ÉRI, István. Le Dictionarium Museologicum. 1986

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Museum

No 138 (Vol XXXV, n° 2, 1983)

Réflexions et échanges
Vol. XXXV, no2, 1983

biuseum, qui succède à MozcsLion, est publié Les lecteurs auront constaté que le premier numéro de Museum de
à Paris par l'Organisation des Nations Unies 1983 porte le no 137. En 1947, année de la création de Museum, la
pour l'éducation, la science et la culture. numérotation en chiffres romains et par volume fut adoptée et
La revue, trimestrielle, est une tribune maintenue jusqu'à présent. Cette année, suite à une volonté
internationale d'information et de M e x i o n d'harmonisation entre tous les périodiques de I'Unesco, il a été
sur les musées de tous genres. décidé de souscrire au système de numerotation en chiffres arabes.
hfusem a donc, depuis sa création en 1947, eu le plaisir d'offrir
Les auteurs sont responsables du choix et de la 137 numéros à ses lecteurs qui, nous l'espérons, lui resteront fidèles
prtsentation des faits figurant dans leurs articles, dans le changement.
ainsi que des opinions qui y sont exprim& qui
,ne reflètent pas nécessairement celles de l'Unesco
et du Comitt de rédaction de Aitlseun. Titres,
chapeaux et ltgendes peuvent être écrits par le
rkdacteur en chef.

DIRECTEUR Erratum
Percy Stulz
Dans l'article (( Développement des musées et politique culturelle :
COMITË DE RËDACTION objectifs, perspectives et défis )) (Museum, vol. XXXIV, no 2, 1982,
PRËSIDENT p. 75, (( Musées, patrimoine et politiques culturelles en amérique
latine et dans les Caraïbes O ) , Mme Marta Arjona Perez, directrice du
Syed A. Naqvi
patrimoine culturel à Cuba, citait le grand poète cubain José Martí.
Cependant une petite erreur de traduction a légèrement transformé
RfiDACTEUR EN CHEF
le sens initial de ce passage qui devrait se lire comme suit :
Yudhishthir Raj Isar . (( L'histoire de l'Amérique, des Incas à nos jours, doit être enseignée

dans le détail, mame si cela implique l'abandon de l'enseignement


RËDACTEUR ADJOINT de l'histoire de la Grèce antique. Notre 'Grèce' est préférable à une
Marie-Josée Thiel 'Grèce' Ctrangère ... . Nous pouvons nourrir nos nations d'éléments
du monde entier mais le corps lui-même doit rester le nôtre. v (Josi.
ASSISTANTE DE R É D A C T I O N Martí, Nuestra America, publié à Mexico en 1891.)
Christine Wilkinson

DIRECTEUR ARTISTIQUE
Rolf Ibach

MAQUETTE Toute correspondance concernant les


Monika Jost questions d'ordre rédactionnel doit être adressée
au rédacteur en chef (Division du
COMITÉ CONSULTATIF Patrimoine culturel, Unesco, 7 , place de
Fontenoy, 75 700 Paris, France) qui,
O m Prakash Agrawal, Inde toujours disposé à étudier les manuscrits, ne
Fernanda de Camargo e Almeida-Moro, peut se charger de les archiver ou de les
Brésil retourner à leurs auteurs. I1 est conseillé à
Chira Chongkol, Thaïlande ceux-ci d'écrire tout d'abord au rédacteur en
Joseph-Marie Essomba, président de chef.
l'OMMSA
Gaë1 de Guichen, assistant
à la formation scientifique, Iccrom
Les articles sont s o w copyright et ne
Jan Jelinek, Tchkcoslovaquie
peuvent ?tre reproduits sans le consentement
Grace McCann Morley, conseiller,
de I'Unesco. Des extraits peuvent être cith,
Agence régionale de l'Icom en Asie
sous condition d'en mentionner ia source.
Luis Monreal, secrétaire général de l'Icom,
ex officio Toute correspondance relative aux
Paul Perrot, États-Unis d'Amérique abonnements doit etre adressée à la Division
Georges Henri Rivière, conseiller des services commerciaux, Office des Presses
permanent de 1'Icom de l'Unesco, Unesco, 7, place de Fontenoy,
Vitali Souslov, URSS 75 700 Paris, France.

Le numéro : 34 F
Abonnement ( 4 numéros ou numéros
doubles correspondants) : 11 O F.

0 Unesco 1983
Imprimé en Suisse
Imprimeries Populaires de Genève
Réflexions et échanges

PENSBEET ACTION AU ROYAUME-UNI


Sir Roy Strong Le musée, agent de communication 7 5
James Porter Un commentaire sur @ Le musée, agent de communication N 82
Neil Cossons Renaissance du mouvement des musées au Royaume-Uni 8 3
Timothy Ambrose et
Graeme Farnell Écosse : l'aide du gouvernement central aux musées locaux 90
~

THHORIE ET PRATIQUE
Jean- Pierre Vuilleumier Programmation de musée et polìtique de dei/eoppement 94
Sidney Moko Mead Modèles autochtones en Océanie 98
Jose€ Bene: Variabilité des modes d'e.ybosition 102
Salia Malé et
Moutaga Dembélt Deux Maliens en Prance : expérience d k n stage 108
István Éri Le Dictionarium museologicum : construire des ponts avec des mots 11O

CHRONIQUE
George Anthony Aarons Port-Royal à la Jamaïque : du cataclysme à la renaissance 114
Erin Kelley Le récq coralhen : un système vivant, objet d'exposition et de laboratoire 119
Keith Nicklin Méthodes traditionnelles de conservation : r@exions sur quekpes pratiques
africaines 12 3
Mwimanji Ndota Chellah Le Musée national de Zambie à Livingstone 128
Vic Levey Musées et monuments nationaux du Zimbabwe 131

I S N 0301-3002Mmim (Unesco, Paris), no 138 (vol. XXXV, no 2 )


74

Grille d'ascenseur, en métal doré, portes et


intérieur provenant du grand magasin
Selfridge's, Oxford Street, Londres, c. 1927.
[Photo : The Museum of London.]
75

PENSBE ET A C T I O AU
ROYAUME-UNI

Le musée, agmt de communication


Sir Roy Strong Avant de vous parler de la fonction de de conférences sur les musées et l’éduca-
communication du musée, il me semble tion en vous parlant de la fonction de
Né en 1935. B.A. de l’université de Londres. nécessaire de définir, au moins dans les communication des musées. Ma position,
Ph. D. du Warburg Institute. Conservateur
adjoint à la National Portrait Gallery, 1959, et grandes lignes, la façon dont je la conçois. qui peut sembler anticonformiste, est
directeur en 1967. Directeur du Victoria and Le visiteur d’un musée est pour moi celle de quelqu’un qui a été directeur de
Albert Museum en 1974. A reçu le prix comme un alpiniste qui escaladerait une deux grands musées nationaux pendant
Shakespeare en 1980, et a été fait chevalier en montagne de connaissances. Au cours de quinze ans, c’est-à-dire depuis l’âge de
1982, Auteur de : Portrait .f Quem Elizabeth I,
Oxford University Press, 1963 ; Tirdor and
l‘ascension, la vue est toujours intéres- trente et un ans. La vocation éducative
Jacobean portraits, National Portrait Gallery, 1969 ; sante, mais l’angle de vision varie sans des musées ne constitue qu’un des aspects
The English Icon :Elizabethan atzd Jacobean cesse. Le rôle du musée est de préserver et de leurs activités dans le domaine de la
portraiture, Mellon Foundation, 1969 ; Splendor at de mettre en valeur tous ces points de communication, et l’on pourrait soutenir
Court, Boston, Houghton MiWin, 1973 ; The vue, en prenant garde de ne pas favoriser que ce n’est pas le plus important. L‘édu-
Renaissance Gavden iii England, Thames and
Hudson, 1979. A contribué à The E@sh celui-ci plutôt que celui-là. C’est une cation par les musées était, dans une cer-
miniattirev Yale University Press, 1981 ; A paraitre entreprise formidable que celle qui con- taine mesure, la grande idée des années
bientôt : The English Renaissance miniatwe, siste à s’adresser en même temps à tous les 50 et 60. Depuis, beaucoup d‘eau a coulé
Thames and Hudson. I1 est également l’auteur niveaux de l’intelligence et de la com- sous les ponts et, puisqu’on m’a chargé
d’un grand nombre de livres sur l’histoire des
Tudor et l’art. préhension ; aucune autre organisation de vous parler de la communication par et
culturelle ne l’a tentée. En effet, tout sys- dans les musées, je vous demande d’ou-
time d’éducation se fonde sur une struc- blier un peu ces interminables files d’éco-
ture hiérarchisée dans laquelle il n’y a liers qui se pressent aux portes des
pour ainsi dire pas d’interaction entre le musées, pour voir les choses dans une
primaire, le secondaire et le troisième perspective beaucoup plus large.
cycle, alors que le musée s’adresse simul- Pour pouvoir communiquer, le musée
tanément aux trois niveaux. O n ne per- doit bien évidemment avoir à sa disposi-
çoit pas toujours combien ce rôle est diffi- tion des médias, au sens qu’on donne .h ce
cile, trop peut-être compte tenu des mot à la fin du XX‘ siècle et avec l’énorme
moyens financiers et des effectifs limités diversité de moyens que cela implique :
dont nous disposons, surtout au cours publications, conférences, radio, télévi-
d‘une crise comme celle que nous traver- sion, vidéo. La réussite de tout musée
sons. Je dirai donc que, dans l’idéal, le suppose que ses responsables connaissent
musée doit s’adresser à tout le monde. la technique des relations publiques et
Mais, si ses ressources sont insuffisantes, il sachent s’en servir pour exprimer visuelle-
lui faudra procéder à des choix fondamen- ment et verbalement leurs objectifs et
taux, c’est-à-dire déterminer ses objectifs leurs orientations. Cela est plus vrai que
prioritaires et faire porter ses efforts sur jamais à une époque oh il faut pouvoir
eux et sur les groupes de population qui influer sur l’opinion publique, non seule-
en tireront le maximum d‘avantages. I1 ment pour attirer les visiteurs et les dona-
faut parfois du courage pour prendre des tions, mais aussi pour faire comprendre à
décisions impopulaires ; c’est pourtant des gouvernements spartiates qu’ils ne
indispensable car, s’il est vrai que le sauraient rogner sur les fonds alloués aux
musée est un instrument de communica- musées sans s’attirer les foudres des
tion, il ne saurait sacrifier la qualité du médias. Pour ne rien vous cacher, j’ai
message au simple souci de communi-
I. Allocution prononcée à l’occasion du
quer. skninaire sur (( Les musées et l’éducation
On m’a demandé d’ouvrir cette série organisé par le British Council le 14 juin 1982.
76 Sir Roy Str0n.p

toujours estimé personnellement qu'un pour promouvoir une exposition. Lors-


musée, ou son directeur si vous préférez, que nous avons organisé l'exposition sur
doit soigner son image de marque. Pour (( Les fastes des Gonzague )) avec l'appui

présider aux destinées d'un grand musée du Daily .teLegmpb, le journal avait acheté
national, il ne suffit pas d'être un savant d'énormes emplacements publicitaires
de réputation internationale et un bon dans le métro de Londres et le long des
administrateur, il faut aussi pouvoir évo- rues, pour placarder d'immenses agrandis-
h e r à son aise dans les milieux de la sements d'un des plus touchants tableaux
presse, de la radio et de la télévision. S'il de tous ceux qui étaient exposés - quatre
n'est pas capable de le faire d'emblée, il enfants affamés, trois petits garçons et
doit l'apprendre et j'ajoute que ces remar- une fillette, dont l'un tournait son visage
ques s'appliquent non seulement au vers le spectateur. Je suis tout prêt à
directeur mais aussi à ses assistants. reconnaître que si j'ai choisi cette illustra-
J'éprouve à cet égard une certaine admira- tion, c'est parce que chacun sait, dans le
tion pour le système américain, qui sou- monde du cinéma, qu'il n'y a rien de tel,
met les futurs conservateurs de musée à pour toucher le public, que de lui mon-
un véritable entraînement - leur appre- trer un chien, un enfant ou une bonne
nant à parler et à évoluer en public. Si sœur. I1 n'empêche que c'était une excel-
notre premier ministre a pu apprendre à lente exposition. C'est d'ailleurs là un
transformer totalement le ton d'une voix autre point à souligner; la meilleure
qui évoquait trop facilement celle d'une publicité du monde ne peut pas assurer le
institutrice en colère, je ne vois pas pour- succès d'une mauvaise exposition. Nous
quoi un conservateur de musée ne pour- avons le souvenir dans ce pays d'exposi-
rait pas en faire autant. Le directeur d'un tions spectaculaires qui ont coûté un
musée n'est pas seulement responsable demi-million de livres et qui ont cepen-
devant ses collègues, il lui appartient éga- dant été des échecs retentissants malgré
lement d'ktablir et de maintenir des con- l'ampleur des moyens publicitaires mis en
tacts personnels avec d'autres milieux. I1 œuvre, tout simplement parce qu'elles
lui faut s'efforcer d'être omniprésent et n'étaient pas bonnes. Pour résumer ma
considérer qu'il lui appartient aussi de première idée, je dirai qu'aucun musée ne
connaître et d'influencer les gens, en bref, peut communiquer avec succès si son
de communiquer. directeur en est lui-même incapable et s'il
Les services de presse et d'information ne dispose pas d'un bureau de presse et
constituent un élément essentiel de l'acti- d'information.
vité des musées dans le domaine de la Si vous croyez que le musée a un rôle
communication, et tout directeur de à jouer en matière de communication,
musée qui se respecte doit s'y intéresser vous croyez forcément aussi au dévelop-
personnellement. La production graphi- pement des magasins des musées et gale-
que doit être contrôlée à tous les stades. I1 ries. I1 s'agit sans doute là d'un des
ne sort pas un morceau de papier du Vic- aspects les plus révolutionnaires de l'évo-
VICTORIA AND ALBERT MUSEUM, Londres. toria and Albert Museum sans que j'en lution récente de la muséologie, même
L'indrieur de l'exposition ((Les fastes des sois personnellement informé : l'image s'il se manifeste encore de façon timide.
Gonzague)), de novembre 1981 à avril que les gens se font du musée dépend de Comment définir le rôle du magasin du
1982. ...((pourl'organisation de
l'exposition, avec l'appui du Daib telegraph, ce qu'ils lisent et voient à son sujet. Et musée en matière de communication ? En
le journal avait ache& d'énormes c'est cette production qui définit un style, premier lieu, il contribue à faire connaître
emplacements publicitaires dans le métro une attitude (on peut juger de la polit; les collections du musée, par divers
de Londres... r) que d'un musée par la qualité de sa publi- moyens qui vont des grands catalogues
[Photo; Victoria and Albert Museum.]
cité) ; s'il est vrai que les affiches doivent très documentés aux brochures de vulga-
être conçues de façon à toucher l'ensem- risation, sans oublier les cartes postales et
ble de la collectivité, elles expriment éga- les reproductions. Chaque musée devrait
lement un style et une conception de l'art avoir une librairie et un rayon des meil-
graphique. I1 est consternant de voir de leurs ouvrages disponibles, choisis par les
nombreux musées négliger le rôle de la conservateurs, sur les sujets de la compé-
presse et de l'information, comme si elles tence du musée. I1 devrait aussi, quand il
éraient suspectes. Peut-être le sont-elles, y a lieu et lorsque c'est possible, favoriser
mais nous ne pouvons pas nous permettre la création en vendant des Ceuvres d'artis-
d'ignorer les moyens de communication tes et d'artisans contemporains. I1 y a là
de notre temps. C'est comme si, au X V I ~ une fonction du musée qui reste entière-
siècle, on avait décidé de ne pas tenir ment à développer. I1 est naturel que tout
compte de l'invention de l'imprimerie. musée d'une certaine importance com-
Bien entendu il y a parfois une certaine porte un magasin o Ù l'on vend des objets
déformation de la réalité, notamment d'art et d'artisanat. I1 devrait proposer à la
quand on fait appel à un grand quotidien vente des œuvres contemporaines analo-
Le miis&, a,?& de commuriication 77

gues à celles qu’il aimerait collectionner. plan intellectuel. Mettre des salles à la dis-
En outre, encourager les artistes, artisans position des associations locales pour
et concepteurs vivants constitue pour les leurs réunions ou leurs réceptions, louer
musées une obligation morale. le musée pour la soirée à une entreprise,
Cela ne doit d‘ailleurs pas se faire seu- cela contribue à créer de l’animation tout.
lement par la vente. Nos prédécesseurs du en attirant des gens qui ne franchiraient
siècle dernier étaient beaucoup moins jamais la porte d’un musée dans le seul
timorés que nous et n’hésitaient pas à but de s’enrichir l’esprit. Voilà qui
confier la décoration de leurs locaux à des m’amène à parler de la fonction d‘amphi-
artistes contemporains. Le mécénat des tryon des musées. Les États-Unis ont, à
musées est à réinventer. Pourquoi ne pas cet égard, une tradition beaucoup plus
confier la réalisation des couverts et de la libérale que la nôtre. Or le divertissement
vaisselle de la cafétéria d‘un musée à un est un élément essentiel de la communi-
concepteur de talent ? Votre musée com- cation. Le conseil d‘administration pen-
porte-t-il une cour ou un patio qui peu- sera peut-être que son directeur donne
vent accueillir une fontaine ou une sculp- dans les mondanités, mais j’estime que la
ture? Commandez-la à un sculpteur con- grandeur et la décadence des empires
temporain. Si vous organisez des dîners muséologiques dépendent de leur degré
ou des soirées au musée, faites appel aux d’ouverture sur le monde extérieur. I1 est
meilleurs artisans pour dessiner l’argente- indispensable d‘avoir des contacts avec
rie, et, surtout, utilisez-la. Nest-il pas tous les milieux - qu’il s’agisse du monde
possible de confier la décoration du des affaires, des autres secteurs d‘activité
bureau directorial aux meilleurs artistes artistique, des collectionneurs et des mar-
contemporains ? Pourquoi ne pas deman- chands, des sphères de la politique et du
der à un créateur de mobilier renommé de pouvoir. Ceux qui en font partie vien-
votre pays de dessiner les sièges pour le dront vous voir si vous les invitez à
public des galeries? N’y a-t-il pas quelque déjeuner, si vous organisez un grand
part un mur dont vous pourriez comman- dîner avec une visite privée d‘une exposi-
der la décoration à un artiste ? Avez-vous tion, si vous leur offrez une réception
jamais envisagé de demander à un décora- vraiment réussie. En procédant ainsi, vous
teur de concevoir les dispositifs de sécu- leur parlez un langage, si j’ose dire, que
rité ou l’éclairage? Autant d‘occasions de leurs femmes comprennent. Une longue
faire travailler les créateurs contempo- expérience m’a enseigné que I’argent ainsi Prkparatifs pour une conférence de presse
rains. Le musée est un organisme vivant. dépensé n’est jamais gaspillé, et que les dans le Gamble Room du Victoria and
I1 ne doit pas se contenter de sélectionner distractions et les affaires font très bon Albert Museum. 4 I1 est indispensable
et de collectionner mais participer à la vie ménage. Je ne vois pas pour ma part d’avoir des contacts avec tous les milieux...
Si vous leur offrez une réception vraiment
artistique d‘aujourd’hui en faisant preuve pourquoi il faudrait froncer les sourcils rkussie... vous leur parlez un langage... que
d’imagination. Le soutien qu’il peut chaque fois qu’on sert un verre dans un leurs femmes comprennent... O
apporter aux artistes est considérable - musée. Un personnage influent à qui vous [Photo: Victoria and Albert Museum.]
depuis l‘organisation des expositions jus-
qu’à la conception du papier à lettres et
des affiches. Mais, dans la plupart des ins-
titutions que j’ai fréquentées, cette tradi-
tion était morte, à supposer qu’elle y eût
jamais existé.
Votre musée sera mort également s’il
ne se prête pas à certaines activités parallè-
les. Je sais que, la plupart du temps, nous
devons nous accommoder de bâtiments
qui ne comportent, pour l’accueil des
visiteurs, aucun de ces services - garages,
restaurants, bars - qui vont pourtant de
soi dans n’importe quel autre établisse-
ment. Je sais que le musée a aussi des
problèmes de conservation et de sécurité à
résoudre, mais il doit s’efforcer de le faire
de façon qu’une partie au moins du bâti-
ment soit utilisable à d‘autres fins. Le
musée devrait automatiquement servir de
centre de conférences, de séminaires et de
débats sur tout ce qui peut avoir trait à
ses collections, mais il devrait aussi servir
à des activités moins ambitieuses sur le
78 Sìr Roy Strong

Librairie et magasin du musée. ({Sivous


croyez que le musée a un rôle à jouer en
matière de communication vous croyez
forcément aussi au développement des
magasins... un des aspects les plus
révolutionnaires de l'évolution récente
de la mustologie... ))
[Photo: Victoria and Albert Museum.]

aurez fait passer une excellente soirée dans passe ont toujours beaucoup de succès car que leur participation est motivée par les
votre musée s'en souviendra toujours - elles satisfont le sentiment de curiosité de bénéfices qu'elles espèrent en tirer. Pour
mais, attention, mieux vaut s'abstenir tout un chacun à l'égard de ce qui se ma part, cela me gêne d'autant moins que
que faire les choses à moitié. passe dans les coulisses. Au Royaume- c'est pour les mêmes raisons que les
Un musée a besoin d'ambassadeurs au Uni, des gens qui dépensent sans sourcil- musées s'intéressent à elles. Pour le
sein de la collectivité, et c'est là qu'inter- ler vingt livres pour dîner à deux dans un moment, j'éprouve un certain sentiment
viennent les associations d'amis du restaurant médiocre rechignent à payer d'impuissance car il semble que nous
musée. Aux États-Unis, les musées doi- plus de trois livres leur carte annuelle n'ayons pas grand-chose à offrir qui puisse
vent une bonne part de leurs ressources à d'accès au musée régional. Lorsque tout les intéresser. Je serais bien incapable de
des associations de ce genre ; elles tendent va pour le mieux, l'Association des amis dire comment les choses vont évoluer car
aussi à se multiplier chez nous, avec cette du musée peut assurer une permanence nous devons réussir à faire comprendre
différence qu'elles fournissent un soutien d'information à l'entrée principale, orga- aux mécènes éventuels que ce ne sont pas
uniquement moral et non financier. Ces niser des visites guidées, et même, dans les expositions, mais les musées eux-
associations institutionnalisent une certains cas, contribuer à s'occuper des mêmes qui ont besoin de leur appui, et
volonté de soutien, même si la plupart de collections. Elle représente le musée en nous n'y sommes pas encore parvenus.
leurs animateurs aflirment passer leur tant qu'agent de communication. Toute- A l'heure actuelle, c'est essentiellement
temps à expliquer aux personnes qui fois, nous sommes obligés de plus en plus par les expositions que le musée s'acquitte
souhaitent y adhérer qu'elles sont là pour de recourir à des solutions plus radicales de sa fonction de communication. Par
aider le musée et non pour être aidées par et de faire appel au mécénat des entrepri- définition, toute exposition est d o r t de
lui. Dans l'ensemble, je suis favorable à ses privées dans la mesure oh l'aide publi- communication ; elle n'est pas une occa-
ces associations, qui apportent un appui que a tendance à diminuer. Je sais que de sion pour l'organisateur de se mettre en
moral et quelques moyens financiers et nombreux directeurs et conservateurs de valeur en faisant étalage de son érudition,
constituent en outre un réservoir de bon- musées repoussent cette idée avec hor- mais une association du savoir au meil-
nes volontés. Malheureusement, la com- reur, mais, pour être franc, il s'agit de leur sens du terme et de l'aptitude à le
pétition dans ce domaine devient de plus savoir si l'on préfere se noyer ou appren- transmettre au grand public. Le sujet des
en plus dure. Une chose est sûre en tout dre à nager. Personnellement, je me féli- expositions et de leurs motivations est
cas : il ne sert à rien de se lancer dans ce cite de cette interpénétration avec le sec- tellement vaste qu'il me faudrait tout le
genre d'entreprise si l'on ne procède pas teur privé, qui n'est d'ailleurs qu'em- temps qui m'a été imparti pour vous en
de façon rigoureuse et en faisant appel à bryonnaire chez nous - surtout en ce qui parler. Les expositions peuvent varier
un personnel compétent, bien payé et concerne les musées, puisque les publici- considérablement selon leur importance,
employé à plein temps. L'organisation taires, pour le moment, s'intéressent prin- leur sujet ou la manière dont elles sont
d'un programme complet d'excursions et cipalement aux arts du spectacle. Com- traitées. Pour moi, elles sont un peu le
de visites à l'échelon national et à l'étran- ment toucher les milieux d'affaires et les moyen d'expression des musées, qui leur
ger, la préparation de manifestations artis- sociétés transnationales et les intéresser permet de situer d'un coup à sa vraie
tiques et de visites privées suppose des aux activités du musée? Si la tâche est place un artiste vivant ou mort, d'ouvrir
efforts considérables et exige le concours ardue, elle est cependant capitale pour le les yeux du public à un nouvel aspect du
des conservateurs. L'Association des amis musée en tant qu'agent de communica- passé ou du présent, d'apporter à un mil-
du Victoria and Albert Museum n'orga- tion. Pour le moment, les entreprises se lion de visiteurs le plaisir d'un spectacle
nise jamais de visites sans la participation contentent d'accorder leur patronage à de richesses et de scintillement mais aussi
d'un conservateur de haut rang qui fait des expositions spectaculaires qui leur d'éveiller et d'inquiéter l'opinion. On a
fonction à la fois de guide et de conféren- donnent du prestige et leur permettent de trop souvent tendance à oublier que les
cier. Les visites organisées dans les diffé- faire parler d'elles dans les organes d'in- expositions ont aussi une fonction polé-
rents services pour montrer ce qui s'y formation. A cet égard, il faut reconnaître mique. Dans le domaine artistique, elles
Le inuséet apnt de communication 79

Depuis novembre 1982, il existe un bureau


d'information des amis du musée dans le
hall principal du musée. ((Un musée
a besoin d'ambassadeurs au sein de la
collectivitt et c'est là qu'interviennent les
associations d'amis du musée (voir Museum,
vol. m I X , no 1, 1977, ((Les musées et
leurs amis D).
[Photo: Victoria and Albert Museum,]

peuvent avertir la communauté des agres- fortés, rassurés sur leurs origines et leurs est-il arrivé de sortir d'un musée émer-
sions subies par son patrimoine culturel, possibilités, et d'oublier provisoirement veillé par différents objets mais en vous
de même qu'une exposition d'histoire leur condition présente. Certes, il n7y a demandant de quoi il pouvait bien s'agir,
naturelle peut informer l'opinion des rien de mal à cela, mais un musée qui- ce qu'on avait cherché à faire et pourquoi
atteintes portées au milieu de la faune n'organiserait que des expositions de ce ils se trouvaient là? Le personnel des
sauvage. La plupart des musées donnent genre faillirait complètement à sa mis- musées n'a pas suffisamment l'habitude, à
l'impression de redouter la controverse. sion. mon avis, de remettre en cause et de
Ils ont tort. Les expositions n'ont pas Toutefois, l'organisation d'expositions redéfinir ses objectifs à la lumière de
seulement pour but de cajoler et de con- pose un dilemme de plus en plus difficile l'évolution de la société. Les statuts de
soler, elles doivent également pouvoir à résoudre en période de forte récession. bon nombre de nos musées les plus véné-
susciter la colère. Je suis fier de la grande Toute exposition demande des investisse- rables, qui étaient révolutionnaires au siè-
série d'expositions que le Victoria and ments considérables et mobilise en per- cle dernier, sont devenus des monuments
Albert Museum a consacré dans les manence un personnel nombreux à un de conservatisme. Aujourd'hui encore, les
années 60 à l'avenir de notre patrimoine moment où les effectifs sont en diminu- membres du personnel des musées s'iso-
historique - châteaux, églises et jardins. tion. A mon avis, le problème fondamen- lent trop souvent derrière leurs murs
A l'époque, ces expositions avaient sus- tal de la fin de ce siècle dans le domaine comme derrière ceux d'un cloître. I1 est
cité des pleurs et des grincements de qui nous occupe est de ramener l'atten- indispensable que conseils d'administra-
dents, mais elles ont exercé une profonde tion du public sur l'existence du musée tion, directeurs et conservateurs exami-
influence sur l'opinion publique et sur lui-même. Tout se passe comme si nous nent périodiquement leurs buts et leurs
l'attitude du gouvernement. Le musée ne étions devenus une branche de l'industrie objectifs sur le plan tant des idées que de
doit pas se contenter de communiquer du spectacle. Aux États-Unis, un musée leurs applications concrètes. I1 est trop
uniquement les bonnes nouvelles. I1 doit est condamné à organiser en permanence facile de travailler dans un palais rempli
aussi signaler au public les crimes qui se d'importantes expositions pour survivre. de trésors et de se laisser bercer par l'illu-
commettent contre la culture, lui faire Nous en sommes arrivés à un point tel sion que cela suffit à légitimer votre exis-
sentir à quel point la création esthétique que nos collections permanentes font tence et votre action. En fait, de nom-
et le goût de la nation ont décliné, et ne figure de parents pauvres à côté d'exposi- breux musées sont gérés de telle sorte
pas hésiter non plus à faire connaître les tions temporaires superbement présen- qu'ils ne pourront jamais devenir des ins-
productions étrangères quand elles sont tées. I1 faut s'efforcer de faire retrouver au truments de communication : il n'y a ni
meilleures. Le musée symbolise la qualité public le chemin des collections perma- dialogue avec les conservateurs, ni
dans notre société. Ce n'est pas parce que nentes des musées. A bien des égards, cela échange périodique d'idées sur les princi-
quelque chose vient de chez nous qu'il ne sera possible que si nous les traitons et pes directeurs et les orientations suivies.
faut nécessairement y applaudir, surtout les mettons en valeur de la même manière Cette réflexion concernant les principes
si l'on fait mieux ailleurs. que les expositions temporaires. Cela et les orientations générales devrait porter
Que le choix des expositions reflète la prouve d'ailleurs que notre façon de pré- avant tout sur cet instrument de commu-
mentalité de l'époque me semble à la fois senter les collections permanentes a été nication essentiel que sont les -galeries
inévitable et normal. La grisaille des terne et ennuyeuse. Bon nombre des permanentes. Le rôle fondamental d'un
années 80 nous incite nous tourner vers musées les plus anciens ont perdu de vue musée est de collectionner et de conserver
les valeurs éternelles des grandes ceuvres leur vocation et ne parviennent pas à des objets, et sa façon de présenter ces
d'art. Le renouveau de l'intérêt porté aux repenser leurs objectifs et leur idéaux. objets au public constitue son principal
ceuvres marquantes des siècles passés est Voilà qui nous amène à un problème moyen de communication. Pourtant, plus
un phénomène qui touche l'ensemble de fondamental. Un musée ne peut commu- je visite de musées et de galeries, plus je
l'Europe occidentale. I1 s'explique aisé- niquer qu'a condition de savoir ce qu'il a me demande dans quelle mesure on a
ment : les gens ont besoin d'être récon- à communiquer. Combien de fois vous réfléchi à ce problème. Bien entendu, on
80 Sir Roy Strong

peut imaginer diverses solutions, mais plus authentiques. En ce qui concerne les bon. Au Royaume-Uni, le mouvement en
toutes ont ceci de commun que le con- musées des beaux-arts, les liens officiels faveur de l'union des musées s'est soldé
cepteur joue, aux côtés du conservateur, avec l'enseignement de l'histoire de l'art dans l'ensemble par un échec. I1 existe
un rôle de plus en plus important. Bien et l'université sont encore très insuffi- une division persistante entre les collec-
que ces deux personnages représentent en sants. Quant au rôle des musées par rap- tions régionales et les musées nationaux
fait deux aspects indissociables du rôle du port aux autres disciplines universitaires, et, parmi ces derniers, entre les principaux
musée en matière de communication il est pour ainsi dire inexistant. Et, pour- et les plus anciens musées des beaux-arts
puisque la fonction du concepteur est tant, c'est parmi les anciens étudiants que et les autres. Le bilan de la Museum Asso-
d'exprimer visuellement les intentions du les musées recruteront plus tard l'essentiel ciation, qui devait rassembler l'ensemble
conservateur, ils entretiennent trop sou- de leurs clients et bienfaiteurs. En géné- de la profession, est désastreux. Je cons-
vent des relations extrêmement mauvai- ral, le premier contact avec le musée tate de plus en plus que la communica-
ses. Le concepteur du musée, qu'il tra- intervient pendant l'enfance; il reste sans tion passe beaucoup moins bien entre les
vaille pour le musée à plein temps ou à la lendemain, soit à tout jamais, soit jusqu'à différents musées qu'entre ceux-ci et les
commande, exerce une influence détermi- ce que les parents prennent l'initiative organismes représentatifs de leur disci-
nante sur la manière dont le musée d'une visite. Le groupe d'âge d'une pline. C'est ainsi que l'interlocuteur privi-
s'acquitte de sa fonction de communica- importance vitale que nous n'avons pas légié des musées des beaux-arts est ~'ASSO-
tion. Les styles de présentation évoluent : réussi à attirer est précisément celui des ciation des spécialistes de l'histoire de
c'est dans la nature des choses et nul n'y élèves de l'enseignement supérieur. l'art. La faiblesse de toute association qui
peut rien. Chaque génération crée son L'échec est imputable aux deux parties : il prétendrait réunir les différents musées
propre style et les musées sont pratique-' s'explique autant par la nature des pro- tient au fait que ce qui les rapproche, ce
ment dans l'impossibilité de suivre cette grammes d'études que par notre impuis- sont non pas des préoccupations touchant
évolution faute de moyens financiers suffi- sance apparente à tenir un discours qui à tel ou tel domaine de la connaissance,
sants. J'ai été très frappé, en Italie, cette intéresse ce public potentiel. En d'autres mais des problèmes relatifs à la disposi-
année, de voir combien le mode de pré- termes, les étudiants peuvent se passer de tion des collections, aux salaires ou aux
sentation de tous les musées date, avec ce nous. Certes, c'est tant pis pour nous, conditions de travail. Ce que tous ceux
goût caractéristique de l'immédiat après- mais c'est aussi préjudiciable pour eux. qui travaillent dans les musées ont en
guerre pour les matériaux à l'état brut, les La fonction pédagogique du musée est commun, c'est la compétence profession-
peintures sur bois désencadrées, les cheva- un sujet tellement rebattu qu'il est diffi- nelle, qui constitue leur raison d'être, et il
lets métalliques, les sols de marbre et les cile d'ajouter à ce qui est devenu une leur est certainement plus utile de pou-
murs blancs ; pourtant, lorsque j'ai visité véritable industrie. Que dire de plus? voir s'exprimer sur leur spécialité au
l'Italie pour la première fois, au milieu Nous connaissons tout cet arsenal de visi- milieu de gens dont l'activité est très
des années 50, j'avais trouvé cette présen- tes guidées, de conférences, de brochures, différente mais dont les .préoccupations
tation remarquable par rapport à l'aména- de manifestations spéciales pour les intellectuelles sont du même ordre.
gement conventionnel et au décor fané enfants, de livres et de fascicules, qui ne D'une manière générale, il n'y a rien de
des musées britanniques. Car, en dernière peut toutefois être efficace que s'il existe pire que ces conférences et réunions qui
analyse, le musée est lui-même objet d'ex- une certaine intégration et un certain rassemblent exclusivement des membres
position. C'est si vrai que nos grands équilibre. J'ai fréquemment le sentiment du personnel des musées. Elles illustrent
musées du X M ~siècle sont devenus des que la programmation de l'éducation presque immanquablement la faillite du
objets d'art à part entière et que certains dans les musées n'est pas suffisamment musée en tant qu'agent de communica-
des travaux de restauration les plus inté- aérenciée. Le fait est que l'accent est tion car chacun ne s'adresse aux autres
ressants entrepris actuellement visent à mis dans l'ensemble sur le bas plutôt que que pour parler de soi.
rendre à leurs galeries l'aspect qu'elles sur le haut de l'échelle. I1 n'existe pas à Ce point est lié à un autre problème.
avaient au siècle dernier. ma connaissance de musée qui possède Voici trente ans, il n'existait pas de cours
S'il y a une chose que je ne peux plus l'équivalent d'une chaire de professeur. de muséologie ; il n'y avait pour ainsi dire
supporter, c'est bien le préjugé tenace qui De ce fait, l'action éducative a générale- aucun renseignement de l'histoire de
consiste à assimiler la communication à ment tendance à privilégier, comme je l'ai l'art, par exemple. Tout cela a bien
l'éducation des écoliers. Sous la forme oìì déjà dit, les jeunes ou la culture de masse changé, mais cette évolution pose à long
nous la connaissons, l'utilisation du quand il s'agit des adultes. Les échelons terme des problèmes considérables du
musée à des fins pédagogiques date essen- supérieurs de l'éducation ont été laissés de point de vue de la communication. Ceux
tiellement d'une trentaine d'années et côté, alors que le musée ne pourra conti- qui entraient dans un musée, naguère,
s'est développée du bas vers le haut, nuer à servir de centre d'excellence qu'au avaient des connaissances générales dans
c'est-à-dire à partir de l'instruction élé- prix d'une certaine intégration, qui com- tous les domaines des arts et des sciences ;
mentaire. A mon sens, ce développement mence d'ailleurs souvent à se dessiner. ils possédaient un bagage dans des matiè-
s'est fait surtout, en direction de l'élève Si l'on me demandait ce qui manque le res dont la connaissance était assez large-
ayant dEjà acquis une certaine maturité. plus aux musées en tant qu'agents de ment répandue dans la collectivité. Tout
Dans l'ensemble, il y a eu assez peu de communication, je dirais que c'est l'apti- cela a changé et l'histoire de l'art et la
rapports entre les musées et l'université. tude à s'unir, que ce soit au niveau natio- muséologie ont élaboré leur propre jar-
L'idée d'être assimilés à des maîtres de nal ou international. Leur diversité est gon, ce qui a eu pour résultat de rendre
conférences universitaires ne plaît guère telle qu'ils ne parviennent à s'entendre ces matières non pas plus accessibles, mais
aux conservateurs et je partage leur point que sur quelques points de base. En bien moins, au contraire. Dans le souci
de vue. Telle n'est pas leur tâche et pour- outre, ils se trouvent placés dans la même fiévreux d'accéder à la respectabilité aca-
tant c'est bien souvent avec l'enseigne- situation de concurrence acharnée que des démique, ces disciplines ont eu trop sou-
ment supérieur que les relations sont les entreprises commerciales, et cela n'est pas vent tendance à mépriser tout souci d'un
Le muée, agent de coinmunication 81

