dessous de la vérité : Oriel paraissait sans
cesse sur le qui-vive, il avait le regard hanté et sursautait au
moindre bruit.
Oriel esquissa un rictus narquois.
— Et c’est toi qui dis ça ?
— Je sais que je suis bizarre, admit Silence. Mais pas toi. Toi, tu
es…
— Quoi ? Le jumeau « normal » ? Le moins fêlé des deux ?
— Ne fais pas l’idiot, tu vois très bien ce que je veux dire.
Oriel la dévisagea un bref instant avant de détourner le regard.
— Tu ne l’as pas toujours été, tu sais ?
— Quoi ?
— Bizarre. Avant, tu étais comme moi.
Silence sentit sa gorge se serrer. Cela faisait deux ans,
maintenant. Deux ans depuis « l’accident ». Tout ce dont elle se
rappelait, c’était ce camion surgissant de nulle part, le bruit des
freins, l’inscription « Miller, fruits et légumes » qui grossissait,
grossissait… le hurlement de sa mère et puis plus rien. Rien avant
son réveil dans une chambre d’hôpital.
— Je sais et je suis désolée de ne plus être cette fille-là. Mais je
n’y peux rien. Ce n’est ni ma faute, ni la tienne. C’est comme ça,
c’est tout, répondit-elle, une lueur de tristesse dans le regard.
Oriel baissa la tête. Non, ce n’était pas la faute de Silence si elle
avait changé. Ça faisait seulement partie des séquelles de l’accident.
De toutes petites séquelles, compte tenu des circonstances. Il ne
l’avait jamais dit à sa sœur mais les médecins l’avaient déclarée
morte à son arrivée à l’hôpital. Il avait même entendu l’une des
infirmières dire à une autre : « Quand la petite Crochemort s’est
remise à respirer pendant qu’on la descendait à la morgue, le
docteur Cooper a dit qu’il n’avait jamais vu une chose pareille et que
c’était un vrai miracle ». Puis sa collègue avait répondu : « Tout le
monde ne parle que de ça… Certains prétendent même qu’elle a
ressuscité. »
— Je n’aurais pas dû dire ça, balbutia Oriel. Je suis désolé.
Silence et lui se ressemblaient beaucoup. Tous deux avaient les
traits fins et réguliers, un teint de porcelaine, le nez droit, des
cheveux noirs et des yeux d’un bleu si pâle et si intense à la fois,
qu’on avait l’impression de s’y noyer. Il était plus grand et plus large
d’épaules que Silence, mais il était impossible, en les voyant, de ne
pas deviner leur lien de parenté.
— Je ne suis pas vexée, espèce d’idiot ! Mais je veux que tu ailles
voir un médecin…
— Un médecin ?
— Un psychanalyste. Je pense que ton inconscient essaie de te
dire quelque chose.
— Et moi, je pense que tu devrais brûler ces stupides bouquins de
psychologie que tu lis tout le temps et arrêter de raconter n’importe
quoi, répliqua Oriel d’un ton moqueur.
— Là, il marque un point, ricana une voix dans la tête de Silence.
Je te l’ai dit mille fois : je ne suis pas une maladie mentale.
— Non, tu es une chimère créée par mon cerveau, lui répondit
Silence.
— Qui dit ça ? demanda la voix.
— Le docteur Anderson.
— Ah ces psychiatres… Il faut toujours qu’ils trouvent des
explications tordues aux choses les plus simples… Si tu veux mon
avis, ce sont eux qui devraient consulter, pouffa la voix.
Silence avait commencé à entendre la voix peu de temps après
son arrivée à l’hôpital. Elle en avait d’abord parlé au neurologue, qui
lui avait certifié que ses hallucinations auditives n’avaient aucune
cause physiologique et qu’elle n’avait ni tumeur, ni lésion cérébrale
pouvant expliquer ce phénomène. Puis au psychiatre, qui lui avait dit
qu’il s’agissait d’un trouble psychologique dû à un choc post-
traumatique et que le cerveau de Silence lui avait simplement créé
une sorte « d’ami imaginaire », afin de l’aider à traverser toutes ces
épreuves. Des épreuves qu’elle n’était pas encore capable
d’appréhender d’un point de vue émotionnel. Il avait même ajouté
que c’était un processus de défense tout à fait normal et qu’elle ne
devait pas s’inquiéter. Deux ans s’étaient écoulés depuis ce drame.
Silence allait beaucoup mieux, mais cette maudite voix dans sa tête
n’avait toujours pas disparu. Au contraire, elle lui parlait sans arrêt et
semblait perpétuellement se moquer d’elle.
Oriel se racla la gorge pour attirer l’attention de sa sœur.
— Tu fais encore cette tête… c’est elle, pas vrai ? C’est la voix ?
Elle te parle, hein ?
Silence ne tenta même pas de le détromper.
— Oui. La plupart du temps, j’essaie de l’ignorer mais parfois, je
n’y arrive pas et…
— Ce n’est pas grave. Elle va bien finir par s’en aller. Tu n’es pas
folle, je le sais, affirma Oriel avec conviction.
— Non, tu n’es pas folle, je confirme, ricana la voix.
Chapitre 2

