Diarrhée Et Diabète

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POST’U (2016)

Tube digestif et diabète


; Philippe Ducrotte1, Chloé Melchior1,2
(u) Hôpital Charles Nicolle, 1, rue Germont, 76031 Rouen Cedex
1. Service d’Hépato-Gastroentérologie/ADEN Inserm UMR-1703
2. Service de Physiologie Digestive et Urinaire/ADEN Inserm UMR-1703
E-mail : [email protected]

ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE
tique est chiffrée actuellement à 3 mil-
Résumé lions d’individus. Avec 400 nouveaux
cas diagnostiqués chaque jour, elle sera
L’incidence du diabète augmente en voisine de 5 millions à l’horizon 2022.
France comme dans le reste du monde. Le diabète peut affecter le tube digestif
Les complications digestives de la à tous les niveaux [1]. Cette gastro-
maladie, principalement liées à la neu- entéropathie diabétique peut concer-
ropathie secondaire à la micro-angio- ner jusqu’à 75 % des patients dans
pathie, altèrent considérablement la certaines séries. Certaines manifesta-
qualité de vie du diabétique et parti- tions, telle qu’une gastroparésie, vont
cipent au déséquilibre glycémique. affecter l’histoire naturelle de la mala-
Elles peuvent toucher l’ensemble du die diabétique en compromettant
tractus digestif. Leur prévalence est l’équilibre du diabète avec un impact
d’autant plus élevée que le contrôle sur la mortalité et la morbidité de la
glycémique est imparfait. Cependant, maladie diabétique. D’autres, comme
des études de cohorte montrent que les troubles du transit, altérent avant
des facteurs indépendants de l’hyper- tout la qualité de vie des malades.
glycémie, environnementaux et nutri- Toutes ces manifestations sont à l’ori-
Objectifs pédagogiques tionnels interviennent dans la physio- gine de dépenses de santé notables en
pathologie de la neuropathie. On raison des hospitalisations très fré-
– Connaître les différentes pathologies observe chez les diabétiques au niveau quentes qu’elles provoquent.
digestives associées au diabète de l’œsophage une prévalence accrue
– Connaître les mécanismes provo- de troubles moteurs, source de dyspha- Les conséquences du diabète sur le
quant les troubles moteurs gie et de reflux. La gastroparésie est la tube digestif et l’augmentation d’inci-
complication digestive la plus invali- dence de la maladie vont amener les
– Connaître la prise en charge de la
dante. Avec la diarrhée et l’inconti- hépato-gastroentérologues à être de
gastroparésie diabétique
nence fécale, cette gastroparésie altère plus en plus confrontés aux consé-
considérablement la qualité de vie du quences digestives de la maladie
patient et contribue au mauvais équi- diabétique.
libre du diabète. Des pathologies auto- Nous n’aborderons pas dans ce cha-
immunes peuvent également être pitre deux aspects particuliers : a) les
associées au diabète de type 1 et doivent modifications du microbiote intestinal
être recherchées. Les symptômes diges- qui peuvent conduire à l’apparition
tifs sont souvent intriqués ce qui rend d’un diabète de type 2, b) le problème
le diagnostic difficile. Fréquemment général de l’apport de la chirurgie
un traitement symptomatique doit bariatrique et de ses conséquences
être associé à la restauration de l’équi- fonctionnelles lorsqu’elle est proposée
libre glycémique pour améliorer la comme traitement de fond d’un
symptomatologie et éviter que l’at- diabète de type 2.
teinte digestive soit par elle-même
source de déséquilibre du diabète.
Quelle est la
Introduction physiopathologie
de l’atteinte digestive
Le diabète, qu’il soit de type 1 ou 2, est au cours du diabète ?
une maladie de plus en plus préva-
lente. En France, la population diabé- Elle est multifactorielle.

