Fiche TD 5 Sources Internes

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Licence 2 – Droit administratif général

Année 2023-2024

Fiche n° 5 – Les sources internes du droit administratif

I – DOCUMENTS :

Document 1 : Constitution du 4 octobre 1958, articles 61, 61-1 et 62


Document 2 : CE Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy
Document 3 : Cons. const., Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971,
Liberté d’association
Document 4 : CE, Sect. 12 février 1960, Société Eky
Document 5 : CE, 6 novembre 1936, Arrighi
Document 6 : CE, 17 mai 1991, Quintin
Document 7 : Cons. const., Décision n° 2009-595 DC du 3 septembre
2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1
de la Constitution.
Document 8 : CJUE, 22 juin 2010, Abdeli et Melki
Document 9 : Communiqué du Conseil constitutionnel sur sa première
question préjudicielle à la CJUE (déc. n°2013-314P)
Document 10 : Constitution de 1958, articles 13, 19, 21, 22, 34, 37,
38
Document 11 : Cons. const., Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020,
Association Force 5
Document 12 : CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier
Document 13 : CE Ass., 26 octobre 1945, Aramu
Document 14 : CE Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte
Document 15 : CE, 9 mars 1951, Sté des Concerts du Conservatoire
Document 16 : CE, 26 juin 1959, Syndicat général des Ingénieurs-conseils
Document 17 : CE, Ass. 11 juillet 1956, Amicale des annamites de Paris
Document 18 : CE Ass., 3 juillet 1996, Koné
Document 19 : J. Rivero, « Le juge administratif français : un juge qui
gouverne ? », D., 1951. 21

II – EXERCICE :

Les étudiants résoudront le cas suivant :

Stagiaire au sein de la direction des affaires juridiques du ministère de la


transition écologique et solidaire, votre maître de stage vous sollicite à
propos du décret n° 2023-888 qui vient d’être publié. Ce décret d’application
de la dernière loi relative aux énergies dans un monde décarboné était
particulièrement attendu des professionnels du secteur des énergies
renouvelables car il précise les conditions dans lesquelles les exploitants
d’hydroliennes pourront exercer leur activité. En effet, la loi est silencieuse
sur le sujet et dispose seulement que le régime de telles activités sera
précisé par décret. Ce dernier prévoit donc les autorisations nécessaires
pour la construction et la mise en service des installations hydroliennes, les
procédures à respecter (notamment de participation du public), les contrôles
effectués durant leur fonctionnement et les sanctions applicables en cas de
non-respect de la réglementation. Une association de protection de
l’environnement – l’ONG « Libérons les océans » – souhaite faire annuler ce
« décret de la honte » qui constituerait, selon elle, une menace pour la
biodiversité marine.

Elle avance plusieurs moyens à l’encontre du décret : violation de l’article 7


de la Charte de l’environnement sur la participation et l’information du
public et violation des droits de la défense dans le cadre du prononcé des
sanctions. Votre maître de stage semble plutôt serein vis-à-vis du recours,
vantant le fait que l’article 13 du décret litigieux dispose que « le présent
décret est insusceptible de recours ».

Que pensez-vous des chances de succès de l’action de l’ONG « Libérons les


océans » ?

A lire :

B. PLESSIX, « Le principe de légalité en droit administratif français », RFDA,


2022. 206
I. MICHALIS, « La genèse de la théorie des principes généraux du droit »,
AJDA, 2023. 923
Document 1 : Constitution du 4 octobre 1958, articles 61, 61-1 et 62

- Art. 61 :
disposition législative porte
Les lois organiques, avant leur atteinte aux droits et libertés que la
promulgation, les propositions de Constitution garantit, le Conseil
loi mentionnées à l'article 11 avant constitutionnel peut être saisi de
qu'elles ne soient soumises au cette question sur renvoi du
référendum, et les règlements des Conseil d'État ou de la Cour de
assemblées parlementaires, avant cassation qui se prononce dans un
leur mise en application, doivent délai déterminé.
être soumis au Conseil Une loi organique détermine les
Constitutionnel qui se prononce conditions d'application du présent
sur leur conformité à la article.
Constitution. - Art. 62 :
Aux mêmes fins, les lois peuvent
être déférées au Conseil Une disposition déclarée
Constitutionnel, avant leur inconstitutionnelle sur le
promulgation, par le Président de fondement de l'article 61 ne peut
la République, le Premier Ministre, être promulguée ni mise en
le Président de l'Assemblée application.
Nationale, le Président du Sénat ou Une disposition déclarée
soixante députés ou soixante inconstitutionnelle sur le
sénateurs. fondement de l'article 61-1 est
Dans les cas prévus aux deux abrogée à compter de la
alinéas précédents, le Conseil publication de la décision du
Constitutionnel doit statuer dans le Conseil constitutionnel ou d'une
délai d'un mois. Toutefois, à la date ultérieure fixée par cette
demande du Gouvernement, s'il y a décision. Le Conseil constitutionnel
urgence, ce délai est ramené à huit détermine les conditions et limites
jours. dans lesquelles les effets que la
Dans ces mêmes cas, la saisine du disposition a produits sont
Conseil Constitutionnel suspend le susceptibles d'être remis en cause.
délai de promulgation.
Les décisions du Conseil
Constitutionnel ne sont
- Art. 61-1 : susceptibles d'aucun recours. Elles
s'imposent aux pouvoirs publics et
Lorsque, à l'occasion d'une à toutes les autorités
instance en cours devant une administratives et juridictionnelles.
juridiction, il est soutenu qu'une

Document 2 : CE Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du


Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE D'ANNECY, représentée par son
maire ; la COMMUNE D'ANNECY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2006-993 du 1er août 2006 relatif aux lacs de
montagne pris pour l'application de l'article L. 145-1 du code de
l'urbanisme ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 12 000 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

[…]

Considérant que le décret du 1er août 2006, pris pour l'application de


l'article L. 145-1 du code de l'urbanisme, issu de l'article 187 de la loi du 23
février 2005 relative au développement des territoires ruraux, introduit de
nouvelles dispositions dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme,
relatives à la " délimitation, autour des lacs de montagne, des champs
d'application respectifs des dispositions particulières à la montagne et des
dispositions particulières au littoral ", aux termes desquelles : " (...) Article R.
145-11. - La délimitation du champ d'application, autour des lacs de
montagne de plus de mille hectares, des dispositions du présent chapitre et
des dispositions particulières au littoral figurant au chapitre VI du présent
titre est effectuée soit à l'initiative de l'Etat, soit à l'initiative concordante des
communes riveraines du lac. / Article R. 145-12. - I. - Lorsque la délimitation
est effectuée à l'initiative de l'Etat, le préfet adresse aux communes
riveraines du lac un dossier comprenant : / a) Un plan de délimitation portant
sur l'ensemble du lac ; / b) Une notice exposant les raisons, tenant au relief, à
la configuration des lieux, bâtis et non bâtis, à la visibilité depuis le lac, à la
préservation sur ses rives des équilibres économiques et écologiques ainsi
qu'à la qualité des sites et des paysages, pour lesquelles la délimitation
proposée a été retenue. / L'avis des communes est réputé émis si le conseil
municipal ne s'est pas prononcé dans le délai de deux mois à compter de
l'envoi du projet au maire. / II. - Lorsque la délimitation est effectuée à
l'initiative des communes, celles-ci adressent au préfet le dossier prévu au I
du présent article, accompagné de la délibération de chaque conseil
municipal. / Article R. 145-13. - Le dossier, accompagné des avis ou
propositions des conseils municipaux, est soumis à enquête publique par le
préfet dans les conditions prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23 du
code de l'environnement. / A l'issue de l'enquête publique, le préfet adresse
au ministre chargé de l'urbanisme le dossier de délimitation ainsi que le
rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête et une
copie des registres de l'enquête. / Article R. 145-14. - Le décret en Conseil
d'Etat approuvant la délimitation est publié au Journal officiel de la
République française. Il est tenu à la disposition du public à la préfecture et
à la mairie de chacune des communes riveraines du lac. Il est affiché pendant
un mois à la mairie de chacune de ces communes. " ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que


lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que " la loi détermine
les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement " ;
qu'il est spécifié à l'article 7 de la Charte de l'environnement, à laquelle le
Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la même loi
constitutionnelle que " Toute personne a le droit, dans les conditions et les
limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à
l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à
l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur
l'environnement. " ; que ces dernières dispositions, comme l'ensemble des
droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, et à l'instar de
toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur
constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités
administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ;

Considérant que les dispositions précitées, issues de la loi constitutionnelle


du 1er mars 2005, ont réservé au législateur le soin de préciser " les
conditions et les limites " dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute
personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues
par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions
publiques ayant une incidence sur l'environnement ; qu'en conséquence, ne
relèvent du pouvoir réglementaire, depuis leur entrée en vigueur, que les
mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur ; que,
toutefois, les dispositions compétemment prises dans le domaine
réglementaire, tel qu'il était déterminé antérieurement, demeurent
applicables postérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes,
alors même qu'elles seraient intervenues dans un domaine désormais réservé
à la loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, depuis la date d'entrée en


vigueur de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, une disposition
réglementaire ne peut intervenir dans le champ d'application de l'article 7 de
la Charte de l'environnement que pour l'application de dispositions
législatives, notamment parmi celles qui figurent dans le code de
l'environnement et le code de l'urbanisme, que celles-ci soient postérieures à
cette date ou antérieures, sous réserve, alors, qu'elles ne soient pas
incompatibles avec les exigences de la Charte ;

Considérant, d'une part, que l'article L. 110-1 du code de l'environnement,


qui se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie
dans le cadre d'autres lois, ne saurait être regardé comme déterminant les
conditions et limites requises par l'article 7 de la Charte de l'environnement ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-1 du code de


l'urbanisme : " (...) Autour des lacs de montagne d'une superficie supérieure
à 1 000 hectares, un décret en Conseil d'Etat délimite, après avis ou sur
proposition des communes riveraines, en tenant notamment compte du relief,
un secteur dans lequel les dispositions particulières au littoral figurant au
chapitre VI du présent titre s'appliquent seules. Ce secteur ne peut pas
réduire la bande littorale de 100 mètres définie au III de l'article L. 146-4.
Dans les autres secteurs des communes riveraines du lac et situées dans les
zones de montagne mentionnées au premier alinéa, les dispositions
particulières à la montagne figurant au présent chapitre s'appliquent seules.
" ; que ces dispositions n'avaient pas pour objet de déterminer les conditions
et limites d'application des principes d'accès aux informations et de
participation du public s'imposant au pouvoir réglementaire pour la
délimitation des zones concernées ; qu'en l'absence de la fixation par le
législateur de ces conditions et limites, le décret attaqué du 1er août 2006,
dont les dispositions, qui prévoient, outre la mise en oeuvre d'une enquête
publique, des modalités d'information et de publicité, concourent de manière
indivisible à l'établissement d'une procédure de consultation et de
participation qui entre dans le champ d'application de l'article 7 de la Charte
de l'environnement, a été pris par une autorité incompétente ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE


D'ANNECY est fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de


justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire


application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement
à la COMMUNE D'ANNECY d'une somme de 3 000 euros au titre des frais
engagés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE:

--------------

Article 1er : Le décret du 1er août 2006 est annulé.


Article 2 : L'Etat versera à la COMMUNE D'ANNECY une somme de 3 000
euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'ANNECY, au
Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du
développement durable et de l'aménagement du territoire.

Document 3 : Cons. const., Décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971,


Liberté d’association

Saisi le 1er juillet 1971 par le Assemblées, dans le respect d'une


président du Sénat, conformément des procédures prévues par la
aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, au cours de la session
Constitution, du texte de loi, du Parlement ouverte le 2 avril
délibérée par l'Assemblée nationale 1971 ;
et le Sénat et adoptée par 2. Considérant qu'au nombre des
l'Assemblée nationale, complétant principes fondamentaux reconnus
les dispositions des articles 5 et 7 par les lois de la République et
de la loi du 1er juillet 1901 relative solennellement réaffirmés par le
au contrat d’association, Vu la Préambule de la Constitution, il y a
Constitution, et notamment son lieu de ranger le principe de la
préambule ; l'ordonnance du 7 liberté d'association, que ce
novembre 1958 portant loi principe est à la base des
organique sur le Conseil dispositions générales de la loi du
constitutionnel, notamment le 1er juillet 1901 relative au contrat
chapitre II du titre II de ladite d'association ; qu'en vertu de ce
ordonnance ; la loi du 1er juillet principe les associations se
1901 relative au contrat constituent librement et peuvent
d'association modifiée ; la loi du 10 être rendues publiques sous la
janvier 1936 relative aux groupes seule réserve du dépôt d'une
de combat et milices privées : déclaration préalable : qu'ainsi, à
1. Considérant que la loi déférée à l'exception des mesures
l'examen du Conseil constitutionnel susceptibles d'être prises à l'égard
a été soumise au vote des deux de catégories particulières
d'associations, la constitution
d'associations, alors même qu'elles
paraîtraient entachées de nullité ou
auraient un objet illicite, ne peut
être soumise pour sa validité à
l'intervention préalable de
l'autorité administrative ou même
de l'autorité judiciaire ;
3. Considérant que, si rien n'est
changé en ce qui concerne la
constitution même des associations
non déclarées, les dispositions de
l'article 3 de la loi dont le texte est,
avant sa promulgation, soumis au
Conseil constitutionnel pour
examen de sa conformité à la
Constitution ont pour objet
d'instituer une procédure d'après
laquelle l'acquisition de la capacité
juridique des associations
déclarées pourra être subordonnée
à un contrôle préalable par
l'autorité judiciaire de leur
conformité à la loi ;
4. Considérant, dès lors, qu'il y a
lieu de déclarer non conformes à la
Constitution les dispositions de
l'article 3 de la loi soumise à
l'examen du Conseil constitutionnel
complétant l'article 7 de la loi du
1er juillet 1901, ainsi, par voie de
conséquence, que la disposition de
la dernière phrase de l'alinéa 2 de
l’article 1er de la loi soumise au
Conseil constitutionnel leur faisant
référence ;
5. Considérant qu'il ne résulte ni du
texte dont il s'agit, tel qu'il a été
rédigé et adopté, ni des débats
auxquels la discussion du projet de
loi a donné lieu devant le
Parlement, que les dispositions
précitées sont inséparables de
l'ensemble du texte de la loi
soumise au Conseil ;
6. Considérant, enfin, que les
autres dispositions de ce texte ne
sont contraires à aucune
disposition de la Constitution, …
[non-conformité de l’article 3]
Document 4 : CE, Sect. 12 février 1960, Société Eky

