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Féridjou Emilie Georgette SANON-OUATTARA (coord.

SODYLARY
Discours, littérature et éducation Discours, littérature et éducation
Dangers, défis et opportunités en temps de crise Dangers, défis et opportunités en temps de crise

SODYLARY
SODYLARY
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Discours, littérature et éducation
Dangers, défis et opportunités en temps de crise

Féridjou Emilie Georgette SANON-OUATTARA (coord.)

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2
Copyright (©)
(Editions du Sodylary)

ISBN : 978-99982-1-497-2

Dépôt légal : N°15311 du 28 septembre 2023


Bibliothèque Nationale du Bénin
Porto-Novo, Bénin

Mise en page et impression


Presses du Sodylary, Université d’Abomey-Calavi, Bénin

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Dépôt légal : N°15311 du 28 septembre 2023
Bibliothèque Nationale du Bénin
Porto-Novo, Bénin

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Comité scientifique et de lecture

YODA Lalbila Aristide, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)


SANOU Salaka, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
MALGOUBRI Pierre, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
SOME Magloire, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
KY Jean Célestin, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
KABORE Bernard, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
TOH Zorobi Philippe, PT, Université Alassane OUATTARA (Burkina Faso)
AFAGLA Kodjo Ruben, PT, Université de LOME (Burkina Faso)
OUEDRAOGO Youssouf, PT, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
KIEMA Alfred, MC, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
KABORE André, MC Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
SARE/MARE Honorine, MC, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
SANON/OUATTARA F. Emilie Georgette, MC, Université Joseph KI-ZERBO
(Burkina Faso)
NGOMBA Teke, Associate Professor, Aarhus University (Denmark)
BAMBARA Romuald, MC, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
SANOU Fatou Ghislaine, MC, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
BERE Anatole, MC, Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY (Côte
d’Ivoire)
PARE Cyriaque, MA, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
KANTAGBA Adamou, MA, Université NAZI BONI (Burkina Faso)
HIEN Donat, MA, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
YAMEOGO Fidèle, MA, Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
SANFO Mahamadou Bassiourou, University of Shiga Prefecture (Japan)

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Remerciements

Qu’il me soit permis, en mon nom personnel et en celui du responsable


de la section « learning » du pôle d’excellence Africa multiple de l’Université
Joseph KI-ZERBO, de remercier l’Université Joseph KI-ZERBO et le pôle
d’excellence Africa Multiple ; l’université parce qu’elle constitue une caution
morale qui porte l’établissement et l’opérationnalisation des centres d’excellence
en son sein et ensuite le pôle d’excellence qui nous permet, à travers son
financement, de concrétiser ce projet.
Je voudrais également remercier tous ceux qui ont consacré du temps à
alimenter la réflexion ayant abouti à l’élaboration du présent ouvrage. Je
voudrais citer ici les femmes et hommes de média, les enseignants-chercheurs et
les chercheurs qui ont activement contribué à la réussite du panel qui a servi de
base à l’élaboration de cet ouvrage.
Je voudrais enfin remercier le comité scientifique et de lecture qui a pris
de son temps pour instruire et relire les articles proposés, sans oublier le
laboratoire de sociolinguistique, Dynamique des Langues et Recherches en
Yoruba et les Editions Solydary qui ont accepté de finaliser et de publier cet
ouvrage.

Féridjou Emilie Georgette SANON-OUATTARA (coord.)

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Introduction générale

La communication est cet outil dont on se sert en toute circonstance dans


la vie en société. Elle est tellement naturelle qu’elle peut passer inaperçue dans
certains contextes. Or, sa bonne ou mauvaise utilisation peut résoudre ou
complexifier les crises qui peuvent survenir dans les relations entre les hommes.
Les crises sont inévitables et donc naturelles dans l’évolution du monde. Elles
peuvent être institutionnelles, sanitaires, sécuritaires, etc.
Le monde entier a été récemment secoué par la COVID 19 qui a obligé
les Etats à développer de nouvelles stratégies dans tous les domaines de la vie
afin de continuer à exister. De même, la crise sécuritaire qui est en cours dans le
monde et plus particulièrement au Burkina Faso a engendré de nouveaux
phénomènes de communication, des néologismes, des créations lexicales, etc. Si
ces initiatives de communication sont à saluer pour la plupart, elles ne sont pas
exemptes de reproches. De plus, la littérature, considérée comme un art, mais
qui demeure un moyen d’expression des ressentis, des préoccupations et de
l’imaginaire des peuples a de tout temps contribué à relever les défis qui se
posent à l’humanité. Elle est présente sous plusieurs formes à toutes les étapes
de la vie.
L’une des missions essentielles des institutions d’enseignement supérieur
est d’aider à travers la recherche, à relever les défis qui se présentent au monde.
C’est ce qu’a fait l’université Joseph Ki-Zerbo à travers la section « learning » du
cluster d’excellence Africa Multiple qui a porté et financé le présent ouvrage
collectif. En effet, la situation sanitaire et sécuritaire qui prévaut dans le monde
a amené cette section à organiser en décembre 2021, un panel intitulé « la
communication en temps de crise : crise sanitaire, crise sécuritaire ». Ce panel a
regroupé des enseignants chercheurs, des chercheurs, de journalistes, des
communicateurs et des étudiants.
Plusieurs communications ont été présentées à cet effet et la question de
la communication en temps de crise a été examinée sous l’angle de la
linguistique, de la traduction, de la littérature et de la pédagogie. Le corpus
analysé va des productions journalistiques, aux œuvres littéraires, en passant par
les discours politiques et la pédagogie, bien entendu, en lien avec la crise
sanitaire et/ou sécuritaire.
En faisant une analyse sociolinguistique de la traduction des concepts liés
au terrorisme, tirés des discours de presse dans trois langues du Burkina Faso,
Sanon-Ouattara propose que la communication dans les langues locales,
émanant de traductions, soit traitée avec autant de soin que celle en langue
française car, comme elle le fait remarquer, si ce phénomène nouveau qu’est le
terrorisme a contribué à enrichir le vocabulaire des langues locales, certaines

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créations lexicales s’avèrent plutôt élogieux et tendent à faire l’apologie du
terrorisme.
Dans le même registre, Tirogo Issoufou François se penchant sur l’analyse
des néologismes en mooré décrit le processus de création lexicale dans cette
langue qui, pour lui, rencontre des difficultés dans la communication sur le
terrorisme. À partir d’une recherche documentaire et d’entretiens réalisés auprès
d’hommes de médias, il conclut que les dénominations proposées dans le
domaine du terrorisme en mooré sont des mots composés exocentriques, en
l’occurrence, les phrases lexicalisées, ce qui relève de l’innovation sémantique qui
se manifeste par la dénomination par description.
Les discours politiques au Burkina Faso pendant la période chaude de la
Covid 19 ont été l’objet de l’étude de Daïla Beli Mathieu et Bagare Marcel qui
se sont particulièrement intéressés au champ lexical de la terreur. Leur analyse
révèle que par le discours, les autorités administratives et politiques ont
contribué à répandre la peur. Le champ morphosémantique présente les unités
lexicales de la peur, la frayeur, la panique et la mort. Ils concluent que la
communication est aussi importante que les soins dans la prise en charge de la
Covid 19.
Ouédraogo Youssouf, se basant sur le même contexte de crise sanitaire
qu’est la Covid 19 présente ici les contributions pédagogiques et didactiques de
la pratique de l’alternance des langues au cours préparatoire au Burkina Faso.
Son étude s’inscrit dans l’approche sociodidactique s’appuyant sur des séquences
pédagogiques enregistrées et retranscrites au logiciel CLAN et un questionnaire
adressé aux enseignants du cours préparatoire. La crise sanitaire aurait donc
contribué à résoudre la question du monolinguisme dans les approches
pédagogiques au cours préparatoire, une question antérieure à la survenue de la
crise.
La résolution des crises peut déboucher sur des solutions heureuses pour
des domaines qui a priori n’étaient pas affectés. C’est à cette conclusion que
Malgoubri Harrouna est parvenu en prenant l’exemple du département d’Etat
américain, qui a utilisé le programme Access au lendemain du 11 septembre
2001 dans le domaine de l’éducation afin de redorer l’image des Etats-Unis
auprès du monde musulman dans les medersas au Burkina Faso. Pour Malgoubri,
le programme Access est un outil de communication de crise efficace qui a
contribué à améliorer considérablement l’image des Etats-Unis auprès des élèves
et de leurs familles en offrant de meilleures perspectives d’avenir pour des
diplômés d’écoles coraniques. Il propose que les autorités du Burkina Faso
associent des actions éducatives aux opérations militaires pour éradiquer
définitivement le terrorisme.

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Yaméogo Mohamed, lui, fonde son analyse sur des articles du bulletin
d’information « Burkina Info », l’organe de presse de l’Association pour
l’Amitié Germano-Burkinabè (AAGB) depuis 2018 à 2022, pour examiner les
perceptions de la communication sur et autour de la COVID-19 et le
terrorisme. Il conclut que si la communication est bien gérée elle peut se révéler
être un catalyseur mais dans le cas contraire, elle peut engendrer des
conséquences fâcheuses.
Yaméogo Fidèle dans le même registre passe en revue les représentations
de la propagande dans les bandes dessinées de la Grande Bretagne, dans les
écoles, les églises et la presse. Il interroge les mécanismes de représentation de la
propagande de guerre dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de France et
d’Allemagne, bande dessinée basée sur des extraits de carnets et mémoires et
publiée simultanément en Allemagne et en France à la faveur de la
commémoration du centenaire de la Grande Guerre. Son analyse s’articule
autour de trois lieux privilégiés de co-construction, de légitimation et de
circulation de ladite propagande : l’école, l’église et la presse. S’inscrivant dans
l’analyse critique du discours, il démontre que la représentation de la
propagande repose d’une part sur la mise en scène de la naturalisation de
certaines constructions de nature mythologique, de contenus intertextuels
partagés dans les communautés, et d’autre part, sur le recours à des procédés
techniques liés aux angles de vue ou aux plans.
Les mécanismes complexes de désinformation russe et ses effets sur les
démocraties libérales vulnérables de la région du Sahel, en Afrique de l'Ouest
ont attiré l’attention de Ouédraogo Lassane. En examinant les campagnes de
désinformation liées au terrorisme et à la contre-insurrection, l'étude révèle les
multiples facettes de la désinformation dans la région. Elle remet en question la
notion simplifiée à l'extrême selon laquelle les acteurs étrangers sont les
principaux responsables, en soulignant les rôles importants joués par les acteurs
mondiaux et locaux. L’auteur met à nue l'influence de la dynamique
géopolitique sur la prolifération du désordre informationnel, en faisant ressortir
les forces complexes qui sont en jeu dans cette question cruciale.
Se fondant sur la littérature, Yoda L. Aristide et Kiema Alfred comparent
la communication en temps de crise dans Girls at War de Chinua Achebe avec
la situation sécuritaire au Burkina Faso. Girls at War est tirée de la collection de
nouvelles Girls at War and Other Stories inspirée par la guerre du Biafra (1967-
1970). Cette fiction dépeint la société et dénonce ses maux dénotant ainsi le
réalisme de l’auteur. A travers cet article, ces deux auteurs analysent la
communication en temps de crise dans cette nouvelle et démontrent
l’universalité et l’intemporalité des thèmes relatifs à la guerre, à savoir la
souffrance, les pertes en vies humaines, la famine et la cherté de la vie, entre
autres. Après un rappel historique de la guerre du Biafra (1967-1970), ils ont

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passé en revue les thèmes abordés par Achebe dans Girls at War ainsi que le
style et les techniques narratives utilisés pour véhiculer son message avant
d’évoquer la communication dans les médias au Burkina Faso depuis 2015,
mettant ainsi en parallèle la communication littéraire dans Girls at War et la
communication dans les médias au Burkina Faso en guerre.
De même, Poda Michel prenant la littérature comme base de son analyse,
visite les stratégies de résolution des crises de Nathaniel Hawthorne dans The
Scarlet Letter. Il apporte un éclairage sur la stratégie mise en œuvre dans le récit
pour permettre une bonne compréhension des ambigüités et écarts qui se
manifestent à travers les crises ambiantes et comment celles-ci peuvent être
transcendées. Il en déduit qu’au-delà de la résolution des crises inhérentes au
récit, les enseignements contenus dans celui-ci peuvent être, dans notre époque,
d’un apport précieux en matière de résolution de crises existentielles.

Féridjou Emilie Georgette SANON-OUATTARA

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Liste des contributions

1. Analyse sociolinguistique de la traduction des concepts liés au terrorisme


: cas du mooré, du dioula et du fulfuldé : Féridjou Emilie Georgette
SANON- OUATTARA
2. On the expression of terrorism in Mooré: analysis of neologisms:
Issoufou François TIROGO
3. La COVID-19 au Burkina Faso : entre signe de résilience et champ
lexical de la terreur dans le discours des politiques : Béli Mathieu
DAÏLA, et Marcel BAGARE
4. Contributions pédagogiques et didactiques de l’alternance des langues au
cours préparatoire dans le contexte de COVID-19 : Youssoufou
OUEDRAOGO
5. L’éducation comme instrument de communication de crise : cas du
programme Access du Departement d’Etat americain : Harrouna
Malgoubri
6. COVID-19 et extrémisme violent : analyse des perceptions dans les
colonnes de l’organe de presse de l’association germano-burkinabè de
2018 à 2022 : Mohamed YAMÉOGO
7. Représentations de la propagande dans les Bandes dessinées de la Grande
Guerre : écoles, églises et presse comme lieux de circulation des discours
de propagande nationale dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de
France et d’Allemagne /Tagebuch 14/18. Vier Geschichten aus
Deutschland und Frankreich : Fidèle Yaméogo
8. Russian Disinformation in the Sahel: A Complex Interplay of Global and
Local Actors: Lassane Ouédroago
9. Communication en temps de crise : approche comparée entre Girls at
War de Chinua Achebe et la situation sécuritaire au Burkina Faso :
Lalbila Aristide YODA et Alfred KIEMA
10. Nathaniel Hawthorne’s Strategy for Crises Resolution in The Scarlet
Letter: Michel PODA

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CONTRIBUTIONS

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I. Analyse sociolinguistique de la traduction des concepts liés au terrorisme
: cas du mooré, du dioula et du fulfuldé
Féridjou Emilie Georgette SANON- OUATTARA
Université Joseph Ki-Zerbo
[email protected]

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Analyse sociolinguistique de la traduction des concepts liés au terrorisme : cas
du mooré, du dioula et du fulfuldé

Résumé
La question de la lutte contre le terrorisme est aussi une question de communication. Un
nouveau concept dans un nouveau contexte pose des problèmes de compréhension entre les
parties prenantes de la lutte contre ce nouveau fléau. Savoir nommer un problème est un pas
important vers son contrôle. Si en français déjà, l’on se rend compte que le mot terrorisme
est polysémique, la question de sa définition en langues burkinabè est plus problématique.
En utilisant le discours des journalistes en langues locales moore, dioula et fulfuldé, comme
base de données, nous faisons une analyse sociolinguistique des équivalents du concept et
des termes relatifs au terrorisme dans les langues sus-citées. Les données ont été collectées
dans les radios de la place mais plus particulièrement lors d’un atelier organisé à l’université
Joseph KI-ZERBO en décembre 2021 avec pour thème « la communication en temps de
crise » qui a regroupé des enseignants chercheurs, des doctorants et des journalistes en
langues nationales. Si pour le dioula, on note une évolution dans les termes utilisés, selon les
discours officiels tendant à qualifier ou à requalifier certains faits, pour le moore, certaines
expressions utilisées tendent à faire l’apologie même du terrorisme. Pour le fulfuldé, le
silence ou l’ignorance de certaines expressions font partie des stratégies utilisées par les
journalistes. Cette complexité dans la définition des termes est indicatrice de la complexité
de la lutte contre ce nouveau fléau dans ce pays.

Mots-clés : Terrorisme, traduction, moore, dioula, fulfuldé

Abstract
The issue of the fight against terrorism is also a matter of communication. A new concept in
a new context poses problems of understanding between the parties involved in the fight
against this new scourge. Knowing how to name a problem is an important step towards its
control. If in French, the word terrorism is polysemous, its definition in Burkinabe
languages is more problematic. Using the discourse of journalists in local languages such as
Moore, Dioula and Fulfulde as a database, we conducted a sociolinguistic analysis of the
equivalents of the concept and terms related to terrorism in the above-mentioned languages.
These data were collected in local radio stations, but more particularly during a workshop
organized at the university Joseph KI-ZERBO in December 2021 on the topic
"communication in times of crisis", which brought together senior and junior researchers,
doctoral students and journalists in national languages. If for the Dioula language, we noted
an evolution in the terms used, according to the official speeches tending to qualify or
requalify certain facts, for Moore, some expressions used even tend to make the apology of
terrorism. For Fulfulde, silence or non-translation of certain expressions are part of the
strategies used by journalists to convey messages. All this indicates the complexity of the
fight against this new scourge in Burkina Faso.

Keywords: Terrorism, Translation, Mooré, Dioula, Fulfuldé

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Introduction

Les guerres et les conflits ont toujours caractérisé le monde. Partout où


l’on trouve des regroupements d’êtres vivants, les conflits s’y sont toujours
invités. Selon le contexte et la nature du conflit, des terminologies diverses ont
été employées. Ainsi, de nos jours, le mot ;« terrorisme » semble être employé
comme un mot fourre-tout, dont « le niveau de généralité contribue plus à
brouiller qu’à clarifier les situations observables » (Deffarges, 2003 : 369).
Ainsi, les luttes organisées par les narcotrafiquants, les gangs armés, les groupes
religieux, etc. sont souvent désignées sous le vocable de « terrorisme ». Employé
à tort ou à dessein, quelquefois par ignorance de la nature du phénomène ce mot
est finalement utilisé tout acte de violence. Le dictionnaire Le Robert le définit
comme « un emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique
ou idéologique » ou alors comme un « ensemble des actes de violence, des
attentats, des prises d’otages civils qu’une organisation commet pour frapper un
pays ». Le terrorisme est également décrit et compris comme « le recours du
mécontent et l’arme du faible » (Di Rienzo et David, 2006 : 380). Souvent
assimilé au djihadisme, il renvoie aussi à la « guerre sainte menée pour propager
et défendre l’islam ». Cette panoplie de phénomènes et de terminologies
utilisées ne permet pas de cerner avec exactitude le phénomène. Or, pour lutter
efficacement contre un phénomène, il faut savoir le nommer. Depuis 2015, des
actes de violence perpétrés au Burkina Faso ont été caractérisés de ‘terroristes’,
de ‘djihadistes’, et l’on se rend compte que le politique même se perd souvent
dans la caractérisation desdits actes. Le présent article s’est alors fixé comme
objectif d’analyser les différentes facettes de la communication autour du
terrorisme dans une perspective sociolinguistique.

1. Contexte de l’étude
1.1. La population du Burkina Faso
Le Burkina Faso est un pays multilingue et multiculturel situé au cœur de
l’Afrique de l’Ouest. Il a une superficie de 274000 km2, une population estimée
à plus de 20 millions d’habitants, dont 51,7% de femmes et 48,3%. (INSD,
2022). Les régions les plus peuplées sont le centre et les Hauts-Bassins et les
moins peuplées sont le centre-sud et les Cascades. 26% de la population vit en
ville avec un taux d’urbanisation concentré à 45% dans les régions du Centre et
des Hauts-Bassins. On note plus d’hommes de 30 à 65 ans dans les villes que
dans la campagne du fait de l’exode rural qui concerne plus les hommes. Le
déficit d’hommes au niveau national pourrait traduire une surmortalité
masculine et une émigration sélective. La religion musulmane est la plus
pratiquée avec 63% de la population, suivie de la religion catholique (20,1%),
animiste (9,0%) et protestante (6,2%). Les principales langues parlées sont le

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mooré (52,9%) le fulfuldé (7,8%), le gulmacema (6,8%) et le dioula ou
bambara (5,7%). Le français, langue officielle est parlé par 2,2% de la
population (INSD, 2022 : 48).
Ce pays jadis paisible est en proie au terrorisme ces dernières années. Il a
connu sa première attaque en 2015 après la chute du président Blaise Compaoré
qui a passé vingt-sept ans au pouvoir. Depuis lors, plusieurs gouvernements se
sont succédé sans solution. Plusieurs causes semblent s’entremêler, rendant
difficile la lutte contre ce qui peut être désormais présenté comme un fléau. Les
violences au Burkina Faso sont souvent assimilées au grand banditisme, aux
guerres ethniques, au Djihad, au régionalisme, au repli ethnique, à la question
identitaire, etc. Tous ces phénomènes ressortent des discours du politique et
semblent pertinents dans le cas du Burkina Faso qui regroupe une soixantaine
d’ethnies, dont la plus dominante sur le plan quantitatif est celle des Mossés
vivant principalement au centre et connus pour leur société fortement
hiérarchisée avec à leur tête un chef suprême qui est le Mogho Naaba. Dans
cette hiérarchisation, le mogho a des ministres dont les principaux sont le widi-
naaba (chef des chevaux), premier ministre, conseiller, porte-parole politique
chargé d’organiser la succession des rois, le Gung-naaba (chef du kapokier),
ministre des affaires militaires, le Tansoab-naaba ( général en chef), le laarlé-
naaba qui est le gardien des tombeaux royaux, le Baleem-naaba, majordome
chargé des rites religieux, et le Kamsaoog naaba, chargé des eunuques et des
grandes œuvres du royaume (Zongo, 2004 :127-128). La langue parlée par les
Moosés et le mooré. Bien que liée à une ethnie, le mooré est devenu au fil du
temps une lingua franca dans plusieurs regions du pays. Les dioulaphones quand
à eux se trouvent principalement à l’Ouest et au sud-ouest du pays. Le dioula,
également parlé au Mali (Bambara) et en Côte d’Ivoire est partagé par plusieurs
ethnies du Burkina Faso et même au delà et est souvent associé à l’Islam, à la
culture mandingue empruntée au Mali. Le Fulfuldé est la langue parlée
principalement par l’ethnie Peule qui vit de l’élevage. Il s’agit d’une population
nomade qui se retrouve dans toutes les régions du Burkina Faso.
Il existe un nombre important de préjugés collés aux ethnies du Burkina
Faso, préjugés qui attendent d’être confirmés ou infirmés par des études
scientifiques. Malgré l’absence de preuves scientifiques sur les préjugés attribués
aux ethnies ou aux locuteurs de langues, il n’est pas rare de noter la question
ethnique dans la qualification des actions dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme. Certaines ethnies se sentent stigmatisées et cela a donné naissance à
un collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC).

18
1.2. Guerres et questions identitaires au Burkina Faso
L’avènement du terrorisme a révélé un véritable problème identitaire qui
se pose au Burkina Faso en tant que nation. Les délimitations des territoires
coloniaux ont été faites sur des bases artificielles au sortir de la conférence de
Berlin si bien que des groupes ethniques se sont trouvés divisés entre plusieurs
Etats. L'omniprésence du Mooro Naaba dans tous les arcanes du pouvoir est
perçue par les populations non mossis comme une manière de faire gouverner le
pays par l'ethnie majoritaire. Les germes de cette suprématie du Moaga se
trouvent dans sa langue. Il n'y a pas d'univers en dehors du Moogo et tous ceux
qui ne sont pas mossis sont en dehors de leur monde. Il y aurait alors les mossis
d'une part et les autres d'autre part
Comme l’a si bien dit Ouédraogo (2000 : 30), la plupart des conflits et
des guerres civiles prennent leurs sources dans les questions de langue,
d’ethnicité et dans la répartition des pouvoirs politiques et des ressources
économiques ("most conflicts and civil wars have had their roots in the
question of language, ethnicity and the sharing of political power and economic
resources"). Il poursuit en affirmant que les questions de langues et celles
économiques sont intimement liées et établit un lien entre l’impérialisme
linguistique et celui économique.
The development of all peoples goes hand in hand with the development
of their languages. Economic imperialism and linguistic imperialism appear thus
as two sides of the same coin. Economically powerful nations naturally wish to
expand their languages as natural and normal vehicles of their thought, their
cultural values, and their ideologies that they may want or even force other
peoples to adopt (Ouedraogo, 2000 : 1).
Il apparait ainsi clairement qu’en plus des questions économiques et de
langue, l’idéologie et les valeurs culturelles s’invitent dans les conflits.

