Cours Séquence 2

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Leçon 2

1 Le dialogue comme condition d’accès à la vérité

1.1 Critique de l’opinion (notion d’évidence)

Sous quelle forme se présente une opinion ? Analyse structurelle de l'opinion.

Les opinions sont prononcées de manière spontanée, directe, brutale, c'est-à-dire sans aucune
définition, explications, démonstrations, justifications, raisonnements, argumentations. Le propre des
opinions est d'être prononcées de manière irréfléchie, immédiate.

Il est de l'essence de l'opinion de se définir seulement par le type de rapport que le sujet entretient
avec ce qu'il affirme et non par le contenu de ce qu'il affirme. Ce n'est pas ce qui est affirmé par
quelqu'un qui détermine l'opinion, c'est le rapport immédiat, irréfléchi, purement affirmatif,
énonciatif et péremptoire avec ce qui est affirmé qui détermine l'opinion

D’où nous viennent nos opinions ? Analyse génétique de l'opinion.

Elles proviennent de sources non contrôlées, non maîtrisées et non réfléchies : l'expérience
quotidienne, les médias, notre éducation, l’intérêt, les passions. L'ensemble des phénomènes qui ont
une influence incontrôlée sur notre esprit. De manière spontanée, irréfléchie, nous reproduisons, nous
répétons des jugements tout faits prononcés par des individus qui ont sur nous une certaine autorité,
en qui nous faisons confiance ou tout simplement que nous aimons.
Ce qui caractérise donc l'incorporation d'opinions, c'est notre passivité intellectuelle, notre
soumission, notre démission intellectuelle. Mais, la passivité intellectuelle se distingue de la simple
paresse intellectuelle : la passivité est notre lot commun au moins au début de notre existence, cf.
Descartes : Ayant été enfant avant que d'être homme, nous n'avons pas pu faire autrement que
d'écouter et de croire ce qu’on nous disait et de le tenir pour vrai.

A quoi servent nos opinions ? Analyse fonctionnelle de l'opinion.

Fonction psychologique : elle rassure, elle donne des repères dans l'existence, elle nous permet de
croire que nous connaissons la réalité, et donc d'agir comme il convient, en fonction de ce que sont les
choses. Elle permet de pouvoir s'affirmer dans l'ordre du discours, de prendre la parole, d'avoir
quelque chose à dire aux autres.

Fonction sociale : l'opinion est un moyen d'intégration sociale, elle sert à se faire reconnaître par un
groupe social, de s'y faire accepter.

1.2 Les limites de la pensée réflexive individuelle : les biais cognitifs

Quatre problèmes que les biais nous aident à régler :

- La surcharge d’information,

- le manque de sens,
- le besoin d’agir vite

- comment savoir de quoi on doit se rappeler plus tard

« Il faut bien comprendre qu’il y a deux systèmes de pensée qui cohabiteraient dans notre cerveau : le
« système 1 » et le « système 2 ». Le second, c’est le système analytique, rationnel. Le premier, c’est la
pensée intuitive, qui permet de prendre des décisions rapides, presque automatiques. Le but de ce
système, au regard de l’évolution de l’espèce humaine, aurait été non pas la réflexion ou la recherche
de vérité mais bien la survie. » https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/psychologie/biais-
cognitifs-nous-sommes-tous-pieges-par-notre-cerveau-meme-les-genies-769666

*Recherche à faire

Pascal Wagner-Egger. « Méfiez-vous de votre cerveau »

1.1 1.3 Approche dialectique de la vérité (dialogues socratiques et allégorie de la


caverne)
Qu'est-ce qui peut provoquer cette sortie ; qu'est-ce qui peut forcer à sortir de l'immédiat, ébranler la
confiance en soi de l’opinion ?

Les conditions de la rupture avec l’opinion.

La rencontre avec l'altérité.

L’exercice philosophique est douloureux (attendez-vous à souffrir !) : « ceux qui s’attachent à moi dit
Socrate ressemblent en ce point aux femmes en mal d’enfants : ils sont en proie aux douleurs et sont
nuit et jour remplis d’inquiétudes ». Or ces douleurs « mon art est capable de les éveiller et de le faire
cesser » Théétète, Platon. Le philosophe éveille donc des inquiétudes, voilà pourquoi Socrate est
comparés à un taon, qui réveille les dogmatiques, qui interdit la torpeur paresseuse de ceux qui ont
des réponses toutes faites, et une torpille (elle engourdit quand on la touche, mais Socrate accepte la
métaphore à condition de préciser que le philosophe est une torpille qui est elle-même engourdit
quand elle engourdit) qui paralyse la présomption et les faux savoirs.

