Espaces de Hilbert Et Opérateurs Compacts

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MEMOIRE

En vue d’obtention du diplôme :

Licence en Sciences Mathématiques et Applications

Présenté par :

Loubna Jerrari
Ali Jerrari

Intitulé sur :

Espaces de Hilbert et opérateurs compacts

Sous la direction du :

Pr. Mohamed Mahmoud Chems-Eddin

Enseignant-chercheur, à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fes

Soutenu le : Mercredi 10 Mai 2023 à 13h00

Membres du jury :

 Pr. Mohammed Klilou Examinateur


 Pr. Mohamed Rossafi Examinateur
 Pr. Mohamed Mahmoud Chems-Eddin Encadrant

Année Universitaire 2022– 2023


ii

Citations

La mathématique est l’alphabet dans lequel Dieu a écrit l’univers.


Galilée

L’essence des mathématiques, c’est la liberté.


Georg Cantor

En mathématiques, on ne comprend pas les choses, on s’y habitue.


John von Neumann

Les mathématiciens n’étudient pas les objets, mais les relations entre les
objets.
Henri Poincaré

La pensée mathématique est belle parce qu’elle est possible n’importe où.
Daniel Tammet

On ne peut pas avancer si on n’est pas subversif.


Laurent Schwartz

Mathematics is a game played according to certain simple rules with mea-


ningless marks on paper.
David Hilbert
iii

Dédicace

N ous dédions ce mémoire à nos chers parents qui ont été toujours à nos côtés et
nous ont toujours soutenu tout au long de ces longues années d’études. En signe de recon-
naissance qu’ils trouvent ici, l’expression de notre profonde gratitude pour tout ce qu’ils ont
consenti d’efforts et de moyens pour nous voir réussir dans nos études. Principalement,
notre honorable professeur Mohammed Akhou.
A toute notre famille.
Et A toutes nos amis.
A tous les gens qui nous connaissent et que nous connaissons.
Et à tous ceux qui aiment le bon travail et ne reculent pas devant les obstacles de la vie.
iv

Remerciements

Avant tout, le plus grand merci revient à ALLAH qui lui seul guide nos pas dans
le bon sens durant notre vie. Nous tenons particulièrement à remercier vivement notre
encadrant Pr. Mohamed Mahmoud Chems-Eddin, pour sa guidance et son soutient
indéfectible durant la préparation de ce travail, dès le début sa confiance à notre égard et à

notre travail nous a donnée une énergie et une inspiration de soulever toutes les difficultés.
Notre sincère reconnaissance à tous les membres du jury : Pr. Mohammed Klilou et Pr.
Mohamed Rossafi, pour l’honneur qu’il nous font en acceptant de présider et examiner

ce travail. Nous avons également à remercier nos parents, toute les amis, nos collègues, et
qui nous ont apporté leur support moral tout au long de notre démarche.

En fin nous remercions toute personne nous connaissons et tout le personnel adminis-


tratif du département des mathématiques.
Table des matières

1 Préliminaires 1
1.1 Familles sommables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Rappels de topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.3 Lemme de Zorn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Espaces de Hilbert 7
2.1 Produit scalaire et propriétés générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.2 Orthogonalité et théorème de projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.2.1 Conséquences du théorème de projection . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3 Dualité et théorème de Représentation de Riesz . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.1 Applications du théorème de représentation de Riesz . . . . . . . . . 26
2.4 Familles orthonormées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.5 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.5.1 Espaces hilbertiennes séparables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.5.2 Le cas générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.6 La base hilbertienne de Fourier en L2 ([a, b], C) . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.6.1 Conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.7 La topologie faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

3 Opérateurs compacts 43
3.1 Propriétés générales des opérateurs compacts . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.2 Opérateur de rang fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.3 Opérateur compact dans un espace de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3.1 Opérateurs de Hilbert-Schmidt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3.3.2 Alternative de Fredholm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.4 Opérateurs compacts auto-adjoints . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.4.1 Décomposition spectrale des opérateurs compacts auto-adjoints . . . 59

v
vi TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Le but de ce mémoire est d’introduire les notions les plus importants de la théorie des
espaces de Hilbert et des opérateurs compacts définis sur ces espaces .

On dédie ce mémoire aux espaces de Hilbert, car ils font partie des espaces vectoriels
de dimension infinie les plus importants, les espaces de Hilbert constituent l’objet mathé-
matique le plus proche des espaces euclidiens de dimension finie, c’est-à-dire Rn ou Cn , où
on développe l’analyse et l’algèbre linéaire classique.

Lorsque on passe en dimension infinie, des subtilités de nature topologique imposent


de rajouter des conditions ( qui sont toujours vérifiées en dimension finie ) pour pouvoir
assurer la validité des résultats connus dans les espaces euclidiens. Pour les espaces de
Hilbert, la complétude est une de ces conditions, c’est-à-dire que toute suite de Cauchy
converge dans l’espace où elle est définie.

Cette considération montre que la théorie des espaces de Hilbert peut être pensée
comme un mélange très élégant d’algèbre, analyse et topologie : ceci est l’héritage de
grands mathématiciens du début du XXe siècle, entre autres Riesz, Banach et, évidem-
ment, Hilbert, qui ont mis en lumière l’exigence de ce mélange pour étendre les résultats
classiques de l’algèbre et de l’analyse en dimension infinie .

En mathématiques, et plus précisément en analyse fonctionnelle, un opérateur compact


est une application continue entre deux espaces vectoriels topologiques X et Y envoyant
les parties bornées de X sur les parties relativement compactes de Y . Les applications
linéaires compactes généralisent les applications linéaires continues de rang fini.

La théorie est particulièrement intéressante pour les espaces vectoriels normés ou les
espaces de Banach. En particulier, dans un espace de Banach, l’ensemble des opérateurs
compacts est fermé pour la topologie forte. Mieux, dans un espace de Hilbert, un opérateur
compact est limite d’opérateurs bornés de rangs finis.

Les premiers opérateurs compacts sont apparus avec les équations intégrales et l’étude
des espaces fonctionnels. La résolution formelle d’équations intégrales simples fait appa-
raître un opérateur à noyau dont la compacité tient à des propriétés d’équicontinuité. À
travers ce problème est apparue une autre classe importante d’opérateurs, les opérateurs
de Fredholm. La perturbation par des opérateurs compacts préserve la propriété d’être de
Fredholm et l’indice de Fredholm : c’est le théorème de stabilité de l’indice.

Ce mémoire est composé de trois chapitres :

Chapitre 1 : Préliminaire ; cette partie de ce mémoire est consacrée pour rappeler


quelques définitions et résultats mathématiques. Pour simplifier la compréhension de ce
travail.

Chapitre 2 : nous mettons la lumière sur les espaces de Hilbert ; qui se compose de
5 sections, nous rappelons dans la section 1, la définition du produit scalaire et ses pro-
TABLE DES MATIÈRES vii

priétés, dans la section 2, on donne la notion d’orthogonalité et théorème de projection,


pour la section 3, on parle sur la dualité et le théorème de représentation de Riesz, ainsi
dans la section 4, on aborde la notion de familles orthonormées, ensuite, on touche le
concept du bases hilbertiennes, enfin, on voit un exemple important de base hilbertienne
c’est la base hilbertienne de Fourier et ses conséquences.

Chapitre 3 : on met le doigt sur les opérateurs linéaires compacts et quelques classes
classiques des opérateurs compacts, et ce chapitre prend une grande proportion pour les
opérateurs compacts dans un espace de Hilbert.
viii TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 1

Préliminaires

Dans le but de faciliter la lecture de ce travail, nous allons rappeler quelques définitions
et résultats préliminaires.
1.1 Familles sommables

Dans un espace vectoriel normé E, considérons une série de terme général xn (n ∈ N)


avec ses sommes partielles sn = x0 + · · · + xn . Par définition, cette série converge et a pour
somme s si

∀ε > 0, ∃n0 ∈ N, ∀n ∈ N, n ≥ n0 ⇒ ksn − sk < ε.

Lorsque n ∈ Z, on a les notions analogues suivantes.

ʾ Définition 1.1.1

On dit qu’une série de terme général un (n ∈ Z) est convergente si la série de


terme général un (n ∈ N) et celle de terme général u−n (n ∈ N∗ ) convergent. La
somme est alors notée
X
+∞
un
n=−∞

L’addition des séries convergentes montre que l’on a aussi

X
+∞ ∞
X
un = u0 + (un + u−n ) .
n=−∞ n=1

En considérant les sommes partielles symétriques :

déf.
X
n X
n
Sn = u 0 + (uk + u−k ) = uk
k=1 k=−n

on a également
X
+∞
déf.
un = lim Sn .
n→+∞
n=−∞

1
2 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

® Remarque 1.1.1

X X
+∞
La série (un + u−n ) peut converger tandis que la série un diverge ; il suffit
n≥1 −∞
de prendre, par exemple, un = 1 et u−n = −1 pour tout n ∈ N∗ , et u0 quelconque.

Nous nous proposons maintenant d’introduire l’analogue des définitions ci-dessus pour
toute famille (xi )i∈I d’éléments de E, où I est un ensemble a priori quelconque. L’idée
cruciale consiste à remplacer la notion d’ordre n ≥ n0 par la relation d’inclusion dans
l’ensemble des parties finies non vides de I.

ʾ Définition 1.1.2

Soient E un espace vectoriel normé et I un ensemble non vide quelconque. Notons


F(I) l’ensemble des parties finies non vides de I. On dit qu’une famille (xi )i∈I
d’éléments de E est sommable et de somme s si, pour tout ε > 0, il existe
J0 ∈ F (I) tel que
∀J ∈ F (I), J0 ⊂ J ⇒ ks − sJ k ≤ ε.

déf.
X
Notations : Pour J ∈ F (I), l’élément sJ = xi est appelé la somme partielle d’ordre
i∈J X
J. Si la famille (xi )i∈I est sommable, sa somme est notée xi . Un point fondamental
i∈I
dans la théorie est fourni par le résultat suivant qui montre, qu’en fait, on ne peut faire
la somme d’une famille non dénombrable d’éléments non nuls !

ʾ Proposition 1.1.1

Si (xi )i∈I est une famille sommable d’éléments d’un espace vectoriel normé E,
alors l’ensemble I ′ = {i ∈ I, xi 6= 0} est dénombrable.

œ Preuve. Soit n ∈ N∗ , et posons ε = 1/n. Prenons J0 ∈ F (I) tel que

∀J ∈ F (I), J0 ⊂ J ⇒ ks − sJ k ≤ ε

Pour j ∈
/ J0 , on a

2
kxj k = sJ0 ∪{j} − sJ0 ≤ sJ0 ∪{j} − s + ks − sJ0 k ≤ ε + ε = .
n

L’ensemble
S Hn des i ∈ I tels que kxi k > 2/n est contenu dans J0 , il est donc fini. Comme
I ′ = n≥1 Hn , I ′ est dénombrable car réunion dénombrable d’ensembles finis.
1.2. RAPPELS DE TOPOLOGIE 3

1.2 Rappels de topologie


ʾ Théorème 1.2.1 (Stone-Weierstrass complexe)

Soit K un espace topologique compact et A une sous-algèbre de l’algèbre C(K, C)


des fonctions continues à valeurs complexes, munie de la norme infinie. On sup-
pose que :
— A sépare les points de K, c’est-à-dire : ∀(x, y) ∈ K 2 , x 6= y, ∃f ∈
A, f (x) 6= f (y).
— Pour tout x ∈ K, il existe f ∈ A tel que f (x) 6= 0.
— Pour tout f ∈ A, le conjugué f de f appartient à A.
Alors A est dense dans (C(K, C), D∞ ).

Exemple 1.2.1. Soit X un compact de Cd et A l’ensemble des fonctions polynomiales en


zi et z̄i de X dans C
A = C[Z1 , ..., Zd , Z̄1 , ..., Z̄d ].
A est dense dans C(X, C). En particulier, si d = 1 et X = U = {z ∈ C : |z| = 1}, on voit
que A est un sous-espace engendrée par les fonctions z 7→ z n , n ∈ Z. On remarquera que
Z̄ = Z −1 .
ʾ Théorème 1.2.2

Soient E et F deux K-espaces vectoriels normés et u : E → F une application


linéaire. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i). u est continue sur E.
(ii). u est continue en 0(= 0E ).
(iii). u est bornée sur B E (0, 1).

ʾ Définition 1.2.1

Soit E un espace métrique. Une partie A ⊆ E est dite précompact si :

[
n
∀ε > 0, ∃x1 , . . . , xn ∈ E tel que A ⊂ B (xi , ε)
i=1

Les éléments x1 , ..., xn peuvent être supposés dans A.

ʾ Théorème 1.2.3

Soit E un espace métrique complet et A ⊂ E, alors les assertions suivantes


sont équivalentes :
(i) A est relativement compact (i.e Ā est compact).
(ii) A est précompact.
(iii) De toute suite (xn ) ⊂ A, on peut extraire une sous-suite convergente.
(iv) Si toute suite (xn ) dans A admet une sous-suite de Cauchy.
4 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Pour tout espace compact K, on note par C(K, E) l’espace des fonctions continues de
K dans E muni de a topologie de la convergence uniforme.

ʾ Théorème 1.2.4 (Arzela-Ascoli)

Soient K un espace compact et A ⊂ C(K, E). Alors A est relativement com-


pact si, et seulement si les conditions suivantes sont satisfaites :
(i) ∀x ∈ K, A(x) = {f (x) : f ∈ A} est relativement compact dans E.
(ii) A est équicontinue, i.e. pour tous a ∈ K et ϵ > 0, il existe un voisinage V
de a tel que
d(f (x), f (a)) ≤ ϵ pour tous f ∈ A et x ∈ V

ʾ Proposition 1.2.1

Si A1 et A2 sont deux parties relativement compactes d’un espace vectoriel normé


E, alors les parties A1 + A2 et λA1 , où λ ∈ C, sont relativement compactes.

œ Preuve. On pose K1 = A1 et K2 = A2 qui sont deux compacts de E. Comme les


applications (x, y) 7−→ x + y et (λ, x) 7−→ λx sont continues, alors K1 + K2 et λK1 sont
compacts. Vu que λA1 ⊂ λK1 et A1 + A2 ⊂ K1 + K2 , le résultat découle immédiatement.

ʾ Proposition 1.2.2

Si A ⊂ E est précompact, alors A est séparable, avec E est un espace métrique.

 
œ Preuve. Soit n ∈ N, alors A ⊂ ∪ B E x, n1 : x ∈ An , où An est un sous-ensemble
fini de A. Par suite, D := ∪ {An : n ∈ N} est un ensemble dénombrable. En plus, pour tout
y ∈ A, on a

d(y, D) ≤ d (y, An ) ≤ n1 pour tout n ∈ N,


donc d(y, D) = 0, et par conséquent D ⊂ A ⊂ D. D’où A = D.

ʾ Proposition 1.2.3

Si dim E < +∞, alors toute application linéaire f : E → F est continue, avec E
,F sont des espaces vectoriels normés.

ʾ Proposition 1.2.4

L’image d’un espace topologique compact E par une application continue f de


E dans un espace topologique séparé F est un compact de F .
1.3. LEMME DE ZORN 5

ʾ Définition 1.2.2

Soit f une fonction à valeurs complexes, définie sur un espace topologique X. Le


support de f est défini par

supp(f) := {x ∈ X t.q. f (x) 6= 0}.

ʾ Théorème 1.2.5

L’espace Cc (R) des fonctions continues sur R à support compact est dense
dans L2 (R).

ʾ Théorème 1.2.6 ((Théorème de l’application ouverte)

Soient E, F deux espaces de Banach et T ∈ L(E, F ) surjective. Alors T est


ouverte, i.e. T transforme tout ouvert de E en un ouvert de F .

1.3 Lemme de Zorn


ʾ Définition 1.3.1 (Relation d’ordre, ensemble ordonné)

Soit E un ensemble, R une relation sur E. On dit que R est une relation d’ordre
si :
R est réflexive : si x est élément de E, xRx.
R est antisymétrique : si xRy et yRx, alors x = y.
R est transitive : si xRy et yRz, alors xRz.
L’ensemble (E, R) s’appelle alors ensemble ordonné. Souvent, pour insister sur
la notion d’ordre, R est notée ≤.
•Un élément a de E est appelé élément maximal si ∀x ∈ E, a ≤ x =⇒ x = a.
• Si A est une partie de E, un majorant de A est un élément x de E tel que
pour tout a de A, a ≤ x.

Exemple 1.3.1. L’élément 1 est maximal dans le segment [0, 1] muni de l’ordre usuel.

ʾ Définition 1.3.2

Soit (E, ≤) un ensemble ordonné :


1- On appelle chaine C ⊂ E une partie vérifiant :

∀x, y ∈ C : x ≤ y ou y ≤ x.

2- Un ensemble ordonné (E, ≤) est dit inductif si tout chaine C ⊂ E possède un


majorant.
6 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Exemple 1.3.2.
• Si X est un ensemble,
[ (P (X) , ⊂) est inductif. En effet, si C est une chaine pour cet
ensemble, alors A = C est un majorant de C qui est bien élément de P(X).
C∈C
• (R, ≤) n’est pas inductif : I = [1, +∞[ est une partie totalement ordonnée de R, i.e(chaine)
mais qui n’admet pas de majorant dans R.

ʾ Lemme 1.3.1 (Le lemme de Zorn)

Tout ensemble ordonné inductif non vide admet un élément maximal.


Chapitre 2

Espaces de Hilbert

David Hilbert en 1912.

David Hilbert, né en 1862 à Königsberg et mort en 1943 à Göttingen, est un ma-


thématicien allemand. Il est souvent considéré comme un des plus grands mathématiciens
du xxe siècle. Il a créé ou développé un large éventail d’idées fondamentales, que ce soit
la théorie des invariants, l’axiomatisation de la géométrie ou les fondements de l’analyse
fonctionnelle (avec les espaces de Hilbert).