2. Formulation du problème
Les attaques répétées subies par le Burkina Faso ont des caractérisations
qui diffèrent selon le cas, ce qui engendre de multiples stratégies pour lutter
contre le phénomène. Ainsi, à côté de la guerre armée, se trouve une guerre de
communication qui est loin d’être maitrisée, en témoignent les nombreuses
mises au point de la hiérarchie militaire à l’endroit des utilisateurs des réseaux
sociaux et du Conseil Supérieur de la Communication à l’endroit des
journalistes dans le traitement des informations liées au terrorisme. Cette guerre
de communication en cache une autre qui est celle de la traduction en langues
locales des termes liés au phénomène. Avec moins de 3% de la population qui
est considérée comme lettrée en français, et dans un contexte où toutes les
intelligences du pays sont sollicitées dans la prise en charge de cette guerre, l’on
se rend compte qu’il est important de prêter attention au traitement du

19
phénomène terroriste sur le plan de la langue. L’invité de l’émission « sur la
brèche » de la Radio Télévision du Burkina (RTB), du dimanche 19 mars
dernier attirait d’ailleurs l’attention des autorités sur la nécessité de fixer une
liste de termes interdits d’utilisation par les journalistes en langues locales dans
le cadre du traitement de l’information sur le terrorisme. Cette invite est une
manière d’amener les autorités à regarder la traduction des termes en langues
locales, d’analyser toutes leurs implications avant de les autoriser à l’antenne.
L’adage est bien connu, savoir identifier un problème c’est l’avoir résolu à
moitié. Si en français déjà, il n’est pas aisé de définir la nature du conflit qui
secoue le Burkina Faso, traduire les messages dans les langues nationales
complexifie le problème. C’est ainsi que nous avons décidé de répondre aux
questions de recherche suivantes : Quelles sont les équivalences trouvées par les
journalistes en langues locales pour les principaux concepts liés au terrorisme ?
Quelles conséquences de tels choix peuvent-ils avoir dans la lutte contre ce
phénomène ?

3. Théories et méthodologie
3.1. Références théoriques
Plusieurs théories linguistiques et traductologiques abordent la question
du rapport de sens entre les langues, et les cultures. Parmi les plus anciennes on
note la fameuse hypothèse de Sapir et Whorf selon laquelle les mots d’une
langue reflètent la conception du monde de ses locuteurs (Mc Afee, 2004).
Selon cette théorie, chaque culture a sa conception du monde et la différence
entre les langues ne se limite pas seulement à une différence de sons ou de
signes, mais à une différence dans la perception même du monde. La langue
serait alors le reflet ou la somme des expériences individuelles de ses locuteurs.
Le lien entre langue et culture ainsi mis en exergue justifie ce que l’approche du
philosophe Quine pour qui le langage et le monde sont liés.
Pour lui, plusieurs traductions peuvent être cohérentes avec le contexte
tout en étant opposées. « Inderminacy means that there is no acceptable
translation, but there are many. A good manual of translation fits all
checkpoints of verbal behaviour, and what does not surface at any checkpoint
can do no harm” (Quine 1987: 9). La thèse de l’indétermination de la
traduction est qu'il est possible logiquement que deux interprètes ou traducteurs
fassent des manuels de traduction qui soient cohérents tout en étant opposés.
Cette théorie nie la réification des significations ce qui revient à dire que ces
dernières ne sont pas figées. Selon cette théorie en effet, il existe plusieurs
bonnes traductions du même texte. Il n’y a pas d’entité (significations) qui
seraient ce que nos phrases traduites ont en commun et qui rendraient nos
traductions objectivement correctes.

20
Les théories du code switching (Myers -Scotton 1998) sont aussi
évoquées dans les contextes multilingues pour justifier les choix linguistiques. La
langue étant un instrument de communication, elle est loin d’être anodine. Le
choix d’une langue de communication en soi peut être un message. Ouédraogo
(2000) a fait un lien clair entre les conflits, la langue et l’économie.
Ainsi, la question de terrorisme qui semble relativement nouvelle au
Burkina Faso ne semble pas échapper à cette règle de conquête de pouvoir,
d'ethnicité et de défense d'une identité. Le langage utilisé dans le cadre du
terrorisme nous révèle plusieurs facettes du phénomène au Burkina Faso.

3.2. Méthodologie
Ayant constaté des propositions « équivoques » de transfert de certaines
expressions en langues locales, nous avons organisé un atelier les 10 et 11
décembre 2021 au pôle d’excellence Africa Multiple de l’université Joseph KI-
ZERBO sur le thème ‘la communication en temps de crise’. Cet atelier a
regroupé les enseignants chercheurs, les doctorants, les journalistes en langues
mooré, dioula et fulfuldé venus partager leur expérience de traduction lors de
leur travail. L’atelier a également été une opportunité de discussion sur les
termes problématiques et les pratiques équivoques des journalistes en langues
locales.
Une base de données a par la suite été constituée par les termes
équivoques dont nous avons recherché et discuté la traduction avec les
journalistes en langues locales notamment en mooré, en dioula et en fulfuldé
dans plusieurs médias de la place dont la chaine nationale à travers la radio
rurale. Des back-translations ont été par la suite fournis par au moins deux
linguistes et locuteurs de chaque langue afin de nous permettre de voir les
différentes interprétations et les écarts pour chaque terme. La liste des termes
soumis à cet exercice est jointe en annexe. A côté de ces traductions, nous avons
analysé les pratiques de traduction et de communication présentés par les
journalistes en langues nationales présents à l’atelier.

4. Résultats
Le français est la langue dominante dans les médias burkinabè à l’écrit et
à l’oral dans le traitement de l’information. Pour ce qui est de la presse écrite,
certains médias comme sidwaya proposaient des résumés d’articles de presse en
langues locales. D’autres comme demenegon paraissaient en dioula et laabali en
gulmacema. Pour les deux premiers cités, le supplément en langue nationale
dans sidwaya et la parution de dememegon ont pris fin avec la fin du
financement (Sanon/Ouattara 2014).

21
Pour ce qui est de la presse audiovisuelle, les langues locales sont
présentes sur presque toutes les stations. Si pour certaines le journal en langue
locale est une activité primodiale (Savane FM), pour d’autres, il s’agit encore de
résumés plus brefs de l’actualité.

4.1. Description des tâches du journaliste en langue locale


Avant d’arriver à la présentation proprement dite des équivalents de
termes liés au terrorisme en langues locales, il est important d’indiquer la
procédure et les pratiques de traduction. De ce qui ressort de l’atelier de
décembre 2021, les journalistes en langues nationales reçoivent les informations
en français et doivent les traduire en langues nationales sans « déformer le
contenu ou trahir l’idée » (Sanogo 2021). L’exercice auquel ils sont soumis est
la traduction à vue qui est une forme hybride de traduction et d’interprétation,
technique utilisée normalement pour donner des instructions brèves souvent
dans le domaine de traduction sociale comme à l’hôpital ou dans les asiles.
L’exercice auquel sont soumis les journalistes est le même que font faire les
cinéastes burkinabè quand ils veulent faire jouer leurs films en langues
nationales. L’incompétence de la plupart des cadres de l’administration publique
en langues locales explique cet état de fait. C’est dire alors que les versions
proposées en langues nationales sont celles qui découlent de l’inspiration du
journaliste au moment de la présentation.
Les journalistes présents à l’atelier de décembre ont également eu
l’occasion d’aborder les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice
de leurs fonctions. C’est ainsi que le journaliste en langue fulfuldé a noté un fait
qui est que la ligne lui est coupée quand il prononce certains mots ou
expressions pendant son temps d’antenne sur la radio rurale. C’est dire que le
choix des mots est important et qu’il compte pour les locuteurs.

4.2. Quelques éléments d’analyse


Les termes soumis à l’analyse ne seront pas tous présentés ici. Notre
sélection est fonction de la pertinence des termes par rapport à nos objectifs.

4.2.1. Terroriste
Ce terme reçoit plusieurs équivalents en mooré :
Weoga ramba : gens de la brousse
tãsoab n soodse : guerrier ou protecteur caché du royaume, combattants cachés
Bi beese : bandits
Ni wense : gens mauvais
Ni kuudba : les tueurs
Pour le même terme, on parle de « gens de la brousse », terme plutôt
neutre, « guerrier protecteur caché du royaume », terme plutôt élogieux,

22
« bandits », « gens mauvais » et « tueurs » qui sont des termes négatifs mais
n’ayant pas forcément une connotation terroriste
Pour le dioula, il s’agit de djanfa kele kelaw : ceux qui font la bagarre de
la trahison ou ceux qui ont trahi et qui font la bagarre
Djatiguè waleya kelaw : ceux qui posent des actes qui font
peur
Djankata kelaw : Ceux qui créent l’enfer.
Djihadisiw : Djihadistes
Terroristiw : terroristes
Mogo fagalaw : les tueurs
Notons au passage que le premier terme proposé ici est le plus récent. Il y
a eu une évolution dans la traduction de ces termes ; au départ, il s’agissait plus
d’emprunts (djihadistes, terroristes), ensuite de « djankata kelaw » qui est
inspiré de l’islam et par la suite djatigue waleya kelaw qui ne veut pas dire
grand-chose au locuteur moyen du dioula. Le « djanfa kele kelaw » est né de la
nouvelle donne du terrorisme qui est que de plus en plus de nationaux sont
enrôlés au sein des groupes armés.
Le fulfulde parle de : bondo mawndo hulbiniinde : la méchanceté d’un
adulte qui fait peur, très mauvaise et effrayante chose
Mbonde : mauvaise personne
Kuliyankaagal : insécurité
Waddobe fiande : ceux qui apportent le coup ou les attaques
Quant au fulfuldé, il utilise des équivalents qui ont été créés pour la cause
et qui restent assez neutres.

4.2.2. Déplacés internes


Le deuxième terme que nous avons examiné est celui des « Déplacés
internes ». Pour le mooré, l’expression la plus utilisée est Zoetba : fuyards. Cet
équivalent est assez dégradant pour celui qui est concerné. Il peut s’agir d’un
fautif qui a été contraint pour plusieurs raisons de laisser sa terre, ou d’un
poltron. Par la suite, il y a eu les traductions Sẽn bas b tẽns yõ koglg kaalmã
yĩnga : ceux qui ont laissé leur terre pour se protéger et ensuite Sẽ yẽrsb zĩisa :
Pour le dioula, il s’agit d’une traduction littérale : Jamanden caaman minu
wilira k’u sigiyͻrͻw to yen (les populations qui se sont levées laissant leurs
terres). Il n’y a pas d’allusion au terrorisme. Pour la deuxième proposition c’est
différent : Djankata ye mͻgͻ miw wili o ka sigi yͻrͻla (ceux que l’enfer a fait
déplacer). Il s’agit de la même allusion à l’islam.
Le fulfuldé a proposé pour ce concept les expressions Peruɓe ou egguɓe :
ceux qui ont quitté leur village d’origine pour ailleurs (à la recherche de
pâturage, transhumance). Il s’agit là d’un équivalent pas correct parce qu’il rend
ce déplacement normal dans le contexte de la transhumance.
23
4.2.3. Revendication
Le troisième terme présenté ici est « Revendication ». Le mooré le rend
par Raabo, Kosgo : souhait, ce qui est souhaité, le dioula par Laɲinitaw ɲinili/
Laɲinitaw kofͻli, Laɲini, ce qui est recherché, et le fulfuldé Wiwgol ko min
waddi : le fait de dire ce que nous avons fait. Nous notons que c’est la
proposition du fulfuldé qui est la plus proche de la réalité du sens en français.

4.2.4. Asymétrique
Pour ce qui est de l’expression « Asymétrique », le mooré l’a présentée
comme une guerre désordonnée (Zab-yaare) et le dioula comme une guerre dont
la raison ou le sens ne sont pas connus (Laɲinita lͻnbali, Kuntaga kunkelen
tara). Le fulfuldé n’a pas trouvé d’équivalent pour ce mot. Faisons remarquer
que ni le mooré ni le dioula n’ont proposé ici d’équivalents satisfaisants. Une
guerre désordonnée ou celle dont la raison n’est pas connue ne paraissent plus
vraisemblables de nos jours

4.2.5. Violer
La pudeur reconnue aux langues africaines nous a amené à examiner les
équivalents trouvés au mot « Violer ». Si pour le mooré l’expression Yõge, N
yõg ne panga (coucher avec quelqu’un par la force) renvoie bien à cette réalité, le
dioula utilise un terme plus neutre : Ka benkanni, Ka jogijagoyara : faire la force
(pas forcément sur le plan sexuel). Le fulfuldé ne fait pas cas de ce mot.

4.2.6. Groupe armé


La dernière expression que nous présentons ici est « Groupe armé ». Le
mooré l’a rendue par Bugraad rãmba (ceux qui ont des armes), expression
neutre. Le dioula parle de Jԑnkulu maramafԑntigiw, Marfatigiw : (ceux qui ont
des armes dans la communauté, ceux qui ont des armes) qui est aussi neutre. Le
fulfuldé le rend de manière similaire par Jogibe kaɓoorɗe (ceux qui ont des
armes) ; comment faire alors la différence entre les groupes armés terroristes et
les forces de défense et de sécurité ?
Un message vidéo laissé par un groupe armé en fulfuldé au sein du
commissariat de Solenzo parle des forces de défense et de sécurité comme étant
des cafres. Le message en fulfuldé a été retraduit par trois locuteurs de ladite
langue.
« Ils disent que c’est un message pour le Burkina et le Mali. Qu’ils vont
chasser tous ceux qui ne sont pas dans la religion d’Allah. Et les questions
pour le second ; On lui demande s’ils ont les moyens de faire ce qu’ils
disent et si tous ceux qui suivent Allah peuvent faire leur travail (c’est-à-
dire tuer et chasser). Il dit que Dieu leur a déjà donné ce pouvoir »

24
« Ils disent que là où ils sont assis c’était le coin des cafres en parlant des
fds, précisément les gendarmes. Maintenant, celui qui prenait l’arme dit
qu’il lutte au nom de la religion et que leur objectif est de marcher sur
Ouagadougou jusqu’au Mali et bien d’autres pays juste pour imposer leur
religion »
« Ils se félicitent pour avoir récupéré un coin où les non-croyants étaient.
Ils magnifient le nom de Dieu et remercient Dieu. Ils disent que si tu fais
la bagarre pour la cause de Dieu, tu ne peux que réussir et c’est ce qui
explique leur réussite. Ils finissent par dire qu’ils prient Dieu de leur
permettre d’occuper les lieux à Ouagadougou comme ils le font
actuellement là où ils sont ».

Notons que dans ce discours, il s’agit plutôt d’une guerre de religion, et


les forces de défense et de sécurité sont désignées comme des cafres, ou des non-
croyants. Dans une autre conversation tenue en dioula avec un inspecteur de
l’enseignement secondaire dans son bureau le vendredi 13 janvier 2023 à
Morlaba vers la frontière du Mali, deux individus armés se présentent comme
étant ceux que certains appellent les « benkanni kelaw » (bandits), ceux qui sont
par ailleurs appelés des « djihadistes » ou des « terroristes » ou des
« mogofagalaw » (tueurs).
Dans ce cas, ce sont les hommes armés qui se présentent avec les termes
ci-dessus. Nous faisons remarquer que c’est le même mot utilisé plus haut pour
désigner « viol » qui est utilisé ici pour dire « terroristes ». Ils ajoutent eux-
mêmes les emprunts « djihadistes » « terroristes » comme étant la manière dont
on les appelle avant de laisser.

5. Discussion
L’échantillon présenté ci-dessus est révélateur d’un fait : la
méconnaissance du phénomène « terroriste » et de la plupart des mots qui lui
sont liés a poussé les journalistes en langues locales à créer des mots dont les
usages ne sont pas encore bien fixés. Aucune des trois langues dont il est
question ici n’a un mot pour designer les violences que connait le Burkina Faso.
Le nombre d’équivalents proposés dans les différentes langues indique que le
phénomène auquel les pays du Sahel dont le Burkina Faso sont confrontés n’est
pas totalement cerné. L’on se demande au sein de la population jusque là ce qui
se passe exactement, qui attaque le pays, pour quelle raison, etc. Plusieurs
questionnements demeurent toujours sans réponse. Lors des premières attaques
que le Burkina Faso a connues en 2015, le site France TV info
(www.francetv.info) a parlé de « commando djihadiste ». Cette attaque avait été
revendiquée par Al-Quaida au Maghreb islamique, ce qui a sans doute guidé les
commentateurs à utiliser le terme « djihadiste ». Plus tard, l’on s’est rendu

25
compte que plusieurs attaques sont restées sans être revendiquées. Ce fut le cas
de celle du restaurant « Aziz Istanbul » et de bien d’autres qui ont suivi.
Nous allons subdiviser notre discussion en trois parties : les traductions
problématiques, les glissements de sens et les néologies. Les termes dont les
traductions peuvent produire un effet contraire à ce qui est recherché, les
glissements de sens et les néologies incompréhensibles pour les locuteurs
communs de la langue.

5.1. Traduction problématique


Dans le discours des autorités burkinabè, on note en plus de l’expression
« djihadistes », les mots « assaillants », « terroristes », « bandits armés ». Si ces
expressions peuvent être considérées comme neutres, le cas de leur traduction en
langues nationales peut paraitre problématique. En mooré, par exemple, le
tãsoab n soodse : (guerrier ou protecteur caché du royaume, combattants
cachés) ressemble à une apologie du terrorisme. Ce titre est tout sauf accusateur.
Il est chargé d’une certaine idéologie qui tend à faire l’éloge de ceux qui le
pratiquent. Certains à travers ce terme présentent le terrorisme comme une
rébellion, ou une insurrection et l’implicite de ces analogies est que les forces de
défense et de sécurité sont présentés comme une force d’oppression contre
laquelle il faut se libérer.
Un guerrier est un combattant qui célèbre ses victoires. Dans ce sens,
cette expression peut l’encourager à persévérer. Notons au passage que les
expressions présentées ici sont issues de l’imagination des journalistes en langues
nationales qui sont chargés de faire simultanément la traduction tout en
présentant leur journal préalablement rédigé en français. Certains de ces mots
finissent par s’imposer et d’autres restent abstraits, nécessitant même une
explication à l’endroit des locuteurs natifs. L’emprunt du mot français
« terroriste » est également utilisé.
Le mot terrorisme même étant absent dans les cultures des langues
concernées ici a été rendu par son sens général qui ne rend pas compte de la
mesure de la gravité du phénomène. Il est présenté ici comme synonyme de
« bandit », « gens de la brousse », « tueurs », « gens mauvais » en mooré. Cette
généralisation se constate également en fulfuldé « Mbonde » (mauvaise
personne). Même si le dioula aussi utilise de temps en temps cette tendance de
généralisation à travers l’expression « les méchants », les journalistes en langue
dioula ont plutôt créé des néologies que nous discuterons dans la rubrique
suivante.
De même, le mot « zoetba » pour traduire « déplacé interne » sonne
comme une sanction. Le mot mossi sonne comme une honte pour les déplacés
internes, tant il parait péjoratif. Un fuyard est celui qui n’a pas eu le courage
d’affronter son agresseur ou même celui qui a commis un acte honteux, donc

26
banni de la communauté. Le « déplacé » qui est en détresse prend un coup
psychologique quand on le désigne par ce terme. C’est ainsi qu’un analyste sur
un plateau de télévision avait proposé le mot « watba » qui à son sens serait
moins dévalorisant.

5.2. Les glissements de sens


Par cette expression, nous nous référons à l’évolution du sens des
équivalents utilisés dans les différentes langues. L’exemple le plus illustratif se
retrouve en dioula. Au début, le « terrorisme » était traduit par des emprunts
« djihadisme » et « terrorisme ». Par la suite, l’influence de l’islam sans doute a
donné naissance à l’expression « djankata kelaw ». Le terme « djankata » est
souvent utilisé lors des prêches musulmans pour se référer à l’enfer. On parle de
ceux qui seront jetés dans le feu du « djankata » de l’enfer. Plus tard, comme l’a
expliqué la journaliste lors de l’atelier de décembre 2021, quand il est apparu
clairement que des Burkinabè figuraient parmi les terroristes, l’expression
« djanfa kele kelaw » (ceux qui font la bagarre de la trahison ou ceux qui ont
trahi et qui font la bagarre) a vu le jour. Un burkinabè qui prend les armes
contre son pays est reconnu en dioula comme un traitre.
Par analogie à l’expression « djankata », le terme « déplacé interne » a été
rendu par Djankata ye mͻgͻ miw wili o ka sigi yͻrͻla (ceux que l’enfer a fait
déplacer). Par la suite, il a été rendu de manière plus neutre comme Jamanaden
caaman minu wilira k’u sigiyͻrͻw to yen (ceux qui se sont levé laisser leur lieu
d’habitation).
En ce qui concerne les glissements de sens, et s’agissant du fulfuldé, on
note un nouveau sens à une expression qui était bien connue. Il s’agit de Peruɓe
ou egguɓe : ceux qui ont quitté leur village d’origine pour ailleurs (à la recherche
de pâturage, transhumance). Les peuls, populations vivant essentiellement de
l’élevage, sont connus pour leur nomadisme à la recherche de verts pâturages
pour leurs troupeaux. Ils avaient alors déjà un lexique exprimant cette réalité. Ce
lexique a revêtu un sens nouveau du fait du phénomène nouveau. A l’opposé des
premiers cas de glissement de sens constatés en dioula, pour le cas présent, il
s’agit d’un ancien mot avec un sens nouveau.