Le désir, le souci de la vérité

Méthode de socratique : maïeutique, ironie, dialectique

Platon décrit une situation fictive : des prisonniers attachés depuis toujours au fond d'une caverne.
Platon donne la clef principale de l'allégorie : ces prisonniers, c'est nous !
En quoi notre situation ressemble-t-elle à celle des prisonniers ?
Il veut dire par là que nous prenons les apparences pour la réalité.
Ils sont victimes de leurs illusions de la même manière que nous sommes victimes de nos opinions en
nous laissant abuser par les sens et les apparences
Les chaînes qui les contraignent à regarder le sans pouvoir se retourner symbolisent le caractère
aliénant de l'opinion qui nous maintient dans l'ignorance sans que nous puissions nous en apercevoir.
L'ignorance s'ignorant elle-même ne peut se manifester que sous la forme d'un faux savoir (l'opinion)
provenant d'une trop grande confiance accordée au sens, aux apparences, et aux habitudes.
Et, nous sommes "prisonniers des apparences". Nous n’avons pas besoin de chaînes, celles-ci sont
remplacées par la foi que nous accordons à ce que nous voyons (provenant de l’habitude, du
consensus …).
Platon nous invite à distinguer deux types d’ignorance. L’une, l’absence de connaissances l’autre le
pseudo-savoir. Or, le manque de connaissance n’est pas pour lui l’ignorance véritable. L’ignorant
véritable est donc celui qui croit savoir et non pas celui qui ne sait pas, celui à qui l’opinion tient lieu de
science. Les prisonniers de la caverne se croient très savants.
Résistance de l'opinion : l'opinion est sécurisante, l'ébranler, la mettre en doute, c'est porter atteinte à
cette sécurité (trouble, souffrance) - Zone de confort.
Comme le prisonnier détaché a tendance à vouloir retrouver ses liens, nous avons tendance à nous
enfermer dans nos opinions et à nous retrancher derrière elles. Difficulté de la philosophie ; simplicité
de l’opinion

= Usage de la force pour libérer le prisonnier

Notions : rhétorique, sophistiques, éristique

Transition critique : Limites du dialogue : rapports de pouvoir/ échecs de l’intelligence collective

Echec : Le rejet de l'altérité : violence /rapports de pouvoirs / Biais collectifs

De cette manière, on peut la neutraliser, faire en sorte qu’elle cesse de nous parler, d'être importante.

- Fermeture et rejet : attitude qui consiste à penser que sa propre culture incarne
l'accomplissement de l'humanité et de la culture. Dans tous les cas, on annule la possibilité de
la rencontre authentique

Cf : Athènes condamnant Socrate à mort parce qu'il dérangeait tout le monde avec ses
questions qui obligeaient à réfléchir et à renoncer à ses opinions, à ses préjugés.

Les idées neuves sont parfois révolutionnaires et en ces sens dérangeante pour la pensée dominante
en place. Les vérités les plu fécondes sont parfois proposées dans le scandale et l’étonnement et ne
s’impose pas comme des évidences. Le sentiment d’évidence est une donnée purement subjective qui
ne peut fournir un fondement objectif à la vérité.

- Effet de polarisation : des études de psychologie sociale ont en effet montré que la discussion a
souvent pour effet de renforcer la tendance préexistante des opinions au sein d'un groupe
délibérant. Radicalisation de l'opinion dans le sens initialement dominant. Ainsi, un groupe
dans lequel l'opinion médiane se trouve, avant la discussion, modérément favorable à une
politique quelconque (l'usage de la peine de mort, par exemple) aura une opinion médiane
fortement favorable à cette mesure après en avoir discuté. Inversement, si la tendance au sein
du groupe était, au départ, modérément défavorable à la mesure considérée, elle y serait,
après discussion, fortement opposée.

L’expression la plus humble du dogmatisme est le fait d’être buté, de considérer ses propres
convictions comme les seules qui valent. Attitude qui n’est jamais éloignée de la violence des
fanatiques. « Sous les résolutions fermes se dresse un poignard, les yeux enflammés présagent le
meutre. » Cioran. Précis de décomposition.

2 La méthode expérimentale pour s’approcher du réel


2.1 Attitude scientifique
D’après Auguste Comte, la connaissance scientifique représente la maturité de l’esprit humain,
maturité difficilement acquise au terme d’une longue histoire. Les hommes adoptèrent d’abord des
explications théologiques du monde (la tempête expliquée par un caprice du dieu des vents, Eole).
Plus tard, ils remplacèrent les dieux par des forces abstraites et on eut l’explication métaphysique (la
tempête expliquée par la vertu dynamique de l’air. Enfin l’explication moderne, positive ou
scientifique, renonce à imaginer le pourquoi ultime des choses et se contente de décrire comment
les faits se passent.