L’un des exemples les mieux connus de sa position de chef de file est sa présentation,
en 1900, de ses fameux problèmes qui ont durablement influencé les recherches mathé-
matiques du xxe siècle. Hilbert et ses étudiants ont fourni une portion significative de
l’infrastructure mathématique nécessaire à l’éclosion de la mécanique quantique et de la
relativité générale.

Il a adopté et défendu avec vigueur les idées de Georg Cantor en théorie des ensembles et
sur les nombres transfinis. Il est aussi connu comme l’un des fondateurs de la théorie de la
démonstration, de la logique mathématique et a clairement distingué les mathématiques
des métamathématiques.

7
8 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ő Les espaces de Hilbert sont les espaces vectoriels de dimension infinie les plus simples.

Ils interviennent entre autres.


- Dans l’étude des équations différentielles aux dérivées partielles.

- En mécanique classique (fréquences propres).

- En physique (équation de Schrodinger, mécanique quantique).

2.1 Produit scalaire et propriétés générales

ő Dans l’étude de l’algèbre linéaire et la géométrie vectorielle dans Rn , la notion de


l’angle entre deux vecteurs non nuls est introduit en considérant le produit scalaire. En
effet, si x = (x1 , x2 , ..., xn ) et y = (y1 , y2 , ..., yn ) deux vecteurs quelconque de l’espace
euclidien Rn , alors le produit scalaire est définie par :

X
n
hx, yi = x i yi ,
i=1

et ce produit scalaire est associé a la norme par :

hx, xi = kxk2 ,

et cette équation

hx, yi = kxk kyk cos(θ),

détermine l’angle θ entre x et y. Les vecteurs x et y sont orthogonaux si hx, yi = 0. Cette


notion d’orthogonalité est utile dans la généralisation aux espaces vectorielles quelconque.
Nous introduisons ci-dessous la notion de produit scalaire et montrons comment un
espace vectoriel muni d’un produit scalaire reflète des propriétés analogues à celles carac-
térisé par l’espace euclidien Rn .
Dans toute la suite de ce chapitre , E désigne un espace vectoriel sur K (= R ou C).
2.1. PRODUIT SCALAIRE ET PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES 9

ʾ Définition 2.1.1 (Produit scalaire)

Un produit scalaire sur E est une application :

h , i : E × E −→ K
(x, y) 7−→ hx, yi

vérifiant, pour tous x, y, z ∈ E et tout λ ∈ K, les propriétés suivantes :

1. hx + y, zi = hx, zi + hy, zi et hλx, yi = λhx, yi ;

2. hy, xi = hx, yi ;

3. hx, xi ≥ 0 ;

4. hx, xi = 0 ⇐⇒ x = 0.

Le nombre hx, yi est appelé le produit scalaire des x et y, et le couple


(E, h , i) s’appelle espace préhilbertien.

® Remarque 2.1.1

Les propriétés suivantes d’un produit scalaire se vérifient aisément des axiomes
de la définition :
(A1 ). hx, 0i = h0, xi = 0,∀x ∈ E.
(A2 ). hx, y + λzi = hx, yi + λ̄hx, zi,∀x, y ∈ E, ∀λ ∈ K.
(A3 ). hx + y, x + yi = hx, xi + hy, yi + 2<ehx, yi.

ʾ Théorème 2.1.1

Tout K-espace vectoriel E peut être muni d’un produit scalaire.

œ Preuve. Soit E un espace vectoriel, et soit B une base algébrique de E. Alors nous
définissons :
X
hx, yi = αi βi .
ei ∈B
X X
Avec x = αi ei , y = βi ei . On voit aisément que h , i est un produit scalaire sur E.
ei ∈B ei ∈B

Exemple 2.1.1.
ß Le produit scalaire usuel sur Rn est défini par :

X
i=n
hx, yi = x i yi .
i=1
10 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

Avec x = (x1 , ..., xn ), y = (y1 , ..., yn ) ∈ Rn .


ß Le produit scalaire usuel sur Cn est défini par :

X
i=n
hx, yi = x i yi .
i=1

Avec x = (x1 , ..., xn ), y = (y1 , ...,(yn ) ∈ Cn . )


X
n=∞
ß Le produit scalaire sur ℓ2K = (xn )n ⊂ K / |xn | < +∞
2
défini par :
n=0

X
hx, yi = xn y n .
n=0

Avec x = (xn )n , y = (yn )n ∈ ℓ2K.


ß Le produit scalaire sur C([a, b], C), −∞ < a < b < +∞ défini par :
Z b
hf, gi = f (t)g(t)dt, pour tout f, g ∈ C([a, b], C).
a

ß Le produit scalaire sur L2K(X, A, µ) défini par :


Z
h[f ], [g]i = f (x)g(x)d(µ(x)), ∀[f ], [g] ∈ L2K(X, A, µ).
X

Avec [f ] désigne la classe d’équivalence de f .

ʾ Théorème 2.1.2 ( Cauchy-Schwarz)

Soient E un espace préhilbertien, x et y deux éléments de E. Alors :


p p
|hx, yi| ≤ hx, xi hy, yi.

p p
œ Preuve. Soient x et y de E. Posons, pour simplifier a = hx, xi, b = hy, yi

et t0 = − ⟨x,y⟩
b2
. On a donc :

Si y 6= 0 :
|hx, yi|2
0 ≤ hx + t0 y, x + t0 yi = a2 − .
b2

D’où

|hx, yi|2 ≤ a2 b2 .
Si y = 0 :
p p
0 = |hx, 0i| ≤ hx, xi hx, 0i = 0.
C’est-à-dire le résultat cherché.
2.1. PRODUIT SCALAIRE ET PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES 11

ʾ Définition 2.1.2

Soient K un corps commutatif muni d’une valeur absolue et E un K-espace vec-


toriel. Une norme sur E est une application

||.|| : E −→ R+
,
x 7−→ ||x||

possédant les propriétés suivantes :


1. ∀x ∈ E, ||x|| = 0 ⇐⇒ x = 0;
2. ∀x ∈ E, ∀λ ∈ K, ||λx|| = |λ|.||x||;
3. ∀x ∈ E, ∀y ∈ E, ||x + y|| ≤ ||x|| + ||y||.
Le couple (E, ||.||) s’appelle espace vectoriel normé.

Exemple 2.1.2. :

ß La valeur absolue est une norme sur R, et le module est une norme sur C.

ß Sur le K-espace vectoriel Kn , on peut définir les trois normes suivantes :

v
u n
X
n
uX
||x||1 = |xi | , ||x||2 = t |xi |2 , ||x||∞ = max1≤i≤n |xi |.
i=1 i=1

Avec x = (x1 , ..., xn ) ∈ Kn .

ß Soient (||.||, E) un espace normé et F un sous-espace vectoriel de F . La restriction de


la norme ||.|| sur F est une norme, appelée norme induite.

Notations. Nous conviendrons de noter par


— L(E, F ), le K−espace vectoriel des applications linéaires de E vers F , et si E = F ,
nous noterons simplement L(E) := L(E, E).
— L(E, F ) le sous-espace vectoriel de L(E, F ) formé des applications linéaires conti-
nues de E vers F ; et si E = F , nous noterons simplement L(E) := L(E, F ).
— L’application

u ∈ E 7−→ kuk := sup∥x∥≤1 ku(x)k

est une norme (dite norme usuelle ) sur L(E, F ). Lorsqu’on parlera de la norme
d’une application linéaire continue sans autre précision, il s’agira toujours de cette
norme.
12 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Définition 2.1.3

Une distance (ou métrique) sur un ensemble X est une application

d : X × X −→ R+
,
(x, y) 7−→ d(x, y)

possédant, pour tous x, y, z ∈ X, les propriétés suivantes :


1. d(x, y) = 0 ⇐⇒ x = y ;
2. d(x, y) = d(y, x);
3. d(x, z) ≤ [d(x, y) + d(y, z)] .
Muni de la distance d, X est appelé espace métrique, on note parfois un tel
espace (X, d). Le nombre réel positif d(x, y) est appelé la distance entre x et y
dans X.

Exemple 2.1.3. :
ß Soit X un ensemble quelconque. Pour tout x, y ∈ X, on pose
(
0 si x = y
d(x, y) = .
1 si x =6 y

Alors d est une distance sur X, appelée distance triviale ou distance discrète.
ß Un exemple fondamental d’espace métrique est l’ensemble R muni de la valeur absolue ;
l’application
d : R × R → R+ , (x, y) 7→ d(x, y) = |x − y|
définit une distance sur R. Appelée distance usuel(ou euclidien) de R.
ß Un autre exemple fondamental est l’ensemble C muni du module ; l’application

d : C × C → R+ , (z1 , z2 ) 7→ d(z1 , z2 ) = |z1 − z2 |

définit une distance sur C. Appelée distance usuel de C.


ß Sur un espace vectoriel normé (E, ||.||). On peut définir la distance sur E d : E ×
E −→ R+ , (x, y) 7−→ d(x, y) = ||x − y|| s’appelle la distance associée à la norme ||.||.

ʾ corollaire 2.1.4

p un espace préhilbertien E, l’application k · k : E → K, définie par


1. Dans
kxk = hx, xi est une norme pour E.

2. Soit a ∈ E fixé. La : E → K définie par La (x) = hx, ai est une forme


linéaire continue pour la norme provient de produit scalaire sur E, de plus on a :
kLa kL(E,K) = kak .

3. Un produit scalaire est une fonction continue sur E × E, par rapport à


la norme associé au produit scalaire.
2.1. PRODUIT SCALAIRE ET PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES 13

œ Preuve. Soient x, y ∈ E et λ ∈ K :
kxk = 0 ⇐⇒ hx, xi = 0 ⇐⇒ x = 0.
(i).
p q p
(ii). kλxk = hλx, λxi = λλ̄hx, xi = |λ| hx, xi = |λ|kxk.

(iii). kx + yk2 = kxk2 + 2<ehx, yi + kyk2 ≤ kxk2 + 2|hx, yi| + kyk2

≤ kxk2 + 2kxkkyk + kxk2 ≤ (kxk + kyk)2 .


D’où
kx + yk ≤ kxk + kyk .
2. Le résultat est évident si a = 0. Supposons maintenant a 6= 0. Par définition du produit
scalaire, l’application La est linéaire et de plus, comme
def
kLa kL(E,K) = sup∥x∥=1 kLa (x)k = sup∥x∥=1 khx, aik .
On obtient, grâce à l’inégalité de Schwarz,
kLa kL(E,K) ≤ sup∥x∥=1 kxk kak = kak .
a
C’est-à-dire ; kLa kL(E,K) ≤ kak. Or La ( ) = kak et a
∥a∥ = 1, d’où kLa kL(E,K) ≥ kak .
kak
Alors
kLa kL(E, K) = kak .

Aussi par inégalité de Cauchy Schwartz, on a


kLa (x)k = khx, aik ≤ kxk kak ∀x ∈ E.
Et par suite La est continue.
3. Soient (xn ) et (yn ) deux suites de E telles que xn → x, yn → y, on a donc
|hxn , yn i − hx, yi| = |hxn , yn i − hx, yn i + hx, yn i − hx, yi|

=| hxn − x, yn i + hx, yn − yi

≤ |hxn − x, yn i| + |hx, yn − yi|

≤ kxn − xk kyn k + kxk kyn − yk .


Or le membre a droite tend vers 0 quand n tend vers 0, alors hxn , yn i → hx, yi.
D’où la fonction h, i est continue.

ʾ Théorème 2.1.3 (Loi du parallélogramme)

La norme induite par un produit scalaire satisfait l’égalité :


 
kx + yk2 + kx − yk2 = 2 kxk2 + kyk2 .

Avec x, y ∈ E.
14 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

œ Preuve. Soient x, y ∈ E :

kx + yk2 = hx + y, x + yi

= hx, xi + hx, yi + hy, xi + hy, yi

= hx, xi + hx, yi + hx, yi + hy, yi

= hx, xi + 2<ehx, yi + hy, yi

= kxk2 + kyk2 + 2<ehx, yi.

kx − yk2 = kxk2 + kyk2 − 2<ehx, yi.


D’ou
 
kx + yk2 + kx − yk2 = 2 kxk2 + kyk2 .

® Remarque 2.1.2

▶ Dans le cas E = R2 ou R3 , cette identité exprime que la somme des carrés


des longueurs des côtés d’un parallélogramme est égal à la somme des carrés des
longueurs des diagonales (résultat de géométrie classique).
▶ Si une norme ne vérifie pas l’identité du parallélogramme, on montre qu’elle
n’est associée à aucun produit scalaire. C’est le cas dans Kn de kxk = sup1≤i≤n |xi |.
Il suffit alors de considérer x = (1, 0, 0, ..., 0) et y = (0, 1, 0, ..., 0).

2.2 Orthogonalité et théorème de projection

ő Étant donné un espace préhilbertien E, une partie non vide A et un point x de E,


les deux questions suivantes sont au cur de nombreux problèmes aussi bien de recherches
théoriques que de mathématiques appliquées :
(1) Existe-t-il un point a ∈ A qui soit le plus proche de x ?, c’est-a-dire tel que
∀y ∈ A, d(x, a) ≤ d(x, y), autrement dit tel que

kx − ak = inf kx − yk .
y∈A

(2) Si oui, peut-on caractériser un tel point ? C’est à ces deux questions fondamen-
tales que nous consacrons une partie importante de ce qui va suivre.
2.2. ORTHOGONALITÉ ET THÉORÈME DE PROJECTION 15

ʾ Définition 2.2.1

(1). On dit que deux éléments x et y de E sont orthogonaux si hx, yi = 0 ; on


écrit alors x⊥y.

(2). On dit que l’élément x de E est orthogonal à une partie A de E si x


est orthogonal à tous les éléments de A ; on écrit x⊥A.

(3). On dit que deux parties A et B de E sont orthogonales si, tout élé-
ment de A est orthogonal à tout élément de B ; on écrit A⊥B

(4). Soit A ⊆ E, on définit l’orthogonal de A, et on note A⊥ par :

A⊥ = {x ∈ E/hx, yi = 0, ∀y ∈ A}.

Notation : L’ensemble {a}⊥ est noté tout simplement a⊥ .

Exemple 2.2.1.
ß On considère E = C([−π, π], R) muni de produit scalaire suivant :

Z π
hf, gi = f (t)g(t)dt, ∀f, g ∈ E,
−π

et la suite (fn ) de E telle que fn (t) = cos(nt), ∀n, m ∈ N avec n 6= m, ainsi :

Z π
hfn , fm i = cos(nt)cos(mt)dt
−π

Z π
1
= [cos((m + n)t) + cos((m − n)t)]dt
2 −π
= 0.
D’où fn ⊥ fm , ∀n, m ∈ N, avec m 6= n.
16 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Proposition 2.2.1

Soit A, un sous ensemble de E, alors on a :

0. E ⊥ = {0} et {0}⊥ = E.

1. A⊥ est un sous espace vectoriel fermé dans E.

2. A ⊆ (A⊥ )⊥ . ( Noté A⊥⊥ ), et A ⊆ A⊥⊥ .

3. A ⊆ B =⇒ B ⊥ ⊆ A⊥ .

4. A ∩ A⊥ = {0}, avec A un sous-espace vectoriel de E.

5. A⊥ = (A)⊥ .

6. A⊥ = hAi⊥ , où hAi désigne le sous-espace vectoriel de E engendré par


A, et A est l’adhérence de A dans E.

œ Preuve.
1. a⊥ = kerLa , avec La : E → K, défini par La (x) = hx, aiT∀x ∈ E. Donc a⊥ est
un sous-espace vectoriel fermé de E. D’autre part on a ; A⊥ = a∈A a⊥ intersection de
sous-espaces vectoriels fermés, est un sous-espace vectoriel fermé, car chaque sous-espace
vectoriel kerLa = L−1
a {0R }, est fermé puisque La est continue.
−La preuve de 0, 2, 3, et 4 est évidente.

5. Puisque A ⊆ A, on a donc (A)⊥ ⊆ A⊥ . Soit alors x un élément de A⊥ , et y un


élément de A, il existe une suite (yn )n d’élément de A telle que limn→+∞ kyn − yk = 0.
On a alors khx, yik = khx, yn − yik ≤ kxk kyn − yk.
Le membre de droite tend vers zéro quand n tend vers l’infini et en résulte que hx, yi = 0.
Ainsi A⊥ est inclus dans (A)⊥ .

6. Montrons A⊥ = hAi⊥ . L’inclusion A ⊆ hAi implique évidement hAi⊥ ⊆ A⊥ . Pour



P considérons x ∈ A . Tout vecteur y de hAi s’écrit comme combinaison
l’inclusion inverse
linéaire finie i∈I λi yi , avec yi ∈ A, donc

X X
hx, yi = hx, λi yi i = λi hx, yi i = 0,
i∈I i∈I

d’où x ∈ hAi⊥ , et donc A⊥ ⊆ hAi⊥ .


2.2. ORTHOGONALITÉ ET THÉORÈME DE PROJECTION 17

ʾ Théorème 2.2.1 ( Théorème de Pythagore)

Si n vecteurs x1 , ..., xn sont deux à deux orthogonaux dans un K-espace préhil-


bertien, on a la relation de Pythagore :
2
X
k=n X
k=n
xk = kxk k2 .
k=1 k=1

Et on a
(1). K = R
1h i
hx, yi = kx + yk2 + kx − yk2 .
4
(2). K = C h i
hx, yi = 1
4 kx + yk2 − kx − yk2 + i kx + iyk2 − i kx − iyk2 .

œ Preuve. Si x1 ⊥ x2 , alors kx1 + x2 k2 = kx1 k2 + kx2 k2 , d’après la remarque 2.1.1, la


relation est donc vraie pour n = 2. supposons-la est vraie pour n − 1, c’est-a-dire

2
X
n−1 X
n−1
xk = kxk k2 .
k=1 k=1

X
n−1
Posons x = xk et y = xn . On a clairement x ⊥ y. Donc
k=1
2
X
n
xk = kx + yk2
k=1 !
X
n−1
2
= kxk k + kxn k2
k=1
X
n
= kxk k2 .
k=1
D’où le théorème.
− Pour (1) et (2) il suffit de développer le terme à droit.