5.3. Néologies
De nouvelles collocations, comparables à des néologies ont été formées
avec des mots existants bien connus de la langue. On peut citer l’expression
Zab-yaare en mooré qui signifie littéralement « guerre désordonnée », qui a
priori ne signifie pas grand-chose pour le locuteur moorephone. Le dioula n’a
pas fait mieux ; il a proposé Laɲinita lͻnbali, Kuntaga kunkelen tara : raison
non connue, dont le sens ou l’orientation ne sont pas connus. Une guerre
désordonnée et une guerre dont l’orientation n’est pas connue sont des
27
expressions voisines et bien nouvelles pour les locuteurs de ces deux langues.
L’expression, dioula est plus problématique parce qu’en principe, l’orientation
devrait être dans le sens de la victoire des forces de défense et de sécurité.
L’orientation non connue renvoie également au tâtonnement dans la lutte contre
le terrorisme de la part des forces de défense et de sécurité
La traduction du mot « terrorisme » même a fait l’objet de néologie dans
les trois langues. Si pour le tãsoab n soodse, l’expression semble moins nouvelle
malgré son sens problématique, pour le dioula, Djatiguè waleya kelaw (ceux qui
posent des actes qui font peur) semble nouvelle.
Bondo mawndo hulbiniinde (la méchanceté d’un adulte qui fait peur) ne
semble pas naturelle en fulfuldé non plus. La méchanceté d’un adulte qui fait
peur ressemble à une expression « fabriquée » pour le contexte du terrorisme et
idéologiquement tout dépend de la position dans laquelle l’on se met vis-à-vis
de l’idéologie du groupe. Lors de l’atelier de décembre 2021, le journaliste
fulfuldephone a partagé un témoignage selon lequel la ligne lui était
systématiquement retirée dès qu’il parlait de « terrorisme » sur les antennes de la
radio nationale. En effet, certaines populations du Burkina Faso, qui se disent
stigmatisées dans cette lutte contre le terrorisme, la considèrent comme une
guerre de l’Etat central orienté vers un groupe ethnique donné. Pour ces
populations, l’adulte méchant dont la méchanceté fait peur peut bien être les
forces de défense et de sécurité.
D’autres expressions moins problématiques ne sont pas moins ambiguës.
C’est le cas de « groupe armé » qui désigne les groupes armés terroristes, rendus
en mooré par bugraad rãmba (ceux qui ont des armes), en dioula par Jԑnkulu
maramafԑntigiw, Marfatigiw (ceux qui ont des armes dans la communauté) et
en fulfuldé Jogibe kaɓoorɗe (ceux qui ont des armes). Cette expression en
langues locales ne fait pas directement allusion aux « mauvais groupes armés ».
La connotation négative présente dans l’expression française n’apparait ici dans
aucune langue présentée ici si bien que l’on se demande quel groupe armé est
positif et lequel ne l’est pas.
La récurrence du viol fait qu’il est de nos jours difficile d’aborder le
phénomène du terrorisme sans l’aborder. Les langues africaines étant connues
pour leur pudeur dans l’expression des sujets liés au sexe, cela nous a conduit à
vérifier la traduction du mot « viol ». Si le mooré a su proposer une expression
juste bien connue « Yõge, N yõg ne panga » (coucher avec quelqu’un par la
force), le dioula a proposé une expression plus générale qui est « Ka benkanni,
Ka jogijagoyara » (tomber dessus, faire la violence) ce qui ne renvoie pas
forcément au sexe. Le fulfuldé quant à lui n’a trouvé aucun équivalent à ce
terme.

28
Conclusion

La traduction à l’écrit comme à l’oral (interprétation) intervient toujours


dans un contexte qui détermine sa justesse. C’est dire que dans l’absolu, on ne
peut pas qualifier une traduction comme étant bonne ou mauvaise. Ainsi, selon
le contexte culturel et l’environnement d’ensemble des traductions peuvent
évoluer, ce qui conforte la thèse de l’indétermination de la traduction de Quine.
On note en outre une évolution dans la caractérisation des actes de violence
constatés dans le cadre du terrorisme. En examinant les messages, souvent des
traductions de concepts liés au terrorisme en langues nationales, nous avons
constaté un glissement de sens de certains concepts, des pertes et des
insuffisances dans d’autres de la part des professionnels de l’information en
langues locales, ce qui confirme en partie l’hypothèse de Sapir et Whorf. Les
commentateurs ou journalistes en langues locales qui traduisent spontanément
les messages reçus en français de leur rédaction sont confrontés à des choix
difficiles et quelquefois contreproductifs dans la lutte contre le terrorisme. Si
certains choix se comprennent aisément, d’autres le sont moins. Nous
suggèrerons alors que les différentes commissions des langues locales se
penchent sur ces questions d’équivalences pour choisir des mots qui vont dans le
sens de la lutte ; cela soulagerait les journalistes et faciliterait la communication.

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30
II. On the Expression of Terrorism in Moore: Analysis of Neologisms
Issoufou François TIROGO
Université Joseph KI-ZERBO
[email protected]

31
On the Expression of Terrorism in Moore: Analysis of Neologisms

Résumé
Cette étude traite du lexique du terrorisme en mooré, une langue gur parlée au Burkina Faso.
Depuis l’année 2015, les attaques terroristes sont assez récurrentes dans ce pays. Dans le
cadre de la lutte contre ce fléau, la communication en mooré rencontre certaines difficultés
quant à la dénomination des concepts nouveaux. L’objet de cette étude est d’examiner les
procédés utilisés dans la création lexicale pour exprimer le concept de terrorisme dans cette
langue. À partir d’une recherche documentaire et d’entretiens réalisés auprès d’hommes de
médias, l’analyse révèle que les dénominations proposées dans le domaine du terrorisme en
mooré sont des mots composés. Parmi ces mots construits, les plus productifs sont les
composés exocentriques, en l’occurrence, les phrases lexicalisées. Il s’agit donc des procédés
relevant de l’innovation sémantique qui se manifeste par la dénomination par description.

Mots-clés : terrorisme, néologisme, composé, mooré.

Abstract
This study deals with the lexicon of terrorism in Moore, a Gur language spoken in Burkina
Faso, West Africa. This country has experienced recurrent terrorist attacks since 2015. As
part of the fight against this scourge, communication in Moore encounters certain
difficulties when it comes to naming new concepts. The aim of this study is to examine the
processes used in lexical creation to express the concept of terrorism in this language. Based
on documentary research and interviews with media professionals, the analysis reveals that
the names proposed for terrorism in Moore are compound words. Among these constructed
words, the most productive are exocentric compounds, in this case lexicalized phrases. These
are processes of semantic innovation, which are manifested in naming by description.

Keywords: terrorism, neologism, compound, Moore.

Introduction

This study deals with the morphological analysis of terms related to


terrorism in Moore, a Gur language spoken in Burkina Faso. If there is one
thing that has been the main conversation topic in the country since January
2016, it is terrorism. A crisis that has bereaved many people, both civilian and
military. The country has recorded over a million internally displaced people,
and schools are closed. As a result, many children no longer have access to
education. Clearly, Burkina Faso is at war. When we talk about crisis, we also
talk about communication. In times of crisis, such as terrorism, the population
is called upon to collaborate with the defense and security forces. To this end,
the Burkinabe authorities, through the press, pass on awareness-raising messages
to the population. This strategy calls for competences in communication. In a
crisis situation, the choice of terms plays an important role because the
discourse produced in such a context is intended to be unambiguous. However,

32
this crisis (i.e., terrorism) seems to pose more difficulties for communication in
national languages such as Moore. Like other national languages, Moore faces
the challenge of expressing new concepts. These include “abduction,”
“recruitment,” “extremism,” “violent extremism,” “terrorist,” “terrorist group,”
“radicalization” and “stigmatization.” In this communicative situation, how does
the Moore speaker distinguish “terrorist” from “unidentified armed man
(HANI)”? How can we differentiate between a “terrorist group” and an “armed
group” in Moore?
Given that “you cannot but communicate” in society according to Paul
WATZLAWICK's Palo Alto School, the questions that also generate this
reflection are as follows: what are the different procedures used by the Moore
language to enrich its terminology for terrorism? When it comes to expressing
terrorism in Moore, which naming system is most commonly used? To answer
these questions, two hypotheses have been put forward: the first hypothesis
states that Moore, like other world languages, possesses the linguistic resources
needed to express new terms. The second hypothesis maintains that, when
naming new terms, Moore has opted for a translational approach based on
explanation.
The aim of this study is to identify a few French terms related to
terrorism and to search for their equivalents in Moore, in order to proceed with
their linguistic analysis. To achieve the intended results, the study will be
structured around three points: (i) theoretical framework and methodological
approach, (ii) presentation of data and (iii) discussion.

1. Theoretical framework and methodological approach


1.1. Theoretical framework
This descriptive study is part of the theory of lexical neology. It is a
theory that belongs to the broader field of generative morphology (Chomsky,
1970). Lexical neology is a theory based on the creation of new terms. Lexical
creation is one of the main characteristics of language activity (Guilbert, 1975),
in that it accounts for the dynamics of any language. It is generally used as a
translation process. In Burkina Faso, journalists who process information in
national languages for the non-Francophone population rely on neological
creation. The theoretical framework of lexical neology calls for creativity. One
of the means available to fill denominational gaps is lexical creation. However,
lexical neology takes into account the different processes of lexical creation.
The new term must be linguistically acceptable. For this reason, the aim of this
study is also to explain the mechanisms involved in the formation of new terms.

33
1.2. Methodological approach
To collect the data, we developed a questionnaire after a literature
research. To this end, we explored some books and press articles dealing with
issues relating to terrorism. Damiba's (2021) Armées ouest-africaines et
terrorisme : réponses incertaines ? was of particular help. In order to improve
the quality of our questionnaire, we also exploited the Lexicon of
Radicalization and Violent Extremism in the G5 Sahel Area and its Moore
version entitled Gom-biis toor-zall sẽn kẽed ne gãd-wẽng la maan tɩ loog nugã
rãmb sẽn be Sayɛllã tẽns a nu wã pυsẽ. Based on these two works, we identified
some terms related to terrorism, violent extremism and radicalization. Secondly,
awareness-raising messages in the fight against terrorism that are broadcast in
Moore were listened to multiple times and transcribed, before extracting the
terrorism-related terms. These were mainly news and other radio programs in
Moore. We mainly exploited two radio programs in Moore: “Beoog yĩnga” (For
the Future) and “Commentons l'actualité” (Let Us Comment the News). As its
name suggests, “Commentons l'actualité” is broadcast daily - from Monday to
Friday - on Radio Rurale du Burkina Faso. As terrorist attacks are fairly
recurrent in Burkina Faso, information relating to terrorism is therefore covered
at least once a week on the radio. The terms extracted enabled us to complete
our questionnaire. These terms were submitted to language practitioners such as
bilingual French-Moore journalists, translators, and members of the defense and
security forces. At the end of these surveys, which took place in February 2023,
a corpus of one hundred terms was compiled for analysis.
For the transcription of the data, this study used phonological
transcription. As Moore is a tone-based language, tones have been marked
according to the following principle: when two tones of the same register follow
each other, only the first segment bears the mark; its value applies to the whole
data collected. The appearance of a new sign indicates a change of register. In
addition, when two high tones follow each other, the second indicates a medium
level.

2. Presentation of the data


Before analyzing the data collected, it is necessary to present a few items.
The data obtained from the various informants refer to the Moore’s internal
resources in the expression of terrorism and violent extremism. These internal
resources act as lexical creations. They are, therefore, a few denominations to fill
certain denominational gaps that have appeared in Moore in the field of
terrorism-related insecurity. To help the reader, the English definition of the
corresponding term is systematically presented for each new designation
proposed. Most of these definitions are drawn from the Lexicon of
Radicalization and Violent Extremism in the G5 Sahel Area. Thus, this section
34
presents the facts obtained by means of lexical creation.

(01) Organized Crime


“Association of persons who have formed a structured gang to commit
one or more offences in order to reap financial or material benefits.”
Proposed designation
nín-kυυr tʋ̀ʋm sẽn siglgí
//person-massacre/activity / connector/ create//
“An organized massacre”

(02) Jihadist
A follower or fighter of an extremist group advocating the use of armed struggle
in the name of the defense of God, Islam or the interests of Muslims.”
Proposed designation
gɩ̀háad zabdá
//Jihad-fighter//
“The one who defends the cause of Jihad”

(03) Abduction
”Synonymous with kidnapping. Specifically, it consists to take away individuals
or members of a community for the purposes of forced recruitment, ransom
taking, spreading terror, sexual exploitation or forced labor.”
Proposed designation
yõḱ r né pãǹ gá
//fact of catching-connector-force//
”The fact of catching (someone) by force.”

(04) Enrollment
"Individual recruitment through indoctrination”
Proposed designation
͂ ́ màaneg yi͂ngá
yãḱ ned bumb ́
//abduct-person-something-act of doing//
"The abducting someone for a given cause”.

(05) Former combattants


"Rebels or insurgents who have fought in the ranks of armed groups and are
demobilized following a political process or voluntary surrender. It also applies
to fighters from extremist groups who have entered a so-called de-radicalization
phase.”
Proposed designation
néb sen͂ ̀ ká le yà záb-zabdbá
35
//persons-connector-negative-again-combat-combattants//
People who are no longer combatants.

(06) Extremism
"Radical opinion on an ideological or political subject, manifested by a refusal
to compromise and opposing viewpoints”
Proposed designation
màan tι lóog nugù
//do-conj-go over-hand//
Do something that goes beyond the norm.

(07) Violent extremism


"Mental disposition to resort to or support the use of violence based on the
belief that it is the only way to resolve political, social or ideological conflicts.”
Proposed designation
màan tɩ lóog nug wenem ͂́ wɛ̀ɛnge͂ ́
//do-conj-go over-hand-bad-about//
"The fact of doing something that goes beyond the norm violently.”

(08) Extremist
"Synonymous with radical, fanatic. Refers to a person who holds
uncompromising religious or political views that may lead to aggressive or
violent behavior in order to impose his point of view.”
Proposed designation
màan tɩ lóog nug sòabá
// do-conj-go over-owner//
"The person who poses acts exceeding limits.”

(09) Terrorist groups


"Criminal organizations formally listed at the international or regional level,
committing attacks, bombings and hostage-takings with the aim of forcing
governments or groups of individuals to adopt their ideological positions.”
Proposed designation
líng-n-kʋ-yàar súlà
//surprise-con-kill-random/groups//
"Groups of those who surprise to kill randomly”.

(10) Radicalization
"The process of shaping an individual’s mind to adopt an extremist ideology, or
of transforming individual or collective frustrations into a source of anger,
making those concerned receptive to offers of participation in armed actions.”
36
Proposed designation
weng
͂ ́ gãdbó
//bad-catching//
"Attachment to wickedness.”

(11) Recruitment
"Inciting target persons to join the ranks of an armed group in return for
financial or material reward”
Proposed designation
néd (neb) yãkré
//person(s) – choosing//
The fact of choosing a person or persons.

(12) Stigmatization
"Prejudice against a social group whose members are accused of committing
deviant acts solely based on their ethnic, religious or other affiliation.”
Proposed designation
néd (neb) zen͂ gré
//person(s) / discrimination//
Discriminating against a person or persons.

(13) Terrorists
"Members of an extremist organization who use armed violence and terror to
influence the decisions of a government or impose an ideology, social or
political model on a people.”
Proposed designation
líng-n-kυ-yàar dãm
́ bá
//surprise-conj-kill-randomly-owner//
"Those who surprise and kill."

3. Discussion
In this section, we analyze the facts and peculiarities arising from the
formations obtained. In other words, we describe the internal structure of
neologisms used to express violent extremism and radicalization. Thus, we
report on the processes used to create these neologisms. Similarly, we attempt to
justify or explain Moore speakers’ choice in their mode of expression.

3.1. Data analysis


When expressing terrorism in Moore, the speaker resorts to lexical
creations, and the morphological structure of these neologisms varies. The facts
presented in Section 2 show that the proposed denominations are constructed

37
terms, while the items are compounds. Compounding consists in combining
morphemes, words and often phrases. These compounds are of two types:
endocentric and exocentric.

3.1.1. Endocentric compounds


Endocentric compounds are complex words built around a central
element called the head. According to the theory developed by Brousseau
(1989), the morphological head is given an intrinsic rather than positional
definition. In morphology, “the head of a complex word is the constituent of
which the word is a hyponym.” (Brousseau, 1989: 17). In the study of the
expression of terrorism in Moore, as in the case of COVID-19 (Tirogo,
2022a), we have identified compounds with a head. In these compounds, the
head is on the right. The internal structure of these compounds also shows that
the head is derived from a verbal base by means of a suffix. These are the
suffixes -go, -bo and -re, as shown in the following examples
(14)
a. we͂ ́ng gãdbó “Radicalization”
//bad/catch+Der//
b. néd ze͂ngré “Stigmatization”
//person/disriminate+Der//
c. néd yãkré “Recruitment”
//person/choose+Der//
d. zàb-téed rὺυgré “Demobilization”
//war-tool/lay down+Der//
e. bã̀an pύg ke͂ ̀esgó “Stabilization”
//peace/stomach/enter+Der//
The binary order in these compounds is as follows: determiner-
determined. The representation of a sequence such as /néd yãkré/ person -
choosing/ (meaning “recruitment”) shows that the determiner yãḱ ré “the fact
of choosing” is the nominal head. In this sequence, néd yãkré, “recruitment” is a
hyponym of yãkré, “the fact of choosing.”
(15) N

N N

Modifier Head

néd yã́kré
[néd yã́kré]
“Recruitment”

38
3.1.2. Exocentric compounds
Exocentric compounds are compounds without a nominal head. The
hyponymy relationship does not exist in this type of compound. In the
expression of terrorism in Moore, exocentric compounds are the most
productive. Two forms of exocentric compounds have been identified in this
study: compounds based on serial constructions and lexicalized phrases.

- Compounds based on serial construction


Serial constructions are the source of certain compound nouns. The
complex verbal phrase can be used as it is, or with a suffix (16.b). These
compounds are quite rare in this study. They are used to express prevention.
(16)
a. bèool ń gɩ̀dge “Early warning”
//warn-cpv-prevent//
b. rèng-n-bɛoolgá “Warning”
//early-cpv-warn+suf//

- Lexicalized sentences
Lexicalized sentences are the most common way of creating terrorism-
related terms in Moore. Many exocentric compound nouns are lexicalized whole
sentences, which retain their phrasal structure. This process is much more
productive in the language. Three types of lexicalized sentences were found in
our corpus: imperatives, sẽn sentences and coordinated sentences.
(i) Imperative/prohibitive type
(17)
a. yṍkr ne pã̀ngá “Abduction”
//catching-with-force//
b. líng-n-kυ-yàar dã́mbá “Terroristes”
//surprise-cpv-kill-random-owners//
c. yã́k ned bũmb màaneg yi͂ ́ngá “Enrollment”
//abduct-person-chose-do-something//

(ii) Se͂n sentences


The factual auxiliary and phrasal nominalization operator sẽn is used in
subordinate clauses (relative, complementary). A number of compound nouns
are the result of the lexicalization of such clauses.
(18)
a. bì-bées se͂ ̀n tar záb-teedo “Armed bandits”
//bandits- aux-have-war-tools//
b. néb se͂ ̀n ká le yà záb-zabdba “Former combattants”

39
//persons-aux-neg-again-cp-combattant-suf//
c. sòdáas se͂ ̀n zabd ń fãagd te͂ ́nsã́ “Security forces”
//soldiers-aux-fight war-cpv-save-country//
d. te͂ ́ns sodaas sull sẽn náag taaba “Joint force”
//country-soldiers-group-aux-cooperate-together//
e. zàbr se͂ ̀n ká tar tikr zi͂igá “Asymetric war”
//war-aux-neg-have-reason-place//
f. lèebg se͂ ́n ka tũ sorè “Traficking”
//trade-aux-neg-follow-way//
g. néb se͂ ̀n wà né bùg raad n wa wẽ tɩ b ká mi sẽn yaa-b rã̀mb yé
/persons-conj-come-guns-conj-come-hit-conj-3.PL-NEG-know-conj-copule-
3PL-doer-NéG//
“Unidentified Armed Men (HANI)”

(iii) Coordinate sentences


Once lexicalized coordinate sentences can function as compound nouns. In our
field of study, the coordinator is {tɩ}. The canonical structure of these
compound nouns is of type P - tɩ - P
(19)
a. màan tɩ lóog nugú “Extremism”
//do-coor-go over-hand //
b. màan tɩ lóog nug we͂nem wɛ̀ɛnge͂ ́ “Violent
extremism”
//do-coor-go over-hand-bad-about//
c. màan tɩ lóog nug sòabá “Extremist”
//do-coor-go over-hand-owner//
d. gã̀d-we͂ ́ng bàs tɩ lυɩ
“Deradicalization”
//catch-bad-let down-coor-fall//

The different morphological structures observed in the items expressing


terrorism in Moore can be summarized in the graph below:

40
Endocentric compounds

Exocentric compounds based on a


[]
serial construction

Exocentric compounds of the


lexicalised sentence type

[]
[]

Fig. 1: Types of compound words used in the expression of terrorism in Moore (%)
3.2. Data analysis
The analysis of the facts reveals the different processes used to express
terrorism in Moore. These facts show that the speaker in this field of study
uses compound words. This confirms our initial hypothesis that Moore
possesses linguistic resources for terminological enrichment to express terms
relating to terrorism. The most widely used morphological resource is
composition, a semantic innovation. Among these complex words, the most
recurrent ones are lexicalized phrases (68%, cf. Figure 1). What is the possible
interpretation of this choice?
Generally speaking, "we can consider three main modes of naming new
terms: naming by actualization, naming by borrowing and naming by
description". (Kra, S. Kouassi et V. Kouassi, 2022: 401 - 402).
Designation by updating involves updating a term to designate a new
concept. The updated term is an original word in the language that is used to
name an analogous or new concept. It consists in updating a term that already
exists in the language. In naming by updating, we are dealing with a semantic
innovation. This takes the form of a restriction of meaning or an extension of
meaning. Most of these terms are simple or compound lexical words.
Borrowing is a process whereby a language introduces concepts from
other languages into its lexicon. In borrowed naming, the target language lends
the source language a term to name or designate a concept that does not exist in
the source language. Borrowed terms may be simple words or compounds.
Naming by description, on the other hand, uses the language's own
resources to describe the new concept. This is “translation explanation”
according to Ndongo Semengue (2001: 349). In this approach, the word in
the source language is matched by a series of terms, or a sentence, that develops

41
it in the target language. It is an approach that starts from deep structures and
works towards surface structures.
Given the facts about the expression of terrorism, Moore has adopted
naming by description. Among the processes used, the most productive remain
those linked to naming by description, including the use of lexicalized phrases.
This confirms the hypothesis that in the expression of terrorism, Moore has
opted for translation by explanation. Designation by description is evidence of
the endogenous enrichment of African languages. And this is only possible
through lexical creation. As in Koulango, in the context of COVID-19 (Kra, S.
Kouassi and V. Kouassi, 2022), we can infer by ricochet that Moore is unlikely
to have experienced terrorism in its history; otherwise, it would have preferred
naming by actualization.

Conclusion

The lexicon of terrorism was the focus of this analysis. The aim of this
study was to analyze the morphological structure of neologisms created in the
expression of terrorism in Moore. An examination of the facts revealed that
terrorism-related terms are complex words, in this case compounds: endocentric
compounds and exocentric compounds. The binary order in endocentric
compounds is determiner-determined. These compounds are synthetic in that
the head is derived from a verbal base by means of a suffix {-go; -bo; -re}.
Exocentric compounds are the most productive in the Moore terrorism lexicon.
We note the use of lexicalized phrases. Of all these procedures used to name
new concepts, Moore has opted for naming by description. This seems to be the
preferred naming method when the concepts to be designated are unfamiliar to
the linguistic community.

Bibliography
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intrinsèque de tête morphologique », Revue québécoise de linguistique,
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DJIBOUL, Revue Scientifique des Arts-Communication, Lettres,
Sciences Humaines et Sociales, n° 003, Vol. 5, Université Félix
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Yoffo, A. R. et Késsié Ouattara, D. L. 2017. « Analyse des procédés
d’enrichissement du lexique mathématique et juridique en bété (parler de
Soubré) », Revue des Sciences du Langage et de la Communication, N°6,
Tome II, Actes du 1er colloque scientifique national du Laboratoire de

43
description, de Didactique et de Dynamique des Langues en Côte
d’Ivoire : « Le nom dans les langues naturelles », pp : 126 – 133.

