UPL2022830581938615938 R Sum Des Cours 2019 2020 RECANATI
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UPL2022830581938615938 R Sum Des Cours 2019 2020 RECANATI
François Recanati
Professeur au Collège de France
Mots-clés : référence ; dossier mental ; termes vides ; Frege ; Russell ;
Brentano
La série de cours est disponible en audio et en vidéo sur le site internet du Collège de France
(liens).
ENSEIGNEMENT
Introduction
Ce cours visait à offrir une introduction générale à la théorie des « dossiers mentaux » — ébauchée par
divers auteurs (Strawson et Perry notamment), et développée par le titulaire de la chaire dans deux ouvrages
récents — tout en la resituant dans le cadre des débats qui ont opposé, en philosophie du langage, deux
conceptions du contenu : celle de Russell et celle de Frege. La fermeture du Collège de France entraînée par
la crise sanitaire du printemps 2020 a empêché la tenue des trois dernières séances. On consacrera donc, en
2020-21, une deuxième année de cours à cette thématique, ce qui permettra non seulement de restituer le
contenu des séances annulées l’année précédente mais aussi de développer certains points qui n’auraient pu
être abordés faute de temps.
Ce qu’on appelle la théorie de la référence a évolué tout au long du vingtième siècle et a constitué la
colonne vertébrale de la philosophie analytique, depuis les apports fondateurs de Frege et Russell au tournant
du siècle jusqu’à la « nouvelle théorie de la référence » promue dans les années soixante-dix. Mais la théorie
de la référence, si elle est au cœur de la philosophie analytique, n’intéresse pas qu’elle. Dans la tradition qu’on
peut appeler primo-phénoménologique, celle de Brentano et de ses élèves, la théorie de la référence est
également au cœur des réflexions sur le thème central de cette tradition philosophique : la relation entre la
pensée et ses objets. Après avoir donné quelques indications sur les relations entre ces deux traditions, on
pointe une différence entre elles concernant la notion de référence.
Dans la tradition analytique, la référence est l’objet réel auquel renvoie une représentation, alors que
dans la tradition brentanienne la référence est l’objet intentionnel qui est projeté par la représentation elle-
même mais n’existe pas nécessairement en dehors d’elle. La notion d’objet intentionnel est, en un sens, la plus
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fondamentale, car c’est celle que la théorie de la référence vise ultimement à élucider. L’intérêt de l’autre
conception de la référence, la conception qu’on peut appeler « réaliste », c’est qu’elle fait de la relation
référentielle une véritable relation entre deux entités qui existent toutes deux dans la réalité, à savoir la
représentation d’un côté et l’objet réel de l’autre. Une stratégie raisonnable — celle qui est adoptée dans ce
cours — consiste à partir de cette notion non mystérieuse et d’essayer d’approcher ou de reconstruire l’autre
notion, celle qu’il s’agit d’expliquer, à partir d’elle. Il ne s’agit donc plus simplement d’opposer, comme
semble le faire Brentano, deux domaines, le monde naturel où il y a les vraies relations, causales et spatio-
temporelles, celles qui impliquent l’existence des relata, et le monde mental avec ses quasi-relations entre des
représentations mentales et des objets qui éventuellement n’existent que dans la représentation. Au lieu
d’opposer ces deux domaines et de s’en tenir là, on considère le monde naturel, avec ses vraies relations,
comme plus fondamental que l’autre dans l’ordre de l’explication, et on tente d’analyser la quasi-relation
constitutive de l’intentionalité du mental à partir de véritables relations entre des entités réelles.
Un exemple d’une telle stratégie « naturaliste », brièvement présenté à la fin du cours, est fourni par
livre du philosophe américain Fred Dretske Explaining Behavior. Celui-ci définit la notion de représentation
(possiblement fausse ou sans objet réel, bien que toujours dotée d’un objet intentionnel) à partir de la notion
plus fondamentale d’indication qui, elle, implique l’existence simultanée du signe et de son objet réel (par
exemple, la fumée et le feu).
