2016 02 04 Misser

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 30

Les causes multiples du ralentissement de l’activité

dans le Copperbelt

François Misser1

L’objectif de ce chapitre est de proposer une approche approfondie de


l’ensemble des causalités qui aboutit à la crise à laquelle se trouve confronté,
durablement selon nous, le secteur des mines du Katanga2, locomotive éco-
nomique du Congo. Il se veut une contribution à l’explication de la crise,
au-delà des causes exogènes, purement conjoncturelles.
En 2016, le Congo, et en particulier le secteur des mines du Katanga,
s’est enfoncé dans la crise, en premier lieu, du fait d’une évolution défa-
vorable des cours du cuivre. De notre point de vue, le terme de « crise »
se justifie, en ce sens qu’il ne s’agit pas seulement d’un ralentissement
de la production uniquement imputable à des causes conjoncturelles.
Même à supposer que la conjoncture internationale s’améliore, grâce à
une relance de la demande, notamment chinoise, la crise risque de perdu-
rer ces prochaines années, parce qu’elle a d’autres causes, dont l’absence
d’investissements dans les infrastructures routières et énergétiques, qui
constituent deux goulets d’étranglement importants. L’approvisionnement
erratique et insuffisant en électricité entrave la production minière au plan
quantitatif, mais aussi au plan qualitatif, en ce sens que le processus de
transformation (électrolyse, métallurgie, etc.) nécessite encore plus d’éner-
gie que celui de l’extraction et des fournitures régulières. En définitive, la
crise énergétique induit une perte de valeur ajoutée de la production.
L’absence de clarté en matière de réforme du Code minier n’in-
cite pas non plus les opérateurs étrangers à l’investissement, même s’il
y a, sans doute, exagération de leur part à se poser en victimes d’un État
prédateur. L’incertitude sur le devenir politique du pays en raison du non-
respect des échéances électorales et de la mise à l’écart de la personne de
Moïse Katumbi, populaire chez les opérateurs miniers, de son poste de
gouverneur du Katanga, ont aussi contribué à une attitude attentiste chez
beaucoup d’opérateurs miniers. Malgré tout, des perspectives se dégagent

1
Journaliste et chercheur spécialisé depuis une trentaine d’années sur l’Afrique centrale, les
ressources naturelles et leurs relations avec le pouvoir et les questions énergétiques.
2
Depuis le démembrement de cette ancienne province en quatre « provincettes », en
juillet 2015, le terme a perdu son contenu administratif. Nous l’employons ici dans un sens
politique et géographique.
96 Conjonctures congolaises 2016

à moyen terme, à certaines conditions, d’un possible redressement, voire


d’une nouvelle expansion.
Notre démarche va consister à établir les faits, dont la baisse et le ralen-
tissement de la production. Nous tenterons d’en identifier les causes et
d’envisager les conséquences de cette évolution pour le budget de l’État,
mais aussi en termes d’appropriation des ressources. Car il semble bien que
les acteurs chinois aient tiré parti de la crise pour améliorer leur accès à la res-
source. Au risque de frustrer le lecteur, ces conséquences du ralentissement
au plan budgétaire ou social, voire environnemental, sans doute importantes
et qui mériteraient une analyse complémentaire, ne sont qu’esquissées. Le
propos principal est de montrer en quoi la capacité de production minière du
Copperbelt est atteinte, d’où la part importante accordée dans ce texte aux
prises de position des opérateurs miniers.
En conclusion, nous ferons remarquer que, même si les développements
des infrastructures en cours n’étaient pas entravés par les soubresauts poli-
tiques, le montant des investissements exigés, mais aussi le temps nécessaire
pour que ces réalisations deviennent opérationnelles, laissent augurer une
période de plusieurs années, au cours de laquelle le Congo éprouvera des
difficultés, face à ses concurrents sud-américains, à se doter d’une capacité
de production et d’une compétitivité qui lui permettent de réagir positive-
ment à une embellie de la conjoncture.

1. Les faits : baisse de la production


Selon les données de la chambre des Mines de la Fédération des entre-
prises du Congo (FEC, Chambre des Mines 2016b), l’euphorie qui a salué le
dépassement, en 2014, du seuil du million de tonnes de cuivre a été de courte
durée. Après une évolution foudroyante, marquée par la multiplication par
5,5, en sept ans, de la production de 185 147 tonnes (2007) à 1,029 million
de tonnes (2014), une première chute de la production minière est constatée
en 2015. Elle s’est accentuée au cours du premier trimestre 2016 avec des
baisses de 11,8 % (cuivre), 16,3 % (cobalt) et 50,3 % (zinc). En mai 2016,
la Chambre anticipait déjà une chute de 5,9 % de la production de cuivre
pour l’ensemble de l’exercice par rapport à 2015 et une baisse plus pronon-
cée des autres productions (voir tableau 1), avec des taux de progression
de - 21,3 % pour le cobalt et de - 46,5 % pour le zinc. Ces prévisions ont
été confirmées par les réalisations du premier semestre 2016, attestent les
statistiques de la Banque centrale (Banque centrale du Congo 2016). Selon
la BCC, la production de cuivre au premier semestre 2016 s’est élevée à
466 250 tonnes, en recul de 13,7 % par rapport à la même période de 2015.
La chute de la production de cobalt (35 267 tonnes) pour les six premiers
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 97

mois de 2016 est d’une ampleur comparable (- 13,5 %) et celle de zinc


(2533 tonnes) est de 59,7 %.

Tableau 1 : production minière (en tonnes)


T1 2016 T1 2015 T1 2016/T1 2015 2016(e) 2015 2014
Cuivre 234 313 265 636 - 11,8 % 937 252 995 805 1 029 800
Cobalt 13 638 16 293 - 16,3 % 54 552 63 328 66 915
Zinc 1 897 3 818 - 50,3 % 7 588 14 193 14 584
Sources : FEC, Chambre des Mines 2015b ; 2016a.

Après l’arrêt de la production de la filiale de Glencore, Katanga Copper


Company (KCC) en 2015, la plupart des entreprises ont vu leur produc-
tion de cuivre et de cobalt baisser au premier trimestre 2016 par rapport à
la même période de l’année précédente. Le démarrage au dernier trimestre
2015 des activités de la joint venture sino-congolaise (Sicomines)3, qui s’af-
firme comme le 3e producteur de cuivre du pays derrière Mutanda Mining
et Tenke Fungurume Mining, n’aura donc pas suffi à enrayer la tendance.
Plusieurs sites miniers, notamment dans les nouvelles provinces du
Lualaba et du Haut-Katanga, ont été mis en état d’entretien et de mainte-
nance. Ce sont les mines de Kapulo et de Dikulushi dont les permis sont
détenus par Mawson West, filiale de la compagnie de trading, basée à
Amsterdam, Trafigura. D’autres sociétés comme Glencore ont arrêté la pro-
duction en attendant l’embellie du marché. Cette évolution a eu un impact
considérable sur l’emploi. Au début 2016, la chambre des Mines avait déjà
pointé une perte de 3000 postes de travail dans les entreprises minières et
métallurgiques, à laquelle s’est ajoutée une perte de 10 000 emplois indirects
chez les sous-traitants du secteur. Au début de l’année 2016 (FEC, Chambre
des Mines 2016b), la société kazhake Eurasian Resources Group (ERG) a
notamment annoncé 1300 licenciements chez ses filiales Boss Mining et
Congo Cobalt Corporation (CCC).
Ces chiffres ne prennent pas en compte l’impact sur le secteur artisanal
qui, selon le rapport annuel de 2015 de la chambre des Mines de la FEC,
employait alors environ 200 000 personnes dans la filière du cuivre et du
cobalt au Katanga, et devrait avoir également subi une hémorragie. Selon
la même source, il faut aussi prendre en compte les emplois induits par
l’activité minière, comprenant l’industrie manufacturière, les services aux

3
En vertu d’un avenant à la convention de joint venture du 22 avril 2008, signé le
26 juin 2008, l’actionnariat de la Sicomines est composé comme suit : Gécamines 20 %,
Simco Sprl (filiale de Gécamines) 12 %, China Railway Group Hong Kong 22 %, China
Railway Resources Development 6 %, China Metallurgical Group Corporation 20 %,
Sinohydro Group 16 %, Sinohydro Harbour Co. 4 %.
98 Conjonctures congolaises 2016

entreprises, les banques, le transport logistique, le commerce, les hôtels et


restaurants, les emplois dans la fonction publique, etc. Selon le ratio estimé
par la Chambre de quatre emplois induits pour un emploi direct et indirect,
les pertes d’emplois induits correspondant aux 13 000 emplois directs et
indirects perdus depuis le début 2016 se situeraient aux alentours de 50 000.

2. Les causes de la baisse de production


2.1. L’évolution défavorable des cours
La première des causes avancées par la chambre des Mines est l’évolu-
tion défavorable des cours des principaux minerais du Katanga, le cuivre
et le cobalt. À la fin mai 2016, la Chambre rappelait que le cours du cuivre
avait atteint son niveau le plus bas depuis six ans, avec une chute de 25 %
aux alentours de 5000 dollars/tonne au cours de la seule année 2015, soit
la plus forte depuis la crise de 2008/2009. La tendance s’est poursuivie
durant les huit premiers mois de 2016, avec une cote sur le London Metal
Exchange de 4639,5 dollars/tonne au 25 août 2016, représentant à peine
plus de la moitié du record de 8884 dollars/tonne atteint en mai 2008. Pour
une société comme Glencore, ce cours est inférieur de 900 dollars au coût
d’exploitation de 5500 dollars/tonne, explique un responsable de l’entre-
prise (Jeune Afrique 2015).
Mais l’impact n’est pas uniforme dans toutes les sociétés. Albert Yuma,
le président de la Gécamines, partenaire minoritaire dans tous les projets,
soulignait, en octobre 2015, le contraste entre les bas coûts d’exploitation
à Tenke-Fungurume, alors opérée par l’Américain Freeport McMoran,
de l’ordre de 3500 dollars/tonne et ceux plus élevés des exploitations de
Glencore, qui a hérité d’exploitations anciennes (ibid.).
La baisse nettement plus prononcée de la production de zinc en 2015
et durant le premier trimestre 2016 a des causes plus immédiatement
conjoncturelles. En effet, explique la Chambre, un arrêt de la production
pour permettre la réalisation de travaux de réfection du four de la Société
du Terril de Lubumbashi (STL) explique l’essentiel de la baisse. Cela dit,
le cours du zinc a lui aussi chuté, à savoir de 11,7 % entre mars 2015 et
mars 2016, constate la Chambre.
L’International Copper Study Group (ICSG), qui rassemble les repré-
sentants des principales nations productrices de cuivre et leurs conseillers,
s’attendait, dans son rapport de mars 2016, à une hausse de 1,5 % de la
production minière en 2016 et de 2,3 % en 2017. Elle anticipait aussi
une demande plutôt faible, principalement du fait du ralentissement de la
demande chinoise de produits raffinés (http://www.icsg.org/index.php/111-
icsg-releases-latest-copper-market-forecast-2016-2017). Mais l’ICSG
observait, dans un rapport ultérieur, daté du mois d’août 2016, que si le
marché mondial s’est en définitive mieux comporté que prévu, avec une
progression de la production de cuivre de 4 % au cours des cinq premiers
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 99