® Remarque 2.2.1

Si E est un espace préhilbertien sur C, la relation de Pythagore entraîne seulement


que <ehx, yi = 0. Par exemple, dans C2 muni du produit scalaire usuel, les
vecteurs x = (1, −i) et y = (i, 1) vérifient la relation de Pythagore, mais ne
sont pas orthogonaux.
18 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Définition 2.2.2 (Espace de Hilbert)

Un espace de Hilbert est un espace préhilbertien sur K qui est complet pour la
distance définie par d(x, y) = kx − yk.

Un espace de Hilbert est alors un espace de Banach, dont la norme


provient d’un produit scalaire. Une telle norme est parfois appelée norme de la
convergence en moyenne quadratique.

Exemple 2.2.2.
ß (Rn , h , i)
ß (Cn , h , i)
ß (ℓ2K, h , i)
ß (L2K(µ), h , i)
sont des espaces de Hilbert ; avec h , i c’est le produit scalaire définit dans l’exemple 2.1.1
ß Tout espace vectoriel normé de dimension finie étant complet, il en résulte que tout
espace préhilbertien de dimension finie est un espace de Hilbert.

ʾ Définition 2.2.3 (Projection)

On dit que a ∈ A est une projection de x ∈ E sur A si d(x, a) = d(x, A) ou


encore kx − ak = inf kx − yk. On note a = PA (x) (projection sur A de x).
y∈A
Un projeté a de x sur A est également appelé meilleure approximation dans A
de l’élément x.

Exemple 2.2.3.
ß Si A est une partie compacte de E et si x est un point fixé dans E, alors l’application
continue y 7→ kx − yk de A dans R atteint sa borne inférieure en un point a de A, de sorte
que kx − ak = d(x, A), et il existe donc bien un projeté de x sur A.

® Remarque 2.2.2

Il peut arriver qu’un point admette plusieurs projetés : c’est par exemple le cas
du centre x du cercle inscrit dans un triangle A du plan euclidien. Un point
peut éventuellement admettre une infinité de projetés, il suffit de considérer, par
exemple, le centre x d’un cercle A de rayon strictement positif dans R2 .

ő Nous allons montrer un théorème caractérisant la projection d’un élément x ∈ H sur une
partie A de H. grâce à ce théorème que l’on obtient toutes les " bonnes" propriétés des es-
paces de Hilbert, par exemple, nous déduirons la structure du dual d’un espaceădeăHilbert.
2.2. ORTHOGONALITÉ ET THÉORÈME DE PROJECTION 19

ʾ Théorème 2.2.2 (Théorème de projection)

Soit H un espace de Hilbert et soit C une partie convexe et fermée, non vide,
de H. Alors, pour tout x ∈ H, il existe un unique y ∈ C tel que :

kx − yk = d(x, C) = inf kx − yk.


y∈C

On le note y = PC (x), on a de plus la caractérisation

(∗) y = PC (x) ⇔ y ∈ C et ∀z ∈ C <ehy − x, y − zi ≤ 0.

œ Preuve.
Objectif 1 : Existence du projeté orthogonal.
∀x ∈ H L’ensemble des distances {kx − yk / y ∈ C} est un sous ensemble non vide
minoré par 0 de R. Il admet donc une borne inférieure d = d(x, C). Par définition de d, il
existe une suite (yn )n≥1 dans C telle que, pour tout n ≥ 1 , on ait
1
d ≤ kx − yn k < d + , (1)
n
par la loi de parallélogramme appliquée à x − yn et x − ym , avec m, n ∈ N⋆ on a
2
1
kym − yn k2 = 2 kx − ym k2 + 2 kx − yn k2 − 4 x − (ym + yn ) ,
2

comme C est convexe, (yn + ym )/2 ∈ C, donc

kym − yn k2 ≤ 2 kx − ym k2 + 2 kx − yn k2 − 4d2 , (2)

en passant à la limite quand n → +∞ dans (1), on obtient

lim kx − yn k = d.
n→+∞

Le second membre de (2) tend alors vers 0 quand m et n tendent vers l’infini ; ce qui
montre que la suite (yn ) est de Cauchy dans C. Or C est complet (car fermé dans l’espace
complet H), donc (yn ) admet une limite y ∈ C. La continuité de la norme donne alors

lim kx − yn k = kx − yk ,
n→∞

on en déduit que d = kx − yk , ce qui exprime précisément que le point y est un projeté de


x sur C.
Objectif 2 : Unicité du projeté.
Supposons qu’il existe un autre point y ′ de C qui réponde à la question. En reprenant le
raisonnement précédent, et en notant que (y + y ′ )/2 ∈ C, on obtient
2
1
y′ − y = 2 kx − yk2 + 2 x − y ′ − 4 x − (y + y ′ )
2 2
2

≤ 2d2 + 2d2 − 4d2 = 0,

d’où ky ′ − yk = 0, donc y ′ = y.
20 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

Objectif 3 : Caractérisation.

Soient y = PC (x) et z ∈ C. On a

kx − zk2 = k(x − y) − (z − y)k2 = kx − yk2 + kz − yk2 − 2<ehx − y, z − yi,

donc ∀z ∈ C, on a

2<ehx − y, z − yi = kx − yk2 − kx − zk2 + kz − yk2

≤ d2 − d2 + kz − yk2
≤ kz − yk2 .
Notons pour t ∈]0, 1[, zt = tz + (1 − t)y ∈ C (car C est convexe), on a alors :

zt − y = t(z − y),

appliquons l’inégalité précédente en zt :

2<ehx − y, zt − yi ≤ kzt − yk2


2<ehx − y, t(z − y)i ≤ kt(z − y)k2
2t<hx − y, z − yi ≤ t2 kz − yk2
2<ehx − y, z − yi ≤ t kz − yk2 car t 6= 0,
lorsque t tend vers 0 on a :

2<ehy − x, y − zi ≤ 0,
d’où

<ehy − x, y − zi ≤ 0.
Réciproquement, pour z ∈ C, on a

kx − zk2 = k(x − y) + (y − z)k2


= k(y − x)k2 + ky − zk2 − 2<ehy − x, y − zi
≥ kx − yk2 .
Comme ceci est vrai pour tout z ∈ C, on a bien kx − yk = infz∈C kx − zk .
2.2. ORTHOGONALITÉ ET THÉORÈME DE PROJECTION 21

® Remarque 2.2.3

▶ Dans la preuve ci-dessus, on a utilisé la complétude de C. En d’autres termes,


les résultats du théorème restent vrais dans un espace préhilbertienne E si la
partie convexe non vide C est supposée complète dans E.
▶ Il faut bien noter que l’utilisation de l’identité de parallélogramme a été
décisive dans la preuve du théorème, et donc pour la validité du théorème. En
fait, dans un espace de Banach, ce théorème n’est pas vrai ; par exemple dans
l’espace de Banach (C[0, 1], k.k∞ ) des fonctions continues sur [0, 1] muni de la
norme de la convergence uniforme, l’ensemble

C = {f ∈ C[0, 1]/f (0) = 0 et 0 ≤ f ≤ 1}

est une partie convexe fermée et pour tout f ∈ C, on a

k1 − f k∞ = sup |1 − f (t)| = 1,
0≤t≤1

donc pour tout f ∈ C, d(1, C) = k1 − f k∞ = 1. Ainsi, tous les éléments de C


minimisent la distance de 1 à C.
▶ La condition que C soit convexe et fermé est nécessaire, pour la condition de
la convexité, prenons H = (R2 , k.k2 ), C = {x; kxk = 1} et x0 = (0, 0), et pour la
condition que C fermé, l’exemple H = (R2 , k.k2 ), C = {x; kxk < 1} et x0 = (2, 0).

2.2.1 Conséquences du théorème de projection


ʾ Proposition 2.2.2

L’application PC : H → C est continue ; plus précisément, on a, pour tous x1 , x2 ∈


H :
kPC (x1 ) − PC (x2 )k ≤ kx1 − x2 k .
Autrement dit, PC est 1-lipschitzienne (donc uniformément continue sur H).

œ Preuve. Notons p l’application PC . Pour tout x1 , x2 ∈ H, on a


<ehx1 − x2 , p(x1 ) − p(x2 )i = <ehx1 − p(x1 ) − p(x2 ) + p(x1 ) + p(x2 ) − x2 , p(x1 ) − p(x2 )i
= <ehx1 − p(x1 ), p(x1 ) − p(x2 )i
| {z }
≥0
+ <eh−p(x2 ) + p(x1 ), p(x1 ) − p(x2 )i
| {z }
= kp(x1 ) − p(x2 )k2
+ <ehp(x2 ) − x2 , p(x1 ) − p(x2 )i
| {z }
≥0
≥ kp(x1 ) − p(x2 )k2 ,
mais l’inégalité de Cauchy-Schwarz donne,

khx1 − x2 , p(x1 ) − p(x2 )ik ≤ kx1 − x2 k kp(x1 ) − p(x2 )k ,


22 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

donc
kp(x1 ) − p(x2 )k2 ≤ <ehx1 − x2 , p(x1 ) − p(x2 )i
≤ |hx1 − x2 , p(x1 ) − p(x2 )i|

≤ kx1 − x2 k kp(x1 ) − p(x2 )k ,


et finalement, en supposant p(x1 ) 6= p(x2 ) (car sinon c’est évident)
kp(x1 ) − p(x2 )k ≤ kx1 − x2 k .

• Dans le cas où le convexe C est un sous-espace vectoriel, on a de meilleures


propriétés.

ʾ Proposition 2.2.3

Si F est un sous-espace vectoriel fermé de l’espace de Hilbert H, alors l’appli-


cation PF : H → F est une application linéaire continue, et PF (x) est l’unique
point y ∈ F tel que :

y ∈ F et x − y ∈ F ⊥ .

œ Preuve. D’abord si y ∈ F et x − y ∈ F ⊥ , on a

∀z ∈ F, (x − y) ⊥ (y − z),

donc d’après le théorème de Pythagore nous trouvons

kx − zk2 = k(x − y) + (y − z)k2

= kx − yk2 + ky − zk2 , par suite


dis(x, F )2 = infz ∈ F kx − zk2
= infz ∈ F {kx − yk2 + ky − zk2 }
= kx − yk2 ,

donc kx − yk = dis(x, F ) et y = PF (x).


La réciproque résulte de la condition (∗) :

<ehx − y, z − yi ≤ 0, ∀z ∈ F.

En effet, comme F est un sous-espace vectoriel, on a :

z = y + λw ∈ F, ∀w ∈ F et ∀λ ∈ K.

Lorsque H est réel, on a donc, pour tout w ∈ F :

λhx − y, wi = hx − y, λwi ≤ 0, ∀λ ∈ R,

ce qui n’est possible que si hx − y, wi = 0.


Lorsque l’espace H est complexe, on a, de même, pour tout w ∈ F :

λ<ehx − y, wi = <ehx − y, λwi ≤ 0, ∀λ ∈ R,


2.2. ORTHOGONALITÉ ET THÉORÈME DE PROJECTION 23

et avec z = y + iλw :

λImhx − y, wi = <ehx − y, iλwi ≤ 0, ∀λ ∈ R,


ce qui de nouveau, n’est pas possible que si hx − y, wi = 0.
La linéarité de PF :
grâce à l’unicité si y1 = PF (x1 ), y2 = PF (x2 ), alors (x1 − y1 ), (x2 − y2 ) ∈ F ⊥ ; donc, pour
a1 , a2 ∈ K, (a1 x1 + a2 x2 ) − (a1 y1 + a2 y2 ) ∈ F ⊥ ; donc PF (a1 x1 + a2 x2 ) = a1 y1 + a2 y2 .

ʾ Définition 2.2.4 (Supplémentaire topologique)

Soit E un espace vectoriel normé, et A, B deux sous-espaces vectoriels de E tels


que : E = A ⊕ B, i.e (∀x ∈ E, ∃!xA ∈ A, ∃!xB ∈ B : x = xA + xB ).
On dira que cette somme directe est topologique si les projections PA : E → A
et PB : E → B définies par PA (x) = xA et PB (x) = xB sont continues. Les sous-
espaces vectoriels A et B sont alors dits topologiquement supplémentaires.

ʾ corollaire 2.2.5

Pour tout sous-espace vectoriel fermé F de H,

H = F ⊕ F ⊥.

et la projection sur F parallèlement à F ⊥ associée est PF . Elle est donc continue,


de sorte que la somme directe est une somme directe topologique . On dit que
PF est la projection orthogonale sur F .

œ Preuve. Pour tout x ∈ H, on a la décomposition évidente x = PF (x) + (x − PF (x)),


et comme PF (x) ∈ F , et x − PF (x) ∈ F ⊥ , on en déduit que H = F + F ⊥ . Puisque
F ∩ F ⊥ = {0}, on a donc H = F ⊕ F ⊥ . Pour voir que cette somme directe est topologique,
il suffit de se rappeler que l’application x 7→ PF (x) est continue d’après la proposition
2.2.2.

ʾ corollaire 2.2.6

Pour tout sous-espace vectoriel F de l’espace de Hilbert H :

F ⊥⊥ = F .

œ Preuve. Comme F ⊥ est un sous-espace vectoriel fermé, par la corollaire 2.2.5, on a

H = F ⊥ ⊕ F ⊥⊥ = F ⊥⊥ ⊕ F ⊥ ,

d’autre part on applique la corollaire 2.2.5 au sous-espace vectoriel fermé F , et on a

H = F ⊕ (F )⊥ = F ⊕ F ⊥ ,
24 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

il en résulte, puisque l’on sait que F ⊆ F ⊥⊥ , que F ⊥⊥ = F .


Notons qu’en général un sous-espace vectoriel a une infinité de supplémentaires ; mais il
n’a qu’un seul supplémentaire orthogonal.

ʾ corollaire 2.2.7 (Critère de totalité)

Soit H un espace de Hilbert, et F un sous-espace vectoriel de H. Alors F est


dense dans H si et seulement si F ⊥ = {0}.

œ Preuve. Supposons que F soit dense dans H, considérons un vecteur x de H ortho-


gonal à F , et montrons que x est orthogonal à H. Soit z un vecteur de H, par densité de
F on peut trouver une suite (zn )n dans F qui converge vers z ; et la continuité du produit
scalaire donne
hx, zi = hx, lim zn i = lim hx, zn i,
n→∞ n→∞

d’où hx, zi = 0 puisque hx, zn i = 0 pour tout n.


Réciproquement, si F n’est pas dense dans H, on peut choisir un vecteur a dans H\F , et
si α désigne son projeté sur le convexe fermé F , alors le vecteur a − α est non nul et il
est orthogonal à F , donc à F .

2.3 Dualité et théorème de Représentation de Riesz


ő La construction de l’espace dual d’un espace vectoriel topologique est une opération
importante dans la mesure où cet espace dual possède de bonnes propriétés quand l’espace
initial en possède lui-même. Nous allons voir, comme conséquence du théorème de la
projection, que tout espace de Hilbert est isomorphe à son dual (topologique). Rappelons
d’abord que nous avons vu que, pour tout a ∈ H, la forme linéaire La : x ∈ H 7→ hx, ai
est continue, c’est-à-dire est un élément du dual H ′ , et que kLa kH ′ = kak Le résultat
remarquable qui suit nous dit que tout élément de H ′ est de ce type.

ʾ Théorème 2.3.1 (Représentation de F. Riesz)

Soit ℓ une forme linéaire continue sur un espace de Hilbert H. Alors il existe un
et un seul a dans H tel que

ℓ(x) = hx, ai, ∀x ∈ H (∗)

De plus kℓkH ′ = kak, et a est le seul vecteur de H qui minimise la fonction

Ψ : H −→ R
kyk2 .
y 7−→ − <e ℓ(y)
2

œ Preuve.
Objectif 1 : L’unicité
si a0 et a1 vérifient (∗) alors pour x = a0 − a1 , on a
ha0 − a1 , a0 i = ha0 − a1 , a1 i ⇔ ha0 − a1 , a0 − a1 i = 0
2.3. DUALITÉ ET THÉORÈME DE REPRÉSENTATION DE RIESZ 25

⇔ a0 − a1 = 0
⇔ a0 = a1 .
Objectif 2 : L’existence
Comme ℓ est continue, son noyau F est un sous-espace vectoriel fermé de H.
• Si F = H, alors
ℓ = 0, et nous pouvons choisir a = 0.
• Si F 6= H
d’après la corollaire 2.2.5 on a H = F ⊕ F ⊥ , et par suite il existe y0 ∈ F ⊥ \{0}, alors
ℓ(y0 ) 6= 0. Pour tout x ∈ H, on pose

ℓ(x)
u=x− y0 ,
ℓ(y0 )

il est clair que ℓ(u) = 0, ainsi u ∈ F , et comme y0 ∈ F ⊥ , on a hu, y0 i = 0,


de sorte que
ℓ(x)
hx, y0 i − ky0 k2 = 0,
ℓ(y0 )
on en déduit que
ℓ(y0 )
ℓ(x) = hx, y0 i , ∀x ∈ H,
ky0 k2
el il suffit alors de poser a = ky0 k−2 ℓ(y0 )y0 .
L’égalitékℓkH ′ = kak est garantie par la corollaire 2.1.4.
• Pour ce a, on a pour y ∈ H quelconque

kyk2 1 1 1
− <e ℓ(y) = kyk2 − <ehy, ai = ky − ak2 − kak2 .
2 2 2 2
a est bien le seul vecteur qui minimise la fonction Ψ sur H.

® Remarque 2.3.1

▶ Une autre façon de voir ce théorème est de dire que l’application :

J : H −→ H ′
a 7−→ J(a) = La

est surjective. Elle est donc bijective car c’est une isométrie (au sens des espaces
métriques) :

J(a) − J(a′ ) = kLa − La′ k = kLa−a′ k = a − a′ .