moyen terme. Comme j’évoquais récem- serait contraire, selon moi, aux raisons
ment ce problème à l’université de Gro- d‘être du musée et à son rôle dans la
ningue, aux Pays-Bas, j’ai eu la surprise société. Je frémis à la pensée que les auto-
de constater que mes interlocuteurs, qui rités britanniques pourraient un jour imi-
étaient des spécialistes de l’histoire de ter le gouvernement italien et décréter
l’art, éprouvaient les mêmes inquiétudes. que tous les écoliers âgés de dix à seize
On a perdu ce que j’appellerai le sens du ans doivent visiter en deux mois un cer-
juste milieu, c’est-à-dire, selon moi, du tain nombre de sites historiques. Lorsque
langage qui peut être facilement compris je visitai le Palais ducal de Mantoue, le
par une personne sans formation particu- directeur me déclara que 42 000 person-
lière. Les publications qui s’adressaient à nes, des enfants pour la plupart, étaient
ce public moyen ont disparu ou sont passées dans la Camera degli Sposi (cham-
devenues tellement ésotériques qu’elles ne bre des époux), décorée par Mantegna.
peuvent plus être comprises que par des Les conservateurs étaient dévorés d‘in-
initiés. Le musée doit demeurer le rem- quiétude parce que l’humidité occasion-
part de ce public moyen et s’acquitter de née par cette d u e n c e attaquait les fres-
ses obligations envers toutes les catégories ques. Dans toute l’Europe, la foule des
de population. Mais plus la connaissance visiteurs de sites historiques est telle
tend à se spécialiser et plus il devient diffi- qu’elle risque de détruire des œuvres qui
cile de maintenir cette tradition. La spé- existent depuis des siècles. Les musées
cialisation est devenue si poussée que la pourraient connaître le même sort; cela
mobilité traditionnelle du personnel s’est d’ailleurs déjà produit. I1 va falloir
affecté aux collections se réduit à mesure désormais rappeler constamment aux visi-
que chacun tend à se spécialiser dès sa teurs que le fait de pouvoir contempler
naissance dans l’argenterie rococo ou des œuvres d‘art constitue un privilège.
l’histoire des machines à vapeur. Or écrire Paradoxalement, la société démocratique
à l’intention de ce public moyen exige de de masse, en mettant son héritage artisti-
grandes qualités, qu’on aurait tort de que à la portée de tous, risque de détruire
mépriser, même si certains conservateurs ce que chacun revendique justement : le
(et je le dis avec tristesse) ont tendance à droit de contempler.
y voir une activité intellectuelle d’un ni- La communication existe à tous
veau inférieur. Tout conservateur, ou pres- niveaux, mais, dans la société actuelle,
que, doit faire un travail de vulgarisation. c’est au plus haut niveau qu’elle se trouve
Tout est une question de mesure. Rien davantage compromise. Je ne vois pas
n’est plus dangereux, par exemple, que pourquoi il faudrait s’excuser d’accueillir
l’importance accordée actuellement au un public formé en grande partie de
nombre des entrées. Pour tenter de con- diplômés de l’enseignement supérieur.
vaincre nos organismes de tutelle, nos D’ailleurs, quel meilleur éloge pour-
conseils d’administration et les pouvoirs rait-on décerner à un musée que de cons-
publics que nous sommes des gens formi- tater qu’il attire les créateurs et les per-
dables, nous utilisons les moyens les plus sonnages influents de la société, à l’heure
grossiers, comptabilisant les centaines de où ce qui est particulièrement menacé
milliers de visiteurs, d’âge scolaire pour la c’est sa qualité de centre d‘excellence?
plupart, qui se bousculent dans nos éta- Incités continuellement comme nous le
blissements. C‘est là une pratique très sommes à agir dans le sens de la commu-
dangereuse et qui ne rend pas compte nication de masse et de la culture popu-
véritablement de l’œuvre accomplie. I1 ne laire, il nous faut faire preuve d‘une
s’agit pas de savoir combien un musée a grande imagination et d’une grande habi-
de visiteurs, mais qui le visite et pour- leté pour satisfaire à ces exigences sans
quoi, ce qui dépend à la fois de sa nature pour autant sacrifier la qualité. Car le
et du public auquel il s’adresse. Je parle culte de la communication a ses dangers.
en tant que directeur du premier et du Un musée ne doit pas seulement plaire et
plus grand musée d‘art décoratif du informer, mais aussi réformer. Oui, le
monde. Laissez-moi dire en toute fran- musée est et doit être un instrument de
chise que bien que nous organisions des communication mais c’est d‘abord et
programmes à l’intention des enfants, nos avant tout un endroit où l’on choisit et
collections n’ont pratiquement aucun collectionne ce qu’il y a de plus beau,
intérêt pour quiconque est âgé de moins dans un esprit d‘exigeante érudition.
de quatorze ou quinze ans. Et je n’ai Sinon, la fontaine de la communication
aucune envie de modifier la présentation est appelée à se tarir, car telle est vérita-
des collections de façon à mettre tous les blement l’eau qui l’alimente - et c’est ce
objets exposés et les notices explicatives à qu’on a trop souvent tendance à oublier.
la portée d‘enfants de dix et onze ans. Ce [Traduit de PangLais]
U n commentawe sur
James Porter Le musée, agmt & communication

I1 y a beaucoup d'idées intéressantes dans B Le musée, agent de et aussi excellent que soit le matériel de laboratoire, la finalité de
communication )). En tant que codirecteur du stage internatio- l'université est de mettre ces ressources au service de l'éducation.
nal auquel s'adressait sir Roy Strong, je peux témoigner que C'est pourquoi, aussi compétents que soient les conservateurs
l'effet qu'il a produit sur les professeurs de muséologie venus de et aussi complètes et sélectionnées que soient les rangées d'objets
dix-huit pays fut (( extrêmement stimulant l. Sa description du d'art dans les rayons, la vocation du musée est de présenter sa
rôle de directeur de musée reflète la manière très efficace et collection et d'aider le public à participer et apprécier les aspects
brillante dont il a lui-même rempli cette fonction. L'importance particuliers de la culture qu'ils représentent. Le musée n'est pas
qu'il attache à la publicité et aux musées en tant que bâtiments seulement un endroit pour héberger une collection d'objets pré-
à usages multiples et le fait d'inciter les musées à tenir une place cieux susceptibles d'être contemplés par une poignée de badauds
centrale, tout cela est extrêmement précieux. érudits, sa fonction cardinale est de communiquer. I1 ne s'agit
Pourtant, défendant au départ la conception respectable selon pas d'une option mais d'une préoccupation centrale dont décou-
laquelle les musées devaient se faire les gardiens et les promo- lent toutes les autres considérations.
teurs de tous les points de vue sans privilégier l'un par rapport Tout en s'attachant au passé, le musée contemporain devrait
à l'autre, il a rapidement révisé son ordre de priorité pour parler aussi éclairer le présent, nous rendre capables de le comprendre.
de la nécessité de prendre des décisions courageuses qui ne soient A ce sujet, la comparaison avec l'université se révèle assez inté-
pas démagogiques. Cela l'amena à parler des (( alpinistes 1) qui ressante. Ayant fait une partie de ma carriire dans l'enseigne-
accèdent au musée aussi bien au niveau scolaire qu'universitaire ment supérieur, je suis sensible au fait qu'une des plus merveil-
ou postuniversitaire. Cette référence est révélatrice dans la leuses particularités du musée est que, par essence, ses portes
mesure où plus de 90% des adultes britanniques n'atteindront sont ouvertes à tous, sans distinction d'âge ou de qualifications
ni le niveau pré-universitaire ni post-universitaire. Il défend la antérieures et indépendamment de toute connaissance particu-
conception qui veut que le musée soit le lieu par excellence de lière. Les systèmes éducatifs tendent à revêtir les formes d'une
la perfection et pense qu'il n'y a aucune raison de vouloir s'ex- course d'obstacles, les barrières devenant de plus en plus hautes
cuser du fait que la grande majorité des visiteurs ont un très à mesure que les individus s'efforcent de poursuivre leur instruc-
haut niveau d'éducation. tion dans le système officiel. L'accès à la connaissance est limité,
Je veux souligner que, si le point de vue adopté par sir Roy soit par le manque de ressources financières, soit par l'impossibi-
peut être défendable quand il émane du directeur (( du plus beau lité d'atteindre des normes arbitraires. Le plaisir qu'offre le
et du plus riche musée en matière d'arts décoratifs )), il ne l'est musée, semblable à celui qu'offrent les parcs et les bibliothèques,
plus quand il s'agit de la grande majorité des musées du c'est qu'il est ouvert, accessible et qu'il appartient à tous.
Royaume-Uni et des autres pays du monde. Le problème n'est Tous les musées ont leur public d'habitués qui jouissent, par
pas .de prendre une décision qui ne soit n? démagogique ni leur fréquentation, des bienfaits précieux et inépuisables. Toute-
élitiste ; le vrai défi est de prendre une décision courageuse qui fois, il n'est pas étonnant que partout dans le monde les musées
soit (( populaire sans pour autant amputer la qualité du mes- connaissent leur plus grande période d'activité pendant le
sage que le musée a pour vocation de transmettre. week-end, quand les gens peuvent saisir l'occasion de bénéficier
La conception selon laquelle le musée est d'abord et avant de leur propre centre culturel. Ce sont les personnes dont la
tout un lieu oh l'on se contente de sélectionner et de collection- connaissance et la compréhension du monde reposent sur des
ner les plus belles choses puis de les garder, selon l'expression de bases précaires et qui ont une expérience culturelle limitée qui,
Veblan, (( comme des témoins de la connaissance dans un lieu pour le personnel du musée, présentent le plus d'intérêt. I1 n'est
frais et sec )>, est totalement en contradiction avec l'esprit qui a pas normal que la grande majorité des visiteurs soit constituée
conduit à l'organisation du musée comme institution au X I X ~ de personnes qui ont déjà accédé à un certain niveau d'éduca-
siècle et qui a poussé les pouvoirs publics et les mécènes à le tion, plutôt que des personnes qui appartiennent à la grande
maintenir aujourd'hui. I1 est évident que le musée possède des majorité de la population : celles qui ont rarement eu la possibi-
objets de valeur qu'il doit partager. C'est précisément ce partage lité de développer leur propre compréhension du monde.
qui est la vocation propre du musée et qui justifie la nomination Le musée peut représenter un contrepoids non négligeable au
du personnel, l'entretien du bâtiment et la poursuite de la triple déséquilibre éducatif dominant, qui tend de plus en plus à
activité du musée : collectionner, préserver, communiquer. récompenser ceux qui ont déjà pu bénéficier de la plus grande
Le musée a besoin du spécialiste, d'une personne qui rassem- part des ressources et qui donne si peu à la majorité qui ne
ble, identifie et conserve, mais le signe le plus important de la profite d'aucun des bienfaits des prestations éducatives officielles
réussite et de la pertinence d'un musée est sa capacité de faire après qu'elle eut quitté l'école.
apprécier sa collection et de prendre part à ce vaste et populaire Ainsi le véritable rôle du musée est donc d'être, pour tous, un
mouvement d'éducation qui s'est fait jour au X I X ~siècle dans le centre de rayonnement du patrimoine culturel et de la vie con-
monde occidental et qui est maintenant universel. Une collec- temporaine. C'est une vérité qu'on tend trop souvent à oublier.
tion ne fait pas plus un musée qu'une bibliothèque ne fait une [Tradgit de l'anglais]
université. C'est très exceptionnellement qu'une université est
1. (( Les musées et 1'6ducation u, séminaire organisé par le British Council
justifiée par sa seule fonction d'institution vouée à l'enseigne- au Commonwealth Institute, juin 1982. Dirigé par James Porter, directeur du
ment et à l'apprentissage. Aussi doués que soient les professeurs Commonwealth Institute et Max Hebditch. directeur du Museum of London.
83

Renaissance du mouvement des


musées uu Royaume-Uni
Neil Cossons Au cours des années 70, au Royaume- cette prise de conscience. Une nouvelle
Uni, un nouveau musée ouvrait environ espèce de musées, abritant un matériel
Ancien directeur adjoint des musées de la ville de toutes les deux semaines. I1 est possible d'un type nouveau présenté d'une
Liverpool. Directeur de l'rronbridge Gorge
que cette cadence se soit un peu ralentie manière vivante et objective, s'est déve-
Museum Trust depuis 1971. Président de
l'Association pour l'archéologie industrielle et de au cours des deux dernières années, mais loppée tandis que, dans les musées exis-
l'Association des musées indépendants. Grand le courant qui reflète la soif du public tants, de nouvelles techniques de concep-
défenseur de la conservation dans le domaine de pour ce que les musées peuvent lui don- tion et de présentation des collections,
l'archéologie industrielle, il est également auteur ner est toujours aussi vivace. Le début des des expositions de grande qualité, des
ou coauteur d'un certain nombre de livres et
d'articles sur ce sujet et a participt. à de années 60 a vu une renaissance spectacu- concerts, des clubs, des cours et des ate-
nombreuses émissions de radio et de tClévision aú laire et durable des musées existants et liers ont donné une signification tout
Royaume-Uni. Ancien prksident de la Museums une explosion de musées nouveaux. Si le autre au mot (( musée )). Ces années de
Association. X I X ~siècle a été le siècle d'or pour les renaissance ont vu les musées plus large-
musées, une époque à laquelle nos gran- ment utilisés et peut-être mieux compris,
des collections nationales et provinciales mais ce phénomène a été interprété de
ont été placées à l'abri de bâtiments spé- diverses façons et, selon les personnes,
cialement construits pour elles, alors le avec un sens quelquefois très différent.
milieu du XX' siècle est celui de I'obscu- Aujourd'hui, les musées britanniques
rantisme qui a vu naître bon nombre de reçoivent soixante millions de visiteurs z.
clichés péjoratifs pour décrire les musées.
En 1966, sir Frank Francis débuta son
message présidentiel à l'Association des Chungernents de style
musées par ces mots : (( La question qui La récente prise de conscience a égale-
se pose, mesdames et messieurs, est celle- ment vu naître un grand désir de partici-
ci : dans quelle mesure peut-on dire per, en s'engageant activement dans les
qu'un musée est mort? 'Moisi' ... 'démo- processus de conservation ou, plus passi-
dé', 'mité' sont autant d'adjectifs qui vement, en s'affiliant à une organisation
nous sont familiers et que nous nous de conservation. Les membres de ces asso-
attendons à trouver dans presque chaque ciations sont de plus en plus nombreux et
article de journal dans lequel est cité le le National Trust, l'organisation de con-
mot 'musée'. U Sir Frank Francis répon- servation la plus ancienne du Royaume-
dait en partie au Livre blanc * du gouver- Uni avec son million ou plus d'adhérents,
nement dans lequel l'image traditionnelle est aujourd'hui l'un des organismes de
des musées était qualifiée de 'morne', 'in- conservation par souscription les plus
hospitalière', et était accusée de dégager importants du monde. Au niveau local,
une O atmosphère de ténèbres démodée et d'innombrables groupes bénévoles de pré-
de solennité déplacée )). Aujourd'hui, la servation, des sociétés civiques, des trusts
question serait plutôt : Quand un musée de conservation de la nature et des musées
n'est-il pas un musée? Car les vingt der- ont surgi un peu partout. En outre, de
nières années ont été le témoin de chan- nouvelles législations ont été adoptées
gements importants dans l'attitude du pour protéger les monuments historiques,
public à l'égard du matériel dont les le centre des villes, les esp2ces en voie de
musées avaient la charge. Des change- disparition et les sites naturels d'une
ments rapides dans le paysage, à la suite beauté particulière ou d'une importance
de la rénovation urbaine et industrielle scientifique spéciale. La société, dans son
ainsi que d'une nouvelle technologie agri- ensemble, a accepté, sans le savoir et sans
cole, plus de richesses, de loisirs et de que ce mot ait été prononcé, que le rôle
mobilité, l'effet de documentaires télévi- de (( conservateur O - ce rôle qui était
sés de bonne qualité qui présentent l'ar- autrefois un art mystérieux pratiqué à
chéologie et l'histoire naturelle de façon l'abri des musées - s'appliquât désormais
remarquable sont quelques facteurs com- l'univers en général. Qui plus est, la
binés qui ont créé une attitude consciente nature et la technique du métier de con-
et ouverte à l'environnement et aux lieux servateur tel qu'il concerne l'environne-
autrefois inexistante au niveau populaire.
1 White Paper on the Arts, 1966.
Un grand nombre de musées des vingt 2. English heritage moiaifor (1982). English
dernières années expliquent en partie Tourist Board.
84 Neil Cossons

A Liverpool, la façade classique de ce grand


musée de la ville cache une série de galeries
modernes et des laboratoires construits dans
les années 60.
[Photo : Neil Cossons.]

été importé des États-Unis. 1975 était


l'Année européenne du patrimoine archi-
tectural et, aujourd'hui, nous avons un
Fonds commémoratif du patrimoine
national et une loi sur le patrimoine
national a été soumise au Parlement.
Avec le mot (( patrimoine )) vint celui
d'(c interprétation )) et il existe mainte-
nant une Société pour l'interprétation du
patrimoine britannique. Faisant partie de
ce patrimoine, les musées ont prospéré et,
pour chaque nouveau (( centre du patri-
moine )) - une création des années 70 -
il y a eu des douzaines de nouveaux
(( musées d'histoire locale. Bien que,
dans l'imagination populaire, la réserve
pour safaris ait supplanté le zoo, c'est plu-
tôt l'image du musée à ciel ouvert que
celle du parc historique qui s'est installée
dans la conscience du public des nou-
veaux musées.
Bon nombre de ces nouveaux musées
Le musée traditionnel. Un exemple type, le ment bâti et le site naturel sont devenues ont créé ce qu'on pourrait appeler un pro-
Torquay Museum, 1874, construit et l'objet d'un débat animé, bien documenté duit pour un marché facilement identifia-
toujours dirigé par la Torquay Natural et bien construit. Le muséologue doit
History Society. ble de gens relativement aisés et mobiles.
[Photo :Neil Cossons.] encore exercer une influence significative Des réductions appréciables du coût réel
sur le développement de cette philosophie de l'essence y ont également contribué.
générale d'une conservation responsable, En 1955, il fallait au salarié moyen
mais il sera indubitablement aidé par la quinze minutes de travail pour gagner le
disparition progressive de la distinction prix d'un litre d'essence. En 1965, ce
entre ce qu'un musée doit et ne doit pas temps était de neuf minutes, et, en 1978,
être. il était tombé à cinq. Depuis, il est
Avec la renaissance est arrivé un nou- remonté à huit minutes environ3. Le
veau langage, ce qui est essentiel pour nombre de visiteurs des centres d'attrac-
que la population puisse accepter ce qui tions de toutes sortes - et, au Royaume-
lui est offert. De même que le qualificatif Uni, les musées représentent environ un
de B victorien )) a cessé d'être péjoratif, de tiers du marché total des visiteurs - a
même le mot (( patrimoine )), qu'aucun augmenté de façon spectaculaire au cours
conservateur de musée qui se respectât
n'aurait utilisé dans les années 60, est 3. Repout 011 Sbdl Sbauebolders' Meetings, Shell,
entré dans le langage courant après avoir Royaume-Uni, 1981.
Renaissance du mouw"it des musées au Ryaume-Uni 85

A Beaulieu, dans le Hampshire, le National


Motor Museum est installé dans un
bâtiment moderne spectaculaire, il a ouvert
ses portes en 1973 et propose aux visiteurs
un monorail qui traverse la toiture.
[Photos ; Neil Cossons.]

de cette période pour atteindre son maxi- et n'étaient plus au goût du jour, ils ont chaque fois qu'un monument historique
mum en 1978. Depuis cette année-là, le cherché d u n côté à acquérir des locaux intéressant, mais non unique en son
nombre de ceux qui visitaient les musées pour la présentation, la conservation et genre, pour lequel il n'y avait pas d'usage
payants ou gratuits a diminué. Au cours un entreposage de leur matériel dans de évident se libérait, la réaction était una-
du même quart de siècle, à peu de choses bonnes conditions, et d'un autre côté des nime : (( Faites-en un musée! R Les
près, le nombre des automobiles sur les ressources - principalement en personnel musées ont réagi en prouvant qu'il était
routes est passé de trois à quinze millions. - qui leur permettaient d'offrir un service indispensable de disposer de structures
En d'autres termes, le concept d'un nou- adéquat au public. Les grands musées s'en architecturales valables et, par ailleurs,
veau type de musée a pu se faire jour. I1 sont fort bien tirés, en développant cons- d'établir une relation harmonieuse entre
est souvent apparu en dehors du cadre ciemment le concept du musée en tant un édifice et la collection qu'il abrite pour
traditionnel des musées subventionnés que service )) prêté à leur public local rehausser la qualité de l'un comme de
par des fonds publics, bien que, dans leur ou régional4. Ils ont fixé des normes l'autre. I1 suffit de penser au St. Nicolas
grande majorité, ces musées (( indépen- sérieuses pour le soin à apporter à leurs Church Museum de Bristol, au Monk-
dants )) comme on les a appelés, eussent collections, avec d'excellentes installa- wearmouth Station Museum dans les
bénéficié de subsides non négligeables du tions pour la conservation et des procédu- locaux de Tyne and Wear, au Bewdley
gouvernement et d'une aide qu'ils trou- res de documentation. Mais leur crois- Museum dans les Shambles, un marché de
vaient dans l'un ou l'autre secteur du sance et leur développement, aussi spora- viande du X V I I I ~ siècle, au Chichester
budget public. Toutefois leur influence, diques qu'ils aient pu être, ont d'une cer- Museum, logé dans un entrepôt à grain
surtout sur l'idée que le public se faisait taine façon suivi le schéma particulier converti, ou au Bass Museum à Burton-
d'un musée, a été sans commune mesure imposé presque invariablement par l'oc- on-Trent pour apprécier la valeur d'un
avec leur nombre, leur taille et leur bud- cupation de locaux anciens. Au cours de cadre historique pour la présentation de
get, en partie à cause de la nature du pro- ces dernières années, seuls deux musées collections de musées. Les nouvelles cons-
duit qu'ils offraient, en partie parce qu'ils absolument neufs et pleinement intégrés tructions ne sont pas toujours la meil-
avaient dû, pour se développer, se faire ont été construits au Royaume-Uni, le leure solution non plus.
énergiquement une place sur le marché, Musée de Londres, ouvert en 1976, et Mais s'il y a eu une désaffection à
et cela parfois de façon tout à fait concur- celui de Stoke-on-Trent, ouvert en 1980. l'égard de l'architecture moderne, il y a
rentielle. La plupart d'entre eux sont lar- La situation des Musées galeries d'exposi- eu un regain de foi dans les qualités archi-
gement tributaires du prix d'entrée pour tion et Service d'archives du Leicestershire tectoniques des grands musées du X I X ~
leurs recettes. est beaucoup plus typique : sur les 18 siècle, dont beaucoup ont été des années
Mais il serait injuste de considérer ces bâtiments occupés par ces services, un durant cachés sous de la peinture grise ou
nouveaux musées orientés vers le marché seul a été expressément construit pour du contre-plaqué. A Manchester, la nou-
et payants comme un modèle du musée être un musées. Ce qui est typique dans velle et superbe décoration de la City Art
de l'avenir. Bien au contraire, si une série le pays entier, c'est que les musées bien Gallery et la restauration des vitrines
de circonstances sociales et économiques établis sont installés dans une infinité de d'Alfred Waterhouse au Manchester
ont créé les conditions favorables pour vieilles chapelles, de granges, d'entrepôts, Museum, à Birmingham, les toits et les
l'apparition et le développement du mou- de gares, d'hôpitaux et d'usines. balcons de fer forgé de 1'Industtial Gal-
vement des musées indépendants, les Cela n'a pas toujours été une mauvaise lery de 18S,5 révélés de nouveau dans
vieux musées publics ont fait face à des chose, dans la mesure oh cela a permis
pressions de toutes sortes. Souvent débor- d'intégrer le travail du musée à la tâche 4. P. J. Boylan, (( Why Museums R,
Transactions of the Leicester Literary C Philosophcal
dés par une accumulation de collections plus vaste de la conservation de l'environ- ~ocìely,vol. 76, 1982.
qui s'étaient entassées au long des années nement. Tout au long des années 70, 5. P. J. Boylan, Op. cit.
86 Neil Cossons

Le premier designer d'exposition à travailler


dans un musée au Royaume-Uni fut nommé
au Leicester City Museum en 1949. Cette
présentation de documents par Raymond
Lee, 1958, montre comment : u) le design
a transformé les musées avec simplicité mais
de manière &cace; S) dans les années 60 le
travail de James Gardner au Pilkington
Glass Museum, St Helens, fut un exemple
de ce qui pouvait être fait avec l'aide d'un
consultant designer et un grand budget.
[Photos ;Neil Cossons.]

toute leur gloire, et la restauration des teurs enthousiastes. Ce désir des collecti-
caractéristiques originales de la Lady vités locales d'avoir leurs propres musées,
Lever Art Gallery, tout cela parle en qu'elles sont disposées à faire fonctionner
faveur de cette nouvelle tendance 6. elles-mêmes à peu de frais ou sans frais du
Les grands services muséographiques tout et généralement par un personnel
ont considéré avec raison que leur tâche bénévole, est manifestement très fort et le
prioritaire consistait à veiller sur leurs col- milieu (( officiel )) des musées n'a pas
lections existantes. Mais ce fait a diminué souhaité ou n'a pas pu le satisfaire'. Les
dans une certaine mesure leur aptitude à personnes qui créent ces musées rassem-
s'adapter et à répondre aux nouvelles blent avant tout pour elles-mêmes un
demandes et aux nouveaux intérêts des matériel qui reflète leur besoin de s'iden-
vingt dernières années. Les normes de la tifier avec l'endroit où elles vivent et avec
conservation, de la restauration, de la pré- les témoignages de son histoire. Ces mu-
sentation des collections et de la concep- sées ne doivent pas être tout simplement
tion des galeries ont évolué rapidement traités par le mépris puisqu'à leur façon
mais invariablement dans les paramètres ils reprennent les mêmes motifs essentiels
des concepts traditionnels des collections qui, pendant deux cents ans, ont permis
des musées et de leur présentation. I1 est la constitution de collections qui ont ali-
intéressant de noter que deux nouveaux menté bien des musées que nous connais-
services muséologiques de comté, dans sons aujourd'hui. Mais leur trait distinctif
Poxfordshire et le Shropshire, dégagés est qu'ils ont une valeur et une signifca-
des contraintes financières et administrati- don extrêmement locales, qu'ils font par-
ves qui pèsent sur les grandes collections, ticiper un groupe de la collectivité à la
ont pu adhérer au mouvement muséolo- conservation de son propre passé, et que,
gique des années 70 et ont tous deux créé par définition, ils sont entièrement basés
des musées dans d'anciennes fermes. sur le bénévolat. I1 faut établir une dis-
Mais il y a une lacune qui n'a pas été tinction bien claire entre ces musées
convenablement comblée par la direction bénivoles D et les musées plus grands et
des musées. Le besoin qu'éprouvent les bien établis dans lesquels travde souvent
collectivités locales, souvent petites, de un (( personnel bénévole )).
voir les témoignages de leur propre his-
toire rassemblés et préservés dans leurs
propres musées locaux est devenu très Formes nouvelles
fort. Ainsi, sur les 1495 musées indépen- I1 y a un autre nouveau courant muséolo-
dants récemment recensés par l'Associa- gique important, qui est le produit direct
tion des musées indépendants, le groupe
6. R. Foster, (( Standards of performance - the
le plus important - 2 1 5 musées - se larger provincial museums and galleries )),
compose de musées d'histoire locale dont Proceedings of the Annual Confwmce of the Museum
la plupart sont très petits, relativement Association, 198 1.
7. N. Cossons, (( Museum collections : use or
récents et dus à l'initiative de sociétés abuse ? )), Proceedings of the Annziaj conference of
d'histoire locales ou de groupes d'ama- the Museum Associddion, 1981.
Renaissance du mouwmozt des musées au Royaume-Uni 87

Les musées en plein air commencent à


s'intéresser au déroulement de la
fabrication : u) à Sticklepath, dans le
Devon, une forge à énergie hydraulique est
réphèrement mise en marche pour la
démonstration ; b) à Ironbridge, des jeunes
fabriquent des poteries dans la manufacture
d'origine actuellement préservée.
[Photos :Neil Cossons.]

des changements rapides qui se produi- passionnantes pour les musées et, peut-
sent sur la scène industrielle :('l archéo- être davantage encore, pour les procédés
logie industrielle )), selon le terme lancé de conservation. Un point de vue de plus
au Royaume-Uni au milieu des années 5 0 en plus répandu est que le Royaume-Uni
lorsqu'une poignée de gens commencè- a toujours été malgré lui une nation
rent à se rendre compte du fait que le industrielle et qu'il se lance à présent avec
remplacement des vieilles technologies enthousiasme dans les processus de désin-
par de nouvelles et le désir de balayer les dustrialisation 9. Cette philosophie du
vestiges peu attrayants d'anciennes activi- (( grattez un Anglais et vous trouverez un

tés industrielles supprimait en même danseur de bal champêtre a également


temps le témoignage d'un phénomène affecté les musées et la conservation. Le
culturel $un intérêt mondial8. Au cours nouveau mouvement des musées à la
du XVIII~ siècle, le Royaume-Uni était ferme et à la campagne, qui est apparu
devenu la première nation industrielle du avant l'archéologie industrielle, est sans
monde et, au X I X (~'l usine du monde )). nul doute une réaction non seulement à
Quelque 70 % de l'environnement bâti la transformation des techniques agrico-
du Royaume-Uni remonte à l'époque de les, mais à un intérêt grandissant des cita-
la révolution industrielle et, dans les dins pour la campagne et la vie rurale.
années 5 O, on pouvait encore reconnaître, Du point de vue de la conservation, la
au milieu des autres constructions, quel- portée de ce problème de désindustrialisa-
ques-uns des principaux monuments de tion est énorme mais, bien que l'archéo-
cette période. Vers les années 60, de logie industrielle n'en soit qu'à ses pre-
nombreuses associations s'étaient consti- miers pas, tout tend à indiquer que des
tuées pour les préserver. Ils ont été en solutions originales et souvent ingénieu-
outre légalement reconnus et il y a ses viennent à bout des problèmes que
aujourd'hui plus de 300 monuments posent des sites et des artefacts d'une
industriels homologués et un nombre grande dimension et d'une grande com-
bien supérieur de bâtiments industriels plexité. Certains musées, tel celui d'Iron-
enregistrés en application des lois sur la bridge, ont entrepris de préserver des
planification. Plus récemment, le déclin, zones d'activités industrielles entières,
commun à toute l'Europe, des industries tandis que d'autres ont emprunté la voie
traditionnelles basées sur le charbon, la plus traditionnelle des musées en plein
vapeur et le fer a eu l'effet le plus specta- air, oh les églises et les artefacts indus-
culaire dans les vieilles régions industriel- triels ont été reconstruits dans des espaces
les du Royaume-Uni en instituant des spécialement réservés à cet effet. Le North
conditions économiques tout à fait nou- of England Open Air Museum de Bea-
velles et un taux de changement social mish et le Black Country Museum dans
inconnu depuis près de deux cents ans.
Un environnement où les gens se mettent 8. hf. Rix, (( Industrial archaeology O, Amateur
historian, vol. 2, 1955.
à envisager une (( société postindus- 9. M J. Wiener, English culture and the decline
trielle )) a des incidences importantes et ofzbe industrial .pi.;tl 1859-1980, 1981.
88 Neil Cossons

En 1968, cet entrepôt de thé à Bristol


était : a) abandonné et en ruines; b) dix
ans plus tard, il abrite une galerie, un
thatre, des restaurants et des bureaux.
[Photos : Neil Cossons.]