Acronyms and abreviations:


aux: auxilliary
coor: coordinator
cpv: verbal copula
neg: negative
suf: suffix
der: derivative
P: proposition

44
III. La covid 19 au Burkina : entre signe de résilience et champ lexical de la
terreur dans le discours des politiques
Béli Mathieu DAÏLA, Université de Dédougou, [email protected]
et Marcel BAGARE, École normale supérieure, [email protected]

45
La covid 19 au Burkina : entre signe de résilience et champ lexical de la terreur
dans le discours des politiques

Résumé
La maladie à coronavirus fait des victimes dans le monde. Cette maladie a contraint les
gouvernements du monde à adopter des mesures telle la fermeture des frontières, la mise en
quarantaine des villes, le couvre-feu, le confinement des populations afin de freiner la
propagation du virus. La maladie à coronavirus est le second mal après le terrorisme au XXIe
siècle qui a entrainé un bouleversement au plan économique, social et politique dans le
monde. S’il est vrai que le virus à couronne a dévoilé les insuffisances de la médecine et des
politiques sanitaires des gouvernements, il a aussi montré que la communication reste le
premier soin qui peut minimiser de la pandémie et rassurer le patient. Du coup, si la
communication en période de pandémie n’est pas bien faite, elle créée de la terreur chez les
populations ; et pire elle peut anticiper la mort des patients. C’est pourquoi, le présent article
fait la description du champ lexical de la terreur dans quelques discours officiels d’autorités
politiques et sanitaires au Burkina. Le champ morphosémantique présente les unités lexicales
de la peur, la frayeur, la panique et la mort. Il s’agit d’une analyse qui emprunte la démarche
théorique de l’analyse du discours, de la communication et de la sociolinguistique. L’analyse
prend en compte les discours du Président du Burkina, du Ministre de la santé, du Ministre
de la communication porte-parole du gouvernement, du Ministre de l’enseignement
supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation et celui du Coordonnateur national
du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (CORUS).

Mots-clés : champ lexical -coronavirus-terreur-sociolinguistique -communication

Abstract
The coronavirus disease is claiming victims around the world. This disease has forced
governments around the world to adopt measures such as closing borders, quarantining
cities, curfews, and confining populations in order to curb the spread of the virus.
Coronavirus disease is the second evil after 21st century terrorism that has caused economic,
social and political upheaval in the world. While it is true that the corona virus has exposed
the shortcomings of medicine and government health policies, it has also shown that
communication remains the first care that can minimize the pandemic and reassure the
patient. As a result, if communication in a pandemic period is not well done, it creates terror
among the populations; and worse, it can anticipate the death of patients. This is why this
chapter describes the lexical field of terror in some official speeches of political and health
authorities in Burkina. The morphosemantic field presents the lexical units of fear, fright,
panic and death. This is an analysis that borrows the theoretical approach of grammar,
discourse analysis and sociolinguistics. The analysis takes into account the speeches of the
President of Burkina, the Minister of Health, the Minister of Communication spokesperson
of the government, the Minister of Higher Education, Scientific Research and Innovation
and that of the National Coordinator of the Health Emergency Response Operations
Center (CORUS).

Keywords: Lexical field, Coronavirus, Terror, Sociolinguistics, Communication

46
Introduction

Le Burkina Faso a eu son premier cas de coronavirus au mois de mars


2020. Selon la ministre de la santé, Claudine Lougué, les deux personnes
contaminées ont séjourné à Mulhouse en France le 24 février dernier et c’est
lundi que le couple a été diagnostiqué positif au coronavirus (AFP, 2020). Le
terme de coronavirus est une troncation composée de corona- et de -virus. Le
terme latin corona dérive koronae qui signifie couronne. Le coronavirus est
donc une maladie dont l’agent causal est un virus à couronne. Son apparition,
pour la première fois dans le monde, fut en 2002 où l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) a été informée d’une épidémie de « pneumonie de cause
inconnue » dans la ville de Wuhan, septième ville la plus importante de la
Chine avec 11 millions d’habitants (FAUCHER, et al. 2020). Ce fut une
maladie qui fit des ravages en chine puis s’est répandue dans le monde entier.
Son apparition au Burkina Faso a entrainé une campagne de sensibilisation mais
aussi des mesures gouvernementales pour lutter contre la propagation de la
maladie. Au nombre de ces mesures, l’on retient le lavage des mains, le respect
de la distanciation, le refus de se serrer les mains, le port du masque, l’isolement
des malades et le non regroupement, la fermeture des marchés, des écoles et bien
d’autres mesures drastiques entrainant la non- vie des populations. Cette
modification des habitudes des populations a eu un choc psychologique chez les
populations. Ce choc s’explique par les mesures et la communication
gouvernementale. Ce présent article analyse la terreur des mots utilisés dans la
campagne de sensibilisation du gouvernement et des organisations de la société
civile. L’analyse emprunte les outils de la sociolinguistique, l’Analyse du
discours et la communication. Le corpus a été constitué à travers les discours
gouvernementaux, des organisations de la société civile du Burkina et des
communiqués journaliers du Centre des opérations de réponses aux urgences
sanitaires. Une enquête a été menée auprès des populations des villes de
Ouagadougou et de Kaya.

1. De l’imbroglio communicationnel au champ sémantique de la frayeur


Le sens ne peut se construire que dans une situation de communication.
La communication sera ici prise dans une vision plus large, englobant les
multiples circuits d'échange et de circulation des biens, des personnes et des
messages. Cette définition couvre tout à la fois les voies de communication, les
réseaux de transmission à longue distance et les moyens de l’échange
symbolique, tels les expositions universelles, la haute culture, la religion, la
langue et, bien sûr, les médias. (MATTELART, 2011, p. 7)

47
La communication dans le cadre de la covid 19 s’inscrit dans une
situation de crise. La crise a des effets surprenants, brusques et parfois brutaux,
c’est pourquoi la communication en cette période doit être primordiale.
La crise est multiforme. Elle concerne les domaines technologiques, sociaux,
réglementaires, financiers, commerciaux ou écologiques, mais s’appréhende
d’abord sous l’angle de la communication. Celle-ci apparaît omniprésente et les
médias, qu’ils soient traditionnels ou ‘‘on line’’ construisent autant l’événement
qu’ils l’amplifient. Au cœur du dispositif de gestion de crise, la communication
est l’élément déterminant qui permet, selon sa plus ou moins bonne maîtrise,
de surmonter la crise. (Libaert, 2020, p. 9)

Le sens est toujours au centre de tout texte, de tout syntagme et de tout


mot. Le signifié est donc le contenu du signifiant et relèvent tous du signe
linguistique :
Le signe linguistique est constitué de l’association indissoluble (donc
nécessaire) entre un contenu, appelé signifié du signe, et une forme, appelée
signifiant du signe. Même si l’on peut bien entendu considérer et analyser
séparément les composantes du signe linguistique, il faut toujours se souvenir
qu’elles n’ont pas d’existence propre : chacune de ces deux composantes
n’existe qu’en fonction de l’autre. (Polguère, 2016, p.33)

L’analyse du sens peut s’opérer à travers le champ sémantique. Le champ


sémantique se définit comme l’ensemble des lexèmes qui renvoient à une
thématique. Cependant, la notion de champ sémantique ou conceptuel reste à
clarifier : « le terme reste ambigu, puisqu’on pourra envisager le champ
sémantique d’un mot, le champ lexical ou le champ d’une famille de mots ou le
champ lexical d’une réalité extérieure à la langue. » (Dubois et al., 2007 : 81)
Les signifiants utilisés dans les discours sur la covid 19 renvoient à des
champs sémantiques de la peur et de la terreur. Les mots utilisés lors des
campagnes de sensibilisation apeurent davantage les populations et pourrait
aggraver l’état de santé de certains malades. Le discours de violence et de
frayeurs utilisé en période de crise sanitaire doublée de crise sécuritaire est une
réalité. Par conséquent, la communication en période de crise doit tenir compte
des réalités des personnes souffrantes. Ainsi, les signifiants utilisés doivent
atténuer les souffrances des patients au lieu de semer une psychose. Des
signifiants tels couvre-feu, quarantaine, geste barrières, distanciation physique
(1m) mise en quarantaine, comorbidité, désinfection, test, confinement, etc.,
sont évocateurs. L’ensemble de ces signifiants impliquent la contrainte, la
résilience et la privation chez les populations. Comment l’on peut, en plus de la
maladie qui tue ; et vivre les réalités des signifiants violents. Cette situation de
peur est confirmée par un enquêté en ces termes :

48
On a appris à travers les médias la survenue de la maladie au Burkina. On a
tellement médiatisé le caractère dangereux de la maladie à tel point que cela fait
peur. La médiatisation est plus dangereuse que la maladie elle-même, car nous
n’avons pas encore vu un malade ici. Au début, les gens s’efforçaient à porter
les masques, mais de nos jours, il y a un relâche.

Il y a un relâche dans l’application des gestes barrières car les populations


ne croient pas à la présence de la maladie. En effet, pendant que les politiques
disent aux populations de respecter les mesures barrières, ces mêmes acteurs ont
des attitudes contraires, notamment à travers l’organisation des campagnes
électorales. Les populations trouvent qu’il est indécent d’imposer les mesures
barrières contre la covid 19 aux populations sans que les hommes politiques ne
se les imposent. Du coup, il y a un quiproquo entre les populations les acteurs
politiques ou les discours des hommes politiques. Ainsi, la perception de la
notion de Covid est perçue différemment selon les acteurs. Les hommes
politiques ont leur perception : la maladie est une réalité, mais elle n’empêche
pas d’organiser la campagne électorale. Les populations ne croient pas à
l’existence de la maladie car, elles n’ont pas des cas avérés de coronavirus. Cette
contradiction s’est illustrée à travers le décès d’une députée à l’Assemblée
nationale du Burkina que le Centre des opérations aux urgences sanitaires
(CORUS) affirme être décédée de coronavirus ; et pourtant la famille dément
cette annonce. Quelque temps après, le démenti de la famille, Le ministre de la
santé a présenté ses excuses publiquement dans le Courrier confidentiel, numéro
202 du 25 avril 2020, en disant ceci : « on m’a fait mentir à l’assemblée
nationale. » Cette communication sème le doute chez les populations. Parce
qu’il est impensable que le Ministre de la santé affirmât devant l’Assemblée
nationale que la députée soit décédée de coronavirus et que le domicile familial
avait été désinfecté, puis quelques jours après, elle se dédit tout en présentant ses
excuses aux populations.
En plus de cette communication non rassurante du gouvernement, le
Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (CORUS) dresse
chaque jour le nombre de cas suspects, des cas de contact, le taux de
comorbidité et les gestes à observer. Ce rappel quotidien traumatise les
personnes malades et sème une panique généralisée. La perception de la frayeur
se lit dans les discours et les propos des acteurs de la lutte contre la covid 19 à
travers le point de presse que fait le CORUS chaque soir les chaines des
télévisions du Burkina. C’est dans ce sens, le 27 mars 2020 pendant le point de
presse, Martial Ouédraogo, coordonnateur national du CORUS reconnaissait
qu’«il y a un abus de sollicitations lié à la psychose ». Cette reconnaissance n’a
pas empêché une révision de la communication, ni la suspension de la
publication journalière des communiqués relatifs à la covid19.

49
La psychose suscitée par la maladie et les difficultés de prise en charge des
malades ont eu pour conséquence une réticence au sein de la population à
prendre contact avec le CORUS. Le recours aux soins de santé demeure
globalement faible et les représentations sur la pandémie ont contribué à
exacerber cette situation. (KOBIANE et al. 2020, p.7)

Il est évident que la fréquence des communiqués sur la comorbidité, le


nombre de cas contacts, le nombre de cas suspects et les rappels des gestes
barrières sont des messages qui entrainent la frayeur chez les Burkinabè. La
fréquence des messages diffusés dans les médias sur la maladie à coronavirus
hantait la vie des Burkinabè. Cette forme de communication est contre-
productive car, elle n’encourage pas les malades à se rendre dans les centres de
prise en charge de la maladie. La terreur des mots contenue dans les différents
communiqués constitue un obstacle majeur à l’acceptation de l’existence de la
maladie. En plus des communiqués, il y a les privations des libertés individuelles
et collectives qui se matérialisent par les quarantaines des villes, le couvre-feu, les
distanciations sociales. De plus, les signes indiquant les manifestations de ladite
maladie sont similaires à plusieurs maladies existantes bénignes connues des
populations. Ces similarités entre les signes de la covid et celles des maladies
comme la toux, le rhume, le paludisme font que les patients ne sont pas situés
de la maladie qu’ils manifestent. Parce que ce qu’ils ont la peur de se rendre à
l’hôpital de peur qu’ils ne soient déclarés malade de la covid 19.
En outre, ces mesures privatives verbales et pragmatiques de la part de
l’autorité contre les populations des grandes villes du Burkina montrent à
souhait le désaccord entre les gouvernés et les gouvernants sur la pandémie de la
covid 19. Le discours politiques est en déphasage des réalités sociales. Les
mesures de privation des libertés et de restriction sont entre autres :
- l’interdiction de tout regroupement de plus de 50 personnes ;
- les mesures de restrictions concernant les débits de boissons, les salles de
cinéma, de jeux et de spectacles, les marchés et yaars, les restaurants,
seront prises par les autorités compétentes ;
- l’instauration d’un couvre-feu de 19 h 00 à 5h 00 du matin, sur toute
l’étendue du territoire, pour compter du 21 mars 2020 à l’exception des
personnels sous astreintes. (Roch Marc Christian KABORE, 20 mars
2020)
Pour les mesures à observer, le Président du Burkina a précisé ceci :
- de ne pas se serrer les mains ;
- de ne pas s’embrasser ;
- de se laver régulièrement les mains au savon ;
- d’observer la mesure de distance d’un mètre au moins ;
- d’éviter les regroupements ;

50
- de limiter nos déplacements et sorties ;
- de porter des cache-nez. (Roch Marc Christian KABORE, 20 mars
2020)
Les recommandations du Président Roch Marc Christian KABORE sont
contradictoires aux pratiques. L’image ci-dessous montre qu’aucune disposition
n’est prise pour les électeurs le jour des élections présidentielles et législatives du
22 novembre 2020. Ils ont voté sans cache-nez et les regroupements ne devant
pas excéder cinquante personnes n’ont pas été respectés. Plusieurs médias ont
critiqué le fait que les gestes barrières n’ont été respectés ce qui pourrait
entrainer une recrudescence de la maladie à coronavirus.

Au plan éthotique, le discours du président du Faso s’apparente à celui


d’une personne acculée, essoufflée qui s’exprime, car la mise en quarantaine des
villes ou villages où l’on enregistre un cas de personne atteinte de corona virus,
les fermetures des marchés et la limitation des déplacements des populations
exigent des mesures d’accompagnement pratiques et pragmatiques. Et pourtant,
cette communication n’est pas accompagnée du point de vue pragmatique tout
comme communicationnel. L’affiche ci-dessous donne une illustration desdits
communiqués journaliers.

51
1.1. De la contradiction du discours et les actes
La praxis recommande que les actes langagiers soient en conformité avec
les pratiques pour que l’énoncé soit en phase avec l’énonciation. Toute chose
qui est contraire dans les discours de sensibilisation contre la maladie à
coronavirus. Cette pratique contradictoire met en doute la réalité chez les
populations :
Les gens ont regardé dans le rétroviseur (faire référence au passé) et ; si vous
sortez aujourd'hui parler de gestes barrières, on va vous dire, il y a eu élection
présidentielle ici, les autorités sont venues rassembler les gens, il n’y a rien eu.

52
Les politiciens ont rempli des salles, ils ont rempli des marchés et autres sans
tenir compte des gestes barrières, ni de coronavirus. (Propos d’un enquêté)

Au regard de cette déclaration, l’on est à même de se demander si les


mesures barrières n’expriment-ils pas l’idée du deux poids deux mesures. En
effet, il y a que le discours du politique exige les mesures barrières, tout en
autorisant une campagne électorale sans l’éradication de la maladie. Si la maladie
était une réalité, l’organisation de la campagne électorale pouvait être repoussée
à la fin de la pandémie, car c’est parce qu’il y a des populations saines que l’on
peut organiser les élections.
Avant la campagne électorale, des directives de respect des mesures barrières
ont été données aux partis politiques. Et actuellement nous faisons un
monitorage pour voir s’il y aura un rebond de la maladie dans les deux à trois
semaines à venir. (Brice BICABA, Coordonnateur du comité sectoriel du
CORUS)
Ces propos du coordonnateur montrent également que le gouvernement
n’était prêt à reporter les élections malgré la présence du coronavirus. Dans ce
contexte de communication qui recommande les gestes barrières, le non
regroupement au-delà de cinquante personnes, les quarantaines dans les villes, il
y a une communication qui sème la peur et la terreur chez les populations. Les
politiques ne veulent-ils pas utiliser la communication pour faire accepter l’idée
de la maladie
La communication aura été sacrée aune à laquelle mesurer la puissance d’un
peuple, son bien-être social, sa prospérité, sa civilisation et le degré de liberté
civile et politique qu'il a atteint : Dans nos temps modernes, les nations les
plus libres et les plus civilisées, c’est-à-dire la France, l'Angleterre la Belgique, la
Hollande, l'Allemagne et les Etats-Unis, sont aussi celles qui possèdent les
meilleures voies de communication. (MATTELART, 2011, p.70)
MATTELART A. voudrait montrer la force de la communication dans
le faire-faire ; c’est-à-dire, à faire adhérer les opinions. La communication peut
aussi avoir des vertus thérapeutiques, car elle soulage psychologiquement les
patients.
1.2. Le discours tue que la maladie
Le discours sur la covid 19 tue plus que la maladie. Les répétitions des
gestes barrières entrainent une distanciation sociale entre les membres de la
société burkinabè.
Il faut rappeler aux gens que le respect des mesures barrières à savoir le port du
masque, le lavage des mains au savon, l’usage du gel hydro-alcoolique, la
distanciation sociale sont les meilleures précautions à prendre pour lutter
contre la COVID-19. (Dr Brice BICABA, Coordonnateur du comité sectoriel
CORUS, du 27 novembre 2020)

53
Les pratique telles que l’isolement des malades des membres de la famille
entraine une psychose dans la mesure où, en plus des soins, le malade a besoin
de réconfort avec les membres de sa famille. Le mot isolement, dans le cadre de
la covid est mis en pratique dans les hôpitaux, car des espaces sont aménagés
pour accueillir les malades atteints de covid ou supposés. Le discours utilisé lors
des compagnes de sensibilisation sur la maladie à corona virus diffuse de la peur
auprès des populations. Le mot terreur est issu du latin « terror » ou « terroris »
qui incite à la violence, la peur, la crainte et l’effroi. Ce mot entraine un dérivé
dans ce XXI e un concept d’actualité qui est le terrorisme. Cette terreur dans la
communication du Gouvernement avait des incohérences et des contradictions.
La communication de crise est une composante capitale dans la gestion des
épidémies. Dans le cadre de la pandémie à COVID-19, plusieurs canaux de
communication ont été utilisés incluant les média publics et privés ainsi que les
réseaux sociaux. Une communication gouvernementale à travers des points de
presse, d’abord journaliers, puis hebdomadaires, afin d’informer les
populations sur l’évolution de la maladie a été instituée. Cependant, celles-ci
ont parfois été des occasions de contradictions et d’incohérence dans les
messages. Pour preuve, au début de la pandémie, un coordinateur annonçait
que l’usage des masques faciaux n’était utile que pour les personnes
contaminées. Cette mesure de port du cache-nez sera finalement adoptée
quelques semaines plus tard comme le « gold standard » en plus de la
distanciation sociale. (KOBIANE et al., 2020, p. 37)

Les gestes barrières sont celles qui permettent de limiter la propagation


du virus. Le terme de gestes barrières exige, en lui-même, la contrainte. Il s’agit
d’un mot composé (nom +nom). Gestes (masculin pluriel,) différent de gestes
(féminin pluriel qui signifie exploit) renvoie : au mouvement (du corps), à
l’attitude et à la manière. Quant au mot barrière, il renvoie à : un obstacle, une
difficulté, un empêchement, une borne, une séparation, une limite. Les gestes
barrières constituent un ensemble de mesures. Quiconque parle de mesures,
parle d’obligations, de contraintes. Toute chose qui oblige le sujet à changer
d’attitudes afin de pouvoir se soumettre auxdites mesures. Ces gestes barrières
peuvent renvoyer au champ sémantique de l’isolement. Il s’agit de :
- distanciation physique de 1m ;
- l’isolement des malades ;
- ne pas se serrer les mains ;
- ne plus s’embrasser ;
- mise en quarantaine ;
- couvre-feu.

54
Dans les mœurs africaines, l’isolement en contexte de pandémie constitue
une terreur, car dans un contexte de maladie, le malade a besoin d’un
accompagnement psychologique de la part du personnel soignant, mais aussi
de sa famille. Pour cela, il ne devrait pas y avoir de distanciation car cela est le
signe de manque de chaleur humaine. La chaleur entre un malade et ses
proches se matérialise souvent à travers des actes telles les embrassades, les
poignées de mains, ce qui est contraire aux mesures édictées. Pour vérifier le
respect de la distanciation, un enquêté répond en ces termes :
Oui, oui bien sûr, les distances d’un mètre ou distanciation sociale là, les gens
s'en foutent s'ils ont des activités, ils se coincent et puis ils font leurs activités
et puis ils continuent leur chemin. Vous mettez un dispositif de lave-mains, les
gens contournent ça.

Pour ce qui est de la quarantaine et du couvre-feu, ils sont des mesures


coercitives qui ne facilitent pas la liberté de se déplacer. Le couvre-feu était
instauré de dix-neuf heures (19h) à cinq heures (5h) du matin. Cela voudrait
dire que les populations étaient obligées de rester chez elles pendant cette
période. En plus de la hantise de la maladie, il y a la contrainte de rester chez
soi à l’heure du couvre-feu. Cette situation plonge davantage les populations
dans la peur et le stress. Le non-respect des mesures du couvre-feu a couté des
sévices corporels à certains citoyens, car ils ont été bastonnés par les services
de sécurité. Cette situation est la preuve que la violence verbale s’est
matérialisée par la violence physique.
Quant à la quarantaine, elle été appliquée dans certaines villes. En effet,
lors du point de presse du Conseil des ministres du 26 mars 2020, le Porte-
parole du gouvernement, Ministre de la communication, Remis Fulgance
DANDJINOU avait déclaré l’état d’alerte sanitaire concernant huit (08)
villes à partir du 27 avril 2020 à cinq heures. Il précise :« Personne ne rentre,
ni ne sort des villes qui sont concernées. Personne ne rentre ni par cheval, ni
par véhicule, ni par vélo. Personne ne rentre, personne ne sort.”. Il ajoute :
« Les Forces de défense et de sécurité ont été invitées à faire appliquer de
manière ferme cette mesure »
Les villes mises en quarantaine étaient : Ouagadougou, Bobo Dioulasso,
Boromo, Dédougou, Houndé, Banfora, Manga et Zorgho. Toute cette
communication marquée par les actes a constitué des preuves d’une violence
exercée sur les populations.

1.3. Des gestes d’hygiène mortifère


Les gestes hygiéniques édictés par les acteurs du corps médical étaient
devenus insupportables aux yeux des populations. Ces mesures sont entre
autres :

55
- Se laver les mains ;
- Porter le cache-nez ;
- Se désinfecter les mains à l’aide du gel hydro-alcoolique ;
- Désinfecter les habits et/ou les habitats des cas contact.
Se laver les mains est une bonne chose, car il est généralement précédé de
manger en Afrique, mais quand, il s’agit de se laver les mains régulièrement après
avoir touché le volant de sa voiture ou après toute course, cela devient
contraignant. Il est de même pour l’usage du gel hydro-alcoolique que chaque
sujet devrait avoir pour se désinfecter les mains à défaut de se les laver au savon.
C’est en réaction un interlocuteur affirme : « à l'heure-là, moi je n'ai pas mangé
et toi tu me parles de laver mes mains ».
Le coronavirus se propage à travers le vent pour cela le port du cache-nez
est obligatoire. Le fait de l’avoir dans ses habitudes complique l’usage du cache-
nez car il étouffe souvent les porteurs. « Mais…les gens veulent à manger, vous
parlez de cache-nez (rire), cache-nez là, ça c'est le luxe », ces propos d’un
enquêté montre à souhait le fait que le port du cache-nez est relégué au second
rang. Parce que la faim préoccupe plus les citoyens burkinabè que la protection
contre la covid 19. De même, il est difficile de parler avec celui-ci. Dans les
habitus des Burkinabè, se laver les mains est suivi de manger ou de les
désinfecter. Mais quand, il s’agit de les laver régulièrement sans manger, il
devient une contrainte qui dérègle les habitus.
Le message au début, c’était qu’il y a une nouvelle maladie qui est là qu'on
appelle Coronavirus. Il s’agissait de présenter la dangerosité de la maladie, ces
effets, son mode de contamination et sa propagation. Ainsi, des mesures
gouvernementales été prises afin que chacun puisse se protéger et protéger sa
famille. Elles étaient entre autres : se laver régulièrement les mains, utiliser le
gel hydro-alcoolique, observer une distanciation, tousser dans le coude, etc.
(propos d’un membre des OSC).