mois de 2016, le Congo a dérogé à la règle, subissant une perte du volume


de sa production de l’ordre de 11 %. En marge de la tendance générale
du marché mondial (ICSG 2016), la situation s’est révélée très différente
selon les continents, avec une progression de la production de 7 % dans les
Amériques (malgré une baisse de 5 % de la production au Chili) et de + 5 %
en Asie, à comparer à une stagnation en Europe et en Océanie et à une baisse
en Afrique (- 4 %). Face à la même conjoncture internationale, l’Afrique et
le Congo en particulier ont des défis spécifiques à relever. Cette situation
présente un contraste avec celle du Pérou : on s’attendait à une augmenta-
tion des deux tiers en 2016, à 2,5 millions de tonnes, du fait du démarrage
de l’exploitation à la mine de Las Bambas par ChinMetals et de l’expansion
de la mine Cerro Verde par Freeport McMoran, autant de développements
facilités par le Code minier très attractif promulgué en 2011, selon le rapport
annuel 2015 de la chambre des Mines de la FEC.
Dans une étude comparative entre le Pérou et le Katanga, réalisée en
2014, le consultant belge Pierre Goossens constate que les royalties préle-
vées par l’État sont inférieures au Pérou (1 % contre 2 % dans le Code minier
congolais de 2002, et 6,5 % dans les propositions faites par le ministère des
Mines congolais en 2013) (Vigilant Financial Advisory 2014). La part pour
l’investisseur du bénéfice brut d’exploitation est similaire au Pérou et dans
le Code minier congolais actuel (59 % et 64 %), mais bien moindre dans le
projet gouvernemental congolais de refonte du Code minier (36 %). L’impôt
sur les bénéfices est équivalent au Pérou et dans le Code minier de 2002 en
RDC (30 %), mais il est de 35 % dans la proposition de Code révisé par le
Gouvernement congolais. Sur la base de ces paramètres et d’un coût d’exploi-
tation similaire de l’ordre de 3600 dollars/tonne au Pérou et de 3700 dollars/
tonne en RDC, on aboutit à des taux de rentabilité interne respectifs de 14,2 %
(Pérou), de 15,8 % (RDC Code minier 2002), mais de 2,8 % seulement dans
l’hypothèse de l’application des réformes proposées par le Gouvernement
congolais en 2013. Toutefois, si l’on applique le coût réel d’opération de
4400 dollars, résultant du recours au diesel pour pallier les défaillances de
la Société nationale d’électricité, on arrive à un taux de rentabilité interne
de 9 % (Code minier actuel congolais) seulement et de - 3 % (proposition de
Code de 2013). Il faut encore ajouter que le Pérou garantit une stabilité fis-
cale d’au moins 15 ans aux investisseurs, contre 10 ans pour le Code minier
de 2003 et deux seulement pour la proposition de Code congolais de 2013.

2.2. Des infrastructures défaillantes


Au-delà de la faiblesse des cours, les compagnies minières du Katanga
sont confrontées de manière chronique au handicap de l’état des infras-
tructures, qui constitue un important goulet d’étranglement et contribue à
gonfler les coûts.
100 Conjonctures congolaises 2016

a) L’électricité
Cela vaut pour le coût de l’énergie, renchéri par l’insuffisance de la capa-
cité de génération électrique qui limite l’essor de la production. La Chambre
estime, en effet, qu’il est « plus qu’urgent » de trouver des solutions, à court
et moyen terme, pour résorber la pénurie d’énergie électrique afin de per-
mettre aux miniers d’atteindre leurs objectifs de production. Les statistiques
de la Banque centrale du Congo (BCC 2016) révèlent, à cet égard, une ano-
malie spectaculaire. Alors que la production nationale de cuivre a plus que
doublé entre 2010 et 2014, passant de 497 537 tonnes à près de 1,03 million
de tonnes, durant la même période, la production d’électricité n’a progressé
que de 17 %, de 7,45 à 8,72 millions de MWh. En termes de capacité, on
constate que l’offre de la Société nationale d’électricité (SNEL) s’est accrue
d’un peu plus de 50 %, d’environ 400 MW à 600 MW, en 2014, alors que la
demande de l’industrie minière katangaise s’est, entre-temps, envolée d’en-
viron 480 MW à plus de 1100 MW, suivant à peu près l’accroissement du
volume de la production (FEC, Chambre des Mines 2015b). Conclusion :
l’écart s’est agrandi de 420 MW.
Dans un communiqué daté du 20 juin 2015, la chambre des Mines éva-
luait le déficit de génération pour l’industrie minière du Katanga à 600 MW,
même en prenant en compte, en plus de l’apport de la SNEL, celui des four-
nitures de la Zambian Electricity Supply Corporation (ZESCO), oscillant
entre 50 MW et 100 MW, qui se sont taries après 2015. Plus tard dans l’année,
la Chambre a averti que la baisse enregistrée en 2015 pourrait se poursuivre
jusqu’en 2020 si aucune solution n’est trouvée d’ici là pour la production et
la distribution d’électricité aux sociétés minières (FEC, Chambre des Mines
2015). La Chambre n’anticipait, en effet, un excédent de l’offre par rap-
port à la demande sur le réseau sud de la SNEL qu’après cette date (FEC,
Chambre des Mines 2015b).
Selon la Chambre, le déficit énergétique a été responsable, en 2015, d’une
perte de production de 50 000 tonnes par rapport à 2014, correspondant à
5 % du volume de la production, ainsi qu’à un surcoût de 1000 dollars/
tonne de cuivre pour la consommation de diesel (équivalent à 20 % du prix
de la tonne sur le marché international). Et la Chambre énumérait plusieurs
conséquences négatives : nombre élevé de pannes, longs délais de rétablis-
sement du courant et détérioration du service à la clientèle haute tension.
Dans son rapport 2014, la Chambre avait évalué à 210 millions de dollars la
perte en termes de chiffre d’affaires résultant de ce déficit, et à 65 millions
de dollars le manque à gagner pour l’État, en termes d’impôts non perçus.
Selon la SNEL, les causes du déficit sont multiples. Elles vont de la
demande croissante des industries minières à la capacité limitée des centrales
électriques existantes de Nzilo et de Nseke, provoquée par l’étiage sévère
du fleuve Congo et, d’autre part, au long délai requis pour l’exécution des
programmes de réhabilitation des groupes des centrales d’Inga et d’Inga II.
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 101

La baisse tendancielle du débit du fleuve, constatée par la Commission inter-


nationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS), basée à Kinshasa,
dans le contexte d’une phase plus « plus sèche » sur le fleuve Congo (Misser
2013 : 166), aurait donc une incidence sur la production minière. Car près
de la moitié de l’offre de la SNEL au Katanga (soit 220 MW) provient de
l’énergie des centrales d’Inga, acheminée par la ligne à très haute tension
Inga-Katanga tandis que le reste (environ 290 MW) est généré localement
et principalement par des centrales hydroélectriques construites sur le cours
supérieur du Congo, le Lualaba.

b) Des handicaps logistiques


L’état des infrastructures d’évacuation et d’importation des intrants de
l’industrie minière représente un autre handicap, en renchérissant les coûts
de transport et en constituant un goulet d’étranglement susceptible d’em-
pêcher l’industrie katangaise de profiter d’un retournement favorable de
la conjoncture. S’exprimant en octobre 2015, Éric Monga, dirigeant de la
société Trade Service d’appui au secteur minier et président provincial de
la FEC, se montrait soucieux : « À ce niveau des cours et avec l’état des
infrastructures au Katanga, notamment en matière d’approvisionnement
électrique, il y a un réel danger pour l’avenir de toute la filière », déclarait-il
en octobre 2015 (Jeune Afrique 2015).
À cela s’ajoute un autre élément, d’ordre politique, qui est venu éroder la
compétitivité des sociétés katangaises, selon le cabinet d’analyse du risque
britannique Protection Group International (PGI). Ce dernier estime que le
démembrement de l’ancienne province du Katanga en quatre provincettes
va entraîner un renchérissement des coûts de transport pour les sociétés, du
fait du prélèvement de nouvelles taxes par les nouvelles provinces confron-
tées au surcoût du maintien de leurs nouvelles administrations. Les camions
devant se rendre en Zambie à partir de Kolwezi doivent traverser désormais
deux provinces au lieu d’une. Et les nouvelles provinces seront probable-
ment tentées d’instaurer de nouveaux péages. Or, constate PGI, le coût pour
les miniers est déjà très élevé. Le passage par camion du poste-frontière de
Kasumbalesa et le parcours de 190 km à l’intérieur du Katanga reviennent
à 1300 dollars, à comparer avec 1000 dollars seulement pour acheminer
un camion de Johannesburg à la frontière congolaise, distante de 2000 km
(Protection Group International 2015).
Le développement du transport ferroviaire, réputé moins cher, a pris
beaucoup de retard. La réhabilitation du chemin de fer de Benguela est
achevée sur la partie angolaise de la ligne (1344 km), mais les travaux de
réhabilitation des 400 km entre Kolwezi et le poste-frontière de Dilolo, à la
frontière angolaise, n’avancent guère (Jeune Afrique 2016). À la chambre des
Mines, on estime que la SNCC a trop attendu pour solliciter la participation
102 Conjonctures congolaises 2016

