RHSH 025 0143

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LES NEUROSCIENCES VUES PAR LES « PSYCHIATRES D'EN BAS »

AUTOUR DES ANNÉES 2000

Jean-Christophe Coffin

Éditions Sciences Humaines | « Revue d'Histoire des Sciences Humaines »

2011/2 n° 25 | pages 143 à 163


ISSN 1622-468X
ISBN 9782361060237
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2011-2-page-143.htm
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Revue d’Histoire des Sciences Humaines, 2011, 25, 143-164.

Les neurosciences vues par les


« psychiatres d’en bas »
autour des années 2000
Jean-Christophe Coffin

Résumé
L’article retrace la réception de la production intellectuelle des neurobiologistes
contemporains et des artisans de la philosophie de l’esprit dans la psychiatrie française.
Ce travail a été mené à partir de l’étude d’un groupe de neuropsychiatres français for-
més dans les années 1950 et marqués par l’œuvre du psychiatre Henri Ey (1900-1977).
Sans contester l’importance et la nécessité d’une approche biologique des troubles
mentaux, ils expriment une certaine interrogation face à l’émergence d’un nouveau
réductionnisme qui serait à l’œuvre selon eux dans les débats autour de la conscience
et des rapports entre cerveau et pensée. En dépit de la réorganisation des disciplines du
vivant et de la psyché, ils pensent nécessaire de défendre une spécificité de la psychia-
trie au nom d’une tradition clinique qui serait malmenée et s’interrogent sur l’avenir du
dialogue intellectuel avec les sciences humaines.
Dans une seconde partie l’article cherche à inscrire ces propos dans les débats de la psy-
chiatrie française des années 1980 aux années 2000. Il semble se dessiner à ce niveau
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une volonté de pacification des antagonismes sans qu’il soit encore clair de savoir s’il
s’agit d’une attitude diplomatique ou d’un accord sur la construction d’un nouveau
paradigme autour d’un sujet désormais cérébral.

Mots-clés : Henri Ey – Psychiatrie – Neurobiologie – France contemporaine.

Abstract : Neuroscience seen by « psychiatrists from below » in the years 2000


The article recounts how the intellectual production of contemporary neurobiologists
and neurophilosophers was received within the French psychiatry. This work is based
on the study of a group of French neuropsychiatrists founded in the 1950’s and in-
fluenced by the works of psychiatrist Henri Ey (1900-1977). Although the group mem-
bers do not question the importance and necessity to approach mental diseases from
a biological point of view, they are wary about the emergence of a new reductionism
which, according to them, is at work in the debates on consciousness and the mind-
body issue.
In spite of the reorganisation and extension of the biological sciences in the field of
psychiatry they think it is necessary to defend the specificity of psychiatry in the name
of a long standing practice they feel is being given a rough handling. Also they wonder
if the dialogue with the human sciences has any future.
In its second part, the article seeks to make these questions fit in with the debates occur-
ring in French psychiatry in the period 1980-2000. There seems to be a will to appease
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

antagonisms, although it is not clear whether the purpose is purely diplomatic or if it is


to speak in favour of the design of a new paradigm about a cerebral subject.

Key-words : Henri Ey – Psychiatry – Neurobiology – Contemporary France.


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Jean-Christophe Coffin

Introduction

Les avancées neurobiologiques concernant le fonctionnement cérébral constituent


une promesse pour une spécialité, la psychiatrie, qui dans son histoire a obtenu peu de
conquêtes réelles. On bute en effet depuis longtemps sur la compréhension de certaines
pathologies telles que la schizophrénie ou l’autisme. La dimension génétique des
comportements pathologiques est posée depuis de nombreuses décennies comme un
principe auquel il faut adhérer mais on ne sait encore l’expliquer point par point. Des
indices de plus en plus nombreux permettent cependant d’envisager une amélioration
dans un futur raisonnablement proche. La psychiatrie française a produit ces dernières
décennies peu de travaux de recherche que ce soit en épidémiologie ou en biologie des
comportements mais sa contribution à l’essor de la psychomarcologie et des techniques
d’imagerie est en revanche plus nette. Tout en étant très attachés à leur appartenance
hospitalière et à la nécessité de l’examen direct du malade, les psychiatres français ont
une tradition d’échanges et de débats intellectuels plutôt fournis. L’ouverture à des
courants ou à des options intellectuelles extérieures au strict champ médical est souvent
considérée comme une nécessité par les psychiatres eux-mêmes. La phénoménologie a
été un appui intellectuel considérable pour plusieurs générations d’entre eux. Bien que
peu tournés vers la production sociologique, il n’est pas rare de trouver des psychiatres,
surtout depuis les années 1960, qui considèrent que si leur métier est du côté de la
médecine, il est aussi producteur d’un savoir sur l’humain qui doit en conséquence
être nourri par les sciences de l’homme. Il se trouve bien des psychiatres pour penser
que la maladie mentale est une perturbation du cerveau et que l’on doit se concentrer
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sur l’investigation de cet organe d’autant plus depuis les progrès des connaissances
neurobiologiques. Mais d’autres – il est difficile de donner des proportions exactes –
s’ils reconnaissent tout autant que leurs collègues que la maladie mentale trouve son
origine dans des dysfonctionnements physiologiques complexes, considèrent la folie
comme un drame proprement humain et d’autres soulignent les nombreuses interactions
entre la perturbation psychique et l’environnement social.
Le temps de l’interrogation critique sur la fonction du psychiatre dans la société tout
comme la réflexion sur le sens de ce qu’est la psychose ne sont pas clos mais l’attention
est incontestablement mobilisée par les recherches neurobiologiques et neurochimiques.
De la même manière que l’arrivée de médicaments ayant eu un réel impact sur les
malades a été massivement saluée et a été vécue comme une heureuse révolution,
la recherche produite par les sciences bio-médicales contemporaines est considérée
comme une avancée potentiellement tout aussi décisive pour l’avenir. L’orientation
neuro-biologique est devenue l’orientation dominante puisque les laboratoires sont
insérés dans des institutions de recherche bio-médicale, que ce soit l’Inserm en France
ou les opérateurs de recherche américains ou anglais.
Parmi les pages des nombreuses revues de la psychiatrie française ou parmi les
interventions prononcées dans la multitude des journées d’études et des congrès
organisés sur le territoire français, il n’est pas rare de lire ou d’entendre des propos
tranchés et critiques. Force est de reconnaître que ceux-ci portent avant tout sur
l’organisation du métier de psychiatre, les questions de prise en charge et l’emprise

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

d’une vulgate « psy » sur tout un ensemble de pratiques liées à la vie sociale. Ces débats
rappellent la grande variété des interventions du psychiatre dans la vie sociale : prison,
clinique pour bobos de l’âme, éducation de l’enfant, conseils aux couples en bataille
interne etc. Ce que certains appellent la crise de la psychiatrie française recouvre donc
des réalités fort différentes. La dénonciation – souvent ambivalente – de la domination
du manuel américain de classification des maladies mentales est-elle de même portée
que ceux qui s’inquiètent d’une naturalisation excessive des maladies mentales ?
Face à ce contexte, il est délicat pour l’historien de porter un diagnostic précis sur les
forces en présence et de prendre précisément en compte le caractère hétéroclite des
discussions1. On peut toutefois faire l’hypothèse que le modèle neurobiologique de
la maladie mentale a le vent en poupe depuis plusieurs années, en partie sans doute
parce que des résultats de recherche sont venus redonner espoir à celles et ceux qui
attendent avec impatience une avancée de la connaissance des mécanismes intimes
du psychisme. Doit-on en déduire que la psychiatrie dans son ensemble se range à
l’idée d’une primauté du substrat neuronal pour expliquer le comportement humain
en toutes circonstances ? C’est loin d’être une certitude. L’insistance avec laquelle on
évoque, par exemple, le caractère unique de la psychiatrie, sa dimension complexe et
devant reposer sur des capacités multiples souligne que les apports externes sont vus
comme nécessaires pour apporter une prise en charge globale du patient, qui demeure
l’antienne de la psychiatrie française contemporaine2.
Je porterai mon attention sur la réception de certains des débats en cours à partir
d’un groupe de psychiatres dont la caractéristique est d’être peu intégré aux circuits de
la recherche globalisée et d’avoir effectué l’essentiel de leur carrière. Ce dernier point
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permet d’observer comment ils perçoivent les évolutions de leur profession depuis une
vingtaine d’années et comment ils apprécient les reformulations profondes du savoir
produit sur l’homme dans leur champ de compétences.
Mon exploration prend comme point d’ancrage un ouvrage récemment paru et
intitulé De la folie au cerveau. Psychiatrie et neurologie, une histoire de famille3 écrit
par un médecin à la retraite depuis plus d’une décennie du nom de Robert Michel
Palem dans lequel se trouvent commentés des ouvrages de neurobiologistes et des
philosophes de la conscience. Palem appartient à la génération de Marc Jeannerod ou
d’Alain Berthoz mais son parcours est différent et sa célébrité moindre4. Il n’a pas opté
en faveur de la recherche et de l’enseignement mais s’est tourné vers l’activité clinique.
Neuropsychiatre libéral, selon les termes en usage, il s’est parallèlement engagé dans
le combat syndical et a contribué à l’organisation de publications professionnelles tout
comme de plusieurs livres aussi bien sur le psychanalyste Jacques Lacan (1901-1981)
que l’évolution de la psychiatrie ou encore autour de l’œuvre d’Henri Ey. C’est ce
personnage qui mobilise son attention depuis de nombreuses années. Henri Ey (1900-