La théorie dite théorie « Fido »-Fido, défendue par Bertrand Russell, identifie le sens (le contenu)
d’une expression et l’entité qu’elle représente (sa référence, entendue au sens réaliste et non au sens d’objet
intentionnel). Le contenu du nom propre « Fido » est son porteur, à savoir mon chien Fido. De même, le
contenu d’un prédicat est un « universel » (propriété ou relation), et le contenu d’un énoncé un état de choses.
Bien que l’appellation théorie « Fido »-Fido ait été introduite pour la tourner en dérision, il s’agit d’une théorie
importante, car c’est par rapport à elle – par rapport à ses insuffisances prétendues – que s’élaborent les
théories plus complexes reposant sur des distinctions entre niveaux ou types de sens/contenu, comme celles
de Frege ou Strawson. En outre, le niveau de contenu qu’elle met au premier plan joue effectivement un rôle
de premier plan — un rôle de fondement — relativement aux autres niveaux de sens que postulent les théories
plus complexes.
Les descriptions définies (« le F ») ne se comportent pas comme elles devraient selon la théorie
« Fido »-Fido : l'absence de référent ne les rend pas dénuées de contenu. (On comprend très bien l’énoncé le
livre qu’a consacré Victor Hugo à la bataille de Waterloo est intéressant, même si le livre en question n’existe
pas.) Russell a répondu à cette objection en distinguant les descriptions définies des véritables termes
singuliers, comme ce livre. Ces derniers désignent des objets individuels, dont ils imposent l'identification; on
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ne comprend donc pas véritablement un énoncé comme Ce livre est intéressant si l'on n'identifie pas le livre
dont on parle. Mais, affirme Russell, les descriptions ont une autre fonction logique, qui les apparente aux
quantificateurs. Si Russell a raison, la théorie « Fido »-Fido n’est pas réfutée par les descriptions définies sans
objet, puisque la contribution sémantique d’un quantificateur est non un objet mais (selon la sémantique
contemporaine) une propriété d’ordre supérieur.
Strawson a objecté à Russell que même une phrase comme Ce livre est intéressant garde sa
signification linguistique en l’absence de tout objet réel correspondant à ce livre. Strawson rejette donc la
théorie « Fido »-Fido et distingue deux niveaux de sens: la signification linguistique d’une expression-type,
correspondant à sa fonction, et le contenu référentiel véhiculé en contexte. Il n'en reste pas moins que Russell
a raison de mettre l’accent sur la relation directe de référence entre une expression comme ce livre et une entité
de l’environnement, relation qui distingue les termes singuliers authentiques des descriptions. La notion de
signification linguistique ou de fonction que Strawson invoque pour écarter la théorie « Fido »-Fido
présuppose elle-même cette relation directe de référence qui est au cœur de la théorie en question : en effet
pour Strawson, la fonction d’une expression comme ce livre est de faire référence à une entité du type livre
donnée dans l’environnement. Le point de départ, ce doit donc bien être la notion réaliste, relationnelle, de
référence, celle que la théorie « Fido »-Fido met à l'honneur.
Dans le cas d’un terme « vide » mais pourvu de sens comme le mot licorne, on montre, suivant Frege,
qu’il y a bien une entité à laquelle ce terme général renvoie, à savoir la propriété d’être une licorne, même
s’il n’y a pas d’objet qui possède cette propriété. Autrement dit, l’extension du terme est vide, mais
l’expression n’est pas pour autant dénuée de référence.
Un second type de contre-exemple apparent à la théorie « Fido »-Fido concerne les énoncés existentiels
négatifs véridiques, comme Vulcain n’existe pas. Soit il y a un objet auquel le nom propre « Vulcain » fait
référence, et l’énoncé (qui dit que cet objet n’existe pas) devrait être faux. Soit il n’y a pas d’objet mais alors
l’énoncé devrait être dénué de sens (puisque le sens se réduit à la référence, dans la théorie « Fido »-Fido, et
que le terme sujet échoue à faire référence). La réponse de Russell à ce type de contre-exemple peut être
reformulée au moyen de la notion de coercion issue de la sémantique contemporaine : dans le contexte d’un
énoncé existentiel, le nom propre qui (normalement) désigne un objet acquiert la valeur sémantique d’une
description, de sorte que, dans le cadre théorique de Russell, le contre-exemple disparaît.
