Contrats-Consommation Ohada
Contrats-Consommation Ohada
Contrats-Consommation Ohada
Dorothé C. Sossa *
* LL.D. (Ottawa, Canada), Agrégé des facultés de droit, Ancien ministre de l’enseignement
supérieur et de la recherche scientifique et ancien Garde des sceaux, Ministre de la Justice, de la
Législation et des Droits de l’homme de la République du Bénin, Doyen de la Faculté de droit et de
sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi, Cotonou (Bénin) ; avocat.
Rapport présenté au Colloque sur “L’harmonisation du droit OHADA des contrats”
tenu à Ouagadougou (Burkina Faso) du 15 au 17 novembre 2007, ayant notamment pour objet
la discussion de l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats (2005) élaboré
par UNIDROIT à la demande de l’OHADA. Ce texte, ainsi que la Note explicative y relative rédigée
par le Professeur Marcel FONTAINE sont accessibles sur le site Internet d’UNIDROIT
(<http://www.unidroit.org>) et sont reproduits en annexe au présent volume.
1 Ce code est composé de quatre parties correspondant respectivement aux quatre lois
suivantes : loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 portant règles générales du droit des obligations, loi n° 66-
70 du 13 juillet 1966 relative aux contrats spéciaux, loi n° 76-60 du 12 juin 1976 relative à la garantie
des créanciers et la loi n° 85-40 du 29 juillet 1985 portant codes des sociétés et du groupement
d’intérêt économique (cf. le site Internet du gouvernement de la République du Sénégal).
2 Loi n° 87-31/AN-RM du 29 août 1987.
Ministres de l’OHADA de faire élaborer l’Acte uniforme sur les contrats, dont
l’avant-projet est aujourd’hui en discussion, traduisent bien ce besoin. Il en est
d’autant plus ainsi que, contrairement au Sénégal, au Mali et à la Guinée-
Conakry, la plupart des pays concernés n’ont pas revu leur droit des
obligations 3 depuis maintenant plus de quarante sept ans, la plupart des
indépendances africaines datant, on se rappelle, de l’année 1960 pour les
anciennes colonies françaises d’Afrique.
Dans ce contexte et face aux réalités actuelles du monde, l’auteur de
l’avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats s’est, dans sa démarche,
appuyé, comme nous le verrons plus loin, sur les Principes d’UNIDROIT relatifs
aux contrats du commerce international, c’est-à-dire sur une “codification de
qualité déjà largement connue sur le plan national” 4 et dont la portée
dépasse le domaine commercial au sens strict. S’agissant des Principes
d’UNIDROIT, en effet, ce dépassement de la vocation commerciale est désormais
réel et visible dans certaines législations récentes comme illustré par le Code
civil de la Fédération de Russie de 1995, les Codes civils estonien et lituanien
entrés en vigueur en 2001 5. La loi relative aux contrats du 11 mars 1999 de la
République Populaire de Chine a été aussi fortement inspirée, quant aux
règles générales, par les Principes d’UNIDROIT 6.
Ce recours ne dispensait pas l’auteur de tenir compte de certaines
spécificités africaines dans la confection de l’avant-projet. A cet égard, il y a
les spécificités annoncées comme telles par lui-même, à savoir la faiblesse
actuelle de la culture juridique dans les pays OHADA ainsi que le fort taux
d’analphabétisme qui y est encore noté.
Mais nous devons également considérer, au titre de ces spécificités, le
système bijuridique de la République du Cameroun où coexistent les régimes
3 Pour ne retenir ici que quelques exemples de la nécessité d’une révision du droit des
obligations contractuelles des pays de l’OHADA, on peut noter que le déclin du principe de
l’autonomie de la volonté, les développements connus depuis les années 1960 par la notion
d’ordre public en matière contractuelle, l’extension de celle de la bonne foi, la découverte de
nouvelles obligations par le juge dans le contrat à la faveur des “intentions tacites” (obligation de
sécurité, obligation de renseignement), procédés de preuve, l’évolution de la clause pénale et
celle des clauses de responsabilité etc., sont encore inconnus dans la plupart des pays concernés.
4 Philippe KAHN, “Les conventions internationales de droit uniforme devant les tribu-
naux arbitraux”, Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. (2000), 126.