des groupes miniers qui se sont organisés pour évacuer le cuivre par camion
via Dar es-Salaam, en Tanzanie, ou via Durban (Afrique du Sud)
De façon générale, l’indice de performance des infrastructures congolaises
est très bas. Selon une étude de PricewaterhouseCoopers, les performances
logistiques ont même diminué entre 2010 et 2012. Le pays est tombé du 85e
au 143e rang sur 155 dans l’indice de la Banque mondiale (PwC 2013). En
2010, dans un rapport coparrainé par la Banque internationale pour la recons-
truction et le développement, la Banque mondiale relevait que le réseau de
la SNCC offrait des conditions de transport très mauvaises, avec des vitesses
moyennes de convois allant de 10 km/h à 35 km/h. Le coût du fret était alors
le plus élevé d’Afrique centrale avec 12,5 cents de dollar/tonne/km contre
10,7 cents sur le Chemin de fer Congo-Océan (Brazzaville-Pointe-Noire),
2,5 cents sur le réseau de la Société d’Exploitation du Trans-Gabonais, et
5,2 cents sur Camrail. Les tarifs SNCC sont aussi trois fois supérieurs à ceux
d’Afrique australe, relève la Banque (International Bank for Reconstruction
and Development/World Bank 2010).
Des progrès ont été accomplis, en 2016, dans l’évacuation des mine-
rais par chemin de fer, mais ils sont très lents (Africa Mining Intelligence
2016e). Quelque 45 000 traverses ont été posées entre les gares de Tenke et
de Kisanfu, distantes de 40 km, dans le cadre du plan de redressement de la
SNCC, pour le « Projet de transport multi-modal » financé par la Banque
mondiale, doté de 373,85 millions de dollars. La ligne était vétuste et de
surcroît endommagée par les déraillements intentionnels provoqués par les
creuseurs pour récupérer les minerais contenus dans les wagons renversés.
Selon un bilan datant de juin 2016, la réhabilitation des 1300 km vers la
frontière angolaise, vers le Kasaï et Kalemie ainsi que de 600 wagons est
en bonne voie. Mais le directeur des opérations de la Banque mondiale au
Congo, Moustapha Ndiaye estimait le rythme des décaissements trop lents,
lors d’une revue du portefeuille des projets de son institution, le 22 juin 2016.
Le résultat attendu de ce programme, qui doit être finalisé en deux ans, est la
réduction de 13 à 5 jours du temps de transport entre Kolwezi et la frontière
zambienne. Ces développements sont très attendus par l’industrie. Le pré-
sident provincial de la FEC de l’ex-Katanga, Eric Monga, estime, en effet,
que le rail demeure le moyen de transport le plus économique. Ivanhoe,
promoteur du projet Kamoa (cuivre et cobalt) attend la réouverture du trafic
ferroviaire entre Kolwezi et Dilolo pour évacuer ses marchandises vers le
port angolais de Lobito et délaisser ainsi celui de Durban.
En définitive, l’espoir exprimé en 2015 par les présidents des conseils
d’administration du port minéralier de Lobito, Anapaz Neto, et du Caminho
de Ferro de Benguela (CFB), José Carlos Gomes, d’une réouverture en
2016 du trafic entre le Copperbelt et l’Atlantique n’a pas été rencontré. La
remise en service, en février 2015, des 1340 km du CFB par China Railway
entre Lobito et le poste-frontière de Dilolo ne s’est pas encore accompagnée
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 103

de l’évacuation des minerais congolais et zambien par cette voie, pourtant


indispensable pour rentabiliser le coût de la réhabilitation de la voie ferrée
(2 milliards de dollars) et de la construction du port de Lobito (522 mil-
lions). Au total, ce sont 522 km de ligne entre Dilolo et Tenke-Fungurume
puis 200 km avant de relier Lubumbashi et encore 247 km avant la ville
zambienne de Ndola qu’il faut réhabiliter. Or, l’état de la voie ferrée en
territoire congolais ne permet pas actuellement aux convois de rouler à
l’allure compétitive de 90 km atteinte sur le réseau du CFB. Au cours de
l’année 2015 toutefois, la SNCC a réceptionné 18 locomotives sur finance-
ment de la Banque mondiale, fabriquées par China Shandong International
Economic & Technical Cooperation Group Ltd et Railway Transportation
Equipment Co Ltd. Un autre progrès enregistré a été l’accord conclu, en
mars 2015, entre Zambia Railways et la SNCC pour accroître le volume
de transport entre les deux pays, et le début d’une réhabilitation de la voie
entre Lubumbashi et la frontière zambienne sous l’égide de la SNCC. Mais
la reprise du trafic à hauteur de 20 millions de tonnes/an espérée par le CFB
et par les miniers du Copperbelt semble encore une perspective lointaine.

2.3. Un climat des affaires insatisfaisant


Un autre élément qui préoccupe les acteurs miniers est le climat des
affaires. La Chambre estime à cet égard nécessaire de l’assainir pour que
les sociétés minières puissent atteindre leurs objectifs. Elle s’appuie, à ce
propos, sur la déclaration de la ministre suédoise des Affaires étrangères,
Margot Wallström, qui, lors de sa visite à Kinshasa, en mars 2016, avait
invité les autorités congolaises à respecter les droits de l’homme, mais aussi
à garantir un cadre juridique pour les investisseurs. À cette occasion, Margot
Wallström avait, une fois de plus, usé de son franc-parler : « Le climat des
affaires en RDC n’inspire pas confiance aux investisseurs suédois qui sont
néanmoins intéressés par plusieurs projets que le pays propose aux étran-
gers », avait-elle déclaré (FEC, Chambre des Mines 2016b).
La chambre des Mines s’est félicitée, au début de l’année 2016, de l’an-
nonce par le Gouvernement de ne pas poursuivre le projet de révision du
code minier, estimant que « Cela [allait] encourager des investissements
dans le secteur » (FEC, Chambre des Mines 2016b). Mais, elle attend confir-
mation. La Chambre a appelé, en effet, de ses vœux « une prise de position
ferme et courageuse de la part du Gouvernement pour permettre aux acteurs
du secteur minier de retrouver le goût et l’envie d’être de grands contribu-
teurs à la croissance de la République démocratique du Congo ».
a) Les incertitudes sur le Code minier et la fiscalité
La Chambre déplore également des difficultés d’ordre fiscal, dont « la
modification récurrente des lois fiscales par les lois budgétaires » visant à
créer des impôts, droits, taxes et redevances ou à en modifier les taux. Elle
104 Conjonctures congolaises 2016

critique aussi le relèvement du taux de l’impôt minimum sur les bénéfices et


profits à 1/100 du chiffre d’affaires en lieu et place du taux légal de 1/1000.
Les autres soucis de la Chambre sont la décentralisation et les nouveaux
besoins nés de la création des nouvelles provinces. Le risque est de multi-
plier les « tracasseries ». C’est pourquoi la Chambre appelle à une « action
concertée » entre le Gouvernement central et les entités décentralisées afin
de les éviter. La sortie du rapport lors de la conférence d’Africa Mining
Indaba a exercé une pression sur le ministre des Mines, Martin Kabwelulu
Labilo. Dans un premier temps, il a déclaré, le 10 février, à Cape Town,
que le Gouvernement n’allait pas pousser au changement du Code minier
de 2002, qui inquiète les entreprises avec une hausse envisagée de l’impôt
sur les bénéfices qui passerait de 30 % à 35 %, une participation gratuite
et minimale de 10 % dans les nouveaux projets miniers contre 5 % aupa-
ravant et une hausse des royalties sur le cobalt et le cuivre. D’aucuns en
avaient déduit que le Gouvernement renonçait à modifier le Code. Mais le
11 février, le chef du cabinet du ministre, Valéry Mukasa, a expliqué que le
ministre voulait juste rassurer les investisseurs, sans pour autant qu’il faille
en déduire qu’il avait abandonné son projet d’amender le Code.
Les entreprises omettent de signaler, toutefois, la disparité entre les taxes
officielles et ce qui est réellement versé, constatée par la Banque mondiale.
Elles font abstraction des déductions pour crédits d’investissement, des
provisions pour amortissement (Banque mondiale 2008). Et la Banque de
mentionner que certains projets minimisent leur niveau d’imposition par
des mécanismes de fixations de prix de cession interne (quand un minerai
est exporté et vendu à une autre filiale d’une même multinationale, établie
à l’étranger, à un prix inférieur à sa valeur vénale). Les entreprises doi-
vent aussi admettre qu’elles ont bien profité de la rente minière. L’ancien
directeur du Centre de recherche et d’expertise sur l’Afrique centrale
(CREAC), Stefaan Marysse, relevait dans l’édition 2015 de Conjonctures
congolaises que si, jusqu’en 2012, les investissements directs étrangers
(IDE) en RDC ont constitué un apport net de capital, depuis 2013, les pro-
fits rapatriés ont dépassé les IDE (Marysse 2015). Et les projections sont
telles qu’à l’horizon 2019, les profits rapatriés devraient être 3 à 3,5 fois
plus importants que les IDE (7 milliards de dollars contre 2 milliards). Selon
Stefaan Marysse, la valeur actuelle nette des profits rapatriés excède très
largement le montant des pertes résultant de la vente d’actifs miniers par
l’État congolais dans de mauvaises conditions de gouvernance.
b) Les conséquences néfastes du démembrement de l’ancienne pro-
vince du Katanga
En mars 2016, la crainte d’un accroissement de la pression fiscale à cause
du démembrement de l’ancienne province du Katanga s’est concrétisée avec
l’ouverture d’un contentieux entre le commissaire spécial (gouverneur) de
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 105

la nouvelle province du Lualaba, l’ancien ministre de l’Intérieur, Richard


Muyej, ainsi que les sociétés minières locales, qui se sont vu intimer l’ordre
de préfinancer la construction d’une route à péage de 60 km entre le chef-
lieu provincial (Kolwezi) et Sakabinde, la frontière zambienne vers Solwezi,
en payant une taxe de 100 dollars/tonne sur l’exportation de concentrés
(Africa Mining Intelligence 2016a). La raison d’être de cette exigence tient
au fait que la province du Lualaba ne bénéficie pas de la quote-part des taxes
douanières perçues au poste-frontière avec la Zambie de Kasumbalesa par
la province voisine du Haut-Katanga (Lubumbashi) qui, pourtant, produit
deux fois moins de cuivre que sa voisine. En soi, les sociétés minières sont
favorables à un nouvel axe d’évacuation, car l’augmentation de la produc-
tion, ces dernières années, s’est accompagnée d’un accroissement du trafic.
De surcroît, le trajet Kolwezi-Solwezi ne fait que 180 km, alors que le détour
par Lubumbashi et Kasumbalesa pour atteindre Solwezi représente un tra-
jet de 467 km. Mais les miniers, sollicités naguère par l’ex-gouverneur du
Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, pour financer la construction de la route
Lubumbashi-Kasumbalesa et de la route Kolwezi-Lubumbashi ne veulent
pas être ponctionnés deux fois.
Le démembrement du Katanga est venu perturber l’exécution d’accords
conclus entre les compagnies minières et les autorités fiscales de la défunte
province. Dans son rapport daté de juin 2016, la chambre des Mines de
la Fédération des entreprises du Congo rappelle que les montants avancés
par les compagnies minières pour préfinancer des travaux routiers venaient
en déduction de leur ardoise fiscale envers l’ex-province du Katanga.
En échange, un accord avait été conclu, limitant à 60 dollars/tonne, au lieu
de 100 dollars/tonne, le montant de la taxe à l’exportation sur les concentrés,
perçue par la province pour financer les équipements routiers. La ristourne
de 40 dollars correspondait au remboursement par la province de l’avance
faite par les entreprises. Le problème est qu’après le démembrement, insti-
tué par la loi de programmation du 28 février 2015, le montant des sommes
avancées par les entreprises excédait celui des sommes dues à titre de taxe
sur les concentrés à l’ex-province du Katanga.
Et les nouvelles provinces du Haut-Katanga et du Lualaba ne prennent
pas en compte les montants à rembourser aux sociétés ayant financé les tra-
vaux routiers par le biais de ces réductions de taxes. En outre, à en croire la
chambre des Mines, les deux nouvelles provinces exigent même le paiement
de ces taxes, de la part des sociétés qui traitent les concentrés localement
au lieu de les exporter ! (FEC, Chambre des Mines 2016b). Confrontée
à cet imbroglio, la Chambre a, alors, sollicité l’arbitrage du ministre des
Mines, Martin Kabwelulu, au cours du premier semestre 2016. Mais ce
dernier s’est déclaré incompétent pour prendre une décision relative à une
taxe provinciale.
106 Conjonctures congolaises 2016