1
Pour une tentative de dresser un panorama de la situationa actuelle : Coffin, 2009.
2
Le site de l’association britannique de psychiatrie met en avant la dimension sociale et psychologique
que tout psychiatre doit mobiliser pour appréhender et comprendre un malade mental.
3
Palem, 2007.
4
Ces deux personnes sont des neurophysiologistes et respectivement professeur à l’université de Lyon
et professeur au Collège de France et sont considérées comme des figures des neurosciences en contexte
français.

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Jean-Christophe Coffin

1977) tient une place à part dans son panthéon personnel tout comme celui-ci tient
une place de choix au sein de la psychiatrie française d’après guerre. Figure morale
et intellectuelle tout au long des années 1950 et 1960, Henri Ey a été influent au sein
de la psychiatrie d’inspiration phénoménologique ; ses séminaires parisiens ont été
suivis par de nombreux jeunes psychiatres qui venaient se nourrir de sa pratique et de
ses réflexions. Auteur d’un Manuel qui a été lu par plusieurs générations d’internes, il
s’installe, à sa retraite dans sa terre natale, les Pyrénées-Orientales, cultivant volontiers
ses attaches catalanes5. C’est à ce moment-là que la rencontre entre le maître vieillissant
et Robert M. Palem devient régulière et suffisamment proche pour que ce dernier
s’occupe, à la mort de Ey de ses archives et de sa vaste bibliothèque personnelle. C’est
après ce décès qu’il s’engage dans la réalisation de plusieurs ouvrages permettant de
découvrir l’œuvre et la vie professionnelle d’Henri Ey. À cet investissement personnel,
il est créé une association pour honorer la mémoire du maître en 19956 dont il est
la cheville ouvrière tandis que celle-ci réunit des figures plus ou moins connues de
la psychiatrie. Cette structure édite une revue depuis 2000 qui porte sur certains
aspects de la pensée du maître tout en s’écartant, à l’occasion, de la seule intention
biographique7. D’une certaine manière il a été recréé au fil des années, l’esprit de la
Société de l’Évolution Psychiatrique fondée dans l’entre-deux-guerres et qui publie la
revue L’Évolution psychiatrique (1925) incarnant, depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, une psychiatrie française ouverte aux autres disciplines, fortement marquée
par la phénoménologie et rejetant l’hypothèse que la connaissance du cortex ou
aujourd’hui la machinerie neuronale suffirait au psychiatre pour comprendre l’homme
altéré par son trouble mental. Cette revue a acquis une grande visibilité et constitue
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encore aujourd’hui l’un des piliers de la production psychiatrique française. Henri Ey
en fut un des dirigeants tandis que Jean Garrabé président de la Fondation Ey basée à
Perpignan a été par ailleurs président de la Société de l’Évolution Psychiatrique.
L’ouvrage que Palem voulait réaliser depuis longtemps relate l’intérêt pour le
cerveau depuis le xixe siècle et réunit une galerie impressionnante de savants de France
et d’ailleurs. Basé sur plus de trois cents références, l’auteur semble avoir tout lu ou
presque et paraissent au détour des pages les propos ou des commentaires sur Marc
Jeannerod, les époux Churchland, Jean-Pierre Changeux, Daniel Dennett, Gerald
Edelman, Eric R. Kandel et quelques autres ; en d’autres termes, des figures marquantes
des neurosciences et de la philosophie de l’esprit ou de la neurophilosophie, les termes
pouvant être changeants en la matière.
Pourquoi ce livre ? Il relève aux yeux de l’auteur de la nécessité. En effet face aux
débats engagés par la découverte d’un nouvel esprit, celui suggéré par les découvertes
des neuroscientifiques, face aux reformulations durables qui pourraient avoir lieu
– ou qui sont déjà en cours ! – au sein des sciences du psychisme, il y a besoin du
détour par l’histoire. Son livre est conçu comme une contribution aux discussions
5
Ey, 1960 ; l’ouvrage a connu de nombreuses rééditions depuis sa parution.
6
Le titre exact est : Association pour la Fondation Henri Ey.
7
Depuis quelques années, l’association porte un certain intérêt à la rencontre avec des historiens et
plusieurs ont ainsi pu avoir accès aux archives et dialoguer avec plusieurs des membres de l’association.
Je précise que je suis membre de cette association depuis plusieurs années et que j’ai effectué de nombreux
entretiens avec R.M. Palem toujours savoureux et instructifs ; qu’il en soit ici remercié.

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

sur les recompositions des savoirs qui s’imposeraient suite aux nouveaux acquis des
recherches sur le cerveau et de leurs retombées sur notre compréhension des pathologies
mentales, notamment celles encore mal définies. Le détour par l’histoire pour mieux
saisir les enjeux du présent et les nouvelles affirmations élaborées par la grille de
lecture cognitiviste dans le champ des sciences du psychisme, tel est le choix personnel
de R.M. Palem. Décision qui appartient à ce dernier mais qui n’est pas singulière ou
exceptionnelle. En effet, depuis l’incursion de Michel Foucault dans le domaine de la
folie et de la psychiatrie, certains psychiatres ont engagé un retour sur leur profession et
leur savoir même si d’autres n’avaient pas attendu le philosophe du Collège de France
pour le faire. Il y a incontestablement une certaine propension parmi ceux qui proposent
un regard sur leur métier et une réflexion sur les évolutions du savoir psychiatrique à
s’engager dans un dialogue avec leur histoire. Cette exploration prend des contours
variables et en France, elle a souvent été l’occasion de construire une réponse à Michel
Foucault8. Dans le cas précis de R.M. Palem, c’est aussi une manière implicite de
signaler aux historiens9 qu’il y aurait urgence à s’occuper des reformulations induites
par les neurosciences et qu’il serait grand temps de répondre en quelque sorte aux
avancées des neurosciences ; il estime nécessaire que les représentants des sciences
humaines réagissent, si possible de concert avec les psychiatres qui, comme lui,
éprouvent de nombreuses interrogations, pour ne pas dire de nombreux agacements face
à ce qu’ils observent. C’est pourquoi ce livre est le point de départ de cet article sans
qu’il constitue une réponse à l’auteur. Il me semble pertinent d’apprécier, en revanche,
à partir de cet ouvrage les débats contemporains au sein de la psychiatrie française face
au « tournant cognitiviste » engagé depuis la fin du siècle dernier. Il ne s’agit pas de
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dresser une cartographie des positions des uns et des autres mais plus modestement de
partir d’un groupe qui gravite autour de l’œuvre d’Henri Ey. L’intérêt de prendre appui
sur les propos de R. M. Palem tient à ce qu’il n’est pas identifiable à l’ensemble un peu
vague des psychiatres d’obédience psychanalytique qui passent pour être très opposés
aux reformulations en cours dans leur champ professionnel10. Il m’a paru plus pertinent
de choisir une figure qui a été marquée par la neurophysiologie et la neuropsychologie
qui sont des domaines de recherches précédant l’avènement et la consolidation des