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L’atteinte nerveuse [2-6] Les modèles expérimentaux d’ani- changements dans l’écosystème intes-
maux, rendus diabétiques par injection tinal pourraient également jouer un
Elle concerne à la fois le réseau neuro- de streptozotocine, révèlent que le rôle via la modification des acides
nal entérique (SNE), riche réseau neu- diabète s’associe précocement à une biliaires endo-luminaux qu’ils entraî-
ronal organisé sous la forme de deux dégénérescence neuronale à tous les nent. Lorsque des troubles moteurs
plexus (myentérique et sous-muqueux) niveaux du tube digestif. Les pertes intestinaux apparaissent, une pullula-
et comportant des neurones sensoriels neuronales initiales concernent prin- tion microbienne est souvent détectée.
et moteurs ainsi que des interneu- cipalement les neurones à effet moteur
rones, et le système nerveux extrin- inhibiteur via la libération de subs- Les perturbations hormonales [9-10]
sèque. Dans les conditions normales, tances, avant tout le monoxyde d’azote
l’échange d’informations sensitives et (NO) mais aussi le VIP ou le neuro- Une raréfaction des cellules endocrines
motrices entre le SNE et le système ner- peptide Y. Inversement, les neurones et une diminution de leur sécrétion ont
veux central via le système nerveux excitateurs à acétylcholine ou à subs- été mises en évidence chez le sujet dia-
extrinsèque conditionne le fonctionne- tance P sont préservés. Chez l’homme, bétique. Ces sécrétions hormonales
ment normal du tube digestif, notam- des lacunes plus ou moins étendues anormales contribuent aux troubles de
ment lors de la prise alimentaire. Au dans le maillage neuronal, la perte de la motricité et de l’absorption. Le rôle
cours de la maladie diabétique, ces neurones nitrergiques et la raréfaction d’une réduction du pool des cellules
2 systèmes peuvent être touchés et la des cellules de Cajal ont été rapportées sécrétant de la ghréline est notam-
perturbation de leur échange d’infor- chez les diabétiques de type 1 et 2 souf- ment mis en avant [10].
mations contribue à la survenue de frant d’une gastroparésie. Ces anoma-
troubles moteurs et/ou à l’altération lies étaient d’autant plus marquées
Le rôle du mauvais équilibre
de la sensibilité digestive. que le diabète était sévère. Un stress
glycémique [1]
oxydatif accru provoquant la produc-
tion de radicaux libres, une inflam- Le mauvais équilibre glycémique, qui
La neuropathie autonome [2-3]
mation d’origine gliale, la réduction peut être favorisé par l’existence d’une
Elle est la mieux connue car elle affecte de certains facteurs neurotrophiques gastroparésie, est un élément majeur
près d’un malade diabétique sur deux (neurotrophine-3, facteur de croissance dans la survenue de la gastro-entéro-
après 20 ans d’évolution du diabète. Les d’origine insulinique) sont autant d’élé- pathie diabétique.
lésions concernent les petites fibres ments contribuant aux altérations neu-
ronales et à une apoptose excessive. L’équilibre glycémique a un effet direct
amyéliniques des systèmes sympa-
sur la motricité digestive par des méca-
thique et parasympathique, ainsi que
nismes mal élucidés, au moins partiel-
le pneumogastrique et les ganglions et L’atteinte intestinale lement hormonaux. Quand la glycémie
les troncs nerveux sympathiques. Elle proprement dite s’élève au-dessus de 8 mmol/L la motri-
est liée à une microangiopathie. Des
cité antro-pyloro-duodénale est altérée.
phénomènes inflammatoires et isché-
L’augmentation de la perméabilité L’hyperglycémie contribue également
miques micro-vasculaires secondaires
intestinale [7] à l’agression des neurones entériques
à des altérations des vasa vasorum
en induisant un stress oxydatif et une
déterminent l’apparition de cette neu- La qualité de la barrière intestinale, apoptose qui affectent les voies méta-
ropathie qui est entretenue et même notamment sa perméabilité, est essen- boliques intracellulaires et le fonction-
aggravée par un diabète mal équilibré. tielle pour que l’interaction entre le nement de la glie. Ces effets de l’hyper-
Sur le plan digestif, la neuropathie milieu luminal et le système immuni- glycémie contribuent à la fois aux
autonome se traduit avant tout par une taire intestinal se fasse de façon opti- troubles moteurs et sensitifs digestifs
gastroparésie et des troubles du transit, male. Une augmentation de la per- observés chez les diabétiques [6, 11].
constipation ou diarrhée. L’atteinte méabilité intestinale, essentiellement
autonome provoque aussi des troubles para-cellulaire, existe dans le diabète
cardio-vasculaires (tachycardie de de type 1 et 2. Elle est mise en cause Les différentes atteintes
repos, incapacité de s’adapter à l’effort, dans l’apparition du diabète 1 et 2 mais
également dans celle de la gastroenté-
digestives et leur traitement
hypotension orthostatique), des
troubles de l’érection, une mauvaise ropathie du diabétique. Ces anomalies
adaptation pupillaire à l’obscurité, une précèdent l’apparition des symptômes L’atteinte digestive haute
dysurie et une incapacité à ressentir digestifs.
correctement les symptômes d’une Elle est particulièrement délétère car
hypoglycémie. Les anomalies du microbiote [8] elle altère la qualité de vie mais contri-
bue aussi au mauvais équilibre du
Cette neuropathie autonome est asso- L’importance du microbiote intestinal diabète.
ciée à une surmortalité avec une mor- est de plus en plus mis en avant dans
talité à 10 ans de 29 %, contre seule- de nombreuses pathologies digestives.
ment 6 % chez les patients indemnes.
La gastroparésie diabétique [12-14]
Des modifications du microbiote
La mortalité est avant tout en rapport existent au cours du diabète, surtout Le diabète, qu’il soit de type 1 ou 2, est
avec les troubles cardio-vasculaires. de type 2, avec notamment une dimi- la cause dans 30 % des cas d’un ralen-
nution des Bactéroidetes et une aug- tissement objectif de la vidange gas-
L’atteinte du SNE [4-6] mentation des Firmicutes. Ces modifi- trique, en l’absence de tout obstacle
cations paraissent favorisées par un mécanique (définition d’une gastropa-
Elle est de description plus récente. apport alimentaire lipidique élevé. Les résie). Dans le diabète de type 1, l’inci-