Requête de la société Eky, agissant poursuites et diligences de ses président-


directeur général et administrateurs en exercice, tendant à l’annulation pour
excès de pouvoir des dispositions des articles R30 6°, R31 dernier alinéa, et
R33, alinéa 1er, du Code pénal, édictés par l’article 2 du décret n° 58-1303
du 23 décembre 1958 ;
Considérant que les requêtes susvisées de la Société Eky présentent à juger
des questions connexes, qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par
une seule décision ;
Sur le pourvoi n° 46.923 dirigé contre les dispositions de l’article 136 du
Code pénal édictées par l’ordonnance du 23 décembre 1958 :
Cons. que l’ordonnance susvisée a été prise par le gouvernement en vertu de
l’article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958, dans l’exercice d’un pouvoir
législatif ; que dans ces conditions, elle ne constitue pas un acte de nature à
être déféré au Conseil d’État par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Sur le pourvoi n°46.922 dirigé contre les dispositions des articles R.30,
alinéa 6, R.31, dernier alinéa, R.32 dernier alinéa, R.33 du Code pénal,
édictées par le décret du 23 décembre 1958 :
Sur les moyens tirés de la violation de l’article 8 de la Déclaration des droits
de l’Homme et de l’article 34 de la Constitution :
Cons. que, si l’article 8 de la Déclaration des droit de l’Homme de 1789 à
laquelle se réfère le préambule de la Constitution pose le principe que « Nul
ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement
au délit », l’article 34 de la Constitution, qui énumère les matières relevant
du domaine législatif, dispose que la loi fixe « les règles concernant… la
détermination des crimes et des délits et les peines qui leur sont applicables
» ; que ni cet article ni aucune autre disposition de la Constitution ne prévoit
que la matière des contraventions appartient au domaine de la loi ; qu’ainsi,
il résulte de l’ensemble de la Constitution et, notamment, les termes précités
de l’article 34 que les auteurs de celle-ci ont exclu dudit domaine la
détermination des contraventions et des peines dont elles sont assorties et
ont, par conséquent, entendu spécialement déroger sur ce point au principe
général énoncé par l’article 8 de la déclaration des droits ; que, dès lors, la
matière des contraventions relève du pouvoir réglementaire par application
des dispositions de l’article 37 de la Constitution ; Cons. que, d’après l’article
1er du Code pénal, l’infraction qui est punie des peines de police est une
contravention ; qu’il résulte des articles 464, 465 et 466 dudit Code que les
peines de police sont l’emprisonnement pour une durée ne pouvant excéder
deux mois, l’amende jusqu’à un maximum de deux cent mille francs et la
confiscation de certains objets saisis ; que les dispositions attaquées des
articles R.30 et suivants du Code pénal punissent d’une amende de deux cent
mille francs à quatre mille francs et d’un emprisonnement de trois jours au
plus et, en cas de récidive, de huit jours, ceux qui auront accepté, détenu ou
utilisé des moyens de paiement ayant pour objet de suppléer ou de remplacer
les signes monétaires ayant cours légal ; que les infractions ainsi visées, se
trouvant punies de peines de simple police, constituent des contraventions ;
que dès lors, c’est par une exacte application de la Constitution que le
gouvernement, par voie réglementaire, les a définies et a fixé les peines qui
leur sont applicables ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 4 du Code pénal :
Cons. qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l’article 4 dudit Code
édicté par la loi du 12 février 1810 est incompatible avec les dispositions des
articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 en tant qu’il a prévu
que nulle contravention ne peut être punies de peines qui n’aient été
prononcées par la loi et doit, par suite être regardé comme abrogé sur ce
point ; […] Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes
susvisées ne sauraient être accueillies [Rejet]

Document 5 : CE, 6 novembre 1936, Arrighi

(…) Sur le moyen tiré de ce que l'art. 36 de la loi du 28 févr. 1934, en vertu
duquel ont été pris les décrets des 4 avr. et 10 mai 1934, serait contraire aux
lois constitutionnelles :
*1* Considérant qu'en l'état actuel du droit public français, ce moyen n'est
pas de nature à être discuté devant le Conseil d'État statuant au contentieux
(…)

Document 6 : CE, 19 mai 1991, Quintin

Vu la requête, enregistrée le 28 d'autorisation pourrait, du seul fait


juillet 1988 au secrétariat du de la localisation du terrain, être
Contentieux du Conseil d'Etat, refusée en fonction des dispositions
présentée par M. Jean X..., d'urbanisme et, notamment, des
demeurant ... ; M. X... demande que règles générales d'urbanisme, la
le Conseil d'Etat : réponse à la demande de certificat
1°) annule le jugement du tribunal d'urbanisme est négative ; qu'aux
administratif de Rennes du 18 mai termes de l'article R. 111-14-1 du
1988 rejetant sa demande même code : "Le permis de
d'annulation de la décision du construire peut être refusé ou
préfet du Finistère du 15 novembre n'être accordé que sous réserve de
1985 lui accordant un certificat l'observation de prescriptions
d'urbanisme négatif ; spéciales si les constructions sont
2°) annule ladite décision ; de nature, par leur localisation ou
3°) subsidiairement, renvoie leur destination, a) à favoriser une
l'affaire devant la cour européenne urbanisation dispersée
des droits de l'homme ; incompatible avec la vocation des
[…] espaces naturels environnants, en
Sur les conclusions tendant à particulier lorsque ceux-ci sont peu
l'annulation de la décision du préfet équipés ... c) à compromettre les
du Finistère en date du 13 activités agricoles ou forestières,
novembre 1985 accordant un notamment en raison de la valeur
certificat d'urbanisme négatif à M. agronomique des sols, des
X... : structures agricoles, de l'existence
Considérant qu'aux termes du de terrain produisant des denrées
deuxième alinéa de l'article L. 410- de qualité supérieure ou
1 du code de l'urbanisme : comportant des équipements
"Lorsque toute demande spéciaux importants" ;
Considérant que ces dispositions entraîner les effets mentionnés
réglementaires ont été prises sur le dans les dispositions précitées de
fondement de l'habilitation l'article R.111-14-1 a) et c) du code
conférée au pouvoir réglementaire de l'urbanisme ; que, dès lors, ledit
par l'article L.111-1 du code de préfet était tenu de délivrer au
l'urbanisme pour édicter "les règles requérant un certificat d'urbanisme
générales applicables en dehors de négatif ; qu'il suit de là que les
la production agricole en matière autres moyens de la requête sont
d'utilisation du sol, notamment en inopérants ;
ce qui concerne la localisation, la Sur les conclusions tendant à ce
desserte, l'implantation et que le Conseil d'Etat renvoie
l'architecture des constructions" ; l'affaire devant la cour européenne
qu'elles ne sont contraires ni au des droits de l'homme :
principe constitutionnel du droit de Considérant qu'un tel renvoi n'est
propriété ni aux stipulations de prévu par aucune disposition de
l'article 1° du premier protocole cette convention ; que ces
additionnel à la convention conclusions doivent être rejetées ;
européenne de sauvegarde des Considérant qu'il résulte de ce qui
droits de l'homme et des libertés précède que M. X... n'est pas fondé
fondamentales ; à soutenir que c'est à tort que, par
Considérant qu'il ressort des pices le jugement attaqué, le tribunal
du dossier que le terrain pour administratif de Rennes a rejeté sa
lequel M. X... demandait un demande d'annulation de la
certificat d'urbanisme était situé décision du préfet du Finistère du
dans une zone rurale à plusieurs 15 novembre 1985 lui délivrant un
kilomètres de l'agglomération la certificat d'urbanisme négatif ;
plus proche ; que le préfet du Article 1er : La requête de M. X...
Finistère a fait une exacte est rejetée.
application des dispositions Article 2 : La présente décision
précitées en estimant que la sera notifiée à M. X... et au ministre
construction des maisons de l'équipement, du logement, des
d'habitation envisagée par le transports et de la mer.
requérant était de nature à

Document 7 : Cons. const., Décision n°2009-595 DC du 3 septembre


2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la
Constitution

24. Considérant, en quatrième lieu, la Cour de cassation prévues à


que, pour des motifs identiques à l'article 23-2 et au dernier alinéa
ceux énoncés aux considérants 8, de l'article 23-1. Le mémoire
9, 13 et 17 de la présente décision, mentionné à l'article 23-5, présenté
le surplus des articles 23-4 et 23-5 dans le cadre d'une instance devant
n'est pas contraire à la Constitution la Cour de cassation, lui est
; également transmis.
- Quant à l'article 23-6 : " Le premier président avise
25. Considérant qu'aux termes de immédiatement le procureur
l'article 23-6 : " Le premier général.
président de la Cour de cassation " L'arrêt de la Cour de cassation
est destinataire des transmissions à est rendu par une formation
présidée par le premier président question prioritaire de
et composée des présidents des constitutionnalité devront lui être
chambres et de deux conseillers transmis ; que cet article impose
appartenant à chaque chambre également que le Conseil
spécialement concernée. constitutionnel reçoive une copie
" Toutefois, le premier président de la décision motivée par laquelle
peut, si la solution lui paraît le Conseil d'État ou la Cour de
s'imposer, renvoyer la question cassation décide de ne pas le
devant une formation présidée par saisir ; qu'en prévoyant, en outre,
lui-même et composée du président la transmission de plein droit de la
de la chambre spécialement question au Conseil constitutionnel
concernée et d'un conseiller de si le Conseil d'État ou la Cour de
cette chambre. cassation ne s'est pas prononcé
dans un délai de trois mois, le
" Pour l'application des deux législateur organique a mis en
précédents alinéas, le premier œuvre les dispositions de l'article
président peut être suppléé par un 61-1 de la Constitution qui
délégué qu'il désigne parmi les disposent que le Conseil d'État ou
présidents de chambre de la Cour la Cour de cassation " se prononce
de cassation. Les présidents des dans un délai déterminé " ; que,
chambres peuvent être suppléés dès lors, ces dispositions sont
par des délégués qu'ils désignent conformes à la Constitution ;
parmi les conseillers de la chambre
"; 28. Considérant que les
dispositions des articles 23-4 à 23-7
26. Considérant que ces doivent s'interpréter comme
dispositions, relatives aux règles prescrivant devant le Conseil d'État
constitutives des formations de et la Cour de cassation la mise en
jugement de la Cour de cassation œuvre de règles de procédure
pour l'examen des questions conformes aux exigences du droit à
prioritaires de constitutionnalité un procès équitable, en tant que de
qui lui sont transmises ou qui sont besoin complétées de modalités
soulevées devant elle, ont le réglementaires d'application
caractère organique ; qu'elles ne permettant l'examen, par ces
méconnaissent aucune règle ou juridictions, du renvoi de la
aucun principe constitutionnel ; question prioritaire de
- Quant à l'article 23-7 : constitutionnalité, prises dans les
conditions prévues à l'article 4 de
27. Considérant que l'article 23-7
la loi organique ; que, sous cette
prévoit que le Conseil d'État ou la
réserve, le législateur organique
Cour de cassation saisit le Conseil
n'a pas méconnu l'étendue de sa
constitutionnel par une décision
compétence ;
motivée accompagnée des
mémoires ou des conclusions des . En ce qui concerne les
parties ; que le Conseil dispositions applicables devant le
constitutionnel n'étant pas Conseil constitutionnel :
compétent pour connaître de 29. Considérant que la section 3 du
l'instance à l'occasion de laquelle la chapitre II bis précité comporte les
question prioritaire de articles 23-8 à 23-12, relatifs à
constitutionnalité a été posée, seuls l'examen des questions prioritaires
l'écrit ou le mémoire " distinct et de constitutionnalité par le Conseil
motivé " ainsi que les mémoires et constitutionnel ;
conclusions propres à cette
30. Considérant que l'article 23-8 considérants 18, 23 et 28, l'article
énumère les autorités avisées de la 1er n'est pas contraire à la
saisine du Conseil constitutionnel ; Constitution ;
que son article 23-10 impose à ce
dernier de statuer dans un délai de
trois mois et prévoit le caractère - SUR L'ARTICLE 3 :
contradictoire de la procédure 33. Considérant que l'article 3
applicable devant lui ainsi que le insère après le premier alinéa de
principe de la publicité des l'article 107 de la loi organique du
audiences ; que son article 23-11 19 mars 1999 susvisée un alinéa
dispose que ses décisions sont aux termes duquel : " Les
motivées et énumère les autorités dispositions d'une loi du pays
auxquelles elles sont notifiées ; peuvent faire l'objet d'une question
qu'enfin, son article 23-12 prévoit prioritaire de constitutionnalité, qui
une majoration de la contribution obéit aux règles définies par les
de l'État à la rétribution des articles 23-1 à 23-12 de
auxiliaires de justice qui prêtent l'ordonnance n° 58-1067 du 7
leur concours au titre de l'aide novembre 1958 portant loi
juridictionnelle lorsque le Conseil organique sur le Conseil
constitutionnel est saisi d'une constitutionnel " ;
question prioritaire de 34. Considérant qu'en application
constitutionnalité ; que ces de l'article 77 de la Constitution
dispositions ne méconnaissent qui dispose que " certaines
aucune exigence constitutionnelle ; catégories d'actes de l'assemblée
31. Considérant qu'aux termes de délibérante de la Nouvelle-
l'article 23-9 : " Lorsque le Conseil Calédonie pourront être soumises
constitutionnel a été saisi de la avant publication au contrôle du
question prioritaire de Conseil constitutionnel ", l'article
constitutionnalité, l'extinction, pour 99 de la loi organique du 19 mars
quelque cause que ce soit, de 1999 susvisée a défini le domaine
l'instance à l'occasion de laquelle la des " lois du pays " de la Nouvelle-
question a été posée est sans Calédonie et son article 107 leur a
conséquence sur l'examen de la conféré " force de loi " dans ce
question " ; qu'en déliant ainsi, à domaine ; qu'il s'ensuit que l'article
compter de la saisine du Conseil 3 précité est conforme à l'article
constitutionnel, la question 61-1 de la Constitution qui prévoit
prioritaire de constitutionnalité et que la question prioritaire de
l'instance à l'occasion de laquelle constitutionnalité est applicable
elle a été posée, le législateur a aux dispositions législatives ;
entendu tirer les conséquences de
l'effet qui s'attache aux décisions
du Conseil constitutionnel en vertu, - SUR LES AUTRES DISPOSITIONS
d'une part, du deuxième alinéa de :
l'article 62 de la Constitution et, 35. Considérant que l'article 2, qui
d'autre part, du 2° de l'article 23-2 insère dans le code de justice
de la loi organique ; que cet article administrative, le code de
ne méconnaît aucune autre l'organisation judiciaire, le code de
exigence constitutionnelle ; procédure pénale et le code des
32. Considérant qu'il résulte de juridictions financières des
tout ce qui précède que, sous les dispositions de coordination avec
réserves énoncées aux les dispositions de l'article 1er, ne
méconnaît aucune exigence en cours à la date de son entrée en
constitutionnelle ; vigueur ; que, toutefois, seules les
36. Considérant que l'article 4 questions prioritaires de
prévoit que les modalités constitutionnalité présentées à
d'application de l'article 1er sont compter de cette date dans un écrit
fixées dans les conditions prévues ou un mémoire distinct et motivé
par les articles 55 et 56 de seront recevables ; que cet article
l'ordonnance organique du 7 ne méconnaît aucune exigence
novembre 1958 susvisée et précise, constitutionnelle ;
en outre, que le règlement 38. Considérant qu'il résulte de
intérieur du Conseil constitutionnel tout ce qui précède que, sous les
fixe les règles de procédure réserves énoncées aux
applicables " devant lui " ; que ce considérants 18, 23 et 28, la loi
renvoi au décret en conseil des organique relative à l'application
ministres, après consultation du de l'article 61-1 de la Constitution
Conseil constitutionnel et avis du n'est pas contraire à la
Conseil d'État, n'est pas contraire à Constitution,
la Constitution ; D É C I D E : Article premier.- Sous
37. Considérant que l'article 5 fixe les réserves énoncées aux
l'entrée en vigueur de la loi considérants 18, 23 et 28, la loi
organique le premier jour du organique relative à application de
troisième mois suivant celui de sa l'article 61-1 de la Constitution
promulgation ; que la loi organique n'est pas contraire à la
sera ainsi applicable aux instances Constitution. (…)