8
Sans pouvoir entrer plus dans le détail, il convient de signaler que depuis les années 1980, il existe
plusieurs lieux tels que des sociétés savantes (Société française d’histoire de la psychiatrie et de la
psychanalyse, Association européenne d’histoire de la psychiatrie) ou des revues (History of Psychiatry)
qui ont produit et continuent de produire une exploration de l’histoire de la psychiatrie. Les acteurs de ces
travaux avaient et ont encore l’ambition d’aller au-delà d’une collection de mémoires. Il faut aussi souligner
que certains de ces espaces savants ont disparu ou sont moribonds. On ne peut ici s’aventurer dans une
interprétation de ce phénomène mais il signifie sûrement quelque chose !
9
Depuis que l’Association pour la fondation Henri Ey contribue à la constitution d’un fonds de recherche
sur la psychiatrie, les dirigeants de l’association savent désormais que Michel Foucault ne représente pas la
seule manière d’écrire une histoire de la folie et encore moins une histoire de la psychiatrie.
10
Palem a été notamment formé par le Pr Paul Delmas Marsalet (1898-1977), neurologue bordelais qui
a aussi formé Jean-Didier Vincent, neurobiologiste invité des médias et membre de l’Académie des Sciences.
Bordeaux a été longtemps un lieu de formation en « neuro ».

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Jean-Christophe Coffin

neurosciences dans le monde académique11. C’est une manière de s’intéresser à des


figures qui sont, à mon sens, mises de côté car elles ne correspondant pas aux grilles
de lecture que l’on applique pour rendre compte des sciences du psychisme dans la
France contemporaine, largement mobilisées autour de la place de la psychanalyse.
C’est enfin une démarche permettant d’enquêter sur l’émergence des neurosciences
en tant qu’événement et d’essayer d’en comprendre au moins partiellement les raisons
et de faire en sorte que l’écriture historique d’un temps présent ne soit pas le strict
équivalent d’une écriture de l’actualité la plus bruyante.

Le contenu d’un ouvrage

Au-delà de l’intention première qui est de souligner combien le cerveau a mobilisé


chercheurs et cliniciens depuis le xixe siècle, notamment parmi les psychiatres, le livre
déroule plusieurs thématiques : la place de l’organo-dynamisme d’Henri Ey, l’éthique
des pratiques des chercheurs en neurosciences et la place du patient dans le nouvel
univers d’une psychiatrie reformatée à l’aune des vérités livrées par les neurosciences.
Construit à partir d’une perspective chronologique, le livre n’oublie pas l’époque
récente et son auteur n’hésite pas à prendre amplement parti dans le débat actuel.
L’ouvrage n’est pas un livre d’historien mais un livre où l’auteur fournit cependant une
interprétation basée sur de nombreux documents, des témoignages et des affirmations.
L’étude des interactions entre activité cérébrale et troubles mentaux doit être
centrale à l’activité de tout chercheur et du clinicien et c’est pourquoi R.M. Palem
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souligne que les discussions entre lésions fonctionnelles et troubles organiques sont
anciennes. Elles prouvent que les savants d’hier parlaient de ce dont il fallait s’occuper.
Il salue la neurologie globaliste pour rappeler que les neuropsychiatres s’intéressent
aux interactions fonctionnelles depuis quelques décennies. Plus proche de nous,
il souligne les effets bénéfiques du développement de l’électro-encéphalographie
tout comme il considère que les techniques actuelles offrent pour la connaissance
du cerveau des conditions favorables et très prometteuses. En d’autres termes, on
ne saurait être psychiatre sans puiser dans l’apport constant de la production sur cet
organe. La maîtrise des connaissances de type somatique est incontournable mais
elle ne saurait être suffisante car les troubles cognitifs ne sont pas superposables aux
troubles psychiatriques. L’importance de scruter les relations entre la neurologie et la
psychiatrie tient au fait qu’elles recouvrent aussi les interrogations liées aux relations
entre cerveau et esprit.
Le détour par l’histoire lui permet de souligner que les efforts et les enthousiasmes
contemporains pour démontrer que le cerveau secrète nos actes les plus intimes et les
plus complexes ne sont jamais qu’une séquence nouvelle d’une histoire sinueuse. Il ne
11
Plusieurs chercheurs datent l’émergence des neurosciences du milieu des années 1960 (Debru,
Barbara, Cherici, 2008). On retiendra ici une définition commune : la fédération de différentes disciplines
dont le cerveau est l’objet de recherche ; il faut ajouter que cet ensemble hétérogène mais qui vise à atténuer
cette dimension n’hésite pas à inclure des philosophes, ceux-là mêmes travaillant par exemple sur la
conscience. On doit avoir à l’esprit que les limites de cet ensemble ne résident précisément pas dans une
délimitation fixe des frontières.

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Revue d’Histoire des Sciences Humaines

s’agit pas de nier que rien n’est nouveau dans ce qui se produit actuellement ; d’une
certaine manière il ne cache pas sa satisfaction devant certains auteurs mais il considère
que certaines des dérives du passé sont en train de se recomposer sous nos yeux. Il
y a des expressions qui reviennent souvent dans les propos des neuroscientifiques
– ou peut-être parmi leurs adeptes – qui ne lui paraissent pas devoir être retenues.
Par exemple, il a pour habitude d’écrire qu’il n’entend pas le cerveau, manière de
critiquer ceux qui estiment qu’il y a un langage cérébral12. Par endroits, Palem n’hésite
pas quelques piques et quelques moqueries y compris à l’égard de figures de notre
panthéon scientifique moderne. Jean-Pierre Changeux, par exemple, n’est pas épargné.
À la lecture de son livre majeur, RM Palem n’a pu s’empêcher de penser à la notion
d’automatisme mental défendu par le psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambault (1872-
1934) dans l’entre-deux-guerres. Cette figure, largement oubliée aujourd’hui, hormis
sans doute de quelques psychiatres, est présentée par RM Palem comme de la même
veine que « l’homme neuronal » qu’il s’amuse à appeler « l’homme machinal »13.
L’accusation de réductionnisme est sous-adjacente à ses critiques et sa volonté est ici de
montrer que chaque époque a ses partisans d’une telle option. Il lui paraît plus important
de s’interroger sur ce que le trouble mental fait à l’esprit, à l’existence. Les discussions
autour de la conscience ne trouvent pas grâce à ses yeux dès lors qu’elles s’insèrent de
nouveau dans ce qu’il considère comme l’approche réductionniste. S’il s’agit de dire
que la conscience est un processus d’ordre physiologique, un processus de sécrétion,
il lui apparaît urgent de reprendre des lectures, comme par exemple celles d’Henri Ey.
La référence à cet auteur prend, à l’occasion, les contours d’un hommage appuyé.
Mais les références à Ey ne s’expliquent pas par ce seul motif. Bien des travaux accomplis
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et publiés par des neuroscientifiques portent sur les sujets largement travaillés, en son
temps, par Henri Ey. Il a, par exemple toujours veillé à ce que le trouble mental ne soit
pas trop affranchi de sa base cérébrale notamment lorsque certains de ses jeunes confrères
dans les années 1960 s’intéressaient à l’action exercée selon eux par les structures sociales
sur le développement et l’évolution des troubles mentaux, voire en quoi certains troubles
mentaux n’auraient pas été quelque peu fabriqués par les normes sociales. Plus proche
encore de certains des débats contemporains, Ey s’est activement occupé de la conscience
et plus généralement de ce que les anglophones nomment le mind-body problem. Par
conséquent, aux yeux de Robert M. Palem, Ey a toute sa place dans son ouvrage.
La référence à Ey permet aussi à son fidèle collègue de s’interroger sur la radicalité
novatrice de certaines recherches issues des neurosciences. À la lecture de ses propos
force est de reconnaître que le tournant du cognitivisme prend plutôt l’allure d’un léger
infléchissement. On est face à un approfondissement de certaines hypothèses. Il ne
s’agit pas de sous-estimer l’importance de ces résultats mais de prendre un peu de
distance et de sagesse face aux débordements d’enthousiasmes de quelques chercheurs.
Lorsque la neuro-imagerie tend à démontrer que le cerveau fonctionne en réseaux et
non en fonction d’aires toujours séparées, il est rappelé à l’intention du lecteur que le
psychiatre Claude-Jacques Blanc – un proche collègue – écrivait en 1960 que l’activité
du système nerveux devait être lue comme un système de formes relationnelles