les West Midlands en sont des exemples. garder vivantes les vieilles techniques
Le musée ethnographique à ciel ouvert agricoles et méthodes d'élevage. A Avon-
sur le modèle scandinave n'existe pas au croft, dans le Worcestershire, et à Single-
Royaume-Uni ; peut-être ces musées d'ar- ton, dans le Sussex, des musées à ciel
chéologie industrielle représentent-ils la ouvert ont été spécialement créés pour
culture populaire des deux cents dernières préserver de vieux édifices, le plus souvent
années. d'origine rurale, qui sans cela auraient
Toutefois, la conservation archéologi- disparu. Presque tous ces musées ont en
que industrielle a plus souvent été axée commun non seulement le désir de pré-
sur la préservation in sita d'ensembles server les objets morts vestiges du passé,
industriels déterminés. Les moulins à vent mais aussi de garder vivantes les techni-
et à eau abondent : à Abbeydale, dans le ques industrielles ou artisanales, de les
Sheffield, une petite aciérie à creuset a été présenter au public et, à l'occasion, de les
préservée intacte, de même que des utiliser pour fabriquer des produits dans
moteurs avec balanciers à pompe à Crof- le cadre du,musée. I1 est à présent de plus
ton, dans le Wiltshire, et à Kew Bridge, en plus difficile de discerner où s'arrête le
à Londres, des pierres à aiguiser hydrauli- musée et où commence la vie réelle,
ques à Sticklepath, dans le Devon, et une c'est-à-dire la frontière entre le rêve et la
boutique de métiers à tisser à Rudding- réalité.
ton, dans le Nottingham. Plus récem-
ment, à Chatterley Whitfield, près de Tendances dans le domaine
Stoke-on-Trent, la première mine du de la conservation
Royaume-Uni à produire un million de
tonnes de charbon par an, qui avait été Mais, quelle que soit l'idée que chacun se
fermée en 1976, a été ouverte au public, fait de l'avenir, certaines tendances sem-
qui peut descendre sous terre et se prome- blent inévitables dans les musées et dans
ner dans les galeries désaffectées. A Liver- l'art de la conservation. La recherche
pool, le grand complexe d'entrepôts qui d'une approche davantage orientée vers le
entoure Albert Dock sert de base à un marché ira en s'accentuant, ce qui entraî-
nouveau grand musée de la marine; nera des améliorations dans l'organisation
Moorside Mills, à Bradford, abrite main- des visites et la qualité des services offerts
tenant un musée industriel principale- au public, une demande pour une expé-
ment centré sur l'industrie textile, tandis rience plus individuelle et plus active par
qu'a Manchester l'ancienne gare termi- opposition aux visites de masse guidées
nale du Liverpool and Manchester Rail- ou passives, une contre-valeur véritable
way est transformée en un grand musée pour l'argent dépensé de part et d'autre et
des sciences et de l'industrie. un véritable besoin de fournir un service
Les musées des transports ont prospéré pour le problème social que sont les loi-
eux aussi et, au cours de ces dernières sirs. Les musées seront de plus en plus
années, un certain nombre de fermes- organisés en fonction de la famille, avec
musées ont été créées pour préserver et des activités pour chacun ; ils encourage-
Renaissance du mouvement des musées au Royaume-Uni 89

ront le progrès de la culture personnelle, qu’on préfère un avenir plus humain et


le respect et la réalisation de soi et l’amé- plus écologique où le capital humain, ses
lioration de sa situation ; les associations aptitudes et ses connaissances auront plus
amicales auront de plus en plus de mem- d’importance’j, le rôle de la (( conserva-
bres, des programmes spéciaux seront tion H au sens le plus large du terme, aura
organisés pour les personnes âgées et les une importance capitale. Une conserva-
musées auront de plus en plus de pro- tion saine des ressources culturelles qui
grammes destinés à une clientèle spéciale, forme à son tour le point d’ancrage d‘une
notamment les minorités et les personnes société stable, voilà une formule tentante
déshéritées lo. Dorénavant, la majeure pour l’avenir. Mais, si la révolution
partie des fonds proviendra du budget industrielle concernait au premier titre le
public. L’éducation des jeunes conserva- développement de la matière, la révolu-
teurs sera de plus en plus importante, tion postindustrielle concernera avant
mais la demande en personnel administra- tout le développement des gens’s, plus
tif de haut niveau sera encore plus signifi- sélectifs et critiques dans ce qu’ils déci-
cative dans tous les musées. La distinction dent de faire de leurs loisirs de plus en
entre conservateur, administrateur et plus importants, selon les exigences de
directeur s’effacera petit à petit, à mesure leur personnalité et leur engagement per-
qu’un personnel qualifié prendra plus à sonnel. Les musées, qui représentent l’une
cœur de fournir un service au public des parties de ce vaste schéma de gestion
directement. Le gardien de musée en uni- des ressources culturelles, survivront ou
forme disparaîtra complètement, remplacé tomberont selon leur aptitude à prendre
par un jeune homme ou une jeune soin des collections, et à faire face aux
femme faisant son stage au service du besoins de leur public.
public du musée”. Dans le pire des cas,
une élite prospère, pourvue d’emplois et [Tradzìt de I’angIais. ]
de salaires, paiera pour le plaisir de visiter
un type de musée commercial et orienté
vers le marché, tandis qu’une population
non salariée, peut-être déshéritée et essen-
tiellement urbaine, recevra sa part du 10. F. Kinsman, UK leisure markets :s u w q and
forecasts to 1985, 1979.
gâteau culturel, qui lui sera offerte dans le 11. N. Cossons, (( A new professionalism B,
cadre du système des affaires sociales 1z par Proceedings of the Annual Conjërence of the Museums
les traditionnels musées publics urbains. Association, 1982.
12. J. Thompson, (( Cities in decline :
Ce qui ne peut être nié, c’est que museums and the urban programme )), MfcseumJ
la révolution postindustrielle entraînera joiirtial, vol. 7 5 , 1980.
13. D. Bell, The coming of the post industrial
d‘autres changements d’orientation society, 197 3.
importants pour la société. Qu’on soit 14. J. Robertson, The sane alternative, 1978.
partisan d‘un scénario hautement techno- 15. J. Robertson, Is there a role for planners
((
in the post-industrial revolution? )), Report of
logique et qu’on fasse de plus en plus Proceedings of the Town and Country Planning
confiance à la science et à l’énergie l3, ou Summer ScbooL, York, 1979.
90

En 1930, le gouvernement britannique a cation et le développement, organisent


créé une Commission ad hoc pour les des cours de formation et se consacrent à
musées et les galeries d'exposition, insti- la promotion des musées. Au niveau
tution dont le rôle est de conseiller et régional, ces institutions sont également
d'apporter un point de vue critique sur un lien essentiel entre les musées locaux
toutes les questions relatives aux musées et la Commission des musées et des gale-
et galeries d'exposition du Royaume-Uni. ries d'exposition. Au cours des vingt der-
En 1963, dans son rapport, Survey ofpro- nières années, elles ont sans aucun doute
vincial museums and galleries', cette com- fait preuve d'efficacité pour améliorer le
mission a estimé que (( toutes les autori- niveau de la conception de la présentation
tés locales devraient, d'une manière des objets d'art ainsi que de leur conserva-
urgente, se joindre aux autres autorités tion, de leur entreposage, de la documen-
locales ainsi qu'aux organisations bénévo- tation concernant les collections et de la
les pour entretenir les musées de leur formation professionnelle, tout cela grâce
région, pour réexaminer la prestation des à un usage judicieux des crédits prove-
services muséologiques dans leur région, nant du gouvernement central.
1 pour préparer un plan coordonné en vue
de leur amélioration et de leur développe- Le développement dzc Conseil
ment et faire en sorte que cet examen
critique prévoie des prestations de services
écossuis p o u r les musées et les
Aigrette empaillée par le taxidermiste du muséologiques destinées aux écoles M. I1 guleries d?exposìtion
conseil pour une nouvelle disposition de la existe maintenant 9 conseils muséologi- La description de l'essor qu'a connu le
présentation des collections de l'Inverness ques de région répartis dans l'ensemble conseil pourra donner une idée de la
Museum conçue par le CMGS.
[Photo : CMGS.] du Royaume-Uni qui se sont organisés manière dont une organisation régionale
sous une forme coopérative comme l'avait de ce type a su représenter de mieux en
souhaité la commission. mieux et avec un succès croissant les
Tous les conseils muséologiques de besoins locaux auprès du gouvernement
région reçoivent des subventions de l'Érat central.
pour couvrir le coût des services qu'ils (( I1 existe en Écosse une profusion de

apportent à leurs membres - ce qui repré- musées qui ont aussi chacun une très lon-
sente normalement 50% des dépenses gue - et dans de nombreux cas très
Timothy Ambrose brutes. Pour les années 1982 et 1983, la exceptionnelle - histoire à nous conter,
subvention s'élève à 1 907 000 livres mais actuellement de nombreux musées
Directeur intérimaire du Council for Museums sterling pour les conseils de région d'An- ne nous racontent plus rien. )) Cette
and Galleries in Scotland. AprPs avoir obtenu un gleterre, 246 O00 pour l'Écosse et déclaration provocante figurait dans la
diplôme, avec mention, en archéologie et en latin 129 000 pour le pays de Galles, soit un préface du Suwy report2publié en 1966,
et un diplôme de sciences de l'éducation à
l'université de Southampton, il a travaillé comme
total de 2 282 000 livres sterling. Des la première réalisation importante du
archiviste à la bibliothèque du Ashmolean revenus supplémentairesreprésentant une conseil. Préparé par le responsable du
Museum, h Oxford, et à l'Institut d'archéologie somme équivalente sont fournis par les développement au conseil, ce document
d'Oxford comme assistant de recherche et de musées eux-mêmes au moyen de sous- était le fruit d'une année d'étude des
publications pour un certain nombre de criptions et par les honoraires demandés besoins de l'ensemble des musées écossais,
programmes de fouilles importants en Angleterre.
En 1975, il devient assistant de recherche en pour le travail réalisé par le personnel. hors les quatre villes principales. Pour la
archéologie europknne h l'Université d'Oxford et, Les conseils muséologiques régionaux première fois, il donnait un aperçu objec-
en 1977, il s'établit dans le Lincolnshire oh il ne sont pas des institutions soumises à un tif des problèmes, ce qui était un premier
occupe les fonctions de responsable adjoint pour règlement statutaire et c'est pourquoi pas vers leur résolution. Le rapport procé-
le service muséologique du comté. I1 est l'auteur
d'un certain nombre d'articles sur l'archéologie et elles different les unes des autres du point dait à une analyse des carences en équipe-
la muséologie romane britannique et a apporté de vue de l'organisation, des niveaux de ments pour la conservation, en méthodes
une contribution à Wérents livres. personnel et des priorités de leurs politi- de documentation, en conservateurs pro-
ques. Cependant, elles sont presque tou- fessionnels (il y en avait seulement 6 pour
tes constituées en sociétés à responsabilité les 42 musées étudi&) et attirait l'atten-
Graeme Farnell limitée à but non lucratif dont les objec- tion sur (( l'état désespéré dans lequel se
Né h Glasgow en 1947. Diplôme de l'Université tifs sont semblables et offrent pour la plu- trouvaient la plupart des petits musées D
d'Édimbourg (sociologie et beaux-arts) et diplôme part un ensemble de services muséologi- ainsi que sur (( les nombreuses institu-
post-universitaire de de la London Film School. ques tels que la conservation ou l'organi-
Conservateur adjoint du Museum of East Anglian sation de la présentation d'expositions 1. Standing Commission on Museums and
Life, Stowmarket, 1972-1975. Conservateur aux Galleries, Suwq of provimial mweums and galleris,
Inverness Museum and Art Gallery, 1975-1979.
que beaucoup de musées ne seraient pas
Londres, 1963.
Directeur du Council for Museums and Galleries en mesure d'assúrer eux-mêmes. Elles 2. Council for Museufns and Galleries in
in Scotland depuis 1979. donnent aussi des conseils pour la planifi- Scotland, Suwq report, Edimbourg, 1966.
91

anx mnsées locaux

tions moribondes et in&caces U.Un pro- et national et en développant le siège


jet fut mis à l'étude dont l'objectif princi- administratif du conseil en tant que cen-
pal était de créer progressivement dans tre d'aide et d'information pour les
l'opinion publique une attitude favorable musées locaux.
aux musées et à l'égard du rôle imponant
et créateur qu'ils pouvaient jouer dans la L'as$sstance aux musées
société écossaise. La question de savoir
comment organiser un service au niveau
en Ecosse
national pour assister et conseiller les Il y a environ 3 5 O musées en Écosse, dont
musées dispersés dans les 78 700 kilomè- l'importance et les statuts sont très varia-
tres carrts de l'Écosse se posa progressive- bles. D'une part, il y a les musées natio-
ment par la suite. Une instance chargée naux et les galeries d'exposition qui sont
de conseiller les plus petits musées fut directement financés par des subventions
créée à partir de 8 conseils consultatifs du gouvernement, lesquelles ont repré-
centrés sur un thème déterminé et com- senté 5 millions de livres en 1981182 et, Pierre __ Rodney. Moulage en fibre de verre
posée du personnel des musées nationaux d'autre part, une centaine de musées $une croix des débuts de la chrétienté.
ou des plus importants musées locaux. dépendant des locales dont les Elément de la nouvelle présentation des
collections de l'Inverness Museum fourni
De petites expositions itinérantes furent 3. Department of Education and Science, par le conseil.
organisées et un service de remplacement Pmjitzcial museums and galleries. Londres, 1973. [Photo : CMGS.]
des objets exposés fut créé.
Pourtant, le pas le plus décisif fut fran-
chi au début des années 60 - dix ans
après la publication du Rapport Wright
qui avait souligné l'étendue des problè-
mes muséologiques posés en Écosse -
quand les subventions fournies par le
conseil augmentèrent et que celui-ci put,
pour la première fois, offrir une assistance
financière aux musées locaux pour couvrir
les frais des améliorations indispensables.
En quatre ans, de 1974 à 1978, le budget
du conseil a augmenté de 500% et, au
cours de cette même époque, le gouverne-
ment régional écossais a été réorganisé en
unités administratives plus importantes et
plus aptes à la prévision, c'est-à-dire plus
capables d'apporter leur soutien aux acti-
vités muséologiques. C'est au cours de ces
années que certaines des préoccupations
actuelles du conseil se sont fait jour :
l'établissement d'une échelle de normes
étalonnées pour les musées et pour leur
éthique, la promotion des musées sur une
base nationale au moyen de publications
de vulgarisation et d'un haut niveau tech-
nique, la prestation de services de conser-
vation spécialisés. Actuellement, ayant
bénkfìcié d'une aide en constante aug-
mentation de la part du gouvernement
central, le conseil compte plus de 150
organisations affiliées, son comité direc-
teur est doté d'une structure &cace mais
très démocratique, le personnel d'encadre-
ment s'élève à environ une vingtaine de
personnes et un budget de 450 000 livres
sterling lui permet de s'attaquer à de nou-
veaux domaines d'activité en sollicitant
l'appui des politiciens aux niveaux local
92 Timothy Ambrose et Graeme Fame11

budgets totalisent presque 6 millions de grande majorité des musées d'Écosse.


livres, les galeries d'exposition entrete- Quelque quatorze années après sa pre-
nues par les universités (60 O00 livres mière enquête, le conseil en a donc lancé
plus les coûts de personnel) et un grand une seconde en 1980 I. Les conclusions
nombre - qui augmente rapidement - de provisioires qui se dégagèrent de l'étude
musées qui sont administrés d'une constataient que la vie des musées s'était
manière autonome, qui doivent compter considérablement améliorée au cours des
le plus souvent sur la gestion bénévole et années 80, mais notaient aussi que les
auxquels sont attribuées des subventions crédits et le personnel continuaient à
qui ont totalisé seulement 260 O00 livres manquer. Sur l'ensemble des dépenses des
en 1981/82. musées locaux, 5 % seulement ont été
<( La répartition des collections a été consacrées à un besoin aussi fondamental
largement fonction des emplacements qui que la conservation et, aussi surprenant
intéressaient les donateurs eux-mêmes et, que cela puisse être, encore moins ( 4 %) à
de ce fait, la situation générale des musées de nouvelles présentations d'objets et à
est, en Écosse comme ailleurs, fortuite et des expositions temporaires. Moins de
d'une charmante imprévisibilité )), indi- 2 5 % des nominations qui étaient consi-
quait le Memorandum and report of I 966 dérées comme nécessaires pour gérer les
du conseil. musées d'une manière efficace ont été
Cela reste certainement le cas aujour- approuvées. Dans ce contexte, le conseil a
d'hui et personne ne souhaiterait que le d&ni trois domaines pour lesquels une
Publications récentes du CMGS. Le conseil rôle d'une institution telle que le conseil action immédiate devait être engagée :
a une politique dynamique de publication. soit de mettre en ceuvre un plan d'ensem- élargir sa contribution aux services de
Les Scottish museum news, qui paraissent six ble pour la création de musées. Pourtant, conservation et d'exposition, développer
fois par an,présentent des nouvelles, des la demande se fait de plus en plus nette- son action dans le domaine des relations
commentaires, les agendas des manifestations ment sentir pour l'encouragement d'une publiques, encourager les bonnes volontés
et des informations concernant l'ensemble
de l'Ecosse, destintes au personnel des coopération, de préférence à une coordi- à faire connaître les besoins des musées et
musées et à leurs visiteurs. Museum and nation, entre les musées de divers genres soutenir leurs revendications pour obtenir
galleries in Scotland, publié en collaboration et de différentes dimensions. plus de moyens.
avec le Tourist Board, et Museum education La tâche du conseil est avant tout 4. Council for Museums and G+eries in
ScotZa?zd, publié en collaboration avec le Scotland, Memordnduna and report, Edimbourg,
Département écossais de l'éducation, sont d'être à l'étoute. Ses activités essentielles
1966.
deux publications récentes du conseil. doivent être d'identifier les besoins com- 5. Council for Museu-ms and Galleries in
[Photo : CMGS.] muns de ses membres, les besoins de la Scotland, Suwg report, Edimbourg, 1980.

La salle d'attente d'une gare de l'époque


victorienne. Elément de la nouvelle
présentation des collections de l'Inverness
Museum fourni par le conseil.
[Photo ; CMGS.]
Écosse: Ilaide du gouzw-"t centrai aux musfie1 locaux 93

Les services du conseil tion dans les domaines suivants : exposi- cité de prospérer, de croître et de conser-
tions permanentes, conservation, stocka- ver la confiance du gouvernement, même
La grande majorité des musées éprouvant ge, systèmes de contrôle de l'environ- en période de récession économique.
des difficultés à assurer eux-mêmes la con- nement, sécurité, reproductions graphi- Pour l'avenir, à moyen et à long terme,
servation, la fourniture de services spécia- ques, publications, reproductions, forma- trois priorités principales ont été définies.
lisés dans ce domaine est l'une des princi- tion en cours d'emploi, services éducatifs La première concerne l'entretien des col-
pales responsabilités du conseil. Actuelle- et études de développement. En général, lections. qui sont la raison d'être de nos
ment, le conseil dispose d'une équipe de les subventionsaccordéesreprésentent 5 O % musées : une priorité d'une importance
conservateurs composée de cinq person- des dépenses brutes totales d'un projet. vitale, à laquelle on doit répondre en per-
nes : deux spécialistes des textiles, un Le conseil donne également des avis manence, particulièrement à une époque
taxidermiste et deux autres spécialisés res- techniques sur toutes les questions tou- oÙ la course aux crédits est si effrénée
pectivement dans les peintures et les anti- chant la vie des musées et des galeries, dans d'autres secteurs de l'économie
quités. Tous travaillent dans les laboratoi- notamment en ce qui concerne la création nationale. Le conseil se mettra activement
res et les ateliers des National Museums et le développement de nouveaux musées au service des musées pour localiser leurs
and Galleries à Édimbourg. De cette ou la réorganisation de services existants, besoins dans le domaine de la conserva-
façon, ils peuvent utiliser les équipements l'élaboration de plans de développement, tion et y répondre à la fois par le biais
coûteux qui s7y trouvent et travailler en la nomination de personnel qualifié ainsi d'une assistance directe et par une planifi-
collaboration avec le personnel de restau- que sur les questions ayant trait à la col- cation de la répartition des subventions
ration. L'une des actions prioritaires du lecte de pièces, la documentation, la pré- pour améliorer les conditions de stockage,
conseil étant d'apporter un avis profes- sentation, la conservation et l'agencement de recherche de la documentation, con-
sionnel sur la conservation pendant le des musées. Les membres du personnel du trôler l'environnement et satisfaire aux
stockage et la présentation des collec- conseil sont habilités à faire appel aux ser- besoins en matière de conservation. Le
tions, les conservateurs réalisent des vices d'experts pour rechercher les solu- second aspect prioritaire est celui de l'uti-
enquêtes ou rédigent des rapports sur les tions des problèmes techniques, soit en lisation des collections, aussi bien dans un
besoins en matière de conservation des sollicitant les conseils consultatifs, soit en but éducatif que dans le domaine des pré-
musées adhérents. C'est ainsi que le pro- s'assurant la collaboration de spécialistes sentations et des expositions. L'action
gramme de conservation d'un musée pour dans ces différents domaines. principale du conseil est donc d'améliorer
l'avenir peut être planifié et mis en œuvre Les Scottish museum mwsq publication les méthodes de présentation dans l'en-
en plusieurs phases sur différents exercices bimensuelle, présentent des nouvelles et semble des musées d'Écosse, que ce soit
budgétaires. des comptes rendus critiques sur les directement par ses services ou par le biais
Le conseil réalise, pour les musées, une récents développements que connaissent de subventions. Le rôle que doit jouer le
grande variété de dessins et de maquettes, les musées et les galeries d'exposition conseil dans le domaine des relations
de leur conception jusqu'à leur mise en écossais et ouvrent leurs colonnes aux publiques est probablement aussi impor-
œuvre. Son équipe de dessinateurs, qui commentaires portant sur les questions tant pour assurer un bon fonctionnement
travaille dans un atelier qui se trouve au posées par la muséologie en Écosse. Au des musées d'Écosse dans l'avenir. La
siège du conseil, est composée de person- siège administratif du conseil se trouve coopération étroite qui s'est établie avec
nel temporaire ou de professionnels enga- une bibliothèque spécialisée et un centre d'autres agences vouées au financement
gés sur une base contractuelle pour des de documentation réservés aux membres, du développement des musées, tels le
projets précis. Le conseil peut assurer la qui comprennent une gamme de plus en Scottish Tourist Board, la Countryside
conception et la réalisation d'expositions plus vaste de publications qui s'attachent Commission for Scotland et le Scottish
permanentes, temporaires ou itinérantes, à promouvoir les musées écossais. Une Art Council, s'est déjà révélée extrême-
comme celles de vitrines, d'affiches, de information détaillée pour les musées ment utile et devra être poursuivie et
tableaux explicatifs ou de publications. Le peut également y être obtenue. développée. I1 est de plus en plus impor-
conseil est également chargé de gérer un tant d'assurer une meilleure promotion
programme permanent d'expositions iti- des musées écossais et de subvenir à leurs
nérantes comprenant, cette année, 15
L'avenir besoins par le biais d'un large éventail de
expositions qui assureront quelque 80 En dix-huit années de vie, le conseil a vu groupes d'intérêt. Le conseil parle d'une
manifestations à travers l'ensemble de son budget passer de 500 livres à seule voix au nom de l'ensemble des
l'Écosse. De plus en plus, le conseil tra- 2 5 0 000 aujourd'hui et, les plus petits musées et des galeries d'exposition de
vaille en collaboration avec les musées et musées ayant été assistés à l'origine par les l'Écosse. L'avenir dépend de la coopéra-
d'autres organisations écossaises et, outre grands, le conseil s'attache aujourd'hui, tion et du dévouement à cette cause.
qu'il fournit une vaste gamme d'exposi- en ce qui concerne son aide financière, à
tions qui peuvent être adaptées à un large apporter aux plus grandes institutions, [Traduit de I'angIßis]
éventail d'espaces de différentes dimen- qui rencontrent des difficultés correspon-
6. Council for Museums and Galleries in
sions, il améliore les galeries d'exposition dant à leurs importantes dimensions, une Scotland and the Scottish Tourist Board Museums
sélectionnées. contribution au moins aussi importante and Galleries in Scotland, Édimbourg, 1981.
Un vaste programme de subventions qu'aux autres. Cependant, le plus impor-
est mis en œuvre pour apporter une aide tant, étant donné la nature paracommer-
financière au projet d'amélioration des ciale de son organisation, c'est la capacité
musées. Au cours du présent exercice de gestion commerciale du conseil, qui
budgétaire, une somme nette de 140 000 est en mesure de rentabiliser au maxi-
livres a été mise à la disposition des mu- mum les capitaux mis à sa disposition par
sées écossais pour des projets d'améliora- le gouvernement. Cela explique sa capa-
94

T H E O R I E ET P R A T I Q U E

Programmation de muée
Jean-Pierre Vuilleumier Lors d'un séminaire sur les neigbbourbood associé à une idéologie, et c'est surtout
maseams, à Brooklyn, N. Y. en 1969, cela que craignent les hommes de musée
N é en 1946 en Suisse. Travaille comme
John Kinard disait : (( Si les musées veu- ainsi que tout homme obligé de prendre
laborantin en chimie. Licence d'ethnologie à
l'universitt de Zurich en 1975. A r u s é des lent répondre aux besoins de l'homme position, écartelé entre ses intérêts per-
expositions en collaboration avec le Germanische moderne et du futur, ils doivent s'enga- sonnels, son credo et la raison d'État. I1
Nationalmuseum à Nuremberg, la direction du ger dans tous les domaines de l'existence n'y a que les imbéciles qui meurent pour
cadastre à Ansbach et le Übersee-Museum à humaine et cette responsabilité est un défi leurs idées, ceux qui ont compris chan-
Brême. A travaille à la planification du Musée du
Sahel à Gao (République du Mali). Prépare à leurs ressources les plus créatives. hiais, gent de camp.
tgalement la ri-lisation d'un projet d'introduction au lieu de cela, ils se retrouvent au banc Pour bien des hommes du Tiers
du gaz biologique en milieu rural au Mali. des accusés pour trois points importants : Monde des questions de ce genre ne se
en premier lieu, l'incapacité de répondre posent pas, car, pour eux, il faut essayer
aux besoins de la grande majorité du de s'en sortir ou passer. Ils sont à la
public ; deuxièmement, l'incapacité de recherche d'un nouveau contenu pour
relier la connaissance du passé aux problè- une institution que leur a léguée l'époque
mes graves auxquels nous sommes con- coloniale : d'une nouvelle fonction à la
frontés actuellement ou de participer à mesure de leurs aspirations, d'un avenir
leur résolution ; troisièmement, l'incapa- dans la dignité. Une remise en question
cité de surmonter non seulement leur globale du musée en tant qu'institution
négligence criante face aux cultures classée monument historique et de par
minoritaires, mais également leur cela protégée est donc indispensable.
racisme, ce qui se manifeste de façon par La programmation de musée et la poli-
trop ouverte dans le choix des objets col- tique de développement! I1 faudrait
lectionnés, dans les études, dans les expo- inverser les termes, car ce n'est pas la pro-
sitions et dans le personnel employé )>. grammation qui engendrera une politique
de développement.
Temple des mases ou . (( Aménagement de la cité O , c'est ainsi

participation active à lu vie? que Platon définissait la politique ... et la


politique de développement est une ligne
Voilà des accusations graves qui montrent choisie par le gouvernement, qui déter-
que les temps sont révolus o Ù les hommes mine les priorités et les moyens. Ce choix
de musée pouvaient se retirer sur ces îles est problématique et fait rarement l'una-
de félicité qu'étaient et que sont encore la nimité. Relevant de la politique, il touche
plupart des musées : des temples des toutes les structures de l'État concernées
muses. Le moment est venu de retourner par le processus de développement, d'où
aux origines et nous verrons que ce que la nécessité de les associer dès le départ
demande John Kinard est plus prks du aux décisions. Dans ce contexte les
(( mouseîon )) que de ce qui se fait encore musées peuvent jouer un rôle important
actuellement. pour ne pas dire primordial. Ces institu-
Le musée doit s'intégrer dans le quoti- tions étant, avec les chefs traditionnels et
dien et descendre de son piédestal: on ne les autres détenteurs du savoir, les mieux
lui demande pas seulement de conserver informées sur le passé du pays, c'est donc
mais d'être actif, de participer à la vie, à elles, qu'incombe la tâche d'intégrer la
d'aider les hommes à mieux maîtriser leur stratégie de développement dans le con-
destin. Cependant, en acceptant cette 1. Une version plus complète de cet article a
mission, le musée devient sujet à caution. été présentée à la conférence <( La programmation
Présentation de la vie quotidienne des de musée - de la mtthodologie à la réalité )),
nomades. I1 n'est plus à l'abri de la critique, il organisée par l'Icom au siège de l'Unesco, du 25
[Photo ;J.-P. Vuilleumier.] devient l'instrument d'une politique, au 30 juin 1982.
Programmation de musée et politique de dévehppmmt 95

Présentation de la vie quotidienne des


nomades.
[Photo ;J.-P. Vuilleumiet.]

Un nomade travaillant le cuir dans la cour


du musée.
[Photo ;J.-P. Vuilleumier.]

LE MUSÉEDU SAHEL, Gao. Forgeron


tamacheq travaillant dans la cour du musée.
[Photo ;J.-P. Vuilleumier.]
96 Jean- Pierre Vui¿¿eumiev

texte socio-culturel. Car, sur un plan qui pays dans la mesure où les traditions ora- l'Adrar afin de rassembler deux collec-
touche l'avenir de toute une société, com- les y sont encore vivaces. Il s'agit en pre- tions d'objets de la vie quotidienne des
ment les gouvernements pourraient-ils mier lieu de créer de petites unités auto- tamacheq. Durant cette mission, des con-
refuser d'écouter ce qu'on peut appeler la nomes et décentralisées en contact direct certations eurent lieu avec la population
(( conscience de la nation H ? avec la population. I1 va sans dire que pour savoir ce que les nomades pensaient
Au musée et à ses structures reviendra chaque unité dépendra d'une aide logisti- d'une telle entreprise, même s'ils avaient
aussi cette part de l'information qu'on que en provenance d'une superstructure des difficultés à imaginer ce que pouvait
appelle éducation non formelle et qu'ils rassemblant toutes les unités. Ces unités représenter une exposition.
sont souvent les seuls à pouvoir dispenser. seront composées d'une équipe d'anima- En 1980, une seconde équipe visita la
Cette masse d'information ne peut pas tion de trois ou quatre personnes avec un région, accompagnée de celui qui allait
être transmise par la radio ou par la télévi- minimum de matériel et recréeront, en apporter son aide à la conception et à la
sion, car elle doit être vécue pour être vivant avec la population, le passé de réalisation de l'exposition. Encore une
réellement comprise. Le musée permet cette population, en collaboration étroite fois on discuta longuement pour essayer
cette approche tridimensionnelle, qui est avec les chefs traditionnels, griots et de trouver un langage d'exposition sus-
la manière d'approche la plus répandue autres. Le résultat de cette démarche sera ceptible d'être compris par une majeure
dans le quotidien. Prenons par exemple une exposition dans laquelle la popula- partie de la population concernée. I1
l'introduction de nouvelles technologies : tion pourra 'se reconnaître. Ce sera le apparut, par exemple, que les photos de
afin que la pile photovoltaique puisse être retour aux sources et la possibilité d'en l'exposition devaient nécessairement être
acceptée par la population il faut que parler, de trouver ensemble ce qu'on aime en couleur, car les nomades ne lisaient
celle-ci puisse se familiariser avec des à nommer 1' identité culturelle )>. Ce qu'avec difficulté les photos noir et blanc.
modèles et soit en mesure de les manipu- dialogue, une fois amorcé, devra se pour- Les photos les mieux perçues étaient les
ler. Même si le côté technique de la chose suivre avec d'autres équipes qui remplace- photos prises avec un c grand angle )>
lui reste étranger, elle aura la possibilité ront la première. Les accents changeront représentant une scène dans sa totalité. I1
d'une approche du fonctionnement prati- mais la démarche restera la même. Le dia- ne suffisait pas de montrer les mains du
que avant d'en subir les conséquences logue se matérialisera par la construction forgeron si l'on voulait le montrer au tra-
technologiques. en commun du bâtiment qu'on nommera vail, il fallait le montrer en entier.
Le musée et ses structures doivent éga- musée et qui contiendra les structures Rentré à Brême, le réalisateur allemand
lement être intégrés dans ce processus nécessaires permettant la longue mar- exécuta les panneaux avec l'aide d u n col-
de développement, étant l'interlocuteur che H de ce dialogue permanent, menant laborateur malien, ancien chef de la sec-
capable de mesurer l'impact de la politi- à l'identité culturelle, à une solution tion du patrimoine culturel à Bamako,
que de développement par ses contacts d'avenir en commun à travers les problè- qui prépare actuellement une thèse à
quotidiens avec la population. mes du présent. Hambourg. Malheureusement. il n'a pas
En 1970, lors du Festival culturel été possible, à cause du manque de
panafricain, à Alger, fut lancé cet appel : moyens financiers et de temps, de réaliser
Le Musée du Sahel :une
(( I1 y a nécessité d u n retour aux sources l'exposition en entier au Mali. Début
de nos valeurs, non pas pour nous y
expérience inédite novembre 1981, le réalisateur a rejoint
enfermer mais plutôt pour opérer un A Gao (République du Mali), une expé- son poste à Gao et c'est grâce à la compli-
inventaire critique afin d'éliminer les élé- rience de ce genre a été tentée. Ce fut la cité d'une bonne partie de la population
ments étrangers, aberrants et aliénants création du Musée du Sahel. Dans le nomade qu'il a monté, avec ses collabora-
introduits par le colonialisme et retenir de cadre du programme des musées maliens, teurs maliens, l'exposition inaugurale du
cet inventaire critique les éléments encore on avait prévu d'établir le Musée du Sahel Musée du Sahel : (( Vivre au bord du
valables, les actualiser et les enrichir de à Gao. La rencontre, au sein de l'Unesco, désert D.
tous les acquis des révolutions scientifi- d'une personnalité du Ministère des Les nomades étaient très curieux de
que, technique et sociale, et de les faire sports, des arts et de la culture de la voir ce qui se préparait et venaient très
déboucher sur le moderne et l'universel. D République du Mali et d'un responsable souvent, trop souvent quelquefois, sur le
Ce qui est important, c'est moins l'in- du Musée d'outre-mer en République chantier de l'exposition. Ainsi était-il
ventaire critique que l'actualisation et fédérale d'Allemagne a permis la mise en possible d'obtenir de ces visiteurs envahis-
l'enrichissement par les acquis des révolu- ceuvre de ce projet. Le Musée d'outre-mer sants des commentaires d'une spontanéité
tions scientifique, technique et sociale. avait besoin pour son département afri- étonnante, qui permettaient de mieux
C'est dans ce contexte qu'il faut situer le cain, d'une collection tamacheq, qui lui adapter l'exposition à la manière de voir
musée. Pour enrichir, il faut d'abord permettrait de présenter les problèmes de la population. Le grand succès recueilli
informer et former, surtout dans des pays découlant de la grande sécheresse des par les mannequins réalisés avec des ban-
oÙ l'impact de l'école tend à disparaître années 1972/73, et le Ministère avait dages de plâtre et du treillis poussa le réa-
parce que son utilité directe n'est pas besoin d'un appui financier pour lancer lisateur de l'exposition à en confectionner
reconnue, l'enseignement n'ayant pas son projet. Le Musée de Brême sut inté- un grand nombre car cette façon de pré-
encore trouvé sa voie spécifique de l'envi- resser le Ministère des affaires étrangères senter les habits traditionnels était très
ronnement. de la République fédérale d'Allemagne à appréciée du public. Durant le montage
Dans ce cas comment s'attaquer au ce projet, et, en décembre 1981, le Musée de l'exposition, deux femmes tamacheq
problème de la formation, comment du Sahel ouvrait ses portes avec une expo- étaient sur place en permanence pour
informer le public? Voilà un problème sition sur les tamacheq de l'Adrar des Ifo- fournir des conseils et monter les tentes.
qui ne concerne pas seulement les musées ras. Les nomades ne vinrent pas seulement
des pays du Tiers Monde, mais qui est En 1979/80, une équipe du ministère à l'exposition en spectateurs, mais ils pri-
peut-être plus simple à résoudre dans ces et un expert allemand sillonnèrent rent part aussi à l'exposition de manière
Programnation de m d e et politique de dhelloppemennt 97