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dence cumulée de cette gastroparésie La prise en charge efficace de la gas­ Mais l’utilité de dilatations pneuma-
sur 10 ans est de 4,8 %, avec une surve- troparésie demeure un challenge pour tiques pyloriques ou d’injections
nue particulièrement fréquente chez le clinicien. intrasphinctériennes de toxine botu-
les malades atteints d’une néphropa- lique demeure à démontrer [16]. La
thie, d’une rétinopathie et/ou d’une La première ligne de mesures s’appuie difficulté clinique réside dans la dif-
neuropathie diabétique. L’incidence sur des recommandations hygiéno- ficulté d’identifier dans la pratique
cumulée de la gastroparésie est seule- diététiques (fragmentation de la prise les malades diabétiques gastroparé-
ment de 1 % dans le diabète de type 2. alimentaire, réduction de la fraction tiques ayant un spasme pylorique.
lipidique et de l’apport en fibres), la L’effet symptomatique de la SEG a été
Sont évocateurs des vomissements suppression les médicaments ralentis- décrit dans des gastroparésies diabé-
réguliers qui soulagent un inconfort sant la vidange gastrique, la normali- tiques, sévères (vomissements pluri-
épigastrique, une plénitude épigas- sation de la glycémie et le recours aux quotidiens avec retentissement
trique post-prandiale avec sensation prokinétiques [12, 15]. nutritionnel) et réfractaires à tous les
de digestion prolongée, une satiété traitements avec un gain pondéral et,
précoce et/ou nausées. Le déclenche- Le métoclopramide est efficace mais la
dans certaines séries, une équilibra-