Document 8 : CJUE, 22 juin 2010 nOS C-188/10 et C-189/10, Abdeli et


Melki

Dans les affaires jointes C188/10 et premier alinéa, du règlement de


C189/10, procédure,
ayant pour objet des demandes de (…)
décision préjudicielle au titre de Arrêt
l’article 267 TFUE, introduites par
la Cour de cassation (France), par 1 Les demandes de décision
décisions du 16 avril 2010, préjudicielle portent sur
parvenues à la Cour le même jour, l’interprétation des articles 67
dans les procédures contre TFUE et 267 TFUE.
Aziz Melki (C-188/10), 2 Ces demandes ont été
présentées dans le cadre de deux
Sélim Abdeli (C-189/10), procédures engagées à l’encontre
LA COUR (grande chambre), respectivement de MM. Melki et
vu l’ordonnance du président de la Abdeli, tous deux de nationalité
Cour du 12 mai 2010 décidant de algérienne, et visant à obtenir la
soumettre les renvois préjudiciels à prolongation de leur maintien en
une procédure accélérée rétention dans des locaux ne
conformément aux articles 23 bis relevant pas de l’administration
du statut de la Cour de justice de pénitentiaire.
l’Union européenne et 104 bis, (…)
Les litiges au principal et les traité de Lisbonne ont valeur
questions préjudicielles constitutionnelle au regard de
16 MM. Melki et Abdeli, l’article 88-1 de la Constitution et
ressortissants algériens en que ladite disposition du code de
situation irrégulière en France, ont procédure pénale, en tant qu’elle
été contrôlés par la police, en autorise des contrôles aux
application de l’article 78-2, frontières avec les autres États
quatrième alinéa, du code de membres, est contraire au principe
procédure pénale, dans la zone de libre circulation des personnes
comprise entre la frontière énoncé à l’article 67, paragraphe 2,
terrestre de la France avec la TFUE prévoyant que l’Union
Belgique et une ligne tracée à 20 européenne assure l’absence de
kilomètres en deçà de cette contrôles des personnes aux
frontière. Le 23 mars 2010, ils ont frontières intérieures.
fait l’objet, chacun en ce qui le 20 La juridiction de renvoi
concerne, d’un arrêté préfectoral considère, en premier lieu, que se
de reconduite à la frontière et trouve posée la question de la
d’une décision de maintien en conformité de l’article 78-2,
rétention. quatrième alinéa, du code de
17 Devant le juge des libertés et procédure pénale tant avec le droit
de la détention, saisi par le préfet de l’Union qu’avec la Constitution.
d’une demande de prolongation de 21 En second lieu, la Cour de
cette rétention, MM. Melki et cassation déduit des articles 23-2
Abdeli ont contesté la régularité de et 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067
leur interpellation et soulevé ainsi que de l’article 62 de la
l’inconstitutionnalité de l’article 78- Constitution que les juridictions du
2, quatrième alinéa, du code de fond tout comme elle-même sont
procédure pénale, au motif que privées, par l’effet de la loi
cette disposition porte atteinte aux organique n° 2009-1523 ayant
droits et libertés garantis par la inséré lesdits articles dans
Constitution. l’ordonnance n° 581067, de la
18 Par deux ordonnances du 25 possibilité de poser une question
mars 2010, le juge des libertés et préjudicielle à la Cour de justice de
de la détention a ordonné, d’une l’Union européenne lorsqu’une
part, la transmission à la Cour de question prioritaire de
cassation de la question de savoir constitutionnalité est transmise au
si l’article 78-2, quatrième alinéa, Conseil constitutionnel.
du code de procédure pénale porte 22 Estimant que sa décision sur le
atteinte aux droits et libertés renvoi de la question prioritaire de
garantis par la Constitution et, constitutionnalité au Conseil
d’autre part, la prolongation de la constitutionnel dépend de
rétention de MM. Melki et Abdeli l’interprétation du droit de l’Union,
pour une durée de quinze jours. la Cour de cassation a décidé, dans
19 Selon la juridiction de renvoi, chaque affaire pendante, de
MM. Melki et Abdeli soutiennent surseoir à statuer et de poser à la
que l’article 78-2, quatrième alinéa, Cour les questions préjudicielles
du code de procédure pénale est suivantes:
contraire à la Constitution étant «1) L’article 267 [TFUE] s’oppose-
donné que les engagements de la t-il à une législation telle que celle
République française résultant du résultant des articles 23-2, alinéa
2, et 23-5, alinéa 2, de sur l’interprétation de celui-ci, la
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 Cour de justice d’une question
novembre 1958 créés par la loi préjudicielle, en demandant alors
organique n° 2009-1523 du 10 que le renvoi opéré soit soumis à la
décembre 2009, en ce qu’ils procédure accélérée en application
imposent aux juridictions de se de l’article 104 bis du règlement de
prononcer par priorité sur la procédure de la Cour de justice.
transmission, au Conseil 33 Le gouvernement français
constitutionnel, de la question de estime que le droit de l’Union ne
constitutionnalité qui leur est s’oppose pas à la législation
posée, dans la mesure où cette nationale en cause, dès lors que
question se prévaut de la non- celle-ci ne modifie ni ne remet en
conformité à la Constitution d’un cause le rôle et les compétences du
texte de droit interne, en raison de juge national dans l’application du
sa contrariété aux dispositions du droit de l’Union. Afin d’étayer cette
droit de l’Union? argumentation, ce gouvernement
[Question relative au Code de se fonde, en substance, sur la
procédure pénale] même interprétation de ladite
Sur les questions préjudicielles législation que celle effectuée,
postérieurement à la transmission
[Recevabilité des questions des décisions de renvoi de la Cour
préjudicielles] de cassation à la Cour de justice,
Sur la première question tant par le Conseil constitutionnel,
dans sa décision n° 2010605 DC,
31 Par cette question, la
du 12 mai 2010, que par le Conseil
juridiction de renvoi demande, en
d’État, dans sa décision n° 312305,
substance, si l’article 267 TFUE
du 14 mai 2010.
s’oppose à une législation d’un État
membre qui instaure une 34 Selon cette interprétation, il
procédure incidente de contrôle de serait exclu qu’une question
constitutionnalité des lois prioritaire de constitutionnalité ait
nationales imposant aux pour objet de soumettre au Conseil
juridictions dudit État membre de constitutionnel une question de
se prononcer par priorité sur la compatibilité d’une loi avec le droit
transmission, à la juridiction de l’Union. Il n’appartiendrait pas à
nationale chargée d’exercer le celui-ci, mais aux juridictions
contrôle de constitutionnalité des ordinaires des ordres administratif
lois, d’une question relative à la et judiciaire d’examiner la
conformité d’une disposition de conformité d’une loi au droit de
droit interne avec la Constitution l’Union, d’appliquer elles-mêmes et
lorsque est en cause, selon leur propre appréciation le
concomitamment, la contrariété de droit de l’Union ainsi que de poser,
celle-ci avec le droit de l’Union. simultanément ou postérieurement
à la transmission de la question
Observations soumises à la Cour
prioritaire de constitutionnalité,
32 MM. Melki et Abdeli des questions préjudicielles à la
considèrent que la réglementation Cour.
nationale en cause au principal est
35 À cet égard, le gouvernement
conforme au droit de l’Union, sous
français soutient notamment que,
réserve que le Conseil
selon la législation nationale en
constitutionnel examine le droit de
cause au principal, la juridiction
l’Union et saisisse, en cas de doute
nationale peut soit, sous certaines saisir la Cour constitutionnelle
conditions, statuer au fond sans nationale ou une autre juridiction
attendre la décision de la Cour de nationale. Selon le gouvernement
cassation, du Conseil d’État ou du allemand, l’exercice du droit de
Conseil constitutionnel sur la saisir la Cour à titre préjudiciel,
question prioritaire de conférée par l’article 267 TFUE à
constitutionnalité, soit prendre les toute juridiction nationale, ne doit
mesures provisoires ou pas être entravé par une
conservatoires nécessaires afin disposition de droit national qui
d’assurer une protection immédiate subordonne la saisine de la Cour en
des droits que les justiciables tirent vue de l’interprétation du droit de
du droit de l’Union. l’Union à la décision d’une autre
36 Tant le gouvernement français juridiction nationale. Le
que le gouvernement belge font gouvernement polonais estime que
valoir que le mécanisme procédural l’article 267 TFUE ne s’oppose pas
de la question prioritaire de à une législation telle que celle
constitutionnalité a pour objet de visée par la première question
garantir aux justiciables que leur posée, étant donné que la
demande d’examen de la procédure y prévue ne porte pas
constitutionnalité d’une disposition atteinte à la substance des droits et
nationale sera effectivement des obligations des juridictions
traitée, sans que la saisine du nationales tels qu’ils résultent
Conseil constitutionnel puisse être dudit article.
écartée sur le fondement de 38 La Commission considère que
l’incompatibilité de la disposition le droit de l’Union, et en particulier
en question avec le droit de le principe de primauté de ce droit
l’Union. En outre, la saisine du ainsi que l’article 267 TFUE,
Conseil constitutionnel présenterait s’oppose à une réglementation
l’avantage que ce dernier peut nationale telle celle décrite dans
abroger une loi incompatible avec les décisions de renvoi, dans
la Constitution, cette abrogation l’hypothèse où toute contestation
étant alors dotée d’un effet erga de la conformité d’une disposition
omnes. En revanche, les effets d’un législative au droit de l’Union
jugement d’une juridiction de permettrait au justiciable de se
l’ordre administratif ou judiciaire, prévaloir d’une violation de la
qui constate qu’une disposition Constitution par cette disposition
nationale est incompatible avec le législative. Dans ce cas, la charge
droit de l’Union, sont limités au d’assurer le respect du droit de
litige particulier tranché par cette l’Union serait implicitement mais
juridiction. nécessairement transférée du juge
37 Le gouvernement tchèque, du fond au Conseil constitutionnel.
quant à lui, propose de répondre Par conséquent, le mécanisme de la
qu’il découle du principe de question prioritaire de
primauté du droit de l’Union que le constitutionnalité aboutirait à une
juge national est tenu d’assurer le situation telle que celle jugée
plein effet du droit de l’Union en contraire au droit de l’Union par la
examinant la compatibilité du droit Cour de justice dans l’arrêt du 9
national avec le droit de l’Union et mars 1978, Simmenthal (106/77,
en n’appliquant pas les dispositions Rec. p. 629). Le fait que la
du droit national contraires à celui- juridiction constitutionnelle puisse,
ci, sans devoir en premier lieu elle-même, poser des questions
préjudicielles à la Cour de justice organes ou organismes de l’Union
ne remédierait pas à cette que sur la validité de ces actes. Cet
situation. article dispose, à son deuxième
39 Si, en revanche, une alinéa, qu’une juridiction nationale
contestation de la conformité d’une peut soumettre de telles questions
disposition législative au droit de à la Cour, si elle estime qu’une
l’Union ne permet pas au décision sur ce point est nécessaire
justiciable de se prévaloir ipso pour rendre son jugement, et, à son
facto d’une contestation de la troisième alinéa, qu’elle est tenue
conformité de la même disposition de le faire si ses décisions ne sont
législative à la Constitution, de pas susceptibles d’un recours
sorte que le juge du fond resterait juridictionnel de droit interne.
compétent pour appliquer le droit 41 Il en résulte, en premier lieu,
de l’Union, celui-ci ne s’opposerait que, même s’il peut être
pas à une réglementation nationale avantageux, selon les
telle que celle visée par la première circonstances, que les problèmes
question posée, pour autant que de pur droit national soient
plusieurs critères soient remplis. tranchés au moment du renvoi à la
Selon la Commission, le juge Cour (…), les juridictions
national doit rester libre de saisir nationales ont la faculté la plus
concomitamment la Cour de justice étendue de saisir la Cour si elles
de toute question préjudicielle qu’il considèrent qu’une affaire
juge nécessaire et d’adopter toute pendante devant elles soulève des
mesure nécessaire pour assurer la questions comportant une
protection juridictionnelle interprétation ou une appréciation
provisoire des droits garantis par le en validité des dispositions du droit
droit de l’Union. Il serait également de l’Union nécessitant une décision
nécessaire, d’une part, que la de leur part (…).
procédure incidente de contrôle de 42 La Cour en a conclu que
constitutionnalité n’entraîne pas l’existence d’une règle de droit
une suspension de la procédure au interne liant les juridictions ne
fond pour une durée excessive et, statuant pas en dernière instance à
d’autre part, que, à l’issue de cette l’appréciation portée en droit par
procédure incidente et une juridiction de degré supérieur
indépendamment de son résultat, ne saurait, de ce seul fait, les
le juge national reste entièrement priver de la faculté prévue à
libre d’apprécier la conformité de l’article 267 TFUE de saisir la Cour
la disposition législative nationale des questions d’interprétation du
au droit de l’Union, de la laisser droit de l’Union (…). La juridiction
inappliquée s’il juge qu’elle est qui ne statue pas en dernière
contraire au droit de l’Union et de instance doit être libre, notamment