La vieille maison avait une façade blanche, un toit de tôle, une


véranda à l’arrière et un porche à l’avant, donnant sur une petite
route. Des chants d’oiseaux filtraient à travers les moustiquaires.
Entrant dans la cuisine, Silence jeta un bref regard au vieux plan de
travail saupoudré de farine, puis au gros plat de terre cuite sur la
cuisinière avant de faire demi-tour, de remonter le petit couloir et de
pousser la porte menant sous le porche. Il y faisait chaud et le café
fumant que buvait Mme Evans avait l’air plus chaud encore.
— Bonjour, madame Evans, dit Silence en avançant au bout de la
petite terrasse en bois pour contempler le ciel d’un bleu immaculé.
Non, non, elle avait beau regarder, aucun nuage ne se profilait à
l’horizon. Ce n’était pas vraiment une surprise. Dans cette ville, le
ciel était tout le temps dégagé et les températures élevées. Il n’y
avait pas de véritable hiver et les jours de pluie se faisaient rares.
— Bonjour, Silence, tu as bien dormi ?
Vêtue d’une robe à fleurs et d’un tablier blanc, les cheveux courts
et grisonnants, Mme Evans était toujours souriante et possédait le
don de mettre les gens à l’aise. Son mari, Franck, et elle
accueillaient des orphelins au sein de leur foyer depuis une bonne
vingtaine d’années et ils avaient la réputation d’être la famille
d’accueil la plus gentille et chaleureuse de la région. Du moins,
c’était ce que Mme Ellis, la dame des services sociaux, leur avait dit,
à Oriel et à elle, quand elle avait décidé de les placer chez les Evans.
Et après avoir passé une année sous leur toit, Silence devait bien
admettre qu’elle n’avait pas menti : M. et Mme Evans étaient de
braves gens et ils avaient un cœur d’or.
— Si tu veux un verre de citronnade, je viens juste d’en mettre au
frais, ajouta Mme Evans avec l’accent chantant du Sud.
— Merci, mais je n’ai pas soif, répondit Silence.
— Dans ce cas, viens là, petite, viens t’asseoir près de moi, fit
Mme Evans en tapotant le dossier de la chaise en osier jouxtant la
sienne.
Silence hocha la tête et s’installa près d’elle.
— J’ai aussi fait une tarte, poursuivit Mme Evans, mais il va falloir
attendre un peu. Elle est encore au four.
Silence ne prit pas le risque de répondre qu’elle n’avait pas faim,
non plus. Mme Evans se targuait d’être une excellente cuisinière et
elle aurait pris son refus pour un affront personnel ou pire, elle se
serait inquiétée et aurait aussitôt posé des tas de questions
gênantes : Silence, tu ne te sens pas bien ? Tu as de la fièvre ? Mal
au ventre ? Tu n’es pas triste au moins ?
— Oh bon sang ! C’est une vraie fournaise aujourd’hui ! remarqua
soudain Mme Evans en essuyant d’un revers de manche les gouttes
de sueur qui perlaient sur son front.
Silence se pencha légèrement vers elle et répondit en souriant :
— Si maman était encore là, elle vous dirait qu’on voit bien que
vous n’avez jamais connu le froid, celui qui vous fait claquer des
dents et vous glace jusqu’aux os, ni vu un brouillard recouvrir
pendant des mois une ville entière comme un manteau de ténèbres.
Mme Evans haussa les sourcils et Silence soupira. Elle ne l’avait
jamais remarqué étant enfant, mais maintenant qu’elle avait grandi,
Silence réalisait combien sa mère s’exprimait de façon singulière,
comme si elle avait vécu à une autre époque. Un autre temps.
Mme Evans se mit à rire.
— Ça n’existe pas des villes comme ça ! Enfin, si, peut-être dans
le Nord, je ne sais pas parce que je n’y ai jamais mis les pieds, mais
qui sait ? Ta mère venait peut-être de là-bas !
Pour être honnête, Silence n’en avait aucune idée. Sa mère avait
toujours refusé de parler de son passé. Si bien que ses enfants ne
savaient pas grand-chose sur elle ou sur l’endroit d’où elle venait. Ils
savaient seulement qu’après le décès accidentel de leur père, leur
mère avait décidé de quitter la ville où ils avaient grandi et qu’elle
avait juré de ne plus jamais y remettre les pieds.
— Je ne sais pas, c’est possible. Maman ne voulait pas en parler,
elle disait que ça lui rappelait trop de mauvais souvenirs.
— Mais tu voudrais bien savoir, hein ? Je vais te confier une
chose : quand quelqu’un ne dit rien, c’est qu’il a d’excellentes
raisons de ne rien dire et qu’il ne faut pas aller chercher plus loin !
Ta mère vous a bien élevés, ton frère et toi, et moi, ça me suffit
pour savoir que c’était une dame bien !
Mme Evans était sincère. Elle n’avait jamais vu d’adolescents plus
polis, plus cultivés ou qui possédaient d’aussi bonnes manières que
les jumeaux Crochemort. Non, ça, jamais ! À les voir comme ça, on
pouvait presque croire qu’ils avaient voyagé dans le temps et qu’ils
venaient d’un autre siècle.
— Merci, madame Evans, dit Silence avec un grand sourire.
Cette dernière lui fit un clin d’œil, puis se leva de son siège et
entra dans la maison, avant de revenir quelques instants plus tard
avec une cruche de citronnade dans une main et un verre dans
l’autre.
— Tiens ! Bois, petite ! Tu vas être toute déshydratée !
Silence n’hésita pas et prit le verre que Mme Evans lui tendait.
— Je peux avoir un autre verre pour l’apporter à Oriel ?
— Surtout pas, malheureuse ! Si tu lui apportes à boire et à
manger, il ne sortira plus jamais de sa chambre ! C’est à peine s’il
m’a adressé deux mots depuis le début des vacances !
— Il faut lui pardonner, ça n’a rien à voir avec vous, madame
Evans, répondit Silence, gênée. C’est juste qu’il ne se sent pas très
bien en ce moment.
Mme Evans l’observa attentivement. S’ils se ressemblaient
physiquement, les jumeaux divergeaient complètement en matière
de caractère. Silence était solitaire, farouche, cynique et difficile à
apprivoiser. À son arrivée, elle avait l’air d’un véritable fantôme. Elle
était maigre, triste et ne dégoisait pas un mot. Mme Evans avait dû
patienter de longs mois avant de la voir sortir de sa torpeur,
s’intéresser aux autres et manger à nouveau. Mais pas Oriel. Non,
Oriel, lui, était calme, réfléchi, sociable, ouvert et incroyablement
mûr pour un garçon de son âge. Il s’était tout de suite adapté à son
nouvel environnement et ne lui avait jamais posé la moindre
difficulté. Du moins, jusqu’à maintenant.
— C’est à cause de ses cauchemars, c’est ça ?
Sa question prit Silence au dépourvu.
— Euh… oui, oui. Vous avez entendu ?
Mme Evans poussa un soupir. Difficile de faire la sourde oreille
avec tous ces hurlements qui faisaient pratiquement trembler les
murs de la maison.
— Monsieur Evans et moi, on a fait comme si de rien n’était pour
ne pas le gêner : après tout, Oriel a quinze ans, ce n’est plus un
bébé. Mais je ne sais pas combien de temps monsieur Evans va
continuer à se réveiller en sursaut toutes les nuits avant de me faire
une crise cardiaque.
— Oui, mais qu’est-ce qu’on y peut ? soupira Silence.
— À part bâillonner ton frère pour l’empêcher de crier ? Rien,
plaisanta la voix dans son crâne.
Silence l’ignora et observa Mme Evans, qui paraissait réfléchir
sérieusement à la question.
— Je crois que le vieux Joe pourrait nous aider.
— Le vieux Joe ? Oh oui, ça me dit quelque chose, je l’ai déjà vu
ici, non ? dit Silence.
Mme Evans acquiesça.
— Quand toi et ton frère veniez juste d’arriver, oui. Mais ça doit
faire au moins un an qu’il ne nous a pas rendu visite. Enfin bref, le
vieux Joe est une sorte de magnétiseur, mais il sait faire des tas
d’autres choses. Tu sais ce qu’est un attrape-rêves ?
— Oui, c’est un talisman qui protège les gens des cauchemars et
des mauvais esprits, répondit Silence.
— Exact. Et je vais demander au vieux Joe d’en fabriquer un pour
Oriel.
Silence écarquilla les yeux. Elle ne croyait pas vraiment au pouvoir
des talismans et autres gris-gris, mais il était inutile de l’avouer à
Mme Evans. Dans cette région, les gens possédaient leurs propres
croyances, leurs propres idées, et une fois qu’ils étaient persuadés
de quelque chose, il était impossible de les faire changer d’avis.
— Vous pensez qu’il acceptera ?
Mme Evans haussa les épaules.
— Ben, il n’a aucune raison de refuser.
— Et si l’attrape-rêves ne marche pas ? Je veux dire… ça doit
arriver, de temps en temps, non ?
— Rarement. Le vieux Joe connaît son affaire, mais si ça ne
marche pas, on emmènera ton frère chez le fils de mon amie
Suzanne. On dit que c’est un excellent psychologue.
Silence acquiesça. Un psychologue ? Oui, ça, en revanche, ça
semblait être une bonne idée.
— Désolé de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais ce n’est
pas un trifouilleur de cervelle qui pourra l’aider, persifla soudain la
voix dans sa tête.
— Je t’ai demandé ton avis ? lui répondit Silence.
— Oh moi, je dis ça, je dis rien, rétorqua la voix.
— Oui, eh bien ne dis rien, ça vaut mieux comme ça.
Chapitre 3