Notons que dans le cas réel, J est linéaire(donc est un isomorphisme isométrique),
mais que dans le cas complexe, elle n’est que semi-linéaire ( antilinéaire), d’où
l’importance de placer l’élément a à droite dans l’écriture hx, ai.
▶ Le dual topologique H ′ est un espace de Hilbert pour le produit scalaire sui-
vant :
∀a, b ∈ H, on pose hLa , Lb i = hb, ai.
Par ailleurs cette norme coïncide avec la norme déjà existant sur H ′ .
26 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

2.3.1 Applications du théorème de représentation de Riesz


ʾ Application 2.3.1

Soit (X, A, µ) un espace mesuré et soit ℓ une forme linéaire continue sur l’espace
L2 (X, A, µ), alors il existe un unique élément f0 ∈ L2 (µ) tel que
Z
ℓ(g) = gf 0 dµ, ∀g ∈ L2 (µ).
X

ʾ Application 2.3.2 ( Théorème de Radon-Nikodym)

Soit(X, A) un espace mesurable et µ, ν deux mesures positives σ-finies sur


(X, A). Il y a équivalence entre :

1. ∀A ∈ A µ(A) = 0 =⇒ ν(A) = 0 (on note ν  µ).


Z
2. ∃f : (X, A) → (R+ , B(R+ )) µ-intégrable telle que ∀A ∈ A, ν(A) = f du.
A

ő Ce théorème a été prouvée par Radon (1915) dans le cas particulier où


X = Rn , puis par Nikodym en général (1930), et la preuve suivante est donnée
par Von Neumann en 1940.
œ Preuve.
⇐= Le sens indirect est immédiat, puisque pour A ∈ A tel que µ(A) = 0, on a
Z Z
ν(A) = f dµ = 1A .f dµ, et 1A est nulle µ − presque partout.
A X

=⇒ Pour le sens direct, on commence par le cas ou ν et µ sont des mesures finies. En
particulier, on a dans ce cas L2 (µ) ⊆ L1 (µ).
• Étape 1 : cas ou ν ≤ µ.
On suppose
R R cette étape que ν ≤ µ. Alors pour toute fonction g mesurable positive,
dans
on a gdν ≤ gdµ : en particulier, L2 (µ) ⊆ L2 (ν), donc on peut considérer l’application
linéaire

Φ : L2 (µ) −→ RZ .
f 7−→ f dν
X

L’application Φ est linéaire et continue. En effet, pour g ∈ L2 (µ), on a


R
|Φ(g)|=| X gdν|
R
≤ X |g|dν
p
≤ kgkL2 (ν) . ν(X)
p
≤ kgkL2 (µ) . ν(X),
2.3. DUALITÉ ET THÉORÈME DE REPRÉSENTATION DE RIESZ 27

où l’on a appliqué l’inégalité de Cauchy-Schwarz pour obtenir la seconde inégalité.


Le théorème de représentation de Riesz assure alors l’existence d’une fonction f ∈ L2 (µ) ⊆
L1 (µ) tel que
∀g ∈ L2 (µ), Φ(g) = hf, giL2 (µ) .

Autrement dit, pour tout g ∈ L2 (µ) on a


Z Z
gdν = f gdµ.
X X

Pour A ∈ A, comme µ est finie 1A ∈ L2 (µ) donc on a en particulier


Z Z Z
ν(A) = 1A dν = 1A .f dµ = f dµ.
X X A

Montrons maintenant que f est positive. On suppose par l’absurde que µ({f < 0}) > 0.
1
Alors il existe un entier n0 tel que µ({f ≤ − }) > 0. On en déduit que :
n0
  Z
1 { }
µ(X)
ν f ≤− = 1 f dµ ≤ − n < 0.
n0 f ≤− 0
n0

Ceci contredit que la mesure ν est positive. Ainsi, On a µ({f < 0}) = 0. De la même
manière, on peut montrer que µ({f > 1}) = 0,et en déduit en fait que f est µ−presque
partout a valeurs dans [0, 1].
• Étape 2 : Cas général.
On applique l’étape 1 aux mesures finies ν et µ + ν. Il existe f ∈ L1 (µ + ν) avec f ∈
[0, 1](µ + ν)−presque partout, tel que
Z
∀A ∈ A, ν(A) = f d(µ + ν).
A

Z Z
∀A ∈ A, (1 − f )dν = f dµ.
A A
Z Z
Notons N = {f = 1}. Alors µ(N ) = f dµ = (1 − f )dν = 0, donc comme ν  µ, on
N N
en déduit ν(N ) = 0. Pour A ∈ A, on peut décomposer A = (A∩N )∪(A∩N c ), et on obtient

ν(A) = ν(A ∩ N ) + ν(A ∩ N c )


Z ∩N )
= ν(A c
1
= 1N c (1 − f )dν
ZA 1−f
f
= 1N c dµ,
A 1−f
f
avec φ := 1N c ≥ 0 µ− presque partout car 1 − f ≥ 0 (µ + ν)-presque partout. Par
1Z − f
ailleurs, on a φdµ = ν(X) < ∞ donc φ ∈ L1 (µ) ; ainsi φ vérifie la propriété 2 du
X
théorème.
28 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Application 2.3.3

Soient (H1 , h , i) et (H2 , h , i) deux espaces de Hilbert. Pour tout T ∈ L(H1 ; H2 ),


il existe un unique T ∗ ∈ L(H2 ; H1 ) tel que pour tout x ∈ H1 et tout y ∈ H2 , on
ait :
hT (x), yiH2 = hx, T ∗ (y)iH1 .
L’application linéaire continue T ∗ est appelé l’adjoint de T .

œ Preuve.
• Objectif 1 : Existence de T ∗ .
Pour tout y ∈ H2 , considérons l’application ϕy : x 7→ hT (x), yi. Montrons que ϕy est
linéaire continue et qu’il existe un unique z ∈ H1 tel que :
∀x ∈ H1 , ϕy (x) = hT (x), yi = hx, zi,
d’abord ϕy est clairement linéaire par linéarité de T et linéarité à gauche de h , i, puis ϕy
est continue par continuité de T et l’inégalité de Cauchy-Schwartz. En effet :
|ϕy (x)| = |hT (x), yi ≤ kT (x)k kyk ≤ kT k kxk kyk ,
et donc en posant C = kT k kyk, on a |ϕy (x)| ≤ C kxk =⇒ ϕy est continue, d’après le
théorème de représentation de Riesz-Fréchet, il existe alors un unique vecteur noté T ∗ (y)
tel que :
∀x ∈ H1 , ϕy (x) = hT (x), yi = hx, T ∗ (y)i,
par l’unicité de T ∗ (y) pour un y donné, on définit une application T ∗ : H2 → H1 .
• Objectif 2 :Unicité de T ∗ .
On suppose qu’il existe T1∗ , T2∗ ∈ L(H2 ; H1 ) tels que pour tout x ∈ H1 et tout y ∈ H2 , on a :

hT (x), yi = hx, T1∗ (y)i et hT (x), yi = hx, T2∗ (y)i,


donc
hx, T1∗ (y)i = hx, T2∗ (y)i ⇔ hx, T1∗ (y) − T2∗ (y)i = 0
⇔ T1∗ (y) − T2∗ (y) ∈ H1⊥ = {0}
⇔ T1∗ (y) = T2∗ (y),
∗ ∗
alors T1 = T2 , d’où l’unicité de T . ∗

• Objectif 3 : La linéarité de T ∗
Soient y1 , y2 ∈ H2 et c1 , c2 ∈ K. Pour tout x ∈ H1 , on a :
hx, T ∗ (c1 y1 + c2 y2 )i = hT (x), c1 y1 + c2 y2 i
= c1 hT (x), y1 i + c2 hT (x), y2 i
= c1 hx, T ∗ (y1 )i + c2 hx, T ∗ (y2 )i
= hx, c1 T ∗ (y1 ) + c2 T ∗ (y2 )i
hx, T (c1 y1 + c2 y2 )i = hx, c1 T (y1 ) + c2 T (y2 )i ⇔ hx, T ∗ (c1 y1 + c2 y2 )i − hx, c1 T ∗ (y1 ) +
∗ ∗ ∗

c2 T ∗ (y2 )i = 0
⇔ hx, T ∗ (c1 y1 +c2 y2 )−c1 T ∗ (y1 )−c2 T ∗ (y2 )i = 0
⇔ T ∗ (c1 y1 + c2 y2 ) − c1 T ∗ (y1 ) − c2 T ∗ (y2 ) ∈ H1⊥ .
Or H1⊥ = {0}, alors T ∗ est linéaire.

• Objectif 4 : Continuité de T ∗
Pour x ∈ H1 et pour tout y ∈ H2 , on a :
|hx, T ∗ (y)i| = |hT (x), yi| ≤ kT k kxk kyk (∗),
2.4. FAMILLES ORTHONORMÉES 29

comme k.k découle d’un produit scalaire, on applique corollaire 2.1.4 en a = T ∗ (y), on
trouve que kT ∗ (y)k = sup∥x∥=1 |hx, T ∗ (y)i|, et par (∗), on a kT ∗ (y)k ≤ kT k kyk, ce qui
nous donne T ∗ est continue.

2.4 Familles orthonormées


ő Dans ce paragraphe, on généralise aux espaces de Hilbert les notions de base orthogo-
nale ou orthonormale dans l’espace euclidien. Cela passe évitablement par la considération
de séries de vecteurs. Dans un espace de Banach, un des critères généraux de convergence
d’une série, est celui de la convergence normale. Dans le cadre des espaces de Hilbert, et
pour les séries d’éléments deux à deux orthogonaux, il est possible d’avoir un autre critère.

ʾ Définition 2.4.1

Une famille (ei )i∈I d’élément d’un K-espace préhilbertien E est dite :

• Orthogonale si hei , ej i = 0 pour tous i 6= j.

• Orthonormale(ou orthonormée) si hei , ej i = δi,j , pour tous i, j ∈ I,


avec δi,j désigne le symbole de Kronecker.

Exemple 2.4.1.
√ C ([0, 2π], C) muni de son produit scalaire usuel, la famille (fn )n∈Z avec fn (x) =
ß Dans 0

e / 2π, est orthonormale puisque, pour tous m, n ∈ Z, on a :


inx

Z 2π
1
hfm , fn i = ei(m−n)x dx = δm,n .
2π 0
Ce système orthonormal est appelé le système trigonométrique et joue un rôle central dans
l’étude des séries de Fourier.
ß Considérons l’espace de Hilbert ℓ2 . Rappelons que pour tout n ≥ 0, en ∈ ℓ2 , avec en =
(δn,k )k≥0 . Il est clair que (en )n≥0 est une famille orthonormale dans ℓ2 .
ß La famille d’élément défini par un (x) = √1π sin(nx) forme une suite orthonormale dans
C 0 ([−π, +π], R) muni de son produit scalaire usuel.

® Remarque 2.4.1

▶ On peut normaliser une famille orthogonale en divisant chaque ei par sa norme.

▶ Toute famille orthogonale (ei )i∈I est algébriquement libre, i.e. Pour tout J ⊆ I
sous-ensemble fini, {ei }i∈J sont linéairement indépendants.

ő Dans cette section de familles orthonormés, on se restreindra aux familles dé-


nombrable, et tous les résultats restent vrai (sauf le théorème 2.4.3) pour une familles
quelconques. Pour le cas général, on pourra se reporter, par exemple, au livre de N. El
Hage Hassan, Topologie générale et espaces normés, Dunod, 2001 et M. EL Amrani, Ana-
lyse de Fourier dans les les espaces Fonctionnels, Ellipses, 2008.
30 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Théorème 2.4.1

Soient H un espace de Hilbert et (xn ) une suite d’éléments de H deux à deux or-
X X
thogonaux. La série xn converge si et seulement si la série numérique kxn k2
n n
converge. Dans ce cas, on a la relation de Pythagore généralisée
∞ 2 ∞
X X
xn = kxn k2 .
n=1 n=1

œ Preuve. X
Soit (Sn,1 ) la suite des sommes partielles de la série xn et (Sn,2 ) la suite des sommes
X n
partielles de la série kxn k2 . le théorème de Pythagore assure que, pour deux entiers
n
quelconque p < q,

2
X
q X
q
xi = kxi k2 .
p+1 p+1

Ce qui s’écrit kSq,1 − Sp,1 k2 =|Sq,2 − Sp,2 |. Ainsi, la suite (Sn,1 ) est une suite de Cauchy
si et seulement si la suite (Sn,2 ) l’est aussi, et dans ce cas on a

2
X
n X
n
lim xi = lim kxi k2 .
n→∞ n→∞
i=1 i=1

ʾ Lemme 2.4.1

Si J est fini⊂ N, on a :
* +
X X X
λi e i , µi ei = λi µ i .
i∈J i∈J i∈J

Avec (ei )i∈N est une suite orthonormale.

œ Preuve. Il suffit de développer.


2.4. FAMILLES ORTHONORMÉES 31

ʾ Théorème 2.4.2 (Inégalité de Bessel)

Soient (E, h , i) un espace préhilbertien, (en )n∈N une famille orthonormale dans
E.

(1). Pour tout x ∈ E, la suite |hx, en i|2 est convergente dans R+ , et on
a: X
|hx, en i|2 ≤ kxk2 (Inégalité de Bessel).
n∈N

X
n=∞
(2). Et si un vecteur x ∈ E peut s’écrire x = an en où (an ) ⊆ K, et Soit Fn
n=0
le sous-espace vectoriel engendré par e0 , e1 , ..., en . Alors on a

(a).
an = hx, en i ∀n ≥ 0.

(b).
X
n
PFn (x) = ak ek .
k=0

œ Preuve.
(1). D’après le lemme précédent, on a

* +
X
p X
p X
p
x− hx, en ien , x − hx, en ien = kxk2 − |hx, en i|2 ,
n=0 n=0 n=0

X
p
le première membre étant ≥ 0, on en déduit pour tout p ≥ 0, |hx, en i|2 ≤ kxk2 , d’où la
n=0
convergence de la série de terme générale |hx, en i|2 et l’inégalité de Bessel.

(2)-(a). Pour chaque k ≥ 0, d’après la corollaire 2.1.4 la forme linéaire Lek est conti-
nue, donc :

X ∞
X
hx, ek i = Lek (x) = Lek (an en ) = an hen , ek i = ak .
n=0 n=0

* +
X
k=n
(2)-(b). Comme on a ak = hx, ek i ( d’après (2)-(a) ), on obtient que x− ak ek , e j =
k=0
X
n
0, pour tout j ≤ n, donc si yn = ak ek , on a x−yn ∈ Fn⊥ , comme yn ∈ Fn , la proposition
k=1
2.2.3 dit que yn = PFn (x).
32 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

® Remarque 2.4.2

On en déduit, en particulier, que lim hx, en i = 0, on appliquons à l’exemple


n→∞ Z

1
précédent 2.4.1.3 on obtient que lim √ f (t)sin(nt)dt = 0, pour tout f ∈
n→∞ π −π
C 0 ([−π, +π], R).

ʾ Théorème 2.4.3 (Riesz-Fischer)

Soit (en )n≥0 une suite orthonormal dans un espace de Hilbert H, et (an )n≥0 une
suite de K. Alors

X ∞
X
|an |2 converge dans R ⇔ an en converge dans H.
n=0 n=0

œ Preuve. Puisque H est complet, la série converge si et seulement si elle vérifie le


critère de Cauchy.
Pour tout m, p ∈ N, p ≥ m, l’identité de Pythagore nous donne :

2 2
X
p X
m X
p X
p
an en − an en = an en = |an |2 ,
n=0 n=0 n=m+1 n=m+1

X
ainsi la série an en est convergente si et seulement si la série réelles à termes
n≥0
X
positifs |an |2 vérifie le critère de Cauchy, donc converge car R est complet.
n≥0
2.5. BASES HILBERTIENNES 33

® Remarque 2.4.3

▶ Dans le cas particulier où la suite (an )n≥0 est la suite (hx, en i)n≥0 , l’inégalité de
Bessel nous assure de l’appartenance de cette suite a ℓ2 (N), aussi par le théorème
X
2.4.3 la série hx, en ien est converge dans H, sa somme est égale à PF (x) où
n≥0
P
F = V ect({ei , i ∈ N}). En effet la somme de n hx, en ien est un élément a de F
(car F est fermé de H) qui vérifie par construction

hx − a, ei i = 0, pour i ≥ 0,

par la proposition 2.2.3 on a donc a = PF (x). Alors on a bien que :



X
hx, en ien = PF (x).
n=0

▶ Ainsi, on définit une application Φ : H → ℓ2 (N), par Φ(x) = (hx, en i)n∈N.


Cette application est linéaire, car le produit scalaire est linéaire par rapport à x
et l’inégalité de Bessel assure la continuité de cette application. En effet : ∀x ∈ H,
on a X
kΦ(x)k2 = |hx, en i|2 ≤ kxk2 .
n≥0

Finalement, le théorème précédent entraîne sa surjectivité, en effet, pour toute


X X
suite (an )n≥0 ∈ ℓ2 , le vecteur an en ∈ H et vérifie Φ( an en ) = (an )n≥0 .
n≥0 n≥0

ő On passe maintenant à la généralisation de la notion de base algébrique


d’un espace vectoriel dans le contexte des espaces de Hilbert.

2.5 Bases hilbertiennes


Dans l’espace euclidien R3 , on peut décomposer les vecteurs dans une base orthonor-
mée (O, i, j, k)

u = hu, iii + hu, jij + hu, kik, et kuk2 = hu, ii2 + hu, ji2 + hu, ki2 .

Dans l’espace euclidien Rn , tout vecteur u se décompose :

X
n
u= ci ei .
i=1

Où {ei , 1 ≤ i ≤ n et i ∈ N } est une base orthonormée et ci des coefficients.

♣ Peut-on avoir quelque chose de similaire dans un espace préhilbertien ?