12
Palem, 2007, 127.
13
Palem, 2007, 27.

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Jean-Christophe Coffin

répondant à des ensembles dynamiques. Palem fait aussi remarquer qu’un langage
parfois volontairement abscons est utilisé de manière à impressionner et à fonder le
sentiment dans l’esprit du lecteur de propos qui restent difficiles d’accès car décrivant
probablement des phénomènes jusque-là ignorés.
Enfin à plusieurs reprises, Palem laisse de côté les enjeux disciplinaires et les débats
philosophiques induits par les nouvelles données liées au cerveau pour s’intéresser à
l’éthique de la production scientifique dans le champ des neurosciences et s’interroger
sur la place du patient face à la montée en puissance des laboratoires et de l’evidence-
based medicine. Sujet vaste et de plus en plus discuté dans l’espace public depuis une
bonne dizaine d’années et pour lequel il privilégie ce qu’il maîtrise le mieux, la place du
patient. On n’est plus ici dans la profondeur permise grâce à la perspective historique
mais de plain-pied avec notre époque et la réflexion éthique entraînée par certaines
des pratiques de recherches menées au sein des neurosciences. Palem n’introduit pas
d’enquêtes personnelles sur la place exercée par les laboratoires pharmaceutiques dans
les orientations de recherche en neurobiologie mais se fait l’écho de propos dénonçant
une collusion perçue par de nombreux acteurs comme très problématique car on ne
sait plus très bien ce que deviennent les critères de recherche14. Pendant qu’on scrute
la matière cérébrale et que les images du cerveau vivant et travaillant constituent un
merveilleux spectacle dont ne se lassent pas les chercheurs en neurobiologie, que se
passe-t-il pour l’être malade ? Aborder les questions éthiques est une manière de jeter
une pierre dans le jardin des neuroscientifiques. Le domaine de l’éthique représente
un axe de réflexion au sein des neurosciences mais ce n’est pas vraiment de cela dont
il discute. En effet, les bases neuronales de l’altruisme ou de l’empathie ont peu de
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place dans son ouvrage alors que ces sujets ont acquis ces toutes dernières années
une importance grandissante aboutissant à la constitution de la neuro-éthique15.
C’est une orientation plus prosaïque en quelque sorte qui mobilise R.M. Palem, se
demandant ce que sera le patient psychiatrique à l’ère de l’arsenal technique et des
certitudes des partisans du « tout cérébral » ? Ayant accompagné le développement
de la psychochirurgie, il s’étonne que cette pratique telle qu’elle était utilisée dans les
années 1950 suscite des réflexions critiques des contemporains alors que les techniques
invasives actuelles ne semblent guère être en discussion par les mêmes. Il en vient à
se demander si la « chosification » du patient contre laquelle on aurait insuffisamment
lutté dans sa génération ne risque pas d’être une triste réalité dans un proche avenir.
L’inquiétude concernant le patient à l’ère des neurosciences vient en fait de l’idée
de l’homme qui est, selon lui, véhiculée par les tenants de ces savoirs et peut-être
plus encore par ceux qui professent des reformulations en tout genre à partir du seul
préfixe « neuro ». Il estime par exemple que des auteurs comme Dennett ou Churchland
donnent une représentation de l’humain qu’il associe à « des formes existentielles
régressives »16.

14
Une étude très fouillée et critique est menée par exemple par le chercheur François Gonon installé à
Bordeaux : Gonon, 2009.
15
Baertschi, 2009. L’auteur dresse un panorama très instructif des débats en cours et de leurs implications
sur notre conception de l’individu.
16
Palem, 2007, 174.

151
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

D’un ouvrage à un collectif critique

Les pages qui précèdent ont résumé certains des points qui lui tiennent à cœur et
qui prolongent à plusieurs reprises des thématiques abordées dans des livres parus
précédemment toujours sous sa plume. Cela fait donc plusieurs années qu’il participe, de
son territoire perpignanais, aux discussions autour des sciences cognitives et autour de
l’évolution de la psychiatrie au prisme des neurosciences. Il avait, par exemple, publié
en 2006 un ouvrage intitulé Organodynamisme et neurocognitivisme. Il y discutait plus
particulièrement de la théorie du fait mental d’Henri Ey connue donc sous l’appellation
d’organodynamisme à la lumière des dernières avancées des connaissances sur le
cerveau. Ce livre était partiellement une suite donnée aux débats qui s’étaient tenus
dans le cadre du congrès du Système Nerveux Central à Paris en 1998. En fait depuis
le début des années 1990, Palem parvient avec d’autres anciens disciples d’Henri Ey
à fédérer une activité de réflexion dans laquelle se retrouvent des psychiatres, des
neurologues, des philosophes et des psychanalystes. Le point de départ de leur réunion
est un intérêt puissant et ouvert pour l’œuvre d’Henri Ey.
Ce groupe assurément hétérogène, modestement inséré dans les cénacles parisiens
n’en développe pas moins une production consacrée à la conscience, aux rapports
entre philosophie et psychiatrie, à l’épilepsie, la schizophrénie. Ces thémes sont
l’occasion de discuter des rapports entre cerveau et pensée, des dimensions somatiques
et psychiques des troubles mentaux et de prendre en compte les apports de la biologie
concernant l’étiologie des maladies mentales puisque celles-ci échappent toujours à
une explication précise de leurs apparitions. Quant à l’épilepsie, par exemple, c’est
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un trouble qui met en exergue les phénomènes de perception, de mémoire, et qui a par
conséquent toute sa place pour les tenants des sciences cognitives tout comme elle ne
peut que captiver les psychiatres à la recherche d’une meilleure connaissance de la
physiologie des états psychiatriques17. Ces quelques éléments d’un corpus plus vaste18
permettent de discuter, travailler, réfléchir autour des modalités de fonctionnement de
la pensée, d’aborder les rapports entre corps et esprit tant dans ses retombées pour
la pratique clinique que sous un angle d’approche plus philosophique. Ces échanges
sont précisément conçus pour maintenir les liens entre l’activité médico-clinique et
le travail philosophique d’inspiration phénoménologique sans nier les aléas de ce
type d’exercice. Si ces échanges se veulent l’occasion de souligner la pertinence de
l’ouverture d’esprit, de l’interdisciplinarité ou au final d’un dialogue entre personnes
qui savent s’écouter quel que soit l’horizon professionnel qui est le leur et quelle que
soit la formation initiale reçue, on comprendra aisément que les propos conquérants,
généraux et réducteurs sont peu appréciés. C’est souvent ce qui est redouté de leur part
face aux tenants enthousiastes de la neurophilosophie. Le marché du cogito semble à
leurs yeux agiter démesurément certains de ses représentants. C’est parfois donc une
manière d’être, une façon d’agir qui est à l’origine des réticences de ce groupe car

17
Les contributions sur l’épilepsie prolongent un intérêt ancien de plusieurs des acteurs de ces débats.
Pour plus de détails : Delille, 2009, 236-50.
18
Certains des acteurs évoqués font partie par exemple de l’association Karl Popper, autre lieu où se
discutent les conceptions autour de la vie mentale, à l’aune des orientations neurobiologiques actuelles.