Joe gara sa voiture devant la vieille maison de Barbara et Edouard


Evans, coupa le moteur, puis, pris d’une impulsion soudaine, le
redémarra presque immédiatement. Il pouvait partir, oui. Il pouvait
encore partir, il suffisait pour ça d’appuyer sur l’accélérateur et de
s’éloigner de cet endroit. Rien ne le forçait à entrer dans cette
maison, après tout. Il pouvait toujours dire à Barbara Evans de venir
chercher l’attrape-rêves chez lui, prétexter qu’il n’avait pas eu le
temps de se déplacer, et…
— Joe, je peux savoir ce que tu fabriques ? demanda soudain
Mme Evans en tapant sur la vitre. Pourquoi restes-tu dans cette
maudite voiture au lieu d’entrer ?
Joe ouvrit à contrecœur sa portière en tâchant de dissimuler le
tremblement de ses mains.
— Barbara ! Ça fait un bout de temps, dis donc, fit-il avec un
sourire forcé.
— Presque un an, Joe ! répliqua Mme Evans d’un ton de reproche.
— Eh oui, le temps passe. Alors, qu’est-ce que tu deviens ?
demanda-t-il en se penchant pour récupérer un petit paquet sur la
banquette arrière.
— Oh ben, c’est toujours pareil. Je m’occupe des enfants…
— Les jumeaux ne sont plus des enfants mais des adolescents, si
je ne m’abuse, remarqua-t-il, la gorge serrée, en sortant de la
voiture.
— C’est vrai, mais ils sont si mignons ! rétorqua Mme Evans avec
un sourire attendri.
Joe haussa les sourcils. « Mignons » n’était certainement pas le
premier mot qui lui venait à l’esprit quand il pensait à ces deux-là. Et
surtout pas en ce qui concernait la gamine. Il lui suffisait de se
remémorer sa première rencontre avec Silence pour sentir un frisson
remonter le long de son échine et une peur panique le submerger.
Jamais, non, jamais Joe n’avait ressenti un tel frisson d’effroi devant
qui que ce soit. Et un dégoût si intense, qu’il avait dû se précipiter
vers la salle de bain en courant pour vomir. Quand c’était arrivé, les
Evans n’avaient rien compris. Ils avaient probablement pensé qu’il
était malade ou qu’il avait bu un coup de trop, et Joe n’avait pas
trouvé le courage de les détromper et de leur dire la vérité, mais il
s’était débrouillé pour ne plus jamais remettre les pieds dans cette
maison, depuis.
— Allez Joe, entre, ça fait longtemps qu’on n’a pas eu l’occasion
de discuter, insista Mme Evans en le regardant.
Joe avait la peau ridée et foncée, les yeux légèrement en amande,
la mâchoire carrée et les cheveux gris tombant en mèches épaisses
sur la nuque. Nul ne connaissait son âge ou son nom de famille, et
Mme Evans ne se souvenait pas avoir entendu quelqu’un l’appeler
autrement que « Joe » ou « vieux Joe ».
— C’est très gentil, Barbara, mais je suis déjà en retard et…
— Tu as fait tout ce chemin pour venir jusqu’ici, il n’est pas
question que je te laisse repartir de chez moi sans avoir bu un bon
café et avalé un bout de tarte, Joe !
— C’est que les Meyers m’attendent. Leur petite Zoé fait une crise
d’urticaire.
— Une crise d’urticaire n’est pas ce qu’on appelle une urgence,
pas vrai ? remarqua Mme Evans.
— Non, non, mais…
Elle fronça sévèrement les sourcils.
— Continue à essayer de te trouver des excuses pour ne pas
goûter à ma tarte et tu vas finir par me vexer, Joe.
Conscient qu’elle ne lui laisserait pas d’échappatoire, Joe hocha la
tête avec réticence, puis prit un vieux mouchoir en tissu dans la
poche arrière de son jean pour éponger les gouttes de sueur qui
coulaient le long de son cou.
— Il fait sacrément chaud aujourd’hui, remarqua-t-il en remontant
la petite volée de marches en bois qui menaient à l’entrée.
— Oui, et il n’y a qu’un vieil homme têtu comme toi pour oser
porter une chemise à manches longues et des bottes avec un soleil
pareil !
Joe sentit les battements de son cœur s’accélérer en franchissant
le seuil. Un an, cela faisait un an depuis l’arrivée de Silence. Un an
qu’il n’avait pas entendu ce murmure dans ses oreilles, ce murmure
incessant qui lui ordonnait de déguerpir et de ne plus jamais revenir.
— Bonjour, monsieur Joe, fit une voix alors qu’il entrait dans la
cuisine.
L’homme se figea tandis que son regard tombait dans celui de
Silence, comme on tombe dans un puits noir et profond. Et il sentit
soudain ses jambes flageoler.
— Ça ne va pas, Joe ? s’inquiéta aussitôt Mme Evans en le voyant
s’affaler brusquement sur une chaise.
— Non, non, j’ai juste la tête qui tourne… Je n’ai pas eu le temps
de prendre mon petit déjeuner ce matin, mentit-il.
— Ah, dans ce cas, un café et une part de tarte devraient te faire
le plus grand bien. Ce n’est pas bon de partir le ventre vide.
Joe esquissa un rictus. Non, ce qui n’était pas bon, c’était d’être
retourné dans cette maison. La petite n’en avait pas conscience, bien
sûr. Les « gens comme elle » n’en ont jamais conscience… Ils
ignorent que leur âme est corrompue, ignorent que la pourriture se
propage en eux en contaminant tout le reste, ignorent qu’elle se
répand comme une moisissure nauséabonde dans tout leur être.
Mais quand on est comme Joe, qu’on sait voir ce que les autres ne
peuvent pas voir, quand on possède ce don et qu’on se retrouve face
à une aura aussi visible, tangible et effrayante que celle de Silence
Crochemort, on n’a plus qu’une idée en tête : fuir. Fuir aussi vite et
aussi loin qu’on le peut.
— J’espère que vous aimez la tarte à la rhubarbe, monsieur Joe,
dit Silence en posant une petite pile d’assiettes à dessert sur la
table.
Joe hocha la tête sans répondre, ni la regarder.
— Un grand ou un petit café ? demanda Silence en allant chercher
la cafetière sur la gazinière.
— Grand, répondit Joe laconiquement, les yeux baissés.
— Voilà, fit Silence en remplissant un bol à ras bord.
Le vieux Joe ne l’aimait pas, elle le sentait. Elle en ignorait la
raison et pour tout dire, ça n’avait pas d’importance. Personne, dans
cette ville, ne l’appréciait de toute façon. Ni ses camarades de
classe, ni les amis de son frère, ni les professeurs. Et pour être
honnête, elle ne leur en voulait pas vraiment. Dans son ancienne
école, Silence faisait partie des élèves les plus populaires, le genre
d’élève qui n’aurait jamais regardé ou adressé la parole à une fille
qui ne sourit jamais et qui ne dégoise pas un mot. Une fille bizarre
qui ne s’intéresse ni aux réseaux sociaux, ni aux matchs de foot, ni
aux vêtements, ni aux garçons. Il arrivait à Silence, de temps en
temps, de regretter l’époque où elle avait une vie normale. Certains
jours, elle se disait que ce serait bien d’avoir une amie. Une amie qui
ne la prendrait pas pour une folle et que son comportement étrange
n’effraierait pas. Une amie à qui se confier et à qui raconter tout ce
qu’elle ne pouvait pas dire à Oriel.
Mme Evans, qui observait Silence, lâcha avec un petit rire :
— Tu as vu ? Notre Silence a bien changé, Joe ! Elle a toujours un
sacré caractère et du tempérament à revendre, bien sûr, et elle ne
parle pas encore beaucoup mais elle fait des efforts.
Joe ne répondit pas, avala un bout de tarte, puis demanda au
bout d’un moment :
— Et Oriel ? Où est-il ?
— Dans sa chambre. Il n’en est pratiquement pas sorti depuis le
début des vacances, soupira Mme Evans.
Joe lui jeta un regard étonné. D’après ce que Barbara lui avait dit
au téléphone, Oriel avait toujours eu un comportement normal. Il
jouait au foot, avait des amis et ressemblait à n’importe quel autre
adolescent. Du moins, jusqu’alors.
— Bah, tous les jeunes sont un peu comme ça, de nos jours,
non ? Ils jouent pendant des heures aux jeux vidéo ou passent leur
temps sur leur smartphone…
— Pas Oriel. Mon frère n’est pas comme ça, intervint Silence.
— Elle a raison, Joe. Il y a quelque chose qui ne va pas, confirma
Mme Evans. Tout ça, c’est depuis qu’il fait ces cauchemars…
Joe hocha la tête pensivement et désigna le paquet qu’il avait
posé sur la table.
— Dans ce cas, j’espère que mon attrape-rêves pourra l’aider.
— Pourquoi ne le lui apportes-tu pas ? Tu pourrais en profiter pour
lui parler, suggéra soudain Mme Evans.
Joe haussa les sourcils.
— Lui parler de quoi ?
— Mais de ses rêves. Tu sais écouter, Joe. Non seulement tu sais
écouter, mais tu as un don pour soigner les gens.
— Je soigne le mal de dos, l’arthrite, les verrues et ce genre de
choses, Barbara. Si ce garçon ne va pas bien, tu dois l’emmener voir
un médecin, répondit Joe.
— Tu as bien guéri Amanda Waters de ses insomnies et Steven
Smith de ses troubles du sommeil, non ? Je t’en prie. Je ne te
demande que quelques minutes, insista Mme Evans.
Joe hésita puis, comprenant que Barbara ne le laisserait pas se
défiler, il se leva de sa chaise et se dirigea vers la porte en disant :
— D’accord, mais je ne te promets rien.
Puis il ajouta, en franchissant le seuil :
— Ne bouge pas, je connais le chemin.