Cette théorie des descriptions déguisées s’applique à d’autres contre-exemples putatifs à la théorie
« Fido »-Fido, par exemple l’emploi de termes singuliers dénués de référence dans des énoncés attribuant des
pensées ou des paroles (Le Verrier pensait que la découverte de Vulcain le rendrait célèbre) ; l'analyse que
donne Frege de tels énoncés peut elle-même être reformulée en termes de coercion. Bien que ces analyses,
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tant celle de Russell que celle de Frege, violent le principe d' « innocence sémantique » qu'acceptent beaucoup
de philosophes du langage contemporain, on montre que celui-ci doit être rejeté puisque, aussi bien dans les
énoncés existentiels que dans les énoncés attribuant des pensées ou des paroles, l'emploi de « non-mots »
dépourvus de sens (comme le mot borogrove figurant dans le poème Jabberwocky de Lewis Carroll)
n'empêche pas l'énoncé global d'avoir un sens (Les borogroves n'existent pas; Jean croit que dans le jardin
poussent des borogroves). Le mot borogrove dans ces énoncés est comme mis entre guillemets (Les
« borogroves » n'existent pas; Jean croit que dans le jardin poussent des « borogroves »). Au lieu de dire,
suivant Russell, que borogrove acquiert par coercion un contenu descriptif métalinguistique (chose nommée
« borogrove »), on peut faire appel ici à la théorie de la « polyphonie », selon laquelle l’emploi d’un terme est
parfois réinterprété comme la simulation de l’emploi de ce terme par quelqu’un d’autre. Cette théorie,
appliquée à l'emploi des noms vides dans les énoncés existentiels et dans les énoncés d'attitude
propositionnelle, permet aussi de préserver la théorie « Fido »-Fido: la coexistence de plusieurs points de vue
au sein d’un même énoncé est une complication dont la théorie « Fido »-Fido fait entièrement abstraction et
qui ne saurait donc être retenue contre elle.
Les contre-exemples putatifs à la théorie « Fido »-Fido considérés jusqu’à présent sont tous des cas où
un énoncé garde un sens alors même qu’un de ses constituants présumés échoue à faire référence. Plus
embarrassants pour la théorie « Fido »-Fido, les cas Frégéens sont des cas où un sujet donne son assentiment
à un énoncé donné et le refuse pour un autre alors que les deux énoncés ne se distinguent que par la substitution
d’un terme à un autre faisant référence à la même chose. Par exemple : Un sujet se voit dans le miroir, sans se
rendre compte que c’est lui-même qu’il voit. Le sujet s’aperçoit que le pantalon de l’homme qu’il voit est en
train de brûler. Il s’exclame donc : Il a le pantalon qui brûle ! Le sujet exprime ainsi une certaine croyance au
sujet de la personne qu’il voit, mais cette croyance est différente de celle qu’il exprimerait s’il disait, à la
première personne, J’ai le pantalon qui brûle. De fait, le sujet dans la situation imaginée ne croit pas avoir
lui-même le pantalon qui brûle. Si la théorie « Fido »-Fido était vraie, les deux énoncés devraient avoir le
même contenu, puisque la seule différence entre eux réside dans le remplacement d’une des deux expressions
par l’autre, et que les deux expressions elles-mêmes font référence au même individu (et devraient donc avoir
le même contenu suivant la théorie « Fido »-Fido). Puisque, en fait, le sujet tient un des énoncés pour vrai et
l’autre pour faux, cela implique, si le sujet en question est rationnel, que ces deux énoncés ont pour lui des
contenus différents, d’où il résulte que le contenu d’un terme ne se réduit pas à sa référence. D’où la distinction
frégéenne du sens et de la référence (le sens correspondant à la façon dont la référence est présentée). Le sujet
pense à la personne qu’il voit dans le miroir (lui-même, en fait) sous un mode de présentation différent du
mode de présentation impliqué lorsqu’il pense à lui-même en première personne.
