Cours Austin Searle
Cours Austin Searle
Cours Austin Searle
Alain Lecomte
Université Paris 8- Vincennes-Saint-Denis
Licence de Sciences du Langage
1 Vers la pragmatique
1.1 Strawson et la présupposition
Revenons maintenant à la théorie de la présupposition. Nous avons vu que selon la théorie
russellienne des descriptions définies reprise par Quine, le présupposé d’une phrase comme (1) le
roi de France est chauve (ici l’existence d’un roi de France) est contenu dans le sens de l’énoncé,
en contradiction avec l’analyse de Frege. P. F. Strawson (1919- 2006) (dans On Referring, repris
dans [Strawson 77]) s’est opposé à cette conception. Il commence par donner une analyse des
raisons qui ont pu pousser Russell a une telle proposition : Russell ne reconnaı̂t que deux manières
dont les phrases qui paraissent, d’après leur structure grammaticale, se rapporter à une personne
particulière, à un objet individuel ou à un évènement peuvent avoir du sens :
1. La première est que la forme grammaticale pourrait induire en erreur sur leur forme logique,
et qu’elle devrait être analysée en tant que type particulier d’existentielle,
2. La seconde est que leur sujet grammatical devrait être un nom propre logique, dont le sens
est la chose individuelle qu’il désigne.
Dit autrement, en admettant qu’une phrase de la forme sujet-prédicat n’a pas de sens si le sujet ne
désigne rien, (se rapportant à rien), si nous voulons donner un sens à une phrase comme ”Le roi de
France est chauve”, alors que manifestement il n’y a pas de roi de France, il faut admettre qu’elle
n’est pas de la forme sujet-prédicat (contrairement aux apparences). Si elle n’est pas de cette forme,
alors elle est de la forme d’une proposition quantifiée, en l’occurrence une existentielle. Mais, dit
Strawson, Russell se trompe, car il faut distinguer entre :
1. une phrase
2. l’usage d’une phrase
3. l’énonciation d’une phrase
La phrase ”le roi de France est sage” a pu être énoncée à plusieurs reprises, sous Louis XIV ou
sous Louis XV par exemple. Un locuteur X a pu l’énoncer sous Louis XIV et un locuteur Y a
1
pu l’énoncer sous Louis XV. On peut supposer que dans un cas, l’assertion était vraie et dans
l’autre fausse : autrement dit, ils ont fait chacun un usage de cette phrase. Ce n’est pas la phrase,
mais son usage qui s’est avéré être doté d’une valeur de vérité. D’autre part, deux locuteurs Y et
Z ont pu faire usage de cette phrase sous le même règne, mais l’un en la prononçant et l’autre en
l’écrivant : ils en auront fait le même usage mais des énonciations différentes. Les phrases, ainsi que
les expressions (par exemple les noms ou les descriptions définies) sont regroupées par Strawson
sous l’appellation de types, alors que les usages de ces phrases ou expressions sont regroupés
sous l’appellation de tokens (ou usages d’un type). Nous ne pouvons pas dire la même chose des
types et des tokens, or Strawson accuse Frege d’avoir confondu les deux. La source de l’erreur de
Russell, dit-il ”est d’avoir pensé que référer à ou mentionner veut dire signifier”. ”Si je parle de
mon mouchoir, je peux, peut-être, en le sortant de ma poche, produire l’objet auquel je réfère. Je
ne peux pas produire le sens de l’expression ”mon mouchoir”, en le sortant de ma poche. Dans la
mesure où Russell a confondu signifier avec mentionner, il a cru que, s’il y avait des expressions
employées selon l’usage référentiel unique, leur signification devait être l’objet particulier auquel
elles sont utilisées pour référer”.
Donner la signification d’une expression, c’est donner les règles et conventions qui gouvernent
l’emploi de cette expression, ce n’est pas donner l’objet auquel est censé référer un usage particulier
de cette expression. Exemple : la signification de ”ceci ”. Finalement, la phrase ”le roi de France
est sage” a certainement du sens, mais cela ne veut pas dire que chaque usage particulier de cette
phrase soit vrai ou faux. Un tel usage est vrai ou faux lorsque l’expression ”le roi de France” dénote
effectivement quelqu’un. On peut donc dire que, dans un certain sens à préciser, la phrase ”le roi
de France est sage” implique l’existence d’un roi de France, mais ne contient pas, comme partie
de son sens, cette existence (ce que supposait Russell). Dit autrement, lorsque quelqu’un énoncé
cette phrase, il n’asserte pas une proposition existentielle. On peut seulement dire, selon Strawson,
que l’usage qui est fait de l’article défini agit comme le signal qu’une référence unique vient d’être
faite :
lorsque nous commençons une phrase par ”le-tel-et-tel”, l’usage de ”le” montre, mais
n’asserte pas, que nous référons-ou avons l’intention de référer-à un individu particu-
lier de l’espèce ”tel-et-tel”
Russell ne supposait pas seulement qu’une phrase telle que (1) contenait une assertion d’existence,
mais aussi qu’elle contenait une assertion d’unicité. Nouvelle erreur, selon Strawson. En effet, il
serait absurde de dire que la phrase (2) Un livre est posé sur la table contient l’assertion selon
laquelle il y a une et une seule table ! A vrai dire, une condition nécessaire pour que cette phrase
soit vraie (ou fausse) est qu’il existe une table, et une seule, à laquelle on réfère (et non une table
et une seule dans le monde !). Impossible donc d’éviter l’acte de référer. Cet acte ne se réduit pas
simplement à produire un énoncé : faire référence n’est pas dire qu’on fait référence, c’est bel et
bien un acte propre, effectué en soi. Strawson conclut :
La seule distinction importante que l’on doit faire est celle entre :
– Utiliser une expression pour faire une référence unique
– Asserter qu’il y a un et un seul individu qui possède certaines caractéristiques.