1 .4. De la perception de la covid


La perception est la conception mentale d’une réalité abstraite ou réelle.
Elle renvoie à la notion de représentation qui est « l’apparition d’une image
verbale mentale chez le locuteur. » (J. Dubois et al., 2007 : 410)
Pour certaines personnes, la maladie à coronavirus est imaginaire et ne
s’attaque qu’aux personnes nanties assises dans les bureaux climatisés. Cette
compréhension est perçue car à la question de savoir si les enquêtés croient à
l’existence de ladite maladie, la réponse fut ainsi :
En ville, ici, souvent les gens disent que c'est la maladie des riches, ceux qui
sont plus à l'aise avec les climes(climatiseurs), le véhicule est climé (climatisé),
la maison est climée (climatisée) ils se disent que c'est eux qui sont les plus
exposés que ceux qui roulent sur le soleil.

56
La population a des doutes sur l’existence de la maladie. Cette situation
se matérialise à travers les propos d’un agent de santé communautaire au sujet
du doute des population :
Parce qu'ils disent qu'ils n'ont jamais vu quelqu'un qui souffre de ça
(coronavirus). Par exemple si je prends le cas de Kaya ici, les gens n'ont pas
encore vu ni entendu qu’une personne souffre de la maladie. Alors que
l'africain quand il ne voit pas, c'est difficile pour lui de croire.

Les apparences de la maladie à coronavirus à travers ses effets et


manifestations tels que la fièvre, la toux, les maux de tête et le rhume font qu’il
est considéré comme une maladie bénigne. Le rhume, le mal de tête, et la
pulmonie sont des maladies connues des populations du Burkina. Elles ne
considèrent pas ces maladies comme dangereuses. Dans la langue moré, elles
sont désignées respectivement de fonré [fƆ͂re] (la toux et de konsgo[kƆ͂sgo] (la
pulmonie).
Elles (les populations) parlent couramment de toux chronique, pour elles,
ce n’est pas une maladie aussi dangereuse que ça. Le fonré et konsogo en
moré sont des maladies auxquelles on est habitué, si tu présentes ces signes,
le traitement se fait traditionnellement à travers l’indigénat. (ONG Alima,
avril 2021)

1.5. La terreur des mots aux états effrayants


Les mots qui sont utilisés dans les discours sur la covid19 par les acteurs
politiques traduisent de la frayeur chez les populations. Ils apparaissent
régulièrement dans le compte rendu du Centre des opérations de réponse aux
urgences sanitaires journaliers. Il s’agit de :
- comorbidité ;
- désinfection ;
- test de cas suspects ;
- test de cas contacts ;
- total de décès ;
- total de cas confirmés ;
- transmission communautaire.
Ces termes ci-dessus et mots reviennent régulièrement dans la
communication des acteurs politiques dans leurs campagnes de sensibilisation
sur la covid 19. Ils renvoient au champ sémantique de la terreur. Dans la
terreur, l’on a le sème de la mort qui se matérialise par les mots : décès et
comorbidité. Les composés de test de cas suspects, test de cas contacts et de cas
confirmés renvoient au champ sémantique de la peur. En effet, dans la
conception générale des populations, lorsque l’on parle de test, l’on fait
automatique référence au test de pistage du VIH/SIDA qui a longtemps
traumatisé les consciences collectives.
57
Pour ce qui est du terme de transmission communautaire, il, relève du
champ sémantique de l’isolement qui a un lien étroit avec le champ sémantique
de la terreur. La transmission communautaire insinue que les personnes
contaminées étaient dans un regroupement communautaire : meeting, prière,
funérailles, lieu de réjouissances. Cela voudrait, de façon implicite, inviter les
populations à se départir de des différents regroupements. Du coup, il s’agit
d’un isolement qui peut entrainer des chocs psychologiques chez les
populations. L’isolement aussi se matérialise à travers certains états qui sont
assimilables aux signes de la maladie à coronavirus. Il s’agit : de la toux, du
rhume, des maux de tête, de la fièvre. En effet, ces états d’un sujet l’indisposent à
ne pas vouloir avoir des contacts avec son entourage, car craignant de le
contaminer. Or le fait d’être dans ces états ne signifie pas forcément que l’on est
déjà contaminé. Mais, la communication tous azimuts sur ces différents effets et
manifestations de la maladie, sans explications expose les populations à
l’isolement et au stress.

Conclusion

La communication sur maladie à coronavirus au Burkina Faso a fait plus


de mort que la maladie n’en a fait. Les discours publics ont entrainé la psychose.
Les signifiants utilisés sont violents. Ils ne rassurent pas les populations. Le
refus de croire de la population à l’existence de la maladie au Burkina pourrait
être juste, car depuis la crise opposant la Russie à l’Ukraine l’Occident parle
moins de coronavirus. Pourtant, aucun État n’a déclaré la fin de la maladie.
Mieux certains états interdiraient aux personnes vaccinées contre la covid19
d’être donneur de sang. Au regard des contradictions sur la maladie à
coronavirus, l’on pourrait se demander si les doutes des populations burkinabè
n’étaient-il pas légitimes, puisque le coronavirus était plus une maladie
médiatisée. La surmédiatisation de la maladie, laisse apparaitre une volonté
mondiale de traumatiser les populations, mais aussi une reconstruction du
monde.

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58
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FAUCHER, M., CHEVRIER, A., GAGNON, C., BÉLAND A… CORBEIL
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KOBIANE, Jean-François, et al. « Les inégalités au Burkina Faso à l’aune de la
Pandémie de la COVID-19 : quelques réflexions prospectives »,
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pp. 1-72.
LIBAERT, T. (2014). Introduction à la communication, Paris, Dunod
LIBAERT T. (2020). La communication de crise, Paris, Dunod
MARCELLESI, J.-B,. GARDIN, B. (1974). Introduction à la sociolinguistique. La
linguistique sociale, Paris, Larousse.
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Mardaga, Liège. (2e édition)
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NEVEU Franck (2004). Dictionnaire des sciences du langage, Paris, Armand
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NEVEU, F. (2009). Lexique des notions linguistiques, Paris, Armand Colin (2e
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fondamentales, Les Presses de l’Université de Montréal.
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Perceptions Des acteurs de la filière des ordures ménagères à Ouagadougou
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https://www.sig.gov.bf/actualites/details?tx_news_pi1%5Baction%5D=deta
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2023)
Lefaso.net du 23 novembre 2020 https://lefaso.net/spip.php?article100965 (14.
juillet 2023).

59
IV. Contributions pédagogiques et didactiques de l’alternance des langues
au Cours préparatoire dans le contexte de COVID-19
Youssoufou OUEDRAOGO
Université Nazi BONI
[email protected]

60
Contributions pédagogiques et didactiques de l’alternance des langues au Cours
préparatoire dans le contexte de COVID-19
Résumé
L’une des faiblesses du système éducatif classique en Afrique demeure son monolinguisme
« le tout en français ». Pourtant, la majorité des apprenants arrivent au Cours préparatoire
(CP) avec comme moyen de communication, leur langue maternelle. Ces apprenants
évoluent donc dans une situation de discontinuité linguistique. En situation de COVID-19,
l’enseignement-apprentissage est parfois assuré à distance, et surtout en français.
L’opportunité pour l’élève d’entendre les significations de certains termes français dans sa
langue maternelle reste quasi absente. Or, l’alternance des langues apporte une plus-value au
niveau pédagogique et didactique dans l’enseignement-apprentissage des Exercices
d’observation au CP. Cette étude se propose d’analyser les contributions pédagogiques et
didactiques de la pratique de l’alternance des langues dans l’enseignement- apprentissage de
cette discipline dans le cadre de l’enseignement à distance suscité par la crise sanitaire de la
COVID-19. Elle s’inscrit dans l’approche sociodidactique s’appuyant sur des séquences
pédagogiques enregistrées et retranscrites au logiciel CLAN et un questionnaire adressé aux
enseignants du cours préparatoire.

Mots-clés : Alternance des langues- COVID-19. - école classique- sociodidactique- plus-


value.

Abstract
One of the weaknesses of the classical education system in Africa stays its monolingualism
« all in French ». However, the majority of pupils arrive at the First Grade with their
mother language as a means of communication. These learners therefore evolve in a situation
of linguistic discontinuity. In a COVID-19 situation, teaching and learning is sometimes
provided at a distance, and especially in French. The opportunity for the learners to hear the
meaning of some french terms in his mother language is almost absent. However, the code
switching brings added value at the pedagogical and didactic level in the teaching-learning of
Observation physical exercises at First Grade. This study aims to analyze the educational
and didactic contribution of the practice of code swiching in the teaching and learning of
this discipline in the context of distance education caused by the health crisis of COVID-
19. It is part of the sociodidactic approach based on teaching sequences recorded and
transcribed in the CLAN software and a questionnaire sent to the teachers of First Grade.

Keywords: Code Switching, COVID-19, Classical School, Sociodidactic, Added Value.

61
Introduction

Ancienne colonie française, le Burkina Faso présente « un contexte


sociolinguistique complexe » A. NAPON (1998). En effet, en plus du français
coexistent cinquante- neuf (59) langues nationales M.L. SANOGO (2002 :
207). Son système éducatif classique hérité toujours de la puissance coloniale
conserve l’hégémonie de la langue française. Les langues nationales quant à elles
jouent un second rôle dans l’éducation bilingue et l’éducation non formelle. En
effet, le système éducatif africain en général et celui du Sénégal est décrit par M.
DAFF (1990 : 151) en ces termes : « Les manuels didactiques disponibles sont
en général une pâle copie de ce qu’on retrouve en France. Les progressions sont
très rigoureusement identiques à celles destinées aux français Lm1 ». En vérité,
les intrants (programmes, méthodes, techniques, procédés, etc.) des systèmes
éducatifs africains francophones de façon générale et burkinabè de façon
spécifique ne sont que le reflet de ceux de la France.
Pourtant, c’est dans ces conditions que l’écolier burkinabè doit, dès l’âge
de 6 ans, accéder au Cours préparatoire pour recevoir un enseignement
uniquement dans la langue française. Pour la majorité d’entre eux, c’est le
premier contact avec une seconde langue après l’une des langues nationales qui
se trouve être sa langue maternelle. Dépourvus d’un bagage linguistique en
français, la plupart des écoliers burkinabè doivent désormais acquérir le savoir
dans cette langue étrangère ; d’où le recours à la pratique de l’alternance des
langues au Cours préparatoire par les enseignants et les apprenants.
L’alternance des langues ou l’alternance codique selon J. F. HAMERS et
M. BLANC (1983 : 445) est : « une stratégie de communication utilisée par
des locuteurs bilingues entre eux ; cette stratégie consiste à faire alterner des
unités de longueur variable de deux ou plusieurs codes à l’intérieur d’une même
interaction verbale ». Ainsi, au cours préparatoire dans les écoles classiques au
Burkina Faso, si les enseignants sont considérés comme des bilingues parfaits car
maitrisant la langue française et au moins une langue nationale, les apprenants
en revanche, sont assimilés à des bilingues virtuels ou des bilingues en devenir.
Par ailleurs, le contexte de la pandémie de COVID-19 ayant entrainé la
fermeture des établissements d’enseignement, le gouvernement burkinabè a initié
en avril 2020, l’enseignement à distance au profit des apprenants afin d’assurer
la continuité éducative. Dans l’axe 1 de son plan de réponse pour la continuité
éducative, le Ministère de l’Éducation nationale de l’Alphabétisation et de la
Promotion des Langues nationales (MENAPLN) a envisagé l’utilisation des
Technologies de l’information et de la communication en éducation (TICE).
Cette initiative avait pour objectif de « prendre en compte les conditions
1
Langue maternelle

62
d’accessibilité, d’équité et d’inclusion. Tous les canaux appropriés de diffusion
seront mis à profit et des stratégies seront développées pour atteindre le
maximum d’élèves/apprenants, tant en milieu rural qu’en milieu urbain ».
Ainsi, l’objectif poursuivi à travers cette étude est d’analyser les
contributions pédagogiques et didactiques liées à la pratique de l’alternance des
langues dans l’enseignement- apprentissage des Exercices d’observation au Cours
préparatoire dans le cadre de l’enseignement à distance suscité par la crise
sanitaire de la COVID-19. La présente étude s’articule autour des points
suivants : la problématique, le cadre théorique et méthodologique, les résultats
et la discussion.

1. Problématique
La COVID-19 découverte en novembre 2019 à Wuhan en Chine a été
déclarée comme une pandémie le 11 mars 2020 par l’Organisation mondiale de
la Santé (OMS). Au regard de ses effets dévastateurs occasionnant des milliers2
de morts sur le plan mondial à cette date, « la majorité des pays du monde ont
décrété le confinement, soit total, soit partiel » L. O. OGUNTOLA et al.
(2020 : 32). La fermeture des établissements d’enseignement (primaires,
secondaires et supérieurs) était un impératif pour faire face à la propagation du
coronavirus. Le système éducatif dans son ensemble se trouve alors bouleversé et
est contraint à se réorganiser pour s’adapter à la nouvelle donne mondiale.
Afin d’assurer la continuité éducative, le Burkina Faso, à l’instar des
autres pays du monde, va recourir aux TICE. C’est le début d’une
expérimentation de l’enseignement à distance jusque-là, réservé à l’enseignement
supérieur. D’ailleurs, selon L. O. OGUNTOLA et al. (op.cit. : 32), l’histoire de
l’enseignement à distance remonte au XIXe siècle à l’Université de Londres avec
les cours par correspondance véhiculés par la poste aux personnes incapables de
s’inscrire dans les universités conventionnelles. Pour le cas spécifique du Burkina
Faso, la radio et la télévision ont été mises à contribution pour dispenser les
cours au profit des élèves du primaire, du post-primaire et du secondaire.
Pourtant dans le sous-cycle préparatoire de l’école primaire, il est
important de relever que les situations d’enseignement- apprentissage ne sont
pas exemptes du phénomène d’alternance des langues. À cet effet, notent B.
KABORE et Y. OUEDRAOGO (2020 : 213) « la pratique de l’alternance des
langues dans le processus d’enseignement-apprentissage au Cours préparatoire
concerne aussi bien les aspects pédagogiques que les aspects didactiques ; par

2
A la date du 11 mars 2020 : 121 000 cas recensés dans le monde selon www.lesechos.fr et 4 200 morts
selon www.la-croix.com
A la date du 20 janvier 2021 : la pandémie de la covid-19 a fait au moins 2.031 048 morts dans le monde
depuis sa découverte en chine en 2019 selon www.lesechos.fr

63
conséquent, cette pratique constitue à la fois une stratégie pédagogique et
didactique ». Les enseignants se trouvent donc confrontés à la gestion de la
langue des apprenants et celle de l’enseignement au cours des interactions
pédagogiques et didactiques. Ce qui nous amène à poser les deux questions
suivantes : la pratique de l’alternance des langues est-elle prise en compte dans le
cadre de l’enseignement à distance en contexte de la pandémie de COVID-19 ?
Quel est l’apport de la pratique de l’alternance des langues dans le processus
d’enseignement- apprentissage des Exercices d’observation au CP dans le
contexte de la COVID-19 ? Au regard des questions posées, nous émettons les
hypothèses ci-après :
- la pratique de l’alternance des langues est marginale dans l’enseignement-
apprentissage des Exercices d’observation au cours préparatoire dans le
contexte de la COVID-19 ;
- la pratique de l’alternance des langues apporte une plus-value aux niveaux
pédagogique et didactique dans l’enseignement-apprentissage des
Exercices d’observation au cours préparatoire.
Dans cette étude, nous cherchons à analyser les contributions
pédagogiques et didactiques de la pratique de l’alternance des langues dans
l’enseignement- apprentissage des Exercices d’observation au Cours préparatoire
dans le cadre de l’enseignement à distance suscité par la crise sanitaire de la
COVID-19.

2. Cadre théorique et méthodologique


Notre étude s’inscrit dans l’approche sociodidactique. Pour Z.
MEKSEM (2018), la sociodidactique est une approche récente qui tente
d’articuler la sociolinguistique et la didactique afin de permettre un
enseignement d’une langue, d’une manière contextualisée. Celui-ci note
également que cette approche a pour initiateurs M. DABENE et M. RISPAIL
(2008) qui pensent que ce courant a pris ses racines dans les années 1970.
Ainsi, dans l’approche sociodidactique, « le dispositif didactique, pour être
efficace, doit prendre en compte et intégrer les caractéristiques de son
environnement, du contexte didactique dans l'élaboration de l'enseignement-
apprentissage » indique D. LE GAL (2010 : 285). De ce point de vue,
l'adéquation au contexte socioculturel notamment la prise en compte de la
langue première des apprenants dès les premières années de la scolarisation est
déterminante pour la réussite de l'enseignement-apprentissage.
Par ailleurs, le corpus de cette étude repose d’une part, sur un
questionnaire adressé aux enseignants du Cours préparatoire et d’autre part, sur
l’observation et l’enregistrement audiovisuel des séquences pédagogiques. Ces
données ont été collectées au cours de nos enquêtes de terrain dans le mois de
novembre 2020 dans la Circonscription d’éducation de base de Yako II, dans la

64
Région du Nord au Burkina Faso. A cet effet, le questionnaire a été adressé à
soixante-quinze (75) enseignants titulaires du Cours préparatoire, au nombre
desquels vingt (20) hommes et cinquante-cinq (55) femmes. Trente-six (36)
d’entre eux sont des Instituteurs adjoints certifiés (IAC) et les trente-neuf (39)
autres sont des Instituteurs certifiés (IC). Leur ancienneté varie entre 2 et 17 ans
de service. Parmi eux, soixante-et-un (61) sont des enseignants des écoles situées
en milieu rural et les quatorze (14) autres sont en service dans des écoles
implantées dans la zone urbaine. Dans les classes tenues par ces enseignants, les
effectifs varient entre seize (16) et cent-trois (103) élèves. Les écoles des
enquêtés sont toutes situées dans la zone mooréphone. Les langues nationales
Moore, Dioula et Fulfulde constituent les trois principales langues véhiculaires
du Burkina Faso. Les enseignants ont été invités à se prononcer sur la prise en
compte de la pratique de l’alternance des langues dans le cadre de
l’enseignement à distance occasionné par la propagation de la pandémie de la
COVID-19.
En ce qui concerne les enregistrements audiovisuels, ils ont été effectués
au cours de la même période dans deux (02) classes du Cours préparatoire
deuxième année situées en milieu rural. Deux codes Yk2.bbl.obs.cp2 et
Yk2.sb.obs.cp2 ont été attribués à chaque séquence pédagogique enregistrée.
Ces codes indiquent la Circonscription d’éducation de base, le nom de l’école, la
discipline enregistrée et la classe. D’une durée de 47 mn 29 s, les séquences
pédagogiques ont été transcrites grâce au logiciel CLAN. Les passages en langue
nationale Moore ont subi deux types de traduction : une traduction littérale et
une traduction littéraire.

3. Résultats
3.1 Perception de la pratique de l’alternance des langues par les enseignants
dans le contexte de l’enseignement à distance
Les enseignants soumis à notre enquête par questionnaire ont été invités à
se prononcer sur leur propre pratique dans les classes au Cours préparatoire.
Ainsi, nous leur avons posé la question suivante : Pratiquez-vous l’alternance des
langues au Cours préparatoire durant l’enseignement-apprentissage des Exercices
d’observation. À cette question, tous les enseignants ont répondu par
l’affirmative. Pour ces intervenants, la pratique de l’alternance des langues leur
permet d’atteindre les objectifs de l’enseignement-apprentissage en Exercices
d’observation au cours préparatoire.
Cependant, face à la propagation de la COVID-19, l’OMS a
recommandé la fermeture des structures éducatives afin de contenir l’expansion
de cette pandémie. C’est ainsi qu’au Burkina Faso, les autorités éducatives ont
décidé de la fermeture de tous les établissements d’enseignement de mars à juin
2020. À la reprise des cours en juin, seules les classes d’examen des différents

65
ordres d’enseignement sont rouvertes. Les autres classes intermédiaires devraient
poursuivre l’enseignement-apprentissage à distance à travers les mécanismes mis
en place par le gouvernement. À cet effet, nous avons posé la question suivante
aux enseignants enquêtés : Dans le contexte de la COVID-19, il est question de
l’enseignement à distance, à travers quel canal, les apprenants reçoivent-ils les
cours à domicile ? Les réponses fournies sont présentées dans le tableau ci-
après :
Tableau : Les canaux de l’enseignement à distance dans le contexte de la COVID-19
Radio +
Canal Radio Télévision Total
Télévision
Nombre de
25 42 08 75
réponses
Pourcentage 33,33% 56% 10,66% 100%
Source : Enquête de terrain, novembre 2020.
Il ressort de l’étude que 56% des enseignants enquêtés affirment que les
apprenants reçoivent les cours à distance par l’intermédiaire de la télévision ;
33,33% de l’échantillon soutiennent aussi que les élèves apprennent par la radio.
De même, 10,66% des enseignants estiment que les élèves reçoivent les cours à
la fois par la radio et la télévision. D’une manière générale, l’enquête révèle que
la radio et la télévision sont les principaux canaux de l’enseignement à distance
dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. De façon spécifique, avec
l’avènement de la Télévision numérique terrestre (TNT) ayant entrainé la
multiplication des chaines de télévision, ce canal attire plus les apprenants
pendant les heures de diffusion des cours jusqu’au niveau des zones rurales ;
d’où le taux élevé (56%) de réponses enregistrées pour ce canal de diffusion de
cours. La radio, en revanche, devient de moins en moins écoutée par les
apprenants dans le contexte de la COVID-19 ; ce qui explique le taux de
33,33%.
Nous avons également voulu savoir si l’enseignement à distance dans le
contexte de la pandémie de la COVID-19 prend en compte la pratique de
l’alternance des langues. Nous avons alors formulé la question suivante : Dans
l’enseignement à distance, les enseignants alternent-ils les langues nationales et le
français au cours des leçons d’Exercices d’observation au CP ? À cette
préoccupation, tous les enseignants enquêtés estiment que l’enseignement à
distance initié dans le contexte de la COVID-19 ne prend pas en compte
l’alternance des langues. Les langues maternelles des apprenants, plus
précisément les langues nationales, sont ignorées au profit du français, langue
étrangère, mais aussi, langue d’enseignement. Ce qui confirme une fois de plus la

66
prépondérance de la langue française dans le système éducatif au Burkina Faso,
malgré son multilinguisme.
Par ailleurs, les enseignants soumis à l’enquête ont également été invités à
se prononcer sur l’apport de la pratique de l’alternance des langues dans le
processus d’enseignement-apprentissage des Exercices d’observation au Cours
préparatoire. Ainsi, ils devraient répondre à la question suivante : La pratique de
l’alternance des langues durant les leçons d’Exercices d’observation favorise-t-
elle un meilleur enseignement-apprentissage au cours préparatoire ? Tous les
enquêtés ont également répondu par l’affirmative. Et les justifications apportées
sont entre autres :
Au niveau pédagogique
À ce niveau, les raisons avancées sont :
- « Parce que l’enfant apprend mieux dans sa langue, le Moore étant
sa langue parlée, le rend participatif et du coup la leçon est bien
assimilée » ;
- « L’enfant arrive à mieux comprendre les leçons ce qui l’amène à
s’intéresser davantage aux apprentissages » ;
- « Les élèves ne comprennent pas la langue française dès le Cours
préparatoire première année, la langue maternelle des élèves
favorise la communication entre l’élève et le maitre »
- « Au CP, l’enfant ne maitrise pas bien la langue française donc, il
faut souvent alterner les langues pour amener l’enfant à te
comprendre, à te suivre et à répondre aux différentes questions que
tu lui poses ».