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Selon Frege, le sens, ou mode de présentation, correspond à des propriétés de l’objet dont nous savons
qu’il les possède et à travers lesquelles nous faisons référence à l’objet. Le sens détermine la référence dans
la mesure où la référence est l’objet qui possède effectivement les propriétés à travers lesquelles la référence
est visée. Le modèle est ici celui des descriptions définies. On peut faire référence à un même individu sous
des descriptions différentes, par exemple comme le général qui a gagné la bataille d’Austerlitz, ou celui qui
a perdu à Waterloo. Toutefois le mode de présentation associé à un nom propre comme Napoléon est plus
complexe que cela : le nom propre évoque dans l’esprit des utilisateurs du langage tout un ensemble de
connaissances partagées concernant le porteur du nom propre. Plutôt qu’à une description unique, donc, le
mode de présentation associé à un nom propre correspond à un dossier mental comprenant une multiplicité de
descriptions.
Dans la conception « descriptiviste » inspirée de Frege, le sujet doit, pour arriver à faire référence à un
objet, détenir une description identifiante de cet objet, ou un ensemble d’informations (un dossier mental)
globalement identifiant. Toutefois, il semble qu’on puisse faire référence à des objets quand bien même on ne
possède pas de description identifiante permettant de les singulariser. La conception descriptiviste implique
aussi que les informations en notre possession doivent être correctes pour qu’on puisse faire référence à un
objet. Mais ne pourrait on pas découvrir que ce que l’on croit d’un individu donné auquel on fait référence par
un nom propre est très largement erroné ? Ne pourrait-on pas découvrir, par exemple, que Moïse n’a rien fait
de ce que lui attribue la Bible ?
Un autre type d’objection concerne les cas où l’on fait référence non pas au moyen de noms propres,
mais au moyen de pronoms ou de démonstratifs. Nous avons vu que les modes de présentation sont différents
quand le sujet pense J’ai le pantalon qui brûle et quand il pense Il (ou : ce type) a le pantalon qui brûle. Or
Castañeda, Perry et les théoriciens de « l’indexical essentiel » ont établi que le mode de présentation
correspondant à un indexical comme je ne peut pas être une description, dans la mesure où pour toute
description objective Le F, le sujet n’est pas forcé de se rendre compte qu’il est lui-même le F.
Dans la conception de remplacement mise en place par les critiques du descriptivisme, ce qui fixe la
référence d’un nom propre c’est le fait que ce nom a été transmis au long d’une chaine historique de
communication qui démarre avec l'assignation du nom à l’objet lui-même (le « baptême initial », comme dit
Kripke). Le sujet se trouve ainsi relié à l’objet à travers le nom qu’il utilise et la chaîne de communication à
laquelle le nom appartient. Dans le cas des indexicaux aussi une relation est en jeu, et c’est elle qui fixe la
référence. Ici fait référence au lieu où se trouve le sujet, et non au lieu qui satisfait une description objective
du lieu en question dans l’esprit du sujet. Je fait référence à la personne que le sujet est effectivement, et non
à la personne qu'il croit être. Dans les deux cas, nous pouvons conserver l’idée que le mode de présentation
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est un « dossier mental » , à condition d’abandonner l’idée que la référence d’un dossier mental est l’objet qui
possède les propriétés répertoriées dans le dossier. Ces propriétés correspondent à ce que le sujet croit du
référent, mais le sujet peut se tromper, et par conséquent il est essentiel que ce ne soit pas les propriétés en
question qui déterminent la référence. Ce qui détermine la référence, ce sont les relations (dites
« épistémiquement gratifiantes ») que les dossiers exploitent et qui servent de canal informationnel au sens où
les informations obtenues par le truchement de ces relations viennent nourrir le dossier.