c) Un harcèlement fiscal parfois illégal


Au début de l’année 2016, d’autres indices annonciateurs d’une pression
fiscale accrue pour les opérateurs miniers, alors qu’ils se trouvent encore
au creux du cycle des cours du cuivre et du cobalt, ont commencé à obs-
curcir l’horizon. Les entreprises minières se plaignent du harcèlement légal
et parfois illégal de la part des services de l’État. Ainsi, la chambre des
Mines, dans son rapport de juin 2016, dénonce les missions trop fréquentes
dites de contre-vérification, « sans soubassement légal » (sic), effectuées
par l’Institut national de la sécurité sociale (INSS). Elle fait remarquer
qu’au regard du décret-loi organique du 29 juin 1961 de la sécurité sociale
et des pratiques légales au sein de l’Inspection générale des Finances et de
la Direction générale des Douanes et Accises (DGDA), de telles missions
de contre-vérification n’ont qu’un caractère exceptionnel. Et la Chambre
met au défi l’INSS de justifier le caractère légal des missions en question.
Elle s’étonne, par ailleurs, que des entreprises minières du Katanga aient
reçu des visites du secrétariat général du ministère de la Santé, alors qu’en
principe, une telle compétence n’incombe qu’à l’inspection provinciale de
Santé. Par ailleurs, la Chambre rappelle que les frais de telles missions n’ont
pas à être pris en charge par les sociétés contrôlées.
Le PDG de la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, dans une interview
diffusée par Radio France internationale, le 10 septembre 2016, reconnaît
l’acuité du problème des « tracasseries4 ». « Il y a une multiplicité de taxes
sur lesquelles on doit encore travailler », concédait Albert Yuma, précisant :
« L’administration est mal formée et mal rémunérée. Automatiquement ça
entraîne beaucoup de tracasseries… Les tracasseries c’est 150 convoca-
tions par-ci par-là. Des contestations de vos comptes par des services non
habilités ».
La chambre des Mines réclamait également, en février 2016, la sup-
pression ou la réglementation constructive du système des « primes aux
aviseurs » qui récompense, par la perception d’un pourcentage de la péna-
lité infligée, les fonctionnaires et agences fiscales et parafiscales et les tiers
ayant participé à l’imposition de la taxation d’une pénalité ou amende fis-
cale ou parafiscale (FEC, Chambre des Mines 2015a). Selon la Chambre,
le système connaît une « dérive ». Les fonctionnaires sont plus attachés à
obtenir des pénalités qu’à appliquer les règles de taxation normale, dénonce
le rapport. La Chambre déplore des audits fiscaux et parafiscaux à fréquence
anormale et un « système, pernicieux », qui devient « une véritable chasse
aux primes », au cours de laquelle les agents du fisc bénéficient de com-
plicités internes dans les entreprises. Des employés de sociétés minières

4
http://www.rfi.fr/emission/20160910-albert-yuma-mulimbi-grand-invite-economie
(consulté le 21 septembre 2016).
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 107

commettent des erreurs volontaires, traduites ensuite en fraudes, afin de


donner lieu à des amendes.
De son côté, le gouverneur de la nouvelle province du Lualaba, Richard
Muyej Mangez, a dénoncé l’implication d’officiels dans « la fraude minière
à grande échelle » lors de la présentation du projet du budget du gouver-
nement provincial exercice 2016 à Kolwezi, début septembre 2016 (ACP
2016). Il s’exprimait après la saisie par l’armée de onze camions chargés de
minerais interceptés sur la route Likasi-Kolwezi.
d) Le « déficit de gouvernance » de la Gécamines
Le climat des affaires est aussi terni par le « déficit de gouvernance »
reproché à l’ancienne entreprise d’État Gécamines par le Premier ministre,
Augustin Matata Ponyo Mapon, dans une interview diffusée par RFI
le 4 juin 20165. « La production de la Gécamines est toujours au bas de
l’échelle. Ça veut dire que les réformes, même si elles sont accomplies, n’ont
pas encore atteint le niveau voulu », déclarait le chef du Gouvernement.
À en croire le Premier ministre, le déficit en question ne procède pas d’un
quelconque héritage. « C’est un déficit qui n’est pas de 10 ans, c’est un défi-
cit actuel », accusait-il, s’attirant trois mois plus tard une cinglante réplique
d’Albert Yuma : « La Gécamines est la seule entreprise du portefeuille de
l’État qui a des comptes audités et certifiés. La Gécamines a été citée en
exemple comme la première entreprise qui s’est adaptée au plan comptable
OHADA. La Gécamines a eu une seule réserve dans la certification, c’est
par rapport à ce que l’État nous doit comme argent. Voilà, la vraie réalité de
la gouvernance. Il ne faut pas parler de gouvernance quand on ne sait pas
de quoi on parle, surtout que l’assemblée générale de la Gécamines a en son
sein les représentants du ministère du Portefeuille, du ministère des Mines,
de la Primature et du ministère du Budget ».
Ces assurances d’Albert Yuma font fi du constat, dans un rapport du
Natural Resources Governance Institute (NRGI) de New York, de nom-
breuses défaillances dans la gestion de l’entreprise d’État, susceptibles de
constituer des entraves à une productivité optimale du secteur minier congo-
lais (Natural Resources Governance Institute 2015)6. La Gécamines figure
d’ailleurs au bas du classement des entreprises d’État selon l’Indice de gou-
vernance des ressources naturelles 2013 établi par le NRGI. Elle est rangée
avec une note de 29 sur 100 dans la catégorie des entreprises défaillantes,

5
http://www.rfi.fr/emission/20160604-rdc-ponyo-mapon-premier-ministre-situation-
economique-matieres-premieres (consulté le 21 septembre 2016).
6
Le Natural Resources Governance Institute est financé par les Fondations Bill & Melinda
Gates, Open Society (George Soros) et Ford, la Banque mondiale, le Department for
International Development britannique, la Gesellschaft für Zusammenarbeit allemande,
ainsi que par les gouvernements australien, suisse et norvégien.
108 Conjonctures congolaises 2016

dans ce classement où figure en tête l’entreprise pétrolière norvégienne


Statoil, qui frise les 100/100.
Parmi l’avalanche de critiques dont elle fait l’objet, la Gécamines se voit
reprocher d’être devenue un bureau minier parallèle, attribuant de facto des
concessions à des entreprises qu’elle choisit pour devenir ses partenaires,
sans que l’on puisse vérifier si elle a choisi les entreprises les « moins-
disantes » ou techniquement les plus capables de développer un projet. Le
NRGI constate qu’en 2011, la Gécamines a refusé d’accéder à une demande
du ministère des Mines de lui transmettre la copie de ses accords de parte-
nariat à des fins de publication, bien qu’un décret rende cette publication
obligatoire.
À la lecture du rapport du NRGI, on apprend que la Gécamines a fait
passer, depuis 2008, le nombre de permis d’exploitation qu’elle détient de
38 à 73, dépassant de loin le plafond de 50 permis, fixé par le Code minier
(Journal officiel, numéro spécial 2002). Et la tendance se serait accentuée
encore, s’il faut en croire un analyste du Centre Carter, qui évoquait, début
septembre 2016, le chiffre d’une centaine de permis7. La Gécamines est
décrite, en outre, comme une « entité opaque » qui ne s’est pas systéma-
tiquement acquittée de ses obligations de paiement à l’égard de l’État et,
notamment, des droits « superficiaires » correspondant à ses permis.
La liste des griefs comprend, en outre, le refus de publier les ententes
renégociées après la révision des contrats miniers entamée en 2006, ce qui
empêche de déterminer à quelles rentrées d’argent a droit la Gécamines,
laquelle fonctionne de facto comme un holding de l’État. Au-delà, une telle
opacité complique la tâche d’évaluation de sa propre performance, d’au-
tant que son président, Albert Yuma, a l’ambition d’en faire à nouveau un
opérateur minier important, avec sa production propre. Qui plus est, les pro-
duits des actions détenues par la Gécamines dans les coentreprises n’ont
pas été déclarés. La Gécamines a vendu des actions, en 2009, pour 15 mil-
lions de dollars et puis, en 2011, pour 189 millions, mais les publications
trimestrielles n’en ont pas fait état.
Du point de vue du NRGI, la situation actuelle, qui a pour effet de faire
de la Gécamines une sorte de « système parallèle d’octroi de licences d’ac-
cès aux gisements » et le « contrôleur de fait » de l’accès des sociétés privées
aux gisements, présente l’inconvénient de fausser les mesures incitatives
prises par l’État et ne lui permet pas d’avoir une stratégie coordonnée pour
gérer le secteur.

7
Entretien avec l’auteur, le 8 septembre 2016.
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 109

3. La baisse des recettes de l’État et le renforcement


de l’emprise chinoise
3.1. La baisse des recettes de l’État
La baisse du volume de la production minière dans le Copperbelt, couplée
à la baisse des cours, faisait craindre au Gouvernement qu’il pourrait perdre,
en 2016, jusqu’à 1,3 milliard de recettes minières, pétrolières et gazières.
Amorçant un virage à 180°, le Gouvernement a imposé, en mars 2016, aux
entreprises minières le paiement de leurs taxes à l’importation en dollars
plutôt qu’en francs congolais, alors qu’en 2014, c’est l’inverse qui avait été
imposé dans l’optique d’une « dé-dollarisation » de l’économie congolaise.
Cette évolution coïncide avec l’annonce par le Gouvernement, le 12 sep-
tembre, que les réserves en devises de la Banque centrale du Congo sont
tombées en dessous de la barre du milliard de dollars (Primature 2016).
La baisse des recettes de l’État central intervient dans le contexte de la
scission de la province du Katanga en quatre nouvelles provinces (Haut-
Katanga, Lualaba, Haut-Lomami et Tanganyika), dotées de nouvelles
compétences, de nouvelles exigences et de nouveaux besoins. Et donc, la
tentation d’une pression accrue de la part de ces dernières sur les entreprises
minières est très forte, au risque d’éroder leur compétitivité, comme nous
l’avons indiqué dans la partie précédente.

3.2. La Chine exploite la conjoncture baissière pour consolider


ses positions
Dans ce contexte de baisse des cours et de crise économique, l’appétit des
entreprises chinoises pour les minerais du Katanga n’a cependant pas faibli.
« La Chine manque vraiment de ressources cuprifères », expliquait Jerry
Jiao, vice-président de China Minmetals8, lors de la conférence mondiale
du cuivre qui s’est tenue du 13 au 15 avril 2015 à Santiago du Chili (FEC,
Chambre des Mines 2016b). En effet, alors que les autres investisseurs se
tiennent cois ou se désengagent, les entreprises chinoises ont massivement
investi en RDC ces dernières années, observe la Chambre. Selon le Fonds
monétaire international, en 2014, la Chine a, en effet, investi 4,33 milliards
de dollars en RDC, tous secteurs confondus (FEC, Chambre des Mines
2016b). On a même le sentiment que la Chine, qui consomme 40 % du
cuivre mondial, a cherché à profiter de la conjoncture baissière pour conso-
lider et sécuriser son accès à la ressource.