saisir la Cour de justice de si elle considère que l’appréciation
questions préjudicielles s’il le juge en droit faite au degré supérieur
nécessaire. pourrait l’amener à rendre un
Réponse de la Cour jugement contraire au droit de
40 L’article 267 TFUE attribue l’Union, de saisir la Cour des
compétence à la Cour pour statuer, questions qui la préoccupent (…).
à titre préjudiciel, tant sur 43 En deuxième lieu, la Cour a
l’interprétation des traités et des déjà jugé que le juge national
actes pris par les institutions, chargé d’appliquer, dans le cadre
de sa compétence, les dispositions l’article 267 TFUE, de saisir la
du droit de l’Union a l’obligation Cour de justice de questions
d’assurer le plein effet de ces concernant l’interprétation ou la
normes en laissant au besoin validité du droit de l’Union du fait
inappliquée, de sa propre autorité, que la constatation de
toute disposition contraire de la l’inconstitutionnalité d’une règle du
législation nationale, même droit interne est soumise à un
postérieure, sans qu’il ait à recours obligatoire devant la cour
demander ou à attendre constitutionnelle. En effet,
l’élimination préalable de celle-ci l’efficacité du droit de l’Union se
par voie législative ou par tout trouverait menacée si l’existence
autre procédé constitutionnel (…). d’un recours obligatoire devant la
44 En effet, serait incompatible cour constitutionnelle pouvait
avec les exigences inhérentes à la empêcher le juge national, saisi
nature même du droit de l’Union d’un litige régi par le droit de
toute disposition d’un ordre l’Union, d’exercer la faculté qui lui
juridique national ou toute est attribuée par l’article 267 TFUE
pratique, législative, administrative de soumettre à la Cour de justice
ou judiciaire, qui aurait pour effet les questions portant sur
de diminuer l’efficacité du droit de l’interprétation ou sur la validité du
l’Union par le fait de refuser au droit de l’Union, afin de lui
juge compétent pour appliquer ce permettre de juger si une règle
droit le pouvoir de faire, au nationale est ou non compatible
moment même de cette application, avec celuici (…).
tout ce qui est nécessaire pour 46 S’agissant des conséquences à
écarter les dispositions législatives tirer de la jurisprudence
nationales formant éventuellement susmentionnée par rapport à des
obstacle à la pleine efficacité des dispositions nationales telles que
normes de l’Union (…). Tel serait le celles visées par la première
cas si, dans l’hypothèse d’une question posée, il convient de
contrariété entre une disposition relever que la juridiction de renvoi
du droit de l’Union et une loi part de la prémisse que, selon ces
nationale, la solution de ce conflit dispositions, lors de l’examen d’une
était réservée à une autorité autre question de constitutionnalité qui
que le juge appelé à assurer est fondée sur l’incompatibilité de
l’application du droit de l’Union, la loi en cause avec le droit de
investie d’un pouvoir l’Union, le Conseil constitutionnel
d’appréciation propre, même si apprécie également la conformité
l’obstacle en résultant ainsi pour la de cette loi avec le droit de l’Union.
pleine efficacité de ce droit n’était Dans ce cas, le juge du fond
que temporaire (…). procédant à la transmission de la
45 En dernier lieu, la Cour a jugé question de constitutionnalité ne
qu’une juridiction nationale saisie pourrait, avant cette transmission,
d’un litige concernant le droit de ni statuer sur la compatibilité de la
l’Union, qui considère qu’une loi concernée avec le droit de
disposition nationale est non l’Union ni poser une question
seulement contraire au droit de préjudicielle à la Cour de justice en
l’Union, mais également affectée rapport avec ladite loi. En outre,
de vices d’inconstitutionnalité, dans l’hypothèse où le Conseil
n’est pas privée de la faculté ou constitutionnel jugerait la loi en
dispensée de l’obligation, prévues à cause conforme au droit de l’Union,
ledit juge du fond ne pourrait pas Cour de justice.
non plus, postérieurement à la 49 À cet égard, il convient de
décision rendue par le Conseil rappeler qu’il incombe à la
constitutionnel qui s’imposerait à juridiction de renvoi de déterminer,
toutes les autorités dans les affaires dont elle est
juridictionnelles, saisir la Cour de saisie, quelle est l’interprétation
justice d’une question préjudicielle. correcte du droit national.
Il en serait de même lorsque le
moyen tiré de l’inconstitutionnalité 50 En vertu d’une jurisprudence
d’une disposition législative est constante, il appartient à la
soulevé à l’occasion d’une instance juridiction nationale de donner à la
devant le Conseil d’État ou la Cour loi interne qu’elle doit appliquer,
de cassation. dans toute la mesure du possible,
une interprétation conforme aux
47 Selon cette interprétation, la exigences du droit de l’Union (…).
législation nationale en cause au Eu égard aux décisions
principal aurait pour conséquence susmentionnées du Conseil
d’empêcher, tant avant la constitutionnel et du Conseil
transmission d’une question de d’État, une telle interprétation des
constitutionnalité que, le cas dispositions nationales qui ont
échéant, après la décision du institué le mécanisme de contrôle
Conseil constitutionnel sur cette de constitutionnalité en cause au
question, les juridictions des ordres principal ne saurait être exclue.
administratif et judiciaire
nationales d’exercer leur faculté ou 51 L’examen de la question de
de satisfaire à leur obligation, savoir si une interprétation
prévues à l’article 267 TFUE, de conforme aux exigences du droit de
saisir la Cour de questions l’Union du mécanisme de la
préjudicielles. Force est de question prioritaire de
constater qu’il découle des constitutionnalité est possible ne
principes dégagés par la saurait remettre en cause les
jurisprudence rappelés aux points caractéristiques essentielles du
41 à 45 du présent arrêt que système de coopération entre la
l’article 267 TFUE s’oppose à une Cour de justice et les juridictions
législation nationale telle que nationales instauré par l’article 267
décrite dans les décisions de TFUE telles qu’elles découlent de
renvoi. la jurisprudence rappelée aux
points 41 à 45 du présent arrêt.
48 Toutefois, tel que cela ressort
des points 33 à 36 du présent arrêt, 52 En effet, selon la jurisprudence
les gouvernements français et constante de la Cour, afin d’assurer
belge ont présenté une la primauté du droit de l’Union, le
interprétation différente de la fonctionnement dudit système de
législation française visée par la coopération nécessite que le juge
première question posée en se national soit libre de saisir, à tout
fondant, notamment, sur les moment de la procédure qu’il juge
décisions du Conseil approprié, et même à l’issue d’une
constitutionnel n° 2010-605 DC, du procédure incidente de contrôle de
12 mai 2010, et du Conseil d’État constitutionnalité, la Cour de
n° 312305, du 14 mai 2010, justice de toute question
rendues postérieurement à la préjudicielle qu’il juge nécessaire.
transmission des décisions de 53 Dans la mesure où le droit
renvoi de la Cour de cassation à la national prévoit l’obligation de
déclencher une procédure contrôle de la validité de ladite
incidente de contrôle de directive par rapport aux mêmes
constitutionnalité qui empêcherait motifs relatifs aux exigences du
le juge national de laisser droit primaire, et notamment des
immédiatement inappliquée une droits reconnus par la charte des
disposition législative nationale droits fondamentaux de l’Union
qu’il estime contraire au droit de européenne, à laquelle l’article 6
l’Union, le fonctionnement du TUE confère la même valeur
système instauré par l’article 267 juridique que celle qui est
TFUE exige néanmoins que ledit reconnue aux traités.
juge soit libre, d’une part, 56 Avant que le contrôle incident
d’adopter toute mesure nécessaire de constitutionnalité d’une loi dont
afin d’assurer la protection le contenu se limite à transposer
juridictionnelle provisoire des les dispositions impératives d’une
droits conférés par l’ordre directive de l’Union puisse
juridique de l’Union et, d’autre s’effectuer par rapport aux mêmes
part, de laisser inappliquée, à motifs mettant en cause la validité
l’issue d’une telle procédure de la directive, les juridictions
incidente, ladite disposition nationales, dont les décisions ne
législative nationale s’il la juge sont pas susceptibles d’un recours
contraire au droit de l’Union. juridictionnel de droit interne, sont,
54 Il convient, par ailleurs, de en principe, tenues, en vertu de
souligner que le caractère l’article 267, troisième alinéa,
prioritaire d’une procédure TFUE, d’interroger la Cour de
incidente de contrôle de justice sur la validité de cette
constitutionnalité d’une loi directive et, par la suite, de tirer
nationale dont le contenu se limite les conséquences qui découlent de
à transposer les dispositions l’arrêt rendu par la Cour à titre
impératives d’une directive de préjudiciel, à moins que la
l’Union ne saurait porter atteinte à juridiction déclenchant le contrôle
la compétence de la seule Cour de incident de constitutionnalité n’ait
justice de constater l’invalidité d’un elle-même saisi la Cour de justice
acte de l’Union, et notamment de cette question sur la base du
d’une directive, compétence ayant deuxième alinéa dudit article. En
pour objet de garantir la sécurité effet, s’agissant d’une loi nationale
juridique en assurant l’application de transposition d’un tel contenu,
uniforme du droit de l’Union (…). la question de savoir si la directive
55 En effet, pour autant que le est valide revêt, eu égard à
caractère prioritaire d’une l’obligation de transposition de
procédure incidente de contrôle de celle-ci, un caractère préalable. En
constitutionnalité aboutit à outre, l’encadrement dans un délai
l’abrogation d’une loi nationale se strict de la durée d’examen par les
limitant à transposer les juridictions nationales ne saurait
dispositions impératives d’une faire échec au renvoi préjudiciel
directive de l’Union en raison de la relatif à la validité de la directive
contrariété de cette loi à la en cause.
Constitution nationale, la Cour 57 Par voie de conséquence, il y a
pourrait, en pratique, être privée lieu de répondre à la première
de la possibilité de procéder, à la question posée que l’article 267
demande des juridictions du fond TFUE s’oppose à une législation
de l’État membre concerné, au d’un État membre qui instaure une
procédure incidente de contrôle de qui instaure une procédure
constitutionnalité des lois incidente de contrôle de
nationales, pour autant que le constitutionnalité des lois
caractère prioritaire de cette nationales, pour autant que le
procédure a pour conséquence caractère prioritaire de cette
d’empêcher, tant avant la procédure a pour conséquence
transmission d’une question de d’empêcher, tant avant la
constitutionnalité à la juridiction transmission d’une question de
nationale chargée d’exercer le constitutionnalité à la juridiction
contrôle de constitutionnalité des nationale chargée d’exercer le
lois que, le cas échéant, après la contrôle de constitutionnalité des
décision de cette juridiction sur lois que, le cas échéant, après la
ladite question, toutes les autres décision de cette juridiction sur
juridictions nationales d’exercer ladite question, toutes les autres
leur faculté ou de satisfaire à leur juridictions nationales d’exercer
obligation de saisir la Cour de leur faculté ou de satisfaire à leur
questions préjudicielles. En obligation de saisir la Cour de
revanche, l’article 267 TFUE ne questions préjudicielles. En
s’oppose pas à une telle législation revanche, l’article 267 TFUE ne
nationale, pour autant que les s’oppose pas à une telle législation
autres juridictions nationales nationale pour autant que les
restent libres: autres juridictions nationales
– de saisir, à tout moment de la restent libres:
procédure qu’elles jugent – de saisir, à tout moment de la
approprié, et même à l’issue de la procédure qu’elles jugent
procédure incidente de contrôle de approprié, et même à l’issue de la
constitutionnalité, la Cour de toute procédure incidente de contrôle de
question préjudicielle qu’elles constitutionnalité, la Cour de toute
jugent nécessaire, question préjudicielle qu’elles
– d’adopter toute mesure jugent nécessaire,
nécessaire afin d’assurer la – d’adopter toute mesure
protection juridictionnelle nécessaire afin d’assurer la
provisoire des droits conférés par protection juridictionnelle
l’ordre juridique de l’Union, et provisoire des droits conférés par
– de laisser inappliquée, à l’issue l’ordre juridique de l’Union, et
d’une telle procédure incidente, la – de laisser inappliquée, à l’issue
disposition législative nationale en d’une telle procédure incidente, la
cause si elles la jugent contraire au disposition législative nationale en
droit de l’Union. cause si elles la jugent contraire au
Il appartient à la juridiction de droit de l’Union.
renvoi de vérifier si la législation Il appartient à la juridiction de
nationale en cause au principal renvoi de vérifier si la législation
peut être interprétée nationale en cause au principal
conformément à ces exigences du peut être interprétée
droit de l’Union. conformément à ces exigences du
[Réponse de la CJUE sur la droit de l’Union.
seconde question] (…)
1) L’article 267 TFUE s’oppose à
une législation d’un État membre
Document 9 : Communiqué du Conseil constitutionnel à propos de la
décision n°2013-314P du 4 avril 2013, M. Jérémy F :