152
Jean-Christophe Coffin

on ne peut le tenir par ailleurs comme opposé à tout ce qui se publie de significatif
autour de l’esprit que celui-ci soit vu comme programmé, autorégulé ou le produit
de milliards de connexions neuronales. Le philosophe américain Jerry Fodor, – qui
enseigne psychologie et philosophie – a été salué pour son livre L’esprit, ça ne marche
pas comme ça parce qu’il témoigne de son insatisfaction face aux positions de certains
neuroscientifiques et peut-être plus encore parce qu’il montrerait certaines des impasses
dans lesquelles ces derniers se retrouvent19. Intéressés tout comme d’autres par l’esprit
et la conscience, ils ne sont pas dans une opposition générale à l’égard d’un tournant
cognitiviste au sein de leurs disciplines : ils cherchent à ce que celui-ci soit abordé
correctement car ils s’inquiètent plus ou moins face à une possible perte de contrôle
de la fusée neuro. Les critiques portent volontiers sur des aspects méthodologiques et
ils affichent une sorte de sagesse commune. On retrouve dans leurs attitudes ce qui
les lie d’une certaine manière à l’héritage spirituel et intellectuel d’Henri Ey. Il faut
en effet se souvenir que les fréquentations de ce dernier aller de Jacques Lacan à Paul
Guiraud (1882-1974) ; en d’autres termes il pouvait passer de l’inconscient freudien
à une approche nettement plus organiciste des troubles mentaux. Par conséquent
cette capacité de Ey à traverser des cénacles différents, des esprits bien éloignés les
uns des autres pour tout un tas de raisons est vécue comme un modèle à maintenir.
L’opposition entre neurologie et psychiatrie n’avait pas grand sens pour le grand maître
qui préférait parler de distinction entre les deux savoirs que le médecin psychiatre se
doit de posséder de toute façon. Lire dans des ouvrages actuels que le dualisme est
très regrettable n’est pas une donnée nouvelle et grandiose puisqu’Henri Ey le disait
il y a plus de soixante ans. Leur agacement tient souvent au fait qu’ils se demandent
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si on n’enfonce pas quelques portes ouvertes, surtout pour ceux qui ont accompagné
le développement de l’électro-encéphalographie ou les travaux de neuropsychologie20.
Est ce vraiment la neuro-imagerie qui fait comprendre la complexité du cerveau et qui
permet en conséquence de dire que le problème de la conscience est compliqué ? Mais
si tel était le cas pourquoi Henri Ey au début des années 1960 annonçait-il lui aussi
que « le problème de la conscience est redoutable »21, si ce n’est parce qu’il affichait
cette prudentia qui semble faire défaut en ces temps pourtant de revival des éthiques
antiques. Au-delà de ces réticences se profilent des interrogations sur la réapparition
d’auteurs que l’on croyait sanctionnés par l’Histoire, voire sur certaines relectures du
passé entreprises dans des buts sur lesquels ils s’interrogent.
La présence de Franz Joseph Gall (1758-1828)22 étonne, voire inquiète. Face à la
présence de cette figure – adulée et décriée du xixe siècle –, on est en droit de se demander
si l’objectif n’est pas beaucoup plus idéologique que la volonté de rappeler des figures
du passé. En effet certains s’inquiètent face à ce qu’ils perçoivent comme une néo-
phrénologie tandis que d’autres se demandent ce que signifie le néo-associationnisme

19
Palem avait repéré l’évolution de Fodor lors d’un livre plus ancien ; Palem, 2006, 84.
20
« La production tapageuse de la récente mode de la neurophilosophie » comme l’écrit, par exemple, un
ancien membre du laboratoire de neurophysiologie d’Henri Rousselle à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne ;
Debru, Barbara, Cherici, 2008, 62-3.
21
Ey, 1983, viii.
22
Renneville, 2000, 19-24. F.J. Gall inaugurait un des chapitres du livre de J.-P. Changeux, 1983. Voir
également Churland, (1986), 155-56.

153
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

de certains neurobiologistes23. Dans les deux cas, les personnes du groupe, au-delà de
leurs sensibilités, n’apparaissent pas « fascinées » par le retour de ces orientations. Ce
n’est pas la marque d’un refus des bases biologiques ou neurochimiques des troubles
mentaux mais le souvenir que les annonces tonitruantes d’antan devraient servir de
leçon à ceux qui voudraient annoncer la vérité les premiers. Ils ont appris que les
insuffisances de leur discipline n’avaient guère de chance de se résoudre aisément. Le
cerveau est plastique mais on ne peut tordre la réalité de la complexité de cet organe que
l’on mesure tout particulièrement dès lors qu’on aborde l’étude des troubles mentaux.
Une étude aussi poussée que nécessaire sur un neuromédiateur n’aboutit pas pour le
moment à une explication valide d’une maladie mentale.
Les fréquents retours à des figures de l’histoire de leur profession sont suffisamment
nombreux pour que j’y porte dans une deuxième partie mon attention ainsi que l’usage
du passé qui est fait notamment par Palem dans son ouvrage au nom parfois de ce qu’il
appelle, après d’autres un devoir de mémoire. Je prendrai deux exemples, régulièrement
mobilisés par quelques-uns des membres des cercles évoqués précédemment.

L’écriture des moments fondateurs

Robert Michel Palem évoque régulièrement le colloque de Bonneval de 1943. Est-ce


un lieu de rencontre entre résistants ? Henri Ey avait initié des rencontres entre psychiatres
au sein de son hôpital psychiatrique situé dans la commune de Bonneval, en Eure et
Loir, d’où le nom de colloque de Bonneval. Pour la session 1943 Ey décida d’inviter,
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Julian de Ajuriaguerra (1911-1993) et Henri Hecaen (1912-1983). Alors trop jeunes
pour être connus, ces deux hommes vont connaître un itinéraire professionnel plutôt
prestigieux. À l’époque, ils étaient associés à Jean Lhermitte, figure de la Salpêtrière,
c’est-à-dire le lieu de la neurologie et des études sur le cerveau selon la cartographie
mentale des médecins parisiens. Hécaen développa la neuropsychologie tout au long de
son existence, poursuivant une carrière à la fois clinique et de recherche, à l’hôpital et
dans un laboratoire du CNRS ; le tout corroboré par des ouvrages historiques de grande
qualité. Last but not least, il publia un ouvrage avec Marc Jeannerod. On comprend
dès lors que les neurosciences ne sortent pas de terre par génération spontanée mais
sont le produit de l’accumulation des connaissances et plus encore le produit de figures
aux parcours originaux, souvent marqués par l’interdisciplinarité. Cette suggestion est
accentuée avec le profil biographique d’Ajuriaguerra. Ce dernier est à la fois considéré
comme un grand neurophysiologiste et développa une psychologie de l’enfant ouverte à
la psychanalyse tout à fait originale. Après avoir été, un temps, professeur de psychiatrie
en Suisse, il obtient une chaire de psychologie développementale au collège de France,
en 1975. La référence au colloque de 1943 n’est pas le strict reflet d’une nostalgie de
temps révolus. Elle est utilisée au contraire pour faire passer un certain nombre de
messages. L’actualité contemporaine semble avoir oublié qu’il y a plus d’un demi-
siècle on s’occupait attentivement des rapports entre la neurologie et la psychiatrie
puisque tel état l’objet du colloque. Quant aux intervenants, est-il la peine de préciser
23
Blanc, 2000, 193.

154
Jean-Christophe Coffin

ce qui saute aux yeux ?, aucun n’était marqué par le réductionnisme qui caractérise
certains neurobiologistes contemporains. Ajuriaguerra tout particulièrement est le contre
exemple pour ceux qui veulent mettre en avant les antagonismes liés à une psychiatrie
nécessairement saturée de psychanalyse et une biologie de l’esprit obligatoirement
rudimentaire car son œuvre renvoie dos-à-dos ces deux représentations traditionnelles.
Bien qu’aucun des participants à ce colloque ne soit aujourd’hui vivant, il est rapporté
que ce fut un moment extraordinaire et héroïque24. Marc Jeannerod souligne, quant à lui,
qu’Henri Ey fut très déçu d’entendre ses deux jeunes invités car ils auraient tout ramené
à la dimension neurologique25. Quoi qu’il en soit il s’agit en mobilisant ce moment de
rappeler que l’étude de la pathologie mentale met en jeu en permanence l’interdépendance
entre le cerveau et ses dissolutions éventuelles affectant l’esprit26. Le retour au cerveau
relève dans une certaine mesure de la fable puisqu’il n’a jamais été abandonné.
Si 1943 est utilisée pour rappeler aux neuroscientifiques qu’ils n’interviennent pas
à partir d’une table rase, 1968 est une autre date mobilisée par Palem, de nature plus
problématique. Ce n’est pas pour glorifier les critiques contre la psychiatrie, telles
qu’elles sont écrites par exemple dans un livre qui va faire grand bruit, L’institution
en négation du psychiatrie italien Franco Basaglia (1924-1980) et son équipe. Palem
rappelle un événement qu’Henri Ey lui-même avait salué à l’époque avec gourmandise :
le gouvernement d’alors prit la décision de créer un « certificat d’études spéciales de
psychiatrie ». Cette décision vue d’aujourd’hui pourrait apparaître bien anodine ; elle
est en fait ressentie à l’époque comme une grande victoire par Henri Ey car elle traduit
le détachement de la psychiatrie de la neurologie et met fin à une situation quelque peu
paradoxale. Les étudiants d’alors recevaient un enseignement de neuropsychiatrie en
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faculté de médecine par des enseignants qui n’étaient pas des psychiatres hospitaliers
et ces derniers n’avaient pas accès à l’enseignement universitaire pour transmettre aux
futurs médecins psychiatres le savoir clinique qui était le leur et leurs expériences de
terrain. Henri Ey, par exemple avait un statut qui ne lui permettait pas de transmettre
son savoir à des étudiants de la faculté. En d’autres termes, des médecins étaient exclus
des facultés de médecine. La neurologie était la discipline universitaire tandis que la
pratique psychiatrique devait se contenter des champs, selon l’image d’Henri Ey qui
faisait référence à ceux de la Beauce, entourant l’hôpital psychiatrique dans lequel il
exerça toute sa vie ses fonctions. Faire de cette date un moment historique déterminant
pour l’identité et la spécificité de la psychiatrie tient beaucoup à l’importance de la
figure d’Henri Ey à l’époque et à son engagement très constant sur cette question. Cette
revendication était plus qu’une simple revendication corporatiste et c’est pourquoi elle
fut transmise dans les mémoires des jeunes psychiatres et reprises par des membres de
l’entourage du maître. Comme la décision gouvernementale avait été précédée d’une