8
China Minmetals détient à travers sa filiale MMG (anciennement Minerals and Metals
Group) la concession de Kinsevere qui a produit en 2014 580,169 tonnes de cathodes de
cuivre.
110 Conjonctures congolaises 2016

En janvier 2016, la Compagnie minière de Musonoï (COMMUS), joint


venture constituée par Zhejiang Huayou Cobalt Co, Zijin Mining Group et
la Gécamines, a approuvé un plan d’investissements de 578 millions de dol-
lars pour développer sa concession dans la région de Kolwezi. Avant cela,
en novembre 2015, la Sicomines a enfin entamé sa production de cuivre,
après huit ans de lobbying et de préparation intenses. Huayou, qui détient
5 % de Sicomines, a également fait l’acquisition, en 2015, de Luiswishi et
de Lukuni pour 52 millions de dollars et transforme dans ses fours du cuivre
et du cobalt provenant de l’exploitation artisanale. Zijin, qui détient 51 %
des parts de COMMUS, a aussi acquis, en décembre 2015, une participa-
tion de 49,5 % dans le projet de cuivre de Kamoa de Ivanhoe Mines pour
412 millions de dollars, mettant la main sur le gisement le plus important du
monde, dont les réserves indiquées s’élèvent à 20,34 millions de tonnes de
cuivre-métal9. Dans son rapport de mai 2016, la chambre des Mines signale
un accord de la Gécamines avec la China Non Ferrous Metal Mining Group
Corporation (CNMC) cotée en bourse de Hong Kong pour construire avec la
firme kazakhe, Eurasian Resources Group (ERG), l’usine de traitement des
rejets miniers de Musonoï, moyennant un investissement de 700 millions de
dollars (FEC, Chambre des Mines 2016b). Le 13 janvier 2016, CNMC et la
Gécamines avaient signé un protocole d’accord pour la construction de deux
usines à Kambove et Deziwa d’une capacité respective de 15 000 tonnes et
80 000 tonnes de cathodes de cuivre, prévoyant la possibilité d’accroître
la capacité de la seconde à 200 000 tonnes. La transaction, suivie par l’an-
nonce, le 8 juin, de la création d’une co-entreprise commune par le président
de la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, fait grincer des dents dans la société
civile du Katanga, en raison du partenariat contesté entre CNMC et la firme
Huachin à laquelle la première a été associée dans la joint venture Huachin
Metal leaching Co, dont la pollution environnementale qu’elle a engendrée,
a été dénoncée par l’ONG Premicongo fin 2015 (Africa Mining Intelligence
2016d). Par ailleurs, l’ONG britannique Global Witness a déploré le carac-
tère peu transparent du partenariat stratégique entre la Gécamines et CNMC,
institué le 21 juin 2015, officialisé par Albert Yuma et le président de CNMC,
Zhang Keli. Selon la Gécamines, l’accord, qui a fait l’objet d’une rencontre
en Chine en septembre de la même année entre Zhang Keli et le président
Joseph Kabila, définit les principes de la coopération concernant le déve-
loppement de cinq grands projets miniers situés dans les trois groupes de
la Gécamines (sud, centre et ouest) dans le domaine de l’exploration, de
la prospection et des recherches minières. S’agissant de la mine Deziwa,
l’enjeu porte sur une ressource évaluée à quelque 4,5 millions de tonnes de
cuivre par MDM Engineering.

9
752 millions de tonnes d’une teneur de 2,67 %.
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 111

3.3. Kinshasa veut avoir son mot à dire dans les transactions
offshore
Les autorités congolaises, à défaut de pouvoir infléchir la tendance
lourde à la prise de contrôle d’un nombre croissant d’actifs par des sociétés
chinoises, souhaitent toutefois avoir leur mot à dire dans le choix de leur
partenaire.
En mai 2016, tombe la nouvelle de la vente à la China Molybdenum Co.
(CMOC) par l’Américain Freeport-McMoran de sa participation majoritaire
(56 %) dans Tenke Fungurume, scellant l’abandon d’un des derniers pans de
l’industrie du Katanga encore détenu par une société occidentale, dont les
réserves, estimées à 3,74 millions de tonnes de cuivre et 864 000 tonnes de
cobalt10, en font le projet le plus important en cours d’exploitation. Selon des
insiders, le motif de la cession a peu de rapport avec l’évolution du marché
du cuivre, mais serait plutôt inspiré par le besoin de compenser des décisions
malencontreuses de l’ancien patron de Freeport, Jim Moffet, responsable
d’investissements infructueux dans le secteur pétrolier des Caraïbes (La
Libre Belgique 2016). Le montant réel de la transaction concernant le rachat
des parts de Freeport dans la Société minière de Tenke-Fungurume (SMTF)
dépasserait les 4 milliards de dollars. Car l’accord prévoit la cession, avant
la fin de 2016, de ces participations pour 2,65 milliards de dollars et la
reprise par CMOC de 2 milliards de dollars de dettes de la filiale à 70 % de
Freeport, TF Holding, immatriculée aux Bermudes, détentrice de 80 % des
parts de SMTF, et dont l’actionnaire minoritaire est Lundin Mining.
Mais la Gécamines, qui possède 20 % dans STMF, ne souhaite pas être
mise devant le fait accompli. Dans un communiqué, elle se déclare « éton-
née » d’apprendre la nouvelle de la cession de sa participation dans le
gisement par Freeport dans la presse et décide « de faire examiner par ses
conseils les termes annoncés de l’opération au regard de ses droits en vertu
des accords la liant directement ou indirectement à Freeport-McMoran »
(Africa Mining Intelligence 2016b). L’entreprise d’État congolaise entend
faire jouer un droit de préemption sur les parts que Freeport voudrait céder.
Freeport conteste, arguant que la vente porte sur les actions de TF Holdings,
société enregistrée aux Bermudes, mais qu’elle ne change pas la structure de
l’actionnariat de la SMTF. En fait, indique un insider à La Libre Belgique,
la Gécamines essaie de négocier un dédommagement, dans une conjoncture
difficile, marquée non seulement par la baisse des cours du cuivre, mais
aussi par les résultats très décevants de l’ancienne société paraétatique dont
la production propre a dépassé à peine 16 000 tonnes de cuivre en 2015
contre plus de 36 000 tonnes en 2012, selon la Banque centrale du Congo.

10
www.lundinmining.com/i/pdf/summary_report_tenke_fungurume.pdf (consulté le
20 septem­bre 2016).
112 Conjonctures congolaises 2016

Fâché d’avoir été tenu à l’écart de la mégatransaction, le président de la


Gécamines, Albert Yuma, annonce au micro de RFI, le 10 septembre 2016,
que sa société va effectuer une contre-offre pour racheter les parts de Freeport,
déclarant : « les droits de la Gécamines ne peuvent pas être bafoués, ni ceux
de l’État11 ». Selon Albert Yuma, aucune décision relative à ces actifs ne
peut être prise sans l’accord du Congo. Il est hors de question d’accepter un
comportement qui consiste à les considérer comme des produits spéculatifs
qu’on peut s’échanger à l’étranger. On peut concevoir cette prise de position
politiquement légitime, du fait du rôle prééminent de l’industrie minière du
Katanga dans l’économie nationale : la valeur des exportations de l’indus-
trie minière et pétrolière a, en effet, représenté, en 2014, 95 % du total des
exportations congolaises, et, avec un montant de 1,14 milliard de dollars, la
contribution de l’industrie extractive a représenté, cette année-là, 28 % des
recettes ordinaires de l’État (FEC, Chambre des Mines 2016a).
Toutefois, la capacité de la Gécamines à mettre sur la table les milliards
réclamés par Freeport est mise en doute par beaucoup d’observateurs. En
effet, son chiffre d’affaires annuel atteint difficilement 150 millions de
dollars, tandis que sa dette dépasse le 1,5 milliard de dollars. À cela, Albert
Yuma rétorque que c’est la valeur de l’actif de classe mondiale qu’est Tenke-
Fungurume qui justifie la capacité de lever les fonds. Dans son entretien
avec RFI, le patron de la Gécamines justifie son attitude, exprimant sa frus-
tration envers la manière dont ont été appliqués les contrats de partenariats
conclus depuis 2000, rappelant avoir lancé des audits et défendant l’option
que son entreprise redevienne un opérateur majeur et plus seulement une
entreprise se contentant d’encaisser les dividendes. « On ne peut se satis-
faire que notre secteur minier soit à 100 % dans les mains d’étrangers. Ce
n’est pas acceptable. » « Que ce soit les Chinois ou d’autres partenaires, ce
type de partenariat où le mineur attend des dividendes qui n’arrivent jamais,
on n’en fera plus ni avec les Chinois ni avec d’autres », prévient le prési-
dent de la Gécamines, ajoutant que le partenariat avec CNMC, concernant
la mise en valeur des réserves de Deziwa, prévoit qu’au bout d’un certain
temps, la Gécamines récupère l’intégralité de la propriété du projet, et avec
suffisamment de réserves pour continuer à exploiter seule. À la question de
savoir s’il envisage une renationalisation, Yuma répond : « Absolument », au
risque d’inquiéter d’éventuels partenaires. Cela pourrait également mettre à
mal des investisseurs… Cela dit, au-delà de ces frictions, la relation avec
la Chine demeure stratégique, d’autant que l’un des principaux partenaires
miniers de la Gécamines, Sinohydro, est aussi l’une des principales parties

11
http://www.rfi.fr/emission/20160910-albert-yuma-mulimbi-grand-invite-economie
(consulté le 19 septembre 2016).
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 113

prenantes dans les grands projets hydroélectriques dont dépend l’expansion


du secteur minier. De la même manière, China Railway, partenaire-clé de la
Gécamines dans la joint venture Sicomines, est un partenaire incontournable
dans les projets d’avenir pour l’évacuation par chemin de fer des produits
miniers du Katanga.

4. Les perspectives du secteur


Concernant les infrastructures, un certain nombre de perspectives d’amé-
lioration se dessinent.