P+∞
Il faudra admettre des sommes avec une infinité de termes : i=1 ci ei .
34 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

ʾ Définition 2.5.1

Soit E un espace préhilbertien. On dit que {ei , i ∈ I} est une base hilbertienne
de E si
i. {ei , i ∈ I} est une famille orthonormée .

ii. V ect({ei , i ∈ I}) = E (On dit que (ei )i∈I est totale).

Exemple 2.5.1. ß Considérons l’espacede Hilbert ℓ2 . Rappelons que pour tout n ≥ 0,


1 si k = n
en ∈ ℓ2 , où en = (δn,k )k≥0 , avec : δn,k = . Alors (en )n≥0 est une base
0 si k 6= n
hilbertienne de ℓ2 . En effet, il est clair que (en )n≥0 est une famille orthonormale dans ℓ2 .
X
+∞
Soit x = (xn )n≥0 ∈ ℓ2 et soit ε > 0. Alors il existe N ≥ 0 tel que |xn |2 < ε2 . Soit
n=N +1
! 21
X
N X
+∞
y= xn en , alors y ∈ Vect ({en ; n ≥ 0}) et on a kx − yk2 = |xn |2 < ε. Donc
n=0 n=N +1
Vect ({en ; n ≥ 0}) est dense dans ℓ2 . Par conséquent, (en )n≥0 est une base hilbertienne de
ℓ2 .

® Remarque 2.5.1

1. Cardinalité de I :

▶ I fini : On est dans le cas bien connu des espaces euclidiens(ou hermi-
tiens).

X
▶ I dénombrable : ci ei est une série.
i=1

X
▶ I non dénombrable : Il faut donner un sens à ci ei qu’il vaut mieux écrire
i=1
X
c i ei .
i∈I

2. Attention :

▶ Lorsque l’on parle d’une base {ei }, ne pas confondre :


• Base algébrique : Les vecteurs sont combinaisons linéaire fini des ei .
• Base hilbertienne : Les vecteurs s’expriment comme des limites de combinaisons
linéaire de ei .

3. Bases hilbertiennes et critère de totalité.

▶ Dans un espace de Hilbert H on a : ii ⇔ V ect({ei , i ∈ I})⊥ = {0} ⇔


(∀i ∈ I, hx, ei i = 0 =⇒ x = 0), (corollaire 2.2.7).
▶ Une suite orthonormée dans un espace de Hilbert H est une base hilbertienne
si et seulement si l’application Φ de la remarque 2.4.3 est injective.
2.5. BASES HILBERTIENNES 35

ʾ Théorème 2.5.1 (Caractérisation de la base hilbertienne)

Soit H un espace de Hilbert et (en )n ≥ 0 est une suite orthonormée. Les propriétés
suivantes sont équivalentes :
(i). (en )n ≥ 0 est une base Hilbertienne.
X
(ii). ∀x ∈ H, x = hx, en ien .
n≥0
X
(iii). ∀x ∈ H, kxk2 = |hx, en i|2 . (L’identité de Parseval)
n≥0

œ Preuve. * +
X
(i)⇒(ii) Pour tout j ∈ N, x− hx, en ien , ej = hx, ej i − hx, ej i = 0, alors l’hypothèse
n≥0
X X
(i) entraine x − hx, en ien = 0, i.e. x = hx, en ien .
n∈N n∈N

(ii)⇒(iii) D’après le lemme 2.4.1, on a


2
2
X
k=N X
k=N
∀N ∈ N, kxk = |hx, ek i| + x −
2
hx, ek iek .
k=0 k=0

Ainsi, lorsque N → +∞ on obtient l’identité de Parseval.

(iii)⇒(i) Comme par hypothèse(remarque 2.5.1) on a ∀ ∈ N, hx, en i = 0 de l’identité


de Parseval, on aura que kxk2 = 0, i.e. x = 0.

® Remarque 2.5.2

Si {en }n∈N est une base hilbertienne de H, l’identité de Parseval entraine que
X
kΦ(x)k2 = |hx, en i|2 = kxk2 . D’où Φ est une isométrie, donc injective, de
n≥0
plus si H est séparable on peut montrer que Φ est un isomorphisme d’espaces de
Hilbert. Alors tout espace de Hilbert est isomorphe à l’espace de Hilbert ℓ2 (N)

Exemple 2.5.2.
ßLa suite orthonormée {en }n∈N de ℓ2 (N) est une base hilbertienne, qu’on appelle la base
standard de ℓ2 (N). On rappelle que
en = (0, · · · , 0, 1, 0, · · · ) pour tout n ∈ N
| {z }
n−1

En effet, pour tout x = {xn }n∈N ∈ ℓ2 (N), alors,



X ∞
X
kxk2 = |xn |2 = |hx, en i|2 .
n=0 n=0

D’après le théorème 2.5.1, (en )n∈N est une base hilbertienne.


36 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

2.5.1 Espaces hilbertiennes séparables


ő Ce procédé a déjà été rencontré dans l’étude des espaces euclidiens ou her-
mitiens de dimension finie.

ʾ Lemme 2.5.1 (Procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt)

Soit H un espace préhilbertien de dimension infinie, et soit {fn }n≥0 une suite
libre de vecteurs de H. On pose pour p ∈ N, Vp = V ect({f0 , ..., fp }). Alors, la
suite (en )n∈N définie par une récurrence :
fp − PVp−1 (fp )
e0 = ∥ff00 ∥ et pour p ≥ 1, ep = est suite orthonormée telle que
fp − PVp−1 (fp )
Xp
fp+1 − hfp , ei iei
i=0
V ect(e0 , ..., ep ) = Vp . En fait, on a pour p ≥ 0, ep+1 = .
X
p
fp+1 − hfp , ei iei
i=0

œ Preuve. On raisonne par récurrence : Comme la suite (fn ) est libre, donc f0 6= 0,
par suite e0 = ∥ff00 ∥ vérifie bien ke0 k = 1. Supposons que e0 , e1 , ..., ep sont déjà obtenus et
que Vp = V ect{e0 , ..., ep }. Soit PVp (fp+1 ) la projection orthogonale de fp+1 sur Vp , d’après
la proposition 2.2.3 on a : hfp+1 − PVp (fp+1 ), yi = 0, ∀y ∈ Vp (∗), en particulier, fp+1 −
PVp (fp+1 ) est orthogonal aux vecteurs e0 , e1 , ..., ep , et on obtient un système orthonormé
e0 , ..., ep , ep+1 , en posant
fp+1 − PVp (fp+1 )
ep+1 = .
fp+1 − PVp (fp+1 )

Il reste à déterminer PVp (fp+1 ) dans la base orthonormée {e0 , e1 , ..., ep }. Si on écrit PVp (fp+1 ) =
X p
λi ei . Alors PVp (fp+1 ), ei = λi et de (∗) on a : hPVp (fp+1 ), ei i = hfp+1 , ei i, finalement
i=0

X
p X
p
PVp (fp+1 ) = λi e i = hfp+1 , ei iei .
i=0 i=0

ʾ Définition 2.5.2

Soit (E, d) un espace métrique. On dit que E est séparable s’il existe une partie
dénombrable et dense D de E.

Exemple 2.5.3. Les espaces R et C sont séparables.


D = Q pour le premier et D = Q + iQ pour le second.
2.5. BASES HILBERTIENNES 37

ʾ Théorème 2.5.2

Un espace préhilbertien E est séparable si et seulement s’il admet une base


hilbertienne dénombrable.
Dans ce cas toutes les bases hilbertiennes sont dénombrables.

œ Preuve. Soit D = {un }n∈N une suite dense dans E. On peut se ramener au cas où la
suite est libre. D’après le procédé de Gram-Schmidt 2.5.1, il existe une suite orthonormée
{en }n≥1 telle que pour tout n ∈ N, vect {e0 , · · · , en } = vect {u0 , · · · , un }. Il nous reste à
montrer que la suite {en }n∈N est totale.
Soit x ∈ E et ε > 0, comme D = {un }n∈N est dense dans E, il existe N ∈ N tel que
kx − uN k < ε. Comme uN ∈ Vect {e0 , . . . , eN } il existe des scalaires λ0 , . . . , λN tels que
XN
x− λk e k < ε .
k=0
Réciproquement, soit {en }n∈N est une base hilbertienne de E. On pose
( )
X
A = VectQ+iQ {en }n∈N = λn en ; I ⊂ N, card(I) < +∞ et λn ∈ Q + iQ .
n∈I

On vérifie que A est dénombrable et dense dans E. Soit x ∈ E et ε > 0, alors il existe
X
N X
N
ak ek ∈ Vect {en }n∈N tel que x − ak ek < 2ε . Comme Q + iQ est dense dans C,
k=0 k=0
il existe pour tout k ∈ {0, . . . , N }, λk ∈ Q + iQ tel que |ak − λk | < ε
2(N +1) . Ainsi yε =
X
N X
N
ε
λk ek ∈ A vérifie, kx − yε k ≤ ε
2 + ≤ ε.
2(N + 1)
k=0 k=0
Finalement, soit {en }n∈N une base hilbertienne dénombrable de E (on vient de montrer
l’existence) et β = {ui }i∈I une autre base hilbertienne de E.
[
On pose, pour tout n, Bn = {u ∈ β; hen , ui 6= 0} et B = Bn . Comme la famille β =
P
n∈N
{ui }i∈I est une base hilbertienne de E, pour tout n, la série i∈I hen , ui i ui est sommable,
ainsi Bn dénombrable (Préliminaire, proposition 1.1.1) et par suite B est dénombrable
comme réunion dénombrable d’ensembles nombrables.
Soit u ∈ β\B, alors pour tout n ∈ N, hu, en i = 0 et comme {en }n∈N est une se hilbertienne,
u = 0, ce qui est impossible car kuk = 1, donc nécessairement β\B = ∅ , et par suite
β = B est dénombrable.

2.5.2 Le cas générale


ő On va maintenant montrer que tout espace de Hilbert (même s’il n’est pas séparable)
admet toujours une base hilbertienne. Ce résultat est basé sur le lemme de Zorn

ʾ Théorème 2.5.3

Tout espace de Hilbert H admet une base hilbertienne.


38 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

œ Preuve. On désigne par B l’ensemble des systèmes orthonormés de H, ordonné par


l’inclusion (⊂). Montrons que (B, ⊂) est inductif.
Soit C = {Bi , i [
∈ I} chaîne de B, i.e. une partie totalement ordonnée
[ de (B, ⊂) Alors
pour montrer que Bi est un majorant, il suffit de montrer que Bi est un système
i∈I [ i∈I
orthonormé. En effet, soit x, y ∈ Bi , x 6= y, alors il existe j ∈ I tel que x, y ∈ Bj , d’où
i∈I S
kxk = kyk = 1 et hx, yi = 0, ainsi on a montrer que i∈I Bi est un système orthonormé.
D’après le lemme de Zorn, il existe un élément maximal B dans B. Alors B est une
base hilbertienne de H, Il suffit de montrer que B est total, i.e. Vect(B) = H. Sinon,
H\Vect(B) 6= ∅ et il existerait un x de norme 1 orthogonal à Vect(B)(corollaire 2.2.7).
Alors, B ∪ {x} est un système orthonormé qui contient strictement B, ceci contredit le
caractère maximal de B. Donc B est total et par suite une base hilbertienne de H.

ʾ Théorème 2.5.4

Dans un espace de Hilbert H, deux bases hilbertiennes de H ont même cardi-


nale. Leur cardinal s’appelle la dimension hilbertienne de l’espace de Hilbert.

œ Preuve. Si H est de dimension finie n, alors toute base hilbertienne de H est aussi une
base algébrique, donc son cardinal est n. On suppose maintenant que H est de dimension
infinie. Soient (xi )i∈I et (ej )j∈J deux bases hilbertiennes de H. Alors I et J sont des
ensembles infinis. Soit D = {(i, j) ∈ I × J : hxi , ej i 6=
X 0}. D’après le théorème 2.5.1 sous
2
forme générale, pour tout i ∈ I, on a 0 6= kxi k = |hxi , ej i|2 , donc, pour tout i ∈ I,
j∈J
il existe j ∈ J tel que hxi , ej i 6= 0. Par conséquent, l’application (i, j) 7−→ i de D dans
Xd’où on a2 Card(I) ≤ Card(D) D’autre part, pour tout j ∈ J, on a
I est surjective,
2
aussi kej k = |hxi , ej i| . D’après la proposition 1.1.1(Préliminaire), l’ensemble Ij =
i∈I
{i ∈ I; hxi , e[
j i 6= 0} est au plus dénombrable. Soit fj : Ij −→ N une application injective.
On a D = Ij × {j}, et soit f : D −→ J × N définie par f (i, j) = (j, fj (i)) si i ∈ Ij .
j∈J
Alors f est une application injective. Par conséquent, on a Card(D) ≤ Card(J ×N). Or on
a Card(J × N) = Card(J), car J est infini, donc on a Card(I) ≤ Card(J). On échange le
rôle de I et J, on obtient aussi Card(J) ≤ Card(I). Finalement, on a Card(I) = Card(J).

2.6 La base hilbertienne de Fourier en L2 ([a, b], C)


ő Soit T un réel > 0. Une fonction f : R → C est dite de période T ou T -périodique
si f (x + T ) = f (x) pour tout x ∈ R. On a alors, f (x + nT ) = f (x) pour tout x ∈ R et
tout n ∈ Z. Il est souvent plus commode de voir les fonctions de période T comme des
fonctions sur l’espace quotient T = R/T Z de R sur T Z par la relation x ∼ y si et seulement
si x − y ∈ T Z, i.e. il existe n ∈ Z tel que x = y + nT .
Soit π : R → T l’application qui associe à un point de R sa classe d’équivalence modulo
T Z.
Alors si f˜ : R → C est une fonction T-périodique, il existe une unique fonction f : T →
C telle que f˜ = f ◦ π : R → C. Réciproquement, étant donné une fonction f : T → C alors
f˜ = f ◦ π : R → C est une fonction T-périodique. Ainsi les fonctions sur T correspondent
2.6. LA BASE HILBERTIENNE DE FOURIER EN L2 ([A, B], C) 39

aux fonctions sur R admettant la période T ; ou encore aux fonctions f définies sur un
intervalle [a, a + T ] telles que f (a) = f (a + T ) quel que soit a. T est muni de la topologie
quotient, i.e. la topologie telle que f : T → C est continue si et seulement si f ◦ π : R → C
est continue ; ainsi l’espace C(T) des fonctions continues sur T s’identifie avec l’espace des
fonctions continues et T-périodiques sur R.
Soit S1 = {z ∈ C : |z| = 1} le cercle unité. L’application ϕ : R → S1 définie par ϕ(t) =
e est surjective continue où ω = 2π T . L’application induite ψ : T → S qui à la classe
iωt 1

d’équivalence de t ∈ R associe e iwt est une bijection continue, donc un homéomorphisme


car T est compact, et ψ ◦ π = ϕ, i.e. le diagramme suivant est commutatif

T
π ψ

ϕ
R S1
Ainsi pour toute fonction f : R → C, T -périodique et continue il existe une unique
fonction continue f˜ : S1 → C telle que, pour tout t ∈ R, f (t) = f˜ eiωt .

Polynômes trigonométriques
ő Soit T > 0, on pose ω = 2π T . Pour n ∈ Z, on note en , la fonction T -périodique de
R à valeurs dans C définie par en (t) := eiωnt
Soit n ∈ N ; un polynôme trigonométrique de degré n est une expression de la forme
Xn
λk ek avec λk ∈ C et λn ou λ−n 6= 0. On note par Pn = Vect {ek | −n ≤ k ≤ n}
k=−n
l’espace des polynômes trigonométriques
[ de degré ≤ n et par P l’espace des polynômes
trigonométriques, i.e. P = Pn .
n≥0
Soit a < b. On pose T = b − a et ω = 2π
On munit L2 ([a, b]) du produit scalaire hf, gi =
Z T
1 b
f (t)g(t)dt. Alors on a
T a
ʾ Théorème 2.6.1

1). La suite (en )n∈Z est une base hilbertienne de L2 ([a, b], C).
2). L2 ([a, b], C) est un espace de Hilbert séparable.

œ Preuve. 1). La suite (en )n∈Z est orthonormée.



Z b Z b 1 si n = m
1 1
En effet, hen , em i = en (t)ēm (t)dt = e iω(n−m)t
dt = 1 h eiω(n−m)t ib
T a T a  =0 si n 6= m
T iω(n−m) a
On va montrer que c’est une base hilbertienne. Soit f ∈ L2 ([a, b])
et ε > 0. On pro-
longe f par 0 en dehors de [a, b], d’après le théorème de densité(l’espace Cc (R, C) des
40 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

fonctions continues sur R à support compact est dense dans L2 (R),voir préliminaire, théo-
rème1.2.5), il existe g ∈ Cc (R, C) telle que kf − gk2 ≤ 2ε . On peut supposer, quitte à
modifier g au voisinage des point a et b que g(a) = g(b) = 0. On peut donc prolonger
g par T périodicité à R. On a ainsi une fonction g : R → C continue et T - périodique.
Soit g̃ : S1 → C, la fonction continue telle que g̃ eiωt = g(t) pour tout t ∈ R. D’après
le théorème de Stone-Weierstrass complexe 1.1.1(voir préliminaire), l’ensemble des  poly-
1
nômes à coefficients complexes en les variables z et z̄ sont denses dans C S , C . Ainsi,
X
il existe P̃ (z) = an,m z n z̄ m tel que kg̃ − P̃ k∞ ≤ 2ε . Si on pose, pour tout t ∈ R,
 0≤n,m≤N
P (t) = P̃ . Alors P est un polynôme trigonométrique et kg − P k∞ ≤
eiωt ε
2. Ainsi,
kf − P k2 ≤ kf − gk2 + kg − P k2 ≤ kf − gk2 + kg − P k∞ ≤ 2ε + 2ε = ε.

2). La complétude est une conséquence du théorème de Riesz-Fischer (version en inté-


gration ), or (en )n∈Z est une base hilbertien alors d’après le théorème 2.5.2, L2 ([a, b]) est
séparable.