Par sa décision n° 2013-314 P QPC application des actes pris par les
du 4 avril 2013, le Conseil institutions de l'Union européenne
constitutionnel a, pour la première ». Par ces dispositions, le
fois, saisi la Cour de justice de constituant a spécialement entendu
l'Union européenne d'une question lever les obstacles constitutionnels
préjudicielle. s'opposant à l'adoption des
Le Conseil constitutionnel avait été dispositions législatives découlant
saisi le 27 février 2013 par la Cour nécessairement de la décision-
de cassation d'une question cadre du 13 juin 2002 relative au
prioritaire de constitutionnalité mandat d'arrêt européen. Par suite,
(QPC) posée par M. Jeremy F. lorsqu'il est saisi de dispositions
relative à la conformité aux droits législatives relatives au MAE, il
et libertés que la Constitution appartient au Conseil
garantit du quatrième alinéa de constitutionnel de contrôler la
l'article 695-46 du code de conformité à la Constitution des
procédure pénale (CPP). seules dispositions législatives qui
procèdent de l'exercice, par le
L'article 695-46 du CPP porte sur législateur, de la marge
le mandat d'arrêt européen (MAE) d'appréciation que prévoit l'article
institué par la décision-cadre du 34 du Traité sur l'Union
Conseil de l'Union européenne du européenne.
13 juin 2002. La loi du 9 mars 2004
a inséré dans le code de procédure Dans sa décision n° 2013-314 P
pénale les règles relatives à ce QPC du 4 avril 2013, le Conseil
mandat. L'article 695-46 prévoit constitutionnel a relevé que la
qu'après la remise d'une personne décision-cadre du 13 juin 2002 ne
à un autre État membre de l'Union comporte pas de dispositions
européenne en application d'un relatives à un recours contre la
MAE, la chambre de l'instruction décision prise par l'autorité
statue dans un délai de trente judiciaire d'extension des effets
jours, « sans recours », sur une d'un MAE. La décision-cadre ne
demande aux fins soit d'étendre les précise pas davantage si cette
effets de ce mandat à d'autres décision de l'autorité judiciaire est
infractions, soit d'autoriser la provisoire ou définitive. Le Conseil
remise de la personne à un État n'était ainsi pas à même de tirer les
tiers. conséquences de l'article 88-2 dans
la mesure où il ne peut déterminer
Le requérant soutenait que si les dispositions de l'article 695-
l'absence de recours contre la 46 du CPP qui prévoient que la
décision de la chambre de chambre de l'instruction « statue
l'instruction porte notamment sans recours » sont une application
atteinte au droit à un recours nécessaire de l'obligation faite par
juridictionnel effectif. la décision-cadre de prendre cette
Cette QPC s'inscrivait dans le décision au plus tard trente jours
cadre particulier de l'article 88-2 après réception de la demande.
de la Constitution qui dispose : « La Cour de justice de l'Union
La loi fixe les règles relatives au européenne est seule compétente
mandat d'arrêt européen en
pour se prononcer à titre l'autorisation de la remise de la
préjudiciel sur l'interprétation des personne à un État tiers. La Cour a
dispositions de la décision-cadre. seulement posé que la décision
Aussi, afin d'être en mesure définitive doit être adoptée dans les
d'exercer son contrôle de délais visés à l'article 17 de la
constitutionnalité de l'article 695- décision-cadre, c'est-à-dire au plus
46 du CPP, le Conseil tard dans les 90 jours.
constitutionnel a-t-il saisi la Cour Au regard de cette interprétation,
de justice de l'Union européenne le Conseil constitutionnel a pu
(CJUE) de la question de savoir si déduire, dans sa décision n° 2013-
les articles 27 et 28 de la décision- 314 QPC du 14 juin 2013, qu'en
cadre du 13 juin 2002 relative au prévoyant que la décision de la
mandat d'arrêt européen, doivent chambre de l'instruction est rendue
être interprétés comme s'opposant « sans recours », le quatrième
à ce que les États membres alinéa de l'article 695-46 du CPP ne
prévoient un recours contre la découle pas nécessairement des
décision de l'autorité judiciaire qui actes pris par les institutions de
statue, dans un délai de trente l'Union européenne relatifs au
jours à compter de la réception de mandat d'arrêt européen. Il
la demande, soit afin de donner son appartenait ainsi au Conseil
consentement pour qu'une constitutionnel, saisi sur le
personne soit poursuivie, fondement de l'article 61-1 de la
condamnée ou détenue en vue de Constitution, de contrôler la
l'exécution d'une peine ou d'une conformité de cette disposition aux
mesure de sûreté privatives de droits et libertés que la
liberté, pour une infraction Constitution garantit.
commise avant sa remise en
exécution d'un mandat d'arrêt Le Conseil a jugé qu'en privant les
européen, autre que celle qui a parties de la possibilité de former
motivé sa remise, soit pour la un recours en cassation contre
remise d'une personne à un État l'arrêt de la chambre de
membre autre que l'État membre l'instruction statuant sur la
d'exécution, en vertu d'un mandat demande mentionnée ci-dessus, les
d'arrêt européen émis pour une dispositions contestées de l'article
infraction commise avant sa 695-46 du CPP apportent une
remise. restriction injustifiée au droit à
exercer un recours juridictionnel
Par un arrêt du 30 mai 2013, la effectif. Par suite, le Conseil a jugé
CJUE a précisé l'interprétation de les mots « sans recours » figurant
la décision-cadre du 13 juin 2002 au quatrième alinéa de l'article
relative au mandat d'arrêt 695-46 du CPP contraires à la
européen. Elle a jugé que cette Constitution. Cette déclaration
décision-cadre ne s'oppose pas à ce d'inconstitutionnalité, qui prend
que les États membres prévoient effet à compter de la publication de
un recours suspendant l'exécution la décision du Conseil, est
de la décision de l'autorité applicable à tous les pourvois en
judiciaire qui statue, dans un délai cassation en cours à cette date.
de trente jours à compter de la
réception de la demande, afin de La décision du 4 avril 2013 de
donner son consentement soit pour renvoi d'une question préjudicielle
l'extension des effets du mandat à à la CJUE ne modifie pas l'état du
d'autres infractions, soit pour droit et la primauté de la
Constitution dans l'ordre interne Conseil constitutionnel a donné une
(n° 2004-505 DC du 19 novembre preuve supplémentaire de sa
2004). C'est pour exercer son volonté de dialogue des juges en
contrôle de conformité de la loi à la saisissant la Cour de justice de
Constitution que le Conseil l'Union européenne, dans le cadre
constitutionnel a saisi la CJUE. de son office de juge
Celle-ci est en effet compétente constitutionnel, d'une première
pour fixer l'interprétation du droit question préjudicielle. Ce dialogue
de l'Union et le Conseil n'avait pas est aujourd'hui mutuellement
à se substituer à elle en ce fécond comme l'a montré la
domaine. De même, cette décision jurisprudence dite économie
ne revient pas sur l'office du juge numérique (n° 2004-496 DC du 10
constitutionnel distinct de l'office juin 2004) ou la décision Melki de
du juge administratif ou judiciaire la CJUE du 10 juin 2010 jugeant la
qui est juge conventionnel. Cette QPC conforme au droit de l'Union
distinction issue de la dans les mêmes conditions que
jurisprudence dite IVG (n° 74-54 celles énoncées par le Conseil
DC du 15 janvier 1975) a été constitutionnel (n° 2010-605 DC du
reprise par le Parlement lors de la 12 mai 2010).
réforme de la question prioritaire
de constitutionnalité.
Avec la décision n° 2013-314 QPC
du 4 avril 2013 (M. Jeremy F.), le

Document 10 : Constitution du 4 octobre 1958, articles 13, 19, 21, 22,


37, 38 et 34

Art. 13 :

Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés


en Conseil des Ministres.
Il nomme aux emplois civils et militaires de l'État.
Les conseillers d'État, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les
ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour
des Comptes, les préfets, les représentants de l'État dans les collectivités
d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers
généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations
centrales sont nommés en Conseil des Ministres.
Une loi organique détermine les autres emplois auxquels il est pourvu en
Conseil des Ministres ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir de
nomination du Président de la République peut être par lui délégué pour être
exercé en son nom.
Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux
mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance
pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la
Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce
après avis public de la commission permanente compétente de chaque
assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination
lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au
moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux
commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes
selon les emplois ou fonctions concernés.

Art. 19 :

Les actes du Président de la République autres que ceux prévus aux articles
8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont contresignés par le Premier
Ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables.

Art. 21 :

Le Pemier Ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la


Défense Nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des
dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux
emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence
des conseils et comités prévus à l'article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil des
Ministres en vertu d'une délégation expresse et pour un ordre du jour
déterminé.

Art. 22 :

Les actes du Premier Ministre sont contresignés, le cas échéant, par les
ministres chargés de leur exécution.

Art. 37 :

Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être
modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui
interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne
pourront être modifiés par décret que si le Conseil Constitutionnel a déclaré
qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.

Art. 38 :

Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au


Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai
limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil
d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent
caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le
Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être
ratifiées que de manière expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les
ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières
qui sont du domaine législatif.

Article 34 :
La loi fixe les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques; la liberté, le pluralisme et
l'indépendance des médias; les sujétions imposées par la Défense
Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens;
- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes
matrimoniaux, les successions et libéralités ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur
sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de
nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
- l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
- le régime électoral des assemblées parlementaires, des
assemblées locales et des instances représentatives des Français établis
hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux
et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des
collectivités territoriales ;
- la création de catégories d'établissements publics ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et
militaires de l'Etat
- les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété
d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
- de l'organisation générale de la Défense Nationale ;
- de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs
compétences et de leurs ressources ;
- de l'enseignement ;
- de la préservation de l'environnement ;
- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations
civiles et commerciales ;
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans
les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions
générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de
recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les
réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.
Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des
lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des
comptes des administrations publiques.
Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par
une loi organique.

Document 11 : Cons. const., Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai


2020, Association Force 5

[…]

L'ordonnance du 5 août 2013, prise répond aux exigences d'accès du


sur le fondement de l'article 38 de public aux informations relatives à
la Constitution à la suite de l'environnement et de participation
l'habilitation conférée au à l'élaboration des décisions
Gouvernement par l'article 12 de la publiques prévues à l'article 7 de la
loi du 27 décembre 2012 Charte de l'environnement. D'autre
mentionnée ci-dessus, a inséré part, si un projet de loi de
dans le code de l'environnement ratification de l'ordonnance du 5
l'article L. 120-1-1, entré en août 2013 a été déposé dans le
vigueur le 1er septembre 2013. délai fixé par l'article 12 de la loi
Applicable aux décisions du 27 décembre 2012, le Parlement
individuelles des autorités ne s'est pas prononcé sur cette
publiques ayant une incidence sur ratification. Toutefois,
l'environnement qui conformément au dernier alinéa de
n'appartiennent pas à une l'article 38 de la Constitution, à
catégorie de décisions pour l'expiration du délai de
lesquelles des dispositions l'habilitation fixé par le même
législatives particulières ont prévu article 12, c'est-à-dire à partir du
une participation du public, cet 1er septembre 2013, les dispositions
article L. 120-1-1 prévoit la mise à de cette ordonnance ne pouvaient
disposition du public par voie plus être modifiées que par la loi
électronique du projet de décision dans les matières qui sont du
ou, lorsque la décision est prise sur domaine législatif. Dès lors, à
demande, du dossier de demande. compter de cette date, elles doivent
Il permet ensuite au public de être regardées comme des
déposer ses observations, par voie dispositions législatives. Ainsi, les
électronique, dans un délai qui ne conditions et les limites de la
peut être inférieur à quinze jours à procédure de participation du
compter de la mise à disposition. public prévue à l'article L. 120-1-1
sont « définies par la loi » au sens
11. D'une part, cet article L. 120-1- de l'article 7 de la Charte de
1 institue une procédure qui l'environnement.
Document 12 : CE, 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier

Vu la requête sommaire et le Considérant qu'eu égard au


mémoire ampliatif présentés pour caractère que présentait dans les
la dame veuve Y..., née X... Marie- circonstances susmentionnées le
Gabrielle, demeurant à Paris 14e , retrait de l'autorisation et à la
tendant à ce qu'il plaise au Conseil gravité de cette sanction, une telle
annuler une décision, en date du 26 mesure ne pouvait légalement
décembre 1939, par laquelle le intervenir sans que la dame veuve
préfet de la Seine lui a retiré Y... eût été mise à même de
l'autorisation d'occupation d'un discuter les griefs formulés contre
kiosque à journaux dont elle était elle ; que la requérante, n'ayant
titulaire ; Vu les arrêtés du préfet pas été préalablement invitée à
de la Seine des 13 mars et 11 présenter ses moyens de défense,
décembre 1924 et 22 janvier 1934 ; est fondée à soutenir que la
Vu la loi du 18 décembre 1940 ; décision attaquée a été prise dans
Considérant qu'il est constant que des conditions irrégulières par le
la décision attaquée, par laquelle le préfet de la Seine et est, dès lors,
préfet de la Seine a retiré à la entachée d'excès de pouvoir ;
dame veuve Y... l'autorisation qui DECIDE : Article 1er : La décision
lui avait été accordée de vendre du préfet de la Seine en date du 26
des journaux dans un kiosque décembre 1939 est annulée. Article
sis ..., a eu pour motif une faute 2 : Expédition de la présente
dont la requérante se serait rendue décision sera transmise au ministre
coupable ; de l'Intérieur.