Au niveau didactique
En ce qui concerne le niveau didactique, les raisons avancées sont :
- « Dans les zones rurales, les enfants ne comprennent que leurs
langues maternelles, donc la pratique de l’alternance des langues
leur permet de comprendre vite les notions » ;
- « Elle facilite la compréhension des mots et des structures chez les
apprenants » ;
- « Parce qu’une notion comprise dans la langue maternelle est
facilement transposable en français et sera mieux acquise par
l’apprenant » ;
- « Elle permet aux élèves de comprendre les consignes et les
exécuter ».
De l’analyse des réponses des enquêtés, l’on remarque que la pratique de
l’alternance des langues a une incidence positive sur l’enseignement-
apprentissage des Exercices d’observation au Cours préparatoire. En effet, d’un
point de vue pédagogique, cette pratique permet non seulement d’attirer

67
l’attention des apprenants, de les motiver aux apprentissages, mais aussi,
d’accroitre leur participation aux activités d’enseignement-apprentissage des
Exercices d’observation.
Du point de vue didactique, il est important de relever que la plupart des
apprenants du cours préparatoire évoluent dans une situation de discontinuité
linguistique. En effet, leur langue maternelle n’est pas celle de l’école. Ils doivent
par conséquent, affronter les apprentissages dans la langue française, langue
étrangère, mais aussi, langue d’enseignement. Ainsi, la pratique de l’alternance
des langues durant les leçons d’Exercices d’observation contribue à accroitre la
compréhension des notions et des consignes. Aussi, cette pratique favorise-t-elle
le transfert des apprentissages de la langue maternelle vers le français et vice-
versa.

2.1. Pratique de l’alternance des langues dans les classes du Cours


préparatoire
Pour illustrer les enjeux de la pratique de l’alternance des langues au cours
préparatoire, nous avons pris trois (03) exemples dans chaque contexte :
pédagogique et didactique.

2.1.1. Pratique de l’alternance des langues au niveau pédagogique


Au niveau pédagogique, la pratique de l’alternance des langues permet de:

- Motiver les apprenants


Au cours de la leçon d’Exercices d’observation ci-dessous, pour motiver
les apprenants, l’enseignant débute la conversation en français et la poursuit en
langue nationale Moore (L88-89)3 :
Exemple 1 : Extrait de la séance Yk2.sb.obs.cp2
88 *: Donc on va continuer d na leb n yãa bõn-yood a taab rũnda +
89 *: +n paase y wυmame ? Oui !
90 %litle4/nous/aller-prog/voir-
inacc/choses/autres/aujourd'hui/conj/ajouter-inacc/vous/entendre-
acc/
91%litre « Aujourd’hui nous allons voir une nouvelle leçon ».

- Attirer l’attention des apprenants


En Exercices d’observation, pendant l’étape de l’observation libre, les
apprenants sont amenés à manipuler les objets d’étude afin de mieux
appréhender les éléments constitutifs. Pour cela, ils doivent bien les observer
tout en se posant des questions. Dans l’extrait suivant tiré de la séance
3
La transcription grâce au logiciel CLAN est linéaire : L88-L89 signifie lignes 88 et 89 de la transcription
4
Traduction littérale

68
Yk2.sb.obs.cp2, l’enseignant invite les apprenants à mieux observer les éléments
à étudier. Il emploie ainsi les deux langues pour attirer leur attention (L94) :
Exemple 2 : Extrait de la séance Yk2.sb.obs.cp2
93 *: comment on appelle ça ?
94 *: amenez yãmb pa ne ?
95 %litle +/vous/nég/voir-inacc/
96 %litre "vous ne voyez pas ?".

- Inviter les apprenants à parler fort


Dans l’extrait suivant de la séance Yk2.bbl.obs.cp2 portant sur « Ce
qu’on voit en étant sur la colline », l’enseignant pose d’abord une question sur
une image portée au tableau dans les deux langues (L9). Ensuite, un apprenant
lève le doigt « moi » et répond faiblement. Enfin, pour l’inviter à parler fort,
l’enseignant alterne le français et la langue moore (L12). Ce qui va amener
l’apprenant à donner sa réponse à haute voix « Tãnga » (L15) qui signifie «
colline » :
Exemple 23 : Extrait de la séance Yk2.bbl.obs.cp2
9 *: ça ressemble à quoi ? A wõnda bõe ?
12 *: Moi ! Je n'entends pas tɩ y gomd wυsgo.
13 %litle +/que/vous/parler-inacc/beaucoup/
14 %litre5"de parler fort".

2.1.2. Pratique de l’alternance des langues au niveau didactique


Au niveau didactique, la pratique de l’alternance des langues permet de :

- Donner des explications sur des notions


Dans l’extrait suivant de la séance Yk2.sb.obs.cp2, l’enseignant donne des
explications sur comment on obtient la calebasse. Ainsi, il débute l’explication
en français, puis il revient dans la langue Moore pour poursuivre l’explication :
Exemple 4 : Extrait de la séance Yk2.sb.obs.cp2
99 *: donc ça c'est une calebasse kalebasã yaa bõn-yook sẽn yaa tɩɩg wa
sẽn
100 bυtε, pa sẽn bυt sɩda ?
101 %litle +/calebasse/c'est/quelque
chose/qui/c'est/arbre/comme/que/semer -acc/
102 /nég/que/semer-acc/n'est-ce pas/
103 %litre "le calebassier est un arbre que l'on sème".

5
Traduction littéraire

69
- Traduire des mots
L’alternance des langues est également utilisée pour traduire certains mots
rencontrés dans le processus d’enseignement-apprentissage. Ainsi, dans l’extrait
suivant tiré de la séance Yk2.bbl.obs.cp2, l’enseignant indique à l’apprenant que
« kɩdga » en langue moore se dit « petit » en langue française. Il commence
alors la conversation en français et la termine en langue Moore :
Exemple 5 : Extrait de la séance Yk2.bbl.obs.cp2
201 *: ça peut aller tu répètes. Petit là en français pa sõmb le n yet tɩ
202 kɩdg ye, fo wυma rũnda daar ne français b yeelame +
203 *: +tɩ petit
204 %litle +/nég/devoir-acc/encore/dire-inacc/que/petit/nég/tu/entendre-
acc-prog/
205 /aujourd'hui/date/avec/français/on/que/petit/
206 %litre "On ne doit plus dire petit tu as appris cela aujourd'hui en français".

- Passer des consignes de travail


Pour passer parfois les consignes, les enseignants du cours préparatoire
pratiquent l’alternance des langues. Dans l’extrait suivant de la séance
Yk2.bbl.obs.cp2, l’enseignant invite les apprenants à effectuer un exercice de
triage d’objets. Ainsi, il débute la consigne en français et la termine en langue
Moore (L381-382-383) :
Exemple 6 : Extrait de la séance Yk2.bbl.obs.cp2
381 *: on va trier tout ce qui est en bois maam ne yãmba, tõnd na gesa ka n
382 Yãk bõn-yood wo bõn-yood sẽn maand ne raogo déposer la d rɩk sẽn pa
maand ne
383 raogã me n dɩgl kɩrɩnga
384 %litle +/moi/avec/vous/nous/aller-inacc/regarder/ici/conj/enlever-
inacc/objets/
385 /interj/objets/qui/faire-
acc/avec/bois/+/et/nous/prendre/qui/nég/faire/avec/bois/aussi/
386 /conj/poser/ à côté/
387 %litre « Nous allons trier et déposer d'un côté les objets en bois et d'un
388 autre côté les objets qui ne sont pas en bois ».
Au regard des exemples ci-dessus, l’on remarque que les enseignants ont
effectivement recours à la pratique de l’alternance des langues du point de vue
pédagogique et didactique dans l’enseignement-apprentissage des Exercices
d’observation au Cours préparatoire.

70
3. Discussion
De l’analyse des réponses du questionnaire et des séquences
pédagogiques, il ressort que la pratique de l’alternance des langues dans les
leçons d’Exercices d’observation semble être la règle au cours préparatoire. En
effet, devant la situation de communication exolingue à issue défavorable
particulièrement pour les apprenants, l’alternance des langues est « un
phénomène inévitable » indique E. RAFITOSON (1998 : 52). Autrement dit,
dans les activités pédagogiques et didactiques qui concourent à l’acquisition du
français et des savoirs disciplinaires, les enseignants et les élèves sont contraints
d’avoir recours à l’alternance des langues (langues nationales/français) à l’école
primaire classique, particulièrement dans les premières années de la scolarisation.
Cependant, dans l’enseignement à distance en contexte de COVID-19,
tous les enseignants du cours préparatoire soumis à l’enquête constatent la non
prise en compte de la pratique de l’alternance des langues durant les leçons des
Exercices d’observation. Dans le contexte de l'enseignement à distance,
soulignent E. I. EBELECHUKWU et al. (2020 : 17) : « l’affrontement
(physique et verbal) entre enseignant et apprenant devient impossible car tout se
passe à distance ». Cette situation se révèle être un handicap sur les plans
pédagogique et didactique au Cours préparatoire. Toutefois, nos enquêtes
auprès des enseignants du Cours préparatoire et l’analyse des séquences
pédagogiques révèlent que la pratique de l’alternance des langues permet
d’accroitre la participation des apprenants, car lorsque les activités
d’apprentissage se passent alternativement dans la langue de l’apprenant et le
français, celui-ci se sent concerné et devient actif durant le processus
d’enseignement-apprentissage. La pratique de l’alternance des langues favorise
donc les interactions entre les apprenants et l’enseignant. De même, cette
pratique courante dans le contexte scolaire multilingue, permet le transfert des
connaissances de la langue première de l’enfant vers le français et vice-versa.
C’est pourquoi nous convenons avec B. KABORE et Y. OUEDRAOGO
(2020 : 208) que l’alternance des langues, « Pratique informelle, l’alternance
codique constitue un sésame précieux dans le processus d’enseignement-
apprentissage, surtout au cours préparatoire où le processus de socialisation
langagière n’est pas achevé ». Au regard de ce qui précède, nous disons que la
pratique de l’alternance des langues apporte une plus-value aux niveaux
pédagogique et didactique dans l’enseignement-apprentissage des Exercices
d’observation au Cours préparatoire.

71
Conclusion

Dans cette étude, il s’est agi d’analyser les contributions pédagogiques et


didactiques de l’alternance des langues dans l’enseignement – apprentissage des
Exercices d’observation au Cours préparatoire dans le cadre de l’enseignement à
distance suscité par la crise sanitaire de la COVID-19. Nous l’avons inscrite
dans l’approche sociodidactique, une approche novatrice qui préconise la prise
en compte de l‘environnement socioculturel des apprenants, plus
particulièrement la langue maternelle dans le processus d'enseignement -
apprentissage. De cette étude, il ressort que l’enseignement-apprentissage des
Exercices d’observation dans le contexte de la COVID-19 ne prend pas en
compte la pratique de l’alternance du français/langues nationales. Cependant, à
travers les réponses des enquêtés et l’analyse des séquences pédagogiques, l’on
constate que cette pratique apporte une plus-value aux niveaux pédagogique et
didactique dans l’enseignement des Exercices d’observation au Cours
préparatoire de façon générale. Il revient alors aux autorités éducatives d’intégrer
la pratique de l’alternance des langues dans l’enseignement à distance des
Exercices d’observation tout en tenant compte des trois principales langues
véhiculaires du Burkina Faso que sont le Moore, le Dioula et le Fulfulde.

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73
V. L’Education comme Instrument de Communication de Crise : Cas du
Programme Access du Departement d’Etat Americain
Harrouna Malgoubri
Université Joseph Ki-Zerbo
[email protected]
[email protected]

74
L’Education comme Instrument de Communication de Crise : Cas du
Programme Access du Departement d’Etat Americain
Résumé
Au lendemain des attentats du 11-Septembre 2001, l’Administration Bush a lancé une
campagne de communication de crise pour accompagner son opération militaire de traque
des complices et soutiens des terroristes ayant frappé en plein cœur des Etats-Unis. Au titre
de cette communication, le secteur de l’éducation a été particulièrement pris en compte,
surtout avec le Programme Access dont les premiers récipiendaires au Burkina Faso ont été
recensés dans deux medersas, à savoir, l’Institut El Ilmi et la Medersa Salam à partir de
2004. Cette étude démontre qu’Access est un outil de communication de crise efficace car il
a contribué à améliorer considérablement l’image des Etats-Unis auprès des élèves et de leurs
familles en offrant de meilleures perspectives d’avenir pour des diplômés d’écoles coraniques
Access est donc un instrument de communication de crise que le Burkina Faso devrait
émuler car lui aussi fait face à une crise sécuritaire et humanitaire majeure où il conviendrait
d’associer des actions éducatives aux opérations militaires pour éradiquer définitivement le
terrorisme.

Mots clés : Terrorisme ; Crise ; Communication ; Programme Access ; Medersas ; Eleves.

Abstract
In the aftermath of the attacks of September 11, 2001, the Bush Administration launched a
crisis communication campaign along with its military operation to track down the
accomplices and supporters of the terrorists who struck in the heart of the United States.
Under this communication, the education sector represented a major aspect, especially with
the Access Program whose first recipients in Burkina Faso were taught in two medersas,
namely, the El Ilmi Institute and the Medersa Salam as of 2004. This study demonstrates
that Access is an effective crisis communication tool because it has helped improve the
image of the United States among students and their families by giving better life prospects
to Quranic school graduates. Access is therefore a crisis communication tool that Burkina
Faso should emulate because it too is facing a major security and humanitarian crisis where
educational actions should be combined with military operations to eradicate terrorism
forever

Keywords: Terrorism; Crisis; Communication; Access Program; Medersas; Students.

Introduction
Le Burkina Faso fait face aujourd’hui à une crise sécuritaire majeur depuis
2016. Depuis les premières attaques terroristes, le pays enregistre régulièrement
des actions de groupes terroristes contre les infrastructures et le personnel
représentatifs de l’existence d’un Etat. Ainsi, les infrastructures socio sanitaires
(écoles et centres de santé), les services de sécurité, les bureaux des représentants
de l’Etat et les biens prives sont subissent les assauts d’hommes aux desseins peu
connus. Le mode opératoire de ces individus consiste surtout à semer la terreur
parmi les populations civiles qui finissent par fuir leurs hameaux de culture,
villages et communes pour trouver refuge là où elles espèrent trouver un peu
75
quiétude. Le terrorisme a donc plongé le pays dans une crise sécuritaire et
humanitaire grave car il y a aujourd’hui près de deux millions de burkinabè qui
répondent au statut de Personnes déplacées internes (PDI).
Consciente que le tout militaire ne saurait produire des résultats durables,
le gouvernement a aussi recours à une communication de crise dont ils espèrent
inscrire les résultats dans la durée. C’est ainsi qu’était lancé en 2017, au
lendemain des premières attaques terroristes, le Programme d'Urgence pour le
Sahel au Burkina Faso (PUS-BF). Ce programme a surtout mis l’accent sur la
réalisation d’infrastructures publiques pour améliorer les conditions de vie des
populations d’une région jusque-là à la traine en matière d’investissements et
d’actions de développement. L’échec du PUS-BF comme outil de
communication de crise se mesure à son incapacité à empêcher l’aggravation de
la crise sécuritaire et humanitaire du pays. Nous recommandons donc que le
gouvernement burkinabè s’inspire du Programme Access, un élément de la
communication de crise de l’Administration du Président Georges W. Bush au
lendemain des attentats du 11 Septembre.
Le Programme Access a été mis lance des 2004 alors que les Etats-Unis
avaient engagé la traque des auteurs des attentats du 11-Septembre et leurs
soutiens a travers le monde. Alors que les théâtres d’intervention de l’armée
américaine se retrouvaient dans des pays musulmans, le Programme a été lance
dans ces pays en priorité. Nous en déduisons que l’Administration Bush
souhaitait rassurer les adeptes de cette foi qu’il n’était pas question de s’attaquer
à leur religion mais de retrouver et punir des criminels internationaux.
Le peuple burkinabè a toujours bénéficié du Programme Access à travers
certaines de ses écoles à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et
Koudougou. Les élèves bénéficiaires du Programme reçoivent des appuis pour
renforcer leurs capacités en anglais ainsi que leur employabilité. Depuis
l’ouverture de sa première classe à l’Institut El Il Ilmi de Ouagadougou en 2004,
Access s’est étendu a plusieurs écoles dans plusieurs villes et a déjà forme des
milliers de filles et garçons issus des medersas et du système classique du
Burkina Faso. Au vu de l’élargissement du Programme dans notre pays, on peut
dire que le Programme Access est un excellent instrument de communication de
crise que notre gouvernement devrait s’approprier dans sa recherche de solutions
durables contre le terrorisme.

1. Revue de la littérature
Les medersas utilisent l’Arabe comme langue principale de formation des
apprenants mais elles n’en demeurent pas moins un maillon important du
système éducatif du Burkina Faso. Leur nombre et de leur contribution à l’offre
d’éducation font d’elles (Marc Pilon, 2004) mettent ces écoles au centre des
préoccupations des acteurs du Ministère en charge de l’éducation nationale et de

76
la promotion des langue nationales (MENAPLN). En témoigne la multiplicité
des mémoires de fin de formation que consacrent les personnels cadres de ce
ministère à un aspect ou l’autre de l’enseignement dans les écoles franco-arabes.
La plupart des productions portent sur la question du niveau des élèves
des medersas que leurs auteurs jugent inférieur à celui de leurs camarades des
écoles classiques. La première explication est relative au faible taux d’exécution
du programme de l’enseignement du français. Bangré (2022) relève des
difficultés telles que la qualification des enseignants de français et le temps
consacre à cette discipline. Il y aurait donc, selon lui, des medersas
« fonctionnant en marge des programmes » officiels édictés par leur ministère
de tutelle (p. 7). Soura (2022), Gansonsre (2022) et Tamboura (2022) font le
même constat dans diverses localités du pays, y compris Ouagadougou.
Partant du constat du faible niveau des élèves en français, certaines
productions se focalisent sur les conséquences de cette situation pour les
apprenants a tous les niveaux. Elles mettent la lumière sur les impacts en interne
et en externe de cette situation sur les élèves. A l’intérieur du système éducatif,
les élèves des medersas auraient moins de chances de succès que les élèves des
écoles classiques au Certificat d’études primaires (CEP) qui sanctionne la fin des
études au cycle primaires. Cela serait dû, en grande partie, à leur faible niveau de
français qui impacterait a son tour leurs capacités a comprendre et résoudre les
problèmes mathématiques (Zangre, 2021). Une fois hors du système, les
enfants issus des medersas ne peuvent pas correspondre, selon Bougma (2021) à
la définition du capital humain tel que défini par le gouvernement dans les
documents d’orientation de l’éducation (12) Dans l’ensemble, ils ont donc peu
de chances d’intégrer le système économique au niveau attendu et de contribuer
aux objectifs de développement du pays.
Selon les élèves-attaches d’éducation, élèves-conseillers et élèves-
inspecteurs qui se penchent sur la question des medersas, le faible niveau des
enfants écoles franco-arabes les empêche d’être compétitifs plus tard sur le
marché de l’emploi. En effet, le type de d’enseignement que reçoivent ces élèves
« hypothèque leur propre épanouissement et réduit leur participation à la vie et
à l’essor de la nation ». (Bangré, p. 7) Ils sont donc condamnés, pour la plupart
à exercer de petits métiers, à faire du petit commerce ou à devenir enseignants
dans des medersas pour de modiques salaires. En d’autres mots, les écoles
franco-arabes sont des instituions qui reproduisent les communautés à faible
niveau socioéconomique dans lesquelles elles sont implantées.
Bien pertinentes, ces études ci-dessus mentionnées accordent peu ou pas
d’intérêt aux contenus que le ministère de tutelle propose d’intégrer dans les
curricula des medersas. Dans la dynamique d’uniformisation des programmes
des medersas pour une meilleure préparation de leurs élèves aux examens et
concours professionnels, les autorités misent beaucoup sur l’enseignement de la

77
langue officielle, le français. Elle serait la solution pour permettre aux élèves des
écoles franco-arabes de basculer vers le système classique et/ou réussir les
examens et concours nationaux. Du fait que la stratégie du gouvernement ne
soulève pas d’interrogation, cette étude intervient pour attirer l’attention des
décideurs politiques sur l’importance de proposer des contenus d’éducation plus
diversifies et opérationnels. A terme, cette approche pourrait non seulement
impliquer davantage les fondateurs des medersas, mais de transformer
positivement les perceptions que les couches socioéconomiques les plus faibles
ont de l’Etat en général.

2. Contexte et justification de l’étude


En Afrique subsaharienne, les medersas ont émergé grâce aux efforts des
lettres musulmans formes dans les pays arabes. Une fois rentrés au pays, ces
derniers souhaitaient surtout offrir une formation scolaire aux enfants qui soit
moins influencée par les idéologies et les cultures occidentales (Issa Cissé, 1998,
p. 101) Pour de nombreux parents du Burkina Faso, particulièrement issus de la
communauté musulmane, la medersa est donc une alternative à l’école classique
de soupçonnée de déculturer leurs enfants, avec à la clé, leur conversion à
d’autres religions. (Ibid.) Dans la mesure ou l’objectif des medersas est
d’enseigner les matières de l’école classique mais en langue Arabe, l’Etat
burkinabè leur fournit un cadre juridique leur permettant de fonctionner en
toute légalité et de bénéficier de certaines aides : cantine scolaire, formation
continue des enseignants, inspection des contenus d’enseignement, passerelle
vers l’école classique, etc.
L’étude intervient dans un contexte national où les autorités s’efforcent
de développer des stratégies de relations publiques a même de renforcer le
sentiment d’appartenance chez tous les burkinabè. Bien que des efforts soient en
cours dans ce sens, notamment dans les zones dites à fort défi sécuritaire,
l’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire est un signe que notre
gouvernement peine à obtenir l’adhésion universelle a ce qui ressemble fort bien
a un projet de nouveau contrat social. En nous basant de l’expérience américaine
après les attentats du 11 septembre 2001, et la riposte qui s’en est suivi, nous
estimons que le Burkina Faso devrait s’inspirer du Programme Access du
Département d’Etat pour générer une stratégie de communication de crise plus
efficace. L’expérience d’Access démontre que l’éducation est un excellent outil
de relations publiques car elle impacte non-seulement les vies des bénéficiaires
directs mais aussi celles de leur entourage.
Pour avoir été un des enseignants du Programme a l’Institut El Ilmi de
Ouagadougou de 2005 à 20, nous avons reçu et continuons de recevoir des
témoignages de plusieurs nos anciens élèves. Ils affirment qu’ils ont un meilleur
statut socioéconomique que les autres membres de leurs familles et leurs

78
promotionnaires du quartier et qu’ils le doivent en grande partie au contenus
auxquels ils ont été exposés dans le Programme Access. Au-delà des rapports
personnels, nous avons juge nécessaire de nous éloigner du caractère anedotal
des retours sur les impacts d’Access pour leur donner un caractère scientifique.
En effet, à travers cette étude, nous cherchons à mettre en lumière les
transformations positives qu’opère le Programme sur ses bénéficiaires à travers
une réorientation de leurs trajectoires de vies vers une direction qui facilite plus
tard leur insertion socioprofessionnelle. A terme, notre étude doit démontrer le
potentiel d’Access à servir d’instrument de relations publiques pour le
gouvernement burkinabè auprès des populations des zones a fort défi
sécuritaires chez elles ou bien là où elles se retrouvent aujourd’hui comme PDI.