2.6.1 Conséquences
Maintenant que nous savons que L2 ([a, b]) est un espace de Hilbert séparable et que
(en )n∈Z en est une base hilbertienne, le théorème 2.5.1 de la page 35 et le théorème 2.4.3
de la page 32 nous donnent le résultat suivant :
ʾ corollaire 2.6.1

Soit a < b et ω = 2π/(b − a). Toute fonction f de L2 ([a, b]; C) peut se décomposer
de façon unique en
X Z b
1
(∗)f = cp (f )ep avec ep (t) = e ipωt
, cp (f ) = hf, ep i = e−ipωt f (t)dt,
b−a a
p∈Z

et l’on a l’identité de Bessel-Parseval suivante :


Z b X
1
|f (t)|2 dt = |cp (f )|2 .
b−a a p∈Z
P
Réciproquement, pour toute suite (γp )p∈Z ∈ ℓ2 (Z), la série γp ep converge dans
L2 ([a, b]; C) vers une fonction f telle que cp (f ) = γp .

® Remarque 2.6.1

L’égalité (∗) doit être comprise dans le sens suivant :

X
n
lim cp (f )eipωt = f
n→+∞
p=−n

au sens de la norme de L2 ([a, b]; C ) (appelée parfois norme de la convergence


en moyenne quadratique). Cela entraîne bien sûr la convergence en presque tout
point.
2.6. LA BASE HILBERTIENNE DE FOURIER EN L2 ([A, B], C) 41

ő En identifiant les fonctions T périodiques à leur restriction sur un inter-


valle d’amplitude T (par exemple [0, T ]), le corollaire ci-dessus donne :

ʾ corollaire 2.6.2

Toute fonction f périodique de période T et de carré sommable sur [0, T ] peut se


décomposer de façon unique en
X Z T
1 2π
f= cp (f )e ipωt
avec cp (f ) = e−ipωt f (t)dt, et ω = ,
T 0 T
p∈Z

l’égalité ayant lieu au sens de la convergence des sommes partielles de −n à n


dans L2 ([0, T ]; C). De plus on a l’identité de Bessel-Parseval
Z T X
1
|f (t)|2 dt = |cp (f )|2 .
T 0 p∈Z

Exemple 2.6.1 (d’application).

ß Soit la fonction 2π-périodique définie par

(
1 sur [0, π[
f (x) = .
−1 sur [π, 2π[

Sur [0, 2π[. La n-ième coefficient de Fourier de f est

Z 2π
1
cn (f ) = f (x)e−2inx dx
2π 0
 
1 1 (−1)n
= − .
π in in

2
Alors, on a cn (f ) = 0 pour n pair et cn (f ) = inπ pour n impair. Le développement en
X
+∞
2
série de Fourier de f est ei(2n+1)x . D’autre part on trouve par l’identité
n=−∞
i(2n + 1)π
de Bessel-Parseval le résultat suivant :

X
+∞
1 π2
= .
n=−∞
(2n + 1)2 4
42 CHAPITRE 2. ESPACES DE HILBERT

2.7 La topologie faible


ʾ Définition 2.7.1 (Convergence faible)

Soit H un espace de Hilbert et (xn ) une suite dans H.

• On dit que la suite (xn ) converge faiblement si et seulement si pour


tout ℓ ∈ H ′ la suite réelle (ℓ(xn )) converge. Autrement dit, si et seulement si
pour tout y ∈ H, la suite (hxn , yi) converge.
• On dit que la suite (xn ) converge faiblement vers un élément x0 ∈ H si et
seulement si
∀y ∈ H, lim hxn , yi = hx0 , yi.
n→+∞

On note alors
xn ⇀ x0 , n −→ ∞.
• Si une suite (xn ) converge vers x0 , i.e. ||xn − x0 || → 0. On dit que aussi que
(xn ) converge fortement vers x0 .

ʾ Proposition 2.7.1

• Toute suite faiblement convergente est bornée.


• La limite faible est unique.

ʾ Théorème 2.7.1

Dans un espace de Hilbert, une suite (xn ) converge vers x0 (fortement) si et


seulement si
(a) La suite (xn ) converge faiblement vers x0
(b) La suite (xn ) vérifie limn→+∞ ||xn || = ||x0 ||.

ʾ Proposition 2.7.2

Si K ⊆ H est un compact alors pour tout suite (xn ) ⊆ K d’élément de K la


convergence faible implique la convergence forte :

xn ⇀ x0 =⇒ xn → x0 .
Chapitre 3

Opérateurs compacts

ő À la différence des opérateurs linéaires dans un espace de dimension finie, pour les-
quels il existe une description exhaustive, l’étude des opérateurs linéaires arbitraires dans
un espace de dimension infinie est un problème assez compliqué. Cependant, certaines
classes importantes de ces opérateurs peuvent être décrites de manière assez complète.
L’une de ces classes est constituée par les opérateurs compacts. Ces opérateurs sont, d’une
part, assez proches par leurs propriétés de ceux de dimension finie ; et d’autre part ils
jouent un rôle important dans de nombreuses applications.

Soit E un espace vectoriel normé, on note BE (a, r) la boule ouverte de centre a et de


rayon r > 0 et B E (a, r) la boule fermée de centre a et de rayon r.
Dans le cas ou r = 1, a = 0 on note pour simplifier BE (0, 1) par BE et B E (0, 1) par B E .
Tout au long de ce chapitre E, F sont des espaces de Banach.

ʾ Définition 3.0.1

On dit qu’un opérateur linéaire T : E → F est compact si T (B E ) est relati-


vement compact dans F .
L’ensemble des opérateurs compacts de E dans F est noté K(E; F ), et Si E = F
alors, on note K(E).

® Remarque 3.0.1

Un opérateur linéaire compact est nécessairement continu ; c’est-a-dire que l’on


a l’inclusion K(E, F ) ⊆ L(E, F ). En effet pour B E ⊂ E on a, alors T (B E ) étant
relativement compact, donc borné et d’après le théorème 1.2.2, (préliminaire) T
est continue.
En revanche la réciproque est fausse en générale. Par exemple, l’opérateur I :
E → E est compact si, et seulement si E est de dimension finie, (Remarque
3.1.1).

♣ L’exemple suivant est l’une des principales motivations pour étudier les
opérateurs compacts.

Exemple 3.0.1.

43
44 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

ß Soit C[0, 1] munit de la norme k · k∞ . Considérons l’opérateur intégral T : C[0, 1] →


C[0, 1] défini par
Z 1
(T f )(t) = K(t, s)f (s)ds,
0
avec un "noyau" K ∈ C([0, 1] × [0, 1]). Alors T est un opérateur compact.

Preuve : Nous devons montrer que A := T B C[0,1] est un sous-ensemble précompact
de C[0, 1]. D’après le théorème d’Ascoli -Arzelà 1.2.4, on montre alors
(i). T (B C[0,1] )(x) = {f (x) : f ∈ T (B C[0,1] )} ∀x ∈ [0, 1] est relativement compact, donc il
suffit de montrer que A est uniformément bornée.
(ii). A est équicontinue, i.e. Pour tous a ∈ [0, 1] et ϵ > 0, il existe un voisinage V de a tel
que
d(f (x), f (a)) ≤ ϵ pour tous f ∈ A et x ∈ V.
i) A est uniformément borné. En effet : ∀f ∈ B C[0,1] on a
Z 1
|T f (x)| = K(x, t)f (t)dt
0
Z 1
≤ |K(x, t)kf (t)|dt
0
Z 1
≤ kf k∞ |K(x, t)|dt
0
Z 1
≤ |K(x, t)|dt
0
Z 1
⇒ sup |T f (x)| ≤ sup |K(x, t)|dt.
f ∈B C[0,1] (0,1) x∈[0,1] 0
Z 1
On pose M = sup |K(x, t)|dt on trouve kT f k ≤ M . D’où T (B C[0,1] ) est uniformé-
x∈[0,1] 0
ment borné.

(ii). Équicontinuité de A : Comme K est continue sur le compact [0, 1] × [0, 1], pour
tout ε > 0 et on choisit δ > 0 tel que

|t1 − t2 | ≤ δ entraîne |K (t1 , s) − K (t2 , s)| ≤ ε pour tout s ∈ [0, 1].


Maintenant, pour chaque f ∈ B C[0,1] , on obtient par l’inégalité triangulaire que
Z 1
|(T f )(t1 ) − (T f )(t2 )|≤ |K(t1 , s) − K(t2 , s)| |f (s)|ds ≤ ε
0

car |f (s)| ≤ 1 pour tous s ∈ [0, 1]. Cela montre que l’ensemble A est équicontinu. Ainsi
A est précompact.

ßL’opérateur de Voltera, V , peut être défini pour une fonction f ∈ L2 ([0, 1]) et un nombre
t ∈ [0, 1], par
Z t
V (f )(t) = f (s)ds,
0
est compact.
3.1. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES OPÉRATEURS COMPACTS 45

3.1 Propriétés générales des opérateurs compacts


ʾ Proposition 3.1.1

Soient E et F deux espaces vectoriels normés et T ∈ L(E, F ). Les conditions


suivantes sont équivalentes :
(i). T est compact.
(ii). Pour tout A ⊂ E borné, T (A) est compact.
(iii). Toute suite bornée (xn )n∈N de E, (T xn )n∈N admet une valeur d’adhérence.

œ Preuve. 
(i) ⇒ (ii) Soit A ⊂ E borné, alors il existe r > 0 tel que A ⊂ r.B E d’où T (A) ⊂ rT B E .

Ainsi, T (A) est compact, comme fermé du compact r.T B E .
(ii) ⇒ (iii) Il suffit de poser A = {xn , n ∈ N}.
 
(iii) ⇒ (i) Soit (yn )n∈N une suite de T B E . pour tout n ∈ N, il existe zn ∈ T B E , tel
que kyn − zn kF ≤ 2−n . Comme par hypothèse (zn )n∈N admet une valeur d’adhérence, il
en est de même pour (yn )n∈N.

ʾ Lemme 3.1.1 (Théorème de Riesz)

Soit E un espace vectoriel normé. Alors, la boule unité fermée de E est compacte
si et seulement si E est de dimension finie.

® Remarque 3.1.1

Le théorème de Riesz peut s’exprimer sous la forme suivante :


L’identité de E est un opérateur compacte si et seulement si E est de dimension
finie.

ʾ Théorème 3.1.1

Soient E et F deux espaces de Banach.

(i). L’ensemble des opérateurs compacts K(E, F ) est un sous-espace vecto-


riel fermé de L(E, F ).

(ii). Soient S ∈ L(E, F ) et T ∈ L(F, G), alors si S ou T est compact,


T ◦ S ∈ K(E, G). En particulier, K(E) est un idéal bilatère de L(E).

(iii). Si T ∈ K(E, F ) et F est un sous-espace fermé de E, alors T|F est


compact.

œ Preuve.
(i). Il découle de la proposition 1.2.1(préliminaire) que K(E, F ) est un sous-espace vectoriel
46 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

de L(E, F ).
Fermeture : Soit T ∈ K(E, F ), alors pour tout ε > 0, il existe Tε ∈ K(E, F ) tel que
kT − Tε k ≤ 2ε , cela signifie que

ε
kT x − Tε xk ≤ pour tout x ∈ B E .
2

Comme Tε est compact, Tε B E est précompact, il existe donc Nε ∈ N et {y1 , . . . , yNε }
tels que
 [ Nε  ε
Tε B E ⊂ B yi , .
2
i=1

Ainsi, pour tout x ∈ B E , il existe i0 ∈ {1, . . . , Nε } tel que kTε x − yi0 k ≤ 2ε , alors
 [ Nε
kT x − yi0 k ≤ kT x − Tε xk+kTε x − yi0 k ≤ 2 + 2 = ε. D’où T B E ⊂
ε ε
B (yi , ε), par suite
i=1

T B E est compact car F est complet. On a donc montrer que T ∈ K(E, F ). Finalement
K(E, F ) = K(E, F ).
  
(ii). Supposons S ∈ K(E, F ). Comme T S B E ⊂ T S B E , ce dernier est com-
 
pact, comme image du compact S B E par l’application continue T . Ainsi T ◦ S B E est
compact, i.e. T ◦ S ∈ K(E, G).

(iii). Comme B F = B E ∩ F , on a T|F (B F ) = T|F (B E ∩ F ) ⊆ T B E . D’où T|F (B F )


est relativement compact.

ʾ Proposition 3.1.2

Si E ou F est de dimension finie, alors K(E, F ) = L(E, F ).

œ Preuve.  Si E est de dimension finie, alors B E sera compacte(Lemme de Riesz),


d’où, T B E est compacte, comme image d’un compacte par une application continue
T (voir les propositions1.2.3 et 1.2.4 ). Alors T (B E ) est compacte. On suppose que F est
de dimension finie, alors, T (B E ) est bornée(Théorème1.2.2), donc relativement compacte
( car dans un espace de dimension finie, tout fermé borné est compact).

3.2 Opérateur de rang fini


ʾ Définition 3.2.1

Soit T ∈ L(E, F ). On dit que T est un opérateur de rang fini si Im(T) est de
dimension finie. Le rang de T est la dimension de son image.
Notation : FR(E, F ) L’ensemble des opérateurs de rang fini de E dans F .
3.2. OPÉRATEUR DE RANG FINI 47

Á Convention
Les applications linéaires T : E → F de rang finie ne sont pas toujours continues.

ß Désormais tous les opérateurs de rang fini seront supposés continues.

® Remarque 3.2.1

▶ FR(E, F ) est un sous-espace vectoriel de L(E, F ).


▶ Tout opérateur de rang fini est compact. En effet, dans un espace de dimension
finie, les ensembles relativement compacts sont exactement ceux qui sont bornés.
▶ Comme K(E, F ) est fermé, il s’ensuit que tout opérateur qui peut être appro-
ché par des opérateurs de rang fini est également compact. En d’autre manière
Pour tout T ∈ L(E, F ), tel qu’il existe Tn ∈ F R(E, F ), et lim kT − Tn k = 0.
n→+∞
Alors T est compact, i.e. FR(E, F ) ⊆ K(E, F ). La réciproque est fausse en gé-
néral dans un Banach quelconque, mais vraie lorsque F est un espace de Hilbert
(grâce aux projections orthogonales, voir le théorème 3.3.1).
▶Si F est de dimension finie, alors K(E, F ) = L(E, F ). En effet pour T ∈
L(E, F ), dim Im < ∞. Donc T est de rang fini.Alors T est compact. D’où
K(E, F ) = L(E, F ).

Exemple 3.2.1.
ßSoit E un espace de Hilbert séparable et soit (en ) une base hilbertienne de E. Pour tout
entier n. On désigne par Pn l’opérateur de projection orthogonale sur le sous-espace en-
gendré par {e1 , e2 , ..., en }. Pn est un opérateur de rang fini égal à n.

ß Considérons l’opérateur T : ℓ2 (N) → ℓ2 (N) défini par T x = 21n xn , pour tout x =
X 1
(xn ) ∈ ℓ2 (N). Alors T est borné car kT xk2 = |xn |2 ≤ kxk2 . Pour tout n ∈ N, on
4n
n≥0

définit l’opérateur Tn : ℓ (N) → ℓ (N) par Tn x = x0 , . . . , 21n xn , 0, 0, · · · . Il est clair que
2 2

les opérateurs Tn sont bornés et de rang fini. Or,

X 1 X 1
k(T − Tn ) xk2 = |x k | 2
≤ kxk 2
,
4k 4k
k≥n+1 k≥n+1

donc kT − Tn k → 0. Ce qui montre que T est compact.

ß Une forme linéaire T : E → K est un opérateur linéaire de rang fini. En effet on


sait que toute forme linéaire est soit nulle soit surjective. Donc Im(T ) = {0} ou bien
Im(T ) = K, i.e. dimT (E) < ∞(K considéré comme un espace vectoriel de dimension 1
sur lui-même).
48 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

ʾ Théorème 3.2.1

Si H1 et H2 sont des espaces de Hilbert. Alors

T ∈ F R(H1 , H2 ) ⇔ T ∗ ∈ F R(H2 , H1 ).

où T ∗ l’adjoint de T défini par l’application 2.3.3.

œ Preuve. Soit T est un opérateur de rang fini de H1 vers H2 , par hypothèse on


a : dimIm(T ) = n < ∞. Soit (ei )i=1,2,...,n une base orthonormée de T (H1 ) ; donc pour
x ∈ H1 , T x ∈ T (H1 ), on a donc pour tout x ∈ H1

X
n X
n
Tx = hT x, ei i ei = hx, T ∗ ei i ei ,
i=1 i=1

et pour tout (x, y) ∈ H1 × H2 :

X
n
hT (x), yi = hx, T ∗ yi = hx, T ∗ ei i hei , yi .
i=1
Donc

X
n

T y= hy, ei i T ∗ ei .
i=1

Alors T ∗y
∈V ect{T ∗ e
1 2, T ∗e , ..., T ∗ e ∗ ∗
n }, et donc dimIm(T ) ≤ n, d’où T est de rang fini.
Inversement si T est de rang fini, on a forcément T est de rang fini car (T ∗ )∗ = T .

Toutefois, si l’image de la boule B E par T peut être fermée, il n’en va pas de même
pour l’image de E tout entier, sauf cas très particulier :

ʾ Théorème 3.2.2

Soit T ∈ K(E, F ). Alors

(i). Im(T) est f ermé ⇔ T est de rang f ini.

(ii). Im(T ) est séparable.

(iii). Soient S ∈ L(E, F ) et T ∈ L(F, G). Si S ou T est de rang fini,


alors T ◦ S est de rang fini. En particulier, FR(E) est un idéal bilatère de L(E).