5 Isabelle VEILLARD, “Le caractère général et commercial des Principes d’UNIDROIT relatifs
aux contrats du commerce international”, Revue de droit des affaires internationales, N° 4 (2007),
notamment à 482 et 484.
6 Voir la communication au présent Colloque de ZHANG Shaohui, “L’influence des
Principes d’UNIDROIT sur la réforme du droit chinois des obligations”, reproduite dans ce volume.
Notons aussi, d’un autre côté, que l’adoption des Principes d’UNIDROIT,
sans recours au mode du traité interétatique, procède des insuffisances
observées dans cette approche conventionnelle. Son efficacité dans le
domaine de l’encadrement des activités commerciales était devenue problé-
matique du fait, notamment, des difficultés des négociations internationales
conduites par des plénipotentiaires ressortant actuellement de plus de deux
cents pays, des délais de ratification rendant incertaine la date d’entrée en
vigueur d’un traité ainsi que des réserves qui en compliquent l’application
etc. 12. Ce n’est pas le succès planétaire de la méthode ainsi retenue qui
démentirait aujourd’hui la clairvoyance des promoteurs de ces Principes et
qui en fait une source d’inspiration dotée d’un grand rayonnement universel
pour le législateur OHADA.
Il n’est certainement pas négligeable d’ajouter ici que le recours fait aux
Principes d’UNIDROIT permet de capter avantageusement la jurisprudence et la
doctrine qui s’élaborent, partout dans le monde, sur la base de ces
Principes 13. Cela pourra donc apporter un enrichissement incontestable et
conférer une efficacité et une crédibilité certaines au nouveau droit aidant
ainsi, notablement, à atteindre l’objectif de sécurité juridique visée par les
fondateurs de l’OHADA.
Mais il ne suffisait pas de s’inspirer des Principes d’UNIDROIT pour faire
un droit des contrats moderne, adapté et fonctionnel dans l’espace OHADA.
D’abord, ces Principes s’adressent aux contrats du commerce international et
n’ont donc pas, normalement, vocation à régir les contrats civils surtout de
droit interne. Il importait donc de déterminer, en l’occurrence, si l’on doit
cantonner la réglementation entreprise des contrats aux seuls contrats
commerciaux ou y donner un champ plus large. L’OHADA elle-même vise “le
droit des affaires”, mais que doit-on entendre ici par “droit des affaires” ? Si,
comme cela été rappelé, “on s’accorde, au sens étroit, à dire que le droit des
affaires coïncide avec le droit commercial”, il demeure aussi que, dans une
conception large, jamais éloignée dans les faits, le droit des affaires “englobe
la réglementation des différentes composantes de la vie économique : ses
cadres juridiques (réglementation du crédit, de la concurrence) ; ses acteurs
12 Jürgen BASEDOW, “Uniform Law Conventions and the UNIDROIT Principles of Inter-
national Commercial Contracts”, Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. (2000), 129.
13 Voir la communication au présent Colloque de Samuel Kofi DATE-BAH reproduite dans
ce volume ; idem, “The UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts and the
Harmonisation of the Principles of Commercial Contracts in West and Central Africa”, Unif. L.
Rev. / Rev. dr. unif. (2004), 272; Marcel FONTAINE, Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats.
Note explicative à l’avant-projet, supra note (*), n° 12.
L’avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats offre une option aux
Etats parties en son chapitre introductif relatif au champ d’application: il s’agit
pour eux de choisir entre un droit commun, général et unique, des contrats ou
un droit des contrats commerciaux.
Pour le rédacteur de l’avant-projet, la “préférence va à un droit des
contrats unifié, donc d’un acte uniforme s’étendant tant aux contrats civils
qu’aux contrats commerciaux” 18.
Ainsi conçue la réforme envisagée est-elle techniquement concevable ? Si
oui, cette réforme recèle-t-elle une quelconque utilité ?
D’abord cette réforme, dont la préparation a été demandée par le Conseil
des ministres de l’organisation, instance compétente à l’effet, est tout à fait
concevable, d’un point de vue technique, dans la mesure où, comme nous
venons de le rappeler plus haut, le traité de Port-Louis vise “l’harmonisation
du droit des affaires dans les Etats Parties” c’est-à-dire, en définitive, “une
partie importante du droit des activités économiques” 19.
Même si l’article 2 de ce même traité a énuméré huit matières à
“harmoniser”, il n’y est pas moins ajouté que “toute autre matière que le
conseil des ministres déciderait à l’unanimité, d’y inclure …” en faisait partie.