active, en peuplant la tente, en jouant les Musée et technologie nouvelle encore l'intégration du musée en tant que
guides ou en assistant le forgeron qui tra- collaborateur direct du projet de dévelop-
vaillait dans la cour en compagnie de sa Depuis 1974, un projet de barrages sou- pement.
fille. Les premiers jours de l'exposition terrains qui avait été élaboré avec la popu- Les trois solutions proposées ne sont
furent un triomphe et l'on ne put laisser lation concernée repose dans les tiroirs certainement pas les seules possibles,
entrer le public que par petits groupes, d'un ministère. Ces barrages permet- d'autres projets abondent dans ce sens. Ce
car, l'exposition étant installée dans une traient de retenir l'eau dans le sable des qui fait la particularité de ces proposi-
maison d'habitation, l'espace était relati- oueds des régions sahéliennes. Ce projet tions, c'est qu'elles peuvent être mises en
vement restreint. Durant les dix premiers ne peut être réalisé qu'avec l'aide de la pratique dans un délai très court. Car,
jours, plus de 2 500 personnes vinrent voir population, car c'est elle qui conndt le comme c'est le cas dans bien des domai-
l'exposition. A l'heure actuelle, le nombre terrain et c'est elle aussi qui peut fournir nes, il peut être plus tard que nous ne le
des visiteurs varie entre 10 et 40 par jour. la main-d'œuvre, car il est hors de ques- pensons.
Les réactions des visiteurs furent pour tion de travailler avec des pelles mécani- Les programmes de scolarisation et
le moins surprenantes. I1 leur arrivait faci- ques ou autres engins modernes. Mais, d'alphabétisation n'ont pas apporté les
lement d'entamer des discussions intermi- pour sensibiliser et motiver la population, résultats escomptés, parce qu'en général
nables devant l'une ou l'autre photo. Ils il faut précisément l'informer et, à l'aide peu adaptés au milieu concerné. Dans ces
reconnaissaient leur vie quotidienne et les de modkles, il est possible de lui faire conditions, pourquoi ne pas tenter une
détails étaient longuement commentés. comprendre le fonctionnement et la cons- expérience qui comblerait le fossé entre
La vue de la tente de cuir suscitait chez truction de ces barrages. En choisissant l'enseignant et l'enseigné? Pourquoi ne
les nomades qui s'étaient sédentarisés une bien l'emplacement, il serait même possi- pas entamer ce dialogue qui permettrait
certaine tristesse et souvent ils avouaient ble de construire, avec un groupe de de trouver ensemble le chemin pour
que le choix qu'ils avaient fait ne leur nomades, un petit barrage qui, au cours demain ?
convenait pas. Un enseignant du collège de l'année, pourrait démontrer son uti-
de Gao n'y retourna plus après avoir passé lité. Pour le travail d'information, le
deux jours sous la tente de l'exposition, musée serait par conséquent tout indiqué,
car, disait-il, les sensations ressenties car l'introduction d'une nouvelle techno-
étaient tellement fortes qu'il avait envie logie dans un milieu déterminé est tou-
de tout abandonner pour retourner vivre jours une question de confiance, et, entre
dans le campement de son père. Des le musée et la population, la confiance
vieux venaient spontanément serrer la règne déjà.
main des réalisateurs de l'exposition pour Cependant l'action du musée ne se fait
les remercier. Un de ces vieux demanda ce pas sans l'aide des agents des organismes
que les réalisateurs voulaient exprimer par qui ont la charge du projet. Les spécialis-
cette exposition. Au lieu de lui répondre, tes restent nécessaires, mais leur travail
il lui fut demandé ce qu'il avait ressenti peut se faire dans de meilleures conditions
en regardant l'exposition. Alors son et les problèmes socio-culturels peuvent
visage s'illumina et il dit simplement : être résolus.
(( La vie de nomade est très pénible, mais Un autre projet d'irrigation à l'aide
c'est la plus belle qu'on puisse vivre. )> d'un système de mini-hydraulique est en
Ensuite ce fut le début des activités préparation. Ce projet concerne surtout
ouvertes sur l'extérieur. Pour la semaine les maraîchers qui font pousser leurs légu-
régionale, une partie de l'exposition fut mes au bord du Niger. Grâce à la force
transportée sur les lieux de la manifesta- du courant, l'eau sera pompée dans les
tion à environ 150 km de Gao. Au mois jardins. Cette technologie, connue en
d'août 1982 une partie de l'exposition Europe depuis le Moyen Age, est une
fut montrée dans les campements noma- nouveauté pour la région. I1 y a donc
des et, à l'heure actuelle, une ethnologue tout un travail d'information à faire, et
allemande fait des recherches sur l'impact c'est le musée qui sera chargé de le faire,
de l'exposition et des activités du Musée si le projet est réalisé. La participation du
du Sahel dans la région. Ce n'est que dans musée aux projets de développement, s'il
quelques mois qu'il sera possible de dire si était rétribué pour le travail accompli, lui
le chemin parcouru est positif et de quelle permettrait, par la suite, d'être autonome
manière l'expérience peut être poursuivie. du point de vue financier.
Une chose est certaine, cependant : le Le mode de financement sera choisi
financement, aussi minime soit-il, ne selon la fonction que doit jouer le musée
pourra être pris en charge par le gouver- au sein de la politique de développement,
nement malien. I1 est donc urgent de et, là encore, le choix est politique. I1 est
trouver un financement extérieur. Si possible d'imaginer une sorte d'impôt
0,296 de l'argent investi par les compa- culturel : par exemple, un certain pour-
gnies pétrolières et pour la recherche centage prélevé sur l'argent investi par les
d'uranium dans la région était mis à dis- multinationales dans le pays; ou l'inté-
position du musée, celui-ci pourrait con- gration des musées dans les programmes
fortablement remplir ses fonctions. culturels des grandes opérations ; ou bien
98

Modèles aaochtones en Océanie


Sidney Moko Mead
Diplômé d'anthropologie de l'université La notion de musée est quelquefois défi- les murs. Dans certaines de ces maisons,
d'Auckland, Nouvelle-Zélande, et de la Southern
Illinois University. A enseigné au Canada et en nie en ces termes : (( Établissement ou le plancher est recouvert de nattes déco-
Nouvelle-Zélande. A débuté la série des superficie utilisés pour exposer des objets rées mais il est plus fréquent, de nos
International Symposia on the Art of Oceania. présentant un intérêt dans les domaines jours, d'y trouver des tapis modernes.
Des conférences eurent lieu au Canada en 1974 de la littérature, des sciences, de l'histoire Dans la plupart des maisons d'assem-
et en Nouvelle-Zélande en 1978, et une troisième
est prévue aux États-Unis d'Amérique en 1984.
ou de la nature 1). Dans la plupart des blée modernes on peut voir les photogra-
A également contribué à la fondation de la Pacific pays occidentaux, les établissements réser- phies des défunts. Lorsqu'une personne
Arts Association et de son bulletin d'information vés à cet usage sont aujourd'hui très meurt, les photographies de ses proches
PAN (Paci~5cArts Newsletter). Professeur de maori nombreux, qu'il s'agisse d'institutions parents déjà décédés sont disposées autour
h la Victoria University de Wellington et nationales connues des spécialistes du du cercueil. Des manteaux précieux sont
président du dbpartement d'études maories. A
publib un grand nombre d'articles et de livres s u r monde entier ou de locaux de dimensions drapés sur celui-ci et, quand le défunt est
l'art maori et des îles Salomon. 11 a également réduites situés dans de petites villes ou un personnage important, des pièces de
éait sur les droits des Maoris. dans des villages. Le musée tel que nous costume, des objets en néphrite ainsi que
le connaissons est une organisation haute- des armes traditionnelles auxquelles les
ment spécialisée qui est désormais inté- Maoris attachent un grand prix sont
grée au contexte socio-économique,tech- exposés pendant la durée des cérémonies
nologique, philosophique et artistique des funéraires, qui durent habituellement
États occidentaux. Les pays en développe- trois jours. D'ailleurs, c'est au cours des
Les visiteurs sont assis sous un auvent ment hésitent à créer des institutions rites funèbres (tangihangu) que les objets
érigé spécialement à la mémoire de certains aussi complexes et qui imposent autant traditionnellement associés à la maison
morts ; les discours commencent.
[Photo : C . Schollum.]
de charges, et certains d'entre eux doivent d'assemblée sont apportés sous le porche,
s'interroger sur la sagesse d'une telle afin que tous ceux qui participent à la
entreprise, dont l'idée leur semble venue cérémonie puissent les voir. A cette occa-
de l'étranger. sion, des œuvres d'art et des objets pré-
cieux appartenant à la famille ainsi que
des photographies sont disposés autour
Une version maorie du musée?
i- f; du mort, de manière à produire le maxi-
Le musée est-il vraiment une institution mum d'effet.
aussi étrangère qu'il y paraît actuelle- Les personnes qui passent la nuit dans
ment? Vouloir répondre à cette question, le bâtiment ont le privilège de dormir au
c'est, inévitablement, s'exposer à se per- milieu des plus beaux objets d'art que
dre dans les définitions. Précisons donc produise le village. Les portraits des ancê-
d'emblée que nous ne chercherons pas à tres exposés sur les murs montrent que les
déterminer dans le détail ce que recouvre constructeurs maoris de la fin du X I X ~siè-
la notion de musée telle que la conçoit le cle s'orientaient déjà vers la notion de
monde occidental. Nous nous intéresse- musée. Dans certaines maisons d'assem-
rons plutôt aux fonctions fondamentales blée, on peut voir des photographies qui
du musée qui consistent à entreposer des sont toutes dûment identifiées par des
objets précieux et à les présenter à des légendes ; dans d'autres, des manteaux de
personnes autres que celles qui les ont plume sont accrochés aux murs, et, dans
produites, le musée jouant ainsi un rôle d'autres encore, des livres.
utile en raison de ce qu'il contient et de Toutefois, ce qu'il importe de souli-
la manière dont il est utilisé. gner, c'est qu'une maison d'assemblée
Dans la société maorie, l'équivalent du maorie n'a pas pour fonction essentielle
musée est la maison d'assemblée en bois de servir de lieu d'exposition. Dans la
sculpté, le wbare-wbukairo bien connu des majorité des cas, elle n'est pas ouverte
muséologues. Cette construction, dont la tous les jours aux touristes et aux visi-
population tire sa plus grande fierté, est le teurs occasionnels. Elle est utilisée par la
Au Kokohinau Marae de Bay of Plenty,
les aînés ouvrent la cérémonie de l'accueil centre de rassemblement de la commu- communauté à diverses occasions : assem-
à l'occasion d'une réunion du Waiariki nauté, le lieu où se déroulent les cérémo- blées, services religieux, cérémonies funè-
District Council le 27 avril 1969. nies d'adieu aux morts et celui où des bres, inauguration de monuments funé-
[Photo : C. Schollum.] groupes de visiteurs passent la nuit. A raires, etc. L'édifice est alors ouvert au
l'intérieur, on peut admirer des sculptures (( public )) concerné par chacune de ces
sur bois de divers genres et de diverses manifestations. Ce public ou ce groupe de
tailles, des portraits d'ancêtres illustres personnes peut n'avoir à se réunir dans la
accrochés aux murs, des panneaux maison d'assemblée que pour la journée
muraux ouvragés à claire-voie et des pein- seulement : la réunion a lieu dans un
tures ornementales sur les plafonds et sur cadre artistique, et ceux que les discus- ,
ModtYes autochtones en Océanie 99

sions ennuient peuvent regarder les On est bien loin des visiteurs anony-
ceuvres d'art. Certains groupes y passe- mes et d'origine inconnue qui se pressent
ront la nuit, tandis que d'autres y reste- par milliers dans les grands musées occi-
ront plusieurs jours et plusieurs nuits. Ce dentaux. Le mame et la maison en bois
qu'il faut retenir c'est que le groupe de sculpté évoquent davantage les musées
personnes qui passe la nuit dans la maison des petites localités et des villages, qui
d'assemblée a la possibilité de contempler reçoivent de temps à autre de petits grou-
les euvres d'art beaucoup plus longue- pes de visiteurs.
ment et plus à loisir que les foules qui
visitent le Musée de l'homme à Paris, par Façade de la maison de la coutume à
Les maisons de la coutume Natagera, Santa Ana (Salomon orientales).
exemple. Le mode d'observation est alors
tout à fait différent.
mélunésienne On peut voir des piliers dkcorés sur cette
photo plutôt médiocre, prise en 1971.
Ces visiteurs qui restent pour la nuit Dans d'autres régions d'Océanie, on [Photo :S. M. Mead.]
sont parfois des membres d'autres tribus trouve beaucoup d'édifices semblables à la
ou viennent d'écoles, d'universités, de maison communautaire en bois sculpté
clubs sportifs ou de services gouverne- des Maoris. La Polynésie en offre plusieurs
mentaux. Le plus souvent, ce sont des autres exemples. Mais il paraît instructif
parents de membres de la tribu locale ou de choisir un exemple spécifique
ils sont accompagnés ou recommandés emprunté à la Mélanésie, pour montrer
par un membre de cette tribu. que les cultures du Pacifique ne sont pas
Mais, quels qu'ils soient, les visiteurs sans connaître une institution qui rap-
doivent Ctre accueillis officiellement par la pelle le musée. C'est ainsi que, dans la
population locale, et la réception a tou- région de Star Harbour, des îles Salomon
jours un caractère rituel. Par exemple, orientales, il existe des maisons de la cou-
devant la maison dénommée Ruataupare, tume ou maisons des hommes. Sur l'île
construite en 1882, et qui se trouve de Santa Ana, ces maisons ressemblent
présent à Te Teko, dans la région de Bay beaucoup à des musées tandis que, sur
of Plenty (île du Nord), le (( peuple de la l'?le de Santa Catalina, elles évoquent plu-
terre O (tcmgutu zuheratld), la tribu à tôt des hangars à pirogues.
laquelle appartient l'auteur, accueille les Dans les deux maisons de la coutume
visiteurs. Ceux-ci s'avancent vers le de Santa Ana sont entreposées et exposées
.mame' (le site de la maison d'assemblée) des urnes funéraires en forme de pirogues,
et vont s'asseoir sous l'auvent pour écou- des crânes dans des réceptacles en rotin,
ter les discours de bienvenue. Leurs des coupes décorées, le grand bol s t l s q t l J
porte-parole y répondent, après quoi les
visiteurs peuvent enfin se mêler à leurs 1. Mame :plates-formes de pierre, temples
formts d'une cour inttrieure, ceinte de murs, avec
hôtes : on se serre la main, on se presse le un autel central formé de deux plates-formes
nez, et chacun se détend avant le début de superposées et d'autres constructions servant a
la réunion qui se tiendra dans la maison. abriter les objets du culte.

Les visiteurs, représentant diverses tribus,


arrivent au Kokohinau Marae pour la
réunion. Ils s'approchent du marae, restent
debout quelques instants devant la maison
de bois sculpté, puis cherchent une place
pour s'asseoir.
[Pboto .-C. Schollum.]

Photographie prise en 1969, montrant


l'intérieur de la maison d'assemblée (whare
wbakairo) appelée Te Tokanganui-a-noho,
qui se trouve à Te Kuiti, île du Nord
(Nouvelle-Zélande).
[Photo : C. Schollum, Dkpartement
d'anthropologie, Auckland.]
1O 0 Sidney Moko Mead

Cette photographie montre une coupe


sacrificielle à aliments, sculptée par
Reresimae. La coupe est suspendue au
plafond de la maison de la coutume et une
étiquette est apposée sur la face inférieure
du pied. Cette étiquette et les mentions
écrites qui y figurent font immédiatement
penser à un musée.
[Photo ; Service d’information des îles
Salomon britanniques (1973).]

de conception étrange, une ou deux piro- locaux de sculpture sur bois. Grâce à cet
gues pour pêcher la bonite, et d’autres établissement, les hommes peuvent se
objets de valeur. Les piliers qui soutien- familiariser avec des œuvres d’art créées
nent le toit sont souvent décorés. cinquante ans plus tôt. Les grands piliers
Le musée autochtone faisait exclusive- qui soutiennent ces maisons durent long-
ment appel à la tradition orale et ce n’est temps et assurent ainsi un sentiment de
qu’à la suite de contacts avec les cultures continuité avec l’héritage du passé. Les
occidentales qu’on a vu apparaître des ins- objets offerts à l’observation et à l’étude
criptions peintes ou gravées dans le bois. sont très &vers. En fait, plus on réfléchit
Une caractéristique essentielle des mai- à la notion de musée et plus la maison de
sons de la coutume, dans beaucoup de la coutume apparaît elle-même déjà
régions de Mélanésie, est que les femmes comme un musée.
ne sont pas autorisées à y pénétrer ni à Outre l’absence de textes écrits, les ins-
participer aux manifestations qui s’y titutions autochtones se caractérisent par
déroulent. Ce sont des sortes de clubs le fait qu’on n’y utilise pas de techniques
pour hommes, si ce n’est que l’accès n’y perfectionnées pour prolonger la vie des
est soumis à aucune condition d’âge. objets exposés, qui finissent par pourrir
Ceux qui y entrent peuvent regarder et ou par tomber en poussii.re, détruits par
examiner des heures durant, s’ils le diverses sortes d‘insectes parasites du bois.
souhaitent, les objets qui s’y trouvent Mais les objets sont remplacés par d‘au-
entreposés et exposés. Ou bien ils peu- tres et l’héritage artistique et technique se
vent aller s’asseoir avec les hommes occu- perpétue de la sorte pour la durée d’une
pés à discuter en mastiquant du bétel et nouvelle décennie. La préservation méti-
parler avec eux des dernières nouvelles culeuse des objets du passé est une préoc-
parues dans Time ou des informations cupation propre à l’occident, où on la
diffusées par Radio-Iles-Salomon, ou retrouve dans plusieurs disciplines. Si la
encore évoquer quelque vieille histoire conservation cessait d‘être une fonction
qu’on a plaisir à réentendre. Les femmes fondamentale des musées, ceux-ci coûte-
peuvent se réunir entre elles et participer raient moins cher et ils ressembleraient
à un mode d‘expression artistique qui moins à des hôpitaux pour objets d’art
leur est propre. I1 leur arrive parfois de que ce n’est le cas actuellement.
danser devant la maison de la coutume. La science moderne devrait être capable
Au cours de ma dernière visite à Santa de produire des agents de conservation
Ana en 1973 et en particulier après avoir relativement bon marché que les villa-
travaillé dans les maisons de la coutume, geois, dans diverses localités isolées de
j’ai pris conscience du fait qu’il existe cer- l’Océanie, pourraient utiliser pour pro-
taines similitudes entre ces maisons et le longer la vie des objets d‘art anciens qu’ils
musée occidental. Dans le cadre du vil- possèdent encore et des nouveaux qu’ils
lage, la maison de la coutume a une fabriquent. I1 faudrait donner aux villa- .
grande utilité car elle permet aux sculp- geois la possibilité de se procurer des pro-
teurs de voir de beaux exemples des styles duits chimiques pour traiter les plumes,
rModèles autochtones 02 Oc6anie 101

les vêtements en tapa, les objets tissés et ceux qui souhaitent devenir conservateurs leurs maisons d'assemblée ou leurs mai-
les textiles, en général, de manière à pou- de musée en Océanie et de leur fournir sons de la coutume, les objets qu'elles
voir garder au village les plus beaux spéci- toutes sortes d'informations sans grande vénèrent, ainsi que leur savoir? Accepter
mens de leur art. En effet, il semble beau- utilité pratique. le modèle occidental, c'est pour elles per-
coup plus important que les objets repré- Le musée ou centre culturel local doit dre la maîtrise de leur culture même, et
sentatifs du style local demeurent au vil- être une institution intégrée à la vie de la notamment de leur philosophie et de leur
lage et accessibles à tout artiste désireux population et de la communauté. Un éta- système d'éducation. Elles ont tout inté-
de les examiner, que de les envoyer blissement conçu sur le modèle du musée rêt àjeter aujourd'hui un regard nouveau
outre-mer dans quelque musée où ils occidental coûte trop cher à construire et sur ce que nous avons appelé leurs
seront étudiés par des étrangers. Toute il est en outre trop difficile à entretenir. (( musées )) et sur leur mode de gestion

communauté doit avoir pour préoccupa- Un tel établissement deviendrait vite un traditionnel. Peut-être le temps est-il
tion essentielle le maintien de sa tradition luxe inutile et encombrant. En ce qui venu de leur donner une vie nouvelle.
artistique. L'exposition et la conservation concerne la Nouvelle-Zélande, il me sem-
des ceuvres d'art sont secondaires. ble que la maison d'assemblée sculptée [Trdduit de I 'dnghis.]
Lorsque la science sera en mesure de offre un modèle parfait de ce que devrait
proposer des moyens moins onéreux pour être un centre culturel destiné à la popu-
la conservation des objets d'art et d'artisa- lation maorie. Dans les Salomon orienta-
nat traditionnels, le musée autochtone les, c'est la maison de la coutume qui
connaîtra un renouveau. On peut se fixer devrait servir de modèle pour jeter les
un objectif de portée limitée, par exemple bases d'un tel centre.
faire en sorte que les objets en bois durent Je crois qu'il serait tout à fait mal avisé
au moins cent ans. Tous les objets datant de porter atteinte au système de croyances
de plus de cent ans pourront être envoyés de la population autochtone, sous pré-
à un musée national qui les entretiendra texte de créer un musée de conception
de la manière voulue. Doubler la durée de européenne. Dans la mesure du possible,
vie ne serait-ce que d'un panier en palme on devrait plutôt rechercher une solution
de cocotier serait déjà pour la région une qui s'insère dans ce système de croyances.
réalisation importante. Ainsi les objets conservés dans le cadre de
la plupart des structures polynésiennes et
mélanésiennes ont acquis un caractère
Lefons pour I'Océunie tdpu (tabou), de sorte qu'il n'est pas vrai-
Le musée occidental et son équivalent ment nécessaire de prévoir des gardiens
autochtone s'insèrent de façons très diffé- ou de cadenasser les portes. C'est là, me
rentes dans le mode de vie des popula- semble-t-il, un aspect très important de la
tions. Si l'on veut encourager les popula- forme indigène du musée : la construc-
tions du Pacifique à se doter de centres tion elle-même et tout ce qu'elle contient
culturels, peut-être faudrait-il leur con- sont tapu. Ces objets d'art précieux sont publiquement
seiller de concevoir ces centres sur le I1 apparaît donc que le traitement des exposés dans la maison de la coutume. On
peut voir ici des reproductions de pirogues
modèle des musées indigènes et de les objets de valeur est très différent en Océa- dans lesquelles sont conservés des ossements
intégrer au mode de vie traditionnel de la nie et dans les pays occidentaux. On a d'ancêtres vénérés, ainsi qu'un réceptacle en
population. Le musée occidental semble tendance, dans les diverses disciplines bambou refendu ( t u r i p u ) contenant un
plutôt conçu pour les grands centres occidentales, à séculariser la connaissance. crâne (1971).
[Photo : S. M. Mead.]
urbains, oh le public préfère l'anonymat Cela permet de mettre cette connaissance
et oÙ chacun souhaite regarder à sa à la portée de tous, ce qui est fort louable
manière et sans cérémonie les objets mais a également d'autres conséquences :
exposés. Le problème de ce type de musée la connaissance elle-même, les moyens de
est qu'il est trop spécialisé et que son l'acquérir et les objets de valeur qui
fonctionnement requiert du personnel appartiennent à l'histoire prennent de ce
qualifié en trop grand nombre. En outre, fait un caractère ordinaire qui enlève tout
les formations prévues favorisent ceux qui scrupule aux voleurs éventuels.
recherchent un enseignement de type En 1973, les maisons de la coutume de
occidental, en négligeant les autochtones, Santa Ana n'avaient rien d'ordinaire, non
qui sont tout à fait capables d'exploiter plus que les objets qui y étaient entrepo-
leurs propres institutions. Dans ce dernier sés. Mais les pressions tendant à les sécu-
cas, la connaissance de la tradition orale lariser étaient très fortes et je soupçonne
est souvent beaucoup plus importante que les idées occidentales sur ce à quoi
qu'un diplôme universitaire. devrait ressembler ce genre d'institution
I1 ne s'agit pas vraiment de choisir continuent h gagner du terrain. Le tou-
entre les deux termes d'une alternative, risme exerce sans doute à cet égard une
mais de fixer des priorités tenant compte influence considérable.
de la nature et de la fonction d'un musée Mais pourquoi les sociétés océaniennes
local. Les muséologues occidentaux ris- devraient-elles suivre l'exemple occiden-
quent, sans le vouloir, de mal conseiller tal ? Pourquoi devraient-elles séculariser
102

Vart'dbilzité des mo&s d'e.positioa

Josef Bene: Depuis la deuxième guerre mondiale, le bien sûr d'importantes variations quanti-
développement des activités des musées se tatives et qualitatives. Du point de vue de
Ne en 1917. Se spécialise en ethnographie
européenne à l'Université Charles à Prague.
caractérise par une évolution profonde de l'éducation et de la formation, l'efficacité
Fonctionnaire du Ministère de la culture dans le la mise en valeur des collections, chose des expositions est déterminée, soit par la
domaine du patrimoine culturel. Membre du importante dans la mesure où c'est essen- technique de la présentation (le côté
Comité de formation muséologique de tiellement par ses programmes d'exposi- objectif), assurée par le musée, soit par les
l'Université de Prague et du Comid international
tion qu'un musée se fait connaître à l'ex- possibilités de perception des stimulations
sur Yeducation de YIcom. I1 a émit des articles
sur les questions des musées et de l'kvaluation et térieur et fait fructifier ainsi les efforts offertes (le côté subjectif), qui dépendent
de la présentation des collections de musée en consacrés, à l'intérieur, aux objets de col- des aptitudes de chaque individu. I1 serait
général. lection, qui sont à la fois ses outils de néfaste d'entretenir l'illusion que la com-
travail et ses moyens d'expression. munication se fait automatiquement et
que les objets exposés agissent sur tous les
visiteurs quelle que soit la façon dont ils
Tendunces fondumentales sont présentés.
Les transformations dynamiques des salles Les recherches sur l'efficacité éducative
d'exposition ont des causes externes et et formatrice des expositions dans les
internes. Parmi les premières figure musées ont confirmé que les conséquences
incontestablement l'influence des exposi- de la visite d'un musée étaient très varia-
tions organisées à l'extérieur des musées - bles suivant l'âge, le niveau d'instruction,
à des fins représentatives ou commerciales les centres d'intérêt et les motivations des
- pour lesquelles il est courant de placer visiteurs, et suivant les modalités de la
très haut la norme exigée dans l'utilisa- visite, à savoir sa durée et l'intensité de la
tion des dernières acquisitions techniques perception des stimulations. Autrement
et plastiques. Parmi les secondes, nous dit, la connaissance des différents modes
citerons l'application des connaissances de mise en valeur des collections en 'fonc-
muséologiques, et notamment les résul- tion des catégories de visiteurs est un fac-
tats des recherches effectuées lors d'expo- teur déterminant dans l'évaluation du
sitions de conceptions diverses concernant rôle que jouent les musées dans l'éléva-
l'effet produit sur telle ou telle catégorie tion du niveau culturel du public.
de visiteurs du point de vue de l'efficacité
éducative réelle, et non seulement suppo-
Dzfét-enciation des techniqzces
sée.
Dans la mesure oÙ le volume des infor-
d'exposition
mations transmises à l'individu par les Si l'on observe l'évolution de la prtsenta-
moyens de communication de masse - de tion des expositions - passage de pro-
source secondaire ou tertiaire - va en s'ac- grammes statiques à des programmes
croissant, il deviendra de plus en plus dynamiques, de rangées stéréotypées de
important de saisir la proportion d'infor- vitrines identiques à l'organisation
mations transmises sans intermédiaire - attrayante de l'espace - la conception
de source primaire - c'est-à-dire dans le active de programmes distincts suivant les
contact personnel avec les valeurs authen- besoins particuliers de catégories détermi-
tiques qui véhiculent et stimulent à la nées de visiteurs, les possibilités diverses
fois le désir de l'expérience de la percep- des musées suivant qu'il s'agit de musées
tion immédiate, impossible à atteindre à historiques, scientifiques ou techniques,
ce degré par d'autres moyens. D'où l'im- et si l'on prend en compte la plus grande
portance croissante des programmes d'ex- rigueur exigée pour la préparation des
position des musées, qui sont devenus expositions sur la base des principes
un élément non négligeable du tourisme muséologiques, on peut avoir une idée de
culturel, la complexité de la problématique, dont il
La mise en valeur des collections des faut trouver les facteurs clés. La visite
musées en concurrence avec la multiplica- d'une exposition est un processus de per-
tion des programmes que proposent d'au- ception progressif, dans l'espace et dans le
tres insritutions offre à l'individu l'occa- temps, orientée vers un but bien précis,
sion d'enrichir ses connaissances et du système de stimulations visuelles
d'exercer ses facultés, chacun réagissant conçues spécifiquement pour que le sujet
sur le plan rationnel et émotionnel, avec présenté atteigne à la connaissance et au
Variabilité des modes d'eqosition 103

vécu des visiteurs. Seule la réaction de ces certaines qualités, de manière à exercer un
derniers aux stimulations entraîne des plus grand effet, qu'il s'agisse d'un inté-
changements dans la conscience de rieur historique ou d'une architecture
l'homme, sous la forme d'un apport cul- fonctionnelle moderne.
turel, preuve que la visite a véritablement Ces trois composantes ont des consé-
eu un effet. C'est la possibilité qu'a le quences quantitatives et qualitatives diffé-
visiteur de confronter ses représentations rentes, dont découle la grande diversité
subjectives avec le modèle scientiíïco- des techniques d'exposition dans les
artistique de la réalité donnée, modèle musées, ce qui constitue un phénomène
que le musée a créé intentionnellement à positif excluant le stéréotype comme uni-
des fins éducatives, qui crée les conditions formité non souhaitable. Dans chaque cas
propres à l'enrichissement des connaissan- particulier, il faut tenir compte, lors de la
ces et de l'expérience. Par conséquent, il prépxation de l'exposition, du fait que
faut que l'exposition ait sur la conscience celle-ci est conçue explicitement pour des
humaine une portée optimale, déterminée catégories données de visiteurs et que, du
par l'agencement fonctionnel de ses diffé- point de vue de la perception, il faut créer
rents éléments; c'est là non seulement les conditions du dialogue attendu de AI Bibliothèque historique de l'ancien
une condition préalable à sa préparation, l'individu avec les objets : l'agencement couvent des Prémontois à Prague (Strahov),
aujourd'hui exposition du Musée de
mais aussi un critère décisif pour l'évalua- des détails dans le cadre de chaque littkrature tchèque, salle de théologie er de
tion du programme culturel qu'elle offre. (( tableau M (pris au sens large de repré- philosophie.
L'analyse de la portée des expositions sentation) doit favoriser l'établissement [Photo ;J. Benes.]
dans les musées fait apparaître trois com- de relations multidimensionnelles réci-
posantes qui peuvent, dans une mesure proques, reflétant une certaine tension
différente, influer globalement sur la dans l'espace où pénètre le visiteur avec
conscience, La première est l'effet des ses facultés de perception en éveil. Sil est
objets exposés, qui sont les moyens d'ex- disposé à recevoir les stimulations propo-
pression propres au musée et qui ont, par sées, il parvient à une communication
leur nature et leur structure - homogène authentique, alors que, dans le cas
ou hétérogène - un potentiel d'influence contraire, les stimulations n'atteignent
déterminé; mais ils en fixent en même que partiellement leur but, du fait que
temps les limites, qui dépendent de la l'incapacité de saisir (( le langage des cho-
qualité et de la quantité du message ses v ou l'insuffisance de la sensibilité et
authentique de l'exposition, dans laquelle de la concentration diminuent la portée
les objets présentés apportent à la fois un de l'exposition. Par (( agencement de l'ex-
témoignage et une preuve de l'authenti- position )), nous entendons l'expression
cité de la réalité offerte. La deuxième spécifique du thime, la connexion de tous
composante est le traitement de la théma- les composants, internes et externes, des
tique de l'exposition tant dans sa totalité tableaux, au service d'un but éducatif et
que dans chaque motif constitutif, où se formateur fixé, et non seulement une
fondent avec bonheur le témoignage et organisation esthétiquement satisfaisante
l'explication, la spécificité du discours et d'éléments dans le plan et dans l'espace.
les lois de l'évolution dans l'unité de la On peut illustrer par le schéma suivant la
création stylisée, qu'on peut qualifier de relation entre, d'une part, la spécialité qui
modèle scientifico-artistique de la réalité détermine le contenu du message et,
présentée. L'effet de l'agencement de l'ex- d'autre part, l'art appliqué, la technique,
position dépend : u) du nombre d'objets en tant qu'expression formelle, et, enfin,
et de leur mode d'insertion dans l'ensem- la muséologie comme théorie de la pré-
ble thématique; b) de l'emplacement des sentation :
objets dans le plan et dans l'espace,
compte tenu des autres moyens de repré-
sentation du motif, considéré dans son
rapport avec les objets existants dans leur
milieu d'origine; c) de l'utilisation des Discipline Art applique et
équipements et des moyens d'exposition, scientifique technique
correspondante
notamment des moyens audio-visuels, qui
doivent servir à renforcer l'effet des objets
originaux exposés, du fait qu'ils sont les
principaux porteurs du message de l'ex-
position. Présentation
(agencement)
La troisième composante tient au
Musedogie
caractère même des salles d'exposition,
qui peuvent être neutres, ou au contraire
contribuer activement à mettre en valeur
104 Josef Bene?

AI Exposition de trophées de chasse dans


leur agencement d'époque, conservée aux
châteaux d'Etat de KromCfE, .salle de
chasse, et de Pernstejn.
[Photo :J. Bene;.]