Document 13 : CE Ass., 26 octobre 1945, Aramu

Vu la requête présentée pour le autorités qui prennent de telles


sieur Aramu (Gaston), décisions de l’accomplissement des
précédemment commissaire de formalités préalables aux sanctions
police à Bordj-Bou-Arréridj..., ordinaires ; que ladite ordonnance
tendant à ce qu'il plaise au Conseil a prévu la comparution des
d’annuler le décret du Comité intéressés devant une commission
français de Libération nationale, en spéciale, dont elle détermine la
date du 4 mai 1944, par lequel le composition et la procédure ; que,
requérant a été révoqué de ses parmi les formalités comprises
fonctions sans pension ni indemnité dans cette procédure, ne figure pas
; 5 Vu les ordonnances des 3 juin et l'obligation pour l'autorité qualifiée
6 déc. 1943 et 31 juill. 1345 ; Sans de donner à l'agent intéressé
qu'il soit besoin d’examiner les communication de son dossier ; 10
autres moyens de la requête : - 15 20 25 30 35 40 45 Mais cons.
Cons, qu'en disposant que les qu'aux termes de l'art. 2, alinéa 5,
sanctions énoncées dans de cette ordonnance, la commission
l'ordonnance du 6 déc. 1913 d’épuration « entend les personnes
susvisée peuvent être prises « qui lui sont déférées », qu'elle peut
nonobstant toutes dispositions du reste « valablement déléguer à
législatives, réglementaires, cet effet ses pouvoirs à l'un de ses
statutaires ou contractuelles », membres, ou donner commission
l'art. 6 de cette ordonnance a rogatoire à des officiers de police
entendu dispenser en principe les judiciaire ou à des magistrats
choisis sur une liste dressée par est constant que le décret contesté
arrêté du commissaire à la Justice a été pris sans que les faits
» : que « ces magistrats, ainsi que reprochés au Sieur Aramu aient été
les membres de la commission, portés au préalable à sa
peuvent être assistés de greffiers connaissance et sans qu'il ait été
désignés de la même façon » ; qu'il ainsi mis à même de saisir
résulte de ces prescriptions, ainsi l’autorité compétente de ses
d'ailleurs que des principes observations sur leur exactitude et
sur leur portée ; qu’ayant appris
généraux du droit applicables par ses propres moyens que la
même en l'absence de texte, qu'une commission d'épuration avait fait
sanction ne peut à ce titre être procéder sur son compte à une
prononcée légalement sans que enquête et soumis à l’autorité
l’intéressé ait été mis en mesure de compétente des propositions de
présenter utilement sa défense ; sanction, le requérant a vainement,
qu'il doit, par suite, au préalable, le 25 avril 1944, demandé au
recevoir connaissance, sinon du gouverneur général de l’Algérie et
texte même du rapport établi ou de au commissaire à l'intérieur de
la plainte déposée contre lui, du régulariser la procédure quant aux
moins de l'essentiel des griefs qui y droits de défense ; qu’il est fondé à
sont contenus, de manière à être soutenir que la privation de ces
en état de formuler à ce sujet garanties a entaché d’excès de
toutes observations qu'il juge pouvoir le décret attaqué ; ...
nécessaires, soit devant la (décret annulé).
commission elle-même, soit devant
le délégué de celle-ci ; Cons. qu'il

Document 14 : CE, Ass. , 17 février 1950, Dame Lamotte

Vu le recours et le mémoire 29 janvier 1941, pris en exécution


ampliatif présentés pour le ministre de la loi du 27 août 1940, le préfet
de l'agriculture, enregistrés au de l'Ain a concédé "pour une durée
secrétariat du contentieux du de neuf années entières et
Conseil d'Etat les 28 octobre 1946 consécutives qui commenceront à
et 23 février 1948 et tendant à ce courir le 1er février 1941", au sieur
qu'il plaise au Conseil annuler un de Testa le domaine de Sauberthier
arrêté en date du 4 octobre 1946 commune de Montluel ,
par lequel le conseil de préfecture appartenant à la dame X..., née
de Lyon a annulé un arrêté en date Y... ; que, par une décision du 24
du 10 août 1944 par lequel le juillet 1942, le Conseil d'Etat a
préfet de l'Ain avait concédé au annulé cette concession par le
sieur de Testa, en vertu de l'article motif que ce domaine "n'était pas
4 de la loi du 23 mai 1943, le abandonné et inculte depuis plus
domaine dit "du Sauberthier" sis de deux ans" ; que, par une
commune de Montluel appartenant décision ultérieure, du 9 avril 1943,
à la dame X... née Y... ; Vu les lois le Conseil d'Etat a annulé, par voie
du 19 février 1942 et du 23 mai de conséquence, un second arrêté
1943 ; Vu l'ordonnance du 9 août du préfet de l'Ain, du 20 août 1941,
1944 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet concédant au sieur de Testa trois
1945 ; nouvelles parcelles de terre,
attenantes au domaine ;
Considérant que, par un arrêté du
Considérant enfin que, par une pour lui permettre de contester,
décision du 29 décembre 1944, le notamment, la régularité de la
Conseil d'Etat a annulé comme concession, elle n'a pas exclu le
entaché de détournement de recours pour excès de pouvoir
pouvoir un troisième arrêté, en devant le Conseil d'Etat contre
date du 2 novembre 1943, par l'acte de concession, recours qui
lequel le préfet de l'Ain "en vue de est ouvert même sans texte contre
retarder l'exécution des deux tout acte administratif, et qui a
décisions précitées du 24 juillet pour effet d'assurer, conformément
1942 et du 9 avril 1943" avait aux principes généraux du droit, le
"réquisitionné" au profit du même respect de la légalité. Qu'il suit de
sieur de Testa le domaine de là, d'une part, que le ministre de
Sauberthier ; l'Agriculture est fondé à demander
l'annulation de l'arrêté susvisé du
Considérant que le ministre de conseil de préfecture de Lyon du 4
l'Agriculture défère au Conseil octobre 1946, mais qu'il y a lieu,
d'Etat l'arrêté, en date du 4 d'autre part, pour le Conseil d'Etat,
octobre 1946, par lequel le conseil de statuer, comme juge de l'excès
de préfecture interdépartemental de pouvoir, sur la demande en
de Lyon, saisi d'une réclamation annulation de l'arrêté du préfet de
formée par la dame Lamotte contre l'Ain du 10 août 1944 formée par la
un quatrième arrêté du préfet de dame X... ;
l'Ain, du 10 août 1944, concédant
une fois de plus au sieur de Testa Considérant qu'il est établi par les
le domaine de Sauberthier, a pièces du dossier que ledit arrêté,
prononcé l'annulation de ladite maintenant purement et
concession ; que le ministre simplement la concession
soutient que le conseil de antérieure, faite au profit du sieur
préfecture aurait dû rejeter cette de Testa, pour une durée de 9 ans
réclamation comme non recevable "à compter du 1er février 1941",
en vertu de l'article 4 de la loi du ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a eu
23 mai 1943 ; d'autre but que de faire
délibérément échec aux décisions
Considérant que l'article 4, alinéa susmentionnées du Conseil d'Etat
2, de l'acte dit loi du 23 mai 1943 statuant au contentieux, et qu'ainsi
dispose : "L'octroi de la concession il est entaché de détournement de
ne peut faire l'objet d'aucun pouvoir ;
recours administratif ou
judiciaire" ; que, si cette DECIDE : Article 1er - L'arrêté
disposition, tant que sa nullité susvisé du conseil de préfecture de
n'aura pas été constatée Lyon du 4 octobre 1946 est annulé.
conformément à l'ordonnance du 9 Article 2 - L'arrêté du préfet de
août 1944 relative au l'Ain du 10 août 1944 est annulé
rétablissement de la légalité Article 3 - Expédition de la
républicaine, a pour effet de présente décision sera transmise
supprimer le recours qui avait été au ministre de l'Agriculture.
ouvert au propriétaire par l'article
29 de la loi du 19 février 1942
devant le conseil de préfecture
Document 15 : CE, 9 mars 1951, Société des concerts du
conservatoire
société ;
Vu la requête sommaire et le
mémoire ampliatif présentés pour Considérant qu'en frappant la
la Société des concerts du société requérante d'une mesure
conservatoire, dont le siège social d'exclusion à raison des incidents
est ..., ladite requête et ledit susrelatés, sans qu'aucun motif tiré
mémoire enregistrés les 4 août de l'intérêt général pût justifier
1947 et 21 janvier 1948 au cette décision, l'administration
secrétariat du contentieux du de la radiodiffusion française a
Conseil d'Etat et tendant à ce qu'il usé de ses pouvoirs pour un
plaise au Conseil d’annuler la autre but que celui en vue
décision implicite résultant du duquel ils lui sont conférés et a
silence gardé pendant plus de méconnu le principe d'égalité
quatre mois par le Président du qui régit le fonctionnement des
conseil des ministres et par services publics et qui donnait à
laquelle celui-ci a rejeté la la société requérante, traitée
demande d'indemnité de la société jusqu'alors comme les autres
requérante en réparation du grandes sociétés philharmoniques,
préjudice né de la suppression, par vocation à être appelée, le cas
les services de la Radiodiffusion échéant, à prêter son concours aux
française, de la retransmission de émissions de la radiodiffusion ; que
ses concerts ; Vu l'ordonnance du cette faute engage la responsabilité
31 juillet 1945 ; de l'Etat ; que, compte tenu des
éléments de préjudice dont la
Considérant qu'il résulte de justification est apportée par la
l'instruction qu'à la suite de la société requérante, il sera fait une
sanction infligée par le comité de juste appréciation des
direction de la société des concerts circonstances de la cause en
du Conservatoire, conformément condamnant l'Etat à payer à la
aux statuts de celle-ci, à deux société des concerts du
membres de cette association qui, Conservatoire une indemnité de
au lieu d'assurer leur service dans 50.000 francs, avec intérêts au
son orchestre, ont, malgré la taux légal à compter du 24 février
défense qui leur en avait été faite, 1947, date de la réception de sa
prêté leur concours à un concert demande de dommages-intérêts
organisé à la radiodiffusion par le président du conseil des
française le 15 janvier 1947, ministres ;
l'administration de la radiodiffusion
française a décidé de suspendre DECIDE : Article 1er - La décision
toute retransmission radiophonique implicite du président du conseil
des concerts de la société des ministres rejetant la demande
requérante jusqu'à ce que le d'indemnité de la société des
ministre chargé des Beaux-Arts se concerts du Conservatoire est
soit prononcé sur la demande de annulée.
sanction qu'elle formulait contre le
secrétaire général de ladite

Document 16 : CE, 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-


conseils
s'imposent à toute autorité
Vu la requête présentée pour le réglementaire même en l'absence
Syndicat général des ingénieurs- de dispositions législatives ;
conseils, dont le siège est ... ,
représenté par son président en Considérant, en premier lieu, que
exercice, ladite requête enregistrée la loi du 31 décembre 1940 n'était
le 8 août 1947 au Secrétariat du pas applicable dans les territoires
contentieux du Conseil d'Etat et visés par le décret attaqué ; que les
tendant à ce qu'il plaise au Conseil dispositions du Code civil, ayant
annuler pour excès de pouvoir le été introduites dans ces territoires
décret n° 47-1154 du 25 juin 1947 par décret, y avaient seulement
réglementant la profession valeur réglementaire ; que, par
d'architecte dans les territoires suite, le syndicat requérant n'est
relevant du Ministre de la France pas fondé à soutenir que le décret
d'Outre-Mer ; Vu la loi des 2-17 attaqué serait entaché d'illégalité
mars 1791 ; Vu le Code civil et en tant qu'il méconnaîtrait les
notamment ses articles 1792 et prescriptions de ces deux textes ;
2270 ; Vu le senatus-consulte du 3
mai 1854 ; Vu la Constitution de la Considérant, en second lieu, qu'en
République française du 27 octobre réservant aux architectes, dans les
1946 et notamment ses articles 47, territoires qu'il concerne, le soin de
71, 72 et 104 ; Vu la Constitution "composer tous les édifices, d'en
du 4 octobre 1958 ; Vu la loi du 31 déterminer les proportions, la
décembre 1940 ; Vu l'ordonnance structure, la distribution, d'en
du 31 juillet 1945 et le décret du dresser les plans, de rédiger les
30 septembre 1953 ; (…) devis et de coordonner l'ensemble
de leur exécution" et en interdisant
Sur la légalité du décret attaqué : ainsi aux membres d'autres
Considérant que le 25 juin 1947, professions de se livrer à ces
alors que n'avait pas pris fin la activités, le décret attaqué, s'il est
période transitoire prévue par intervenu dans une matière
l'article 104 de la Constitution du réservée dans la métropole au
27 octobre 1946, le Président du législateur, n'a porté à aucun des
Conseil des Ministres tenait de principes susmentionnés une
l'article 47 de ladite Constitution le atteinte de nature à entacher
pouvoir de régler par décret, dans d'illégalité les mesures qu'il
les territoires dépendant du édicte ;
Ministère de la France d'Outre-
Mer, en application de l'article 18 DECIDE : Article 1er :
du senatus-consulte du 3 mai 1854, L'intervention du syndicat des
les questions qui, dans la entrepreneurs métropolitains de
métropole, ressortissaient au travaux publics travaillant aux
domaine de la loi ; que, dans colonies est admise. Article 2 - La
l'exercice de ces attributions, il requête susvisée du Syndicat
était cependant tenu de respecter, général des ingénieurs-conseils est
d'une part, les dispositions des lois rejetée. Article 3 - Expédition de la
applicables dans les territoires présente décision sera transmise
d'outre-mer, d'autre part, les au Premier Ministre administration
principes généraux du droit générale des services relevant
qui, résultant notamment du précédemment du Ministère de la
préambule de la constitution, France d'Outre-Mer et au Ministre
délégué auprès du Premier Ministre.