2
Russell a, selon lui, confondu les deux choses. Ce point de vue strawsonnien est donc, en première
approche, anti-logiciste. Il le dit lui-même : ”la morale générale de tout cela est que la commu-
nication est bien moins une affaire d’assertions explicites ou déguisées que les logiciens n’ont
pris l’habitude de la supposer”. Strawson met ainsi en avant deux faits importants concernant le
langage :
– D’une part l’existence de procédés particuliers destinés à montrer, à la fois qu’une référence
unique est visée et de quelle référence unique il s’agit,
– D’autre part, l’importance de la notion de contexte d’énonciation. Par contexte, il entend : ”
au moins le temps, le lieu, la situation, l’identité du locuteur, les matières qui constituent le
centre immédiat d’intérêt, l’histoire personnelle aussi bien du locuteur que de celui auquel il
s’adresse ”.
La critique de Russell s’étend aux indéfinis : des débuts de phrases comme ”un homme m’a dit
que. . .”, ”quelqu’un m’a dit que. . .” en sont des exemples. Selon Russell, de telles phrases sont
des existentielles, or, dit Strawson : ”il est ridicule de suggérer que la partie assertée soit que la
classe des hommes ou des personnes n’est pas vide, il est certain que cette idée est impliquée ;
cependant, ce qui est impliqué est au moins tout autant le caractère unique de l’objet particulier de
référence, comme dans le cas où on commence une phrase par une expression comme ”la table”.
La différence entre l’usage des articles défini et indéfini est en gros la suivante. Nous utilisons ”le”,
soit lorsqu’une référence préalable à la chose a déjà été faite et lorsque ”le” signale que la même
référence est faite ; soit lorsque, en l’absence d’une référence définie préalable, le contexte rend le
locuteur capable de dire quelle référence a été faite. Nous utilisons ”un”, soit quand ces conditions
ne sont pas remplies, soit lorsque nous voulons laisser dans l’ombre l’identité de l’individu auquel
nous faisons référence”.
L’introduction de la notion de contexte est fondamentale et nous fait sortir d’une conception pu-
rement logique (ou ”sémantique”) de la présupposition. Strawson introduit ainsi un aspect du
problème que l’on qualifiera de pragmatique.
On entend en effet par pragmatique cette partie de l’étude du langage qui prend en compte le rôle
du locuteur et celui du contexte dans la production des énoncés. Les premiers à avoir avancé ce
terme dans cette acception sont R. Carnap et Y. Bar Hillel dans les années 1920. Le point de vue
pragmatique sur la présupposition sera développé plus tard par des auteurs comme Stalnaker, Kart-
tunen, Peters et Ducrot (cf. Ducrot, 1972). Pour eux, ce n’est pas une proposition qui en présuppose
une autre mais c’est un locuteur qui présuppose une proposition en produisant un énoncé.
3
siècle1 qui met l’accent sur cette dimension du langage.
Le livre le plus célèbre de J. L. Austin est How to do Things with Words, qui date de 1962, traduit en
français par Quand dire, c’est faire. Austin est en général catalogué comme philosophe du langage
ordinaire, cela veut dire non pas qu’il cherche avant tout à analyser le langage ordinaire mais qu’il
recommande qu’on se laisse guider par lui pour analyser les questions sérieuses de la philosophie.
Si, pense-t-il, le langage est ce qu’il est aujourd’hui après tant de millénaires et notamment des
premiers millénaires de balbutiement, c’est qu’il a permis aux humains de survivre et que donc
il leur a donné les meilleurs instruments possibles pour cela ! Le langage tel qu’il est est donc le
meilleur expert qui soit quand notamment on veut traiter de questions métaphysiques. Mais avant
de le suivre afin de connaı̂tre ce qu’il nous dit, de lui-même, de la réalité, il faut l’étudier et le
comprendre. Ce qu’il nous révèle alors, c’est plus la manière dont nous fonctionnons, en tant que
locuteurs, que des propriétés idéales se rapportant à un objet non moins idéal (le ”langage” dans
l’abstrait).