Joe découvrit Oriel assis sur son lit, un livre ouvert devant lui et
les yeux tournés vers la fenêtre.
— Je ne veux pas y aller, dit-il.
Joe fronça les sourcils en entendant cette réflexion que rien ne
semblait justifier, puis approcha prudemment du lit pour observer le
garçon.
Il avait l’air d’être dans un état de semi-somnolence, son regard
était vide, il était pâle et avait de grands cernes noirs sous les yeux.
— Mon garçon, tu m’entends ? C’est moi, Joe… Je t’ai apporté
quelque chose, dit-il en lui tendant l’attrape-rêves qu’il tenait entre
les mains.
Comme Oriel ne réagissait pas, Joe s’approcha davantage.
— Oriel ?
Ce dernier tourna lentement la tête vers lui :
— Bonjour, monsieur. Désolé, je ne vous avais pas entendu.
— Tu vas bien, mon garçon ? Parce que tu n’as vraiment pas l’air
d’aller bien, remarqua Joe.
— Je ne sais pas trop… Je crois que j’étais en train de rêver.
— Tu rêvais à quoi ?
Les traits du visage d’Oriel se durcirent brusquement.
— Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.
« Bien sûr que si, tu le sais », songea Joe en posant l’attrape-
rêves sur la table de chevet.
— Tu permets que j’essaie quelque chose ?
— Quoi ? demanda Oriel d’un ton méfiant.
— Tu sais que j’ai une sorte de don… Oh, ce n’est pas de la magie
ou quoi que ce soit de ce genre… mais je possède un certain
magnétisme dans les mains qui aide les gens à se sentir mieux.
— Oui, je sais. Mme Evans nous l’a expliqué. Elle nous a même dit
que votre grand-père était chaman.
Joe sourit.
— Il l’était. Mais je ne suis malheureusement pas aussi doué que
lui. Alors, tu me permets d’essayer ?
Oriel hésita, puis acquiesça.
— Tourne-toi vers moi. Ça fait longtemps que tu fais ces
cauchemars ? demanda Joe.
— Quelques semaines.
Joe fronça les sourcils puis prit la tête d’Oriel entre ses mains.
— Reste tranquille, détends-toi et ferme les yeux.
Joe n’était pas coutumier du fait, mais il lui arrivait de voir
certaines choses au contact des gens. Comme des flashs. Et en
touchant Oriel, une brève vision apparut soudain dans son esprit.
L’image s’effaça et Joe écarta aussitôt ses doigts comme s’il venait
de se brûler et refoula la peur qui venait de le submerger
— Ça y est ? Vous pensez que ça va marcher ? Que je vais me
sentir mieux ? demanda Oriel d’un ton plein d’espoir.
Joe inspira profondément pour calmer les battements de son
cœur.
— Vous devez trouver cela idiot, ajouta Oriel, je sais que ce ne
sont que des rêves mais…
— Ça n’a rien d’idiot, mon garçon, crois-moi. Écoute, je sais que
ça va te sembler étrange, mais… tu vas devoir rester prudent, très
prudent, et te fier à ton instinct…
Oriel fit les yeux ronds.
— Prudent ? Euh… d’accord.
— Bien, fit Joe avant de se diriger vers la porte de la chambre en
ajoutant : N’oublie pas d’accrocher l’attrape-rêves au-dessus de ton
lit. Je doute qu’il te soit d’une grande utilité mais ça tranquillisera un
peu Barbara. La pauvre s’inquiète beaucoup pour toi.
Chapitre 4