4.1. Des efforts accrus de l’industrie pour améliorer la disponibilité


énergétique
a) L’industrie s’engage dans le domaine des économies d’énergie
L’industrie minière katangaise, par-delà les accords passés avec le
Gouvernement ou la SNEL en vue d’accroître la capacité de génération
électrique, s’est engagée depuis quelques années sur le terrain des éco-
nomies d’énergie. Charles Carron Brown, lors de la semaine minière du
Katanga d’octobre 2015, animée par l’organisateur d’événements sud-
africain Spintelligent comme contribution à l’Infrastructure Partnership for
African Development (IPAD), avait présenté le projet de sa compagnie,
la Société d’exploitation de Kipoi SA (SEK), filiale de Tiger Resources,
cotée sur l’Australian Securities Exchange (ASX). Le projet de 6,8 mil-
lions de dollars, lancé en mai 2015 et mené avec la firme sud-africaine
Megatron Federal pour partenaire technique, visait à économiser jusqu’à un
maximum de 64 MW grâce au remplacement d’ampoules à incandescence
de 60 à 100 W par des ampoules fluorescentes de 14 W à Lubumbashi, ainsi
que des ampoules de 250 W sur les lampadaires par des ampoules de 100 W
(Carron Brown 2015). À la date d’octobre 2015, une économie de 3,5 MW
avait été constatée par la SNEL au lieu de 6 MW. Des économies avaient
été réalisées, mais cela avait servi à satisfaire une nouvelle consommation
de maisons qui n’étaient pas raccordées auparavant… Cela dit, il y a eu des
effets positifs. SEK témoigne également d’une augmentation de 50 % de
la puissance du réseau. Et le potentiel est important, à condition que soit
interdit l’usage des ampoules à incandescence, estime SEK, qui proposait
aussi un programme similaire pour Kinshasa permettant une économie de
150 MW pour un coût de 15 millions de dollars. Ce faisant, SEK a emboîté
le pas à MMG Kinsevere, filiale de MMG (Minmetals Group Company),
qui avait annoncé, en septembre 2014, la donation de 200 000 ampoules
économiques de 15 W à la province du Katanga, avec pour ambition de réa-
liser une économie de 17,2 MW sur le réseau de Lubumbashi (MMG 2014).
114 Conjonctures congolaises 2016

b) L’industrie minière propose une stratégie


En juillet 2015, la commission Énergie de la chambre des Mines a pro-
posé une stratégie pour juguler le déficit croissant auquel fait face l’industrie
minière (plus de 700 MW actuellement et près de 1000 MW en 2025, si
rien n’est fait) (Africa Energy and Mining 2015). L’un des éléments les plus
importants de cette stratégie consisterait à créer une nouvelle société pour
opérer le réseau à haute tension du sud du pays. Sa mission serait d’ache-
ter et de vendre l’énergie produite par la SNEL et d’autres fournisseurs
(étrangers ou producteurs indépendants locaux), mais aussi de transporter le
courant, d’assurer la gestion et la maintenance du réseau. Son actionnariat
serait privé à 70 %, laissant à la SNEL 25 % du capital et à l’État congolais
les 5 % restants. La viabilité de cette nouvelle entité serait assurée par des
tarifs de transport établis par le ministère des Ressources hydrauliques et
de l’Électricité sur la base des tarifs de référence utilisés dans le Southern
African Power Pool (SAPP). Cette refonte du secteur se faisait toujours
attendre fin 2016, mais plusieurs projets de génération laissaient néanmoins
entrevoir une amélioration possible de la situation.
c) Les projets de génération et de transport
Dans le contexte difficile du Congo, on assiste depuis plus d’une dizaine
d’années à une prise en main croissante de son destin énergétique par l’in-
dustrie minière (FEC, Chambre des Mines 2015b). Dans une évaluation
de la situation, en octobre 2015, la commission Énergie de la chambre des
Mines, après avoir dressé l’inventaire des projets de génération du Katanga,
aboutissait à la conclusion qu’il était possible de remettre 958 MW sur les
réseaux interconnectés rien qu’en menant à bien les projets de réhabilita-
tion des centrales existantes. Prudente, la Chambre considérait que l’apport
prévu de 1300 MW pour l’industrie minière du Katanga par la future centrale
hydroélectrique d’Inga III Basse Chute, sur le fleuve Congo, ne pourrait se
concrétiser que vers 2021, voire plus tard.
Certains projets tardent à se concrétiser. Les études de faisabilité, par
Tractebel, de la centrale de Nzilo II (120 MW) sur la Lualaba, que compte
construire la filiale Congo Energy du groupe belge Forrest, ont été approu-
vées, mais le financement est encore en attente. De son côté, le promoteur
de la centrale de Kalenge (104 MW), située sur la même rivière, ainsi que la
société du président de GML Construct, Pie-Claude Munga, envisagent de
faire une étude de faisabilité complémentaire à celles de la firme helvétique
d’ingénierie électrique Stucky, finalisées en 2011. Pour les autres projets, la
SNEL est à la recherche de promoteurs.
Mais d’autres projets avancent. Le 13 juin 2016, le coordinateur du
bureau de coordination de la coopération sino-congolaise, créé par le
Gouvernement, Moïse Ekanga, annonce que le consortium Sicomines,
dont fait partie Sinohydro avec le China Railway Group, Zhejiang Huyaou
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 115

Cobalt, la China Machine Engineering Corporation et la société d’État


congolaise Gécamines, va entamer, « dans les prochains jours », la construc-
tion du barrage de Busanga (240 MW), sur la rivière Lualaba (Africa Energy
Intelligence 2016a). À côté d’hôpitaux et de routes, ce barrage fait partie
des réalisations que doivent financer les sociétés chinoises avec le soutien
de l’Eximbank of China, en échange de l’accès à 6,8 millions de tonnes de
cuivre et 620 000 tonnes de cobalt, en vertu d’un accord conclu en 2009 avec
Kinshasa, connu comme « le contrat chinois », parce qu’il fut le premier du
genre. Le barrage doit alimenter en priorité les installations de la Sicomines,
qui a entamé l’exploitation minière en novembre et dont les besoins sont
estimés à 170 MW. Le surplus sera destiné à d’autres sociétés minières ou à
la consommation des ménages de la province du Lualaba.
Le 23 août 2016, le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrau-
liques, Jeannot Matadi Nenga Gamanda, signe un accord de concession
avec le directeur général d’une nouvelle joint venture Sicohydro, He Ying
Qiang, pour la construction du barrage, dont le coût est estimé à 617 mil-
lions de dollars (567 millions pour le barrage et la centrale, plus 50 millions
pour les lignes de transmission) (African Energy 2016). Sicohydro est la
co-entreprise ad hoc mise sur pied par la Sicomines et par trois compa-
gnies congolaises : la Gécamines, la SNEL et une société privée inconnue
dénommée Congo Management SA (COMAN). Avec ce projet qui prendra
au moins cinq ans, mais aussi le barrage de Zongo II (150 MW) sur la rivière
Inkisi, au Kongo-Central (ex-Bas-Congo), à 165 km de Kinshasa, dont elle a
repris la construction, Sinohydro s’impose comme un partenaire incontour-
nable du Congo, d’autant qu’elle appartient à l’un des consortia en lice pour
le contrat du mégaprojet d’Inga III Basse Chute (Africa Energy Intelligence
2016b).
D’autres acteurs congolais se lancent dans des projets d’envergure. C’est
le cas d’Éric Monga Mumba, président de Kipay Investments, qui a mis en
route l’étude de faisabilité technique du futur barrage hydroélectrique de
Sombwe (91 MW) sur la rivière Lufira, dans la province du Haut-Katanga.
Le coût de cette entreprise est estimé à 300 millions de dollars. Celle-ci,
conduite par les bureaux Ingerop (France-Afrique du Sud) et Knight Piesold
(Afrique du Sud), devait être prête en octobre 2016 et se profiler comme le
premier projet de production indépendant dirigé par un Congolais à voir le
jour en RDC (ibid.). Son atout principal réside dans le fait que son promo-
teur, ancien membre de la chambre des Mines de la FEC et actuel président
de la FEC pour les quatre provinces issues du Katanga, connaît bien les
besoins de l’industrie minière.
La société espagnole AEE POWER SPRL, appartenant au consortium
ProInga, dirige la société ACS de Florentino Pérez, qui dispute au consor-
tium chinois, dont fait partie Sinohydro, le marché de la centrale d’Inga III.
AEE POWER SPRL a, par ailleurs, créé, le 17 juin 2013, la filiale Katanga
116 Conjonctures congolaises 2016

Energy, « ayant pour objet la production, le transport, la gestion, la distri-


bution, l’achat, la vente, l’import, l’export, l’échange d’énergie électrique
ainsi que le développement, la construction, la réhabilitation, l’amélioration,
l’entretien, l’exploitation des infrastructures, installations et équipements
associés » (Katanga Energy 2013). Le directeur de Katanga Energy n’est
autre que l’ancien administrateur délégué de la SNEL, Noël Vika di Panzu.
Katanga Energy (KATen) et la Cominière constituent un partenariat pour
la réhabilitation de la centrale hydroélectrique de Mpiana Mwanga, près
de Manono (80 MW), et organisent un atelier à Lubumbashi, le 26 sep-
tembre 2014, présentant, outre ce projet, celui d’une centrale photovoltaïque
de 50 MW et d’une centrale au diesel de 100 MW (Katanga Energy 2014).
Le projet reçoit l’appui de plusieurs sociétés de la province du Tanganyika
(MANOMIN, ASM, MMR, SKT, SOMIMI et SEGMAL).
Congo Energy, filiale du Groupe Forrest créée en 2013, a fait savoir, en
juillet 2016, qu’elle allait boucler dans les prochains mois la réhabilitation
de 381 MW pour alimenter le réseau katangais dans le cadre de son pro-
jet FRIPT (Fiabilisation, réhabilitation et renforcement des infrastructures
SNEL de production et de transport) développé en partenariat avec la SNEL
et KCC (Africa Mining Intelligence 2016d). Le projet, qui fait l’objet d’un
partenariat technique avec Tractebel Engineering du Groupe Engie (ex-
GDF Suez), comprend notamment la réhabilitation d’une turbine de Nzilo I
(25 MW) et des turbines G 27 et G 28 d’Inga II d’une puissance de 162 MW
chacune, ainsi que le renforcement du transport en courant continu et alter-
natif afin d’assurer le transit d’une puissance de 1000 MW sur les 1700 km
entre Inga et Kolwezi12.
Ivanhoe Mines, cotée en bourse de Toronto, a annoncé, le 13 sep-
tembre 2016, la remise en service, financée par ses soins et par son partenaire
chinois Zijin Mining, dans la mine de cuivre et de cobalt de Kamoa, d’un
premier groupe de 11 MW à la centrale de Mwadingusha sur les six instal-
lés lors de sa construction en 1930 (Ivanhoe Mines 2016). Les travaux de
réhabilitation et de modernisation ont été menés à bien grâce à un parte-
nariat entre la SNEL et la filiale de la société canadienne, Ivanhoe Energy
sprl, sous la responsabilité technique de Stucky. Au-delà de Mwadingusha,
dont Ivanhoe espère qu’à l’issue de sa réhabilitation complète elle apportera
71 MW supplémentaires au réseau de la SNEL, la société canadienne et sa
partenaire chinoise dans Kamoa Holding Ltd entendent réhabiliter ensuite
la centrale de Koni (42 MW), également située sur la rivière Lufira, et celle
de Nzilo 1 (108 MW), sur la Lualaba. L’objectif est d’apporter au réseau
un minimum de 200 MW afin de pouvoir alimenter le projet de Kamoa.
Pour financer la réhabilitation de Koni et de Mwadingusha, une avance

12
www.forrestgroup.com/fr/congo-energy.html (consulté le 23 septembre 2016).
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 117

de 104 millions de dollars par Kamoa Holdings est prévue à la SNEL. Le


contrat prévoit que la compagnie minière sera remboursée par des réduc-
tions de tarifs.
Un certain nombre de projets sont donc programmés ou en chantier, per-
mettant d’augurer dans un délai de six à sept ans une résorption du déficit,
dans la plus optimiste des hypothèses. Mais d’ici là, la moitié des besoins
de l’industrie minière katangaise devra être satisfaite par des générateurs
diesel, avec l’inconvénient de pousser le coût de production de la tonne de
cuivre à un niveau dangereusement proche de celui du cours mondial. De
plus, sans résolution de la question énergétique, le niveau des coûts demeure
supérieur de centaines de dollars à celui du concurrent péruvien, malgré des
teneurs moyennes nettement plus faibles dans les mines du pays sud-amé-
ricain, qui dispose cependant de l’avantage de très importants volumes de
minéralisation (1470 millions de tonnes pour Cerro Verde), analyse le géo-
logue belge Pierre Goossens (Vigilant Financial Advisory 2014).