On ne peut donc considérer la prépara- Désignation du type Caractéristique Rapport à la réalité


tion' d'une exposition comme étant du de la prksentation
seul ressort de la discipline intéressée -
A. Authenrique Maintien des relations Identité avec la réalité
archéologie ou histoire de l'art, géologie originelle
ou histoire des techniques - car il y a une B. Documenté Expression des relations Représentation artificielle de la
communication visuelle, voire audio- réalité
visuelle, dans laquelle vient s'ajouter l'ap- C. Non documenté Pas d'expression des relations DGtails ayant valeur absolue
port de l'art de l'exposition et des techni-
ques correspondantes, l'assise muséologi-
que de l'agencement restant toutefois le Précision des cuructéristiques la saisie émotionnelle des impressions
principe unificateur, arrêté après l'analyse des dzférents types suscitées par leur perception. I1 n'y a
de toutes les possibilités entrant en ligne en l'espèce aucune information d'ordre
de compte, et que l'on connaît soit par les A. Le rapport direct à la réalité est assuré rationnel.
revues spécialisées, soit par la pratique. par le fait que l'ensemble eqosé est La distinction des variantes, à l'intérieur
On peut alors classer les techniques d'ex- authentiquement inis en valeur in sita b, de chaque type, est fondée sur l'intensité
position d'après divers critères : Type de c'est-à-dire dans son milieu originel, de de l'expression du rapport à la réalité : la
visite (à caractère scientifique pour les sorte que les liens entre les divers élé- première variante a donc, en tant que
spécialistes ou à caractère éducatif pour ments sont conservés tels quels, et type, marqué le degré maximal d'inten-
les profanes) ;Durée de l'exposition (lon- n'ont donc pas besoin d'être renforcés sité, la deuxième un degré moins élevé, et
gue ou brève) ; Emplacement (stable, par des moyens auxiliaires. L'effet la troisième le degré le plus faible d'ap-
mobile, transportable, itinérant) ; Empla- exercé résulte essentiellement de l'at- proche spécifique de la représentation de
cement des liens expressifs établis entre le mosphère spécifique du contexte, qui la réalité.
motif et la réalité originelle. C'est ce der- joue un rôle par lui-même, indépen- Variante A. I. En tant que type mar-
nier aspect qui va retenir notre attention. damment des éléments qui composent qué de l'existence authentique dans le
le tout. contexte d'origine, elle exprime l'état
B. Le rupport au milieu originel, dans actuel des liens des éléments entre eux et
Dzff&entes forrnes de présentution lequel les objets exposés ont un jour avec l'ensemble du milieu, de sorte que le
Si nous retenons comme critère distinctif joué leur rôle, est eqrinzépar des mqms spectateur les perçoit immédiatement.
de présentation du thème la mesure dans visuels, de façon à être compris par le Des explications écrites ne feraient qu'al-
laquelle le motif exposé se rapporte à la visiteur. Le tableau met ainsi en valeur, térer ce milieu, aussi sont-elles remplacées
réalité originelle, nous pouvons d&nir non seulement des documents origi- par un exposé oral ou enregistré à l'inten-
trois types fondamentaux, désignés ci- naux, mais aussi des documents auxi- tion des groupes de visiteurs, à la disposi-
après par les lettres A, B et C, et, à l'inté- liaires, dans une liaison fonctionnelle tion desquels sont mis en outre des bro-
rieur de chaque type, en fonction de la qui exprime le caractère du thème pré- chures, destinées à renforcer encore les
solution adoptée, trois variantes, dési- senté. impressions reçues. Exemples : intérieur
gnées par les chiffres I , 2 et 3. On obtient C. Le rapport au milieu originel et le rôle original d'un château, bibliothèques de
ainsi un ensemble comprenant neuf élé- des objets ne sontpas du tout eqrimej; style dans leur état d'origine, boutiques
ments, recouvrant toutes les possibilités ils sont omis intentionnellement, car d'apothicaires, cabinet de travail d'un
de la technique d'exposition. Les types ce type de présentation ne met en écrivain dans sa maison natale, etc.
fondamentaux sont définis succinctement valeur que la qualité spécifique, esthéti- Varidnte A. 2. L'environnement, avec
dans le tableau suivant : que, des objets exposés, qui détermine l'ensemble complet des objets, est trans-
Varìabìlìté des modes d'exposìtìo~z 105

A2 Intérieur d'atelier de forgeron au Musée


en plein air de Roinov, transposé de son
milieu d'origine.
[Photo :J. Bene;.]
A3 Cuisine de maison campagnarde de
Moravie du Sud au Musée d'Uhersky Brod.
Reconstitution avec mise en valeur des
objets exposés comme modtles.
[Photo :V. Hanzl.]

posé dans un milieu nouveau où sont gnée de documents sur la vie de l'artiste,
conservés les rappoKts avec l'existence ori- ses créations, son environnement et le
ginelle. Ce milieu nouveau ne fait qu'al- retentissement de son ceuvre ; éléments de
lusion au milieu originel, sans s'identifier l'intérieur d'un logement avec une docu-
à lui. Pour le reste, il en est de même que mentation iconographique sur leur em-
dans la variante précédente. Exemples : placement originel, leurs fonctions, etc.
intérieur entier transposé dans un musée, Variante B. 2. Expression optimale du
ensemble d'objets ; intérieur du cabinet de rapport à la réalité présenté dans la com-
travail d'un écrivain, atelier de peintre, position, qui contient seulement le nom-
échoppe d'artisan, collection de pendules, bre d'objets et d'éléments complémentai-
dans leur présentation d'époque, etc. res nécessaires à la compréhension du
Variante A. 3. Assortiment reconstitué thème, caractérisé dans ses traits princi-
d'objets provenant de milieux et d'en- paux. L'exposition doit satisfaire aux exi-
droits différents, mais de même style et de gences du visiteur moyen, qui ne mani-
même fonction, représentant un type de feste pas d'intérêt particulier pour le Bz Exposition Anthropos, Musée morave,
Brno.
style d'une pureté idéale, caractérisant sujet, et qui peut se référer en cas de [Photo : L. Pichova.]
parfaitement les principaux aspects de la besoin à des notices explicatives. Exem-
réalité donnée. Exemples : salon rococo ples : représentation d'un thème histori-
d'un château, chambre paysanne régio- que ou de sciences naturelles, exprimée
nale, diorama consacré aux sciences natu- par un ensemble de documents originaux,
relles, atelier de peintre, échoppe d'arti- complété par des illustrations et des tex-
san, etc. tes; série de tableaux d'un peintre,
Variante B. I. Composition compre- accompagnée d'une documentation retra-
nant le maximum de stimulations possi- çant les grands moments de sa vie et de
bles pour caractériser les choses et leur son époque; pièces typiques de mobilier
rapport avec le milieu originel, d'où ils de tradition populaire avec une photogra-
ont été pris. Programmes complémentai- phie représentant leur emplacement dans
res - espaces d'information - pour ceux l'intérieur d'origine.
qui souhaitent approfondir leur connais- Variante B. 3. Expression minimale des
sance du sujet traité. La composition est rapports entre les objets et le milieu origi-
conçue de façon que la visite, faite sui- nel dans lequel ils étaient utilisés : il n'est
vant l'itinéraire supposé, permette à cha- fait allusion à leur rôle que succincte-
cun d'assimiler le message, et fasse parti- ment, les détails étant omis. Exemples :
ciper le visiteur, d'où le rôle des program- collection de pendules anciennes présen-
mes complémentaires. Exemples : n'im- tées de façon chronologique, mobilier de
porte quel thème (pourvu qu'il soit pris tradition populaire, avec indication de sa
dans sa dimension historique), avec des disposition spatiale, série de tableaux
éléments complémentaires incorporés ; accompagnés simplement de quelques
présentation d'un sujet de sciences natu- renseignements sur l'artiste et son œuvre.
relles dans une optique écologique, Variunte C. I. Mise en valeur d'ceuvres
ceuvre complète d'un peintre, accompa- choisies, conçues isolément comme des
106 Josef Ben2

Ca Exposition temporaire de verre de


Bohême, Musée d'Ostrava.
[Photo :J. BeneS. J

B3 Exposition temporaire de parures


populaires comme éléments de l'habillement,
Musk d'Ostrava.
[Photo :J. BeneS]

I I créations particulièrement remarquables,


dont la perception doit susciter l'admira-
Exemples : ensembles d'objets de la
nature, de documents historiques, artisti-
tion, le plaisir, une réaction émotive. ques, techniques, etc., dotés le plus sou-
Elles ne sont accompagnées d'aucune vent d'une étiquette permettant l'identifi-
information d'ordre rationnel, qui pour- cation. Pour mieux faire comprendre les
rait altérer (( la technique pure de l'expo- différences entre chaque type de présenta-
sition )). Toute indication du rapport avec tion, nous allons illustrer notre propos en
le milieu originel est supprimée. Exem- prenant comme exemple concret les divers
ples : collections d'ceuvres représentatives modes d'exposition d'un tableau repréjentant
d'un art libre et appliqué, présentées dans une ville du début du X I X ~siècle :
une composition esthétiquement équili- Type A. Le tableau se trouve à l'inté-
brée, collection de jolis papillons comme rieur de l'hôtel de ville, à l'emplacement
naturuliu esthétiquement &caces ; ensem- qui lui avait été réservé initialement, et
ble d'ceuvres d'un type déterminé, telles est pourvu d'un cadre d'époque qui est en
qu'objets fabriqués par l'homme - brode- harmonie avec l'environnement général
rie traditionnelle, verrerie, porcelaine, d'une salle publique solennelle ayant une
manuscrits ornés d'enluminures, etc. mission représentative. I1 n'est pas mis en
Variante C. 2. Ensemble d'objets expo- valeur comme document iconographique
sés dont chacun est affecté d'un numéro et ne porte pas d'étiquette. On ne peut le
qui renvoie au guide ou au catalogue et déplacer sans rompre l'unité de style de
permettant de l'identifier, mais sans l'ensemble, où il joue un rôle particulier,
aucune information sur le milieu dont ils justifié par ses rapports authentiques avec
proviennent, le rôle qu'ils y jouent, car, l'environnement et avec son contexte his-
en l'occurrence, cela n'a pas de raison torique.
d'être. Exemples : ensemble d'ceuvres Type B. Le tableau est présenté à l'occa-
d'art agencées d'après le style, la chrono- sion d'une exposition dans un musée et
logie, le thème, l'auteur, etc., avec des témoigne de l'aspect de la ville dans le
numéros de renvoi; collection de papil- passé, au même titre que d'autres docu-
lons classés systématiquement, avec men- ments iconographiques - gravures d'épo-
tion du nom scientifique de l'espèce; que et photographies - et des textes, avec
ensemble de créations artisanales, affectées lesquels il forme une unité de contenu et
d'un numéro par objet ou groupe d'ob- une unité visuelle pour la perception. Les
jets de même nature. explications dépendent des autres textes
Variante C.3. Ensemble d'objets dont de la composition, oh l'emplacement du
chacun porte une étiquette qui fournit les tableau est choisi de telle sorte que soit
moyens d'identification indispensables - assurée la communication recherchée. Le
par exemple auteur, titre, date et techni- caractère documentaire est renforcé par
que employée - mais pas de détails sur l'effet esthétique et par un cadre d'épo-
la façon dont l'œuvre s'insère dans son que.
contexte, ces détails pouvant figurer dans Type C. Le tableau est mis en valeur
une brochure ou dans un catalogue. dans un ensemble, créé artificiellement,
Variabilité des moda d'eqbosìtìo?a 107

, - - - - - -
1
I

C3 Exposition temporaire d'art plastique


baroque, Musée de la ville de Prague,
Prague.
[Photo :J. Bene<.]

d'ceuvres paysagistes destiné à donner un moyen puisse la comprendre ou pour


exemple typique de représentation réalis- qu'elle permette à ceux qui veulent en
tico-romantique de la ville. Ce sont les savoir davantage de trouver des informa-
qualités artistiques de l'ceuvre qui ont tions complémentaires dans les espaces
conduit à l'intégrer à l'ensemble, le d'information prévus à cet effet. On ne
thème représenté n'étant pas, à lui seul, doit pas pour autant compter sur le visi-
un facteur décisif. Le cadre d'époque a été teur pour faire par lui-même l'addition
remplacé par un listel, techniquement des diverses connaissances et impressions
nécessaire, qui fait ressortir la valeur plas- émanant des différents objets exposés,
tique de l'ceuvre. Le tableau pourrait être pour avoir une représentation concrète
installé en n'importe quel endroit de l'ex- seulement après avoir lu le texte imprimé
position, son emplacement étant choisi ou écouté les explications du guide qui
en fonction du thème, de l'auteur, ou accompagne généralement les visites en
selon d'autres considérations. Son carac- groupes. L'exposition dans un musée est
tère iconographique documentaire est un moyen de communication en soi et
intentionnellement laissé au second plan, devrait être compréhensible comme pro-
étant considéré en l'occurrence comme gramme culturel offert au public, pour
une qualité négligeable du point de vue que celui-ci puisse en profiter pleinement,
de l'art plastique. I1 est accompagné eu égard au souci qu'a la société d'élever
d'une vignette d'identification portant les le niveau culturel de toutes les catégories
dates principales nécessaires, dans la de la population ;elle doit être aussi acces-
mesure où il n'y a pas de numéro de ren- sible, dans l'intégralité de son message,
voi dans le catalogue. que l'est une projection cinématogra-
phique ou une représentation théâtrale.
Les enquêtes montrent d'ailleurs sans
Conclusions équivoque que seul un nombre limité de
La connaissance des différents modes d'or- visiteurs achètent les guides des exposi-
ganisation d'une exposition sur n'importe tions, et que peu d'entre eux les utilisent
quel thème est une condition indispensa- pendant la visite. De même, seule une
ble à la préparation d'une exposition dans très faible proportion des visiteurs écoute
un musée. Elle devrait garantir le choix les explications des guides ou les enregis-
de la meilleure méthode dans chaque cas trements mis à leur disposition. Cela
concret, pour que soit obtenu l'effet opti- signifie que, du point de vue de l'effet
mal. Le mode approprié de présentation recherché sur le public, il faut donner la
d'un thème ne devrait jamais être choisi préférence au type d'exposition que nous
arbitrairement ou au dernier moment, car avons placé en seconde position, car il
ce serait alors accepter le risque de l'ineffi- assure l'efficacité des programmes d'expo-
cacité, voire, à la limite, du fiasco total. Si sition sur les plans rationnel et émotion-
nous préparons une exposition pour une nel, en mettant l'accent sur le (( langage
visite individuelle, il faut prévoir tous les spécifique des choses D, signe caractéristi-
moyens nécessaires pour que le visiteur que de la communication dans un musée.
[Traduit du tchèque.]
10s

Au Musée d'Angoulême. Salia Malé Moutaga Dembélé et M. Dubreuil,


explique au jeune Mathieu ce qu'est un conservateur du Musée d'Angoulême, mai
balafon, mai 1982. [Photo; S. Malé et M. 1982. [Photo: S. Malé et M. Dembélé.]
Dembélé. ]

Deívx MaZims en Frame: e.pékk" d'an stage


Salia Malé et Dam le cadre du progrunme deformation du nous nous devions donc de compléter
Moutaga Dembélé personnel du Musée national du Mali, trois notre savoir et d'acquérir de nouvelles
?nernbresde son persoiznel ont suivi un stage de
connaissances à l'étranger.
petfëctionnenzmt etz Frame du 1 6 octobre Dans le domaine de la restauration,
1981 au 3 O juin 1982. saka M d & pour l'essentiel ne consiste pas à avoir à sa dis-
la docummtatìoiz muséogrdpbique, et Mou- position tous les produits chimiques ou
taga Dmbélépour lu restduration du bois et autres pour traiter ou consolider un objet
les eqosìtìons dans les musées, hnnent leurs défini, mais de connaltre toutes les parti-
impressions sur ce stdge. cularités de la variété de bois en cause.
Ainsi, au cours de notre stage, l'idée
L'adage veut que (( voyager, c'est limer sa qu'une étroite collaboration du musée
cervelle contre celle d'autrui )). Ces paro- avec le Service des eaux et forêts serait
les se révèlent particulièrement jdstes souhaitable sinon fondamentale pour le
dans ce contexte, tant il est nécessaire de progrès de ce secteur de recherche est peu
sortir de l'isolement pour acquérir des à peu devenue une certitude. Chaque
techniques nouvelles en bénéficiant de la espèce de bois pourrait alors être analysée
grande expérience de muséologues che- en laboratoire et recevrait un traitement
vronnés. adéquat selon sa variété et la maladie qui
l'affecte. En outre le restaurateur se
trouve souvent confronté à des cas d'ob-
Les besoins jets atteints de maladies similaires, mais
En établissant sa nouvelle politique ne présentant pas les mêmes symptômes
muséale, le Musée de Bamako s'est donné selon les conditions climatiques. Nous
comme tâche d'encourager l'échange actif nous sommes également aperps que les
du savoir et de la technique dans le recherches effectuées en laboratoire sont
domaine muséal afin de devenir plus fonc- quelquefois limitées par le fait qu'elles
tionnel tout en évitant de consacrer un sont coupées de l'environnement d'ori-
côté routinier dont on pouvait taxer gine de la pièce analysée : le pays, le cli-
autrefois ce domaine. mat, la source même de la prolifération de
Notre musée se trouve confronté un la maladie.
problème majeur : la conservation d'ob- L'exercice d'une fonction culturelle
jets à caractère ethnographique dont un telle que la muséologie fait appel à une
grand nombre sont en bois et se détério- connaissance sociale, artistique, ethnogra-
rent au fil des ans à la suite de conditions phique ou archéologique, etc., qui doit
climatiques difficiles et d'attaque de para- Ctre étayée d'exercices théoriques ou pra-
sites ou sont abîmés accidentellement. tiques pour une meilleure assimilation,
Étant respectivement restaurateur et comme cela a été le cas au cours de notre
documentaliste au Musée de Bamako, stage.
Deux Maliens en France: expéritme d'un staEe 109

Pour la mise en valeur d'une collection été possible avec une simple formation au tantes dans de nombreux pays en déve-
de musée, expression culturelle et artisti- niveau local. I1 va sans dire que les cours loppement.
que d'un peuple, la conservation, la res- pratiques, les excursions, les visites gui- Ces stages sont donc indispensables,
tauration, la documentation, l'exposition dées dans les musées sont nécessaires mais n'ont pas besoin d'être nécessaire-
et l'animation sont une nécessité fonda- sinon indispensables. I1 nous est arrivé ment très longs et un voyage d'études de
mentale afin de garder aux objets leur d'approuver ou de contester différentes la durée d'un mois peut quelquefois
caractère et leur valeur culturelle histori- techniques d'exposition, différents types suffire. L'expérience nous a prouvé
que. Mais ces disciplines different selon la d'architecture muséale, différentes métho- qu'après un certain nombre d'années de
culture et le pays. L'expérience d'autrui des de classification, de recherche et pratique dans une discipline au sein d'un
est donc une aide inestimable pour celui d'analyse d'objets, sans négliger le fait musée, il suffit de très peu de temps pour
qui est à la recherche de son expression que chaque type de musée transmet une assimiler les données nouvelles, à condi-
culturelle, dont les conditions de revalori- connaissance particulière. tion, bien sûr, que l'encadrement soit
sation varient entre autres selon le degré Les cours pratiques et théoriques aux- adéquat, c'est-à-dire rkgulier et suivi.
de richesse ou de pauvreté du pays. Pour quels nous avons assisté ont été complé- Le contact avec des structures différen-
notre part, la formation muséographique mentaires ainsi que les excursions ani- tes nous a également offert d'autres avan-
acquise dans des musées établis depuis mées par des chercheurs de métier ou des tages du point de vue historique, social et
longtemps et guidés par des conservateurs conservateurs de musées spécialisés. Les culturel. Mais nous avons pris conscience
expérimentés, en l'occurrence le profes- rencontres avec les conservateurs, profes- du fait qu'une telle formation nécessitait
seur G. H. Rivière, était donc d'une seurs et spécialistes ont suscité des idées et un encadrement technique efficace; car,
importance primordiale. Cette formation des perspectives nouvelles. Le Musée de de retour chez lui, l'ethnologue, le socio-
l'étranger n'est peut-&re pas la plus site de Châlons-sur-Marne, le Musée des logue, l'anthropologue, l'archéologue ou
appropriée à notre cas, justement parce antiquités nationales de Saint-Germain- le muséologue doit pouvoir adapter ses
qu'elle est étrangère à notre pays, mais en-Laye, le Musée d'histoire de Nemours, nouvelles connaissances aux réalités éco-
elle présente cependant un grand avan- les fouilles d'Angoulême et de Pincevent nomiques, climatiques et sociales de son
tage, en ce qu'elle nous fournit un aperp ont fortement contribué à approfondir Pays.
des Uérentes expériences et découvertes nos connaissances en préhistoire, en his- Dans la mesure oÙ il existe une diffé-
de la science muséographique sur le plan toire, en archéologie et en techniques de rence de développement industriel et
international. fouilles. technologique indéniable, les techniciens
Le Muséum d'histoire naturelle, le des pays aux ressources limitées se doivent
Musée des arts et traditions populaires, le de prendre en compte les capacités maté-
Théorie et prutique Musée de l'homme, le Musée du Louvre, rielles de leur pays, donc d'opter pour une
Au Musée de l'homme, nous avons le Centre Georges-Pompidou, le Musée application judicieuse et appropriée des
découvert une technique appropriée dans des arts africains et océaniens, le Musée connaissances acquises.
le domaine de la documentation et de la Guimet, le Musée municipal d' Angou- Cela nous amène à dire que les techni-
classification des objets en magasin. Le lême, les musées de Niort nous ont trans- ques utilisées en France pour remédier à
centre de documentation Icom à l'Unesco mis chacun un peu de leur savoir et de certaines maladies qui affectent le bois ou
nous semble utile à tous ceux dont la for- leur richesse. pour restaurer un objet abîmé accidentel-
mation ou la spécialisation se heurte à un La photothèque du Musée de l'homme lement sont certes excellentes mais trop
manque d'information. En tant que cen- nous a frappés par son système de classifi- onéreuses par rapport à notre pouvoir
tre spécialisé, il nous a offert un champ cation d'une grande efficacité. La photo- d'achat. D'autre part, nous pensons que .
d'étude complet par la variété et la com- thèque et la diathèque du Musée des arts l'apprentissage, au cours de ce stage, de la
plémentarité des documents. A ce niveau et traditions populaires, la documentation manipulation d'appareils sophistiqués ne
toutes nos lacunes ont pu être comblées, du Musée d'Angoulême et celle du Musée nous est pas forcément d'une grande uti-
et les cours théoriques du professeur G. des arts africains et océaniens, la Docu- lité de retour dans notre pays. Cela ne
H. Rivière ont été particulièrement ins- mentation française, section Estampes, le pourra le devenir qu'à partir du moment
tructifs, compte tenu de la grande expé- Centre de documentation pédagogique de oÙ l'aide de l'Unesco, en collaboration
rience personnelle de ce savant. D'autre Niort et beaucoup d'autres institutions avec les gouvernements locaux, permettra
part, ces cours favorisent la rencontre et le culturelles sont autant de structures de la création d'une section de muséologie
dialogue entre les élèves de nationalités et formation de grande valeur. dans une des écoles supérieures existantes,
de cultures diverses. Ce stage nous a également permis de ou, mieux encore, la transformation des
Ainsi les élèves, futurs responsables des prendre conscience de la valeur culturelle musées nationaux en centres de forma-
biens culturels de leur pays, ont la possi- de l'art africain. Ainsi avons-nous pu tion. Les muséologues, guidés par des
bilité d'échanger des opinions, ce qui per- contribuer à notre propre perfectionne- professeurs spécialisés, auront alors la pos-
met aux uns et aux autres de mieux faire ment mais également corriger ou complé- sibilité de parfaire leurs connaissances au
connaître leur pays. ter l'information sur certaines pièces. contact d'objets qui leur sont familiers.
Ils peuvent donc, dans un premier Car les musées, grands ou spécialisés,
temps, acquérir, du point de vue muséo- les institutions culturelles différentes,
logique, une bonne connaissance de l'état ConcZusiom pour peu que ces structures soient adé-
des choses dans le pays hôte ou dans les D'une manière générale, nous pouvons quates, interviennent à tous les niveaux
pays de leurs collègues et de formuler dire que ce stage de formation s'est de la formation de l'individu et sont donc
d'ores et déjà des projets à une échelle déroulé de façon satisfaisante, car nous fondamentales pour le progrès et le déve-
nationale, continentale ou internationale. avons pu bénéficier de structures de for- loppement d'un pays.
Une telle vision des choses n'aurait pas mation qui sont encore souvent inexis-
110

Le Dictionarium museologicum:
constmire desponts m e c des mots
István Éri Nul ne suuraìt nier l'inzportunce internatio- sont écoulées depuis la formulation de ce
nale de lu muséologie, cette discipline scientifi- souhait qui répondait à des aspirations
A fait des études de littérature hongroise et que en pleine évolution et arrivée a' un stade communes. Pendant longtemps aucun
d'histoire à l'université de Budapest ; il s'est
spécialisé dans l'archéologie du Moyen Age au
où elle nepourmitplus exister suns une termi- résultat tangible ne suivit cette résolution
Musée national de Hongrie de 1952 à 1959, il nologie $éc$íque lui permettant d'exprimer bien que la question restât constamment
dirige l'Institut de la conservation et de la son essence même. Celu implique - ù côté de lu à l'ordre du jour.
méthodologie de Budapest depuis 1974. I1 est classification scientifique proprement dite - Pendant les années 70, plusieurs glos-
président du groupe de travail sur la terminologie ¿'interprétation des termes techniques enploy& saires interprétant trois cents à quatre
de 1'Icom-CIDOC.
au cours de l'activité théorique et pratique. cents termes techniques en matière de
Le langage spécialisé et lu scìence spécifique muséologie parurent dans plusieurs pays
sont en interrelution étroite, d'où l'importunce et dans leurs langues respectives. Quant à
qui revient ù lupr@arution et ù lu rédaction la création d'un dictionnaire polyglotte,
d'un dictionnaire polyglotte de terminologie la tâche en fut confiée avant tout au
muséologique, ouvrage qui serait d'un grund Comité international de l'Icom pour la
secours pour tous ceux qui d&irent communi- documentation et au Centre de documen-
quer duns ce domahe suns muleztendus. tation Unesco-Icom. Entre-temps un
autre comité de l'Icom, le comité pour la
Actuellement, il est impossible de parler formation du personnel, créa en 1976 son
d'unité linguistique en muséologie, propre groupe de travail de terminologie.
même dans le cadre limité de pays ou La publication des termes techniques les
d'aires linguistiques exerçant une activité plus importants - avec leur définition
muséologique au plus haut niveau. Par exacte - figurait également au plan de tra-
conséquent, la création d'une terminolo- vail du Comité de rédaction du Traité de
gie appropriée peut être considérée la muséologie.
comme une tâche d'une grande actualité En 1977, à l'occasion de la Conférence
lorsqu'un grand nombre de langues générale de l'Icom tenue à Leningrad et à
entrent en jeu. Autrement, il semble diffi- MOSCOU, la CIDOC réorganisa le Groupe
cile de songer à une formation muséolo- de travail terminologique, dont la direc-
gique adéquate - au niveau universitaire, tion fut confiée au soussigné.
par exemple - si les enseignants ne sont Notre entreprise poura &re menée à
pas en mesure d'énoncer avec clarté et terme dans à peu près cinq ans. Dès le
précision le sujet de leur enseignement. début et tout au long de la rédaction du
Le niveau de développement de la dictionnaire, il a été nécessaire de se poser
muséologie témoigne, 3 l'échelle interna- quelques questions et de tenter d'y appor-
tionale, d'une diversité particulièrement ter des réponses adéquates. Ces questions
large. Mais la seule solution du problème ont été les suivantes :
serait-elle d'attendre que tous les pays
atteignent un niveau théorique et prati- Dans quel but et pour quelle clientèle le
que relativement développé leur permet- (i Dictionurium museologicum P est-ì¿ réu-

tant par la suite la création de leur propre lisé? Le DM, en tant que dictionnaire de
terminologie spécifique ? Les exigences et terminologie spécifique, est appelé à être
les besoins de la muséologie requièrent le l'instrument de travail de tous les muséo-
développement dynamique et conscient logues de par le monde. Nous pensons
de cette discipline et aussi de sa propre qu'il sera utile dans la formation, l'infor-
terminologie sur la base des résultats de mation, la recherche ainsi que dans la tra-
l'ensemble du progrès scientifico-techni- duction - écrite ou orale - des textes. I1
que et culturel. L'actualité et l'utilité pra- pourrait servir de manuel de référence aux
tique de l'établissement et de la comparai- documentalistes, aux bibliothécaires et
son du dictionnaire de terminologie dans tous les domaines spécifiques du tra-
muséologique au niveau international vail muséologique. Nous le considérons
sont donc indiscutables. comme particulièrement important pour
C'est certainement grâce à la reconnais- la formation et le travail quotidien des
sance de ce fait que l'idée de la création spécialistes des pays en développement car
d'un dictionnaire muséologique a été il pourrait servir de stimulant dans la
adoptée dans une résolution prise lors de mise en place et le développement de la
la Conférence générale de YIcom tenue en théorie et de la pratique de leur propre
1965 à New York. Dix-sept années se muséologie nationale et cela au moyen de
la création d'une terminologie appropriée. pour le DM par le Comité international La toar de Babel, Bruegel.
Nous sommes d'avis que la nomenclature de rédaction ait son propre comité de [Photo: Kunsthistorische Museum, Vienne.]
du DM, qui figurera dans l'édition déiini- rédaction linguistique indépendant et res-
tive, contribuera à l'éclaircissement des ponsable. Au cas d'une seule et même aire
systèmes conceptuels ainsi qu'à la réduc- linguistique, les comités de rédaction du
tion des incertitudes encore décelables DM devront être créés pour chaque pays
dans la rédaction des ouvrages théoriques sur la base du mandat des commissions
en matière de muséologie. nationales pour l'Icom si possible. Dans
de tels cas, les différents comités d'une
L'ìdt~itificatiorides partemires dotit la coopé- même aire linguistique coordonneront
ration s Ymposeperzdant les travatcx depr@a- naturellement leur fonctionnement. Le
ratioti du R Dictionariurn mmologicum 9. Groupe de travail terminologique Icom-
En principe, tout spécialiste ou toute ins- CIDOC assurera la coopération étroite
titution spécialisée en muséologie peut avec le Groupe de travail de terminologie
participer aux travaux portant sur le DM du comité pour la formation du person-
par simple adhésion bénévole ou pour nel ainsi qu'avec le Comité international
répondre à une sollicitation. I1 est impor- de muséologie. En outre, par l'intermé-
tant que toute langue qui sera acceptée diaire du Centre de documentation
112 István É?i