Petite, le visage bruni par le soleil et les cheveux d’un blond doré,
Mme Ellis fixa Barbara Evans, puis les jumeaux de ses yeux noirs en
entrant dans la cuisine. Elle ne devait pas avoir plus de trente-cinq
ans, pourtant son regard était dur et froid, comme si travailler pour
les services sociaux et venir en aide aux enfants maltraités ou
orphelins avait épuisé toutes ses réserves de compassion passées,
présentes et probablement à venir.
— Vous savez que nous avons effectué de nombreuses démarches
après le décès de votre mère, afin de retrouver des membres de
votre famille dans l’espoir que l’un d’eux puisse prendre soin de vous
jusqu’à votre majorité.
— Et vous avez découvert que nous n’avions plus de famille, on
sait, oui, répondit sèchement Oriel.
Mme Ellis toucha nerveusement le col de son fin chemisier de
coton.
— C’était ce qu’il était ressorti de notre enquête à ce moment-là,
mais il semble que nous ayons commis une erreur.
— Une erreur ? s’étonna Oriel.
Mme Ellis acquiesça en ajoutant avec un sourire satisfait :
— Par chance, vos grands-parents ont récemment contacté nos
services et nous avons pu mettre votre dossier à jour.
— Ah oui ? Et ils ont fait comment ? Ils ont embauché un
médium ? ricana Silence. Ou mieux, ils sont brusquement sortis de
leur tombe et sont venus frapper à la porte de votre bureau ?
— Voyons, Silence, la réprimanda doucement Barbara Evans.
— Laissez, madame Evans, ce n’est pas grave, affirma Mme Ellis
avec un petit pincement de lèvres, avant de reporter son attention
sur Silence : Vos grands-parents maternels sont effectivement
décédés, jeune fille, mais pas vos grands-parents paternels. Eux
vont très bien et vivent dans une petite ville qui s’appelle…
Elle s’interrompit, pensive, puis dit finalement :
— Navrée, je ne m’en souviens pas, mais…
Oriel fronça les sourcils.
— Attendez, vous êtes certaine qu’il s’agit bien de nos grands-
parents ? Parce que notre mère nous a toujours dit que…
— Écoutez, le coupa sèchement Mme Ellis, j’ignore ce que vous a
dit votre mère ou pourquoi elle vous a menti, j’imagine qu’elle a dû
se quereller avec la famille de votre père après son décès et qu’elle
n’a pas souhaité rester en contact avec eux, mais je peux vous
certifier que vos grands-parents ont tout fait pour vous retrouver
durant toutes ces années et qu’ils se font une joie à l’idée de vous
accueillir chez eux.
Oriel et Silence tressaillirent sous l’effet de la surprise.
— Comment ça « de nous accueillir chez eux » ? se récria Silence.
— Mais parce que ce sont vos grands-parents. Et dès qu’ils ont été
informés de votre situation, ils ont immédiatement entrepris les
démarches nécessaires et déposé une requête auprès du tribunal
pour devenir vos représentants légaux.
— Nos représentants légaux ? Mais on ne les connaît même pas !
s’offusqua Silence.
— Je comprends que ça vous semble un peu rapide, reconnut
Mme Ellis. Nos services ont été pris de court eux aussi, mais le juge
a d’ores et déjà répondu favorablement à leur demande, par
conséquent…
Silence et Oriel écarquillèrent les yeux. C’était une blague, c’était
forcément une blague ! Aucune procédure judiciaire ne se déroulait
aussi vite et aucun juge ne prenait normalement une telle décision
sans avoir entendu toutes les personnes concernées.
— Le juge a répondu oui, comme ça ? Sans nous avoir jamais
rencontrés et sans même nous demander notre avis ? s’écria Silence,
outrée.
Mme Ellis haussa les épaules.
— Vous n’avez pas d’autre famille et vos grands-parents ont
présenté toutes les garanties morales et financières nécessaires, il
n’avait donc aucun motif valable de refuser.
Remarquant les regards hostiles d’Oriel et de Silence, elle crut bon
d’ajouter :
— Je sais que ce n’est pas la procédure habituelle et qu’on aurait
dû vous laisser un peu plus de temps pour faire connaissance avec
eux, mais c’est une grande chance pour vous, non ? Une incroyable
nouvelle !
Silence et Oriel échangèrent un regard consterné. Ou Mme Ellis
était idiote, ou elle faisait semblant de ne rien comprendre. Ça aurait
pu l’être. Oui, ça aurait pu être une bonne nouvelle si leurs grands-
parents avaient bien fait les choses, s’ils avaient pris la peine de
venir les voir, de les connaître, avant de s’adresser à un juge, mais
dans ces conditions ? Non, dans ces conditions, ça ne leur disait rien
de bon.
— Désolés de ne pas partager votre enthousiasme, madame Ellis,
déclara Oriel, mais nous ne sommes pas des vêtements ou des sacs
que leurs propriétaires peuvent réclamer aux objets perdus ! Si nos
grands-parents étaient des gens « bien », ils auraient demandé à
nous rencontrer avant d’engager un avocat.
— Voyons, le coupa aussitôt Mme Ellis, ce n’est pas comme ça que
vous devriez…
— Qu’on devrait quoi ? Voir les choses ? Désolé, mais j’imagine
mal comment on pourrait les considérer autrement, affirma
sèchement Oriel.
— Ce n’est pas tout, ajouta Silence. Notre mère était une femme
gentille et profondément honnête, madame Ellis. Elle ne nous aurait
jamais menti au sujet de nos grands-parents s’il n’y avait pas eu un
problème avec eux.
La jeune femme prit un court temps de réflexion.
— Vous savez, j’ai connu de nombreuses histoires de famille, et les
choses sont rarement aussi simples…
— Madame Ellis a raison, intervint soudain Barbara Evans. Peut-
être devriez-vous seulement laisser un peu de temps à vos grands-
parents et apprendre à les connaître avant de les juger. Les gens
sont souvent bien meilleurs qu’on l’imagine.
Silence soutint un instant le regard doux, mais insistant, de Mme
Evans, puis poussa un soupir et questionna :
— C’est votre avis, madame Ellis ? Nos grands-parents vous ont-ils
paru sympathiques ? Vous ont-ils fait bonne impression ?
— Je l’ignore, répondit cette dernière.
Oriel haussa les sourcils, surpris.
— Vous l’ignorez ?
— Je n’ai jamais eu affaire directement à eux, seulement à leur
avocat, maître Wingham, avoua-t-elle d’un ton légèrement
embarrassé.
Les deux jumeaux échangèrent un regard consterné et Silence
éclata d’un rire nerveux avant de demander :
— Vous voulez dire qu’ils ne sont même pas venus à l’audience ?
Mme Ellis se racla la gorge.
— Non, mais ça ne veut rien dire. Peut-être étaient-ils souffrants
ou dans l’incapacité de se déplacer ou…
— Ou peut-être s’en moquent-ils et ont-ils quelque chose de plus
intéressant à faire ? termina Silence d’un ton sarcastique.
— Bon, écoutez, je comprends votre surprise et le fait que vous
vous posiez des questions, mais le juge a pris sa décision et il n’y a
plus rien que vous puissiez faire à part préparer vos bagages.
— Leurs bagages ? Pourquoi ? Quand doivent-ils partir ? Pas tout
de suite, quand même ! s’affola Barbara Evans.
— Non, demain, lui répondit Mme Ellis avant de reporter son
attention sur Silence et Oriel et d’ajouter : Maître Wingham viendra
vous chercher tôt dans la matinée.
Mme Evans hoqueta de surprise.
— Demain ?! Vous ne pensez pas qu’il faudrait leur accorder
quelques jours de plus ? Demain, ça me paraît précipité… Les
jumeaux ne vont pas pouvoir dire au revoir à leurs amis, ni
récupérer les affaires qu’ils ont laissées dans leurs casiers et…
— Je suis navrée, répondit la jeune femme, mais la décision ne
m’appartient pas. Oriel et Silence ne dépendent plus de nos services
désormais. Or, les Crochemort désirent que leurs petits-enfants les
rejoignent au plus vite et ont déjà tout organisé.
— Nous pourrions peut-être contacter maître Wingham pour lui
demander de nous accorder un peu plus de temps, l’interrompit
doucement Barbara Evans.
— Je doute que ce soit possible. D’après ce que j’ai compris, des
affaires urgentes attendent maître Wingham à son cabinet et il ne
peut pas se permettre de s’attarder plus longtemps dans la région,
répondit sèchement Mme Ellis avant de poser un petit dossier bleu
sur la table et d’ajouter en se levant de sa chaise : Silence, Oriel, je
vous laisse ces documents. Il y a divers papiers administratifs ainsi
qu’une copie du jugement délivré par le tribunal.
Elle salua ensuite Barbara Evans d’un signe de tête, se dirigea vers
la porte, puis lança, en pivotant vers les jumeaux :
— Vous savez, ce n’est pas tous les jours que des orphelins ont
une telle chance, alors ne la gâchez pas.
Mme Evans regarda Mme Ellis refermer la porte derrière elle, un
peu abasourdie. Elle était heureuse pour Oriel et Silence, bien
entendu. Vivre dans une famille d’accueil, même aimante, n’était pas
la même chose que de pouvoir vivre au sein de sa véritable famille,
mais elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions. En
particulier sur les grands-parents des jumeaux et sur les raisons pour
lesquelles ils n’avaient pas directement contacté Oriel et Silence
avant d’entamer une procédure judiciaire.
— Eh bien, j’imagine que ça doit vous faire un choc, soupira-t-elle
en regardant les deux adolescents.
— C’est le moins qu’on puisse dire, reconnut Silence d’une voix
atone.
— Je reconnais que j’aurais préféré avoir un peu plus de temps
pour préparer votre départ, mais je suis contente pour vous, dit
Barbara Evans avec un sourire forcé.
— C’est gentil, madame Evans, mais je ne suis pas certain de
partager votre enthousiasme, répondit Oriel en regardant sa sœur.
Ni l’un ni l’autre n’avait besoin de parler pour savoir ce que l’autre
pensait, et bizarrement, aucun des deux n’avait envie de sauter de
joie. Bien au contraire.
— Je vais prendre un peu l’air, ajouta-t-il en se levant.
Le couloir lui parut frais quand il sortit de la cuisine, mais Oriel
savait qu’il ne s’agissait que d’une impression. Les yeux clos, il
s’adossa au mur du couloir et inspira profondément. Quelques
secondes plus tard, il entendit la voix de Mme Evans qui disait
quelque chose, puis des bruits de pas qui se rapprochaient.
— Souris, personne n’est mort, plaisanta Silence en s’adossant
contre le mur en face du sien.
— Non, c’est même le contraire : deux personnes viennent de
ressusciter, ricana Oriel.
Elle se mit à rire et Oriel ne vit aucune frayeur dans ses yeux.
Aucun doute. C’était toute la différence entre eux. Oriel, lui, se
sentait terriblement angoissé, presque paniqué. Pas seulement à
cause du choc provoqué par la nouvelle, mais parce qu’il avait cette
petite voix au fond de lui, qui ne cessait de lui murmurer « ne pars
pas là-bas, ne pars pas là-bas »…
— Tu en fais une tête, tu penses à quoi ? l’interrogea Silence.
Oriel sembla hésiter puis demanda finalement :
— Tu crois aux prémonitions ?
— Non. Mais je crois à l’existence des petits hommes verts, du
croquemitaine et du père Noël, répondit Silence d’un ton ironique
avant d’ajouter : Bien sûr que non, je n’y crois pas… ce serait bien
trop bizarre !
Oriel la dévisagea. Il y avait une telle incrédulité dans son
expression qu’il sentit qu’il était inutile de lui parler de son étrange
pressentiment ou de la boule qu’il avait dans l’estomac. Pas s’il ne
voulait pas que Silence lui rie au nez. Elle avait beau entendre des
voix, elle possédait un esprit cartésien. Le genre d’esprit qui ne se
référait qu’à la logique et qui lui permettait de suivre un programme
avancé en maths et en physique.
— Oui, c’est comme cette histoire de grands-parents qui sortent
de nulle part, soupira Oriel.
— Hum… c’est vrai que ce n’est pas courant, mais bon, j’imagine
que ça peut arriver…
— D’accord, mais pourquoi maintenant ? Pourquoi est-ce que ça
arrive juste avant les sélections ? Ça va gâcher toutes mes chances !
Ils n’en avaient jamais parlé, mais Silence savait que grâce à ses
performances sportives, Oriel aurait probablement obtenu une
bourse pour poursuivre ses études et qu’elle en aurait obtenu aussi
une de son côté pour ses excellents résultats scolaires, et que ni l’un
ni l’autre n’avait envie que leurs projets s’effondrent.
— C’est vrai que c’est un changement, soupira Silence, d’autant
qu’on ne sait rien sur les Crochemort. Pas même où ils habitent. Si
ça se trouve, on va se retrouver dans un bled encore plus paumé
qu’ici.
Oriel fronça les sourcils.
— Je suppose qu’il doit y avoir leur adresse dans les papiers que
Mme Ellis a laissés dans la cuisine.
— Exact ! Ne bouge pas, j’arrive, répondit Silence avant de
remonter le couloir en courant.
Mme Evans, qui était en train de préparer le repas, tournait le dos
à la porte et ne l’entendit pas entrer.
Balayant la cuisine du regard, Silence prit les documents qui se
trouvaient sur le buffet puis s’éclipsa sans faire de bruit.
— Tu les as ? demanda Oriel, qui l’attendait dans le couloir.
Silence acquiesça et ils se dirigèrent ensuite vers leur chambre.
— Laisse-moi faire, je lis plus vite que toi, lança Silence en se
jetant sur son lit avant d’ouvrir le dossier.
Actes de naissance, certificat de décès de leur mère, décision de
placement… Elle éplucha consciencieusement leurs documents
personnels avant de s’attaquer à ceux concernant la demande de
garde et le jugement.
— Alors ? Ils habitent où ? s’impatienta Oriel au bout d’un
moment.
Silence fronça les sourcils tout en faisant glisser son doigt sur l’une
des feuilles. Le nom de la ville était imprimé là. Elle voyait les lettres,
mais c’était comme si son cerveau était soudainement incapable de
les assembler pour former un seul mot.
— Silence ?
Elle releva la tête, ses pensées confuses, anarchiques, emmêlées
comme les fils d’une pelote de laine tombée entre les pattes d’un
chat.
— Je ne comprends pas… je n’y arrive pas.
— Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? demanda Oriel d’un air
étonné avant de lui arracher les papiers des mains et de s’écrier :
Voilà, regarde, c’est marqué là ! Les Crochemort vivent à…
Mais le regard d’Oriel se brouilla d’un seul coup et il poussa
soudain un hurlement de douleur. Un millier d’aiguilles… il avait
l’impression qu’un millier d’aiguilles étaient en train de lui perforer le
crâne.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu t’es fait mal ? demanda aussitôt
Silence d’un ton inquiet.
— Non… je ne sais pas ce que j’ai, j’ai… j’ai très mal à la tête… je
sens qu’elle va exploser !
— Attends, je crois que j’ai de l’aspirine, répondit Silence en
prenant une boîte de cachets dans sa table de chevet. Je vais te
chercher un verre d’eau.
Préférant ne pas perdre de temps à expliquer ce qu’il se passait à
Mme Evans, elle courut jusqu’à la salle de bain pour prendre le verre
à dent d’Oriel.
— Tiens, bois ça, dit-elle en revenant précipitamment.
— Je ne comprends pas, c’est arrivé comme ça, d’un seul coup,
geignit Oriel avant d’avaler ses cachets.
Silence fronça les sourcils. Contrairement à elle, Oriel n’avait
jamais de migraine.
— Tu es blanc comme un linge. Allonge-toi.
Oriel s’étendit sur son lit. Silence s’agenouilla pour ramasser les
feuilles qu’il avait fait tomber sur le sol, puis ferma les rideaux.
— Dors un peu. Je te réveillerai tout à l’heure pour préparer les
bagages, dit-elle.
Puis, les papiers toujours dans la main, elle sortit doucement de la
chambre et alla prendre l’air sur la terrasse. Mme Evans s’y trouvait
déjà. Elle se balançait sur un vieux rocking-chair tout en enroulant
une pelote de laine.
— Silence, le repas devrait être prêt d’ici une dizaine de minutes.
Veux-tu que je te prépare une tasse de thé en attendant ?
— Non, merci madame, répondit Silence avant de baisser les yeux
sur les feuilles qu’elle avait posées sur ses genoux.
Tout, tout ce qui concernait le jugement restait bien imprimé dans
son esprit, mais elle avait beau persister, à chaque fois qu’elle
essayait de lire le nom de la ville où les Crochemort habitaient,
c’était toujours la même chose… son cerveau s’embrouillait et
semblait incapable de le déchiffrer ou de s’en souvenir.
« C’est impossible, il doit forcément y avoir une explication »,
songea-t-elle, perplexe.
— Oh, il y en a une. Il y a toujours une explication à tout, mais je
ne suis pas certain que celle-ci te convienne, dit la voix, amusée.
— Qu’est-ce que tu en sais ? Tu es seulement une voix dans ma
tête. Une hallucination.
— Et toi, une sale gamine pathétique qui s’accroche à la raison et
à la logique comme un naufragé à sa bouée ! On fait la paire, non ?
s’esclaffa la voix.
Chapitre 5