Il n’était donc pas impossible qu’un droit commun des contrats (tant civils que
commerciaux) puisse être envisagé dans ce cadre. Il en est de même en ce qui
concerne les contrats de consommation qui font déjà l’objet d’un avant-projet
d’Acte uniforme spécifique. Le débat doit cependant exclure ici ce dernier
type de contrat dans la mesure où l’avant-projet susvisé ne propose aucune
règle de droit de commun en matière contractuelle.
A la vérité, l’unicité d’un droit commun des contrats est tout à fait
indiquée pour prévenir le risque, contreproductif en termes de sécurité
juridique, de la cohabitation d’un droit commun des contrats propre à chaque
Etat de l’espace OHADA avec un droit uniforme des contrats commerciaux.
Semblable situation ne mettrait pas à l’abri de distorsions dommageables à
l’épreuve de la mise en œuvre du droit.
Quoi qu’il en soit, l’option d’un droit commun uniforme des contrats n’a
pas convaincu tous les juristes concernés : l’ambition de l’auteur est vraiment
critiquée.
On a avancé contre l’option d’un droit commun uniforme des contrats, fondé
sur les Principes d’UNIDROIT :
– une extension indue du domaine d’intervention normatif de
l’OHADA ;
– une nouvelle atteinte massive à la compétence des juridictions
nationales de cassation ;
– des difficultés d’accès à la Justice du fait de l’éloignement de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA de la plupart
des pays par elle desservis.
Ces différentes critiques ne résistent pas à l’analyse. L’expérience prouve
à suffisance l’efficacité tant au plan normatif qu’à celui de la réalisation
juridictionnelle des Actes uniformes transversaux (droit des sûretés,
19 Jean PAILLUSSEAU, “Le droit de l’OHADA. Un droit très important et original”, JCP,
Cahiers de droit de l’entreprise, N° 5 (2004), 3.
Ces critiques peuvent être ordonnées en deux points, à savoir, d’une part,
l’inadéquation de l’avant-projet à constituer un droit commun général et unifié
et, d’autre part, son inadéquation à constituer un Acte uniforme spécifique
aux contrats commerciaux.
On a reproché à l’avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats
d’être incomplet, faute d’avoir abordé les questions de théorie générale, pour
valablement fournir un encadrement général des engagements contractuels.
Une analyse fine pourrait peut-être aider à déceler les insuffisances ainsi
dénoncées 20. Mais, sans aller ici dans des détails très avancés, il apparaît que
le texte de cet avant-projet est plus dense, plus ample que les règles relatives
aux obligations contractuelles héritées de la colonisation ou posées plus
récemment au plan national dans l’espace OHADA sous l’inspiration du droit
français. En fait, il ne devrait pas être difficile, le cas échéant, de combler les
considérations omises si, nous semble-t-il et comme nous le verrons plus loin,
les questions de transfert de compétences juridictionnelles et de fidélité à un
héritage juridique n’étaient posées.
Nous pouvons constater que l’avant-projet organise, provisoirement, la
matière, en treize chapitres constitués de deux cent vingt quatre articles. Ces
différents chapitres sont les suivants : – Champ d’application ; – Dispositions
générales ; – Validité ; – Interprétation ; – Contenu du contrat et droit des
tiers ; – Exécution ; – Inexécution ; – Compensation ; – Confusion ; –
Obligations conditionnelles, solidaires et alternatives ; – Cession de créances,
Un des points qui cristallise les critiques contre l’avant-projet se situe dans le
transfert de compétence juridictionnelle que son adoption aurait provoqué au
profit de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA. Sous
le couvert d’un abandon intolérable de souveraineté législative et judiciaire,
les juridictions de cassation nationales qui, à travers l’Association africaine des
hautes juridictions francophones (AAHJF), réclamaient déjà à Lomé, en 2006,
“une nécessaire et impérieuse révision du traité de Port-Louis dans le sens de
permettre aux juridictions nationales de retrouver pleinement leurs préro-
gatives relatives aux attributions dont elles ont été dépouillées par la CCJA” 27,
ne voudront jamais tolérer une nouvelle perte de terrain. Cette position a été
reprise, mais sans doute beaucoup plus par fidélité à l’héritage civiliste, par la
“Réunion des Forces Vives de l’OHADA” tenue récemment (du 8 au 10
novembre 2007) sous l’égide de l’organisation communautaire à Douala
(Cameroun).