Le premier point qu’il développe est que, contrairement à ce que beaucoup de philosophes ont pu
dire (et ici, on sent bien qu’il désigne Frege, Russell, et toute la tradition logicienne voire logi-
ciste), le rôle d’une affirmation (angl. statement) n’est pas principalement, voire uniquement, de
dire le vrai ou le faux. Beaucoup d’affirmations sont faites qui ne visent pas cela : nous avons
déjà signalé le cas des énoncés de fiction mais il y a aussi les souhaits, les voeux, les promesses.
Comme nous l’avons déjà indiqué dans l’introduction (cours n0 1), cela n’aurait pas beaucoup de
sens de s’attendre à ce qu’une phrase comme je souhaite faire un exposé la semaine prochaine soit
évaluée comme ”vraie” ou ”fausse”. Tout au plus pourrions-nous juger le contenu du souhait ex-
primé comme ”sincère” ou ”insincère”, et encore... Ce qui compte dans cette phrase, c’est qu’elle
engage le sujet qui l’énonce. Il sait que son interlocuteur est tenu de satisfaire son souhait ou à
ne pas le satisfaire, que s’il lui dit ”d’accord”, cela ne signifiera pas seulement ”d’accord, tu as
dit que tu souhaitais faire un exposé la semaine prochaine”, mais : ”d’accord, tu pourras faire ton
exposé la semaine prochaine”, et que s’il lui donne cet accord et si le sujet en question ne fait pas
son exposé la semaine suivante, alors l’interlocuteur pourra lui reprocher de ne pas avoir émis un
souhait sincère : rien dans tout cela n’a à voir avec la vérité et la fausseté !
Austin part donc de quelques exemples :
(a) ”Oui [je le veux]” (c’est-à-dire je prends cette femme pour épouse légitime) - ce ”oui” étant
prononcé au cours de la cérémonie du mariage.
(b) ”je baptise ce bateau le Queen Elizabeth” - comme on dit lorsqu’on brise une bouteille contre
la coque.
(c) ”je donne et lègue ma montre à mon frère” - comme on peut lire dans un testament.
(d) ”je vous parie six pence qu’il pleuvra demain”
et il dit :
Pour ces exemples, il semble clair qu’énoncer la phrase (dans les circonstances ap-
propriées évidemment), ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaı̂tre que je suis en
1
On dit : ”philosophe oxonien”.
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train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c’est le faire.
et il propose d’appeler de telles phrases phrases performatives ou plus simplement : performatifs.
On peut ainsi appeler performatif toute énonciation dont la visée est d’exécuter un acte précis,
cet acte étant justement celui qu’elle déclare qu’elle exécute ! La particularité de tous ces actes
commis par la parole est qu’ils adviennent tous dans des circonstances ou au sein d’institutions
particulières. Pour que le mot ”oui” ait son sens de mariage, il faut qu’il soit prononcé au cours
d’une cérémonie régulièrement déclarée, en présence d’un individu (maire, curé etc.) habilité à le
recevoir. Certains peuvent objecter qu’il ne suffit pas de dire ”je donne et lègue” pour donner. On
peut dire ”je te donne ma ROLEX” et au dernier moment refuser de la donner ( !) Pourtant non, si
c’est couché dans un testament, les mots ont valeur d’acte précis. On peut bien sûr être insincère
quand on promet quelque chose à quelqu’un (et en réalité ne pas avoir du tout l’intention d’exécuter
sa promesse), mais rien n’empêchera que pourtant, on a commis l’acte de promettre. Ici apparaı̂t
une vraie dimension institutionnelle et sociale du langage, qui est ”fait” en quelque sorte pour per-
mettre à d’autres institutions (le mariage, la politesse, les lois, les conventions) d’exister.
Peut-être dira-t-on que se marier c’est quand même autre chose que simplement dire ”oui” chez
monsieur le Maire... ! Oui, bien sûr, en général cela s’accompagne (heureusement) de beaucoup
d’autres choses, de sorte qu’on définira le mariage par tout un ensemble de considérations qu’il
serait trop long d’énumérer mais il reste que pour une institution particulière (en l’occurrence pour
la loi française par exemple ou bien pour la religion chrétienne), l’acte de mariage n’aura pas eu
lieu si on n’a pas prononcé les mots qui conviennent, si on a dit ”non” par exemple, ou si on est
parti en courant.
Dans Quand dire, c’est faire, Austin en vient à se demander s’il existe d’autres formes de phrases
ayant cette particularité, puis à rechercher ce qui distingue ces phrases des autres. Pourrions-nous
avoir un critère, par exemple syntaxique, pour identifier immédiatement les phrases performatives ?