La température en ville et dans les campagnes environnantes


frôlait les trente degrés et il n’était pas encore dix heures du matin.
Le ciel était d’un bleu éclatant et le soleil martelait inlassablement le
crâne des hommes comme des bêtes. Installés sous le porche, les
jumeaux et Mme Evans patientaient.
— Vos bagages sont prêts ? Vous êtes sûrs de ne rien avoir
oublié ? demanda cette dernière en dévisageant les jumeaux tour à
tour.
Les deux adolescents hochèrent la tête.
— Vous allez terriblement me manquer, soupira-t-elle tristement.
Tout comme à M. Evans.
Silence et Oriel échangèrent un bref regard. M. Evans était déjà
parti au travail, mais ils l’avaient entendu entrouvrir la porte de leur
chambre très tôt ce matin et murmurer d’un ton bourru « Au revoir
les enfants ».
— Nous vous appellerons régulièrement pour vous donner des
nouvelles, affirma gentiment Silence.
— Je l’espère bien ! répondit Mme Evans d’une voix enrouée par
l’émotion.
Elle avait prodigué beaucoup d’affection à tous les enfants qui lui
avaient été confiés, mais elle ne s’était jamais attachée à aucun de
ses protégés aussi rapidement et aussi intensément qu’aux jumeaux.
Elle ne savait pas si c’était parce qu’ils étaient incroyablement
intelligents ou particuliers, mais les voir partir l’attristait beaucoup.
— Et on reviendra vous rendre visite pour les vacances, ajouta
Oriel. Enfin, si vous êtes d’accord, bien sûr.
— Rien ne me ferait plus plaisir, vous le savez bien ! répondit
Mme Evans en souriant chaleureusement.
Les jumeaux lui rendirent son sourire puis tournèrent la tête vers
le splendide Hummer blanc qui venait de se garer devant la maison.
— C’est sûrement l’avocat, remarqua Silence, en regardant avec
attention le conducteur qui en descendait.
Maître Wingham était grand avec des cheveux bruns et portait un
costume noir aussi triste et sobre que celui des employés des
pompes funèbres. Il avait l’air fatigué et les plis sur sa veste
donnaient à penser qu’il avait fait un long voyage. Il jeta un regard
oblique à Mme Evans au moment où il remontait les quelques
marches menant au porche, mais c’est à peine s’il répondit au
sourire que cette dernière lui adressait.
— Bonjour, je suis madame Evans et voici Silence et Oriel, fit-elle
en frottant nerveusement ses mains sur son tablier.
L’avocat coula un regard froid en direction des deux adolescents,
puis détourna les yeux au moment même où leurs regards assombris
par le soupçon et la défiance se posaient sur lui.
— Bonjour, je suis maître Wingham. Vos grands-parents m’ont
chargé de vous accompagner jusqu’à Huntington Orn.
Silence fronça les sourcils. Ni Oriel ni elle n’étaient parvenus à lire
le nom de la ville où vivaient les Crochemort, mais elle ne s’attendait
étrangement pas à celui-là.
— Et Huntington Orn se trouve où, exactement ? s’enquit
Mme Evans.
— Dans le Nord, répondit évasivement l’avocat.
— Dans le Nord ? Oh mon Dieu, ça va être un long trajet !
s’exclama Mme Evans.
Maître Wingham soupira intérieurement. Il allait devoir traverser
une bonne partie du pays et faire plusieurs haltes avant d’atteindre
leur destination. Ça ne l’emballait pas outre mesure. Il aurait
préféré, et de loin, que les Crochemort trouvent quelqu’un d’autre
pour faire ce sale boulot, mais comme ces derniers avaient insisté et
qu’il lui était impossible de leur refuser quoi que ce soit, il n’avait pas
eu d’autre choix que de se mettre en route et espérer que tout se
passe selon le plan prévu.
— C’est pour ça que nous ne devons pas tarder à partir,
acquiesça-t-il.
Oriel se pencha soudain légèrement vers lui.
— Puis-je vous poser une question, maître Wingham ?
— Je t’en prie, répondit ce dernier.
— Pourquoi nos grands-parents vous ont-ils demandé de nous
emmener jusque chez eux, ma sœur et moi, plutôt que de venir eux-
mêmes nous chercher ?
L’avocat haussa les épaules.
— C’est simple : ils ne le pouvaient pas.
— Pourquoi ? Ils sont malades ? demanda Oriel.
— Non.
— Trop âgés pour faire un si long trajet ? fit Silence.
— Non plus.
— Alors ils ont trop de travail ? suggéra à nouveau Oriel.
— Pas que je sache.
— Mais dans ce cas, dit Silence, pourquoi est-ce que…
— Écoutez, je n’ai pas l’intention de m’immiscer dans les affaires
de votre famille plus que je ne le dois et surtout plus qu’il n’est
prudent de le faire. J’ai rempli la mission qui m’avait été confiée en
tant qu’avocat et je vous ramène à présent jusqu’à Huntington Orn.
Mon rôle s’arrête là, c’est clair ?
Mme Evans haussa les sourcils. Si elle estimait qu’il ne revenait
effectivement pas à maître Wingham de justifier l’attitude de ses
clients, elle s’étonnait de la virulence de sa réaction et n’appréciait
pas la façon dont il avait répondu aux jumeaux. Cela dut se lire sur
sa figure, parce que l’avocat se reprit aussitôt :
— Navré… Ce que je veux dire, c’est que vous devriez en discuter
plus tard avec vos grands-parents, d’accord ?
Puis, voyant que personne ne pipait mot, il reporta son attention
sur Silence et lui demanda d’un ton nettement radouci :
— Tu veux que je t’aide à porter ta valise ?
— Pourquoi ? Je peux parfaitement me débrouiller seule, répondit
sèchement celle-ci.
Mme Evans poussa un soupir.
— Silence, maître Wingham essayait simplement de faire preuve
de…
— … courtoisie ? Oui, j’avais compris, répliqua celle-ci avant de
soulever sa valise et de la porter jusqu’à la voiture.
Elle n’aimait pas cet homme. Non, elle ne l’aimait pas du tout. Pas
parce qu’il avait refusé de répondre à leurs questions ou parce qu’il
les avait vertement envoyés promener, mais parce qu’il y avait
quelque chose de terriblement faux chez lui. Quelque chose qui
disait qu’il n’était pas l’homme qu’il prétendait être et qu’on ne
pouvait pas lui faire confiance.
— Silence a des manières parfois brusques et elle est un peu
sauvage, monsieur Wingham, mais c’est une gentille jeune fille, je
vous l’assure.
— Oh mais je n’en doute pas, madame Evans, je n’en doute pas,
répondit l’avocat avec un petit sourire hypocrite.
Il n’aimait pas les enfants et détestait encore plus les adolescents.
En particulier les adolescents caractériels. Et les jumeaux
Crochemort ne pouvaient être que caractériels. Caractériels et
dangereux, comme tous les membres de leur maudite famille.
— Je suppose qu’il est temps de se dire au revoir, les enfants,
soupira Mme Evans en rejoignant les jumeaux.
— À bientôt, madame Evans, et merci pour tout, dit Silence.
— Oui, merci, on ne vous oubliera pas, fit Oriel.
— Venez là, vous deux, répondit Mme Evans en les serrant contre
elle.
Puis elle ajouta en essuyant une larme :
— Promettez-moi de revenir me voir très vite !
Les jumeaux acquiescèrent puis s’engouffrèrent dans la voiture.
L’instant suivant, elle démarrait et s’éloignait dans l’allée, sous le
regard ému de Mme Evans.