Un dossier mental n'est pas défini comme une collection ou un ensemble d'informations sur le référent.
Un ensemble est individualisé par ses éléments, de sorte que si on change un des éléments on change
l'ensemble. Mais un dossier peut rester le même dossier même si on supprime ou remplace une des
informations dans le dossier. Comme un dossier cartonné contenant des documents, un dossier mental a une
individualité propre, une identité numérique indépendante de ce qu'il contient. Un dossier est donc une chose
comme une autre, c'est-à-dire, dans la terminologie des philosophes, un particulier -- un « particulier mental »,
disent Crimmins et Perry. Ce qui permet d'individualiser un dossier, dans cette perspective, ce ne sont pas les
informations qu'il contient, ni le type de dossier qu'il est (fondé sur telle ou telle relation épistémiquement
gratifiante), ni sa référence, ni même une combinaison de toutes ces choses. On peut très bien imaginer des
situations où le sujet, en proie à une illusion, ouvrirait deux dossiers distincts du même type, contenant les
mêmes éléments et faisant référence au même objet, parce qu'il croit qu'il est en présence de deux objets alors
qu'en fait il n'y en a qu'un.
Dans les trois cours qui restaient à donner mais qui ont dû être annulés du fait de la crise sanitaire,
cette conception des dossiers comme particuliers mentaux était invoquée pour défendre l’idée que les dossiers
mentaux sont, dans les termes de Millikan, des « marqueurs d’identité » (cours 7 — Identité, identification et
coréférence), pour réanalyser l’effet cognitif de la découverte d’une identité (par exemple, l’identité de Emile
Ajar et de Romain Gary) à la lumière du débat entre les tenants de la fusion de dossiers et les tenants de la
liaison (cours 8 — La contrainte de Strawson et les dossiers indexés), et pour revenir au débat entre Frege et
Russell en posant la question de savoir si ce qui joue le rôle de mode de présentation est bien un aspect du
contenu des représentations (comme le soutient Frege), à savoir le sens distingué de la référence, ou bien si ce
sont les représentations mentales elles-mêmes, comme le soutient Fodor (cours 6 — Les dossiers mentaux
comme « particuliers »).
Les dossiers mentaux considérés comme particuliers sont des véhicules, tout comme le sont, dans le
langage, les mots et les phrases, formes pourvues de sens. Ce sont des véhicules qui ont un contenu — à la
fois au sens où ils ont un référent, et au sens où ils « contiennent » des informations sur le référent — mais
qu'il ne faut pas confondre avec le contenu qu'ils véhiculent. Or cette distinction ouvre la possibilité que ce
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soit ces véhicules, ces mots du « langage de la pensée », et non tel ou tel aspect de leur contenu, qui jouent le
rôle de mode de présentation. En effet, si un sujet appréhende le même objet à travers deux représentations
distinctes, il peut, même s'il est rationnel, ne pas se rendre compte qu'il s'agit les deux fois du même objet. Si
l'on admet qu'un dossier mental est ce qui, dans la pensée du sujet, représente une entité du monde extérieur,
alors l'existence de deux dossiers mentaux distincts suggère l'existence de deux entités distinctes, quand bien
même ces dossiers ne se distingueraient pas par leur contenu. Le contenu, dans cette perspective qui est celle
de Fodor, peut très bien être conforme à la théorie « Fido »-Fido, c'est-à-dire purement référentiel, puisque ce
qui joue le rôle assigné au mode de présentation est en fait une entité « syntaxique », un véhicule, plutôt qu'un
niveau de contenu spécifique. Le cours 6 visait à défendre la position frégéenne en montrant qu’un aspect du
contenu des dossiers mentaux est bien conforme à la notion frégéenne de mode de présentation. Un dossier
mental est, à travers les relations épistémiquement gratifiantes qu’il a pour fonction d’exploiter, associé à
certaines présuppositions qui le caractérisent de façon intrinsèque et sont indépendantes de l'environnement.