4.2. Logistique : vers un élargissement de l’éventail des voies


d’évacuation
Du côté de la logistique, les derniers avancements laissent entrevoir le
développement à moyen terme de nouveaux couloirs de transport, offrant
la perspective d’une concurrence au bénéfice des usagers, notamment de
l’industrie minière du Katanga, avec les voies existantes, vers les ports de
Dar es-Salaam (Tanzanie), Beira (Mozambique), Durban et Port Elizabeth
(Afrique du Sud).

a) Les perspectives de reprise du trafic vers l’Atlantique


Plusieurs perspectives se dessinent d’une reprise du trafic vers l’An-
gola, interrompu depuis 1975. La première concerne une liaison passant
par la Zambie13. En février 2014, les compagnies sud-africaines Grindrod
et Northwest Rail Company Limited (NWR) ont annoncé leur intention de
construire, d’exploiter et d’entretenir une nouvelle voie ferrée de 590 km
allant de Chingola, au cœur du Copperbelt zambien, jusqu’à la frontière
angolaise.
Le projet, qui a fait l’objet d’une étude de KPMG, comprend une première
phase de 489 millions de dollars pour la construction d’un lien ferroviaire de
290 km entre Chingola et les mines de Kansanshi, Lumwana et Kalumbila.
La seconde phase, de 500 millions dollars, effectuera la liaison avec

13
http://fr.africatime.com/articles/zambie-northwest-rail-company-sassocie-grindrod-pour-
developper-le-chemin-de-fer (consulté le 23 septembre 2016).
118 Conjonctures congolaises 2016

le chemin de fer de Benguela, dont la réhabilitation a été achevée en 2014


par China Railway, et débouchera sur le port de Lobito.
Les sociétés minières du Copperbelt katangais suivent également
avec intérêt le progrès d’une autre étude de faisabilité commandée par le
Gouvernement congolais à KPMG pour la réhabilitation des 427 km de la
ligne de chemin de fer menant de Kolwezi à la ville frontière de Dilolo. Cette
liaison directe vise à permettre l’évacuation des minerais vers le port ango-
lais de Lobito, au bout d’une ligne de 1344 km dont la capacité annuelle de
transport est de 20 millions de tonnes/an (Africa Mining Intelligence 2016c).
Une réunion entre des représentants de la chambre des Mines, du
Gouvernement congolais, de la SNCC et du Comité de pilotage de la réforme
des entreprises du portefeuille de l’État (COPIREP) a eu lieu, en avril 2016,
pour discuter du projet. Selon la Chambre, KPMG doit recueillir les infor-
mations techniques pour finaliser l’étude. Le coût de la réhabilitation du
chemin de fer en tant que tel est évalué par le ministère à quelque 350 mil-
lions de dollars. L’une des tâches de KPMG est d’évaluer les sources de
financement possibles du projet. Une première piste identifiée par le minis-
tère des Finances congolais est celle d’un financement de la Communauté
de Développement d’Afrique australe (SADC). La seconde consiste à étu-
dier quel montant les entreprises minières elles-mêmes seraient prêtes à
investir dans le projet, sachant qu’elles ont déjà beaucoup investi dans le
transport routier. L’étude de KPMG doit aussi inclure le recueil de données
sur le volume des exportations et des importations, sur les prix et le temps
du transport. La chambre des Mines considère l’ouverture vers l’ouest « pri-
mordiale » pour les opérateurs du Katanga.
Sur le tronçon congolais, quelques actions ont déjà été conduites ces
deux dernières années. Elles comprennent la pose de 4000 tonnes de nou-
veaux rails fournis par Tata Steel France, dans le cadre du projet de transport
multimodal financé par la Banque mondiale, qui doit contribuer au renou-
vellement et à la sécurisation de la voie ferrée. Le Congo s’est aussi doté
d’une usine de traverses propre, montée par la firme belge ITB Tradetech,
ce qui facilitera la réhabilitation de 130 km par an de voies ferrées de la
SNCC et favorisera la reprise progressive du trafic sur le corridor ouest.
En avril 2014, le vice-président de la chambre des Mines de la FEC, Eric
Monga, nous avait confié que le secteur privé du Katanga avait commencé à
établir des relations avec le Walvis Bay Corridor Group qui avait ouvert un
bureau à Lubumbashi, en novembre 2012. L’objectif était – et demeure – de
trouver un nouveau débouché aux ports sud-africains et au port mozam-
bicain de Beira, souvent engorgés, avec l’espoir de découvrir une voie
d’évacuation plus compétitive en attendant la réouverture de la liaison entre
Kolwezi et Lobito. Un comité technique du Walvis Bay Ndola Lubumbashi
Development Corridor, partenariat public-privé entre les opérateurs privés
congolais, zambien et namibien avec les gouvernements des trois pays,
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 119

a été mis sur pied. Ce couloir est considéré comme une option suffisamment
sérieuse par les compagnies minières du Copperbelt congolais pour que soit
envisagée la création d’un secrétariat permanent du corridor à l’horizon
décembre 201714. Il présente deux options : celle d’une liaison routière tout
le long des 2500 km du parcours et celle d’un transport ferroviaire jusqu’à
Livingstone (Zambie), avec une rupture de charge pour effectuer la liaison
par camions jusqu’à Grootfontein (Namibie), d’où les produits miniers sont
expédiés par voie ferrée jusqu’à Walvis Bay.
b) La Chine ouvre la voie de l’Est
Comme dans le domaine de l’énergie avec Sinohydro, la Chine s’impose
dans le domaine de la logistique en tant que partenaire crucial. Il s’agit,
en effet, pour la Chine de prendre en main la réhabilitation et la gestion
du mythique « Tanzania-Zambia Railway » (Tazara) ou « Uhuru railway »,
construit dans les années 1970 et reliant le port de Dar es-Salaam à la ville
zambienne de Kapiri-Mposhi, en vertu d’un accord conclu en mai entre des
représentants des trois pays (Chine, Tanzanie et Zambie) dans la capitale
tanzanienne (Afrique Asie 2016).
Comme en Angola, la mise en œuvre est confiée à China Railway, égale-
ment représentée dans le capital de Sicomines. Au-delà d’une réhabilitation,
il est question de l’expansion du projet, avec la construction de plusieurs bre-
telles reliant la voie ferrée originale au nouveau port tanzanien de Bagamoyo,
mais aussi au Malawi, au Rwanda et au Burundi. Le Gouvernement tanza-
nien travaille déjà avec la Chine sur le projet de construction du port de
Bagamoyo et de sa zone économique spéciale (ZES), laquelle sera reliée
par une ligne de 40 km au Tazara. L’un des principaux défis du chantier de
la réhabilitation sera l’installation d’un écartement homogène sur la tota-
lité des 1860 km de la ligne, actuellement divisée en deux tronçons (l’un
à écartement métrique et l’autre de 1,067 m, comme dans les autres pays
d’Afrique australe).

4.3. Le paramètre politique


Au-delà de critères purement économiques, l’avenir de l’exploita-
tion minière demeure soumis à la stabilisation de la situation politique au
Congo. Dans le communiqué publié à l’issue de la visite d’une mission
du Fonds monétaire international (FMI) à Kinshasa, du 1er au 8 juin 2016,
son responsable, Norbert Toé, évoque avec euphémisme l’incertitude née
du refus du pouvoir en place de donner les garanties suffisantes sur le res-
pect du calendrier des élections et sur celui de la Constitution, qui interdit

14
http://www.transportworldafrica.co.za/2016/06/20/wbnldc-member-states-sign-transport-
agreement/ (consulté le 22 septembre 2016).
120 Conjonctures congolaises 2016

au président de demeurer en place au-delà de son ultime mandat expirant


le 19 décembre 2016. Le représentant du FMI constate qu’en 2016, « les
difficultés de conjoncture extérieure, associées aux incertitudes pesant sur
la situation intérieure, ont continué d’impacter négativement la croissance
économique » (Fonds monétaire international 2016). Et il prévoit qu’« à
terme, l’économie devrait rester soumise à des vents contraires, notamment
la lenteur de la croissance dans les pays avancés et émergents, le durcisse-
ment de la situation financière internationale, et les incertitudes pesant sur
la situation intérieure ».
Le président de la Gécamines, Albert Yuma, pourtant proche de Joseph
Kabila, dans l’interview diffusée par RFI le 10 septembre 2016, ne démen-
tait pas cette situation d’incertitude, reconnaissant que « l’incertitude
politique n’est jamais bonne pour les affaires » et qu’« un climat de stabilité
ne peut se faire qu’à travers un consensus de toutes les forces publiques ».
L’insurrection du 9 septembre 2016 dans la ville frontière de Kasumbalesa,
qui a vu une foule en colère, reprochant aux autorités l’insécurité chronique,
incendier des bâtiments et des véhicules, suite à la mort d’un cambiste, a
entraîné, entre autres conséquences immédiates, la fermeture de la frontière
par les autorités congolaises et zambiennes pendant plus de 24 heures. Et
les installations de la SNEL, rendue responsable de la criminalité, en rai-
son de son incapacité à garantir un éclairage suffisant, ont également été
saccagées par les manifestants. En temps normal, déjà, le transfert des mar-
chandises est rendu soit précaire, du fait d’accidents comme l’incendie de
70 camions survenu à la suite du choc entre un poids lourd et un camion-
citerne le 24 novembre 2014, soit laborieux et très long. Il arrive que les
files de camions s’étirent de part et d’autre de la frontière sur plusieurs
kilomètres. Selon l’agence Xinhua, le 30 septembre 2014, en raison de la
complication des démarches de dédouanement, pas moins de 1259 camions
étaient bloqués entre Kasumbalesa et la ville zambienne de Chililabombwe.