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ment ou l’aggravation de la symp- fréquence de ses effets secondaires
(20 %) en limite l’utilisation. L’utili- tion plus facile du diabète avec une
tomatologie par la prise alimentaire baisse du chiffre d’hémoglobine
renforce la suspicion diagnostique. sation de la dompéridone est désor-
mais déconseillée en raison du risque glycosylée [17].
Cependant,seulement 40 % des malades
de troubles du rythme qui n’est pas
décrivant de tels symptômes souffrent Quand la perte de poids excède 10 %,
réellement d’une gastroparésie. Dans contre-balancée par une efficacité
le recours à l’alimentation artificielle
certains cas,les mêmes symptômes peu- symptomatique démontrée à moyen
se discute. Du fait de sa moindre mor-
vent même témoigner d’une vidange terme. L’érythromycine et l’azithromy-
bidité et de sa meilleure efficacité, la
anormalement rapide. Une douleur cine ont des propriétés prokinétiques
nutrition entérale, en site duodénal ou
abdominale épigastrique ou péri- qui dépendent de la dose administrée
jéjunal, est à préférer à la nutrition
ombilicale, volontiers quotidienne, et du mode d’administration : par voie
parentérale. L’intérêt d’une solution
parfois permanente, est un autre mode intraveineuse, l’érythromycine doit
chirurgicale, telle qu’une diversion
de révélation d’une gastroparésie. être infusée à la dose de 3 mg/kg en
duodénale, est très discuté [15].
Nocturne dans près de 2/3 des cas, elle 20 à 30 minutes pour déclencher des
perturbe le sommeil d’un malade sur contractions antrales alors que 250 mg
deux. Chez certains malades, la douleur toutes les 6 à 12 heures est la dose pré- L’atteinte œsophagienne
est décrite comme un ballonnement conisée pour une administration orale
d’érythromycine. L’azithromycine a Les troubles moteurs œsophagiens au
gênant, de siège sus-ombilical.
été testée à la dose de 250 mg en intra- cours du diabète sont non spécifiques
Parmi les malades gastroparétiques, les veineux. Il faut savoir pour l’erythro- [18-20]. Ils seraient retrouvés chez
diabétiques ont une particularité : la mycine, que l’hyperglycémie diminue plus d’un diabétique sur deux décri-
gastroparésie peut être pauci sympto- son efficacité, qu’un phénomène de vant des symptômes orientant vers le
matique et les vomissements sont sou- tachyphylaxie est problématique lors tube digestif haut, même en l’absence
vent absents. Dès lors, il est important d’une utilisation prolongée et que de dysphagie caractérisée. Les contrac-
d’évoquer la gastroparésie devant des l’érythromycine, substrat et inhibiteur tions sont mal ou non propagées et/ou
signes indirects : perte de poids mal du cytochrome P450 3A4, interagit d’amplitude réduite, parfois répéti-
comprise, symptomatologie de reflux avec le métabolisme hépatique de tives. Un défaut de relaxation du
gastro-œsophagien mal contrôlée par nombreux médicaments tels que le sphincter inférieur de l’œsophage est
un traitement anti-sécrétoire bien fluconazole, le kétoconazole, le vérapa- possible avec, au maximum, un tableau
suivi, difficultés d’équilibration du dia- mil ou le diltiazem. La co-administra- manométrique d’achalasie. L’atteinte
bète. Dans le diabète de type 1, la gas- tion d’érythromycine avec des médica- œsophagienne, en contrariant la prise
troparésie désynchronise l’horaire des ments allongeant l’espace QT est à alimentaire, est délétère pour l’équi-
pics glycémiques post-prandiaux par éviter de façon formelle car l’érythro- libre du diabète.
rapport aux horaires proposés des mycine augmente le risque d’allonge-
injections d’insuline et favorise les ment de l’intervalle QT et de torsade de Un reflux gastro-œsophagien (RGO) est
accidents hypoglycémiques. Dans le pointe, surtout dans les 4 jours suivant décrit par 14 % des malades diabé-
diabète de type 2, la gastroparésie favo- l’institution du traitement et en cas de tiques, plus volontiers dans le diabète
rise la mauvaise biodisponibilité des cardiopathie sous-jacente. Le prucalo- de type 2 (prévalence entre 25 et 41 %),
anti-diabétiques oraux, source d’hyper- pride, agoniste 5-HT4, peut être testé notamment par les malades dont le
glycémies. mais son effet moteur gastrique est diabète évolue depuis plus de 10 ans
moins net que celui décrit au niveau du [21]. Il peut être favorisé par une
Du fait de l’absence de corrélation côlon. Les analogues de la ghréline sont gastroparésie qui augmente le contenu
entre les symptômes et la réalité d’une en cours d’évaluation. gastrique susceptible de refluer. L’alté-
gastroparésie, une mesure objective ration du péristaltisme œsophagien
de la vidange gastrique est utile pour L’échec de ces mesures de première retarde la clairance acide œsopha-
assoir le diagnostic. Si la méthode de intention conduit à discuter l’option gienne et accroît le risque d’œso-
référence demeure la scintigraphie, d’un traitement endoscopique ou phagite. Dans certaines séries, la neu-
une étude de cette vidange avec un une stimulation électrique à haute ropathie viscérale est apparue un
test respiratoire à l’acide octanoïque fréquence de l’estomac (SEG). Un facteur indépendant de risque d’œso-
marqué par le 13C, isotope stable du spasme pylorique peut expliquer cer- phagite liée à une moindre sensibilité
carbone, est envisageable. taines gastroparésies diabétiques. muqueuse œsophagienne aux épisodes