24
Colombel, 1998, 7.
25
Jeannerod, 2008, 121.
26
Moment important dans la mémoire de certains psychiatres, force est de préciser qu’il n’a pas mobilisé
les foules, occupées, en 1943, à relever d’autres défis.

155
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

réforme du statut professionnel des psychiatres27, cette année 1968 demeure dans la
mémoire une belle année pour la psychiatrie française. Mais à plusieurs décennies de
distance, ces faits ne sont plus lus de la même manière. Cette décision ne suscite pas
une interprétation unanime aujourd’hui tout comme elle avait créé des tiraillements
à l’époque28. Dans l’atmosphère pluridisciplinaire qui caractérise les neurosciences,
cet événement apparaît aujourd’hui singulièrement inapproprié. On voit dans cette
séparation la responsabilité de ceux qui auraient dangereusement tourné le dos à la
dimension somatique des maladies mentales et les regards se tournent alors fortement
vers les psychanalystes et les psychiatres trop marqués par la doxa lacanienne. Les
effets d’une telle décision auraient été sur le plan intellectuel et de la recherche tout à
fait négatifs29. La psychiatrie se serait éloignée en quelque sorte du cerveau pour devenir
une discipline de la parole et de l’accompagnement de nos émotions inconscientes.
La neurobiologie et au-delà les neurosciences cognitives viendraient mettre un terme
à une fâcheuse parenthèse qui a duré quelques décennies, un moment à la périodisation
floue, mais au contenu clairement délétère ; c’est lorsque la psychiatrie s’est détachée de
l’intérêt pour le cerveau, au profit souvent de la psychanalyse et des sciences sociales.
Cette interprétation avait été présentée, par exemple, par Eric R. Kandel il y a plus de
dix ans avant qu’il n’obtienne le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur la biologie
de la mémoire30. Il se basait dans son allocution sur le cas américain et ne citait aucune
recherche historique. Il est vrai que le sujet de son étude était la nouvelle alliance entre
le cerveau et l’esprit et par conséquent l’approche historienne n’était pas son premier
objectif31. Le discours neuroscientifique contemporain produit par certains de ses artisans
aboutit à un discours enthousiaste qui emprunte ses images et sa rhétorique à l’histoire des
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vainqueurs, à une histoire de conquêtes réussies, plus naïve que proprement agressive.
Tout à leur volonté de montrer que nous sommes au moins dans un tournant cognitiviste,
voire dans un changement durable de paradigme, les antécédents ont tendance à être
malmenés. Le passé est encombrant surtout lorsqu’on veut convaincre le public profane
de ce que la nouveauté radicale s’installerait sous ses yeux. La fabrication d’oppositions
et de résistances, quasi séculaires à l’égard des neurosciences est mobilisée à plusieurs
reprises. Le dualisme domine et ses effets sont aussi néfastes que les méfiances des Églises
et la résistance des psychanalystes particulièrement forte en France est tenue, elle aussi

27
à l’été 1968, les psychiatres voient leur statut de fonctionnaires être modifié au profit d’un statut qui les
juxtapose à celui des médecins hospitaliers créé suite à la loi Debré de 1958 (avec la fondation des C.H.U.)
qui ne concernait pas la psychiatrie, ce qui rétrospectivement peut surprendre. Le psychiatre n’était pas un
médecin comme un autre mais ce texte de 1968 met fin à la dimension institutionnelle de cette spécificité qui
sévissait depuis plusieurs décennies. Il permettait d’ouvrir la voie à une association entre hôpital et université
qui paraissait fondamental à beaucoup de psychiatres de l’époque.
28
Des psychiatres proches intellectuellement parlant d’Henri Ey n’ont pas caché par la suite qu’ils ne
partageaient pas son enthousiasme quant à cette séparation universitaire : Lantéri-Laura, 2000.
29
Guyotat, 2000, 89.
30
Kandel, 2002 (1998), 13.
31
Kandel a travaillé en France dans le courant des années 1960 et s’est vite détourné de la psychanalyse, un
temps envisagé par lui. Pour bien saisir les évolutions de ce prix Nobel de médecine (2000) voir Dupont, 2008.

156
Jean-Christophe Coffin

pour responsable du retard de l’implantation des vérités apportées par les neurosciences32.
Dans une veine semblable, Jean-Pierre Changeux écrivait il y a près de trente ans : « Le
développement des recherches sur le système nerveux s’est toujours heurté, au cours de
l’histoire, à de farouches obstacles idéologiques, à des peurs viscérales, à droite comme
à gauche33. » Plutôt que d’accorder un poids exclusif à des résistances – qu’on pourrait
aussi appeler plus sobrement des discussions que suscite inévitablement l’arrivée de
connaissances nouvelles ou de propositions controversées – plutôt que de laisser entendre
que le dualisme est dépassé et le monisme la seule attitude philosophique désormais
possible, il paraît plus pertinent de faire observer que la psychiatrie étant sans explication
générale du fait pathologique et ne proposant aucun modèle général d’étiologie des
troubles mentaux, la variété des explications fait partie de son histoire surtout depuis
l’après Seconde Guerre mondiale. Cela a conduit les psychiatres à s’installer dans un
certain éclectisme ou une posture quelque peu diplomatique face aux différents modèles
d’explications en cours sur la scène biomédicale, sans avoir pour autant l’intention de
quitter le giron de la médecine34.
Les polémiques relayées par la presse généraliste des antagonismes entre la
psychanalyse et les neurosciences, entre les lacaniens et les adeptes des pratiques
comportementales et cognitives qui scandent l’espace public intellectuel depuis la fin
des années 1990 ne sauraient résumer l’économie des positions dans le champ de la
profession psychiatrique35. Force est de constater que cette mise en scène des résistances
a été facilitée par le traitement médiatique des antagonismes et par la mise en avant de
quelques figures qui ont rapidement dénoncé le scientisme des neuroscientifiques. Chacun
a pu trouver, à l’occasion, dans cette opposition une légitimité et surtout une raison à la
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construction d’une identité ou à la survivance de celle-ci. Il apparaît nécessaire de ne pas
suivre en tous points cette économie des oppositions. La mise en avant des oppositions
entre des psychiatres ancienne formule et des neuroscientifiques nouvelle manière est une
bonne façon de détourner l’attention sur ce qui patine à l’intérieur de chaque « camp ».
On se souvient du succès de Jean-Pierre Changeux avec son ouvrage intitulé
L’homme neuronal. On peut prendre cette date pour observer l’intérêt et le soutien
accordés progressivement à la direction neurobiologique et neurobiochimique en
psychiatrie. Cette nécessité d’enquêter toujours plus du côté de la psychiatrie biologique
avait été ressentie, par exemple, par le psychiatre Édouard Zarifian (1941-2008)36 qui

32
Dehaene, 2009. Il ne s’agit pas de constester que les psychanalystes, dans leur majorité seraient plutôt
réticents ou en franche opposition ; il s’agit de s’interroger sur le rôle accordé à ces divergences qui auraient
donc retardé le développement des neurosciences. On peut prendre une liste des laboratoires de l’Inserm
pour se convaincre que le monde de la recherche a fait son choix depuis longtemps. Par ailleurs, il n’est
pas rare de trouver une plainte face au manque de dialogue dont seraient victimes les neurobiologistes :
Changeux, 2009. Mais les tentatives de dialogue qui ont abouti, par exemple, à la neuropsychanalyse ne sont
pas nécessairement vues d’un bon œil : Vercueil, 2010.
33
Changeux, 1983, 8.
34
André, 2010, 19
35
J.-P. Changeux s’étonnait il y a trente ans qu’il ait pu avoir une discussion avec les psychanalystes de
stricte obédience lacanienne à travers la personne de Jacques Alain Miller ; Changeux, 1983, 7. On rejoue
depuis le même scénario.
36
E. Zarifian accéda à une certaine notoriété à travers sa dénonciation de la consommation jugée
excessive de psychotropes.