A propos de la première question, il constate tout de suite que certaines phrases ont des effets simi-
laires, en ce qu’elles pourraient se substituer aux phrases déjà vues. Par exemple, au lieu de dire je
te promets de venir demain, on pourrait tout aussi bien dire Je viendrai demain, ici la seule marque
du futur, alliée à la première personne, pourrait suffire pour exprimer la promesse. On doit toute-
fois noter que l’énonciation je viendrai demain pourrait fort bien être effectuée sans promesse ! Par
exemple, on pourrait dire je viendrai demain, simplement à titre d’information, dans un tel cas, la
phrase se contenterait d’apporter un constat, guère différent de ce qu’on dit lorsqu’on dit je vais
aller faire les courses ou j’ai acheté du pain pour midi... Ainsi, à côté des performatifs, il y aurait
un autre type de phrases, les constatives et dans de nombreux cas, nous ne pourrions pas arriver à
distinguer nettement les deux.
Austin fait l’hypothèse (certes non prouvée !) que des expressions comme ”je promets de” ou ”je
parie que” sont intervenues dans le langage a posteriori afin justement d’opérer une distinction
entre constatifs et performatifs. D’où vient que, lorsqu’il envisage je viendrai demain comme une
promesse, il considère l’expression comme un performatif primaire, alors qu’il considère la forme
en je promets que... comme un performatif explicite.
Trouver une forme syntaxique qui caractérise les performatifs et seulement eux est donc impos-
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sible, tout au plus pouvons-nous identifier les performatifs comme étant ceux qui admettent une
forme normale. Celle-ci serait une structure contenant la première personne du singulier je, accom-
pagnée d’un certain type de verbe. Par exemple, je viendrai demain, en tant que performatif, a la
forme normale je promets que je viendrai demain.
Ainsi des quantités d’expressions en viennent à avoir une valeur performative. Austin considère par
exemple le cas d’un juge énonçant une sentence : ”Coupable !” a la valeur de je vous juge coupable.
Dans un tout autre contexte, une inscription sur une pancarte ”Taureau dangereux” a la valeur d’un
performatif car équivalente à je vous avertis qu’il y a un taureau dangereux.
Les actions effectuées par les performatifs sont donc associées à des verbes particuliers, mais ce
n’est évidemment pas le simple usage d’un tel verbe à n’importe quel temps ou n’importe qu’elle
personne qui crée le performatif, c’est seulement l’association de la première personne et du présent
de l’indicatif. Si ”je parie qu’il fera beau demain” est bien un performatif, il n’en est nullement ainsi
de ”j’ai parié hier qu’il ferait beau aujourd’hui” ou bien ”il parie qu’il fera beau demain”, ces deux
dernières énonciations ne sont que des constats.
Evidemment, ce n’est pas si simple en réalité car on peut très bien trouver des usages où sont réunis
le type de verbe qu’il faut, la première personne et le présent de l’indicatif sans que pour autant
on soit en présence d’un performatif, par exemple, je peux dire ”je promets quelque chose seule-
ment quand je sais que je peux tenir ma promesse” : dans cette phrase, tous les ingrédients y sont
et pourtant... je ne promets rien ! Il est donc difficile de trouver un critère grammatical univoque.
Disons simplement que si la condition n’est pas suffisante, elle est au moins nécessaire !
D’autre part, cette conception pragmatique peut être généralisée à d’autres actes que la promesse,
le baptême, le pari ou l’avertissement. Après tout, on peut dire aussi que lorsque nous déclarons
quelque chose, du genre ”la température est de 160 aujourd’hui”, nous faisons bel et bien quelque
chose, à savoir.... déclarer. Un tel acte est qualifié d’assertif. On peut noter qu’en produisant ce
genre d’énoncé, on n’est pas nécessairement sur le mode assertif : il peut être enchâssé, pris comme
une condition (”si la température est de 160 aujourd’hui, alors je changerai de vêtement”) ou pro-
noncé comme une incantation. Ce n’est que dans un certain contexte (quand le locuteur le prononce
sous certaines conditions pragmatiques à préciser) qu’il est un assertif authentique et en vient alors
à tomber sous une possibilité d’évaluation en termes de ”vrai” ou ”faux”. Frege lui-même avait
vu cette distinction, il écrivait ”` P ” pour l’assertion de P , et seulement ”−P ” pour une simple
”assomption” de P .
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ensemble, avec une certaine intonation etc. (acte qu’Austin qualifie de phatique).
Et en général, nous établissions un lien avec une situation ou un état de choses que nous voulons
décrire ou modifier (acte dit rhétique)2 .
Pour produire un acte phatique, il faut produire un acte phonétique. Mais l’inverse n’est pas vrai.