4.4. Le plan de relance de la Gécamines


La relance annoncée de la Gécamines fait également partie des pers-
pectives d’avenir. Sur RFI, le président Albert Yuma a annoncé, le
10 septembre 2016, un plan de relance de production reposant sur la récu-
pération d’actifs importants et sur la réduction de 200 millions de dollars de
l’endettement de l’entreprise, qui a diminué de 1,66 à 1,57 milliard de dol-
lars depuis 2010.
Ce plan de relance prévoit une réduction des effectifs de 12 000 à
7000 personnes, dans le cadre d’un plan social de 115 millions de dollars
négocié avec les syndicats. Selon Albert Yuma, il a été décidé de fermer
toutes les filières non rentables et obsolètes, sur le conseil d’études réalisées
par des cabinets extérieurs. Et le président se targue de ce que la Gécamines
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 121

se retrouve la seule entreprise du portefeuille de l’État à financer intégrale-


ment le départ de ses personnels, en respectant intégralement les avantages
de la convention collective. Le plan prévoit un volume d’investissements
nouveaux de 714 millions de dollars, qui sera alimenté, d’ici à 2020, par les
activités de l’entreprise, et à hauteur de 200 millions par un prêt bancaire.
L’objectif est de produire 74 000 tonnes de cathodes de cuivre dans deux ans.
Il est prévu que les mines de Kamfundwa et de Kamantanda (groupe Centre)
assurent à elles seules cet objectif. Un opérateur extérieur est recherché
pour Kamfundwa, à désigner par un comité de pilotage mis en place par la
Gécamines avec ses partenaires, Scorpion Mining et MRI Trading.
Au préalable, il faudra procéder à l’audit des groupes Centre et Ouest. Sur
le site de Kamantanda, où s’opère notamment l’installation de traitement des
rejets de Panda (Big Heap), et des usines de Shituru, la Gécamines entend
atteindre une production annuelle de 24 000 tonnes grâce à l’installation
d’une ligne électrique et d’un concasseur. À ce plan, un apport supplémen-
taire est attendu du groupe Ouest, qui démarrera après le choix du procédé
de valorisation des minerais contenus dans les rejets de Kingamyambo et
de Potopoto qui demeurent à certifier. Il implique l’entrée en service de
l’usine de Deziwa, dont la capacité est évaluée à 80 000 tonnes, dans le
cadre de la co-entreprise avec China Nonferrous Metal Mining (CNMC)
déjà évoquée. Il s’agit, selon Albert Yuma, d’un partenariat nouveau avec la
Chine. Au terme d’une période d’investissement convenue de production,
les partenaires chinois financent une usine de 80 000 tonnes dont la capacité
sera portée à 200 000 tonnes. Et, au bout d’une période déterminée, ils sont
remboursés. La Gécamines reste ainsi propriétaire des investissements et de
la mine.
Les sceptiques se demandent, cependant, pourquoi un énième plan de
relance aurait-il plus de chances d’aboutir, d’autant que le Premier ministre
lui-même exprime des doutes sur la qualité de la gouvernance de l’entre-
prise. Depuis la nomination d’Albert Yuma, en août 2011, à la présidence
de la Gécamines, la production propre de la société, après une remontée à
36 452 tonnes (2012), puis à 40 707 tonnes (2013), a plongé à 15 090 tonnes
(estimation pour 2014). En outre, les chiffres de 2015 (estimations) et
de la première moitié de 2016 semblaient indiquer une stagnation avec
16 811 tonnes, et une nouvelle baisse (7572 tonnes), selon les statistiques de
la BCC (Banque centrale du Congo 2016). La question que tout le monde se
pose est de savoir ce que l’entreprise d’État, qui est surtout apparue comme
un holding, a pu faire des dividendes provenant des partenariats, même si
elle n’a sans doute pas tiré tous les revenus, dividendes ou royalties qu’elle
aurait dû obtenir des joint ventures, comme le rappellent Stefaan Marysse
et Claudine Tshimanga, tout en soulignant « l’opacité de la Gécamines »
(Marysse & Tshimanga 2014 : 129-162). Stefaan Marysse estime, de sur-
croît, que cette « double casquette » de producteur et de courtier du sous-sol
122 Conjonctures congolaises 2016

congolais pour le compte de l’État est à la fois ambiguë et improductive.


De son point de vue, s’agissant d’un bien privé (cuivre), l’économiste belge
pense que la sagesse inciterait au choix de la privatisation, même s’il faut
reconnaître qu’au Chili, la Codelco parvient avec succès à concurrencer
les grandes sociétés minières internationales et à maximaliser les revenus
de l’État15. Quoi qu’il en soit, la conjoncture baissière que nous venons de
décrire, tout comme l’incertitude liée au futur institutionnel du pays, sont de
nature à inciter plutôt les investisseurs à la prudence.

Conclusion
Les efforts réels des principaux acteurs privés du secteur minier du
Copperbelt de se doter des infrastructures nécessaires à satisfaire les besoins
de l’industrie et des projets d’expansion, combinés à l’importance des gise-
ments et à la qualité de leurs teneurs, font croire à la capacité de générer une
nouvelle croissance dans l’exploitation minière au Katanga. Mais toute la
question est celle des délais. Dans la meilleure des hypothèses, la construc-
tion des barrages et des voies ferrées envisagés prendra plusieurs années.
Entre-temps, l’industrie minière devra continuer à supporter le coût d’une
énergie chère et parfois erratique ainsi que des délais de transport trop longs
et érodant la compétitivité. Si les cours continuent à se situer au-dessous
des 5000 dollars/tonne de cuivre, le pari sera difficile. En outre, si le Congo
ne renoue pas rapidement avec la stabilité politique, il est à craindre que
les investisseurs ne se ruent pas pour mener à bien leurs projets miniers ou
d’infrastructures, et attendent des jours meilleurs. Un arbitrage définitif sur
le Code minier contribuerait aussi à clarifier la situation et à mettre fin aux
spéculations inhibitrices de décisions d’investissement.

Bibliographie
Africa Energy Intelligence. 2016a (21 juin). « Contre du cuivre, Sinohydro multi-
plie les barrages hydroélectriques ».
Africa Energy Intelligence. 2016b (23 août). « La pénurie de courant dans les mines,
une aubaine pour le Katangais Eric Monga ».
Africa Mining Intelligence. 2015 (17 novembre). « La pénurie d’électricité compro-
met l’essor du Katanga ».
Africa Mining Intelligence. 2016a (29 mars). « Les miniers ne veulent pas financer
la route de Richard Muyej ».

15
Dans une analyse publiée en mai 2008 sous le titre « République démocratique du Congo.
La bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de croissance », la Banque
mondiale relève qu’en 2002, la productivité de la Gécamines de 0,83 tonnes/an de cuivre
par employé, était plus de cent fois inférieure à celle de la Codelco (96,42 tonnes/employé).
Les causes multiples du ralentissement de l’activité dans le Copperbelt 123

Africa Mining Intelligence. 2016b (17 mai). « La Gécamines tique sur la cession de
Tenke à China Molybdenum ».
Africa Mining Intelligence. 2016c (14 juin). « KPMG étudie la réhabilitation du
chemin de fer vers Lobito ».
Africa Mining Intelligence. 2016d (11 juillet). « Forrest électrifie le Katanga ! ».
Africa Mining Intelligence. 2016e (26 juillet). « Des rails de la SNCC bientôt concé-
dés aux miniers ? »
Africa Mining Intelligence. 2016f (30 août). « GCM : le dernier pari d’Albert
Yuma ».
Afrique Asie. 2016 (juillet-août). « Afrique de l’Est : Tazara remis à neuf ».African
Energy. 2016 (15 septembre). « Sino-Congolese JV signs for for Busanga ».
Agence congolaise de presse. 2016 (7 septembre) « Le gouverneur du Lualaba fus-
tige l’implication des officiels dans la fraude minière ».
Banque centrale du Congo. 2016 (3 août). Condensé d’informations statistiques.
Rapport n° 30.
Banque mondiale. 2008 (mai). République démocratique du Congo. La bonne gou-
vernance dans le secteur minier comme secteur de croissance.
Carron Brown, Ch. 2015 (20-21 octobre). « Économies d’énergie grâce à des
ampoules basse consommation ». Société d’exploitation de Kipoi SA. Présentation
PowerPoint lors de la conférence IPAD-Semaine minière du Katanga, Lubumbashi.
FEC, Chambre des Mines. 2015a (20 juillet). « Opérateurs de réseau tiers ».
Présentation PowerPoint.
FEC, Chambre des Mines. 2015b (octobre). « Augmentation du productible énergé-
tique ». Présentation PowerPoint.
FEC, Chambre des Mines. 2016a (10 février). Industrie minière en RDC. Rapport
annuel 2015.
FEC, Chambre des Mines. 2016b (mai). Industrie minière en RDC. Rapport du pre-
mier trimestre 2016.
Fonds monétaire international. 2016 (8 juin). Les Services du FMI achèvent leur
visite en République démocratique du Congo.
International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank. 2010.
The Democratic Republic of Congo’s Infrastructure: A Continental Perspective.
International Copper Study Group (ICSG). 2016 (22 août). « Copper preliminary
data for May 2016 ». Communiqué de presse
Ivanhoe Mines. 2016 (13 septembre). Communiqué de presse.
Jeune Afrique. 2015 (1er octobre). « Mines. Le Katanga se serre la ceinture… de
cuivre ».
Jeune Afrique. 2016 (25 avril). « Infrastructures. Ces corridors africains qui valent
de l’or ».
Katanga Energy. 2013 (17 juin). « Actes constitutifs et statuts ».
124 Conjonctures congolaises 2016

Katanga Energy. 2014 (26 septembre). « Communiqué de presse sur l’atelier de


présentation de la centrale hydroélectrique de Mpiana Mwanga ».
La Libre Belgique. 2016 (11 mai). « Tenke Fungurume devient chinoise ».
« Loi n° 07/2002 du 11 juillet 2002 portant sur le Code minier ». 2002 (15 juillet).
Journal officiel de la République démocratique du Congo, numéro spécial.
Marysse, S. 2015. « Croissance cloisonnée. Note sur l’extraversion économique en
RDC ». In S. Marysse & J. Omasombo (éd.), Conjonctures congolaises 2014.
Politique, territoires et ressources naturelles. Paris/Tervuren : L’Harmattan/MRAC
(coll. « Cahiers africains », n° 86).
Marysse, S. & Tshimanga, C. 2014. « Les “trous noirs” de la rente minière en
RDC ». In S. Marysse & J. Omasombo (éd.), Conjonctures congolaises 2013.
Percée sécuritaire, flottements politiques et essor économique. Paris/Tervuren :
L’Harmattan/MRAC (coll. « Cahiers africains », n° 84).
Misser, F. 2013. La Saga d’Inga, l’histoire des barrages du fleuve Congo. Paris/
Tervuren : L’Harmattan/MRAC (coll. « Cahiers africains», n° 83).
MMG. 2014 (4 septembre). « MMG Kinsevere : donation de 200 000 ampoules
économiques à la province du Katanga ». Communiqué de presse.
Natural Resources Governance Institute. 2015 (8 avril). « Les géants du cuivre ».
PricewaterhouseCoopers (PwC). 2013. « Africa gearing up. Future prospects in
Africa for the transportation & logistics industry ».
Primature. 2016 (12 septembre). « Cellule de communication et relations exté-
rieures ». Communiqué de presse n° 39/09/16.
Protection Group International Ltd. 2015 (7 octobre). « Congo, DRC: Decentralisation
to increase transport and taxation costs in Katanga ».
Vigilant Financial Advisory. 2014 (septembre). « Comparaison entre l’attractivité
du Pérou et celle de la République du Congo avant et après la révision de leurs
codes miniers respectifs ».

Vous aimerez peut-être aussi