œ Preuve.
(i) ⇒ On suppose que Im(T ) est fermé dans l’espace de Banach F alors, Im(T ) est aussi
un espace de Banach. L’opérateur T est continu et surjectif de l’espace de Banach E
sur l’espace de Banach Im(T ). Alors, T est ouverte(d’après le théorème de l’application
ouverte). Comme
 la boule unité fermée B E est un voisinage de 0 dans E et T est ouverte,
alors T B E est un voisinage de T (0) = 0 dans Im(T ). D’où, il existe r > 0 tel que

BIm(T ) (0, r) = {y ∈ Im(T ) : kyk < r} ⊂ T B E .
3.3. OPÉRATEUR COMPACT DANS UN ESPACE DE HILBERT 49


L’adhérence BIm(T ) (0, r)F de BIm(T ) (0, r) dans F est un fermé dans le compact T B E ,
F F F
elle est donc un compact de F . De plus, on a BIm(T ) (0, r) ⊂ T B E ⊂ Im(T ) =
F
Im(T ), donc BIm(T ) (0, r) est un compact de Im(T ). on en déduit que la boule unité fer-
mée de Im(T ) est un compact de Im(T ). d’où Im(T ) est de dimension finie(Lemme de
Riesz).
⇐ La réciproque est évidente.
[
(ii). On a Im(T ) = nT B E . Or, pour tout n, nT B E est relativement compact, donc
n≥1
il existe un sous-ensemble dénombrable An tel que An = nT B E . Comme toute réunion
dénombrable
[ d’ensembles dénombrables est un ensemble dénombrable, alors l’ensemble
A= An est dénombrable, et en plus on a
n≥0
[
A ⊆ Im(T ) ⊆ An ⊆ A.
n≥1

D’où, Im(T ) = A, ce qui termine la preuve.

(iii). Si dimIm(T ) < ∞, alors T ◦ S ∈ F R(E, G) car Im(T ◦ S) ⊆ Im(T ). Puisque


Im(T ◦ S) = T (Im(S)), alors T ◦ S ∈ FR(E, G) si S est de rang fini.

3.3 Opérateur compact dans un espace de Hilbert


ő Les opérateurs compacts ont été introduits par Hilbert lors de l’étude des opérateurs
intégraux. Ils les a appelé opérateurs complètement continus parce qu’ils possèdent une
propriété de continuité spéciale que nous allons voir maintenant dans le théorème 3.3.3 et
qui, d’ailleurs, les caractérise.

ʾ Théorème 3.3.1 (Caractérisation des opérateurs compacts )

Soit E un espace Banach et H un espace de Hilbert. Tout opérateur compact


de K(E, H) est limite d’opérateurs de rang fini. Autrement dit, l’ensemble des
opérateurs de rang fini est dense dans K(E, H), i.e. FR(E, H) = K(E, H).


œ Preuve. Soit T ∈ K(E, H). Donc T B E est relativement compact, donc, pour tout
[
ε > 0 du recouvrement BH (y, ε) on peut extraire un sous-recouvrement fini : ∃Nϵ ∈
y∈H
N∗ , ∃ (yi )i=1,...,Nϵ ⊆ H, tel que :

 [

T BE ⊂ BH (yi , ε) .
i=1

Soit Zε = Vect {yi , i = 1, . . . , Nϵ } et soit l’opérateur PZε le projection orthogonale sur Zε ,


opérateur qui existe car Zε est un sous-espace vectoriel de dimension finie donc fermé.
Notons Tε = PZε ◦ T , opérateur de rang fini car Im (PZε ◦ T ) ⊂ Zε . Pour x ∈ B E on
a T x ∈ T B E donc il existe yi ∈ Zε tel que T x ∈ BH (yi , ε). On a hT x − Tε x, ziH =
50 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

hT x − PZε (T x), ziH = 0 pour tout z ∈ Zε puisque PZε est la projection orthogonale sur
Zε . Donc
T x − yi = (T x − Tε x) + (Tε x − yi ) ∈ Zε ⊥ ⊕ Zε ,
donc kT x − Tε xkH ≤ kT x − yi kH (Pythagore). Alors kT x − Tε xkH < ε. D’où FR(E, H) =
K(E, H) ; donc T peut être approché aussi près que souhaité par un opérateur de rang fini.
Exemple 3.3.1.
ßSoit H un espace de Hilbert séparable, et (en )n≥1 une base hilbertienne de H.
Pour T ∈ L(H), soit Tn l’opérateur de rang fini défini par :
X
n
Tn = h., ek iT ek , n ∈ N∗ .
k=1

Alors T est compact si et seulement si Tn → T, n → ∞.

® Remarque 3.3.1

S.Banach avait émis la conjecture que le théorème 3.3.1 reste exact si H est un
espace de Banach non hilbertien. P.Enflo a fourni un contre-exemple en 1972.

ʾ Théorème 3.3.2 (Schauder)

Si H1 et H2 sont des espaces de Hilbert. Alors

T ∈ K(H1 , H2 ) ⇔ T ∗ ∈ K(H2 , H1 ).

où T ∗ l’adjoint de T défini par l’application 2.3.3.

œ Preuve.
=⇒ Si T est compact alors T ∗ est compact : en effet, si (Tn ) est une suite d’opérateurs
de rang fini tels que Tn approche T {(Tn ) existe d′ apres le théorème 3.3.1}, alors (Tn∗ )
est une suite d’opérateurs de rang fini qui approche T ∗ , car kT ∗ − Tn∗ k = ||(T − Tn )∗ | | =
||T − Tn | |.
⇐= Évidemment, la condition est suffisante, grâce à la propriété (T ∗ )∗ = T .

ʾ Théorème 3.3.3

Soit T ∈ L(H1 ; H2 ) un opérateur compact. Alors, l’image par T de toute suite de


H1 faiblement convergente est une suite (fortement)convergente dans H2 .
Autrement dit que T envoie(transforme) une suite faiblement convergente dans
une suite fortement convergente.

œ Preuve. Soit (xn ) une suite faiblement converge vers x0 . Donc d’après la proposition
2.7.1 la suite (xn ) est bornée. Donc (xn ) est envoyée par T dans une suite relativement
compacte (yn ), où yn = T xn . Or T est compact, alors T est fortement continue, et (xn )
converge faiblement. D’où d’après le théorème 2.7.1, yn = T xn ⇀ T x0 = y0 . Donc, en
vertu du proposition 2.7.2, yn → y0 .
3.3. OPÉRATEUR COMPACT DANS UN ESPACE DE HILBERT 51

® Remarque 3.3.2

La réciproque de le théorème précédent reste vrai, i.e. Si T ∈ L(H1 ; H2 ) et pour


toute suite (xn ) de H1 faiblement convergente on a l’image (T xn ) est fortement
convergent. Alors T est compacte.

ʾ corollaire 3.3.1

Soient T ∈ L(H1 ; H2 ) un opérateur compact, et (ek ), k ∈ N, une suite orthonor-


mée dans H1 . Alors
lim ||T ek || = 0.
k→+∞

X
œ Preuve. Pour tout x dans H1 , la série |hx, ek i|2 est convergente et hx, ek i →
k
hx, 0i = 0, k → ∞ ∀x ∈ H1 =⇒ ek ⇀ 0, k → ∞. Le théorème précédent permet de
conclure.

♣ Un exemple important d’opérateurs compacts est donné par le théorème qui suit.

ʾ Théorème 3.3.4

Soient H un espace de Hilbert séparable et (en ) une base hilbertienne de H.


Soit λ = (λn ) une suite bornée dans C alors l’opérateur de multiplication par
λ défini par
Tλ (en ) = λn en
est compact si, et seulement si, λn → 0, n → ∞.

œ Preuve. Soit Pn l’opérateur de projection orthogonale sur le sous espace engendré


par {e1 , e2 , . . . , en }. L’opérateur Pn Tλ est un opérateur de rang fini et on a
(
λj ej si j ≥ n + 1
(Tλ − Pn Tλ ) ej =
0 si j ≤ n

et par suite kTλ − Pn Tλ k = sup |λj |. Si la suite (λn ) tend vers zéro quand n tend vers
j>n
l’infini, on en déduit que l’opérateur Tλ est limite d’une suite d’opérateurs de rang fini,
donc compact (d’après le théorème 3.3.1). Inversement, si Tλ est compact, le corollaire
3.3.1 assure que

lim kTλ en k = lim |λn | = 0,


n→∞ n→∞

ce qui termine la preuve.

Exemple 3.3.2 (Opérateurs diagonaux).


ß Soit (en )n≥1 une base hilbertienne de H et (λk )k≥1 une suite fixée de nombres complexes
52 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS


X
telles que |λk |2 < +∞. Pour tout x ∈ H, posons
k=1

X
+∞
Tx = λk hx, ek iek .
k=1

Or T (en ) = λn en et λn → 0, alors par le théorème 3.3.4, T est un opérateur compact sur


H.

3.3.1 Opérateurs de Hilbert-Schmidt


ʾ Définition 3.3.2

Soit H un espace de Hilbert séparable, et soit (ek )k≥1 une base hilbertienne de
H. Un opérateur linéaire T : H → H est un opérateur de Hilbert-Schmidt
si

X
kT ek k2 < ∞.
k=1

Le réel


!1/2
X 2
kT kHS = kT ek k
k=1

est appelé la norme de Hilbert-Schmidt de T .


On note HS(H) l’ensemble des opérateurs de Hilbert-Schmidt de H.

Exemple 3.3.3 (Opérateurs diagonaux).


ß Soit (en )n≥1 une base hilbertienne de H et (λk )k≥1 une suite fixée de nombres complexes

X
telles que |λk |2 < +∞. Pour tout x ∈ H, posons
k=1

X
+∞
Tx = λk hx, ek iek .
k=1

Alors T est un opérateur de Hilbert-schmidt sur H.


ß (Opérateurs à noyau) : Soit k : [a, b] × [a, b] → C (a < b) une fonction continue. Pour
toute f ∈ L2 ([a, b]), on considère la fonction T f définie pour t ∈ [a, b] par
Z b
(T f )(t) = k(t, s)f (s)ds.
a

Alors T est un opérateur De Hilbert-schmidt de l’espace de Hilbert L2 ([a, b]) sur lui même.
ß (Opérateur d’anti-convolution Γc ) On considére H = ℓ2 (N), et on fixe c = (cn ) ∈
ℓ2 (N).On définit l’opérateur Γc par
 
X ∞ 
Γc : H → H, (xn )n≥0 7→ cn+p xp .
 
p=0
n≥0
3.3. OPÉRATEUR COMPACT DANS UN ESPACE DE HILBERT 53

X
Γc est un opérateur de Hilbert-schmidt si et seulement si (1 + n) .|cn |2 < ∞.

ʾ Proposition 3.3.1

La définition de l’opérateur de Hilbert-Schmidt et de la norme de Hilbert-Schmidt


ne dépendent pas du choix d’une base hilbertienne de H.

X
œ Preuve. Supposons que kT ek k2 < ∞ pour une base hilbertienne (ek ) de H. En
k
utilisant l’identité de Parseval deux fois, et le théorème de Fubini-Tonelli, on obtient
X X X X
kT ek k2 = |hT ek , ej i|2 = |hek , T ∗ ej i|2 = kT ∗ ej k2 .
k k,j k,j j

Soit (e′k ) une autre base hilbertienne de H. Alors un argument similaire donne
X X X X
kT ∗ ej k2 = e′k , T ∗ ej T e′k , ej T e′k
2 2 2
= = .
j j,k j,k k

Ceci termine la preuve.

® Remarque 3.3.3

▶ Comme conséquence de la preuve, on a :

||T ∗ ||HS = ||T ||HS et T ∈ HS(H) ⇔ T ∗ ∈ HS(H).

▶ ||T || ≤ ||T ||HS . En effet : Soit x un vecteur de norme


X 1 et B = (xk )k≥0 une
base hilbertienne de H telle que x ∈ B. Alors ||T x|| ≤ ||T xk ||2 = ||T ||HS . En
k
appliquant cette inégalité à tous les x tel que ||x|| = 1, on obtient le résultat.
▶ HS(H) est un sous espace vectoriel de L(H).

ʾ Théorème 3.3.5

(i). Tout opérateur de Hilbert-Schmidt est compact.

(ii). L’ensemble des opérateurs de rang fini est dense dans HS(H).

œ Preuve.

(i). Soit T ∈ HS(H). Soit (en )n∈N une base hilbertienne de H. On note PN la projection
X
sur Vect (e0 , . . . , eN ), ∀N ∈ N. Soit ε > 0, comme T est de Hilbert-Schmidt, kT en k2
n∈N
! 12
X
+∞
converge, donc il existe N ∈ N tel que kT ek k2 ⩽ ε. Pour x ∈ H, tel que
k=N +1
54 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

kxk ⩽ 1, on a

!
X
N
||(T − T PN )x|| = T x − T hx, ek iek
k=0
!
X
+∞ X
N
= T hx, ek i ek − hx, ek i ek
k=0 k=0
!
X
+∞
= T hx, ek i ek
k=N +1
X
+∞
= hx, ek i T (ek )
k=N +1
X
+∞
≤ |hx, ek i| kT (ek )k
k=N +1
! 21 ! 12
X
+∞ X
+∞
⩽ |hx, ek i|2 kT ek k2
k=N +1 k=N +1
⩽ kxkε
⩽ ε.

On a ainsi montré que kT − T PN k −→ 0, i.e. T est la limite uniforme d’une suite


N →+∞
d’opérateurs de rang fini, donc T est compact.

(ii). Soit T ∈ HS(H). On sait que T ∗ ∈ HS(H). Soit (en )n∈N une base hilbertienne.
On a :

X
+∞ X
kT ∗ en k2 < +∞ donc ∀ε > 0, ∃N ∈ N : kT ∗ en k2 ⩽ ε.
n=0 n⩾N +1

P
On définit TN : f 7→ N n=1 hT f, en i en : c’est un opérateur de rang fini, car à valeurs dans
Vect (e0 , . . . , eN ). Par ailleurs, pour tout f ∈ H :

X X
(T − TN ) f = hT f, en i en donc k(T − TN ) f k2 = |hT f, en i|2 .
n⩾N +1 n⩾N +1

Donc, on a

X
+∞ X
+∞ X X X
+∞ X
k(T − TN ) ek k2 = |hT ek , en i|2 = |hT ek , en i|2 = kT ∗ en k2 ⩽ ε.
k=0 k=0 n⩾N +1 n⩾N +1 k=0 n⩾N +1

Donc kT − TN kL(H) ⩽ kT − TN k2 → 0 : ainsi, tout T ∈ HS(H) est limite (uniforme)


d’une suite d’opérateurs de rang fini. On a bien montré que l’ensemble des opérateurs de
rang fini est dense dans HS(H), pour k · kL(H) et pour k · k2 .
3.3. OPÉRATEUR COMPACT DANS UN ESPACE DE HILBERT 55

® Remarque 3.3.4

Lorsque H est l’espace L2 (X, T , µ), on a une description précise des opéra-
teurs de Hilbert-Schmidt. Plus exactement, soit (X, T , µ) un espace mesuré
σ-fini et supposons que l’espace de Hilbert L2 (X, T , µ) soit séparable. Donc
∀T ∈ L(L2 (X, T , µ)), on a :
 Z 
T ∈ HS(L (X, T , µ)) ⇔ ∃K ∈ L (X×X, T ×T , µ⊗µ) : T = TK : f 7→
2 2
K(x, ·)f dµ
X
et dans ce cas on a :
Z Z
||T ||2HS = ||TK ||2HS = |K(x, y)|2 dµ(x)dµ(y).
X X

Ce résultat n’est pas facile à démontrer.

ʾ Théorème 3.3.6

(i). (HS(H), h , i2 ) est un espace de Hilbert , où pour tout (S, T ) ∈


def X
+∞
HS(H) , hT, Si2 =
2 hT en , Sen i et (en )∞
n=0 est une base hilbertienne de H.
n=0
On note k.k2 . la norme associée.

(ii). L’ensemble des opérateurs de Hilbert-Schmidt est un idéal bilatère de


L(H) et si T est un opérateur de Hilbert Schmidt, pour toute base hilbertienne
(en )∞
n=1 de H, on a


X
kT ||2HS = |aij |2 où aij = hT ej , ei i . (3.3.6)
i,j=1

œ Preuve. (i). Déjà, HS(H) est un sous-espace vectoriel de L(H). En effet, on peut
prendre une base hilbertienne (en )n∈N quelconque, et si T et S sont deux opérateurs de
Hilbert-Schmidt, alors :
!
X+∞
2
X
+∞
2
X
+∞
2
k(T + S)en k ⩽ 2 kT en k + kSen k < +∞.
n=0 n=0 n=0

Ensuite, pour tous (S, T ) ∈ HS(H)2 et N ∈ N, d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz dans


H puis dans RN +1 ,
! 12 ! 12
X
N X
N X
N X
N
|hT en , Sen i| ⩽ kT en k kSen k ⩽ kT en k2 kSen k2 ⩽ kT kHS kSkHS < +∞,
n=0 n=0 n=0 n=0

et donc hS, T i2 est bien défini. On vérifie immédiatement que c’est un produit scalaire.
Étudions maintenant la complétude : soit (Tn )n∈N ∈ HS(H)N de Cauchy. Soit x ∈ H
de norme 1 : on peut compléter (x) en une base hilbertienne (ek )k∈N de H, de sorte que
56 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

pour un opérateur S ∈ HS(H), on a kSxk2 ⩽ kSk22 . Ainsi, pour tout x ∈ H, S ∥x∥ x



kSk2 , donc kSxk ⩽ kSk2 kxk, donc kSkL(H) ⩽ kSk2 . Pour S = Tn − Tm ∈ HS(H)
avec (n, m) ∈ N2 quelconque, on a donc kTn − Tm kL(H) ⩽ kTn − Tm k2 , et donc (Tn )n∈N
est de Cauchy dans L(H). Ce-dernier étant complet, (Tn )n∈N est converge. Notons T sa
∥·∥L(H) ∥·∥2
limite :Tn n→+∞ T . Montrons que T ∈ HS(H) et Tn n→+∞ T . Soit ε > 0. Soit M ∈ N. Il

existe K ∈ N tel que pour tous m ⩾ K et n ⩾ K, kTn − Tm kL(H) ⩽ ε/M . De là,

X
M X
M
kTn ek − Tm ek k2 ⩽ kTn − Tm k2L(H) ⩽ ε.
k=0 k=0

X
M
En faisant tendre n → +∞, on obtient : kT ek − Tm ek k2 ⩽ ε. Ainsi, quand M → +∞,
k=0
on obtient que T − Tm ∈ HS(H), donc T ∈ HS(H), et kT − Tm k2 ⩽ ε, a fortiori
∥·∥2
Tm m→+∞ T.