Si, par un quelconque tour de force, un singe prononce ”va”, ce sera une phonation, mais pas un
acte phatique.
Il est intéressant de savoir que tous ces actes sont commis, mais ils ne nous renseignent toujours
pas sur notre objet. Nous allons simplement dire qu’ils sont trois aspects d’un acte plus global que
nous exécutons quand nous parlons : un acte locutoire. Or, ce n’est pas l’acte locutoire en soi qui
nous intéresse ici, c’est un autre acte que nous exécutons au même moment que l’acte locutoire .
Par exemple, en disant ”je promets de venir demain”, j’effectue deux actes :
– un acte locutoire (je dis : ”je promets de venir demain”)
– et un autre acte, en l’occurrence celui de promettre
C’est ce deuxième acte qu’Austin caractérise comme un acte illocutoire.
Nous appellerons donc acte illocutoire l’acte effectué en disant quelque chose, par opposition à
l’acte de dire quelque chose.
A ces deux types d’actes, on peut ajouter un troisième, qui est le type d’acte que nous effectuons
par rapport à un auditoire. Par exemple, en donnant un avertissement (acte illocutoire), je peux ef-
frayer mon auditoire, ou bien au contraire le rassurer. Je peux aussi le faire rire ! Toutes ces actions
ne sont pas nécessairement prévues dans le dire qui est visé. Ce type d’acte, Austin le qualifie de
perlocutoire. Il s’agit en réalité plutôt de l’ensemble des conséquences de l’acte illocutoire qui a
été commis. Si l’acte illocutoire est exactement consubstantiel à l’acte locutoire, se produisant en
même temps, le perlocutoire est, lui, décalé dans le temps : il arrive juste après. Une autre de ses
caractéristiques est que le locuteur ne le maı̂trise pas complètement. On peut dire quelque chose
pour faire plaisir à quelqu’un et... en réalité obtenir l’effet inverse. On peut aussi comparer le perlo-
cutoire avec la dimension rhétorique chez Aristote. Nous avons vu en effet que pour le philosophe
grec, la persuasion d’autrui ne repose pas seulement sur l’aspect ”preuve” de ce que l’on dit, mais
aussi sur notre aptitude à comprendre les réactions possibles de notre auditoire (pathos). En termes
modernes cela se traduirait par une maı̂trise de l’aspect perlocutoire de nos discours.
Exemples :
”Tire sur elle !”
1. acte locutoire : dire ces mots, avec le sens qu’ils ont
2. acte illocutoire : donner un ordre
3. acte perlocutoire : tenter de persuader
”Je te promets une sacré punition !”
1. acte locutoire : dire ces mots, avec le sens qu’ils ont
2. acte illocutoire : promettre
2
mais ce n’est pas toujours le cas, par exemple ce n’est pas le cas en poésie.
7
3. acte perlocutoire : menacer
A partir de là, il devient intéressant de tenter d’établir une liste d’actes illocutoires. Austin l’établit
à partir d’une liste de verbes. Il distingue :
– les verdictifs, caractérisés par : ”un verdict est rendu”, cf. acquitter, condamner, soutenir,
comprendre, lire que, décréter que, calculer, supputer, estimer, mesurer, classer, évaluer etc.
– les exercitifs, caractérisés par un exercice de droits, de pouvoir ou d’influence, cf. désigner,
renvoyer, ordonner, commander, nommer, choisir, proclamer, revendiquer etc.
– les promissifs, caractérisés par le fait que l’on promet ou prend en charge quelque chose,
cf. promettre, convenir de, contracter, entreprendre, se lier, avoir l’intention, être décidé à,
garantir, envisager de, etc.
– les comportatifs, groupe très disparate ayant trait aux attitudes et au comportement social,
cf. s’excuser, remercier, déplorer, compatir, congratuler, féliciter, souhaiter la bienvenue,
faire ses adieux, bénir, maudire, boire à la santé de etc.
– les expositifs, qui permettent ou facilitent l’exposé, cf. répondre, affirmer, prouver, remar-
quer, postuler, argumenter, accepter, concéder, retirer, donner son accord etc.
Ainsi, en résumé, avec Austin, on sort de l’illusion descriptive qui avait été jusque là associée aux
études sur le langage : cette illusion qui consiste à croire que le langage n’est là que pour décrire
le monde. De fait, cette visée de description n’est qu’une petite partie de ce à quoi le langage est
utilisé, elle prendrait simplement sa place parmi les modes expositifs.
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1. Jean fume beaucoup
2. est-ce que Jean fume beaucoup ?
3. quel malheur, le fait que Jean fume beaucoup !
elles ont toutes en commun une référence commune (à Jean) et une prédication commune (ap-
pliquer à Jean le prédicat ”fumer beaucoup”). Elles diffèrent néanmoins par le type d’acte com-
mis : une affirmation, une question, une exclamation (à valeur plus ou moins de déploration).