101
de reflux [19]. Plus de 20 % des malades de malabsorption majeur ni amai- à la recherche d’une production d’hy-
avec neuropathie périphérique étaient grissement. drogène précoce après charge orale
porteurs d’une œsophagite ulcérée en glucose est une alternative dispo-
La diarrhée du diabétique est souvent
asymptomatique. La prise en charge du nible dans quelques centres. Le plus
multifactorielle. Celle spécifiquement
RGO et des troubles moteurs de l’œso- souvent, le diagnostic est envisagé de
rattachée à une complication du dia-
phage chez les diabétiques n’a rien de principe et un traitement antibiotique
bète est majoritairement présente chez
spécifique. d’épreuve est proposé à la fois comme
les diabétiques de type 1, notamment
test diagnostique et comme traite-
les hommes (sexe ratio : 3/2), surtout
ment. Les fluoro-quinolones repré-
L’atteinte du tube digestif bas lorsque la durée d’évolution de leur
sentent l’antibiothérapie de choix, en
diabète insulino-dépendant dépasse
Elle contribue de façon importante à raison de leur pouvoir bactéricide sur
8 ans, et qu’une neuropathie autonome
l’altération de la qualité de vie des la majorité des entérobactéries et de
existe. La neuropathie autonome ou
malades. leur spectre épargnant les bactéries
viscérale diabétique altère les motrici-
anaérobies. En pratique, la mono-anti-
tés grêlique (interdigestive et post-
biothérapie orale de 7 à 10 jours est
Les troubles du transit prandiale) et colique : disparition des
l’attitude conseillée par la plupart des
complexes migrants moteurs absents,
auteurs. Elle peut être répétée ou réa-
La Diarrhée [22] activité de type Phase II continue,
lisée en alternance avec une autre
contractions non coordonnées et non
classe thérapeutique en cas de rechute.
Une diarrhée chronique survient chez propagées, absence de réponse motrice
Un antibiotique très peu absorbé, la
3 à 22 % des diabétiques selon les du grêle à la prise alimentaire, dimi-
rifaximine est une nouvelle option
études. Cliniquement, il s’agit d’une nution des contractions propulsives
[25], qui ne pourra être pour l’instant
diarrhée plutôt motrice, explosive, duodénales, et augmentation des
utilisé qu’hors AMM puisque le médi-
volontiers intermittente. Les selles contractions rétrogrades. Ces anoma-
cament est indiqué dans la prévention
sont abondantes, plutôt aqueuses, lies motrices provoquent souvent une
ou le traitement de l’encéphalopathie
fréquentes (plus de 10 selles par jour), pullulation bactérienne endo-luminale
hépatique. Avec l’antibiothérapie, la
souvent nocturnes. Une stéatorrhée est qui aggrave la diarrhée [23, 24]. Au
réduction des apports en lactose peut
possible. La diarrhée peut être associée niveau du côlon, la perte des méca-
être bénéfique.
à une incontinence fécale et doit être nismes inhibiteurs de contrôle (VIP,
distinguée d’une fausse diarrhée de NO) secondaire au diabète accroît la Lorsque la pullulation est liée à la
constipation, également fréquente. motricité. L’effet diarrhéogène de ces disparition des phases III dans le grêle,
troubles moteurs est accentué par il est logique d’essayer d’en induire
Toutes les causes de diarrhée des non l’altération des capacités d’absorption pharmacologiquement : la trimébutine
diabétiques peuvent être retrouvées hydro-électrolytique coliques. (dose minimale : 600 mg/jour), l’éry-
chez les diabétiques, mais il faut systé- thromycine à faible dose (40 à 50 mg)
matiquement éliminer une diarrhée Sur le plan thérapeutique, les ralentis-
ou surtout l’octréotide (50 à 100 µg par
provoquée par la prise de Biguanides seurs du transit d’utilisation courante
voie sous-cutanée, 1 à 3 fois par jour)
(GLUCOPHAGE®, STAGID®…), une diar- sont préconisés en première intention.
[26], sont des solutions thérapeutiques
rhée avec stéatorrhée due à une pan- En cas d’échec,la colestyramine (1 sachet,
potentielles.
créatite chronique, une diarrhée secon- trois fois par jour avant les repas) peut
daire à une hyperthyroïdie associée au être essayée. Cette résine permet de
diabète ou encore une diarrhée due à séquestrer les acides biliaires synthé-
une maladie cœliaque à laquelle ferait tisés en excès par l’absence de régula- La constipation
penser un syndrome de malabsorption. tion entérocytaire. Une autre résine, le
colesevelam serait plus efficace mais 20 à 44 % des sujets diabétiques souf-
La diarrhée diabétique elle-même le médicament est pour l’instant friraient de constipation ou auraient
est une diarrhée hydrique, fécale, non réservé en ATU dans certaines hyper- recours à l’utilisation de laxatifs [1].
sanglante, indolore, présentant deux cholestérolémies. Cette constipation peut être autant
caractéristiques cliniques essentielles : une constipation de transit que la
la fréquence des selles allant de 10 à La pullulation microbienne : une
conséquence d’un trouble de l’évacua-
30 selles par jour, impérieuses, sur- cause à ne pas méconnaître [23].
tion rectale.
venant souvent après les repas et
Elle expliquerait près d’une diarrhée
parfois la nuit ou à l’occasion d’une Les mécanismes qui favorisent le
chronique sur deux chez le diabétique.
hypoglycémie. Elle s’accompagne dans ralentissement du transit colique chez
En cas de pullulation, le nombre de
50 % des cas, d’une incontinence fécale. le diabétique sont la diminution du
selles quotidiennes et le nombre de
L’évolution se fait par poussées de quel- réflexe gastro-colique précoce et tardif,
symptômes gastro-intestinaux aug-
ques jours à quelques semaines, suivies la diminution du réflexe péristaltique
mentent. Sa présence n’est pas corrélée
d’un retour du transit à la normale par atteinte du SNE, l’augmentation de
avec la durée du diabète. Elle est favo-
ou même assez fréquemment d’une l’amplitude des contractions coliques
risée par les troubles moteurs du grêle,
constipation. Cette rythmicité est donc segmentaires spontanées par la libéra-
notamment l’absence de complexes
bien différente de celle de la fausse tion en excès de neurotransmetteurs
moteurs migrants [24].
diarrhée des constipés. Fait particulier, excitateurs et/ou un défaut de neuro-
cette diarrhée s’accompagne dans 50 % Le diagnostic demeure difficile. Le transmetteurs inhibiteurs,et la moindre
des cas d’une stéatorrhée modérée, tubage duodénal protégé est réservé à réponse des mécanorécepteurs coliques
sans déficit pancréatique externe ou quelques centres et ne détecte pas une à la distension, secondaire à l’hypergly-
atrophie villositaire et sans syndrome pullulation iléale. Un test respiratoire cémie [27]. Parallèlement, la diminu-