Ces présuppositions associées au dossier sont des éléments de contenu accessibles au sujet de façon
transparente (contrairement à la référence qui, parce qu'elle dépend de l'environnement extérieur, est opaque
pour le sujet) et elles jouent un rôle crucial dans l'explication du comportement et dans les généralisations
psychologiques. Elles relèvent de ce que les philosophes de l'esprit appellent le « contenu étroit » des pensées.
RECHERCHE
Le Pr. Recanati anime une équipe (Esprit et Langage) au sein d’une unité mixte de recherche du CNRS
qu’il a dirigée de 2010 à 2018 : l’Institut Jean-Nicod (UMR 8129). L’Institut Jean-Nicod est hébergé à l’Ecole
normale supérieure (Ulm) et a pour seconde tutelle universitaire l’Ecole des hautes études en sciences sociales,
où le Pr. Recanati a été directeur d’études de 2008 à 2018. L’équipe Esprit et Langage comprenait, en 2019-
2020, sept doctorants et deux postdoctorants. Les principaux thèmes de recherche sont:
• Actes de parole
• Théorie de la référence
• Indexicalité linguistique et mentale
• Citation, discours rapporté, attribution d’attitudes propositionnelles
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• Concepts, dossiers mentaux, et pensée singulière
• Polysémie, sémantique lexicale
• Sémantique et pragmatique : problèmes de frontière
• Simulation, fiction et fictionalisme
• Ontologie sociale
• La prédication et l’unité de la proposition
• Mode et contenu
• Sémantique des situations
• Le soi et l’immunité aux erreurs d’identification
• Communication et dynamique cognitive
• Langage et pensée
Les travaux du Pr Recanati pendant l’année académique 2019-2020 ont porté principalement sur les
thèmes suivants: la polysémie linguistique dans ses rapports avec le contextualisme ; le rôle du langage dans
la pensée ; l’idée de fragmentation cognitive et le débat interne à la théorie des dossiers mentaux entre les
partisans de la « fusion » et les partisans de la « liaison » ; les bases cognitives de la fiction et l’analyse des
énoncés dits « parafictionnels » ; la distinction force/contenu et la notion d’ « annulation de la force »
proposée par Peter Hanks ; la théorie de la simulation mentale et son extension à de nouveaux domaines.
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PUBLICATIONS DU PR RECANATI
Livres
Langage, Discours, Pensée. Paris : Collège de France/Fayard (coll. Leçons inaugurales), 2020, 80 pages.
Articles de revue
Chapitres de livre
Meaning and Ostension: from Putnam's Semantics to Contextualism. Dans E. Marchesan et D. Zapero (dir.)
Context, Truth and Objectivity : Essays on Radical Contextualism, Londres: Routledge (coll. Routledge
Studies in Contemporary Philosophy), 2019, p. 88-99.
Natural Meaning and the Foundations of Human Communication : A Comparison between Marty and Grice.
Dans G. Bacigalupo et H. Leblanc (dir.) Anton Marty and Contemporary Philosophy, Londres : Palgrave
Macmillan (coll. History of Analytic Philosophy), 2019, p. 13-31.
Modes of Presentation in Attitude Reports. Dans A. Sullivan (dir.) Sensations, Thoughts, Language : Essays
in Honor of Brian Loar, Londres : Routledge, 2019, p. 54-77.
Why Polysemy Supports Radical Contextualism. Dans G. Bella and P. Bouquet (dir.), Context 2019, Berlin:
Springer, 2019, pp. 1-7.
Coreference de jure. Dans R. Goodman, J. Genone, N. Kroll (dir.) Singular Thought and Mental Files,
Oxford : Oxford University Press, 2020, p. 161-186.
Penser avec le langage. Dans J.-N. Robert (dir.) Langue et Science, Langage et Pensée, Paris : Editions Odile
Jacob (coll. Colloques de rentrée du Collège de France), 2020, p. 147-164.