Pour repérer la signification de ces énoncés, nous faisons appel à deux ”marqueurs” : un marqueur
propositionnel (la manière dont les mots sont syntaxiquement articulés dans la proposition) et un
marqueur illocutoire (la partie de l’énoncé qui révèle la manière dont on doit l’interpréter sur le
plan illocutoire, par exemple la tournure est-ce que..., l’expression quel malheur... ! etc.). Les actes
de langage revêtent ainsi la forme générale :
F (p)
où la variable F prend ses valeurs parmi les procédés marqueurs de force illocutoire et p est une
proposition. On pourrait par exemple avoir (cf. Les actes de langage, p. 70) :
– ` (p) pour l’assertion
– P r(p) pour la promesse
– !(p) pour la demande
– ?(p) pour une question en est-ce que etc.
Cette distinction a l’avantage de permettre d’établir une différence entre la négation illocutoire et
la négation propositionnelle :
– ¬F (p) pour, par exemple : je ne promets pas de venir
– F (¬p) pour je promets de ne pas venir
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des mots. Il est plus difficile de faire reconnaı̂tre à quelqu’un mon intention de lui dire qu’il fait
froid en lui disant ”il fait chaud” qu’en lui disant ”il fait froid” !
Résumons donc simplement l’analyse en disant qu’un locuteur L signifie littéralement P à un in-
terlocuteur B si et seulement si L, par l’énoncé de P a l’intention I de faire reconnaı̂tre à B que
les règles conventionnelles associées à P sont bien réalisées (autrement dit s’il parvient à provo-
quer en B l’effet illocutoire qui découle normalement de l’emploi de P ), L a bien l’intention, par
cet emploi, de produire cet effet illocutoire au moyen de l’intention I et que l’intention de L est que
I soit reconnue au moyen de la connaissance que B a des règles conventionnellement associées à
P.
D’autre part, Searle conçoit le langage comme une sorte de jeu, qui possède des règles constitutives,
en tant qu’opposées aux règles normatives : ces dernières ont pour fonction de régir une activité
pré-existante, une activité dont l’existence est logiquement indépendante des règles, alors que les
premières fondent (et régissent également) une activité dont l’existence dépend logiquement de ces
règles. Searle prend l’exemple du jeu d’échecs et du foot : de tels jeux sont créés par les règles
mêmes qui les régissent. On comprend aisément que la règle selon laquelle seul le gardien de but
peut toucher le ballon avec les mains soit constitutive du jeu de football, alors que d’autres règles,
comme les règles de politesse ou de ”savoir-vivre” par exemple, tel le fait que la fourchette se
mette à gauche de l’assiette dans la disposition d’une table pour un repas, sont des règles purement
normatives - le fait que la fourchette soit à droite ne nous empêcherait pas de manger !
Parler, discourir sont donc des activités assimilables à des jeux, dont les règles constitutives déterminent
l’emploi de certaines expressions afin d’accomplir certains actes.
Considérons par exemple la promesse, qui avait été le point de départ des réflexions d’Austin.
Imaginons qu’un locuteur A déclare à B : je te promets que p, alors en prononçant cette phrase
P , A fait effectivement à B la promesse sincère p si et seulement si les conditions suivantes sont
remplies :
1. Les conditions normales de départ et d’arrivée sont remplies.
cela signifie que, au ”départ”, les conditions sont remplies pour que la parole soit prononcée
de façon intelligible et à ”l’arrivée” que les conditions soient remplies pour une bonne
compréhension. On exclut les cas de plaisanterie ou le cas très particulier où A et B sont
des acteurs de théâtre.
2. A exprime que p en employant P .
autrement dit on est bien certain que dans le flot du discours, c’est bien la phrase P qui
exprime la proposition p (et pas le contexte général ou bien la phrase d’à côté)
3. Dans l’expression de p, A prédique à propos de lui-même un acte futur C.
On ne promet pas quelque chose qui appartient au passé !
4. B préfèrerait l’accomplissement de C par A à son non-accomplissement, et A pense que
c’est bien le cas
En principe, je ne promets pas à quelqu’un quelque chose dont je sais qu’il ne la désire pas !
C’est ce qui permet de différencier par exemple la menace de la promesse. Remarque : il
peut arriver que l’on emploie le verbe ”promettre” dans des cas où cette condition n’est pas
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vérifiée, comme par exemple : ”je vous promets que vous allez entendre parler de moi !” ou
bien ”je vous promets que je ne l’ai pas fait” (tel ou tel acte dont le locuteur est accusé).
C’est que tout simplement, on peut utiliser le verbe ”promettre” dans autre chose que des
promesses authentiques, mais par exemple dans des menaces et des dénégations.