3. Cadre théorique
Pour mettre en évidence l’efficacité du Programme comme outil de
communication de crise, cette étude s’appuie la theorie de l’education comme
chose sociale. Elle part du postulat que l’ecole prepare l’enfant pour la vie dans
une societe bien definie. Dans ce sens, l’organisation de cette institution a pour
objectif principal de répondre aux besoins spécifiques de la communauté. Emile
Durkheim affirme que « Chaque société se fait un certain idéal de l’homme, de
ce qu'il doit être tant au point de vue intellectuel que physique et moral; ...cet
idéal est, dans une certaine mesure, le même pour tous les citoyens ; ... à partir
d'un certain point il se différencie suivant les milieux particuliers que toute
société comprend dans son sein. C'est cet idéal, à la fois un et divers, qui est le
pôle de l’éducation » (Durkheim, 1973, p. 51). Sans ignorer les attentes
spécifiques des groupes sociaux et des individus, l’école « a pour objet de
susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques,
intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Ibid.)
Une vision optimiste des pouvoirs de l’éducation comme outil de
transformation sociale se fonde sur les outils et les mécanismes mis à disposition
pour soutenir son mode opératoire. A travers des contenus adaptes et a des
méthodes pédagogiques uniformes, l’école produit les citoyens qu’il faut pour
garantir la survie et/ou la pérennité de la société. Elle peut y parvenir « en fixant
d'avance dans l'âme de l'enfant les similitudes essentielles que réclame la vie
collective » car elle est « le moyen par lequel la société renouvelle
perpétuellement les conditions de sa propre existence » (Durkheim, p. 101).
André Petitat qui a réfléchi sur cette vision novatrice de l’éducation selon
laquelle l’école doit être vue comme une institution capable de déclencher des
changements historiques. « L'école contribue à la production sociale. Elle n'est
pas uniquement et fatalement reproduction sociale, » soutient Petitat (Petitat,
1999, p. 11). L’école peut, en effet, favoriser des changements majeurs dans la

79
société à partir du moment où elle parvient à renforcer les capacités des
apprenants à s’adapter et à s’impliquer davantage sur les plans personnels et
professionnels. Cette vision de l’école met l’accent sur la pensée critique (critial
thinking) comme caractéristique transversale des stratégies enseignement. La
pensée critique autonomise les apprenants en valorisant leurs capacités
intrinsèques à se prendre en charge tous les plans. C’est ainsi qu’ils développent
un sens d’optimisme et de confiance en soi qui leur donne un plus grand control
de leur propre destin.

4. Présentation du Programme Access


Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Président George
W. Bush est apparu à la télévision pour faire rassurer ses compatriotes et leur
promettre de retrouver et punir les auteurs et soutiens du pire attentat terroriste
sur le territoire des Etats-Unis. Dans les semaines qui suivirent, l’armée
américaine a lancé une campagne de bombardements massifs en Afghanistan
pour en pour faire tomber le gouvernement de ce pays accuse d’abriter les
cerveaux du 11-Septembre. Deux années plus tard, les soldats américains
envahissaient l’Irak (2003) toujours au nom de la lutte contre le terrorisme
international. Grace à internet et la multiplication des sources d’information
dans le monde, la composante militaire de la riposte américaine au terrorisme
est bien connue. Il convient néanmoins de dire remarquer que réduire la réaction
des Etats-Unis au volet militaire indiquerait une méconnaissance des stratégies
de soft power développées par l’équipe du Président Bush pour obtenir le
soutien des autres pays dans la lutte contre le terrorisme international.
Au titre des mécanismes de soft power, le Département d’Etat a
développé une communication de crise dont un des éléments est le Programme
Access. Cree en 2004 avec un budget de plusieurs dizaines de millions de
dollars US, le Programme est aujourd’hui présent dans 85 pays en Amérique du
Sud, en Afrique et en Asie. Il permet à des élèves âgés entre 13 et 20 ans
fréquentant des établissements publics ou prives de basses catégories de
bénéficier gratuitement de cours d’anglais et de formations diverses pendant
deux ans. Les livres et autres matériels ainsi que le salaire de l’enseignant sont à
la charge du Programme. L’objectif, à terme, étant de renforcer les capacités des
bénéficiaires pour accroitre leur employabilité.
En outre, Access a une composante voyage qui permet aux enseignants et
aux meilleurs élèves de visiter les Etats-Unis pour un renforcement de leurs
capacités. Nous avons été le premier enseignant du Programme à bénéficier de
cette opportunité en 2007. Pendant notre séjour aux Etats-Unis, nous avons
suivi une formation pédagogique, passe une journée dans une famille américaine,
rencontre des autorités et visité plusieurs villes et sièges d’institutions fédérales
comme le Capitol et la Maison Blanche.

80
Au Burkina Faso, comme dans les autres pays où existe Access,
l’implication des plus hautes autorités diplomatiques américaines révèle aux
élèves, aux parents et aux autorités locales toute l’importance qu’attache le
Département d’Etat au Programme. En effet, chaque cérémonie de lancement ou
de remise d’attestations aux participants se voit rehaussée par la présence de
l’ambassadeur ou de son adjoint (DCM), du Chargé des affaires publiques
(PAO) ou du Responsable du service éducation. A ce jour, le Programme a déjà
forme des milliers d’élèves au Burkina Faso, impactant ainsi leurs trajectoires de
vie et celles de leurs proches.

5. Population de l’étude
La présente étude a cible 30 élèves issus des premières promotions du
Programme Access dans deux medersas au Burkina Faso. Parmi eux, 21 ont
effectivement participe à l’étude, soit un taux de participation de 70%. A
Ouagadougou, c’est au sein de l’Institut El Ilmi, sis au quartier Hamdallaye de
Ouagadougou, qu’a ouvert la toute première classe d’Access dans notre pays.
Avec 20 élèves dont une seule fille, le groupe comprenait uniquement des élèves
en fin de second cycle du secondaire dans le système des medersas. Ils avaient
entre 18 et 20 ans quand ils commençaient les cours du Programme Access en
2004. Ils ont, pour la plupart, obtenu le « Baccalauréat arabe » pendant les deux
années où ils bénéficiaient du Programme. Bien que « bacheliers », ils avaient
très faible maitrise du français car l’enseignement de cette langue n’occupait pas
une grande place dans les curricula du système qui les avait formés. Après,
beaucoup sont entrés dans la vie active comme commerçants ou employés de
commerce. Il se sont aussi inscrits au cours du soir pour obtenir des obtenir des
diplômes du système classique. Aujourd’hui, plus de la moitié du groupe est
titulaire du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) et quelques-uns ont
obtenu le Baccalauréat et continué leurs études à l’Université Joseph Ki-Zerbo.
Il est à noter que la seule du groupe s’est / a été mariée avant la fin du
Programme et a arrêté de suivre les cours.
Suivant la dynamique de l’expérience de l’Institut El Ilmi, le Programme
Access a ouvert une deuxième classe dans une autre école coranique au Burkina
Faso mais cette fois à Bobo-Dioulasso. Au sein de la Medersa Salam, ce sont 10
élèves de sexe masculin qui ont bénéficié du Programme entre 2016 et 2018.
Ces élèves ont reçu les mêmes cours que leurs camarades de Ouagadougou. Ils
étaient en moyenne moins âges que ceux de la première promotion de la capitale
car ayant intégré le Programme pendant qu’ils étaient encore au premier cycle
du système des medersas. Leur trajectoire de vie n’a pas trop divergé de celle de
leurs camarades de Ouagadougou malgré leur âge moins élevé au début du
Programme. Quelques-uns d’entre eux ont obtenu les diplômes du système
classique et continué leurs études à l’université.

81
Dans le Burkina Faso postcolonial, l’accession à l’école est un marqueur
social, ce qui signifie qu’être allé à l’école met l’individu au-dessus de la mêlée
dans un environnement où le taux de personnes qui savent lire, écrire et parler la
langue de l’ex-colonisateur est faible. Au nom de leur foi, beaucoup de familles
musulmanes, comme celles dont issus les anciens élèves objets de cette étude,
envoient leurs progénitures dans des medersas mais ce système offre très peu
d’opportunités d’intégration sociale et professionnelle a ses diplômés.
En effet, les deux medersas ont un système d’enseignement qui consacre
une très grande place à la langue arabe. Toutes les leçons se font dans cette
langue tandis que l’enseignement du français est marginalisé. Cela explique la
propension des apprenants à s’exprimer préférablement en langues africaines
dans leurs interactions. Au plan social, cela signifie qu’ils risquaient d’avoir une
vie d’adulte plus difficile à certains points. En effet, la langue française est un
marqueur social ou, du moins, «un discriminant social» comme l’affirme Alice
Develey. 6 Ave de facultés de communiquer en français oral réduites, l’on
s’abstient d’intervention publiques et s’auto-exclut des débats d’idées. Dans ce
cas, le choix de modes illégaux et de l’extrémisme violent est vite fait pour celui
qui n’arrive pas à faire entendre sa voix.
Le lieu de résidence des bénéficiaires du Programme lui aussi est aussi à
prendre en compte dans l’analyse des défis qu’ils devaient surmonter pour
échapper au cercle vicieux de l’échec scolaire. En effet, la plupart des élèves
étaient issues des familles résidant autour de leurs medersas. Hamdallaye, pour
l’Institut El Ilmi, et Bindougousso, pour la Medersa Salam, sont des quartiers
pauvres où le taux d’échec scolaire élevé reflète l’incapacité des parents à susciter
et maintenir le gout de l’éducation chez leurs enfants et aussi le peu d’intérêt de
ces derniers pour l’école. Bref, ces deux quartiers offrent peu de modèles de
réussite scolaire pour que les plus jeunes puissent prendre l’école au sérieux. Les
diplômés de l’Institut El Ilmi et de la Merdersa Salam étaient donc
potentiellement défavorisés en plusieurs points par rapport à leurs camarades
issus des écoles du système classique.
Ce tableau peu reluisant pouvait possiblement avoir des impacts au-delà
des élèves eux-mêmes. En effet, selon les informations recueillies auprès des
participants, leurs familles venaient de toutes les 13 régions du pays. En outre,
ces élèves sont représentatifs de la mosaïque linguistique burkinabè car, selon les
informations collectées, les membres des deux groupes pris ensemble parlaient
toutes les langues majeures du pays : mooré (85%), fulfuldé (20%), jula (45%),
et gulmacéma (5%) ainsi que d’autres langues encore (15%). Enfin, ils étaient
tous issus de familles musulmanes. Quand on connait les structures des familles
et l’attachement des burkinabè a leurs villages et provinces d’origine, on peut
6
https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2016/11/01/37002-0161101ARTFIG00030-
la-langue-francaise-est-discriminante.php

82
imaginer que l’incapacité d’une jeune personne à trouver un emploi peut avoir
des handicaper plusieurs autres personnes. Ainsi, les diplômés de l’Institut El
Ilmi et de la Merdersa Salam étaient donc potentiellement marques d’un sceau
qui les marquait et les défavorisait par rapport à leurs camarades issus des écoles
du système classique avant l’intervention du Programme Access.

6. Collecte et traitement de données


Pour avoir été nous-mêmes enseignant du Programme, nous avons
privilégié l’anonymat dans la collecte des informations auprès des anciens
bénéficiaires du Programme. Un questionnaire anonyme a été utilisé pour nous
assurer que les participants répondent aux questions avec le maximum
d’objectivité et de sincérité. Toujours dans cette optique, nous avons priviligie
les questions fermées ou à choix multiples. Ils couvrent plusieurs aspects de
l’expérience des bénéficiaires : leurs origines socioéconomiques, leurs
perceptions et impressions du Programme pendant et après son exécution, leurs
situations socioprofessionnelles actuelles, etc.
Le questionnaire a été soumis aux anciens bénéficiaires via Google Forms.
Cette fonctionnalité de Google est accessible à partir d’une adresse électronique
Gmail. Elle permet de collecter des informations en temps réel et de les
transformer automatiques en données statistiques. Nous avons envoyé le lien du
questionnaire sur les numéros WhatsApp de l’enseignant du groupe de Bobo-
Dioulasso et ceux des élèves de Ouagadougou avec qui j’étais toujours en
contact. Nous leur avons ensuite demande partager le lien du questionnaire avec
tous les autres anciens bénéficiaires. Les participants n’avaient plus qu’à
répondre aux questions à partir de leurs téléphones portables. Par mesure de
sécurité, nous avons opté pour la sauvegarde des résultats de cette enquête sur
notre compte Google Drive, ce qui les rend disponibles en tout temps et en tout
lieu grâce à internet. Ce choix met aussi les données à l’abri d’un risque éventuel
de perte. Nous avons commencé l’analyse des données à partir du moment où le
seuil de participation à l’étude a atteint 70% et est resté stable à ce niveau
pendant plusieurs semaines.

7. Résultats de l’étude et Analyse


Les participants à l’étude sont aujourd’hui des adultes majoritairement
âgés de 35 à 40 ans comme on peut le voir sur la Figure 1. Dans le contexte du
Burkina Faso, l’on peut présumer qu’ils sont pleinement investis dans la vie
sociale et économique du pays.

83
Figure 1 : Tranches d’âges actuelles des participants à l’étude

La première chose que l’on peut remarquer aujourd’hui concernant les


anciens bénéficiaires du Programme Access est leur changement de catégorie
socioprofessionnelle par rapport à leurs parents. Selon les informations
recueillies, leurs géniteurs étaient majoritairement à des niveaux inférieurs de
l’échelle sociale. Leurs pères sont/étaient surtout des cultivateurs (36,8 %), des
petits commerçants (15,8 %) ou pratiquaient des activités économiques diverses
sans qualifications (21,1 %). Les mères des participants sont/étaient surtout
des femmes au foyer (36,8 %), des commerçantes (15,8 %) ou sans emploi en
général (31,6 %). Chez les pères, on recensait seulement 26,3 % de salaries.
Aucune des mères n’exerçait un emploi salarié, ce qui réduirait considérablement
le chiffre d’ensemble des parents concernant le salariat.
Aujourd’hui, les anciens bénéficiaires du Programme, femmes et hommes,
occupent dans l’ensemble des positions socioprofessionnelles plus enviables que
leurs parents dans le contexte du Burkina Faso. Effet, nous enregistrons jusqu’à
42.2 % de salariés du privé et du public parmi les participants, soit 3 fois plus
que chez leurs parents. A coté des salariés, le gros des anciens bénéficiaires (47,3
%) est surtout dans le secteur des affaires. Seuls 10,5 % d’entre eux sont sans
emploi sans doute du fait qu’ils ont fini le Programme il y a moins de 10 ans et
qu’ils suivent d’autres formations. Si on ajoute à ces statistiques les informations
que les anciens bénéficiaires ont accepté de nous communiquer sur leurs
revenus, il en ressort que plus de la moitié ont un revenu mensuel supérieur à
100.000 francs CFA, avec 26.3% qui gagnent entre 201.000 et 300.000 francs
CFA par mois.
Pour mesurer la part de contribution du Programme Access à l’évolution
sociale des anciens bénéficiaires par rapport à leurs parents, notre étude s’est
appuyée sur leurs opinions concernant certaines questions. Premièrement, ils
reconnaissent à près de 90 % devoir leur situation économique actuelle à leur
passage dans le Programme mais à des degrés divers. Parmi eux, jusqu’à 21,1 %
reconnaissent qu’Access a « énormément » contribué à faire d’eux ce qu’ils sont

84
aujourd’hui, alors que certains de leurs camarades qui ont répondu « beaucoup »
(15,8 %) ou « moyennement (31.1 %).
En outre, les anciens bénéficiaires du Programme reconnaissent la
pertinence des contenus des formations reçues et leurs impacts sur leur
employabilité et leur capacité à se prendre en charge aujourd’hui. Ils
reconnaissent avant tout (84 %) que la formation en anglais leur à donné des
atouts pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui. Quand on sait l’atout que
représente l’anglais dans la recherche d’un emploi ou pour obtenir de la
promotion, l’on ne peut que donner des bons points à Access. Les participants à
l’étude affirment aussi que les formations en informatique (36.8 %) a été pour
eux un atout dans la recherche d’un emploi.
A coté des savoir-faire acquis grâce au Programme, les anciens
bénéficiaires mentionnent aussi le savoir-être acquis pendant les deux années.
Ainsi, 31,6 % d’entre eux estiment que grâce à Access ils ont développé un
capital de confiance en soi qui leur a permis d’évoluer sur le plan
socioprofessionnel. Ils affirment avoir eu recours à leurs facultés à travailler en
équipe (31.6 %) et les qualités de leadership acquises grâce au Programme
(15,8 %) pour être à leur niveau socioprofessionnel actuel.
Pour nous assurer de la sincérité des anciens bénéficiaires concernant la
contribution d’Access leurs parcours socioprofessionnels, nous-nous sommes
intéressés à deux aspects relatifs à la vulgarisation du Programme et leur avons
demandé s’ils laisseraient leurs frères/sœurs devenir des bénéficiaires du
Programme. A l’unanimité, les participants à l’étude ont répondu qu’ils
permettraient aux membres de leurs familles de saisir cette opportunité de
bénéficier de formations en anglais et dans d’autres domaines. Cela est pour
nous la preuve que tous les anciens bénéficiaires reconnaissent la pertinence des
contenus de la formation pour la suite des études et pour la vie
socioprofessionnelle. En effet, ils estiment qu’Access augmente les chances de
réussite à l’école (70 %) et offre des formations pour réussir dans la vie (70 %).
Ils pensent aussi que leurs frères/sœurs devraient intégrer le Programme car il
met à disposition des informations utiles pour réussir dans la vie (65 %) et
cultive chez les élèves un sens élevé de confiance en soi (70 %). Ces éléments de
réponse montrent, une fois de plus, que les restent convaincus des bienfaits de
leur passage dans le Programme Access.
Le deuxième aspect de la vulgarisation d’Access qui a intéressé cette étude
est celui de son extension d’Access a toutes les écoles du Burkina Faso. Là
encore, les anciens bénéficiaires ont exprimé leur souhait de voir le Programme
s’ouvrir dans toutes les institutions. Pour se justifier, ils estiment à 75 % avoir
l’assurance qu’Access donnera aux élèves une très bonne formation en anglais.
Les anciens bénéficiaires mettent aussi l’accent (45 %) sur les opportunités de
formation que les élèves ne trouveraient pas dans les programmes de leurs

85
écoles : formation en informatique, en entreprenariat et aux questions de la vie.
Ils font aussi cas (40 %) de la capacité du Programme à rendre les élèves plus
responsables dans leur vie de chaque jour, à l’école, à la maison et en ville. Enfin,
les participants à l’étude estiment qu’Access donnera aux élèves du Burkina Faso
les outils pour une meilleure gestion des rapports jeunes/adultes et
femmes/hommes.
Au vu de la volonté des participants à cette étude de voir le Programme
s’étendre et à y intégrer des membres de leurs familles, l’on peut considérer
qu’Access est un outil efficace de communication de crise pour le Département
d’Etat américain. En seulement deux ans, Access a donné des résultats qui se
situent aujourd’hui au-delà de ce qu’aurait permis le système des medersas. Du
point de vue socioprofessionnel, le Programme a permis à sa première
génération d’élèves des écoles coraniques de se hisser au même niveau ou au-delà
de leurs camarades du system scolaire classique. En effet, les cours d’anglais,
parfois intensifs, couples aux autres formations a caractère social ou
professionnel, ont donné à ces élèves des atouts majeurs pour être autre chose
que leurs devanciers à l’Institut El Ilmi et à la Medersa Salam.
A une échelle plus stratégique, le Programme Access a réussi à rendre
l’image des Etats-Unis plus positive auprès de ses anciens bénéficiaires. Notre
étude révèle qu’avant de devenir bénéficiaires, 30 % des élèves n’avaient aucune
connaissance de la société américaine (histoire, culture, sports, famille,
économie, etc.) et de ses valeurs tandis que 35 % estimaient en savoir un peu.
Aujourd’hui, les anciens bénéficiaires reconnaissent dans leur majorité que le
Programme a amélioré leur niveau de connaissance des Etats-Unis et change
positivement (60 %) leur opinion de ce pays. Pourtant, au sein de l’école où
nous enseignions (El Ilmi), les autres élèves arrachaient toujours les drapeaux
américains que nous collions sur les murs en guise de décoration de notre salle
de classe d’emprunt.
L’adhésion de nos apprenants aux contenus que nous proposions, telles
que les valeurs du travail acharné (hard work), la responsabilité, la quête
permanente de d’excellence, la tolérance religieuse et le don de soi, ont fini de
les convaincre du bien-fondé de l’étude des Etats-Unis car aucun aspect du
Programme n’était en porte-à-faux avec l’Islam. Ces contenus culturels
représentent le premier facteur de changement d’opinion chez les anciens
bénéficiaires (70 %), suivi des cours d’anglais (50 %), des visites de courtoisie
dans leurs écoles des premiers responsables d’Access au Burkina Faso et les
méthodes d’enseignement de l’anglais. Ainsi donc, Access a permis de créer un
pool de jeunes hommes et femmes favorables aux opinions du gouvernement
américain. Certains sont devenus des chefs de famille et des leaders
communautaires, ce qui implique qu’ils dissémineront cette opinion autour
d’eux.

86
Au sujet de la qualité de l’enseignement, justement, les anciens
bénéficiaires font justement le rôle essentiel qu’a joué leur professeur dans leur
préparation à découvrir et intégrer les savoirs dans le Programme. Il ressort des
réponses des participants que leurs enseignants leur ont donné l’impression
qu’ils étaient très compétents à travers la maitrise de la langue et autres contenus
(75 %) et, surtout, qu’ils comprenaient leurs problèmes du moment (75 %). En
outre, 65% de ces anciens élèves estiment que leurs enseignants aimaient leurs
élèves et qu’ils n’ont pas eu le sentiment de subir des discriminations de leur
part (45%). Jeunes et issus de milieux défavorisés au moment de leur formation,
ils ont trouvé en leurs professeurs d’Access des adultes qui savaient leur parler
sans les juger même quand ils s’ils s’étaient absentés, qui étaient à l’écoute de
leurs préoccupations et qui les aidaient moralement et matériellement.
L’enseignant est donc un acteur clé dans le Programme Access.
Notre étude a aussi donné la parole aux anciens bénéficiaires du
Programme pour entendre leurs suggestions sur la suite d’Access et son
appropriation par les autorités du Burkina Faso. Les anciens insistent sur le
maintien de la formation intensive en anglais mais souhaitent néanmoins que les
contenus soient enrichis par l’introduction de contenus sur le Burkina Faso (30
%) et qu’il y ait plus de formations et de visites sur le terrain (30 %). A cote de
cela, les anciens bénéficiaires souhaitent voir une plus grande implication des
parents (20%) et une augmentation du volume d’heures de cours (15%). Suite
aux propositions des anciens bénéficiaires, nous avons intégré dans notre étude
des recommandations au cas où le gouvernement burkinabè voudrait
s’approprier Access comme outil de communication de crise.
Le MENAPLN dispose d’assez d’infrastructures pour reproduire un
programme similaire à Access. Le pays dispose déjà d’un réseau de plusieurs
milliers d’écoles secondaires disséminées dans tout le pays, y compris dans les
régions dites à fort défi sécuritaire. Le MENAPLN pourrait ouvrir des classes
de type Access, au grand bonheur des enfants du pays. Pour cela, le ministère a
les ressources humaines nécessaires pour la prise en main de ces classes. En effet,
il y a déjà des milliers d’enseignants d’anglais qui émargent au budget de l’Etat.
On peut donc trouver un mécanisme pour commettre certains d’entre eux, sur la
base du volontariat, à la tâche d’encadrement d’enfants pour des cours de langue
et des formations particulières. En réalité, il ne coutera pas grand-chose aux
autorités pour lancer un tel programme et l’inscrire dans la durée.
A terme, l’appropriation du Programme Access par le MENAPLN et son
application dans des régions spécifiques du pays permettra au gouvernement de
regagner sa légitimité dans ces zones. Une telle intervention sera une occasion de
réécrire le pacte républicain et le contrat social tant mis à mal par les groupes
terroristes et la méfiance des populations locales vis-à-vis du pouvoir central peu
présent dans leur vie quotidienne pour nourrir chez eux le sens d’appartenance à

87
une grande communauté nationale. Un programme similaire a Access
contribuera donc à la construction de la nation burkinabè qui peine à devenir
réalité même après plus de six décennies d’indépendance.