Ni Oriel ni Silence ne desserrèrent les lèvres pendant les premières


heures de route. Installés contre le cuir luxueux de la banquette
arrière, ils observaient le paysage qui défilait par la fenêtre avec
l’impression de flotter dans une bulle ouatée. Comme si rien de ce
qu’ils voyaient ou de ce qu’il se passait autour d’eux n’était réel.
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REFERENCE TO THE PLATE.
1. The empalement.
2. A blossom.
3. The same spread open.
4. Seed-bud and pointal.
5. The same magnified.
6. The capsule.
7. The same split into two divisions.
8. One of the divisions uncovered, to show the situation of the seed.
9. A ripe seed.
The specimen of this new and very distinct genus was communicated April
the 11th by the marquis of Blandford from a fine plant in his lordship’s
collection at White Knights, planted against a wall on a south aspect, about
four feet high, and nearly covered with blossoms. Its great fragrance, more
resembling that of the May (Cratægus Oxyacantha) than any thing else we
are acquainted with, makes the plant very desirable to collectors, and the
more so, that it is hardy enough to bear our winters without the shelter of a
green-house, and blossoms so early in spring. This fragrant shrub is a native
of New Holland in the neighbourhood of Port Jackson, from whence we
have seen fine specimens in the collection of A. B. Lambert, esq. who
favoured us with the ripe fruit. Who first introduced the plant, we have not
been able to learn, but have seen it in several collections.
PLATE DXXI.

ERIOSPERMUM FOLIOLIFERUM.
Leaflet-bearing Eriospermum.
CLASS VI. ORDER I.
HEXANDRIA MONOGYNIA. Six Chives. One Pointal.
GENERIC CHARACTER.
Calyx nullus.
Corolla. Petala sex basi connata, subtus lanceolata, acuta: tria exteriora
patula: tria interiora erecta, cum limbo acuto patulo connivente. Omnia post
impregnationem erecta, in modum coni.
Stamina. Filamenta sex, late lanceolata, acuta, plana, apicibus introrsum
volutis. Antheræ oblongæ, incumbentes.
Pistillum. Germen superum, subrotundum, trisulcatum. Stylus filiformis,
erectus. Stigma obtusum.
Pericarpium. Capsula triloba, trilocularis, trivalvis.
Semina pauca, lanceolata, acuta, pilis tomentosis obsessa.
Empalement none.
Blossom. Six petals approaching together at the base, beneath lance-shaped
and pointed, the three outer ones spreading: the three inner ones upright,
with a pointed wide approaching border. All after impregnation stand
upright, like a cone.
Chives. Six threads broadly lance-shaped, pointed, and flat, with the points
turned inward. Tips oblong, and lying on them.
Pointal. Seed-bud above, nearly round, three-furrowed. Shaft thread-shaped,
upright. Summit blunt.
Seed-vessel. Capsule 3-lobed, 3-locular, 3-valved.
Seeds few, lance-shaped, pointed, and covered with downy hairs.
SPECIFIC CHARACTER.

Eriospermum foliis sub-cordatis, superne folia parva erecta linguæformia,


filamentis albis parvis obsessa, ferentibus. Flores spicati, laxi. Corolla lutea,
viride striata.
Habitat in Caput Bonæ Spei.
Eriospermum with nearly heart-shaped leaves, bearing on their upper surface
little upright tongue-shaped leaflets beset with small white threads. Flowers
grow in a loose spike. Blossom yellow, striped with green.
Native of the Cape of Good Hope.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. Chives and pointal.
2. A chive magnified.
3. Seed-bud and pointal.
4. Seed-bud cut transversely, magnified.
This curious Cape plant is not at present, we believe, in any other collection
in this kingdom than that of G. Hibbert, esq. where we first observed it in the
autumn of 1806. It was not then in bloom, but flowered the following
summer. It is by no means specious in its flowers, but very interesting in the
singularity of its foliage, whose uncommon structure is very distinct from
any plant we have ever seen. Mr. Knight, the botanic gardener, informs me
that it increases from the root, but not abundantly, and, like most Cape bulbs,
is in a dormant state during the latter part of autumn, at which time it should
be watered very sparingly. It appears rather impatient of having its roots
often disturbed: once in two or three years is necessary, not only to renew
the earth, but to take off any small bulbs it may have produced. It delights to
grow in a light loamy or peaty soil, and should stand in an elevated part of
the green-house, to enjoy a full circulation of air.
PLATE DXXII.

P R O T E A A B R O TA N I F O L I A H I RTA .
Hairy Southernwood-leaved Protea.
CLASS IV. ORDER I.
TETRANDRIA MONOGYNIA. Four Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Corolla 4-fida, seu 4-petala. Antheræ lineares, petalis infra apices insertæ.
Calyx proprius, nullus. Semina solitaria.
Blossom four-cleft, or of four petals. Tips linear, inserted into the petals
below the points. Cup proper, none. Seeds solitary.
SPECIFIC CHARACTER.

Protea foliis bipinnatis, filiformibus, pilosis: floribus ramos terminantibus in


umbellis confertis: pedunculis brevissimis: bracteis erectis: corollis pallide
carneis. Stigmata nigra.
Habitat ad Caput Bonæ Spei.
Protea with doubly-winged leaves, thread-shaped, and hairy. Flowers
terminate the branches in crowded umbels. Footstalks very short. Floral
leaves upright. Blossoms of a pale flesh-colour. Summit of the pointal black.
Native of the Cape of Good Hope.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. A flower-prop.
2. The chives spread open.
3. A chive magnified.
4. Seed-bud and pointal, summit magnified.
This hairy-leaved Protea resembles the P. abrotanifolia, Pl. 507, but is upon
examination very distinct. The flowers are of a pale rose colour, but have a
lively appearance from the contrasted blackness of the stigma. It is a round
bushy plant, flowering early in the autumn, requiring the same treatment as
the generality of those species with small divided leaves.
Our figure was made from a plant in the Hibbertian collection.
PLATE DXXIII.

G O RT E R I A PAV O N I A .
Peacock Gorteria.
CLASS XIX. ORDER IV.
SYNGENESIA POLYGAMIA NECESSARIA. Tips united. Necessary Pointals.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Receptaculum nudum. Pappus lanatus. Corolla radiata, lingulata. Calyx


monophyllus, squamis imbricatis tectus.
Receptacle naked. Down woolly. Blossom rayed, tongue-shaped.
Empalement one-leafed, covered with imbricated scales.
SPECIFIC CHARACTER.