Au regard de la position des Hautes Juridictions Francophones, on peut
conjecturer que l’avant-projet d’Acte uniforme de l’Organisation pour
23 Ibid., 6.
24 J.O. OHADA, 01/07/98, 1.
25 J.O. OHADA, 01/06/98, 1.
26 - J.O. OHADA, 15/05/99, 2.
27 Cf. Rapport de synthèse du colloque tenu à Lomé du 6 au 9 juin 2006 sur le thème
“Rapports entre les juridictions de cassation nationales et la Cour commune de justice et
d’arbitrage de l’OHADA : Bilan et perspectives d’avenir”, inédit.
28 Ibid.
III. – CONCLUSION
32 Pp. 25 et s. du projet.
33 Ibid.
majoritaire, que “L’effort de modernisation réalisé par les Français en 1804 est
une preuve d’ouverture et d’adaptation qui se prolongent aujourd’hui. ….” et
que “la leçon tirée des conditions d’élaboration du code civil français doit être
mise à profit pour l’élaboration d’un code international” ; dans ce sens, “Le
clivage entre pays de coutumes et pays de droit écrit devient, au plan
mondial, un clivage entre pays de common law et pays de droit civil” 34. Sauf
peut-être à souligner, malgré tout, que le conflit n’est pas à proprement parler
ici entre système civiliste et système de common law, les Principes
d’UNIDROIT qui ont guidé le rédacteur du projet ayant emprunté à tous les
systèmes.
!!!
THE SCOPE OF APPLICATION OF THE PRELIMINARY DRAFT OHADA UNIFORM ACT ON
CONTRACT LAW – CONTRACTS IN GENERAL / COMMERCIAL CONTRACTS / CONSUMER
CONTRACTS (Abstract)
Dorothé C. SOSSA (Agrégé of the law faculties ; former Minister of Justice ; Dean of
the law faculty of the University of Abomey-Calavi (Benin)).
The preliminary draft OHADA Uniform Act on contract law gives the OHADA
member States a choice: should the text establish a common, general and uniform
law of contracts or should it confine itself to commercial contracts?
The legacy left by the European colonial powers, which, as far most of the OHADA
member countries are concerned, means the French, has served extensively and well.
But the world has changed much since the African countries first gained their
independence and the old, comfortable system is overdue for an overhaul, indeed, on
many issues, for reconstruction. The adoption, very early on, of the Code of civil and
commercial obligations (Act of 10 July 1963) in Senegal, followed much later by the
Malian law of 29 August 1987 on a general regime of obligations, as well as the
decision taken by the OHADA Council of Ministers meeting in Bangui in 2001 to start
work on a uniform act on contracts – the preliminary draft of which is being discussed
here today – are clear evidence of this need.
Despite the publicity surrounding the work on a new contract law for OHADA,
the project does not enjoy unanimous support. Yet a single, common, general law of
contracts makes sense: the existence, side-by-side, of separate contract laws in each
OHADA member State with a uniform law on commercial contracts would impair
legal security since distortions and conflicts would emerge as soon as the uniform law
was implemented. The problem might be further compounded if there were to be a
separate uniform act on consumer contracts unless it were specified that such a
uniform act was not intended to provide a general, basic regime.
The arguments against a common, general and uniform contract law include that
it would unduly extend OHADA’s sphere of normative intervention; that the national
courts of cassation would have to surrender even more of their jurisdiction to the
Common Court of Justice and Arbitration (CCJA); and that it would become even
more difficult to obtain justice, in terms of access to the courts, due to the CCJA being
located so far from most of the countries it serves.
However, these arguments fall apart upon analysis. Experience has abundantly
demonstrated the effectiveness – both at the normative level and in the courts – of such
uniform acts as those on secured transaction law, simplified procedures for the recovery
of debts and arbitration law) that are already in operation. Likewise, there seems scant
ground for regarding the CCJA as an institution foreign to the OHADA member States,
with power to oppress and threaten national jurisdiction.
In a world which is growing smaller by the day, the march of uniform law
appears both useful and positive, as well as unstoppable, a fact the truth of which has
been recognised by the founders of OHADA. The next step is to ensure that the tools
proposed by this commendable text can be made to work effectively and well.
!!!