Unesco-Icom, pendant une phase ulté- ensemble et dans toute sa richesse. Pour cela, il faut d’abord vérifier dans le pays
rieure des travaux, nous comptons sur la cela il manquait une méthodologie et une donné et c’est un travail qui sera suivi par
coopération de chaque commission inter- structure hiérarchique de la théorie et de la concertation portant sur une seule et
nationale en vue de réviser, de trier et de la pratique muséologique permettant de même langue. Les spécialistes de l’Autri-
compléter la nomenclature. Le travail de créer le support des domaines partiels che, de la République démocratique alle-
rédaction est assuré par le Comité de théoriques et fonctionnels ; ce qui aurait mande, de la République fédérale d’Alle-
rédaction du DM, qui se réunit régulière- permis d‘(( accrocher H les termes techni- magne et de la Suisse s t sont réunis à
ment. La coordination des travaux et la ques par (( feuilles )) sur les branches d‘un plusieurs reprises dans ce but. Dans les
préparation professionnelle de l’édition arbre énorme et cela par la voie de la pen- pays à plusieurs langues officielles - par
reviennent à la rédaction, qui siège en sée et de l’association d‘idées logique. exemple, la Belgique ou le Canada - une
Hongrie. La rédaction de dictionnaires de Pour la seconde édition de travail du grande importance revient à l’élucidation
la maison d’édition de l’Académie des DM, publiée en 1979, nous avons donc des usages à l’intérieur des frontières du
sciences de Hongrie - Akadémiai Kiadó, créé une méthodologie déterminée et pays donné et, par la suite, à la concerta-
Budapest - a pris part aux travaux dès le regroupé les termes techniques en consé- tion des lexiques d‘une même langue au-
début et - pendant la dernière phase - quence. Nous avons ainsi obtenu une delà des frontières. Dans ce domaine,
elle se chargera également des tâches qui nomenclature de près de 2 000 termes en nous attendons beaucoup de la coopéra-
découlent de l’édition proprement dite. allemand, en anglais, en français, en hon- tion entre l’Australie, le Canada, les
grois et en russe, donc près de 10 000 États-Unis et le Royaume-Uni, mais aussi
Lu méthode Lu plus adéquatep o w collecter les mots, synonymes y compris. Notre expé- entre la Belgique et la France, ou entre la
temes. A part quelques recueils de volume rience méthodologique n’obtint pas une Belgique et les Pays-Bas. Le recoupement
réduit, nous n’avions à notre disposition reconnaissance unanime, mais elle exerça du vocabulaire espagnol et portugais ainsi
aucun assemblage ou lexique de base en un &et favorable. Après l’ère des corres- que de l’arabe donneront certainement
aucune langue. Nous nous sommes donc pondances et des relations de travail bila- des résultats importants.
vus dans l’obligation d’opter pour le hon- térales, le temps était venu de lancer les
grois en tant que langue de départ et réunions du Comité international de Lu déLimitution des ii4”inespour la temi-
notre lexique a été déterminé sur la base rédaction du DM. Jusqu’à présent, 3 réu- nologie. Le grand nombre et la complexité
de l’étude et de la préparation de textes nions de la sorte ont eu lieu, toutes en des termes utilisés dans le domaine
muséologiques rédigés en hongrois. Lors- Hongrie : en automne 1979, 1 2 spécia- muséologique feraient du DM un recueil
que nous cherchions les équivalences en listes sont venus de 5 pays ; en été 1980, sans limites si nous n’étions pas en
langues étrangères - d‘abord en allemand, 15 experts de 8 pays et en automne 1981 mesure de formuler des critères de sélec-
en anglais et en français - pour les mille 18 collaborateurs de IO pays avaient dis- tion réunis dans la réglementation pour
trois cent cinquante expressions réunies cuté de problèmes divers. dsérencier les généralités des termes spé-
en hongrois, nous travaillions sans colla- Quant à la méthode de travail, nous cifiquement muséologiques. Le DM - en
borateurs étrangers. C‘est ce qui explique avons provisoirement adopté comme lan- tant que dictionnaire terminologique -
que l’exemplaire de travail quadrilingue gue pilote le lexique muséologique alle- sera donc le recueil représentatif du lexi-
publié en 1978 contenait plusieurs inter- mand, qui est bien élaboré sur le plan que scientifique et pratique de la muséo-
prétations erronées, des identifications fau- théorique et sur le plan pratique. La 3e logie en plusieurs langues. Il fut égale-
tives ainsi que des calques linguistiques. édition de travail - publiée en 1981 - ment nécessaire de déclarer que le DM ne
Nous avons naturellement envisagé un contient en 2 volumes un lexique réduit contiendrait pas, parmi les termes spécifi-
autre moyen d‘approche : celui de la d a - à 1 000-1 200 vocables environ. Toute- ques des deux domaines qui lui sont les
nition des termes techniques. Le diction- fois, le vocabulaire allemand est accompa- plus proches, la protection des monu-
naire publié en 1975, en République gné d‘articles en anglais, danois, espa- ments ainsi que la restauration-conserva-
démocratique allemande, contenant 300 gnol, français, hongrois, roumain, russe tion, ceux qui ont un sens plus large et
expressions, celui publié en 1974 en russe et serbo-croate. Sur la base de la résolu- cela concerne également les différentes
et réunissant 2 1 1 termes, ainsi que le tion d‘automne 1981 du Comité interna- disciplines poursuivies au sein des musées.
glossaire tchèque de 400 termes édité en tional de rédaction, après la révision réité- L‘explication des abréviations des noms
1978 comportaient également des défini- rée des termes techniques de la langue d’institutions et d‘organisations connues
tions. Toutefois, les différents articles pilote, c’est-à-dire l’allemand, il sera ou utilisées dans les langues spécifiques,
avaient nécessité plusieurs années de tra- nécessaire de mettre au point les équiva- internationales et nationales, ainsi que la
vail fourni par des groupes de travail ; les lences ainsi que les synonymes de la publication de leurs équivalences seront
définitions pouvaient avoir de 1 5 à 100 nomenclature définitive en anglais et en fournies en annexe. Selon une résolution
lignes et ne concernaient en général que français. Parallèlement à cela se poursui- à part, les termes techniques désuets et
l’acception du terme limitée à un seul vront la sélection et la supervision du périmés mais encore mentionnés dans la
pays. Cette voie ne nous semblait pas pra- lexique en espagnol et en russe. Avec le bibliographie spécialisée des musées
ticable, car nous songions à la rédaction hongrois, c’est donc un lexique de 6 lan- devront figurer dans le dictionnaire avec
d‘un dictionnaire contenant des équiva- gues qui servira de base pour la collecte une marque distinctive spéciale.
lences multilatérales en 1 5 2 0 langues des expressions correspondantes en toute
et avec au moins 1 500 termes techniques autre langue. A l’intérieur des aires lin- Le rzombre de /ungues dam lesquelles le @ Dic-
par langue. Les membres de notre collec- guistiques particulièrement étendues, tioizukum museologicum Y, seruìt publie: Le
tivité internationale qui s’organisait petit l’emploi divergent des termes selon la Comité international de rédaction fait
à petit voyaient de plus en plus claire- pratique muséologique de chaque pays tout son possible pour que les langues
ment que le lexique muséologique n’avait exige la coordination ainsi que la signali- officielles de l’Unesco trouvent place dans
étt réuni en aucune langue dans son sation des différences qu’on y décèle. Pour le DM. En outre, le dictionnaire accueil-
Le c Dictionaritlm mlrseolagictlni 1) 113

lera toute autre langue dont les termes cause du manque de clarté des concepts et Un calendrier réuliste de L'ensemble et des
techniques muséologiques nous seront des contenus. Dans le cas d'une seule lan- dzférentes phases du travail. Comme le
transmis par un groupe de travail man- gue, un terme sera entièrement ou par- démontre tout ce qui vient d'ttre dit, la
daté - si possible - par la commission tiellement l'équivalent de ses synonymes. préparation du DM dépasse de loin la pra-
nationale concernée de 1'Icom. Le DM Lors de la concertation entre deux lan- tique usuelle de la rédaction des diction-
publiera, par exemple, tout terme techni- gues, il est parfois possible de trouver naires, car elle exige un travail d'équipe et
que spécial - éventuellement inconnu l'équivalence adéquate, si les deux voca- même un travail de plusieurs équipes.
dans d'autres langues - désignant une bles ont le même contenu et la même Pour le moment, nous ne pouvons que
activité muséologique spécifique du pays fonction, soit pour la signification soit faire des suppositions sur l'impact que
donnée ; dans ce cas la définition s'impose pour l'usage. Mais, généralement, il s'agit cela aura sur la pensée de ceux qui s'occu-
naturellemen t. de synonymes ayant donc une équivalence pent des différentes questions de la science
incomplète. La détermination des équi- muséologique. Une entreprise internatio-
La cornposition et lu structure du t Dictionu- valences multilatérales est évidemment nale, même menée depuis cinq ans et sui-
Viurn tnuseologicuin 1). Quant aux différen- encore plus difficile. vie avec une sympathie croissante et un
tes configurations grammaticales à inclure L'origine classique commune d'une souhait de coopération de plus en plus
dans le dictionnaire, à côté des concepts partie du lexique muséologique - le latin vif, doit se terminer un jour. L'élan doit
formés à l'aide d'un seul vocable pour- ou le grec - permet de présenter des équi- être utilisé et non pas terni jusqu'à l'indif-
raient également figurer des mots compo- valents sémantiques. Par contre, du point férence. C'est pour cette raison que nous
sés, triés selon des critères spéciaux. La de vue historique et linguistique, les mots avons considéré comme nécessaire la
plus grande partie du lexique est compo- (( traduits )) d'autres langues avec le trans- publication de toutes les éditions de tra-
sée de substantifs, avec désignation du fert du contenu pourraient être particuliè- vail qui ont vu le jour jusqu'à présent.
genre et, le cas échéant, l'usage du plu- rement instructifs car ils témoignent des Nous ne voulons point cacher nos insuffi-
riel. I1 sera également nécessaire d'inclure tendances d'expansion des concepts et de sances, mais éveiller l'attention et susciter
les verbes désignant toute activité muséo- la pratique de la muséologie. I1 faut tou- l'intérêt.
logique spéciale et cela à l'infinitif. I1 faut tefois éviter à tout prix les calques lin- La rédaction du dictionnaire se pour-
également assurer, si besoin est, la présen- guistiques, qui pourraient ainsi prendre la suit donc plus lentement que prévu. Mais
tation d'adjectifs et d'attributs. La solu- place d'autres termes beaucoup plus il semble réaliste de publier, jusqu'en
tion d'autres questions d'ordre grammati- beaux dans la langue donnée. Si un terme 1983, lorsque se tiendra la prochaine
cal, orthographique et typographique manque au lexique muséologique d'un Conférence générale de l'Icom, des édi-
peut être confiée en toute conscience pays donné - le concept ou l'activité n'y tions de travail approchant déjà du stade
à la maison d'édition assurant la publi- étant pas connus - il semble beaucoup final en plusieurs langues officielles de
cation. plus juste de signaliser cette absence. l'Unesco. Les nomenclatures des autres
La question de la structure du diction- L'indication des antonymes pourrait éga- langues pourraient se faire entre-temps,
naire semble particulièrement complexe. lement être utile. sur la base des exemplaires de la 4e édi-
L'utilisation de l'ordre alphabétique de tion, actuellement en cours de mise au
n'importe quelle (( langue pilote )) assor- Dans quelle mesmefaut-il d$nir les diféren- point. En 1981, nous avons pu obtenir
tie d'index alphabétiques pourvus de tes expressions uu cours du travuil et dans des recueils en suédois et en espéranto, et
numéros de référence pour les autres lan- I'éditioitiolz dtjhitive? I1 a déjà été question les versions en langues hollandaise, polo-
gues pourrait correspondre d'une façon de l'exigence de définir les termes, en naise, portugaise, slovaque et tchèque
formelle aux tâches d'un dictionnaire créant de la sorte un glossaire à la place sont en cours de rédaction. La première
pour traduction. Mais il y manquerait la d'un dictionnaire terminologique. Pour la édition imprimée du Dictionurium museo-
systématisation muséologique et les voca- plupart des termes techniques, surtout logicum paraîtra - selon nos prévisions -
bulaires spécifiques des différents domai- s'ils sont inscrits dans un système de clas- avant la Conférence générale de l'Icom en
nes partiels ne figureraient pas les uns à sification déterminé, ce n'est générale- 19S6.
côté des autres. I1 ne s'agit pas là d'une ment pas nécessaire. Le Comité interna-
simple question de classification comme, tional de rédaction ne refuse pas, le cas Pour terminer, je ferai une remarque de
par exemple, énumérer ensemble tous les échéant, les définitions, surtout en ce qui caractère personnel. Pendant ma carrière,
termes techniques spéciaux se rapportant concerne leur utilisation au cours du tra- je me suis toujours efforcé - et parfois
à l'organisation d'expositions. Les syno- vail. En fait, les collaborateurs qui déter- avec succès - de réaliser des travaux en
nymes, dont le nombre varie selon les minent les équivalences peuvent définir équipe, si rares dans le monde des musées.
nuances propres à chaque langue, se trou- entre eux, oralement et par écrit, les ter- Je suis très heureux que mon destin m'ait
vent à côté des vocables auxquels ils se mes pour lesquels il n'est pas possible de permis de prendre part aux travaux por-
rapportent, permettant ainsi d'éviter plu- trouver d'équivalents tout de suite. I1 a tan t sur le DictiotzuViurn tnuseohgicwn, sans
sieurs possibilités de malentendu et, en été également décidé d'expliquer dans le lequel je n'aurais pas de par le monde, un
même temps, l'omission des définitions. dictionnaire définitif les termes (r intra- si grand nombre de collaborateurs et amis
Le fait de se tenir rigoureusement aux duisibles )) au moyen d'une brève annota- pleins de bonne volonté et d'abnégation.
nomenclatures uniformisées aurait pour tion. Et, de même, nous sommes d'avis Mes remerciements vont aux collègues
résultat d'entraver l'évolution naturelle que les recueils raisonnés des expressions qui se sont présentés jusqu'à présent et à
des langages, leur tendance à se nuancer ; reflétant les conditions muséologiques ceux qui s'associeront à notre travail dans
en un mot il détruirait leur beauté même. spécifiques des différents pays pourraient l'avenir.
La détermination des équivalences être inclus dans le dictionnaire, éventuel-
polyglottes s'est révélée jusqu'à présent lement sous forme d'annexes pour chaque [Truduit du hongrois.]
particulièrement difficile, justement à langue.
114

CHRONIQUE
Les deux articles qui ouvrent cette chronique étaient prévus présentation de l'environnement du récif corallien par le
pour le numéro précédent, (( Musées et archéologie subaquati- Museum of Natural History, de Washington, est un exemple
que )) (no 137), mais la place nous a manqué. Port-Royal, remarquable de la manière dont un musée peut éveiller et aigui-
Jamaique, est un des sites submergés les plus extraordinaires du ser notre conscience des trésors naturels au fond des mers, mena-
monde; la fouille et la sauvegarde de ce site promettent de cés par des dangers bien plus insidieux que la seule négligence...
devenir une entreprise spectaculaire et de grande ampleur. La

Port-Royal Ù laJamaFqBe:
dit cataclysme ù Za rendz'ssdnce
George Anthony Aarons A l'aube du X I V ~siècle, le récif corallien tence d'un port en eau profonde avec une
(on désigne ainsi un banc insulaire de multitude de débarcadères, de quatre mar-
N6 en 1953 à Kingston h la Jamaïque. Licence corail ou de sable) connu plus tard sous le chés qui se tenaient chaque jour, d'une
d'archéologie à l'Universit6 de Cambridge en
1975 ; maltrise en 1979. Diplôme nom de (( Récif de Port-Royal D était synagogue juive, d'une chapelle catholi-
d'anthropologie (spécialisation en archiologie probablement fréquenté par les Arawaks, que, d'une maison de réunion pour les
maritime) à l'Université A. et M. du Texas en aborigènes originaires de la Jamaïque qui quakers, les entrepôts du roi ainsi que
1952. Nommé archéologue du gouvernement de venaient y pêcher depuis leurs villages de d'autres entrepôts, des jardins aux ours,
la Jamaipue au mois de septembre 1975, directeur
du Port-Royal Project Centre for Archaeological
White Marl et Ferry. Ce récif corallien, des dizaines de tavernes, des terrains d'en-
and Conservation Research. A reçu la première que les Espagnols appelaient (( Cayo de traînement militaire et des ponts.
distinction en 1979 pour avoir promu le tourisme Carena V , leur servait de cale sèche et La prospérité du port reposait sur le
culturel en Jamaïque. Médaille du centenaire de d'entrepôts pour procéder aux travaux de fait que le commerce légal - aussi bien
l'lnstitute of Jamaica pour récompenser la carénage de leurs embarcations. qu'illégal - des îles Caraïbes était centré
contribution qu'il a apportée à l'archhlogie et à
la conservation, en 1982. Publications : plusieurs Dès que les Anglais devinrent maîtres sur la Jamaique. O n y trouvait des repré-
articles de revues et un certain nombre de de l'île, en 1655, une ville se développa sentants des principaux magasins et négo-
monographies en préparation. rapidement à Port-Royal, en se concen- ces de l'Europe centrale et occidentale.
trant autour du fort. Toute résistance Les marchandises vendues et achetées
espagnole avait cessé à la Jamaique quand, étaient des matières premières et des pro-
en 1658, le chef des Maroon, Juan de duits finis du Nouveau Monde et les pro-
Bolas, se rendit au colonel D'Oyley, pre- duits de base de l'Est comme de l'Ouest
mier gouverneur civil de la Jamaique. provenant du Vieux Monde ainsi que des
Cette même année, le commodore esclaves qui faisaient l'objet d'un com-
Myngs, qui était alors le chef d'une bande merce illégal avec les colonies espagnoles
de pirates basée à Port-Royal, mit à sac et licite avec les Français et les Néerlan-
Campeche, au Mexique, ainsi que d'au- dais.
tres villes du Venezuela et fut le premier
à venir cacher son butin à Port-Royal,
créant ainsi un précédent. Tyois siècles de déclin
En 1659, un visiteur de la Barbade En 1689, un ouragan causa quelques
décrivait cette cité prospère abritant huit dégâts dans la ville, tout comme, aupara-
mille âmes, dont 5 O % d'Africains et 5 O % vant, un autre ouragan, qui s'était
d'Européens et d'Asiatiques (dont la plu- déchaîné en 1670. Cet avertissement fut
part étaient anglais) qui vivaient dans en quelque sorte ignoré. Le 7 juin 1692,
quelque deux mille bâtisses dont la moi- quelques minutes avant midi, annoncé
Plan provisoire de restauration de l'enceinte tié étaient construites en briques et pier- par une certaine tranquillité de l'air et
de l'ancien hôpital naval.
[Grdphisme ; Pessoa, PRP.] res de taille et l'autre moitié en bois. Cer- une chaleur intense, un ciel noirci et la
taines de ces constructions, hautes de nervosité des animaux, un tremblement
quatre étages, dont le prix d'achat était au de terre colossal précédé et suivi par des
moins égal à celui d'une maison de May- secousses mineures qui ensevelirent au
fair, à Londres, abritaient autant ou fond du port une surface de terrain de
même plus de vaisseliers précieux. Bon plus de cinq hectares déchira Port-Royal
nombre de bâtiments, de fortifications et et l'océan engloutit une surface d'environ
d'églises importantes furent mentionnés dix hectares autour du centre ville. Cinq
dans cette description ainsi que l'exis- hectares restaient, mais ce dernier bout de
Port-Royal a' ka Jamaïqae: du cataclysme h ka rmaiJJatzce 115

Port-Royal aujourd'hui, comparé la ville


telle qu'elle était en 1692, d'après une
photographie aérienne prise en 1971 par
Jack Tyndale-Biscoe.
[Graphisme:Pessoa, PRP ;
photo :Morrison/James, PRP.]

Carte de Port-Royal dressée par Phillip


Morris, géomètre du roi (1827), montrant
les effets du tremblement de terre de 1692.
[Photo : Morrison/James, PRP.]

terrain devait être emporté à son tour par Le deuxième quart du X V I I I ~siècle fut
les tsunamis (raz de marée) qui suivirent. caractérisé par une expansion supplémen-
Deux mille personnes moururent directe- taire des chantiers navals. En 1799, sur
ment à cause du tremblement de terre et l'emplacement de ce qui devint par la
trois mille autres périrent des suites des suite un centre de charbonnage à l'époque
maladies et de la peste qui s'ensuivirent. de la vapeur, fut construit le premier bâti- ;
Port-Royal, une ville dont l'eau était ment. La base navale a peut-être atteint sa ,;. .,
canalisée, où l'on trouvait des mini- plus grande célébrité au cours de cette :,
gratte-ciel et une prospérité incroyable, période grâce à la présence de notables 4
était redevenue un simple récif corallien,
alors que la vase non consolidée s'enfon-
tels que l'amiral Rodney, Horatio Nelson
devenant par la suite vicomte et amiral)
%
:: '
..
-
çait dans la mer. Au moins cinquante qui commanda Fort Charles de 1777 à
embarcations qui se trouvaient à I'amar- 1782, ainsi que plusieurs autres. Les .
rage étaient perdues avec un grand nom- ouragans de la décennie 1780-1789
bre de marchandises de valeur, y compris avaient déjà endommagé la ville lorsque .**
la cargaison de la flotte qui avait coulé sur le grand incendie de 1815, qui coïncida i
les Pedro Banks, à 1 1 O miles au sud de la avec la fin des guerres napoléoniennes I *.
Jamaique, l'année précédente, et que les (1793-1815), annonça le début d'une
chercheurs d'épaves de Port-Royal avaient période de déclin.
récupérée. A la place de l'hôpital, construit en
La plupart des survivants restèrent sur 1742 et détruit lors de l'incendie de
place mais une partie alla de l'autre côté 1815, les ingénieurs du roi construisi-
du port pour contribuer à l'installation et rent, entre 1817 et 1815, le premier
au développement de ce qui était alors le édifice à structure métallique de cette
petit village de Kingstone. Malheureuse- hémisphère. Conçu comme hôpital des
ment pour ceux qui choisirent de rester à maladies contagieuses, cet édifice à deux
Port-Royal, une deuxième catastrophe sur- toits et deux étages fut préfabriqué à
vint en 1703 sous la forme d'un incen- Bradford, dans le Yorkshire. Grâce à sa
die qui détruisit complètement la ville. conception originale, il devait résister aux
Au cours des années suivantes, les tremblements de terre aussi bien qu'aux
différents quartiers de la ville furent ouragans. Érigé sur un radier, il fut
reconstruits, pour être à nouveau détruits entouré par un certain nombre de bâti-
par les ouragans de 1721 et de 1726 et ments auxiliaires conçus pour abriter des
par celui de 1744 qui atteignit une force services secondaires. Cet hôpital devait
maximale entraînant une quatrième subir un premier test de résistance quand,
vague de destruction. Plus tard, Port- l'année même oÙ fut achevée sa construc-
Royal, devenu la première base navale bri- tion, un nouvel ouragan se déchaîna.
tannique des Caraïbes, devait connaître Depuis, cet édifice a résisté à toutes les
une célébrité et une prospérité certaines. épreuves imposées par le climat : quatorze
La ville manifesta en effet un regain d'ac- ouragans et un tremblement de terre.
tivité grâce à son étroite collaboration A plusieurs reprises, au cours du X I X ~
avec les chantiers navals et les autres siècle, des plongeurs de la marine ont
industries maritimes. exploré les environs de la ville submergée,
116 George Anthony Aarons

établissant ainsi son existence. Au début En 1960, Norman Scott, qui dirigeait
du X X ~siècle, de nombreux ouragans se une affaire de récupération de trésors
déchaînèrent à.nouveau et, en 1907, un appelée ((Expeditions udmited )) reçut, du
tremblement de terre très important causa gouvernement de la Jamaïque, l'autorisa-
de graves dommages. Le déclin se pour- tion d'entreprendre une brève opération
suivit au cours des décennies suivantes. de récupération. Malheureusement, nous
En 1936, une route fut finalement cons- n'avions eu accès ni à la collection elle-mê-
truite à tavers la langue de sable. La me ni au rapport qui en eût rendu compte.
seconde guerre mondiale et ses séquelles, En 1965 et en 1968, Robert Marx a
ainsi qu'un ouragan survenu en 1951, entrepris une opération de récupération
qui ne laissa sur pied que dix des deux sous les auspices de l'Institute of Jamaica
cent soixante bâtiments modernes, ne et de la National Trust Commission. A la
firent qu'accentuer le déclin. suite d'un examen préliminaire de la ville
Après le retrait des dernières unités de engloutie, des fouilles furent effectuées
la British Royal Artillery, au début de dans un endroit situé entre l'ancien hôpi-
l'année 1957, l'école de formation de la tal naval et Fort James. Marx, qui était
Jamaica Constabulary Force (la police de handicapé par le manque de moyens et
l'?le) s'établit dans les environs de Fort d'assistance technique, a découvert une
Charles et, en 1960, s'installèrent les vaste collection d'objets et a fait quelques
chantiers navals supérieurs. En 19 5 1, tentatives pour établir l'inventaire de ce
après l'ouragan Charlie, la plus grande qui se trouvait dans ce secteur. I1 n'a pas
partie de la population de Port-Royal été en mesure d'interpréter ce qu'il avait
s'abrita dans l'hôpital naval jusqu'à ce trouvé sur ce site, mais il put tout de
qu'on ait pu reconstruire la ville à la suite même rédiger un certain nombre de rap-
de la création de la Confrérie de Port- ports sur le travail effectué et entreprendre
Royal. les premières études sur les objets trouvés.
La participation locale se limitait à quel-
Vierge à l'enfant en porcelaine ques plongeurs.
Relz?ouueau et redécouverte Entre 1968 et 1971, Philip Mayes-un
blanc-de-Chine chinoise du milieu de
l'époque Ming découverte par Robert Marx En 1962, un an après que la Jamaique eut archéologue britannique classique dont
en 1967. accédé à l'indépendance, Port-Royal les services étaient offerts par le truche-
[Photo ;James, PRP.] renoua avec sa tradition maritime puisque ment du British Council- dirigea la pre-
la Jamaica Defense Force Coastguard mière fouille archéologique scientifique
(Force des gardes-côtes pour la défense de dans le vieux chantier naval. L'ancien
laJamaique) vint y mouiller à l'extrémité hôpital naval fut acheté par la Jamaica
de la langue de sable. Au cours des années National Trust Commission afin d'instal-
précédentes, un certain nombre de plon- ler le Port-Royal Project Centre for
geurs avaient exploré la ville submergée. Archeological and Conservation Research
En 1956, Edwin Link, de la National et, ultérieurement, un musée. La restaura-
Geographic Society, dirigea à Port-Royal tion de la structure fut entreprise en
la première opération de récupération des 1968 avec l'aide de l'Unesco et de l'OEA
temps modernes. I1 put ainsi constituer ainsi que d'une petite équipe de techni-
une collection d'objets du X V I I ~ siècle ciens jamaïquains. La partie du plateau
retrouvés dans la ville submergée et loca- libérée par la marée basse à Port-Royal
liser un certain nombre de fondations. En permit à Mayes d'utiliser le système TVeL
1959, sous les auspices communs de la poiizt dewatering pour la première fois sur
National Geographic Society, de la un site archéologique de l'hémisphère
Smithsonian Institution et de l'Institute occidental. I1 découvrit ainsi l'église
of Jamaica, il fit une recherche océanogra- Saint-Paul, Fort William et un petit vais-
phique et dressa la carte Link-Weems, qui seau (dont une partie seulement a été
retraçait la configuration des structures remise au jour) sous les anciens chantiers
submergées. I1 rassembla également un navals datant du XVIFet du XVIII~siècle.
certain nombre d'objets fabriqués de De nombreux objets furent également
l'époque ainsi qu'une grande quantité de trouvés et l'ensemble de ces travaux sont
données immobilières se rapportant à décrits dans une publication monographi-
cette ville du X V I I ~siècle. Par leur nature, que de la Jamaican National Trust Com-
les récupérations n'étaient cependant pas mission de 1972 intitulée Port-Rojla¿,
archéologiqueset il y eut très peu de par- Jdmaica excavations, 1967-1970, dont
ticipation de la part de la population l'auteur est Philippe Mayes. Pendant le
locale. Les principaux résultats qui don- temps qu'ont duré les fouilles, un petit
nèrent lieu à une publication se trouvent musée de site fut constitué à la Capstan
dans le numéro du National geographic House, dans l'enceinte des anciens chan-
magazine du mois de février 1960. tiers navals.
Port-Royal a' la Jamaïque: du cataclysme d la renaissance 117

Entre 1971 et 1974, Anthony Priddy,


archéologue britannique classique, qui ,,x.\

était également envoyé par le British


Council, entreprit, avec le personnel de
Port-Royal, un programme de fouilles
très important sur le site de New Street,
qui se trouve à proximité de l'ancien
hôpital naval, ainsi que d'autres fouilles
près de Fort Charles (là o Ù se trouvait la
cuisine au X V I I ~siècle), à côté de l'église
Saint-Pierre, au laboratoire maritime de
l'université, à côté de l'ancien hôpital
naval et à l'intérieur de l'école de forma-
tion de la police près du Fort Charles. Au
cours de cette période, la restauration des
intérieurs des deux étages de l'ancien
hôpital fut complétée et l'on fit les esquis-
ses préliminaires pour la construction du
grand musée qui, à l'étage supérieur,
devait remplacer le petit musée provisoire
entretenu au cours des fouilles à l'étage
inférieur.

Créutions de musées
En 1974, Roderick Ebanks, actuellement
conservateur des musées de l'Institute of
Jamaica et également premier conserva-
teur jamaiquain, fut détaché pendant un
an pour les travaux de conservation de la
collection et pour réorganiser le projet de
Port-Royal, ce qui fut réalisé au cours de
l'année 1975. R. Ebanks proposa que soit
créé un musée national d'archéologie his- données sur l'histoire, l'ethnographie et D e haut en bas et de gauche à droite :
torique, plutôt qu'un musée qui se la sociologie de Port-Royal ainsi que sur Ecuelle d'étain, écuelle d'argent (Marx
consacrerait exclusivement Port-Royal. l'architecture ancienne de la Jamaique en 1966, récupération de 1967). Coupe
majolique (fouilles de 1972 à Priddy New
I1 fit les études préparatoires de concep- général. A la fin de l'année 1978, toutes St.). Ecuelle de Delft anglaise, coupe de
tion des étalages prévus pour le deuxième les collections archéologiques provenant Delft hollandaise (fouilles de 1972 à Priddy
étage de l'ancien hôpital naval. Les collec- de Port-Royal (à l'exception des pièces de New St.). Tous ces objets sont antérieurs à
tions archéologiques commencèrent à être monnaie Marx et Link ainsi qu'une petite 1692.
[Photo :James, PRP.]
rassemblées dans le Port-Royal Project et exposition temporaire qui se trouvait à
l'expérimentation en matière de conserva- l'Institute of Jamaica), aussi bien que la
tion fut entreprise sous la direction d'une collection du Old King's House prove-
conservatrice, Andrea Thorpe. nant de Spanish Town (mise au jour
Entre 1975 et 1980, l'auteur, assisté entre 1969 et 1970) ont été transférées
d'une solide équipe entièrement compo- au Port-Royal Project pour la conserva-
sée de Jamaïquains et qui comptait une tion et le stockage. La recherche archéolo-
trentaine de personnes, dirigea les fouilles gique effectuée ne se limitait pas au site
sur un certain nombre de sites, en.prévi- de Port-Royal. C'est ainsi que, en 1973,
sion de la construction. Ces fouilles per- B. W. Higman, historien, géographe et
mirent de mettre au jour, pour l'essentiel, archéologue de l'université des Antilles,
des habitations des X V I I ~ ,XVIII~ et X I X ~ avait lancé un projet d'étude sur l'établis-
siècles. sement des esclaves avant et après l'aboli-
Le Musée maritime de Fort Charles, tion (1834) à New Montpellier (Saint
qui avait également fait l'objet d'études, James). I1 s'agissait du premier projet
fut achevé en octobre 1977 grâce au pro- officiel d'archéologie des plantations réa-
fesseur David Buisseret) et le Musée lisé en Jamaique et le deuxième projet de
national d'archéologie historique fut ter- ce type entrepris dans les Caraïbes. Ces
miné en octobre 1978 à l'ancien hôpital fouilles se poursuivirent jusqu'en 1980.
naval. Entre-temps, Claudi Marston fut De 1979 à 1982, une recherche archéolo-
nommée conservatrice du musée. gique supplémentaire fut entreprise sur de
Au cours de cette période, l'auteur nombreux sites dans le but de
commença également à rassembler des mieux connaître le noyau culturel ara-
118 George Anthony Aarons

wak, espagnol, africain et anglais de la poser d'un document plus complet consultants de l'Unesco, Charles Faulkner
période allant de 1494 à 1900. comme base de réflexion pour envisager et Raymond Lemaire, se rendirent à
Au cours de cette période, le pro- l'aide possible. Après que d'autres recher- Port-Royal. Dans leurs rapports, ils ont
gramme muséologique a été élargi de ches eurent été entreprises et à l'issue de soutenu les grandes lignes du plan d'en-
façon considérable ; actuellement, les nouveaux échanges et rencontres, le plan semble et défini le cadre de la deuxième
musées accueillent approximativement d'ensemble de Port-Royal et son résumé phase de l'évaluation du projet, évalua-
1 5 O00 visiteurs par an. Des présenta- intitulé (( Concept de développement H tion qui est actuellement en cours, con-
tions audio-visuelles, des expositions iti- furent terminés dès le printemps 1979 et jointement avec la Compagnie de déve-
nérantes ainsi que des programmes et des distribués. Une autre mission, destinée à loppement urbain de la Jamaïque (Urban
publications d'ordre culturel et pédagogi- recueillir des soutiens, s'adressa au Development Corporation in Jamaica).
que ont été préparés. PNUD, à 1'Unesco et à la Fondation Frie- En 1981, avec l'aide de la National
Le programme de recherches dans le drich-Ebert, à Berlin, ainsi qu'a la Geographic Society, un nouvel essor a été
domaine de la conservation a pu faire de NORAD, à Oslo, en septembre-octobre donné au programme commun du gou-
grands progrès et la majorité des données 1979. Les propositions contenues dans le vernement de la Jamaique et de l'Institute
et des objets réunis avant 1972 ont été plan d'ensemble ont été très favorable- of Nautical Archeology, programme qui
traités et/ou restaurés ; les effectifs ainsi ment accueillies par les différentes parties avait été lancé par le professeur George
que les ressources disponibles ont aug- concernées. Bass en 1980. Ce programme doit per-
menté et des expériences visant à mettre Le plan d'ensemble procède à l'examen mettre de procéder à un relevé des épaves
au point des méthodologies et des tech- des ressources archéologiques, histori- de l'ensemble de Pile ainsi qu'à des fouil-
nologies appropriées sont poursuivies ques, architecturales, maritimes, écono- les à Port-Royal, mettre en ceuvre le pro-
depuis 1980. miques et urbaines de Port-Royal, exa- jet Columbus Caravels à New Seville et
L'inventaire préliminaire et le catalo- mine le potentiel du site du point de vue dresser un relevé de Pedro Banks oh une
gage de ce qui représente le plus vaste du tourisme culturel et prévoit sa rénova- flotte entière fut coulée en 1691. L'OEA
ensemble de témoignages sur le X V I I ~siè- tion en tant que ville. Ces propositions a également poursuivi son programme
cle colonial britannique et, en même cherchent à préserver la paix et la tran- d'aide en accordant, en 1981, une sub-
temps, une des plus grandes collections quillité qui caractérisent Port-Royal ainsi vention de I O 000 dollars pour des achats
sur le X V I I I ~siècle sont déjà exécutés aux qu'à identifier, embellir et conserver ses de matériel de conservation, de pédagogie
trois quarts et la publication était prévue ressources. Elles s'efforcent également de muséologique, d'archéologie, de photo-
pour le mois de décembre 1982. Cette promouvoir l'histoire et la culture de graphie et de documentation visuelle et
publication sera suivie de celle des catalo- Port-Royal en les rendant facilement graphique. La formation de personnel,
gues détaillés concernant chaque catégo- accessibles, aussi bien pour les Jamai- lors des stages organisés à Panama en
rie d'objets (les clés utilisées étant les sites quains que pour le public international. 1982, a également été rendue possible
et les localités). Ces catalogues réuniront Une proposition visant à créer un Institut grâce au soutien de l'OEA et un pro-
la documentation non publiée à ce jour régional pour l'archéologie terrestre et gramme supplémentaire de formation et
bien souvent à cause de la pénurie de subaquatique et pour la recherche dans le d'aide technique est prévu pour les années
données existantes sur les fouilles effec- domaine de la conservation (Regional 1983 et suivantes. L'Unesco continuera
tuées dans le passé. Institute for Land and Underwater également à apporter sa contribution.
Archaeololgy and Conservation Research Dans neuf ans, la Jamaïque célébrera le
- ILUACR) est l'un des principaux axes tricentenaire du tremblement de terre qui
Vers la renaissance de ce plan avec d'autres propositions a dévasté Port-Royal le 7 juin 1692. On
Entre 1979 et 1982, une nouvelle phase concernant la construction d'un caisson espère que, d'ici là, les éléments princi-
de la renaissance de Port-Royal com- hydraulique pour entourer les cinq hecta- paux du centre historique pourront être
mença. En 1978, l'auteur avait développé res de la ville submergée, un projet de mis en place pour commémorer cet anni-
une série de propositions qui furent l'ob- parcs à crustacés et mollusques, des res- versaire. Le premier ministre de la Jamai-
jet de discussions avec un certain nombre taurations architecturales et des travaux que, Edward Seaga, qui a été l'initiateur
de spécialistes de la National Geographic de rénovation et de construction de cinq du projet concernant le centre historique
Society, la Smithsonian Institution de musées, d'un aquarium d'eau de mer et dans les années 60, lui a donné une place
Washington, à Key West (Fla.) du Colo- de débouchés pour l'artisanat et les souve- de premier plan parmi les priorités de son
nial Williamsburg et de l'Institute of nirs. Au mois de novembre 1979, une administration. Une base très solide existe
Nautical Archaeology de l'université visite a été dectuée au PNUD dans le maintenant. Elle pourra servir de fonda-
A. et M. du Texas. Toutes les personnes cadre du suivi de ces propositions et la tion pour construire sur les cendres de
intéressées accueillirent très favorable- décision a été prise de financer un certain 1692, afin que le passé puisse véritable-
ment ces propositions, exprimèrent leur nombre de contrats d'experts. C'est ainsi ment enrichir l'avenir.
désir de les soutenir et demandèrent à dis- qu'aux mois d'avril et août 1981, deux [Trnduit a!e I'dnghis. ]
119

Le réc$corallim :nn ysthe uivdnt,


objet dexpositioa et & laboratoire
Erin Kelley R Il appmtìent uu musée d'êire la meinoìre une crevasse. Un labre poursuivait un
vìvunte du pezple pour le peuple' .D poisson perroquet, qui fongait comme
B. A. Barnard College, Columbia University, La petite fille, accrochée à la main de sa une flèche en agitant ses nageoires; d'au-
1981. Exphiences diverses dans le domaine de la
mère, regardait consciencieusement les tres poissons s'étaient arrêtés pour brouter
crhtion litttraire et du journalisme.
moulages grisâtres d'un thon et d'un sau- le pâturage d'algues épaisses et touffues
mon. Avec l'impatience de ses six ans, qui recouvrait le récif calcifié semblable à
elle se retourna et découvrit ce qu'il y un rocher. L'enfant posa la main sur la
avait à côté. (( Regarde de vruìs pois- vitre et en sentit la température tropicale.
sons )), s'écria- t-elle. Levant la tête, elle vit l'éclairage éblouis-
Les yeux à mi-hauteur d'un bassin de sant qui assurait la survie de ces quelque
neuf mille cinq cents litres, elle se trou- quatre cents espèces de plantes et d'ani-
vait devant un spectacle étonnant. Des maux avec vingt variétés de corail vivant.
Le réc$ coralliei. L'aspect visiblement oursins aux longs piquants reposaient Elle examina au-dessus d'elle l'image
complexe et dynamique du développement auprès d'anémones ondulantes, tandis que tremblante du récif qui se reflétait à la
du récif corallien est particulièrement des coraux souples se balançaient comme surface de l'eau, perspective jusque-là
fascinant pour les enfants.
[Photo ; Museum of Natural History, des branches remuées par le vent. Une réservée à des plongeurs adultes équipés et
Washington.] créature d'un jaune brillant disparut dans entraînés.
La communauté corallienne (The cam¿
reef) présentée au Musée d'histoire natu-
relle de la Smithsonian Institution, à
Washington, D. C., a fasciné dix millions
de visiteurs depuis son installation en
1980 par une équipe de biologistes et de
géologues placée sous la direction du
Dr Walter Adey. Cette présentation d'un
système vivant prospérant dans des condi-
tions de parfaite acclimatation est sans
précédent. Éminent spécialiste des aspects
géologiques, biologiques et écologiques
des sciences de la mer, conservateur du
musée et directeur du laboratoire des sys-
tèmes marins de la Smithsonian Institu-
tion, le Df Adey a été le premier à conce-
voir, construire et faire vivre un récif
corallien à des milliers de kilometres de
son habitat naturel.