5. Il n’est pas évident, ni pour A ni pour B que A serait conduit de toute façon à effectuer C.
je ne promets pas que le cours va s’arrêter à midi s’il est prévu qu’il s’arrête à midi, sauf
évidemment si j’ai l’habitude de déborder.
6. A a l’intention d’effectuer C.
Il s’agit ici d’une condition de sincérité.
7. L’intention de A est que l’énoncé de P le mette dans l’obligation d’effectuer C.
Cette condition est, pour Searle, essentielle : elle consiste à dire que l’énonciation de P
possède une sorte de valeur contractuelle. Dès que A l’a prononcée, il a contracté une obli-
gation. Il faut de plus que ce caractère obligatoire soit bien dans l’intention de A, car sinon
(cas d’une promesse obtenue sous la menace par exemple), il pourra toujours se libérer de
l’obligation en arguant qu’elle n’était pas dans son intention.
8. A a l’intention (i) d’amener B à la connaissance K que l’énoncé de P doit revenir à mettre
A dans l’obligation d’effectuer C. A a l’intention de produire K par la reconnaissance de
cette intention (i), et son intention est que (i) soit reconnue en vertu de la connaissance qu’a
B de la signification de P .
Cette condition reprend l’analyse gricéenne modifiée donnée ci-dessus à propos de ce que
c’est que dire véritablement quelque chose.
La théorie de Searle peut néanmoins être critiquée. Elle se ramène en effet à dire que l’efficacité de
l’acte de parole s’explique principalement à partir de l’intention qu’il recèle (cf. condition (8) ci-
dessus), comme s’il suffisait d’exprimer une intention, que cette intention soit reconnue par l’inter-
locuteur et qu’il soit aussi reconnu par lui qu’elle est exactement exprimée par les mots prononcés,
pour que l’acte s’exécute avec “félicité”, or nous avons vu que la signification pragmatique d’un
énoncé est sous-déterminée par sa sémantique. Je peux dire “je vais partir” avec de multiples inten-
tions : celle d’informer quelqu’un, celle de promettre, ou bien même, avec une certaine intonation,
comme une demande. On ne sait donc pas très bien, dans cette théorie, comment le locuteur s’y
prend pour “reconnaı̂tre la bonne intention”. On peut aussi se demander s’il s’agit bien d’une simple
relation de nature psychologique (de “sujet” à “sujet”) qui est à la base du processus. Les multiples
conditions mises par Searle à l’acte de promettre peuvent apparaı̂tre au contraire comme un essai de
contourner une réalité fondamentale, celle selon laquelle le performatif semble s’exécuter dans un
cadre essentiellement juridique, lequel dépasse le rapport qui s’instaure entre deux locuteurs. Sans
les lois et conventions régissant la vie sociale, ces actes ne réussiraient pas. Les premiers exemples
donnés par Austin (mariage, baptême, pari, legs et héritage) s’insèrent d’ailleurs justement chacun
dans un cadre institutionnel. C’est ce cadre institutionnel qui semble donner toute leur force au
succès de ces énonciations.
Il en va également ainsi de “promettre”. Est-il vrai, comme a l’air de le sous-entendre Searle, qu’il
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n’est de promesse que sincère ? Supposons que le locuteur A promette à B de lui rendre son ar-
gent, mais qu’il sache très bien qu’il ne dispose pas de la somme nécessaire pour cela. Va-t-on
pour autant dire que A n’a pas fait d’acte de promesse véritable ? Du point de vue d’un observateur
extérieur, A a promis en disant “je te promets” et si B ne voit rien venir, il est en droit de se fâcher.
Personne d’autre que A ne peut savoir que la promesse n’était pas sincère (c’est ce qu’on appelle
un savoir en première personne), et du reste, cela n’a aucune importance du point de vue de la vie
sociale. La fin de la première conférence reproduite dans Quand dire, c’est faire est, de ce point de
vue éclairante, et il semble que Searle s’en soit démarqué à tort. Parlant de la “fausse promesse” et
de l’apparence selon laquelle l’intention de promettre est fondamentale pour qu’il y ait promesse,
Austin dit que dans le cas où une telle intention est absente :
Cela ne signifie pas que l’énonciation “je promets que...” soit fausse, dans le sens où
la personne, affirmant faire, ne ferait pas, ou décrivant, décrirait mal, rapporterait mal.
Car elle promet effectivement : la promesse, ici, n’est même pas nulle et non avenue,
bien que donnée de mauvaise foi. Son énonciation est peut-être trompeuse ; elle induira
probablement en erreur, et elle est sans nul doute incorrecte. mais elle n’est pas un
mensonge ou une affirmation manquée. Tout au plus pourrait-on trouver une raison
de dire qu’elle implique ou introduit un mensonge ou une affirmation manquée (dans
la mesure où le déclarant a l’intention de faire quelque chose) ; mais c’est là une tout
autre question. De plus, nous ne parlons pas d’un faux pari ou d’un faux baptême ; et
que nous parlions de fait, d’une fausse promesse, ne nous compromet pas plus que de
parler d’un faux mouvement. ”Faux” n’est pas un terme nécessairement réservé aux
seules affirmations.