Comte propose une vision linéaire et progressive de l'histoire humaine, ce qui peut être considéré
comme une simplification excessive. Les critiques soulignent que les sociétés et les individus ne
suivent pas nécessairement cette progression rigide et que différentes cultures peuvent manifester
ces états simultanément ou dans un ordre différent.

Pour autant sa théorie a le mérite d’attirer noter attention sur le fait que l’attitude scientifique n’est
pas spontanée chez l’homme : elle est un produit tardif de l’histoire.

Les explications primitives que l’homme donne des phénomènes naturels qui l’entourent
apparaissent souvent anthropomorphiques : l’homme projette spontanément et inconsciemment sa
propre psychologie sur la nature.

Ex : l’alchimiste Paracelse (1493-1541) croyait que la rouille et le vert-de-gris étaient les « excréments
des métaux » qui « mangent et boivent plus que de raison dans le sein de la terre » : Chimie
imaginaire basée sur l’expérience humaine de la digestion.

Remarquons que le langage est le véhicule spontané de l’anthropomorphisme : nous animons les
phénomènes matériels en disant par exemple que l’eau dort, etc.

Voir texte de Bachelard- Fiche support

Dès lors, il est nécessaire de procéder à une « psychanalyse de la connaissance » comme le


préconisant Bachelard c’est-à-dire débarrasser la connaissance des projections psychologiques
spontanées et inconscientes et construire l’objectivité par la médiation de détours et d’artifices :
expérimentation.

2.2 La démarche expérimentale


Il s’agit donc de passer du qualitatif, de l’hétérogène composé par des êtres distincts considéré
comme des substances à du quantitatif (mesure), une unification rationnelle (principes explicatifs
expliquant la diversité du réel) et des rapports constants entre phénomènes. La chaleur d’une eau
n’est pas un attribut d’une chose, c’est da l’agitation moléculaire. Le poids dépend du champ
gravitationnel.

Méthode : observation- Hypothèse /conjecture/test de l’hypothèse

Inexact de dire d’ailleurs que la science commence par l’expérience : elle commence plutôt avec des
faits que Bachelard appelle « polémique »

Ex : En 1643, les fontainiers de Florence tirant l’eau d’une citerne avec une pompe aspirante,
constatent qu’au-delà de 10m33 l’eau ne monte plus dans la pompe vide. Voilà un fait typiquement
polémique car il contredit la théorie admise à l’époque : la nature a horreur du vide. Ce fait constitue
un problème que Galilée, Toricelli et Pascal vont s’attacher à résoudre.

La nature n’offre pas spontanément son explication à l’observateur. En réalité la cause est d’abord
cachée ; il faut commencer pas la supposer, l’imaginer.
Hypothèse de Torricelli : la pression atmosphérique. C’est une hypothèse risquée par l’esprit, une
exigence plutôt qu’une expérience immédiate. Il a supposé que l’atmosphère forme au-dessus de la
terre une colonne d’un poids déterminé. Cette invention est un acte rationnel.

C’est l’hypothèse qui va provoquer et diriger une expérience qui est cette fois construite par le
savant pour mettre en évidence un nouveau fait. Lexpériementation est bien autre chose qu’une
simple observation, c’est un dispositif mis au point pour provoquer ou supprimer un phénomène à
partir d’un raisonnement hypthético-déductif (la conséquence déduite de l’hypothèse doit etre
vérifiée par l’expérience (Cf-Pascal ci-dessous).

Blaise Pascal (1623 - 1662) jeune physicien français, reproduit l'expérience de Torricelli. Le résultat lui
suggère une hypothèse : si la hauteur de la colonne de mercure est liée à la pression atmosphérique,
alors cette hauteur doit varier avec l'altitude. Pour vérifier son hypothèse, Pascal demande à son
beau-frère (F. Perrier) demeurant en Auvergne, de monter sur le Puy de Dôme avec un baromètre. La
hauteur de mercure diminue au fur et à mesure que l'on s'élève en altitude.

A voir :

https://www.youtube.com/watch?v=dlDWHIX-c5M

La chute des corps expliquée par Etienne Klein : "ce n’est pas en observant les phénomènes que l’on
comprend les lois qui les gouvernent."