157
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

participa à la fondation de l’Association française de psychiatrie biologique. C’était en


1979. Il ne prétendait pas alors être sur un terrain désert mais cherchait à dialoguer de
manière plus active avec le travail de recherche alors même que celui-ci se réorganisait
institutionnellement parlant37. Le départ du siège de l’International Brain Research
Organization de Paris vers Londres (1973), la création de la European Neuroscience
Association en 1975 pouvaient rendre nécessaire d’établir des ponts car les travaux de
neurophysiologie ou de neuroanatomie que se promettaient de développer ces structures
seraient nécessaires à la psychiatrie38. Il fallait se positionner face à ces orientations et
si la revue L’Encéphale n’avait pas autant de visibilité que sa consœur anglaise Brain il
fallait y voir le recul de la langue française comme langue scientifique. Ce n’est pas la
mort de Lacan en 1981 qui par le vide qu’elle aurait créé rendait possible ces évolutions
mais tout un ensemble d’hommes et de quelques femmes qui avaient vu naître et se
développer la psychopharmacologie et dont la revue L’Encéphale maintenait non
seulement la tradition à travers la direction de Pierre Deniker (1917-1998), un des
acteurs de cette aventure39 mais également cherchait à renforcer cette orientation. S’il
existe des maladies mentales, cela revient à dire qu’elles sont inscrites dans le corps,
le cerveau en l’occurrence et que par conséquent, on ne peut en sous-estimer le rôle et
encore moins sa connaissance. Le développement de la biologie moléculaire permettait
de reprendre espoir de trouver une explication génétique des troubles mentaux et
d’accentuer la recherche de la dimension physiologique des troubles de l’intellect. La
volonté d’Édouard Zarifian et de ses confrères était de rendre accessibles les résultats de
recherche à une psychiatrie française largement clinique et souvent considérée comme
faiblement insérée dans les organismes de recherche40.
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On peut sourire face à la volonté farouche de rappeler la date de 1968 tel que le fait
R. M. Palem. Ce ne peut être en aucun cas interprété comme le soutien à un courant
psychanalytique ou sociologique de sa part. C’est la volonté de souligner qu’il y a
une spécificité quasi intrinsèque de la psychiatrie et qui précisément aurait été admise
en cette année fétiche. Palem incarne au-delà de sa personne et de son itinéraire

37
Il s’agissait aussi de renouer avec ce qui était vu comme une période fameuse pour la psychiatrie
française puisque c’est à Sainte Anne, l’hôpital psychiatrique parisien, que se fabriquèrent les travaux qui
allaient donner naissance aux premiers médicaments efficaces en psychiatrie.
38
Plusieurs discussions des membres de l’IBRO portent précisément sur les liens à établir avec les
psychiatres ; cet objectif n’est pas propre à la France. L’objectif de l’organisation étant depuis sa création
de dépasser les traditions disciplinaires puisque l’étude du cerveau est considérée comme nécessitant une
approche multidisciplinaire par excellence : Ibro, 1970 et sv.
39
P. Denicker faisait partie de l’équipe dirigée par le maître de la psychiatrie à Sainte-Anne, le professeur
Jean Delay (1907-1987), qui travailla à la création de la chlropromazine, un neuroleptique qu’il utilisa parmi
les premiers pour le traitement des maladies mentales. Cette époque, la fin des années 1950, est depuis
considérée comme l’acte de naissance de la psychopharmacologie et plus généralement comme la naissance
d’une véritable révolution en psychiatrie, celle de pouvoir soigner les malades (Lempériere, 2008). De ce
point de vue, on pourrait dire que tout psychiatre ne peut refuser d’être un psychopharmacologue. Mais
depuis ces années, les médicaments font débat pour tout un ensemble de raisons et l’équation est donc un
peu plus délicate à tenir. Pour découvrir la tonalité enthousiaste généralement associée à cet événement :
Thuillier, 1980.
40
Cette préoccupation se retrouve chez des confrères britanniques dans les mêmes années comme en
témoignent les discussions de la commission Neuroscience du Medical Research Council (un équivalent
anglais de l’Inserm), Freudenberg, 1975.

158
Jean-Christophe Coffin

personnel tout un groupe de professionnels qui parfois disparaissent du récit historique


fait par certains neuroscientifiques. Là n’est pas le plus significatif. En revanche cet
oubli pourrait en entraîner un autre en quelque sorte. Ce qui importe c’est de ne pas
sous-estimer l’importance de la tradition clinique. Le professeur Denicker, déjà cité,
n’exprimait pas autre chose il y a plus de vingt ans. Mais il ajoutait également que la
séparation institutionnelle entre la psychiatrie et la neurologie ne devait pas aboutir à ce
que sur le terrain de la recherche on l’applique41.

Vers le temps de l’unité ?

Le livre de Palem est par bien des aspects un livre de colère tout en cherchant à
dessiller les paupières de ceux aveuglés par la magie du cerveau et de ses mystères. Il est
aisé de trouver sous la plume de bien des auteurs contemporains cette fascination que le
cerveau suscite ou l’enthousiasme qu’il entraîne42. Toutefois il est un écueil qu’il nous
faut éviter : ne pas faire de distinction entre les neurobiologistes et les neurophilosophes.
Car si des éléments de congruence existent entre ces deux groupes, ils ne sont pas en
toute occasion superposables. De surcroît, l’homogénéité de pensée appliquée à cette
constellation d’auteurs s’avère de moins en moins une clé de lecture pertinente. Ce qui
unit parfois ces deux groupes réside dans la faiblesse de certaines méthodes utilisées
et dans la présomption de certains auteurs de travaux de recherches annonçant leurs
découvertes avant même de les avoir véritablement finalisées. Édouard Zarifian, par
exemple, bondissait face à ceux qui annonçaient le gène de telle ou telle maladie ou
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qui pronostiquaient qu’avec les méthodes d’imagerie fonctionnelle rien ne serait plus
comme avant car elles conduisaient à faire imploser les catégories du dualisme. Les
critiques sont à la fois formulées pour éviter les extrapolations les plus imprudentes et
par la crainte que le réductionnisme ne prenne trop les allures de l’Empire menaçant ;
repousser les frontières anime, parfois, il est vrai, les plus fervents43.
Au début du xxie siècle les travaux d’Eric R. Kandel bénéficièrent d’une présentation
bienveillante dans la revue l’Évolution psychiatrique Cet accueil mettait en avant les
orientations pluridisciplinaires et consensuelles que proposait Kandel. On était à la fois
fort loin de la guerre de tranchées tout comme du char d’assaut des neurosciences. Ses
introducteurs français mettaient beaucoup l’accent sur cette dimension pluridisciplinaire
et sur une approche qui évite tout réductionnisme parce que « chaque individu porte
dans sa biologie sa propre histoire individuelle »44. Cet accueil dans les pages d’une
41
Denicker, 1990. Denicker avait passé la plus grande partie de sa carrière comme hospitalo-universitaire
et ne cultivait pas cette identité professionnelle de certains de ses confrères qui avaient connu un statut
particulier jusqu’en 1968. La séparation entre neurologie et psychiatrie pouvait être interprétée comme un
refus de l’intégration de la psychiatrie dans la médecine ; reproche qu’on ne pouvait pas adresser à Ey mais
qui aurait été, il est vrai, plus approprié pour certains de ses collègues issus d’une psychiatrie publique
militante dont les propos étaient sur ce registe plus ambivalents que ceux d’un Henri Ey.
42
Les textes introductifs des différents ouvrages de Paul ou Patricia Churchland en sont, parmi d’autres,
une belle illustration. churland, 2007, ix ; Churchland, 1986, x-xi. Dans une édition en langue française,
la traductrice espérait avoir su bien rendre le « caractère enthousiaste » du texte (Churchland, 1999, s.p.)
43
Dehaene, 2009.
44
Thurin, 2002.