Document 17 : CE, Ass. 11 juillet 1956, Amicale des annamites de


Paris

Requête de l’Amicale des Annamites de Paris, association déclarée,


représentée par ses président et secrétaire général en exercice, et du sieur
Nguyen-Duc-Frang, agissant tant en son nom personnel que comme
secrétaire général de ladite association, ladite requête tendant à l’annulation
pour excès de pouvoir de l’arrêté du 30 avril 1953, par lequel le Ministre de
l’Intérieur a constaté la nullité de l’Amicale des Annamites de Paris en
application du décret du 12 avril 1939, relatif aux associations étrangères ;
Vu la Constitution du 27 octobre 1946 ; la loi du 1er juillet 1901 ; les décrets
des 12 avril 1939 et 1er septembre 1939 ; l’ordonnance du 19 octobre 1945 ;
l’accord franco-vietnamien du 8 mars 1949 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945
et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 81 de la Constitution de la République
française : « Tous les nationaux français et les ressortissants de l’Union
française ont la qualité de citoyens de l’Union française qui leur assure la
jouissance des droits et libertés garantis par le préambule de la présente
Constitution » ; qu’il résulte de cette disposition que les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République et réaffirmés par le
préambule de ladite Constitution sont applicables sur le territoire français
aux ressortissants de l’Union française ; qu’au nombre de ces principes
figure la liberté d’association ; que, dès lors, le Ministre de l’Intérieur n’a pu,
sans excéder ses pouvoirs, constater par l’arrêté en date du 30 avril 1953 la
nullité de l’association déclarée des Annamites de Paris, dont les dirigeants
et les membres étaient des ressortissants vietnamiens ;... [Annulation].

Document 18 : CE Ass., 3 juillet 1996, Koné

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai


1995 et 2 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État,
présentés pour M. Moussa KONE ;
M. KONE demande que le Conseil d’État annule le décret du 17 mars 1995
accordant son extradition aux autorités maliennes ;
Vu la Constitution ;
Vu l’accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du
9 mars 1962 ;
Vu la loi du 10 mars 1927, relative à l’extradition des étrangers ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30
septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que le décret attaqué accorde l’extradition de M. KONE,
demandée à la France par les autorités maliennes pour l’exécution d’un
mandat d’arrêt délivré par le président de la chambre d’instruction de la
cour suprême du Mali le 22 mars 1994 dans le cadre de poursuites engagées
à son encontre pour les faits de "complicité d’atteinte aux biens publics et
enrichissement illicite" relatifs aux fonds transférés hors du Mali provenant
de trafics d’hydrocarbures susceptibles d’avoir été réalisés à l’aide de fa faux
documents douaniers par Mme Mariam Cissoko et son frère M. Cissoko ; (…)
Considérant qu’aux termes de l’article 44 de l’accord de coopération franco-
malien susvisé : "L’extradition ne sera pas exécutée si l’infraction pour
laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une
infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction" ;
que ces stipulations doivent être interprétées conformément au principe
fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’État doit
refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but
politique ; qu’elles ne sauraient dès lors limiter le pouvoir de l’État français
de refuser l’extradition au seul cas des infractions de nature politique et des
infractions qui leur sont connexes ; que, par suite, M. KONE est,
contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, fondé à se prévaloir de
ce principe ; qu’il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que
l’extradition du requérant ait été demandée dans un but politique (…)
Document 19 : J. Rivero, « Le juge administratif français : un juge
qui gouverne ? », D., 1951. 21

Au moment où les spécialistes des d'Etat peut, sans paradoxe, se


institutions d’outre-Atlantique comparer à la Cour suprême des
annoncent «la fin du Etats-Unis. Comme elle, il tend,
gouvernement des juges » dans depuis quelques années surtout, à
sa patrie d'élection, n'y a-t-il pas soumettre l'ensemble de la vie
quelque paradoxe à rechercher publique française à une éthique
les signes de son apparition dans dont il définit les éléments en
un pays que les auteurs dehors de tout texte écrit. Comme
proclament à l'envi elle, d'autre part, encore qu'avec
traditionnellement rebelle à tout une beaucoup moins grande
ce qui va contre le primat de la liberté d'allure, il tend à
loi. Certes, si l'on s'attache, dans subordonner la loi elle-même à
l'action de la Cour suprême des l'empire de cette éthique. Sans
Etats-Unis, à l'aspect formel, préjuger des résultats de l'étude
c'est-à-dire au contrôle de approfondie que l'on se propose
constitutionnalité qui lui a donné de consacrer à ce phénomène, on
sa base et son principal voudrait, d'ores et déjà, en
instrument, tout parallèle entre la dégager les aspects essentiels,
haute juridiction américaine et le qui, trop peu analysés jusqu'ici,
Conseil d'Etat français se trouve n'en constituent pas moins, peut-
a priori condamné. Mais le être, les éléments les plus
gouvernement des juges ne se originaux du Droit administratif
résume pas dans la technique par français d'aujourd'hui.
laquelle il a pu s'établir aux Etats-
Unis. Si, par delà la forme qu'a I Toute la jurisprudence
prise l'institution, on s’attache à administrative sous-entend,
son essence, peut-être est-on depuis son origine, une certaine
fondé à dire sans trahir la pensée conception de l'homme dans ses
de ses plus fidèles analystes que relations avec le pouvoir. Il n'en
ce qui la caractérise, c'est, en pouvait être autrement ; la
opposition avec la formule technique législative appliquée au
continentale du règne de la loi, domaine de l'administration
oeuvre de la volonté nationale, depuis le début du XIXème siècle
l'effort du juge pour affirmer obligeait le juge à chercher, aux
l'existence d'un corps de litiges qui lui étaient soumis, des
principes, indépendants de toute principes de solution que ne
règle écrite, qui constitue, en pouvaient lui donner les textes,
quelque sorte, la philosophie essentiellement pratiques, et
politique de la Nation, et dont, se d'ailleurs fragmentaires, « lois
disant le gardien, il s'institue, en d'organisation et d'action,
fait, le créateur, puisque c'est lui remarquait déjà Laferrière, qui se
qui, en leur donnant une préoccupent plus d'assurer la
sanction, les fait passer dans le marche des services publics que
droit positif. Or, dans ce rôle de de prévoir et de résoudre les
gardien des principes, le Conseil difficultés juridiques ». Par-là

35
s'affirme, dès l'abord, la vainqueur ou par la force des
différence entre le problème des circonstances. Elles posaient au
« principes généraux » en droit juge un problème capital :
public et en droit privé : M. Jean applications d'une conception
Boulanger, dans la remarquable renouvelée de l'homme et du
étude qu'il vient de consacrer à pouvoir, ou exceptions provisoires
ce second aspect de la question, à des principes traditionnels
relève très justement que c'est toujours on vigueur, tel était le
dans le Code civil que le juge dilemme. Ainsi posé, il ne
judiciaire doit chercher, avant permettait plus au juge de s'en
tout, les principes ; le juge tenir à une affirmation implicite ;
administratif, lui, ne pouvait les pour sauver l'éthique contestée, il
chercher que dans, une certaine était indispensable de l'affirmer
représentation des rapports entre avec netteté, et de lui donner ses
l'homme et le pouvoir, qu'il titres. Et la même nécessité
trouvait dans son esprit et dans devait s'imposer lorsque la
sa conscience, et qui définissait, à Libération allait, à son tour,
ses yeux, et sur ce terrain, le susciter certaines attitudes
Juste ; cette représentation, difficilement conciliables avec les
d'ailleurs, il ne prétendait principes traditionnels.
nullement la créer ; à vrai dire, et Continuité de la philosophie
jusqu'à ces toutes dernières politique, ou rupture, et départ
années, il ne prenait même pas la vers de nouveaux horizons
peine de l'expliciter, tant elle lui idéologiques ? Tel était l'enjeu du
paraissait aller de soi, et débat. Parce qu'il choisissait,
répondre au sentiment général. d'instinct, la continuité de la
Le recours pour excès de pouvoir conception libérale qu'impliquait
avec ses divers développements, - toute son oeuvre, le juge devait
détournement de pouvoir, trouver le procédé technique lui
contrôle de l'exactitude des permettant de l'assurer : ce fut le
motifs - le droit de la recours explicite aux « principes
responsabilité de la puissance généraux du droit », jusque-là
publique, sont nés et se sont sous-entendus, devenus soudain
développés à partir de quelques des pièces essentielles dans les
grandes notions d'éthique sociale constructions de la jurisprudence.
et de philosophie politique, De plus en plus fréquemment, les
évidentes aux yeux des juges. arrêts allaient fonder sur eux
Laferrière, dans l'Introduction leurs solutions. Si l'on analyse les
déjà citée, note incidemment que décisions où ce procédé est
la base des solutions utilisé, à la lumière des
jurisprudentielles est, lorsque les conclusions des commissaires du
textes font défaut, dans « les Gouvernement, et aussi des
principes traditionnels, écrits ou Etudes et Documents où le
non écrits, qui sont en quelque Conseil d'Etat a livré quelques
sorte inhérents à notre droit aspects essentiels de sa pensée,
public et administratif ». (…) Vint on est amené à donner, de cette
le régime de Vichy, et, avec lui, pensée, les formules suivantes :
un certain nombre de réformes 1° Il existe un corps de principes
qui s'inscrivaient à l'opposé de généraux du droit public
ces principes, dictées par le français ; les arrêts invoquent

36
parfois nommément l'un ou comportent les prescriptions d'un
l'autre ; plus souvent, ils se texte formel », règles « à la fois
référent aux « principes généraux obligatoires et imprécises » les
du droit », pris dans leur principes ne peuvent passer dans
ensemble. 2° Ces principes ont le droit positif que moyennant
valeur de droit positif ; ils ont, au l'effort du juge pour « en
minimum, « force législative » ; et déterminer les modalités
le juge est tenu d'en assurer le d'application ». Quels sont, au
respect, en sanctionnant leur fait, ceux qui ont bénéficié de
violation, comme il le fait pour la cette insertion, par l'autorité du
loi écrite. 3° Le fondement de juge, dans le droit positif ? Il
l'autorité ainsi reconnue, aux semble d'ores et déjà qu'on
principes ne se trouve pas dans puisse les ramener à quatre
les textes ; ils sont « applicables groupes principaux. On y
même en l'absence de textes » ; rencontre d'abord les principes
les arrêts et les conclusions sont traditionnels de la philosophie de
formels sur ce point ; il est 1789, séparation des pouvoirs,
curieux de remarquer, en ce sens, égalité des citoyens dans ses
que le Préambule de la diverses applications, libertés
Constitution de 1946, qui eût pu individuelles, y compris une
fournir aux solutions certaine marge de liberté
jurisprudentielles un fondement économique, respect des
écrit, ne semble avoir eu sur elles consciences qui donne son sens à
qu'une incidence très la laïcité de l'Etat, etc. Dans un
exceptionnelle. 4° Le juge ne crée second groupe figurent les
pas les principes ; il en parle principes que le juge
comme de règles objectives, dont administratif découvre dans le
il constate l'existence, et qui ne droit privé ou la procédure civile,
dépendent nullement de sa et qu'il dégage des textes pour les
volonté ; tout se passe comme s'il transposer à l'administration,
s'estimait lié par eux, au même parce qu'il les juge inhérents à
titre que par la loi. Telle semble tout ordre juridique : non-
être la pensée du Conseil d'Etat rétroactivité des règles de droit,
sur ces points essentiels. Mais, en responsabilité pour faute,
se croyant serviteur des autorité de la chose jugée,
principes, il en est, en fait, le nécessité d'une procédure
créateur. Plus exactement, c'est contradictoire avant toute
son action qui, dans la masse sanction, impartialité du juge à
complexe des éléments qui se l'égard de celui qui comparait
partagent la conscience devant lui, s'inscrivent dans ce
nationale, choisit ceux auxquels cadre. Dans les deux autres
va s'attacher la sanction que lui catégories on classerait
seul peut leur donner, et les fait volontiers, d'une part, un groupe
entrer, par là même, dans le droit de principes que le Conseil d'Etat
positif. De plus, la nature, déduit de ce que certains de ses
nécessairement abstraite et commissaires du Gouvernement
générale, du principe, impose au appellent « la nature des choses »
juge un effort pour en déterminer ; il y a une logique interne des
le contenu exact ; dépourvus « de institutions, il y a, d'autre part,
la rigidité et de la précision que des nécessités inhérentes à la vie