Gorteria foliis pinnatis: foliolis æqualibus, ovatis, marginibus revolutis,


pilosis, subtus albis: petalis radii magnis, aurantiis, ad basin eleganter
notatis. Caulis herbaceus.
Gorteria with winged leaves. The leaflets are equal, ovate, rolled back at the
edges, hairy, and white beneath: petals of the ray large, of a gold-colour, and
elegantly marked at the base. Stem herbaceous.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. The empalement.
2. One of the radiating petals.
3. The same shown from the under side.
4. A petal as it appears when rolled up.
5. A floret of the disk.
6. The seed-bud and pointal.
This new species of Gorteria stands foremost in the ranks of beauty whilst
expanded by the solar ray, whose absence is soon visible in the plant by the
rolling up of the petals; but on the following morn, when the sun’s beams
begin to warm the vegetable world, they again unfold themselves with
undiminished lustre, and so continue successively for near a fortnight.
Our drawing was made from a fine plant in the nursery of Mr. Harrison at
Brompton. We also observed it in bloom at Messrs. Colville’s; from whom,
to complete the dissections, we received a flower, which, although it had
been a week in bloom, continued to perform its diurnal evolutions (in a glass
of water) of rolling up and expanding for nearly a week longer—but only
from eleven till one in the day:—a shorter time, most probably owing to its
being kept in a room whose northern aspect prevented the exhilarating rays
of Phœbus from approaching. It was introduced from the Cape of Good
Hope by G. Hibbert, esq. about the year 1804, and considered as biennial.
PLATE DXXIV.

LACHNÆA BUXIFOLIA.
Box-leaved Lachnæa.
CLASS VIII. ORDER I.
OCTANDRIA MONOGYNIA. Eight Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Calyx nullus. Corolla quadrifida; limbo inæquali. Semen unum, sub-


baccatum.
Cup none. Blossom four-cleft; border unequal. One seed, nearly berried.
SPECIFIC CHARACTER.

Lachnæa foliis ovatis, glabris, glaucis: floribus in capitulis globosis: corollis


albis, odoratis. Caulis teres, longissimus.
Habitat ad Caput Bonæ Spei.
Lachnæa with ovate, smooth, glaucous leaves. Flowers in globular heads.
Blossoms white, and sweet-scented. Stem round, and very long.
Native of the Cape of Good Hope.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. A blossom spread open.
2. The seed-bud and pointal.
3. The flower-receptacle.
This fragrant species of Lachnæa is the L. buxifolia of Lamarck, and the
Gnidia filamentosa of Linnæus; but certainly not a Gnidia, as it wants the
four small inner petals, the distinguishing feature and most essential
distinction between those two genera.
Our figure delineates a plant in the conservatory of G. Hibbert, esq. that
was upwards of five feet high; and interspersed amongst some fine bushy
shrubs, its compact flowers and delicate glaucous foliage gave it a
picturesque appearance.
PLATE DXXV.

P O D A LY R I A H I R S U TA .
Hairy Podalyria.
CLASS X. ORDER I.
DECANDRIA MONOGYNIA. Ten Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Calyx sub-bilabiatus, quinquefidus. Corolla papilionacea. Alæ vexilli


longitudine. Legumen ventricosum, polyspermum.
Empalement nearly bilabiate, five-cleft. Blossom butterfly-shaped. Wings the
length of the standard. Pod ventricose, and many-seeded.
SPECIFIC CHARACTER.

Podalyria foliis simplicibus, hirsutis, ovatis vel oblongis: corollis magnis,


purpureis, plerumque simplicibus: pedunculis longis: ramis teretibus, pilosis.
Podalyria with simple, hairy leaves, ovate or oblong. Blossoms large and
purple, mostly single. Footstalks long. Branches round and hairy.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. The empalement.
2. The standard.
3. One of the wings.
4. The keel.
5. Chives and pointal.
6. The chives spread open.
7. Seed-bud and pointal.
Podalyria is a section of the genus Sophora, separated from it by Lamarck,
and named after the son of Æsculapius, the celebrated physician who
accompanied the Grecians in their famous expedition against Troy.
This species, we have little doubt, is the P. hirsuta (an unfigured species)
enumerated by Willdenow, although by some it is thought to be distinct from
it, on account of the leaves being somewhat longer, the flowers of a finer
colour; differences, we think, accounted for in the latitude of growth
resulting from varied modes of culture.
Our drawing was made from a plant raised from Cape seed, by Messrs.
Whitley and Brames, in the year 1806.
PLATE DXXVI.

PROTEA CESPITOSA.
Turfy Protea.
CLASS IV. ORDER I.
TETRANDRIA MONOGYNIA. Four Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Corolla 4-fida, seu 4-petala. Antheræ lineares, petalis infra apices insertæ.
Calyx proprius, nullus. Semina solitaria.
Blossom four-cleft, or of four petals. Tips linear, inserted into the petals
below the points. Cup proper, none. Seeds solitary.
SPECIFIC CHARACTER.

Protea foliis rigidis, lanceolatis, pilosis, undulatis, glabris, patentibus, apice


adscendente, supra convexis, infra concavis: capitulo globoso, terminali:
corollis ferrugineis: squamis pilosis, interne læte rubris. Caulis humilis.
Habitat ad Caput Bonæ Spei.
Protea with rigid, lance-shaped, hairy leaves, waved, smooth, and spreading,
with an ascending point, convex above, and concave beneath: head of
flowers globular, and terminal. Blossoms of a rusty colour. Scales hairy, and
of a bright red on the inside. Stem low.
Native of the Cape of Good Hope.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. A flower complete.
2. Seed-bud and pointal.
This new dwarf Protea is named from its sod-or turf-like appearance.
Although of low and humble growth, it is by no means deficient in
attraction. The inner side of the imbricating scales is of a fine red, which is a
great addition to its beauty whilst expanded: but in our plant this was of
short duration, occasioned by the pressure of the leaves from the rapid
growth of the surrounding side shoots.
Our figure was made from the Hibbertian collection.
PLATE DXXVII.

RUELLIA FULGIDA.
Bright-flowered Ruellia.
CLASS IV. ORDER I.
TETRANDRIA MONOGYNIA. Four Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Calyx 5-partitus. Corolla monopetala, limbo 5-lobo, inæquali. Stamina


biconjugata. Stylus filiformis. Stigma bifidum. Capsula dissepimentis
dentatis, elasticis, dehiscentibus. Semina pauca.
Empalement 5-parted. Blossom one petal: border 5-lobed, unequal. Chives by
pairs. Shaft thread-shaped. Summit two-cleft. Capsule with the partitions
toothed, elastic, and splitting. Seeds few.
SPECIFIC CHARACTER.

Ruellia foliis petiolatis, ovato-acuminatis, undulatis, pilosis, crenatis:


pedunculis axillaribus, cum multis floribus tubæformibus.
Ruellia with petiolated leaves ovately pointed, waved, hairy, and scolloped.
Footstalks axillary, with many long trumpet-shaped flowers.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. The empalement.
2. A blossom spread open.
3. Seed-bud and pointal.
4. The capsule.
5. The same split open.
6. A ripe seed.
This new and beautiful species of Ruellia was introduced by Lord Seaforth
from the West Indies, and flowered in Mr. Lambert’s stove at Boyton, in
June 1807, for the first time in England; and continued, as he informs us, to
flower during the greatest part of the summer, ripening its seeds in
abundance, and being easily propagated by cuttings.
PLATE DXXVIII.

O R N I T H O G A L U M E L AT U M .
Lofty Ornithogalum.
CLASS VI. ORDER I.
HEXANDRIA MONOGYNIA. Six Chives. One Pointal.

ESSENTIAL GENERIC CHARACTER.

Corolla 6-petala, persistens. Filamenta basi dilatata. Capsula 3-locularis.


Semina subrotunda, nuda.
Blossom 6-petalled, remaining. Threads widened at the base. Capsule 3-
celled. Seeds roundish and naked.
SPECIFIC CHARACTER.

Ornithogalum foliis lanceolatis: floribus in racemo longissimo crescentibus,


albis et parvis: staminibus longitudinem corollarum fere æquantibus.
Ornithogalum with lance-shaped leaves. Flowers grow on a very long spike,
are white and small. The stamens scarcely the length of the blossoms.
REFERENCE TO THE PLATE.
1. A petal and chive.
2. A chive shown from the outer side.
3. Seed-bud and pointal.
4. The same magnified.
This tall and delicate plant was introduced by J. M. Cripps, esq., who found
the roots in Egypt on the plains of Alexandria, near the spot where the
famous battle was fought in the year 1801; and from one which he planted in
his garden at Staunton in Sussex our drawing was made. It agrees in habit
with the Ornithogalum latifolium, but is perfectly distinct both in the
blossoms and foliage from that species. The plant which our figure
represents had already produced four side bulbs. It flowered in March last,
and appears to propagate freely.

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