Autre exemple :

 Expérience du plan incliné de Galilée

https://www.dailymotion.com/video/xgl4ab

2.3 Découverte des lois et usage technique

Grace à cette méthode expérimentale, l’esprit humain saisit des rapports nécessaires entre des
phénomènes (abandonnant ainsi la question du pourquoi) : des lois. Ces lois sont établies par des
rapports constants qui s’expriment de façon mathématique. La loi a une grande importance pratique
et technique puisqu’elle permet de prévoir. Elle rend l’univers intelligible puisqu’elle enchaine les
phénomènes dans un réseau d’équations mathématiques.

Historiquement, la pratique précède la théorie, la technique précède la science, car les premières
techniques sont un prolongement de l’instinct, de l’adaptation biologique spontanée et inconsciente.
L’outil prolonge naturellement l’organe, l’hameçon imite le doigt recourbé. Le savoir-faire précède la
savoir. Exemple de l’arc : précède toute théorie expliquant le mécanisme et le mouvement de la
flèche. Exemple : électro convulsivothérapie" ou "sismothérapie" sans qu’on sache exactement
l’action des électro-chocs sur le cerveau.

Cependant, la science démultiplie les actions possibles de l’homme sur la nature.

« Science et puissance humaines aboutissent au même, car l'ignorance de la cause prive de l'effet. On
ne triomphe de la nature qu'en lui obéissant ; et ce qui dans la spéculation vaut comme cause, vaut
comme règle dans l'opération. »

La technique permet de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »

Descartes, Discours de la méthode, VI

La maîtrise théorique des lois de la nature va permettre la maîtrise pratique des forces et ressources
de la nature.

Transition critique : Les arguments du scepticisme

Les sceptiques Antiques (fondateur Pyrrhon d’Élis env.340-275 av. JC) ont concocté diverses
techniques argumentatives, qui sont autant de médicaments destinés à combattre les ravages du
dogmatisme. Trousse à pharmacie sceptique. La formule de Pyrrhon : « pas plus ceci que cela, ni
les deux, ni rien. ». Pratique de la suspension du jugement. Epochè - du grec épikhein, suspendre –

- L'argument de la discordance. Ne perdons pas de vue que des opinions différentes relatives à
une même réalité peuvent être discordantes et néanmoins justifiées.
Cette discorde est aussi constatable dans les débats scientifiques.
- L'argument de la régression à l'infini, et son alternative l'argument du postulat indémontrable.
Pour juger de la validité d'une preuve, il faut une nouvelle preuve qui soit en quelque sorte la
preuve de la preuve. Mais cette dernière doit à son tour être prouvée, et il faut alors une
preuve de la preuve de la preuve. On voit alors par régression à l'infini, qu’on n’en aura jamais
fini. Il faut alors à un moment donné partir de quelque chose qui n'ait pas été prouvé. Tout
raisonnement a donc comme point de départ une hypothèse non démontrée. On retrouve
notamment ce problème dans la démarche des axiomatiques mathématiques. Cet argument
s’applique également au monde des sciences expérimentales puisque même si le scientifique
travaille sur de nouvelles hypothèses explicatives, il ne le fait que dans un cadre préétabli dans
lequel son travail prend place. Ce cadre théorique et méthodologique, Thomas Kuhn, dans son
œuvre influente "La Structure des révolutions scientifiques" (1962), le nomme un paradigme.
« Un instrument, c’est une théorie matérialisé » Bachelard
- L'argument de la pétition de principe : on postule ce qu’il fallait démontrer. On tire une
conséquence d'une cause qui semble établie. Mais quand on s'interroge sur la validité de cette
cause, il arrive que l'on découvre alors que cette cause est précisément justifiée par la
conséquence qu'on en a tirée. Le cercle vicieux par excellence est celui-ci : pour prouver la
valeur de ma raison, il faut que je raisonne, donc précisément que je me serve de cette raison
qui est en question !
Autre exemple : le principe du géocentrisme, une fois admis, on explique aisément l’impression
de fixité sur Terre. Si on s’interroge sur le principe du géocentrisme, on est tenté de le justifier
par l’impression de fixité.
- L'argument de la relativité : toute représentation est relative à un sujet particulier. Il ne peut
donc pas y avoir de représentation valable universellement pour tous les sujets.

« Tous les abus du monde s’engendrent de ce qu’on nous apprend craindre de faire profession de
notre ignorance. » Montaigne

3 Valeur de la science et progrès des sciences


3.1 Une conception de la rationalité scientifique: « vérisimilarité »
3.2 Falsisficationnisme et histoire des sciences

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