37
en société, abstraction faite de cas pour certaines des autorités
toute préoccupation éthique : par issues de la Libération, ainsi
là s'expliquent le principe de la qu'en témoignent les tentatives
continuité du service public, le de nationalisation effectuées en
principe du pouvoir de 1945 par les procédés juridiques
réglementation reconnu au chef les plus divers, et les plus
de service, le principe d'une contestables, et surtout
légalité spéciale pour les « l'abondante jurisprudence
circonstances exceptionnelles », suscitée par l'épuration. Ce fut, et
etc. C'est la catégorie du « c'est encore, un arrêt récent vient
nécessaire » ; la dernière serait d'en témoigner, le cas pour les
celle du « juste » à l'état pur, si organismes professionnels,
l'on peut dire ; il est un certain comités d'organisation ou ordres :
nombre d'exigences éthiques que le Conseil d'Etat leur rappelle
le Conseil d'Etat, bien qu'elles ne qu'ils sont liés par l'éthique
découlent ni des principes de commune et le respect des
1789, ni des règles du droit privé, libertés primordiales. Ce dernier
érige en principes généraux : trait accuse encore la similitude
telle est l'affirmation implicite entre l'action de la Cour Suprême
selon laquelle l'Administration est et celle du Conseil d'Etat ; l'une
liée par la recherche de l'intérêt avait à maintenir, contre les
général ; telle est la règle de possibles divergences que la
loyauté qui fonde le contrôle de forme fédérale facilite, ce
l'exactitude des motifs : « minimum d'unité dans la
l'Administration ne doit pas conception du monde sans lequel
mentir ». Tout cela - l'essentiel du l'unité de l'Etat ne peut se
droit administratif - constitue maintenir ; mais, dans l'Etat
bien, si diffuse qu'elle puisse être, unitaire, l'affirmation d'un idéal
une conception de l'homme et du commun n'est pas moins
monde. Cette conception n'est nécessaire ; et si cet idéal n'a pas
nullement systématique, encore grand chose à redouter des
qu'elle se rattache à la tradition collectivités locales
libérale de la façon la plus étroite décentralisées, la menace peut
; elle a varié dans le temps, venir, aujourd'hui surtout, des
s'écartant notamment de collectivités professionnelles
l'orthodoxie du libéralisme organisées, voire des entreprises
économique qu'elle avait personnalisées dont l'idéologie
longtemps accepté. Dans sa technocratique risque d'être le
forme actuelle, la seule volonté climat naturel. Le Conseil d'Etat,
du juge en fait une éthique en comme la Cour Suprême, joue
quelque sorte officielle, dont nul ainsi, dans l'ensemble de la
dans l'Etat n'est présumé vouloir Nation, un rôle d'unificateur. Si
s'affranchir. Particulièrement donc on admet que l'un des traits
remarquable est, en ce sens, essentiels du gouvernement des
l'effort du juge pour soumettre à juges réside dans le pouvoir que
la règle les organismes neufs, peu ceux-ci s'attribuent de définir et
portés à la respecter, étant donné de maintenir une idéologie
le climat idéologique dans lequel nationale, et de préserver, en en
ils ont pris naissance. Passé le imposant le respect, les assises
régime de Vichy, ce fut encore le éthiques de l'unité de l'Etat, on

38
acceptera peut être, entre la volonté du législateur ; peut-être
juridiction constitutionnelle n'est-il pas, pour autant,
américaine et le haut tribunal totalement désarmé devant elle ;
administratif français, la peut-être peut-on, sans paradoxe,
possibilité d'un rapprochement. parler du caractère super-
législatif des principes généraux
II L'objection surgit d'elle-même : du droit public. Un point est
ce qui fonde l'efficacité de la Cour certain : (…) les conclusions des
suprême, ce qui a permis de commissaires du Gouvernement
parler de son gouvernement, c'est formulent l'idée que les principes
son autorité vis-à-vis de la loi : généraux jouissent, dans l'ordre
l'éthique qu'elle a développée en juridique, d'une prééminence
prenant prétexte de la naturelle » ; au moment même où
Constitution emprunte sa valeur ils rejettent tout contrôle de la loi
pratique à la primauté de la loi par le juge, les déclarent «
constitutionnelle sur la loi supérieurs aux lois ». Et cette
ordinaire ; la Cour gouverne intime conviction trouve, pour se
parce qu'elle peut imposer son manifester au plan du droit
éthique au législateur. Or, le positif, un certain nombre de
Conseil d'Etat est sans pouvoir à moyens. Il faut tout d'abord
l'égard des représentants de la réserver la part de
volonté nationale ; il suffit d'un l'interprétation ; lorsque le texte
texte de loi pour mettre en échec législatif l'autorise, ou même,
ses principes généraux. Il peut parfois, la tolère, c'est dans ses
bien affirmer que ceux-ci ont « principes généraux que le Conseil
valeur législative » : le d'Etat va chercher les éléments
gouvernement des juges ne de sa construction ; il semble
commence qu'avec la valeur exclure a priori l'idée qu'une
superlégislative de l'éthique des autre éthique ait pu inspirer le
juges. En France, le dernier mot texte ; il le réintroduit dans le
reste à la loi ; le rapprochement climat idéologique qui est, à ses
ébauché tourne court. Certes, yeux, sous-jacent à la vie publique
l'objection est de poids ; elle peut toute entière. L'exemple le plus
d'ailleurs se prévaloir des termes ancien, et l'un des plus fameux, à
employés par certains arrêts ceci près qu'il met en cause un
fidèles aux formules classiques du décret-loi et non une loi véritable,
primat de la loi ; et pourtant, en est sans doute dans l'audace
serrant de plus près l'analyse de avec laquelle le Conseil d'Etat a
la jurisprudence, on est conduit à réintégré d'autorité les décrets-
se demander si la conviction qui lois du 5 novembre et du 28
anime le Conseil d'Etat touchant décembre 1926, ouvrant un
le caractère fondamental des champ nouveau aux activités
principes ne se traduit pas, au économiques des communes,
plan du droit positif, à l'égard de dans les perspectives du
la loi elle-même, dans les cas, libéralisme traditionnel auquel il
tout au moins, où elle s'écarte de restait encore attaché. Il en est
ceux auxquels le juge attache un d'autres, plus récents, qui
prix particulier. Le juge n'a concernent des textes
évidemment pas le pouvoir de indiscutablement législatifs.
mettre directement en échec la S'agit-il d'interpréter l'article 2

39
de l'ordonnance du 6 décembre doctrinal, l'autorité du principe
1943 en matière d'épuration ? On est sauvegardée ; au point de vue
connaît le texte : « La commission pragmatique, le champ
entend les personnes qui lui sont d'application de la loi sera
déférées », formule concise et mesuré aussi étroitement que
dont le moins qu'on puisse dire possible, en vertu de la maxime
est qu'elle n'accorde aux suspects d'après laquelle toute exception
qu'un minimum de garanties ; est d'interprétation stricte. Ce fut
mais il suffit au Conseil d'Etat l'attitude fréquemment adoptée à
qu'elle n'exclue pas toute l'égard des lois de Vichy (…). Le
possibilité de rattachement au procédé a survécu, dans certains
principe du respect des droits de cas, aux circonstances politiques
la défense : il va réintroduire au qui l'avaient suscité. Il arrive
profit des accusés toutes les même que le juge témoigne, à
garanties qu'exige l’éthique l'égard de la loi, d'une audace
traditionnelle. S'agit-il de plus grande encore lorsqu'elle
déterminer le climat juridique et heurte de front un principe qu'il
politique dans lequel vont se juge essentiel. On se souvient de
mouvoir des ordres l'étonnant arrêt du 17 févr. 1950,
professionnels ? Il suffit au Min. de l'Agriculture c/Dame
Conseil d'Etat que le législateur Lamotte (…) : en présence d'un
ait choisi, pour la désignation de texte législatif qui dispose que la
leurs dirigeants, le procédé de mesure visée par lui « ne
l'élection ; il se juge autorisé à peut .faire l'objet d'aucun recours
leur imposer toute l'idéologie administratif ou judiciaire », le
démocratique ; dès lors, la Conseil d'Etat affirme que cette
disposition d'un Code des devoirs disposition « n'a pas exclu le
professionnels interdisant tout recours pour excès de pouvoir
droit de libre critique, sera (...), qui est ouvert même sans
illégale : le législateur n'a pas pu, texte contre tout acte
avec l'élection, ne pas vouloir administratif, et qui a pour effet
introduire dans l'ordre les normes d'assurer, conformément aux
de liberté qui en sont principes généraux du droit, le
inséparables dans la démocratie respect de la légalité » ;
classique1. Mais enfin, quelque l'interprétation « minimisante »
constructives que soient ces et l'appréciation restrictive sont
interprétations, il est, des cas où poussées ici jusqu'au point où
le procédé s'avère inutilisable ; la elles aboutissent à effacer le
loi va contre les principes, et texte. Ce n'est pas seulement,
nulle exégèse ne peut voiler cette d'ailleurs, devant l'autorité des
contradiction. Le juge, principes généraux que le juge
cependant, n'estime pas la partie administratif tend à faire fléchir
perdue ; il lui resté un moyen les commandements du
ultime pour affirmer la primauté législateur : c'est aussi devant la
des principes, et maintenir à son nécessité. Entre la théorie des
affirmation des conséquences au circonstances exceptionnelles et
plan du droit positif. Ce moyen la montée des principes
consiste à entendre la loi comme généraux, il y a une évidente
une exception, qui laisse intacte parenté. Lorsque le juge
la règle générale ; au plan proclame, au vu des

40
circonstances, la légalité d'une rétablir les proportions exactes,
décision administrative et replacer la jurisprudence que
manifestement contraire à la l'on vient d'évoquer parmi la
règle écrite, il ne fait masse des arrêts qui ne font
qu'appliquer un principe général, qu'appliquer fidèlement la règle
celui qu'un de ses commissaires écrite. Enfin, il ne faut pas oublier
du Gouvernement formulait en que cette jurisprudence, en
ces termes : « Des circonstances pratique, a surtout reçu
exceptionnelles de temps et de application à l'égard de lois
lieu peuvent rendre légitimes des émanant soit d'un pouvoir
décisions qui, en période contesté, soit d'un pouvoir qui ne
normale, en vertu de la législation pouvait se réclamer
normale, ne le seraient pas » (…). expressément d'une origine
Mais ici, c'est le contenu même élective. « Le Conseil d’Etat
du principe qui tient en échec le pouvait, ou considérer les lois de
primat de la loi. Et comment ne Vichy comme instituant un
pas rattacher au « gouvernement régime nouveau dans notre droit
des juges » les décisions par public, ou les regarder au
lesquelles ceux-ci assignent des contraire comme des mesures
bornes à la légalité du législateur, apportant des dérogations aux
se réservant de définir eux- principes demeurés en vigueur,
mêmes les éléments de la légalité et, dans ce cas, annuler les
nouvelle qui régira les pouvoirs décisions prises en
élargis de l'Administration ? méconnaissance de ces principes
qui n'étaient pas fondées sur une
III Il serait fâcheux, pour la part disposition législative expresse,
de vérité que recèlent peut-être et interpréter restrictivement les
les analyses qui précédent, d'en lois édictées, en y voyant des
forcer les termes. Les tendances mesures d’exception ». D'autre
que l'on vient de révéler dans la part, il n'est d'action «
jurisprudence ne sauraient gouvernementale » que là où
inquiéter ni le législateur, ni le existent la rapidité et l'autorité.
Gouvernement ; ce n'est pas au Gouverner, c'est agir dans et sur
plan constitutionnel que se situe le présent : or, l'action du Conseil
leur principal intérêt, c'est au d'Etat, tant que le Parlement ne
plan, plus serein, de la théorie consentira pas à s'intéresser à la
juridique. Ce n'est pas au plan réforme de compétence qui
constitutionnel ; pour que s'impose, conservera un
s'instaure un gouvernement des caractère rétrospectif qui
juges digne de ce nom, encore suffirait, à lui seul, à rassurer
faut-il que le juge veuille ceux que pourraient surprendre
gouverner, et qu'il en ait les ses audaces. Les arrêts les plus
moyens. Or, il est superflu de hardis, lorsqu'ils minimisent la
décerner au Conseil d'Etat un portée de lois déjà abrogées à la
brevet de civisme, et d'affirmer date à laquelle ils interviennent,
qu'il n'existe en son sein nulle ne font plus guère figure que de
volonté de renverser les pouvoirs censures platoniques. Encore ces
établis... D'ailleurs, toute analyse décisions ne seront-elles
implique un grossissement du exécutées que si l'Administration
phénomène analysé : il faut y consent ; son mauvais vouloir

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aboutit, trop souvent, malgré les sociale ; il est un effort pour
efforts du juge, à minimiser en assurer la relève de la Loi dans
pratique la portée de ses une fonction qu'elle remplit mal,
décisions. Au plan politique, il et qui doit être remplie. L'effort
serait donc absurde de est-il heureux ? N'y a-t-il pas,
surestimer les conséquences de dans les principes généraux, un
l'attitude qu'on vient d'analyser. élément d'incertitude grave, une
Au plan doctrinal, il en va tentation pour l'arbitraire du
autrement, et les perspectives juge ? N'y a-t-il pas plus de
s'ouvrent en foule : invitation à sécurité, plus de stabilité pour
réviser certaines affirmations l'individu dans le règne de la loi,
traditionnelles sur la hiérarchie même mal faite, que dans l'action
des sources en droit administratif du juge, même bienfaisante ? On
; rapprochement avec le droit en peut discuter ; le fait n'en
privé qui pose la question de demeure pas moins : dans bien
l'unité des principes du droit des cas, la suprême garantie de la
français par delà les divergences liberté des Français réside
du droit public et du droit privé ; aujourd'hui dans l'attachement de
plus généralement, rôle et nature leur juge administratif aux
des principes dans un système principes du libéralisme. « C'est
juridique, et qui ne voit les peu », dirait Martin. Mais
incidences de ces problèmes sur Pangloss, songeant qu'après tout
les grandes options doctrinales, la règle est morte, et que
positivisme ou droit naturel? De l'homme seul lui donne force et
façon plus immédiate, les vie, répondrait : « C'est
tendances jurisprudentielles beaucoup ».
analysées mettent en plein relief
l'une des règles fondamentales de
tout ordre juridique. Une des
fonctions essentielles du Droit est
de créer de la sécurité ; or, il
n'est pas de sécurité dans
l'instabilité. La loi écrite,
longtemps, a pu, par sa généralité
et sa permanence, assurer cette
fonction stabilisatrice. Mais la loi
mouvante, la loi particulière, la
loi mal faite des années que nous
vivons, la loi décevante qui est
trop souvent la nôtre, ne suffit
plus à créer la stabilité et la
certitude que la vie sociale attend
du Droit. Ce sont pourtant des
biens nécessaires. Le réflexe du
juge est de les chercher ailleurs,
dans une zone qui échappe à la
précarité, au règne du détail, au «
déclin du droit » ; le recours aux
principes généraux traduit sans
doute, avant tout, cette nécessité

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