(ii). Si T est un opérateur de Hilbert-Schmidt et S un élément de L(H), on a



X ∞
X
2
kST ej k ≤ kSk 2
kT ej k2 = kSk2 kkT kk2 .
j=1 j=1

L’opérateur S ◦ T est donc un opérateur de Hilbert-Schmidt. De même, S ∗ ◦ T ∗ est un


opérateur de Hilbert-Schmidt et il en sera de même de son adjoint T ◦ S. (3.3.6) résulte de
l’égalité de parseval, et on a

X
2
kT ej k = |hT ej , ei i|2 .
i=1

Donc L’assertion (3.3.6) est immédiate.

® Remarque 3.3.5

La norme ||.||2 définie au théorème 3.3.6 coïncide avec la norme ||.||HS .

3.3.2 Alternative de Fredholm


Notation. Dans tout ce qui suit, I désigne l’opérateur identité de H défini par I(x) = x.

ʾ Proposition 3.3.2

Soit H un espace de Hilbert sur K et T ∈ L(H). Alors


(a). Ker(T ) = (Im(T ∗ ))⊥ .
(b). Ker(T ∗ ) = (Im(T ))⊥ .

œ Preuve. (a). Soit x ∈ KerT, alors T x = 0, alors que pour tour y ∈ H

hx, T ∗ yi = hT x, yi = 0,
3.3. OPÉRATEUR COMPACT DANS UN ESPACE DE HILBERT 57

ce qui signifie que x ∈ (ImT ∗ )⊥ et ainsi KerT ⊆ (ImT ∗ )⊥ . Si x ∈ (ImT ∗ )⊥ alors pour
tout y ∈ H
hT x, yi = hx, T ∗ yi = 0,
ce qui implique x ∈ KerT et donc (ImT ∗ )⊥ ⊆ KertT . Donc KertT = (ImT ∗ )⊥ .
(b). Par ce qui précède nous avons

KerT ∗ = ((Im(T ∗ )∗ ))⊥ = (ImT )⊥ .

ő Nous énonçons le lemme suivante sans preuve, pour la preuve, reportez-vous à [4] D.
Li, Cours d’analyse fonctionnelle avec 200 exercices corrigés, Ellipses, 2013 ou [6] Haïm.
Brezis, Analys fonctionnelle théorie et applications, Masson, Paris, 1983.

ʾ Lemme 3.3.1 (de Riesz)

Soit (E, k.k) un K-espace vectoriel normé, où K ∈ {R, C}, et F un sous-espace


vectoriel propre,i.e(strict) fermé de E. Alors
(
kxk = 1
∀ε > 0, ∃x ∈ E :
d(x, F ) ≥ 1 − ε

Avec d(x, F ) = inf kx − yk.


y∈E

ʾ Théorème 3.3.7 (Alternative de Fredholm)

Soit T un opérateur compact sur l’espace de Hilbert H. Alors les propriétés


suivantes sont vérifiées.
(i). Ker(I − T ) est de dimension finie.
(ii). Im(I − T ) est fermé.
(iii). Alternative de Fredholm : Ker(I − T ) = {0} ⇐⇒ Im(I − T ) = H.

œ Preuve. (i). F = ker(I − T ). C’est le sous-espace des points fixes de l’opérateur


 T.
Alors, si B F est la boule unité fermée de F et B H celle de H, on a B F ⊂ T B H ce qui
implique que B F est une partie compacte de H, donc de F . Le théorème de Riesz(Lemme
3.1.1) assure que F est nécessairement de dimension finie.
(ii). À l’aide de la caractérisation séquentielle de la fermeture. Munissons nous d’une
suite de points yn ∈ Im(I − T ) convergeant dans H vers une limite y et montrons que
y ∈ Im(I − T ).
Pour chaque n ≥ 0, on peut fixer xn ∈ H avec yn = xn − T xn . Ensuite, comme ker(I − T )
est de dimension finie, il existe un un ∈ ker(I − T ) tel que

d (xn , ker(I − T )) = kxn − un k

Alors, comme T un = un , on a

yn = (xn − un ) − T (xn − un ) .
58 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

Distinguons deux cas :


1. Supposons que (kxn − un k) reste borné. Alors, puisque T est compact, quitte à extraire,
on peut supposer la suite (T (xn − un )) convergente de limite w ∈ H. Comme yn → y, cela
implique que
xn − un −→ y + w := l
n→+∞

et par continuité de T , on a T (xn − un ) → T l. L’unicité de la limite fournit T l = T (y +


w) = w = l − y et donc y = l − T l, d’où le résultat.
2. Supposons maintenant que (kxn − un k) ne soit pas borné. Quitte à extraire, on peut
supposer kxn − un k → +∞. Posons
xn − un
wn := .
kxn − un k

Comme les wn sont de normes unitaires, quitte à extraire, on peut supposer la suite (T wn )
convergente de limite z ∈ H. La suite (yn ) est convergente donc bornée. Ceci implique que
yn
wn − T w n = → 0
kxn − un k n→+∞

et donc wn → z. L’élément z satisfait donc z = T z et donc z ∈ ker(I − T ). Nous avons


donc
wn −→ z ∈ ker(I − T )
n→+∞

et, en particulier, d (wn , ker(I − T )) → 0. Or, comme un ∈ ker(I − T ),


 
xn − un
d (wn , ker(I − T )) = d , ker(I − T )
kxn − un k
 
xn
=d , ker(I − T )
kxn − un k
d (xn , ker(I − T ))
= = 1.
kxn − un k

Ce qui est absurde. Le deuxième cas ne peut être vérifié, ce qui implique que le premier
cas l’est automatiquement et conclut la preuve du deuxième point.
(iii). Supposons que I − T est injectif et supposons qu’il n’est pas surjectif en vue d’obtenir
une contradiction.
Posons E1 = Im(I − T ). C’est un sous espace fermé strict de H stable par T . On peut
donc considérer la restriction T1 = T |E : E1 → E1 . Montrons que T1 vérifie les mêmes
1
propriétés que T .
1. L’espace E1 est fermé dans l’espace de Hilbert H, donc est aussi un espace de Hilbert.
2. L’opérateur T1 est la restriction sur un espace fermé de l’opérateur compact T . C’est
donc aussi un opérateur compact.
3. L’opérateur T1 n’est pas surjectif. En effet, si E2 = Im(I − T1 ) = (I − T )2 (E),
l’injectivité de I − T fournit E2 ⊊ E1 .
En raisonnant par récurrence, on construit ainsi une suite de sous-espaces fermés

· · · ⊊ En+1 ⊊ En ⊊ · · · ⊊ E2 ⊊ E1 ⊊ H.

Le lemme de Riesz permet alors de fixer, pour n ≥ 1 un élément un ∈ En tel que kun k =
1 et d (un , En+1 ) ≥ 1/2. Montrons que la suite (T un ) ne peut avoir de suite extraite
3.4. OPÉRATEURS COMPACTS AUTO-ADJOINTS 59

convergente, ce qui fournira la contradiction convoitée. Pour p > q, on a :


T up − T uq = − (up − T up ) + (uq − T uq ) + up −uq .
| {z } | {z } |{z}
∈Ep+1 ∈Eq+1 ∈Eq+1

Comme Ep+1 ⊂ Ep ⊂ Eq+1 , cela permet d’écrire T up − T uq = wpq − uq avec wpq ∈ Eq+1 .
Par construction de uq , on a alors
kT up − T uq k = kwpq − uq k ≥ 1/2,
ce qui interdit l’existence d’une suite extraite convergente.
Réciproquement, si Im(I − T ) = H, alors {0} = Im(I − T )⊥ = ker (I − T ∗ ), Mais l’opéra-
teur T ∗ est aussi compact, donc en appliquant le raisonnement ci-dessus à T ∗ au lieu de
T , on obtient Im (I − T ∗ ) = H alors Im (I − T ∗ )⊥ = {0} d’où ker(I − T ) = {0}.

® Remarque 3.3.6

Dans la preuve ci-dessus, on a utilisé la complétude de H. En d’autres termes, les


résultats du théorème restent vrais dans un espace de Banach E, c’est-a-dire le
théorème 3.3.7 reste valable si on remplace H par un espace de Banach E. Sauf
dans (iii) qui devient sous la forme suivante :

I − T est injectif si et seulement si I − T il est inversible.

On peut reformuler le (iii) du théorème 3.3.7 par :


ʾ corollaire 3.3.3

Soit T ∈ K(H). On considère l’équation de Fredholm : pour y ∈ H, trouver


x ∈ H tel que
x − T x = y. (3.3.3)
Alors, on distingue deux cas
1. Soit, pour tout y ∈ E, il existe une unique solution x ∈ E de l’équation 3.3.3
2. Soit, l’équation homogène x − T x = 0 admet une solution x 6= 0. Dans le
deuxième cas, l’équation 3.3.3 admet une solution (non unique) si et seulement
y ∈ Im (I − T ).

3.4 Opérateurs compacts auto-adjoints


3.4.1 Décomposition spectrale des opérateurs compacts auto-adjoints
ʾ Définition 3.4.1

Soit H un espace de Hilbert sur K. On dit que l’opérateur T ∈ L(H) est auto-
adjoint si T ∗ = T , i.e.

hT x, yi = hx, T yi, ∀x, y ∈ H.


60 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

Exemple 3.4.1.
ß L’opérateur identité sur un espace de Hilbert est auto-adjoint.
Z 1
ß opérateur intégral T f (t) = k(s, t)f (s)ds sur L2 ([0, 1]) avec un noyau hermitien,
0
c’est à dire tel que k(s, t) = k(t, s).

® Remarque 3.4.1

Si H est un espace de Hilbert complexe et T ∈ L(H) est un opérateur auto-


adjoint, Alors
hT x, xi = hx, T xi = hT x, xi, ∀x ∈ H.
Ainsi hT x, xi est un nombre réel.

ʾ Définition 3.4.2

On dit qu’un nombre réel ou complexe λ est une valeur propre de T ∈ L(E)
s’il existe x ∈ E, non nul, tel que T x = λx ; autrement dit si T − λI n’est pas
injectif.

ʾ Lemme 3.4.1

(a). Soit T ∈ L(H) est auto-adjoint. Si A ⊆ H est un sous-espace invariant par


T ,i.e. (T (A) ⊆ A), alors A⊥ est aussi un sous- espace invariant par T .
(b). Soit T un opérateur auto-adjoint compact sur un espace de Hilbert H. Alors
T admet une valeur propre λ tel que |λ| = kT k.
(c). |λ| ⩽ kT k pour toute valeur propre de T ∈ L(E).
(d). Si T ∈ L(H) est un opérateur auto-adjoint. Alors toutes les valeurs propres
de T sont réelles et les vecteurs propres correspondant à des valeurs propres
différentes sont orthogonaux.

œ Preuve. (a). Soit x ∈ A⊥ , nous allons vérifier que T x ∈ A⊥ . Soit y ∈ A arbitraire-


ment. Alors hT x, yi = hx, T yi = 0 car x ∈ A⊥ et y ∈ A, donc T y ∈ A.
(d). Soit λ une valeur propre de T , avec un vecteur propre x 6= 0. Alors
hT x, xi = hλx, xi.
Donc, a partir de la remarque 3.4.1, nous avons
hT x, xi hT x, xi
λ= = ∈ R.
hx, xi kxk2
Aussi si µ est une autre valeur propre de T avec un vecteur propre y, alors nous avons
λhx, yi = hT x, yi = hx, T yi = µhx, yi = µhx, yi.
Car µ est réel. Il en résulte que (λ − µ)hx, yi = 0. Puisque λ 6= µ, nous concluons que
hx, yi = 0, ce qui signifie que x ⊥ y.
3.4. OPÉRATEURS COMPACTS AUTO-ADJOINTS 61

— Afin de prouver les propriétés (b) et (c), nous avons besoin d’autres choses, pour la
preuve, reportez-vous à [4] D. Li, Cours d’analyse fonctionnelle avec 200 exercices
corrigés, Ellipses, 2013.
ő Maintenant, nous pouvons énoncer ce qu’on appelle le théorème de Dia-
gonalisation des opérateurs auto-adjoints compacts sur un espace de Hilbert.

ʾ Théorème 3.4.1

Soit H est un espace de Hilbert sur K et T ∈ K(H) un opérateur auto-adjoint


compact. Alors, il existe une base hilbertienne de H formée de vecteurs
propres de T .

œ Preuve. On désigne par B l’ensemble des parties U de H qui vérifient les conditions
(∗) 
 x ∈ U ⇒ kxk = 1
x, y ∈ U et x 6= y ⇒ hx, yi = 0 (∗)

x ∈ U ⇒ T x ∈ Kx = Vect{x}
ordonné par l’inclusion (⊂) des parties de H. Montrons que (B, ⊂) est inductif. Soit C =
{Bi ,S
i ∈ I} chaîne de B, i.e. Une partie totalement ordonnéeSde (B, ⊂) Alors pour montrer
que i∈I Bi est un majorant
S de C, il suffit de montrer que i∈I Bi vérifie (∗).
En effet, soit x, y ∈ i∈I Bi , x 6= y, alors il existe j ∈ I tel queSx, y ∈ Bj , d’où kxk =
kyk = 1, T x ∈ Kx, T y ∈ Ky et hx, yi = 0. Ainsi on a montrer que i∈I Bi vérifie (∗).
D’après le lemme de Zorn, il existe un élément maximal B dans B. Alors B est une base
hilbertienne de H formée de vecteurs propres : En effet, les deux premières conditions de
(∗) montrent que les éléments de B forment un système orthonormé et que la troisième
condition qu’ils sont des vecteurs propres de T . Il suffit de montrer que B est total. i.e
Vect(B) = H. Sinon, H0 = Vect(B)⊥ 6= ∅. On note T0 = T |H0 .
D’après le lemme 3.4.1, H0 est stable par T , d’où T0 : H0 → H0 définit un opérateur
auto-adjoint compact.
D’après le lemme 3.4.1 , on peut trouver v0 6= 0 qui soit vecteur propre de T0 associé à
une valeur propre λ telle que |λ| = kT0 k.
Mais alors B∪{v0 } est un système vérifiant (∗) et qui contient strictement B, ceci contredit
le caractère maximal de B. Donc B est total et par suite une base hilbertienne de H
ő Maintenant, nous pouvons enoncer ce qu’on appelle le théorème spectrale
pour opérateurs auto-adjoints compacts sur un espace de Hilbert séparable.

ʾ Théorème 3.4.2

Soient H est un espace de Hilbert de dimension infinie séparables et T ∈ L(H)


un opérateur auto-adjoint compact. Alors il existe une base orthonormée (en )n⩾1
de H formée de vecteurs propres de T , de sorte que

X
Tx = λn hx, en i en pour tout x ∈ H.
n=1

Où λn est la valeur propre associée à en pour chaque n ∈ N.


62 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS

œ Preuve. D’après le théorème 3.4.1, nous savons qu’il existe une base hilbertienne de
H formée de vecteurs propres de T . Cette base est dénombrable car H est séparable. On
P∞ à en , ∀n ⩾ 1. Comme |λn | ⩽ kT k, ∀n ⩾ 1,
la note (en )n⩾1 , et λn la valeur propre associe
l’opérateur L : H → H défini par L(x) = n=1 λn hx, en ien est bien défini, car :

X ∞
X
|hx, en i|2 ⩽ +∞ entraîne |λn |2 |hx, en i|2 ⩽ +∞.
n=1 n=1

Ainsi L est continue, en effet :



X ∞
X
kLxk2 = |λn |2 |hx, en i|2 ⩽ kT k2 |hx, en i|2 = kT k2 kxk2 .
n=1 n=1

Comme L(en ) = λn en = T (en ) pour tout n ⩾ 1, on a L = T .

® Remarque 3.4.2

Puisque T (en ) = λn en et (λn ) une suite bornée d’après le lemme 3.4.1, et T


compacte. Donc d’après le théorème 3.3.4 forcément λn → 0, n → ∞.
3.4. OPÉRATEURS COMPACTS AUTO-ADJOINTS 63

Conclusion
En conclusion, l’étude des espaces de Hilbert est très important dans l’étude des opé-
rateurs linéaires compacts qui occupent une grande partie dans l’analyse fonctionnelle en
particulier l’analyse hilbertienne. La question qui vient à l’esprit est de savoir : "Com-
ment les résultats de cette étude peuvent être utilisés pour résoudre d’autres
problèmes scientifiques ?"
64 CHAPITRE 3. OPÉRATEURS COMPACTS
Bibliographie

[1] E. Provenzi, From Euclidean to Hilbert Spaces, introduction to functional analysis and
its applications, Iste, 2021.

[2] N. El Hage Hassan, Topologie générale et espaces normés, Dunod, 2001.

[3] A. El Jai, Eléments de topologie et espaces métriques, Presses Universitaires de Perpi-


gnan, 2007.

[4] D. Li, Cours d’analyse fonctionnelle avec 200 exercices corrigés, Ellipses, 2013.

[5] H. Chebli, Analyse Hilbertienne, Centre de Publication Universitaire Tunis, 2001.

[6] H. Brezis, Analys fonctionnelle théorie et applications, Masson, Paris, 1983.

[7] M. EL Amrani, Analyse de Fourier dans les les espaces Fonctionnels, Ellipses, 2008.

[8] J.B. Conway, A Course in functional analysis, Springer, 1990.

[9] A. Kolmogorov, S. Fomine, éléments de la théorie des fonctions et de l’analyse fonc-


tionnelle, Mir Moscou, 1977.

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