Afin de souligner la dépendance des actes de langage par rapport aux institutions, on peut noter
aussi qu’il semble exister des sociétés où l’acte de promettre n’a pas de sens (B. Ambroise, 2009,
cite le cas des habitants des ı̂les Tonga), mais où d’autres actes conventionnels, ou instituant un
certain ordre, existent, auxquels on ne fait pas attention dans nos sociétés. On peut ainsi penser
qu’en amont des règles du langage, il y aurait des règles instituant des ordres symboliques par-
ticuliers. Ce sont de tels ordres qu’étudient d’ailleurs les ethnologues et les anthropologues. Les
formules permises par le langage s’y inscrivent comme des sortes de rituels. Il y a ainsi le rituel
de la promesse, comme il y a un rituel du mariage, ou un rituel de la mort3 . Il faut toutefois faire
attention à ne pas trop “essentialiser” les us et les coutumes des peuples, car elles aussi changent
et sont l’effet justement de pratiques langagières. C’est aussi parce que certains mots ou certaines
tournures existent que des comportements et des rituels peuvent s’autonomiser. Par exemple, re-
mercier, c’est dire “merci”, saluer dérive du mot latin “salus” qui, au départ signifie “santé”, puis
vient à avoir un sens dérivé consistant dans le mot qu’on dit quand on salue quelqu’un avant de
donner lieu à l’action proprement dite de “saluer”. Ces exemples illustrent la théorie dite de la
délocutivité, formulée dans les années 70-80 par O. Ducrot et J. C. Anscombre.
3
Le langage joue un rôle dans la mort... des papes ( !). Un pape est en effet déclaré décédé une fois que le chef
des cardinaux ait venu frapper sa tempe avec un petit marteau d’or en prononçant ces mots : “X... (le nom du pape),
dors-tu ?”.
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Si ce ne sont pas les seules “reconnaissances d’intention” qui règlent les actes de langage comme
la promesse, comment alors les expliquer ? De nombreux auteurs mettent en évidence qu’il s’agit
d’actes conjoints, autrement dit qu’il ne s’agit pas de simples actes solitaires qui attendraient
ensuite d’être reconnus, mais que ce sont des actes qui, dès le début de leur accomplissement,
nécessitent la présence de l’autre. L’acte illocutoire (cf. Ambroise, 09, p. 66) est alors considéré
comme étant construit conjointement par les locuteurs et les interlocuteurs. L’interlocuteur a sa
place dans la promesse ou l’excuse, par exemple. Si quand A dit à B qu’il va lui rendre son ar-
gent, B se contente de hausser les épaules avec un sourire narquois montrant qu’il n’y croit pas, la
“promesse” faite par A tombe à l’eau. De la même manière, dans un échange, un locuteur B peut
refuser les excuses présentées par A. Ainsi, loin d’être élaboré a priori au moment où un locuteur
le formule, l’acte illocutoire se construit dans une interaction. Si les deux locuteurs ont interagi
dans une certaine direction, un acte de langage a été commis et cela se traduit par une modification
des rapports juridiques entre les deux personnes (telle que l’une est engagée vis-à-vis de l’autre par
exemple, ou bien que l’une se trouve l’obligée par rapport à l’autre).
Références
[Ambroise 09] Bruno Ambroise, Qu’est-ce qu’un acte de parole ?, ed. Vrin, 2009.
[Armengaud 07] Françoise Armengaud, La pragmatique, Que sais-je n0 2230, Presses Universi-
taires de France, 2007.
[Austin70] John Langshaw Austin, Quand dire, c’est faire, trad. franç. G. Lane, Ed. du Seuil, 1970.
[Moati 09] Raoul Moati, Derrida/Searle, Déconstruction et langage ordinaire, coll. Philosophies,
Presses Universitaires de France, 2009.
[Moeschler & Reboul 94] Jacques Moeschler & Anne Reboul, Dictionnaire encyclopédique de
pragmatique, ed. du Seuil, 1994.
[Récanati 79] François Récanati, La transparence et l’énonciation, ed. du Seuil, 1979.
[Récanati 08] François Récanati, Philosophie du langage (et de l’esprit), ed. Folio, Gallimard,
2008.
[Searle 72] John Searle, Les actes de langage, trad. franç. H. Pauchard, ed. Hermann, 1972.
[Searle 82] John Searle, Sens et expression, trad. franç. J. Proust, ed.de Minuit, 1982.
[Strawson 77] P. F. Strawson, Etudes de logique et de linguistique, trad. franç. J. Milner, ed. du
Seuil, 1977.
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