159
Revue d’Histoire des Sciences Humaines

des revues les plus importantes de la psychiatrie francophone peu susceptible d’être
partisan d’une biologisation des troubles mentaux mais également peu rompue aux
facilités de l’esprit de secte constitue un tournant qui n’est pas que symbolique. L’année
suivante, la Fédération française de psychiatrie – qui représente une bonne partie de la
profession – publiait un livre blanc, ce qui signifie un état des lieux sans trop de langue
de bois. Il y était entériné l’idée d’un rapport nouveau avec une neurobiologie qui
n’apparaît pas volontairement menaçante mais qui au contraire chercherait à proposer
des facteurs d’explications aux grandes questions concernant les troubles mentaux les
plus sévères et les plus tenaces. On y parlait de nouvelle alliance, d’interactions entre
les facteurs de causalités des troubles. Ce qui préoccupait les responsables d’alors
n’était pas de s’aventurer dans une guerre des esprits sur le cerveau mais le souci de
vivifier une recherche qui demeure assez atone45 et de prendre en compte les avancées
de la connaissance sur le cerveau.
Ce rapprochement évoque plus que jamais les évolutions aisément observables au
niveau international. Les principales interventions du Congrès mondial de psychiatrie
en 1999 ont été réunies sous le titre, hautement symbolique, de « Psychiatrie, une
neuroscience »46 signant ainsi une nouvelle aventure commune pour les psychiatres.
Le président du congrès était le psychiatre espagnol Juan José Lopez-Ibor Aliño, le
fils de Juan José Lopez Ibor (1908-1991) figure marquante d’une psychiatrie à la fois
éclectique et marquée par la phénoménologie dans l’Espagne franquiste avec qui Henri
Ey était en contact régulier47. La boucle serait-elle bouclée et assisterait-on, au-delà du
caractère symbolique ici évoqué, à la marche inexorable du progrès scientifique qui
porterait tous les psychiatres dans une même et unique direction, « biologisante » en
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l’occurrence ? Ce type de phénomène apparaît bien improbable ; en revanche dans la
période brièvement parcourue de ces trente dernières années, on sait que la production
neuroscientifique s’est étendue et diversifiée. Elle a en quelque sorte imposé son
rythme sans nécessairement imposer les conclusions que les plus convaincus ont voulu
asséner ; toutefois l’ère du « sujet cérébral »48 est installée dans notre temps présent.
Il s’agissait de partir d’un groupe d’acteurs de la psychiatrie qui ne résistent pas à
la compréhension du corps esprit ni qui refuseraient de reconnaître les changements
concernant le vivant et les implications sur notre perception de l’individu. Il s’est agi
de pointer un groupe qui diverge ou simplement qui, en participant aux débats que ces
évolutions entraînent, nourrit notre perception de ce tournant cognitiviste. Dans cette
perspective je ferai deux constats. Le premier est que les axes de recherches chers aux
neurobiologistes tout autant qu’aux neurophilosophes continuent leur développement
indépendamment des critiques dont celles évoquées à travers la figure de Robert
M. Palem. Mais d’une part les acteurs semblent enclins à exprimer une attitude mesurée
et on observe d’autre part plus aisément que par le passé une variété des positions. Les
déclarations intempestives et les affirmations d’autorité semblent appartenir aux années
1990 tandis que depuis les années 2000, on mesure combien des auteurs – parfois les

45
Féderation française de psychiatrie, 107-08.
46
Lopez-ibor, 2002.
47
J.J. Lopez Ibor assura la publication en langue espagnole du Manuel de psychiatrie d’Henri Ey.
48
Ehrenberg, 2004.

160
Jean-Christophe Coffin

mêmes – ont adopté désormais des positions de conciliation telle celle évoquée de
Kandel. Mais cette attitude n’est précisément pas isolée. On préfère aujourd’hui parler
de matérialisme éclairé tandis que la tentative de construire une neurophénoménologie,
de projeter une neuropsychanalyse relève également de ce désir d’alliance. Ce ne sont
plus les guerres du dualisme et du monisme mais le dépassement du premier49. La
volonté d’établir des passerelles, d’établir les mécanismes de complémentarité semble
prédominer aux dépens des lignes d’oppositions des premiers moments de l’émergence
de ces nouvelles idées. Le mot d’intégration et l’esprit du refus du sectarisme dominent
par exemple le dernier grand manuel de psychiatrie de langue française et ne constituent
pas une charge contre un courant de pensée particulier. On peut légitimement faire
l’hypothèse qu’il y a une recherche de « compatibilité des approches »50. Peut-être
cela tient-il aux difficultés rencontrées dans certaines recherches. Après des années où
la rupture semblait à portée de main, les plus radicaux semblent avoir fait une pause.
Les discussions sur le mind-body problème réactivent, peut-être paradoxalement, les
catégories du dualisme51. Et les débats sur le connexionnisme montrent aussi que le
nouvel ordre cognitif n’a pas atteint un degré d’homogénéité parfaite52. Par ailleurs les
promesses de la science sont plus lentes à venir. Nous n’en sommes pas au stade d’un
sentiment de « faillite » comme il y a un siècle mais par exemple l’approche génétique
des troubles mentaux ne cesse de montrer la complexité des processus héréditaires, ce
qui complique nettement la tâche des chercheurs, et aboutit à ce que la « molécurisation »
de la schizophrénie par exemple bute sur tout un ensemble de problèmes53. Kandel
reconnaissait au début de ce siècle que les processus mentaux n’étaient finalement pas
si saisissables que cela en l’état des connaissances et plus récemment un philosophe
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américain se permettait d’insister sur le caractère finalement très descriptif de ce qui
nous est donné à lire54. Enfin force est de constater qu’une vision unitaire de l’étude
du psychisme est puissamment invoquée par Nancy Andreasen, par exemple, ancienne
présidente de l’American Psychiatric Association55, ce qui d’une certaine manière ne
s’éloigne pas de l’objectif unitaire d’Henri Ey et place la dissolution de la psychiatrie
dans un horizon toujours possible mais qui n’apparaît plus inexorable.
Jean-Christophe Coffin
Université Paris Descartes/Centre A. Koyré (UMR 8560)
[email protected]
49
L’appel au dépassement du dualisme a été lancé à plusieurs reprises depuis près d’une trentaine d’années
et il n’est pas sans rappeler celui proféré par des acteurs des sciences médicales de la fin du xixe siècle. Il n’est
pas toujours aisé de savoir si ces propos sont de nature essentiellement rhétorique ou un programme de recherche
interdisciplinaire ou encore un propos qui relèverait d’abord de la diplomatie ou d’un programme politique
d’orientation de la science : politique de la main tendue à des sciences de l’homme frileuses et critiques ?
50
Bovet, 2008.
51
Houdé, 1998, 9.
52
En 1986, Patricia Churchland attendait avec impatience une conférence de Jerry Fodor qui entendait
démontrer ce qui est faux dans le connexionnisme : Churchland, 1986. Les débats ont continué depuis.
53
M. Jeannerod fournit quelques uns des défis auxquels les neurosciences se trouvent aujourd’hui
confrontés : Jeannerod, 2002 475 sq. Le neurobiologiste J.-D. Vincent annonçait il y a plus de dix ans
les limites de ce progrès et les nouvelles discussions auxquelles seraient confrontés les chercheurs et les
cliniciens dans le champ de la maladie mentale : Vincent, 1995, 3-4.
54
McGinn, 2011, 35.
55
Andreasen, 2007.

161
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