Mode de préseiztution
Une exposition d'histoire naturelle desti-
née à un public très divers doit tenir
compte des difficultés que présente la
communication avec des visiteurs qui
peuvent être aussi bien des enfants de dix
ans plutôt remuants que des paléobota-
nistes avertis. Pour résoudre ce problème,
les responsables de l'exposition ont prévu
l'utilisation d'un grand nombre de
moyens d'information. Des panneaux
rédigés dans une langue intelligible pour
des enfants expliquent qu'un système de
minuterie commande dix ampoules de
quatre cents watts et quatre lampes à
halogènes de mille watts placées au-dessus
du bassin pour simuler le lever du soleil,

1. Miisem, vol. XXVIII, no 3, 1976, p. 142.


120 Erin KeLLey

Laboratoire derrière le réservoir du récif


corallien. A gauche, auto-analyseur pour
déterminer les niveaux de valeur nutritive.
Au milieu (les tubes verticaux au fond),
circuit autofertilisant (reverse-osmoJir)et
système de filtrage pour renouveler l'eau
tvaporée du réservoir.
[Photo ;Museum of Natural History,
Washington.]

le plein jour et la nuit. Plusieurs casques dans l'eau, convertissent l'énergie de


munis d'écouteurs, disposés à bonne hau- radiation et transforment les éléments
teur pour des enfants, mais équipés de fils chimiques dissous, tels les nitrates et
assez longs pour que les adultes puissent l'acide carbonique, en matière organique.
également s'en servir, permettent d'écou- Quand la quantité de nitrates est insuffi-
ter un enregistrement sommaire mais sante, les algues bleu-vert capables de
clair du fonctionnement de l'installation, fixer l'azote ont une action prédominante
décrivant le cycle énergétique ainsi que les dans les épurateurs et le système devient
principales caractéristiques des habitants autofertilisant.
du bassin. Les étudiants peuvent trouver L'épurateur, que le Dr Adey et la
des indications plus détaillées affichées à Smithsonian Institution ont fait breveter,
proximité sur les méthodes employées semble d'une simplicité presque enfan-
pour assurer la régulation de la salinité, tine. Cependant, ses qualités de fertiliseur
l'équilibrage chimique du niveau des élé- naturel et de purificateur peu coûteux
ments nutritifs et la préservation des rela- permettent des applications multiples.
Diagramme du système de réservoir du récif
et du lagon décrivant les composantes tions naturelles entre les différents orga- Dans les mers tropicales, de grandes éten-
principales : 1. L'éclairage; 2. Le générateur nismes, ainsi qu'un commentaire géogra- dues d'eau sont pauvres en éléments
de vagues ; 3. L'interface récif-lagon ; phique et géologique. nutritifs, alors que, dans les eaux profon-
4. Les épurateurs ; 5. Les réservoirs de Une brochure, fournie sur demande, des, il existe des récifs très productifs
déchets ; 6. Les réservoirs de plancton. contient des schémas des différents dispo- comportant de grands tapis d'algues. Le
sitifs du bassin : le réseau complexe des Dr Adey envisage l'installation en haute
pompes qui aspirent l'eau à une extrémité mer de plates-formes permettant des créa-
du bassin et les tuyauteries qui la condui- tions de champs d'algues flottants dont
sent à l'autre extrémité, où elle se déverse l'exploitation fournirait un combustible
dans une paire de godets qui basculent bon marché. D'autres développements
périodiquement, ensemble ou séparé- plus ambitieux du concept dépuration
ment, pour former des vagues alternative- concernent l'entretien des aquariums, la
ment légères et fortes. Comme la régula- lutte contre la pollution industrielle et la
tion de l'éclairage, ce mouvement perma- production d'aliments et de biomasse.
nent de l'eau, qui entraîne des sédiments, Pour compléter les écouteurs et la
est essentiel pour maintenir en bonne documentation écrite, un film de dix
santé les habitants du récif. La brochure minutes intitulé Ld vie des réciJi cordllierzs
souligne aussi l'importance des épurateurs est présenté sur un petit écran voisin. Ce
du tapis d'algues, constitués par des boî- documentaire montre les scientifiques à
tes plates sans couvercle, fortement éclai- bord de leur navire de trente mètres et
rées, construites en treillis très fin au tra- leur travail quotidien au large des côtes
vers desquelles de l'eau est pompée par d'Haïti. Un public très nombreux observe
vagues avant de retourner dans le bassin chaque jour les biologistes faire un forage
principal. Les vagues favorisent la crois- dans un récif et maneuvrer leur avion
sance rapide des algues, qui, à leur tour, amphibie, dérivé d'un Grumman Alba-
filtrent les déchets animaux contenus tros militaire. Deux films d'une heure sur
Le récif corallien: u91 système vivant 121

les récifs coralliens des Caraibes et sur un Technicien manipulant l'auto-analyseur


tcosystème en eaux froides sont en cours devant la section arri&e du récif.
[Photo :Museum of Natural History,
de réalisation pour la télévision. Washington.]
L'innovation la plus marquante par
rapport aux modes de présentation habi-
tuels est une fenêtre qui permet d'obser-
ver les coulisses de cette présentation
spectaculaire. Le public peut voir les tech-
niciens de laboratoire au travail, les cher-
cheurs préparant leurs rapports, le maté-
riel et les appareils qui contribuent au
succès du spectacle. De même que le film
montre de manière vivante les efforts
déployés pour la collecte de spécimens et
l'acquisition de connaissances scientifi- Section arrière du récif. A gauche, fenêtre
ques, le poste d'observation du labora- sur le laboratoire et les vitrines avec les
toire permet de voir tous les rouages de la descriptions de la recherche. Vers la droite,
machinerie qui sert à rassembler, traiter et projection d'un film d'une dizaine de
minutes sur le travail in situ et le
interpréter les données. développement géologique des récifs.
Dans le bassin, des poissons vivent, se [Photo :Museum of Natural History,
reproduisent et protègent leur territoire ; Washington.]
des algues captent la lumière pour réaliser
la photosynthèse : des cœlentérés se nour- les nous vivons, les industries qui assu-
rissent de plancton et gardent les algues rent notresubsistance, nos moyens de trans-
avec lesquelles ils vivent en symbiose. Les port et nos loisirs. Même la vie terrestre
plantes et les animaux marins prospèrent est entièrement tributaire de l'eau.
et se développent, sans se soucier des L'écologie marine étudie les popula-
spectateurs, indifférents aux manipula- tions et les écosystèmes des mers. L'acti-
tions complexes auxquelles se livreht les vité des différents organismes et le com-
hommes. portement des groupes dans les commu-
Située dans le hall consacré à la vie nautés benthiques sont généralement étu-
marine, dominée par une énorme baleine diés in sita. On est alors tributaire de for-
bleue suspendue au plafond, la commu- ces imprévisibles : les caprices du temps,
nauté corallienne est une des présenta- les défaillances du matériel, la résistance
tions les plus visitées de tout le musée. limitée des plongeurs. Puisque les com-
Cependant, cette combinaison de la pré- munautés d'organismes different suivant
sentation pure et du laboratoire, avec ses le lieu et le moment, il faut, pour arriver
flux d'énergie clairement orientés et ses à bien les connaître, travailler sur de
éléments bien maîtrisés, est également nombreux sites pendant de longues pério-
une invitation à la réflexion sur les systè- des. Cela exige des crédits importants et
mes. des expéditions très longues.
Les principes qui sont à la base de la
transplantation réussie de ce récif coral-
L'étude des s y s t h e s lien permettent d'envisager de manière
(( Pour ne pas éluder une de ses missions pratique la création de répliques vivantes
essentielles, qui est l'éducation, le musée de toutes sortes de communautés mari-
moderne doit trouver les moyens de tou- nes, depuis les eaux froides de la baie de
cher un public plus évolué. Son rôle est, B&n jusqu'aux eaux subtropicales tem-
aujourd'hui, de combiner tous les élé- pérées du golfe de Californie et à celles de
ments et d'en dégager la signification?. )) la péninsule de Palmer dans l'Antarcti-
(( L'étude de la nature et de l'homme que. Le Dr Adey est déjà parvenu à cons-
est une étude de systèmes3. )) truire un modèle du système côtier du
Maine et espère, après une autre campa-
Les mers occupent 70% de ce globe que gne dans cet État du nord-est des États-
nous appelons la Terre ; des détroits et des Unis, pouvoir installer et présenter au
canaux, des fleuves artériels grossis à la public un microcosme subarctique. Son
fonte des neiges par des cours d'eau capil- double objectif est de faire comprendre au
laires, des marais humides et fertiles, de public le fonctionnement d'un écosys-
grands lacs, et d'énormes plateaux glaciai- tème sous-marin et d'offrir aux scientifi-
res s'étendent sur une grande partie de ce ques un instrument d'étude d'utilisation
que nous appelons la terre ferme. Ce vaste facile.
2. D' Walter H.Adey.
système hydrologique conditionne l'agri- Le travail du Dr Adey, de ses collègues 3. Environment, power and society, Howard
culture, le type des maisons dans lesquel- et d'une équipe dynamique d'étudiants T. Odum, 1971.
122 Erin Kelley

avancks est extrêmement important et ses l'arc-en-ciel - qui sont tous isolés de leur vre les ébats des dauphins et s'extasie
résultats sont d'un intérêt sans précédent, environnement naturel. On y montre une devant les poissons aux couleurs exoti-
mais la liaison ainsi établie entre le Jaba- imitation de récif corallien pour que le ques, n'acquiert pas cette compréhension
ratoire de systèmes marins et le Musée public se fasse une idée de ce que peut synthétique qui est absolument essen-
d'histoire naturelle de la Smithsonian Ins- etre le corail vivant )> *. Mais il y manque tielle. Ce qui nous intéresse vraiment, ou
titution soulève un certain nombre de les éléments fondamentaux d'un récif : ce qui devrait nous intéresser, c'est
questions délicates relatives à ce que doi- les plantes qui captent l'énergie pour ali- l'étude des systèmes.
vent Ctre la vocation fondamentale d'un menter ces (( machines )> infatigables, les I1 y a dix ans, un groupe de prestigieux
musée et les objectifs principaux de son coraux qui permettent la création d'une défenseurs de l'environnement s'est réuni
personnel. A l'instar du légendaire Musée structure et les myriades de petits inverté- pour discuter des dommages causés par
d'Alexandrie, les musées ont toujours été brés. Seuls sont représentés les poissons, l'homme à certaines îles sauvages situées
conçus à la fois comme des centres de c'est-à-dire un dixième au plus des espè- au large de la côte atlantique des États-
recherche et comme des institutions des- ces qui vivent sur un récif. Comment cet Unis.
tinées à l'éducation et au divertissement aquarium peut-il enseigner vraiment au D'une certaine façon, chacun des
du public. Un musée, qui est un lieu public ce qu'est un récif naturel? experts pensait que le monde avait
consacré à l'acquisition, à la conserva- Cette carence des aquariums modernes dépassé le point de non retour dans sa
tion et à la présentation d'objets d'intérêt est due en partie à l'inertie. Cependant, ruée insensée et aveugle vers la pollution
ou de valeur durables )>*. doit-il offrir ce dans le cas des États-Unis d'Amérique, de la planète. La plus grande partie des
genre de présentation animée? Des expo- cette situation s'explique aussi par des entretiens a donc été consacré à l'examen
sitions comme ce récif compromettent compressions budgétaires brutales et par des moyens de préserver des écosystèmes
peut-être quelque peu la dignité de l'éta- une certaine myopie des pouvoirs publics complets... pour le jour où les survivants
blissement car l'entretien d'un récif de quand il s'agit de fixer des priorités. En de cette folie entreprendront de recons-
corail engendre assurément plus de désor- 1962, le Congrès avait autorisé le Natio- truire des systèmes qui assurent l'entre-
dre, de complications et de dépenses que nal Fisheries and Aquarium Center à tien de la vie'.
le polissage des pierres gemmes ou la construire un aquarium qui devait être Le grand public s'intéresse de plus en
peinture d'un diorama évoquant les ani- consacré à la fois à la recherche scientifi- plus aux phénomènes scientifiques et
maux d'Afrique. Pourtant, les organismes que et à la présentation d'organismes et commence à mieux les comprendre. I1 ne
et les communautés ne sont pas plus sta- d'environnements aquatiques. I1 était peut donc plus se contenter de recevoir
tiques dans le temps et l'espace que les prévu que 50% de son budget seraient des données éparses ou d'examiner des
machines et les molécules, et un musée réservés à la recherche et à l'étude des sys- organismes isolés. Un récif est un système
des sciences, avec ses maquettes et ses tèmes. Cet aquarium n'a jamais été cons- naturel extrêmement complexe, qui ne
appareils que les visiteurs peuvent mani- truit. peut exister sans une base de corail cal-
puler et faire fonctionner, est-il si intrin- Tous les pays se tournent de plus 'en cifié, sans des algues que broutent les
sèquement différent d'un musée d'histoire plus vers les océans pour y chercher les labres qui eux-mêmes servent de nourri-
naturelle ? ressources alimentaires, minérales et éner- ture aux barracudas. La plupart des gens
En réalité, le réalisateur de ce récif gétiques qui leur sont nécessaires. Pour le savent assez bien à quoi ressemblent des
corallien serait enclin à penser que ces meilleur et pour le pire, ces immenses sargasses et connaissent la définition du
communautés vivantes seraient mieux à étendues d'eau sont un lieu de rencontre mot (( herbivore )>. Mais la capacité de
leur place dans un zoo, ou plutôt un et d'affrontements. Même l'eau douce qui situer un crabe et des polypes dans le
aquarium. Cependant, si les zoos ont est nécessaire pour faire pousser nos récol- cycle énergétique d'un récif, d'établir un
depuis quelques années fait des progrès en tes vient de la mer. Pourtant, aux États- lien entre les découvertes géomorphiques
se dotant d'un personnel de recherche et Unis, rien n'est prévu dans la capitale et le climat donne à notre public la possi-
en consacrant une partie de leurs crédits à nationale pour expliquer au public ce que bilité de contribuer à prendre, notam-
l'amélioration de leur équipement intel- sont ces étendues qui recouvrent 7 0 % de ment sur le plan législatif, en toute con-
lectuel, la plupart des aquariums sont la surface de la Terre, comment elles naissance de cause, des décisions qui assu-
encore exploités d'une manière qui se rap- fonctionnent, ce qui y vit et ce qu'elles rent la gestion rationnelle des trésors de la
proche davantage des attractions foraines. produisent, mer et leur sauvegarde.
I1 est rare qu'ils disposent de cet élément Grâce à de nombreux magazines popu- Les conditions d'apprentissage les plus
essentiel de progrès qu'est un personnel laires à orientation scientkfïque de di@- favorables sont l'observation directe et la
de recherche sérieux. D'ailleurs, le sys- rents niveaux (Omni, Science news, Scìmce stimulation des sens. Le spectacle de la vie
tème de contrôle de la qualité de l'eau digest et National geographic muguzìne, offert par le récif corallien de la Smith-
dans les aquariums marins, qui n'est pour citer quelques-uns de ceux qui sont sonian Institution permet aux enfants,
pourtant pas exempt de problèmes, a peu publiés aux États-Unis), à des séries télé- qui sont particulièrement réceptifs aux
changé depuis près d'un demi-siècle. visées comme celles du commandant connaissances nouvelles, d'apprendre
L'année dernière s'est ouvert à Balti- Cousteau et au développement des voya- comment il faut agir vis-à-vis de l'envi-
more (Maryland), à soixante-dix kilomè- ges, la mer est, dans l'ensemble, beaucoup ronnement marin, dans notre intérêt à
tres environ de Washington, un aqua- mieux connue. Cependant, l'accumula- long terme et pour ceux qui viendront
rium qui a coûté des millions de dollars. tion des faits n'engendre pas nécessaire- après nous. Ils voient ce qui peut être
Spacieux et fonctionnel, il est signé par ment la sagesse. Celle-ci ne peut naître accompli, mais aussi ce qui doit être pré-
un architecte célèbre et présente des mil- que d'une perception directe de la nature servé, autrement que dans les mémoires.
liers de spécimens curieux - tortues de de la mer, en particulier de ses commu- [Tradivit de Pungluis. ]
mer pesantes, requins menaçants, innom- nautés biologiques. Le public qui, dans 4. Baltimore sun, 11 janvier 1981.
brables poissons de toutes les couleurs de les aquariums traditionnels, s'amuse à sui- 5 . New York Times, 4 juillet 1972.
123

M éthodes traditionnelles de conseruation :


réjYem'ons sur quelquespratiques a f ~ c a i n e s

Keith Nicklin On a souvent tendance à affirmer et à Scu&tures d70ron


tenir pour un fait acquis que les commu-
Licence de sciences et maîtrise en nautés rurales africaines ne se soucient Dans son &gant essai intitulé Le ten@ et
anthropologie, University College, Londres,
1979/7 8. Ethnographe.au Département guère de prévenir ou d'empêcher la dété- tart af.'cain, Dennis Duerden écrit :
fédéral des antiquités du Nigéria. Travail sur rioration matérielle de leurs biens cultu- (( Alors que les sculpteurs africains uti-

le terrain e t rénovation du Musée national rels. Les remarques suivantes d'Ulli Beier lisent fréquemment des bois très tendres
d'Oron. Auteur de nombreux articles sur la sont assez typiques à cet g a r d : et donc périssables, il existe au moins une
thkorie de la céramique dans le monde, la région - celle d'Oron, dans l'est du Nigé-
(( L'attitude traditionnelle des Afri-
culture matérielle et l'art dans la région de
Cross River, a publié le Guide to the cains envers l'art parait beaucoup plus ria - où les figures ancestrales étaient tail-
National Museum, Oron, Lagos, 1977. éclairée que la nôtre : alors que nous nous lées dans un bois très dur, après quoi elles
Conservation du Powell-Cotton Museum of extasions sur l'objet fini, pour l'Africain, étaient jetées dans la brousse et abandon-
African and Asian Zoology and Ethnography ce qui importe, c'est L'acte de créatiori, nées aux termites. Le bois utilisé pour ces
depuis 1980. Membre honoraire de qu'il considère comme une cérémonie sculptures symbolisait le caractère indes-
YAnthropology and Eliot College, Université
de Kent, à Canterbury. Conservateur sacrée d'hommage à la divinité. Si l'objet tructible des anciens dont elles étaient des
du département d'ethnographie au Horniman d'art est attaqué par les termites, on ne portraits authentiques, mais en les jetant
Museum, Forest Hill, Londres, 1982. fait rien pour le protéger, on se contente dans la brousse la collectivité exprimait
simplement d'en fabriquer un autre pour l'espoir qu'ils iraient rejoindre leurs ancê-
remplacer celui qui a été détruit. Une tres oubliés au lieu de s'attarder avec tous
telle attitude permet de maintenir l'art leurs souvenirs dans la société .des hom-
vivant au lieu de prolonger la vie des mes 3. ))
objets2. H C'est un fait que les sculptures d'Oron
Si Beier voit dans les musées un (( mal ont été exécutées dans des bois particuliè-
nécessaire )>, des (( mausolées de la cul- rement durs et résistants : la plupart sont
ture )> où les objets sont (( emprisonnés )> en CouLa adulis et quelques-unes en Pìero-
dans des vitrines, d'autres, et notamment cavpns soyanxiì. Mais il est tout fait
les marchands et collectionneurs d'art, inexact d'affirmer qu'elles étaient <( jetées
estiment que le prétendu désintérêt des dans la brousse et abandonnées )), au
Africains pour les témoignages concrets moins en ce qui concerne la période qui a
Masque-coiffe couvert de peau de la société de leurs activité artistique justifie qu'on précédé le déclin du culte auquel elles
G royale D, Bangwa, fraîchement enduit
les leur ôte des mains pour les accumuler
d'huile de palme et dans un excellent état
de conservation. dans des collections privées et dans les 1. Cet article est publi6 avec l'autorisation du
[Photo : Keith Nicklin.] musées d'Europe et d'Amérique du Dr Ekpo Eyo, directeur g é n h l de la Commission
nationale nigériane des musées et monuments. I1
Nord. s'inspire en grande partie de recherches effectuées
Bien entendu, il existe certaines sortes aussi bien sur le terrain que dans les musées à
l'époque oÙ j'étais employé par le Département
d'objets d'art africain auxquelles la décla- fédéral nigérian des antiquités, c'est-à-dire entre
ration de Beier s'applique : les masques 1970 et 1978. Une première version abrégée,
jetés après n'avoir servi qu'une fois, les intitulée (1 Problèmes de conservation des masques
couverts de peau $, a été rédigée en 1973 à la
statues abandonnées en plein air une fois demande de H. W. M. Hodges, qui travaillait
terminées. Mais cela est loin d'être tou- alors au département de conservation de l'Institut
jours le cas. Dans la région de Cross d'archéologie de Londres. Je remercie M. David
Jones, éditeur de Museum Ethnographers' Group
River, qui englobe le sud-est du Nigkria neusletter, d'avoir bien voulu autoriser la
et la partie occidentale du Cameroun, il publication du prisent article dont le texte (sans
illustration) doit paraître incessamment dans sa
existe de nombreux exemples d'essais revue. Même si nos opinions ne convergent pas
réussis, faits par les villageois en vue de nécessairement sur tous les points, mon travail a
préserver les produits de leur artisanat, et été considérablement facilité par mes échanges de
vues, sous forme verbale ou écrite, avec les
rien ne permet de penser qu'il s'agisse là personnalités suivantes : D. Baynes-Cope
d'un phénomène isolé. Le fait qu'on (Laboratoire de recherche du British Museum),
s'efforce ou non de préserver certains Betty Haines (Association de recherche des
fabricants britanniques d'articles de cuir), Diane
objets dépend largement de l'importance Davies (Conservation des objets, Metropolitan
que leur propriétaire y attache. Si nous Museum of Art), Carl Paterson (qui a uavaillé
autrefois au Horniman Museum), et D. J.
manquons de données sur les méthodes Vandyke-Lee (Dipartement d'ethnographie du
traditionnelles de préservation et de res- British Museum).
tauration, c'est en grande partie parce que 2. U. Beier, Art in Nigeria, Cambridge
University Press, 1960.
nous connaissons très mal l'art et la tech- 3. D. Duerden, African art 13literature : the
nologie africains en général. inuisible present, Londres, Heineman, 1975.
124 Keith Nicklin

Masque funéraire okua (faisant partie d'une


paire) du clan osokom, ethnie bokyi, Ikom.
Sculpt6 par Ayim Nsado, du lignage royal
nkene, qui en a l'usage exclusif. On
remarquera l'excellent état de ce masque, en
dépit de quelques réparations (technique de
reprise avec de la fibre de piassava) et les
décorations au kaolin.
[Photo : Keith Nicklin.]

Monolithe de Cross River sculpté dans une


roche basaltique, Alok, ethnie nnam, Ikom.
Cette sculpture est classée monument
national nigérian.
[Photo : Keith Nicklin.]

étaient associées. (Le rituel ekpu est basé vivants et qu'on pouvait s'adresser à eux Cela expliquerait donc certaines parti-
sur une sorte d'association réservée aux dans les temples ekpu pour obtenir la fer- cularités concernant l'entretien des figures
hommes, qui tirent un grand prestige de tilité des femmes et des champs et éloi- des ancêtres d'Oron. D'après Kenneth C.
leur appartenance à une telle société. Lit- gner les épidémies. C'est pourquoi des Murray, premier inspecteur (puis direc-
téralement, le mot (( ekpu )) signifie ancê- offrandes d'aliments et de boissons teur) des antiquités du Nigéria : (( I1 est
tre défunt). On estime que bon nombre avaient lieu au temple à l'époque des probable que des sculptures ont disparu
des sculptures existant à Oron jusqu'au semailles et des moissons. Ce n'est autrefois : il est difficile de protéger des
début de la guerre civile de 1967-1970 qu'avec le déclin de ce culte à la fin du objets fichés dans le sol des atteintes de la
étaient vieilles de deux cents ans au X I X ~siècle et au début du X X ~ ,que les pourriture ou des termites, et l'atmo-
moins, ce qui veut dire qu'elles figuraient sculptures ont commencé à être négligées. sphère humide du sud-est du Nigéria est
parmi les plus anciennes sculptures en Mais, même à cette époque, lorsque le préjudiciable au bois. Mais l'obio, en tout
bois de l'Afrique subsaharienne. La col- bâtiment qui les contenait tombait en cas, était généralement bien entretenu, ce
lection de ces statues ekpu rassemblée au ruines, les statues ekpu étaient réinstallées qui faisait courir moins de risques aux
Musée d'Oron était impressionnante, non dans l'obio ekpe, c'est-à-dire dans la case statues ekpu et ralentissait le processus de
seulement par l'ancienneté d'un grand où les hommes se livraient au culte de destruction 6. O
nombre de pièces, mais aussi par son l'esprit du léopard (ekpe). Sinon, il n'était Les statues n'étaient remplacées que
importance : le musée comptait 661 piè- pas rare qu'on les mette sur la véranda de lorsqu'elles étaient détruites. C'étaient
ces en 1966. Que ces statues aient sur- la maison du propriétaire ou que l'on les représentants de la branche la
vécu si longtemps s'explique sans doute construise pour elles un abri rudimentaire I.
plus ancienne (c'est-à-dire l'aînée), qui
par la dureté du matériau et par sa résis- à l'emplacement de l'ancien obio. Et si un conservaient l'effigie ekpu du fondateur
tance aux attaques des termites, mais éga- devin découvrait que les ancêtres étaient de l'ekpuk, c'est-à-dire du segment du
lement par le soin apporté à leur conser- mécontents parce qu'on avait omis les lignage détenteur des images des ancêtres.
vation 4.
I1 était de tradition d'aligner les statues
sacrifices rituels ou parce que les sculptu-
res n'étaient pas protégées, on s'efhorçait
4
Si la branche aînée s'étei nait, le plus pro-
Che survivant gardait à, son tour cette
ekpu le long du mur du fond de l'obio, en général de remédier à cette situation. effigie. L'efficacité des dispositions institu-
sorte de bâtiment ouvert sur toute sa lon- Alors même que les vieilles croyances tionnelles adoptées par la population pour
gueur dont le toit était soutenu par commençaient à tomber en désuétude, protéger les figures des ancêtres est attes-
d'énormes poteaux. L'obio formait avec sous l'effet essentiellement de l'activité tée par le fait que, dan? les années 40,
son contenu une sorte de temple pour le missionnaire des méthodistes, et que l'in- alors même que le culte ,ekpu avait prati-
culte des ancêtres. Les sculptures étaient différence à l'égard des statues devenait quement disparu, certains groupes possé-
placées debout, fichées ou non dans le générale, les habitants d'Oron répu- daient encore plus de trente statues. C'est
sol; si la base venait à pourrir, on les gnaient à les laisser emporter par des ce qui a permis à Mur@y de sauver un
appuyait contre le mur ou on les soute- étrangers. grand nombre d'entre elles pour les con-
nait par-derrière à l'aide d'une barre trans- P. O. Nsugbe souligne que les sculp- server dans le musée codstruit à cet efhet
versale. L'obio fournissait donc à la fois tures ekpu étaient également (( un aide- à Oron'.
un abri et un système de ventilation. mémoire social H. (( On peut supposer,
Exception faite du problème évident que écrit-il, que la passion qui s'attache 4. K. C. Murray, B Ekpu : the ancestor figures
of Oron, S. E. Nigeria #, Burlington Magazine,
posait la base de la sculpture fichée dans le encore aujourd'hui aux statues ekpu s'ex- vol. 89, 1947.
sol, il est difficile d'imaginer une méthode plique en grande partie par le fait que ces 5. P. O. Nsugbe, (( Oron Ekpu figures U,
Nigeria Magaz& décembre 19¿1. -
plus efficace de stockage d'objets de ce objets matérialisaient, sculptés dans le bois, 6. K. C. Murray, Op. n't., p. 314.
genre à l'aide d'une technologie rudimen- les droits et prétentions collectifs des 7. K. Niclclin, Guide to the Nationaal Museum
taire. lignages, ainsi que leur histoire, leur iden- Oron, Lagos Dept. of Antiquities, 1977. Voir
aussi : B The utilization of local skills and
Les populations d'Oron croyaient que tité et leur prospérité, qu'elles servaient materials in a Nigerian museum )), Museums
les ancêtres participaient aux affaires des ainsi à conserver et à protéger'. Journa/, vol. 78 (1978), no 1.
M itbodes tmditionnelles de colaserination 125

Lu moyenne vullée de lu Cross lorsque la plupart des 'gens sont aux


champs, car il existe, pendant la saison
Alors que la pierre reste Ln matériau que sèche, un risque d'incendie des cases et
les sculpteurs africains utilisent rarement, des autres biens des villageois. Cela n'a
l'abondance et la diversiké des objets de d'ailleurs pas empêché ,certains de ces
bois sculpté sont frappantes. L'un des poteaux sculptés de brûler, comme celui
principaux centres africains de sculpture de la place du quartier Ukpakabi, Umor, - -
sur pierre se trouve dans la moyenne val- exemple cité par Daryll Forde'.
lée de la Cross, et principalement dans les
districts d'Ogoja, Ikom et Obubra. Une
enquête effectuée dans ette région par
VuZnérabilité et pro4ection des
%.
Philip Allison pour le épartement des ~nusquescouverts de peuu
antiquités au début des années 60 a per- Un des aspects originaux de la production
mis d'y recenser environ trois cents sta- artistique de la région de Cross River est
tues en pierre. Nombre d'entre elles ont la fabrication de masques couverts de
été taillées dans des rochyrs basaltiques du peau. I1 s'agit de masques en bois sculpté
lit de la rivière; on pense qu'elles ont été recouverts de peau animale ou même,
érigées à la mémoire d'anciens rois divini- jadis, de peau humaine et, quelquefois,
sés. Ces statues, dont la taille varie de c'est un crâne d'homme bu d'animal qui
trente centimètres à deux mètres de haut, est utilisé sous cette peau. I1 existe deux
ont des traits humains : 'yeux, nez, bou- modèles de ces masques : la coiffe, qui se
che, barbe et marques tribales H. Elles porte au sommet de la tête sur un socle
ont pour la plupart un nombril protubé- en vannerie fixé par une cordelette passant
rant et leur forme génqrale est souvent sous le menton, et le heauve, qui empri-
celle d'un symbole phallique. D'après cer- sonne la tête du porteur et' repose sur ses
taines estimations, c'est aux X V I ~et XVII' épaules. Le masque-coiffereprésente géné-
siècles après J.-C. qu'aurait commencé ralement une tête humaine à une, deux
l'apogée de l'art des Nta8. ou plusieurs faces. La tête de femme avec
I1 n'est pas sans intérêt de noter, une coiffure (( à cornes R très compliquée
cependant, que certains peuples de la est un genre de masque très répandu. On
région de Cross River ont choisi, pour rencontre aussi des formes animales telles
commémorer leurs ancetres, une roche que l'antilope, le crocodile et le léopard.
volcanique très dure et très difficile à tra- Les masques-heaumes sont à un seul ou à
vailler, mais qui constitue peut-être le plusieurs visages mais ils sont le plus sou-
i
matériau naturel le plus résistant aux vent bifrons. Les masques recouverts de
rigueurs du temps, alors qu'ils auraient peau se caractérisent par un naturalisme
fort bien pu utiliser, pour sculpter ces sta- très poussé pouvant aller jusqu'au grotes-
tues commémoratives, les diverses essen- que. Ils sont généralement la propriété de
ces de bois qui abonden; dans les forêts groupes sociaux tels que les classes d'âge
tropicales de la région. ou les sociétés de chasseurs ou de guer-
Toujours dans la vallée moyenne de la riers lo.
Cross, chez des peuples tels que les Ces masques sont taillés dans un bois Face mâle d'un masque-coiffe bifron couvert
Mbembe, les Yakö, les Bahumuno et les léger et tendre. Les marques (( tribales R de peau dit kejinghe provenant d'Abontakon,
Biase, on utilisait les grands arbres de la de Cross River (incision de cercles clan abu, ethnie bokyi, Ikom du Musée
national d'Oron. Style de la région du cours
forêt pour y sculpter des poteaux mono- concentriques dans la région des tempes moyen de la Cross. Ce masque, qui est
xyles, des tambours à fente et des poteaux et du front) sont représentées par un dis- vieux d'environ soixante-dix ans, a été
de case, qui appartenaient généralement à que de bois ou de paroi de calebasse sculpté par Obi Bette à la mémoire de son
la communauté villageoise tout entière sculpté et fixé au masque. Les dents sont épouse bien-aimée. La face miile figure le
visage de l'artiste et la face femelle (située à
ou à un groupe de cettejcommunauté - faites d'écorce dure de palmier, d'ivoire, l'opposé, non visible sur la photo) figure
quartier ou lignage. d'os, de métal ou de bois et fréquemment celui de sa femme (sans cependant viser à
Normalement, les tambours et poteaux taillées de manière à représenter la en être le portrait). Utilisé pour la dernière
de case étaient protégés par le toit des méthode traditionnelle de déformation fois il y a une quarantaine d'années, à
des incisives centrales. Les yeux sont sou- I'occasion des funémilles de l'artiste.
cases communautaires qui leur servaient [Photo : Keith Nicklin.]
d'abri, et c'est encore le cas de ceux qui vent composés d'incrustations de métal
subsistent. Les poteaux plantés à ciel tenues en place par une cheville de bois
ouvert étaient parfois couverts de toits en qui correspond à la pupille. La peau est
miniature pour empêcher l'eau de pluie 8. P. A. Allison, Cross Ricer Monoliths, Lagos,
de pénétrer dans le bois. Depuis quelques Dept. of Antiquities, 1968. Voir aussi : Africun
années, certains d'entre eux ont été badi- Stone Snrlpture, Londres, Lund Humphries, 1968.
9. C. D. Forde, Yukö studies, Oxford University
geonnés d'une couche protectrice de Press, 1964.
peinture. Chez les Yakö, l'une des princi- 10. K. Nicklin, <( Nigerian skin-covered
masks O , Africun Arts, vol. VI1 (1974), no 3.
pales responsabilités des classes d'âge est Voir aussi : <( Skin-covered masks of Cameroun H,
de monter la garde penqant la journée, African arts, vol. XII (1979), no 2.
126 Keith Nicklin

soigneusement traitée, épilée et assouplie cit et pourrit plus facilement. Elle a ten- autre personnage important ou d'un
avant d'être fixée au masque, soit par dance à se craqueler autour des parties en sculpteur. Chargé de conserver le masque
adhérence naturelle, soit à l'aide de che- relief du visage telles que le nez et les en lieu sûr et de le préparer avant chaque
villes ou de pointes. yeux et qui dit craquelures dit à plus ou utilisation, il pouvait être tenu pour res-
Le choix du bois utilisé est en partie moins long terme décollement et déchi- ponsable en cas de dégâts ou de perte. On
dicté par des considérations d'ordre prati- rures. En outre, les parties sculptées les conndit plusieurs exemples de gardiens
que : le bois tendre est plus facile à sculp- plus fragiles des masques, c'est-à-dire obligés de remplacer des masques ou
ter, et le masque ainsi obtenu est plus essentiellement les cornes, les dents et les d'autres objets qui avaient été endomma-
léger à porter et à manipuler. La peau qui protubérances de la chevelure, sont parti- gés alors qu'ils étaient sous leur garde.
le recouvre lui donne un aspect plus réa- culièrement exposées aux chocs. Les populations de la région de Cross
liste. Toutefois, dans cette région au cli- Si graves que soient les problèmes liés River ont mis au point des méthodes
mat chaud et humide, les matières orga- à l'environnement et au choix des maté- extrêmement efficaces de préservation de
niques telles que le bois et la peau sont riaux, il serait inexact d'affirmer que ces leurs masques. La peau est protégée en
exposées aux attaques des champignons et masques étaient généralement considérés l'enduisant de diverses préparations à base
des bactéries, particulièrement pendant la comme des objets faciles à remplacer. d'huile - le plus souvent de l'huile de
saison des pluies. Le bois tendre dont sont Même si l'on constate depuis quelques palme de couleur rouge ou orange qui
faits ces masques est particulièrement vul- générations un certain désintérêt à l'égard sert habituellement pour la cuisine.
nérable aux attaques des fourmis et des des ceuvres d'art traditionnelles en raison Le noyau broyé du fruit du palmier
insectes térébrants, notamment les termi- de l'évolution des croyances et des insti- donne une huile de couleur claire qui
tes. I1 arrive parfois que ces derniers ne tutions religieuses, nombreux sont les brunit ou noircit à la cuisson. Certaines
laissent plus du masque qu'une coquille masques qui ont été soigneusement pré- populations l'utilisent à des fins médici-
vide de peau moulée. Les masques-heau- servés et ont survécu très longtemps. Cer- nales et également pour enduire les mas-
mes servent souv-ent de nid à des frelons, tains des plus beaux masques couverts de ques. Les Bokyi utilisent parfois une autre
et la croûte de terre dont ils les recou- peau possédés par les sociétés de guerriers substance extraite des graines d'un certain
vrent alors contribue à la disparition de la comme le Ntsebe et le Nkang sont auréo- arbre et appelée ojie bdkut. Un ancien de
patine et à leur destruction. D'autre part, lés d'un prestige considérable, à la fois en l'ethnie ejagham, près de Calabar, m'a
la peau peut être dévorée par les rats et les tant qu'objets rituels dotés d'un pouvoir déclaré utiliser un mélange préparé selon
souris, qui en sont friands. Continuant surnaturel et en raison de la somme de une formule secrète qu'il a refusé de me
leurs ravages, les rongeurs peuvent égale- travail et d'habileté qu'ils ont exigée des communiquer. Actuellement on se
ment attaquer le bois du masque ; il suffit artistes qui les ont fabriqués. contente parfois de la vaseline vendue
qu'ils dévorent par exemple le nez et les I1 était courant que les sociétés de mas- dans le commerce pour enduire la peau
lèvres pour qu'il ne reste plus qu'un mor- ques confient à un de leurs membres la des masques.
ceau de bois difforme. L'excès d'humidité garde des objets de cérémonie. I1 s'agissait Une fois bien imprégné à l'aide d'un
et la sécheresse abîment la peau, qui dur- souvent du chef de l'association, d'un chiffon, le masque est exposé au soleil

Masque-coiffe couvert de peau, enveloppé de


feuilles de bananier, de tissu de coton et de
fibre de pandanus, et attaché avec de la
canne; méthode de stockage ? même
i le sol.
[Photo ; Musée national d'Oron.]