102
tion de la sensibilité rectale contribue et le nutritionniste est souvent néces- 2 diabetes in the general population. Am J
à des troubles de l’évacuation rectale saire. En cas de difficultés, des théra- Gastroenterol 2012;107:82-8.
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intestinale accrue offrent de nouvelles
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103
5
Les Cinq points forts
L’équilibre glycémique est un objectif thérapeutique majeur pour
améliorer l’efficacité de la prise en charge des complications digestives.
Il faut savoir évoquer une gastroparésie, souvent paucisymptomatique,
devant des difficultés d’équilibration glycémique.
La diarrhée du diabétique est le plus souvent plurifactorielle. Un test
thérapeutique par antibiotiques peut être intéressant dans l’hypothèse
d’une pullulation microbienne qui existerait dans près d’un cas
sur deux.
La cause iatrogène (biguanides) est toujours à évoquer devant une
diarrhée chez un diabétique de type 2.
L’incontinence fécale, que le patient qualifie parfois de « diarrhée », est
favorisée par les troubles du transit, un trouble de la sensibilité rectale
et/ou une incompétence sphinctérienne.

Questions à choix unique

Question 1
Quelle est la proposition exacte concernant la gastroparésie diabétique
❏ A. Elle ne complique que le diabète de type 1
❏ B. Elle est aggravée par les hypoglycémies
❏ C. Elle doit être envisagée devant un diabète difficile à équilibrer
❏ D. L’injection intra-pylorique de toxine botulique a démontré son efficacité
❏ E. La stimulation électrique à 3 impulsions/min est efficace

Question 2
Quelle est la proposition exacte concernant la diarrhée chez le diabétique ?
❏ A. Elle affecte moins de 5 % des diabétiques
❏ B. Elle est uniquement post-prandiale
❏ C. Elle est quotidienne
❏ D. Elle n’est pas plus fréquente quand existe une neuropathie autonome
❏ E. Elle est souvent expliquée par une pullulation bactérienne endo-luminale

Question 3
Parmi les facteurs suivants, quel est celui qui joue un rôle démontré dans l’atteinte digestive au cours du diabète ?
❏ A. La raréfaction des cellules interstitielles de Cajal
❏ B. L’hypersensibilité viscérale
❏ C. L’excès de sécrétion de ghréline
❏ D. Une sur-expression des récepteurs 5HT4 de la sérotonine
❏ E. L’excès de neurones inhibiteurs dans le système nerveux entérique

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