Masque-heaume couvert de peau qui


provient probablement de la région bangwa,
au Cameroun et porte la trace de dégâts
causés par les rongeurs.
[Photo : Musée national, Lagos.]
M itbodes traditionnelles de conservation 127

pour permettre à la peau d'absorber l'intérieur. Frottés d'huile de palme, ces


l'huile. I1 est ensuite enveloppé soit dans masques sont conservés et transportés
les feuilles d'un arum géant appelé ogbotJg enroulés dans des costumes de fibres végé-
dans certaines régions, soit dans de vieil- tales auxquels ils sont fixés et qui sont
les nattes faites de fibres depandanus, soit eux-mêmes enveloppés dans des sacs en
encore dans du tissu d'écorce, ou dans raphia. Les Bangwa, qui sont un groupe
d'autres matières de ce genre. Les Bokyi bamileke, suspendent certains masques-
affirment que, s'ils utilisent le tissu heaumes à une face au-dessus du feu, oÙ
d'écorce, ou kefm, c'est parce qu'il résiste ils se couvrent de suie. La patine mate et
aux attaques des termites 'l. Aujourd'hui, sombre qui en résulte est très particulière ;
on se sert aussi de vieux sacs, de chiffons la fumée est censée (( traiter )) la peau.
ou de sacs à ciment. Le masque une fois
enveloppé, le paquet est attaché avec de la
ficelle ou avec une liane et suspendu par
Recherches sur le terruin :
,
un seul brin aux poutres du toit de la
le temps presse
case. Il est parfois posé sur une étagère I1 faudrait mener des travaux de recherche
près du foyer qui sert à cuire les aliments, approfondie sur les méthodes de préserva- Patrick Achong met la dernière main à une
avec d'autres objets fragiles tels que les tion traditionnelles pendant qu'il en est copie de masque-heaume d'une socittt. de
gourdes décorées. C'est généralement temps encore, car la plupart des formes guerriers bokyi.
dans la cuisine, dont l'enfumage quasi d'art traditionnel sont en voie de dispari- [Photo ; Keith Nicklin.]
permanent assure une atmosphère rela- tion, dans la région de Cross River
tivement chaude et sèche, qu'on le comme dans le reste du Nigéria. I1
conserve. Le masque s'y trouve aussi bien conviendrait de procéder à des relevés de
protégé qu'il peut l'être, en milieu tropi- la température et de l'hygrométrie - dans
cal, des attaques des insectes, champi- les endroits où les masques sont entrepo-
gnons et bactéries. L'action conjuguée de sés. Les propriétés des substances tradi-
l'huile et de la fumée contribue probable- tionnellement employées pour la conser-
ment à tanner la peau, qui acquiert avec vation devraient être analysées en labora-
le temps une patine brillante et nuancée, toire. Ces diverses données une fois réu-
appréciée non seulement des amateurs nies, il devrait être possible d'élaborer une
émangers mais également des utilisateurs (( technologie appropriée D.

africains. Au Nigéria, par exemple, l'art de fabri-


Les méthodes de conservation des mas- quer des masques couverts de peau n'a pas
ques pratiquées dans la haute vallée de la complètement disparu. C'est ainsi qu'au
Cross, au Cameroun, sont quelque peu cours des années 70 on a pu mener, au
différentes. En pays widekum, on utilise, Musée national d'Oron, un projet pilote
au cours des cérémonies funéraires pour lequel on a fait appel au talent
nchibe, un masque facial bombé appelé d'un artiste traditionnel, Patrick Adeh
agwe-cbaka ou agucba. Certains artistes Achong. Celui-ci a copié un certain nom-
appliquent sur le masque qu'ils viennent bre de masques anciens et en a restauré
de terminer une mixture d'herbes qui est plusieurs autres tant au musée que dans
censée le préserver des insectes. Nous les villages. C'est peut-être en associant de
avons pu voir en 1974 un masque nchibe la sorte le savoir-faire local et les métho-
qui serait resté dans la même famille pen- des et approches scientifiques qu'on
dant huit générations. Contrairement aux pourra le mieux assurer la survie des
nombreux masques de ce genre qu'on ceuvres d'art au musée et dans les com-
transporte d'un village à l'autre pour les munautés rurales où il en existe encore.
cortèges funéraires, celui-ci ne quitte En fait, il est urgent de lancer une
jamais son village d'origine; on cherche action vigoureuse de B sauvetage ethno-
ainsi à minimiser les risques de perte et de graphique U. L'objet même de notre
détérioration. Avant tout emploi, il est étude et de nos travaux est en voie rapide
enduit d'huile de palme, pour faire briller de disparition ou de profonde transforma-
la peau et on ravive au kaolin le pourtour tion. Contrairement à la pratique suivie
de la bouche et des yeux. Lorsqu'il ne sert pendant une bonne partie du xxe siècle, Sculptures ekpu d'Oron avant leur transport
pas, ce masque est enveloppé dans de la l'enquête devra faire une place suffisante à au Musée d'Oron.
[Photo : K. C. Murray, Musée national,
toile de sac, ensuite mis dans un sac en l'étude de l'ensemble de la culture maté- Lagos.]
raphia et placé près du foyer. rielle. Les chercheurs en sciences sociales
Généralement plus petits que les mas- devraient se montrer disposés à collecter
ques agwe et plus légers que les masques des données utiles au personnel des
agwe-chaka, les masques-coiffes widekum musées si celui-ci n'a pas les moyens ou le
du type mpoh viennent s'insérer dans désir de mener des enquêtes de terrain 11. K. Nicklin et J. Salmons, w Bokyi
barkcloth : an ethnographic retrieval study in
l'ouverture aménagée au sommet du cos- pour son propre compte. S. E. Nigeria B, Baessler-Archiv, vol. XXVII,
tume de cérémonie en filet et se fixent de [Trddzit a2 I'angLaiJ.] 1979.
12s

Le Musée ndttiondtl & Zdtmbie à Livingstone

Mwimanji Ndota Chellah Le musée de Livingstone, Musée national jours facile de comprendre la raison pour
de Zambie, est situé dans un cadre laquelle certains objets se trouvaient là.
Nt. en 1944 dans le village de Nakakola, Isoka magnifique à dix lulomètres au nord des
(Zambie), Mwimanji Ndota Chellah est titulaire
chutes Victoria, à l'entrée sud de la ville
d'un diplôme de beaux-arts obtenu en 1970 à
touristique de Livingstone. Les galeries
Les nouvelles fonctions
I'Universitk d'Afrique orientale, Nairobi (Kenya).
Aprks une année de stages dans divers mustes .du musée, consacrées à la préhistoire, à da masée
britanniques, il est, de 1970 à 1972, concepteur l'histoire naturelle, à l'ethnographie et Le rôle du musée a été entièrement
graphique pour le gouvernement zambien. Entrt.
au muste de Livingstone en 1972 comme
aux beaux-arts, et à l'histoire sont dispo- redéfïni récemment. I1 doit être d'abord
technicien artistique, ii devient responsable des sées autour d'une cour centrale. De la un institut de recherche, dont le rôle
services techniques en 1974. Directeur par tour du musée, haute de vingt mètres, on essentiel est de rassembler des spécimens
interim en 1976/77, puis directeur adjoint en peut apercevoir l'énorme nuage d'écume destinés à être étudiés de façon approfon-
1978, il est directeur du musée de Livingstone au-dessus des chutes Victoria. die, et ensuite un organisme à vocation
depuis 1979.
En 1930, le gouvernement de ce qui pédagogique. Les objets sélectionnés sont
était alors la Rhodésie du Nord décida de accompagnés d'un texte de présentation
consacrer des crédits à la collecte de docu- offrant dans un langage clair et simple des
ments ethnographiques et historiques. Le explications sur un sujet précis. Le musée
premier conservateur à plein temps, le organise des expositions temporaires et
Dr J. Desmond Clark, était nommé en des conférences, des programmes spéciaux
1938 et les premiers bâtiments du musée à l'intention des écoles et nombre d'au-
étaient achevés en 1951. Une aile consa- tres activités d'animation. Ce rôle péda-
crée à la recherche, comprenant des salles gogique des musées a certainement plus
d'étude, une bibliothèque très bien équi- d'importance dans les pays en développe-
pée, des bureaux pour le personnel et des ment, comme la Zambie, que dans les
sous-sols destinés à servir de réserves, autres. La majorité des visiteurs n'ayant
devait voir le jour en 1961. Douze ans guère fréquenté l'tcole, le musée doit
MUSBENATIONAL DE ZAMBIE, Livingstone.
Son Excellence Kaunda, président de la plus tard, un Département de I'éducation s'efforcer de se mettre à leur niveau. C'est
Zambie, fait les honneurs du musée à son était créé et le musée était complété par une des raisons pour lesquelles le musée
Excellence Ahmed Sekou-Touré, président de nouveaux bureaux et une galerie réser- de Livingstone a décidé, en 1968, de
de la Guinée, le 27 août 1981. De gauche vée aux activités éducatives. Le musée, réa,pénager les galeries existantes, qui ne
à droite : l'auteur, le président Sekou-Touré
et le président Kaunda.
qui reçoit environ 180 O00 visiteurs par réiondaient plus à l'évolution des techni-
[Photo : MusGe national de Zambie.] an, administre également un certain nom- ques d'exposition ni aux fonctions péda-
bre de clubs qui s'occupent de domaines gogiques qu'elles auraient diì avoir. C'est
tels que l'archéologie, l'histoire, la culture ainsi qu'en 1968 la conception des salles
et l'histoire naturelle. d'ethnographie a été modifiée : à une
Le musée de Livingstone emploie répartition des objets exposés en fonction
--"*------
I-
actuellement quarante-quatre personnes, des différents groupes ethniques s'est subs-
dont font partie des cadres (le conserva- tituée une présentation destinée à faire
teur en chef et son adjoint, les responsa- comprendre ce qu'est la nation zam-
bles des départements de préhistoire, bienne. Les changements introduits ont
d'histoire, d'entomologie, d'herpétologie, permis de donner un aperçu vivant et
d'ethnographie et des beaux-arts, le taxi- transculturel de certains objets représenta-
dermiste en chef, le responsable des servi- tifs de l'art traditionnel, de l'architecture,
ces techniques, le responsable des activités des croyances, des pratiques religieuses et
éducatives, le comptable et le bibliothé- de diverses technologies locales.
caire), quinze occupent des postes de La présentation des collections d'his-
niveau intermédiaire et dix-sept sont des toire naturelle vise à sensibiliser le grand
employés. Le musée bénéficie d'une sub- public à l'importance de la faune et de la
vention du gouvernement dont le mon- flore sauvages et de leur préservation.
tant varie d'une année à l'autre. L'essor démographique et les progrès de
I1 y a encore quelques années, ce musée l'industrialisation entraînent une aug-
ne se distinguait guère des établissements mentation du nombre de personnes en
traditionnels dans lesquels les antiquités, mesure d'acheter une arme et de pratiquer
les objets d'art, les curiosités et objets la chasse, que ce soit pour le sport ou
divers s'entassent dans de grandes vitrines pour se nourrir. Dans le même ordre
plus moins poussiéreuses. Peu &explica- d'idées, les fleuves risquent de devenir des
tions sur les pièces exposées étaient four- égouts charriant des déchets industriels,
nies aux visiteurs, et il n'était pas tou- l'atmosphère est menacée de pollution et
Le hlzcsie national de Zambie à LiuinKstone 129

Taxidermiste mettant au point (en 1976) Aide-chercheur dépouillant une jeune


un diorama consacré au léopard (Pmzthera Évocation des problèmes de conservation antilope duiker (Sylvicapra gritnmia) destinée
pardas). avec une spécialiste invitée en 1981. à être naturalisée.
[Photo .- Musée national de Zambie.] [Photo ; Musée national de Zambie.] [Photo : Musée national de Zambie.]

LL

les forêts courent le danger d'être rasées même environnement, pour comparer les vestiges du passé de l'humanité et la
afin de fournir de l'énergie à bon marché. conditions d'existence passées et actuelles reconstitution des conditions de vie à
I1 est indispensable d'éviter une telle évo- et présenter les résultats de ces études au l'époque antérieure aux temps historiques
lution et d'étudier l'impact de l'industria- grand public, en espérant qu'ils ne seront et 1 la tradition orale. I1 s'agit de rassem-
lisation sur la flore et la faune sauvages si pas sans donner quelque indication sur ce bler le maximum d'informations sur les
l'on veut assurer le développement satis- que pourrait être le mode de vie des géné- premiers établissements humains en Zam-
faisant du tourisme en Zambie. G'est la rations futures. Le musée s'efforce égale- bie et les premiers groupes d'agriculteurs
seule manière de garantir la survie des ment d'aider les touristes à comprendre sédentaires ainsi que les régions agricoles
espèces et d'éviter une pénurie de protéi- l'Africain et son environnement et à saisir du pays, la formation des États et la
nes pour les générations de demain. Une les grande lignes de force de son histoire. domestication des plantes et des animaux.
meilleure connaissance du processus Les activités culturelles ont été systé- O n distingue à cet égard deux périodes,
d'adaptation des animaux sauvages à matiquement découragées à l'époque l'âge de la pierre et I'âge du fer. Alors que
l'évolution de leur environnement peut coloniale, ce qui a conduit bon nombre l'âge de la pierre a occupé plusieurs mil-
aussi nous aider à assurer la perpétuité et d'Africains cultivés à mépriser leur propre lions d'années, l'âge du fer a commencé
la survie de l'espèce humaine. culture. I1 n'en va plus de même depuis au cours du premier millénaire avant J.-C.
Cependant rien n'a été changé en ce l'indépendance politique. Organisme pour se prolonger jusqu'aux X V I I I ~ ou
qui concerne le sol du musée, qui est tou- chargé d'étudier les cultures indigènes et X I X ~siècles de notre ère, et a entraîné un
jours en ciment. Les murs ont été revêtus d'en conserver les traces matérielles, le bouleversement total des conditions
de PVAC blanc. L'éclairage a été moder- musée de Livingstone est devenu un ins- d'existence sur presque tout le territoire
nisé par l'emploi judicieux de tubes fluo- trument très important de sensibilisation zambien. D'après les fouilles archéologi-
rescents et de spots lumineux. culturelle de tous les Zambiens. ques, les débuts de l'âge du fer remonte-
Le musée s'acquitte de sa tâche péda- raient à peu près & 360 après J.-C. pour la
gogique par des programmes de recherche province du nord, à 260 après J.-C. pour
Un nouueau rôle auprès du et de documentation qui ont tous trait, la province orientale, B 2 5 0 après J.-C.
public d'une manière ou d'une autre, aux pro- pour la province centrale et celle du
La Zambie considère que le musée de blèmes de l'environnement naturel ou nord-ouest, à 300 avant J.-C. pour la
Livingstone est une image vivante du humain. I1 existe à l'heure actuelle quatre Zambie du Sud-Ouest et à 450 après
passé, une source de culture, un symbole départements de recherche qui mènent J.-C. pour l'extrémitk sud du pays. Ces
de l'unité et de l'identité nationales au des études et publient les résultats de conclusions ne sont pas définitives, et les
carrefour des cultures ethniques. Gardien leurs travaux dans les domaines suivants : recherches se poursuivent dans différentes
du passé, des trésors culturels et artisti- l'archéologie, l'histoire naturelle, l'ethno- régions du pays. L'importance qui s'attache
ques et des valeurs nationales, qu'il doit graphie, les beaux-arts et l'histoire. O n à ces travaux tient en partie au fait qu'une
préserver intacts pour la population d'au- donnera dans les paragraphes ci-après un nation peut d'autant mieux se développer
jourd'hui et les générations futures, il rapide aperçu de l'activité de chacun de et planifier son avenir qu'elle est mieux
s'emploie à donner un aperçu global du ces départements. informée de ses origines et de son passé.
passé de la collectivité, tout en reflétant sa Le Département d'histoire s'occupe de
réalité présente et en s'efforçant de préfi- l'ère précoloniale, de l'époque des grandes
gurer l'avenir. L'un de ses principaux Préhistoire (archéologie) explorations et de la lutte couronnée de
objectifs est d'effectuer des recherches sur I1 s'agit d'un des plus anciens départe- succès en faveur de l'indépendance. Le
le mode de vie traditionnel des groupes ments du musée de Livingstone. Son acti- musée s'efforce de rassembler et de pré-
de population vivant dans la même vité s'articule essentiellement autour de senter au public des objets et des docu-
région, sous les mêmes lois et dans le deux grands axes, la collecte et l'étude des ments portant sur les divers aspects de
130 Mwimanji Nahta Chelah

Spectacle de danses offert à l'occasion de Le Département d'histoire naturelle est


l'inauguration de la Galerie d'histoire l'un des plus importants et des plus diver-
naturelle en 1969.
[Photo : Musée national de Zambie.] sifiés. I1 s'intéresse à la fois aux verté-
brés et aux invertébrés - mammifères,
oiseaux, amphibies, reptiles et insectes. I1
a pour principaux objectifs de fournir des
informations générales et spécialisées sur
l'histoire naturelle grâce aux recherches
qu'il mène sur la flore et la faune sauva-
ges, et de contribuer au travail de classifi-
cation des espèces animales. Les recher-
ches ont trait aux quatre domaines sui-
vants :
EntomoLogie. Les recherches sur les termi-
tes de Zambie portent notamment sur
l'importance économique des termites,
sur le caractère nuisible ou bénéiïque
de leur activité, sur les différentes espè-
ces de termites observées en Zambie,
etc. L'objectif est d'établir un inven-
taire national des espèces de termites
pouvant servir de référence pour les
Instruments de sorcellerie recueillis en 1981 l'histoire du pays. Ce ne sont pas seule- chercheurs.
chez un exorciste local, le DEKadansa ment les générations futures mais nous- Hetpétologie. Les recherches portent
Nsansakuwa. mêmes qui avons besoin de déchiffrer les
[Photo :Musée national de Zambie.] notamment sur l'écologie et la classifi-
mystères du passé : comment vivaient nos cation des reptiles et des amphibies des
ancêtres, d'où venaient-ils, comment plaines du bassin de la Kafue.
sont-ils devenus esclaves ou maîtres, com- OmitboLogie. Description et classification
ment ont-ils élaboré des systèmes politi- des esptces d'oiseaux zambiens. Mam-
ques perfectionnés,pourquoi n'ont-ils pas malogie. Etude des mammifères.
réussi à édifier des Etats ou des empires et Ces diverses activités, menées avec le
comment géraient-ils leurs affaires sociales souci constant de convaincre le grand
et économiques avant la pénétration des public de la nécessité de préserver la flore
idées occidentales ? Comme nous l'avons et la faune sauvages, sont menées en col-
déjà dit, il n'est pas possible de compren- laboration avec divers autres organismes
dre le présent si l'on ne sait rien du passé. gouvernementaux compétents et égale-
Ce travail contribuera indiscutablement ment par l'intermédiaire des publications
au développement national de la Zam- du musée. Certains travaux ont déjà per-
bie : étant informée des différentes étapes mis de dégager de nouvelles idées et
de son évolution, la population disposera d'améliorer nos connaissances, aidant
de points de repère historiques pour pla- ainsi les responsables à planifier un avenir
nifier le développement du pays. meilleur.
Le principe sur lequel repose le pro-
gramme de développement social et éCo-
nomique actuel du gouvernement pour- Identité czlltzlrelle
rait s'exprimer ainsi : (( Une seule nation La troisième fonction du musée de
pour tous les Zambiens. )) Il faut que les Livingstone est culturelle. Gardien du
Zambiens soient conscients de leur his- patrimoine culturel et naturel de la
toire commune pour pouvoir œuvrer de nation, le musée favorise également la
concert à la construction d'une nation coopération entre les cultures en vue d'un
moderne unie et forte. idéal commun de progrès pour et par la
Le Département d'ethnographie et des communauté. I1 permet aussi à chaque
beaux-arts étudie le mode de vie des groupe ethnique de faire connaître les
populations zambiennes. Il s'efforce témoignages concrets de son histoire et
d'observer et d'analyser les groupes de sa civilisation en l'associant à l'explo-
humains et de répertorier les méthodes et ration de son propre passé technologique,
techniques liées au travail sur le terrain, historique et artistique. Cela contribue à
s'occupant de la classification, de la des- enrichir la culture de la communauté, à la
cription et de l'analyse des divers phéno- replonger dans son histoire et à lui rendre
mènes culturels, qu'il s'agisse des armes, fierté, dignité et confiance dans ses capaci-
de l'outillage, etc. L'accent est mis sur les tés créatrices.
systèmes sociaux et sur les éléments maté-
riels de la culture traditionnelle. [Traduit de L'dngLaìs]
131

Le premier en date des musées de ce pays Le Queen Victoria Museum de Harare, Vic Levey
a été fondé en 190 1 dans la ville de Bula- spécialisé dans les sciences humaines,
Né en 1930. A fait ses études au St Andrew's
wayo, et sa tâche initiale fut d'abriter les comprend des départements d'ethnogra- College de Dublin. I1 a travail16 comme kcrivain
collections de spécimens minéralogiques phie, d'archéologie de l'âge de la pierre et professionnel pour la tkltvision, acqutrant à cette
qui ne cessaient de s'accumuler. Le Zim- d'archéologie de l'âge du fer. Le Musée occasion une expérience approfondie de la
babwe compte aujourd'hui quatre musées national, à Bulawayo, est un musée d'his- publicitit, des ttudcs de marché et des relations
toire naturelle : il comporte des départe- publiques. Membre du bureau du Comité des
nationaux et environ cent quarante relations publiques dans les musées de l'Icom et
monuments et sites historiques classés. A ments de mammalogie, d'ornithologie, membre associé de l'Institut des relations
l'origine, l'administration de ces musées d'ichthyologie, d'herpétologie, des inver- publiques du Zimbabwe, chargk des relations
et de ces sites était confiée à deux organis- tébrés et de paléontologie. Le Musée de publiques des Musées et monuments nationaux
mes distincts - Musées nationaux et Mutare, avec son département des anti- du Zimbabwe.
Commission des monuments historiques quités, est un musée historique spécialisé
- qui ont fusionné en 1972 pour devenir dans l'historie des transports routiers. Le
I les Musées et monuments nationaux. Cet Musée des Midlands, à Gweru, est le
organe statutaire rattaché au Ministère de musée de l'armée et de l'aviation, essen-
l'intérieur est dirigé par un Conseil d'ad- tiellement consacré aux choses militaires.
ministration : ses affaires et activités sont Chaque musée comprend également
coordonnées et administrées par les servi- un département des expositions et des
ces du siège, qui se trouvent à Harare, services techniques auxquels il est fait
capitale du pays, et sont dirigés par un appel pour la préparation des expositions
haut fonctionnaire. permanentes et temporaires dans les salles
I1 gère quatre musées : le Queen Vic- ouvertes au public et pour celle des spéci-
toria Museum, à Harare; le Musée natio- mens qui servent à la recherche. I1 existe
nal, à Bulawayo ; le Musée des Midlands, également un corps d'inspecteurs des
à Gweru ; le Musée de Mutare, à Mutare. monuments dont le rôle est de veiller à ce
Conformément à la politique gouverne- que les nombreux monuments et sites
mentale d'africanisation des noms, cer- historiques du pays soient convenable-
tains de ces musées seront rebaptisés dans ment préservés et entretenus.
un avenir très proche. Les activités et les Chaque département s'occupe de la
collections de chaque musée se rapportent conservation, de l'étude et de l'interpréta-
à un domaine muséographique particu- tion des matériaux ayant trait à sa disci- QUEEN VICTORIAMUSEUM de Harare,
lier. Toutefois, les salles ouvertes au pline en vue d'améliorer la compréhen- Zimbabwe.
public offrent, en vue de l'instruction de sion et la connaissance de l'histoire et de [Photo : Musées et monuments nationaux du
Zimbabwe.]
celui-ci, un large hentail d'objets illus- la préhistoire du pays, du point de vue de
trant toutes les disciplines, qu'elles soient l'évolution tant des milieux naturels que MUSÉENATIONAL de Bulawayo, Zimbabwe.
du domaine de la science ou des humani- des sociétés humaines. Les éléments d'in- [Photo : Musées et monuments nationaux du
tés. formation ainsi recueillis sont ensuite Zimbabwe.]
132 Vic Levy

NATIONAL de Zimbabwe la
MONUMENT
Grande.
[Photo : Musées et monuments nationaux du
Zimbabwe.]
La Tour-conique à l'intérieur de la Grande
enceinte a une hauteur de onze mètres et
un diamètre à la base de six mètres. On ne
sait pas encore exactement quels étaient son
rôle et sa signification symbolique.
[Photo ; Musées et monuments nationaux du
Zimbabwe.]

portés à la connaissance des visiteurs au faite des contraintes financières, les bre d'autres monuments en pierre remar-
moyen d'expositions temporaires et per- moyens de faire circuler dans le pays des quables, datant de l'âge du fer; elles se
manentes dans les musées, d'articles dans expositions de nature à informer et à ins- trouvent à Khami, Nalatale, Dhlo Dhlo
la presse, d'entretiens radiodiffusés et télé- truire les populations rurales sont actuel- et Tnyanga.
visés, par la publication et la diffusion lement étudiés. Le Zimbabwe est très riche en art
d'études et de revues scientifiques dans le Les nombreux monuments et sites his- rupestre. La section d'art rupestre du
pays et à I'étranger. toriques classés du Zimbabwe peuvent se Département d'archéologie de l'âge de la
Les deux grands musées de Harare et diviser en cinq grandes catégories : vesti- pierre a recensé officiellement plus de
de Bulawayo possèdent d'excellentes ges de l'âge de la pierre, peintures rupes- mille sites, dont le plus impressionnant
bibliothèques de consultation sur place, tres, vestiges de l'âge du fer, monuments est la magnifique grotte de Nswatugi
ouvertes aux chercheurs et aux étudiants historiques et sites naturels. dans la région des Matopos (Matabele-
accrédités qui souhaitent profiter de leurs Le plus important monument national land). Les peintures rupestres de Nswa-
services. Outre leurs activités à l'échelon du pays est Zimbabwe la Grande, un tugi figurent parmi les plus étonnantes
national, ces bibliothèques procèdent éga- ensemble de structures en pierre imposant d'Afrique et un petit musée de site en
lement à des échanges de documentation et magnifique, édifié par un État à Papo- cours de construction permettra d'illus-
muséographique et de communications et gée de sa puissance, entre 1 25 O et 145O trer la séquence des opérations et les pro-
de revues scientifiques avec d'autres de l'ère chrétienne. Les énormes murailles cédés utilisés par les hommes de la fin de
bibliothèques de musées du monde de pierre et le dédale des passages et des l'âge de la pierre qui occupaient la grotte
entier. escaliers ne manquent jamais de susciter voici plusieurs millénaires.
Les activités éducatives jouent un rôle l'admiration et l'étonnement chez le visi- La grotte de Bambata, qui fut la pre-
important. I1 existe, dans chaque musée, teur. D'une superficie d'environ 7 2 0 hec- mière d'Afrique à &re explorée par des
un département d'éducation dirigé par un tares, Zimbabwe la Grande comprend spécialistes de la préhistoire, offre égale-
éducateur détaché auprès des Musées et trois grands groupes de constructions en ment un ensemble célèbre de peintures
monuments nationaux par le Ministère de pierre sèche : l'Acropole, la Grande rupestres. Elle mesure cent douze mètres
l'éducation et de la culture. Cet éduca- enceinte ou maison principale, et les bâti- de largeur à l'ouverture et sa profondeur
teur, qui travaille en étroite collaboration ments de la vallée. Les archéologues pen- maximale est de quatre-vingt-deux
avec les écoles et les enseignants de la sent que Zimbabwe la Grande était à mètres. Un processus d'érosion dont l'ori-
région, organise régulièrement des visites l'origine un petit établissement de colons gine se perd dans la nuit des temps lui a
de groupes scolaires au musée et élabore africains qui est devenu un État riche et donné sa forme en abside, caractéristique
des programmes éducatifs qui tirent parti puissant grâce au commerce de l'or avec de nombreuses autres grottes des roches
des équipements, des collections et de la les Arabes. L'histoire du développement, granitiques du Zimbabwe.
documentation du musée. Cette activité, de la grandeur et de la décadence de Zim- Depuis l'accession du Zimbabwe à
très populaire, attire un vaste public. babwe la Grande est fascinante et tout à l'indépendance, les Musées et monuments
La grande majorité de la population du fait originale. Les travaux Scientifiques en du Zimbabwe sont devenus membres de
Zimbabwe vivant disséminée dans les cours portent essentiellement sur les l'Icom et de l'organisation des musées,
zones rurales, il est nécessaire d'étendre modes de vie et les structures socio-éco- monuments et sites d'Afrique
les services muséographiques à ces régions nomiques des peuples qui ont bâti cet (OMMSA) .
par le moyen d'expositions itinérantes. Ce ensemble et y ont vécu.
projet est à l'ordre du jour et, abstraction Le Zimbabwe compte un certain nom- [Trudait de I'ungkris. ]
Publications de l'Unesco: agents de vente

AFRIQUE D U SUD : Van Schaik's Bookstore (Pry.) Ltd., HAïTI : Librairie Q A la Caravelle I).. 26.. rue Roux. B.P. 111. PAYS-BAS : Kcesing Boeken B.V., Postbus 1118, 1000 BC
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SOFIJA. Water Lane, KINGSTON. Industrial Road, off Up er Paya Lebar Road, SINGAPORE19.
CANADA : Éditions Renouf Limitk, 2182: rue Sainte-Cathe- JAPON : Eastern Book Service Inc., 37-3 Hongo 3-chome, SOMALIE : Modem Boo! Shop and General, P.O. Box 951,
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KENYA : E u t African Publishing House, P.O. Box 30571,


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Teléfonos: 2285 y 3200.' LUXEMBOIJRG tion pmunente). Zahmicni Etcracun 11 Soukcnicka
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la Unesco, 3,"avenida 13-30, zona 1, apartado postal 244, PANAMA : Distribuidora Cultura Internacional, apartado
GUATEMALA. 7571, Zona 5, PANAMA.
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