Conclusion

En proie à une crise sécuritaire et humanitaire majeure depuis 2016, le


Burkina Faso a surtout besoin de réagir sur le plan militaire pour repousser les
bandes terroristes qui menacent son intégrité territoriale. Bien que l’action de la
force publique soit justifiée, elle ne peut à elle seule vaincre et éradiquer
définitivement un mal qui menace le vivre-ensemble de burkinabè et qui est
capable de réduire à néant leurs efforts de construction d’une nation. Il urge
donc de coupler à la stratégie militaire une communication de crise efficace et
capable de produire des effets dans la durée.
En nous inspirant du cas des Etats-Unis au lendemain des attentats su
11-Septembre 2001, nous estimons que le gouvernement burkinabè peut
s’inspirer de la communication de crise de l’Administration Bush pour lui
emprunter son Programme Access d’intervention dans les systèmes éducatifs de
pays préalablement identifies. Access a en effet ouvert en priorité dans des
pays musulmans pour leur donner des gages que la guerre contre le terrorisme
n’avait pas pour cible l’Islam. En quelques années de présence dans les medersas
El Ilmi et Salam, le Programme a réussi à accroitre l’employabilité des élèves
tout en leur faisant développer une opinion favorable des Etats-Unis.
La communication de crise du Burkina Faso laisse assez de marge de
manœuvre pour y intégrer un outil similaire à Access. En intervenant auprès de
la jeunesse dans certaines régions du pays, les autorités ont l’occasion de
remobiliser ces personnes, leurs familles et leurs communautés autour d’un idéal
commun, c’est à dire la construction de la nation. En effet, une jeunesse avec
une plus capacité à trouver des emplois ou à s’auto-employer est plus optimiste
et confiante en l’avenir. Elle est consciente des opportunités qu’offre la nation
pour se prendre en charge et s’occuper des personnes qui leur sont chères :
parents, conjoints, enfants et proches. Pour obtenir cet attachement à la chose
commune, le ministère de l’éducation dispose déjà d’une grande quantité de
ressources matérielles et humaines pour lancer un programme similaire à Access
dans toutes les localités du pays. Il ne reste donc que la volonté politique pour
passer à l’action.

88
Bibliographie
Bangre, Mahamoudou. « Facteurs explicatifs de la faible exécution des
programmes en Français dans les écoles franco-arabes dans la commune
de Saaba, province du Kadiogo au Burkina Faso ». Mémoire de fin de
formation. E.N.S. Juin 2022.
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franco- arabes privées de la province du Ganzourgou : causes et
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Historique de quelques moments décisifs de l'évolution scolaire en
Occident. Paris. Librairie Droz. 1999.
Pilon, Marc. « L’évolution du champ scolaire au Burkina Faso : entre
diversification et privatisation ». Cahiers de la recherche sur l’éducation et
les savoirs. Mars 2004.
Soura, Kourotoum. « Rendements scolaires dans l’école classique des élèves
issus des Ecoles franco-arabes ou medersas ». Mémoire de fin de
formation. E.N.S. Juin 2022.
Tamboura, Ynoussa. « La Problématique de l’enseignement du français dans les
écoles franco-arabes de la ville de Ouagadougou ». Mémoire de fin de
formation. E.N.S. Juin 2022
Zangre, Salfo Marc. « Les causes des faibles taux de succès au certificat d’études
Primaires (CEP) classique dans les écoles franco-arabes : cas de la CEB
OUAGA IV ». Mémoire de fin de formation. E.N.S. Juin 2021.

89
VI. COVID-19 et extrémisme violent : analyse des perceptions dans les colonnes
de l’organe de presse de l’association germano-burkinabè de 2018 à 2022.
Mohamed YAMÉOGO
Université Joseph Ki-Zerbo
[email protected]

90
COVID-19 et extrémisme violent : analyse des perceptions dans les colonnes de
l’organe de presse de l’association germano-burkinabè de 2018 à 2022.

Résumé
Dans la double crise sanitaire et sécuritaire au Burkina Faso, la question de la
communication joue un rôle considérable. Bien gérée, elle peut se révéler être un catalyseur
mais dans le cas contraire, elle peut engendrer des conséquences fâcheuses. C´est donc un
couteau à double tranchant. Cet article poursuit donc l’objectif d’analyser les perceptions de
la communication sur et autour de la COVID-19 et le terrorisme en se basant sur des
articles du bulletin d’information « Burkina Info », l’organe de presse de l’Association pour
l’Amitié Germano-Burkinabè (AAGB) depuis 2018 à 2022.

Mots-clés : COVID-19, terrorisme, communication, AAGB, bulletin d’information


« Burkina Info »

Abstract
In the dual health and security crisis in Burkina Faso, the issue of communication plays a
considerable role. Properly managed, it can be a catalyst, but if not, it can have unfortunate
consequences. It is therefore a double-edged sword. This article therefore aims to analyse
perceptions of communication on and around COVID-19 and terrorism based on articles
in the newsletter "Burkina Info", the press organ of the Association pour l'Amitié Germano-
Burkinabè (AAGB) from 2018 to 2022.

Keywords: COVID-19, terrorism, communication, AAGB, newsletter "Burkina Info

Introduction
À partir de la deuxième décennie du 21è siècle, deux crises majeures et
dévastatrices dont la fin n’est pas en vue, ont durement éprouvé le monde entier.
Elles semblent, au regard des énergies mobilisées pour les endiguer, inarrêtables.
La COVID-19 et le terrorisme défraient la chronique. Si la première a défié les
plus grandes puissances sur le plan scientifique, économique et politique, la
deuxième a contribué à fragiliser certains pays du Sahel en mettant la vie
politique, militaire, économique et sociale à rude épreuve. On court désormais à
la recherche du remède miracle. L’une des solutions dans ce siècle marqué
surtout par l’avènement d’innombrables réseaux sociaux, se révèle être la bonne
gestion de la communication. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est bien
au moment même où communiquer devrait être facile et aisé, qu’il est difficile,
voire quasiment impossible de le faire. Quand ce ne sont pas des théories
complotistes propagées via les différents réseaux sociaux (Twitter, Facebook,
Youtube, Whatsapp, Messenger, Telegram, etc.), ce sont des fake news ou des
messages sans fondement scientifique qui circulent par l’entremise des mêmes
réseaux. Cela nous fonde à reconnaître que la multiplication des moyens de
communication actuels n´est pas synonyme de l’amélioration de la qualité de la

91
communication. La compréhension et le fait de se faire comprendre sont deux
aspects totalement différents. Dès lors communiquer ne saurait se réduire
seulement à son rôle traditionnel de vecteur de transmission de message. Dans
un double contexte de crise sanitaire et sécuritaire qu´est celui du Burkina Faso,
il se doit aussi d’être un comportement collectif, un élément stratégique. Une
communication partagée par les citoyens burkinabè dans sa majorité aurait
rendu la tâche plus facile aux gouvernants, appelés à trouver des solutions
adéquates et rapides aux problèmes. Partant de ce constat, l’interrogation
légitime suivante s’impose : comment se manifeste la communication entre
gouvernants et gouvernés dans la lutte contre les deux crises majeures
évoquées au Burkina Faso?
En nous basant sur la théorie de la réception de l’école de Francfort,
marquée par des noms comme Hans Robert Jauss et Wolfgang Iser, nous
poursuivons l’objectif de relever par l’analyse de certaines rubriques du bulletin
d’information de l’association pour l’amitié germano-burkinabè « Burkina
Info », d’une part, la nature de la communication du gouvernement et des
citoyens burkinabè en temps de crise sanitaire et sécuritaire et d’autre part, les
perceptions engendrées par ces communications.
Pour atteindre le but visé, nous allons dans un premier temps présenter
un bref aperçu de l’histoire de l’Association pour l’Amitié Germano-Burkinabè.
Nous présentons par la suite Burkina Info, l’organe de presse de l’Association
sus-citée, vitrine de l’association pour l’amitié germano-burkinabè.
Troisièmement nous abordons les questions de la COVID-19 et du terrorisme
au Burkina Faso. Il s’agit essentiellement de faire un tour d’horizon sur le début,
l’évolution, les conséquences et les perceptions qu’on enregistre de chaque
phénomène à travers le bulletin d’information susmentionné tout en insistant
sur la nature de la communication du gouvernement et des citoyens burkinabè.
Nous terminons dans un quatrième point par l’évocation des défis liés à la
communication autant dans la crise sanitaire que celle de la sécurité.

1. Aperçu historique de la coopération germano-burkinabè


Après la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne a jugé opportun
d’entretenir des relations bilatérales avec plusieurs pays du monde dont la
Haute-Volta, actuel Burkina Faso. Cette démarche politique répondait à la
nécessité pour elle de redorer son blason et de regagner la confiance des autres
pays du monde. Elle a été amenée à pratiquer une politique culturelle extérieure
dont l’objectif premier était de promouvoir la culture et la langue allemandes
(cf. Böhm, 2003 :3).
Malgré le mur de Berlin qui a consacré la division de l’Allemagne en deux
grands blocs (cf. Ndumbe III, 1983 :246), chaque partie a fait de l’entretien de
la coopération bilatérale le fer de lance de sa politique extérieure. La

92
coopération avec le Burkina Faso qui date officiellement de 1960 s’est
principalement axée sur des aspects économiques, culturels, politiques et d’aide
au développement. Au fil des années, plusieurs ONG et institutions
diplomatiques et culturelles se sont installées ou ont été ouvertes au Burkina
Faso. C’est le lieu de mentionner quelques-unes à travers ce bref rappel
historique7 :
 Après la RFA (République Fédérale d’Allemagne) en 1960, ce fut le tour
de la RDA (République Démocratique d’Allemagne), d’officialiser ses
liens de coopération avec le Burkina Faso le 13 avril 1973 avec
l’avènement de la GTZ devenue maintenant GIZ (Gesellschaft für
Internationale Zusammenarbeit).
 Dans les années 1970, le DAAD (Deutscher Akademischer
Austauschdienst: Office allemand d’échanges académiques) lance un
programme de boursiers « sur place », c’est-à-dire d’étudiantes et
étudiants germanistes africains formés, avec le soutien de l’Allemagne,
dans des universités africaines.
 En 1982, l’université de Ouagadougou ouvre la section d’allemand au
Département de langues vivantes, ce qui a contribué à promouvoir
considérablement la langue et la culture allemandes au pays des Hommes
intègres.
 En 1991, la Fondation Hanns Seidel – proche du parti CSU – ouvre ses
portes dans la capitale burkinabè en tant qu’institution politique œuvrant
pour la promotion de la bonne gouvernance et de la démocratie.
 En 2007, le DAAD envoie une lectrice à l’université de Ouagadougou
(actuelle université Joseph KI-ZERBO) pour faciliter la gestion de
l’attribution des bourses allemandes d’études et de recherches et des
informations relatives à la vie universitaire allemande.
 Une année plus tard, le centre culturel allemand (Goethe Institut) ouvre
ses portes en qualité de bureau de liaison rattaché à l’institut d’Abidjan.
En 2010, Christoph Schlingensief initie un projet de construction d’un
village opéra (Operndorf) à Ziniaré, une ville du plateau central située à une
trentaine de kilomètres de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. L’artiste
allemand dont il est ici question est né le 24 octobre 1960 et mort le 21 août
2010. Il est régisseur de film, metteur en scène, écrivain et artiste d´action. Le
projet du village opéra, conçu et réalisé par Francis Diébédo Kéré, architecte
germano-burkinabè de renommée mondiale, se veut un cadre d’expression
artistique, un lieu de formation abritant un dispensaire érigé en 2014. Outre ces
quelques actions concrètes de la coopération germano-burkinabè, plusieurs
autres programmes, ONG et initiatives privées renforcent et/ou continuent de
7
Les différentes informations ont pu être obtenues à travers le lien : www.panglos.de, visité le 09/05/2022.

93
renforcer les bases de ladite Association. Revenant à la Deutsch-Burkinische
Freundschaftsgesellschaft (DBFG e.V.) ou Association pour l’Amitié germano-
burkinabè (AAGB), il faut noter qu´elle a été créée en 1990 à Bonn en
Allemagne. Elle est née pour fédérer plusieurs associations caritatives des pays
germanophones comme la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne qui apportaient
depuis les années 1980 de l’aide humanitaire aux populations burkinabè du
sahel durement touchées par la famine. Depuis lors, l’AAGB s’est élargie en
intégrant en son sein des associations basées aussi bien en Allemagne qu’au
Burkina Faso et ayant pour dénominateur commun la promotion de la
coopération germano-burkinabè. Tous les domaines de la vie quotidienne s’y
trouvent représentés comme on peut le lire sur le site de l’AAGB :
„Es gibt derzeit rund 50 offizielle Verbindungen zwischen deutschen und
burkinischen Orten und Vereinen, […]. Die Beziehungen umfassen von
medizinischen, schulischen und wirtschaftlichen Hilfsprojekten bis hin zu
Partnerkirchen, Workcamps, Jugendaustausch und Kinderpatenschaften
nahezu alle Bereiche des täglichen Lebens.”8 (www.dbfg.de)

2. « Burkina Info », un bulletin d’information au service de la coopération


L’organe de presse au cœur de l’Association pour l’Amitié germano-
burkinabè est « Burkina Info ». Il représente en quelque sorte un instrument
servant à assurer en premier lieu la visibilité des actions de l’Association aussi
bien dans les pays germanophones que sur place au Burkina Faso. Le bulletin
paraît deux fois l’an. Les différents textes qui le composent sont généralement
des articles issus des organes de presse burkinabè. Ils sont ensuite traduits dans
la plupart du temps par Christoph Straub, le directeur exécutif de l’AAGB avant
d’être publiés. En plus de ces articles traduits, on a aussi des textes produits
directement en allemand par différents reporteurs issus des pays
germanophones.
Le journal représente, selon les membres de l’Association, un cadre
d’échange et le lieu de promotion de la coopération et l´amitié entre l’Allemagne
et le Burkina Faso. 9 Il est, de ce fait, conçu dans l’esprit de favoriser la
collaboration nord-sud à travers une solidarité agissante et un dialogue
fructueux entre les peuples. Cette philosophie se perçoit d’ailleurs dans les
efforts déployés pour fournir aux lecteurs aussi bien des contenus actuels que
passés de l’Allemagne et du Burkina Faso.
De manière classique, chaque parution contient une table des matières
déclinant les différentes rubriques à aborder le long du journal. À la suite de

8
Il existe actuellement une cinquantaine de liens officiels entre des localités et des associations allemandes
et burkinabè, [...]. Ces relations couvrent presque tous les domaines de la vie quotidienne, des projets d'aide
médicale, scolaire et économique aux églises partenaires, en passant par les camps de travail, les échanges
de jeunes et les parrainages d'enfants.
9
https://www.dbfg.de, visité le 09/05/2022

94
cela, on note une brève actualité de l’AAGB et/ou DBFG comportant le mot du
directeur exécutif de l’association et un compte-rendu sur des activités menées.
Après cette rubrique, une part belle des colonnes est consacrée au Burkina Faso
avec la présentation de quelques faits marquants de l’actualité, des thématiques
abordant la vie sociale, culturelle, historique, politique et économique du pays
des hommes intègres. Dans la même rubrique, on peut aussi lire des activités de
rédaction de ADFA (Association Deutsch für Alle), créée et gérée par Yassia
Ouédraogo, un professeur certifié de l’allemand dans la région du centre nord.
Des élèves en classe de terminale A4 de la ville de Kaya qui sont en même temps
membres de ADFA, ont la possibilité d’y raconter en allemand leur vécu et leurs
expériences.
Une autre rubrique est réservée à la sous-région ouest-africaine. Elle traite
principalement de questions liées à la colonisation et à la sécurité. La rubrique
SERVICE vient en dernier ressort. Elle donne des informations sur des groupes
ou associations allemands actifs au Burkina Faso, des informations sur les
conditions d’obtention de visa pour des Allemands désirant voyager au Burkina
Faso et des adresses électroniques pour contacter la rédaction et/ou avoir accès
aux bulletins d´information de l’AAGB.
Ce qui paraît toutefois problématique et mérite d’être évoqué ici
succinctement, c’est l’aspect déséquilibré des informations fournies par le
bulletin. Même s’il est à noter que la rédaction et la publication du bulletin se
font en Allemagne, force est cependant de reconnaître que l’attention est plus
portée sur le Burkina que l’Allemagne. En parcourant les différents numéros
tenant lieu de corpus dans le cadre de cette analyse, on perçoit plus l’image
d’une Afrique et/ou d’un Burkina Faso présenté comme un pays très vulnérable,
avec des institutions fragiles nécessitant le secours des puissances étrangères. Le
bulletin participe ainsi au maintien d’une certaine forme d’idéologie dominante
se caractérisant ici par exemple par la confirmation de certains stéréotypes
concernant l’Afrique (la main tendue, le chaos, par opposition à une Allemagne
« naturellement » disciplinée et altruiste etc.)
Au-delà de la forme, deux faits majeurs ont dominé les colonnes de
Burkina Info entre 2018 et 2022. Il s´agit notamment de l’extrémisme violent et
de la COVID-19 qui a fait son apparition depuis 2019. Ils constituent de
sérieuses menaces pour le monde entier en général et le Burkina Faso en
particulier.

3. COVID-19 et terrorisme : la communication gouvernementale


Dans son article intitulé : « Covid-19 : les défis de la communication de
crise (mars 2020 – mars 2021), Michel le Clainche rapportant la définition de
la notion de « communication », note :

95
La communication recouvre l’ensemble des relations, des messages et des
techniques utilisées par un acteur pour s’adresser à différents publics en vue
d’accompagner ses actions, c’est-à-dire les préparer, les expliquer, renforcer
leur efficacité, les évaluer. Zemor cité par Le Clainche (2021 :434)

La communication telle que définie, n’est pas seulement vecteur de


transmission d’information mais surtout un phénomène complexe impliquant
plusieurs entités. En cela, une communication gouvernementale ne saurait être
l’apanage du seul gouvernement mais bien celle de l’ensemble de tout le pouvoir
exécutif (Caron cité par Le Clinche, 2021 :434). Il reconnait du même coup le
caractère duel de la communication gouvernementale, se revoyant, d’une part, à
un volet externe, c’est-à-dire ce que l’organisation transmet à différents publics
comme message et d’autre part, le volet interne, ce qui sous-tend la
compréhension entre les membres et facilite leurs actions.
Le coronavirus et le terrorisme sont deux crises qui menacent
sérieusement l’équilibre socioculturel, politique et économique du Burkina Faso.
Le plus difficile dans les tentatives de juguler ces deux fléaux demeure leur
nature difficilement contrôlable. Le terrorisme se fonde généralement sur la
terreur afin d’imposer des convictions idéologiques, religieuses ou politiques
avec comme modus operandi des attaques surprises. Cette méthode de guerre est
dite « asymétrique » puisqu’elle sort du cadre de la guerre conventionnelle. La
COVID-19, semble être, quant à elle, une « pandémie » difficile à éradiquer.
Revenant sur la genèse de ce qu’il est convenu d’appeler pandémie
mondiale, la COVID-19, née à Wuhan en Chine en 2019 (cf. Wayack-Pambè,
Thorsen et Darkwah, 2021:8), n’a pas mis du temps à se propager partout,
d’autant plus que le village planétaire est désormais interconnecté par des
réseaux routiers et trafics aériens facilitant la circulation des personnes et des
biens. Dans sa parution n°2 en 2020, « Burkina Info » note qu’en mi-mars
2020, la pandémie avait à peine atteint le Burkina Faso. Comparativement à
l’Allemagne qui la subissait de plein fouet et déployait déjà moults efforts pour
l’endiguer, la menace était certes présente au Burkina Faso mais avec seulement
quelques cas de contamination. Le compte-rendu de Franz Stevens pour le
compte de « Burkina Info » nous permet de confirmer ce constat et révèle du
même coup une perception simpliste de la situation par les Burkinabè dans les
premiers instants de l’apparition du coronavirus:
„Die Pandemie ist bis Mitte März noch nicht richtig angekommen in Burkina
Faso. Noch machen sich meine Freunde in Imasgo etwas lustig über die Panik
in Deutschland, die wir aus den Nachrichten mitbekommen. Für mich war
das, was ich hörte, unvorstellbar. Sollte sich ganz Deutschland nach nur einem
Monat Abwesenheit wirklich so stark verändert haben? Die Burkinabè waren
zuversichtlich, dass es sie nicht treffen werde – man hatte gehört, dass das

96
Virus bei Temperaturen über 27 Grad nicht überlebt“ 10 Burkina Info
(2/2020:9)

Du point de vue du reporteur qui vient d’un pays sévèrement touché par
la maladie à coronavirus, les Burkinabè semblent encore sous-estimer la
pandémie. En plus d’adopter une posture laissant entrevoir une certaine
insouciance vis-à-vis d’une menace, pourtant réelle, beaucoup de Burkinabè ont
longtemps cru aux discours de la non-résistance du virus à une certaine
température. La question sanitaire préoccupante a été traitée avec peu de rigueur
et comme il fallait s’y attendre, les cas de contamination se sont multipliés en
l’espace de quelque temps. L’annonce de l’enregistrement des premiers cas par
les structures compétentes de l’État burkinabè a aussitôt créé une psychose
générale. L’idée de devoir se convaincre que le ver est désormais dans le fruit
s’est imposé comme une nécessité absolue, pour les premières semaines après
son apparition. À ce propos, « Burkina Info » révèle dans son deuxième numéro
de 2020, ceci en substance :
„Wenige Wochen später hat Covid-19 das gesamte öffentliche Leben in
Burkina Faso stillgelegt und die Auswirkungen sind sehr schlimm. Schwester
Honorine schreibt: „Zunächst waren wir psychisch total erschüttert, als wir
von den ersten Fällen in Burkina hörten, dann kamen die Maßnahmen, um die
Ausbreitung zu beschränken, und alles ist plötzlich stillgestanden, es gab
keinen Markt mehr, keine Möglichkeit mehr, etwas zu verkaufen noch
Lebensmittel zu bekommen, was unsere bescheidenen Ersparnisse auf null
gesetzt hat, weil nichts mehr funktionieren konnte, kein Dolo, keine Seife.
Dann die hygienischen Vorschriften, um sich zu schützen und die anderen zu
schützen, was voraussetzt, dass man die Möglichkeit hat, sich die Hände zu
waschen mit Desinfektionsseife und Masken zu tragen“. 11 Burkina Info
(2/2020:9)

L’avènement de la pandémie n’a pas eu que des répercussions


psychologiques sur les Burkinabè. Elles étaient aussi sociales et économiques.
Face à la frayeur et l’éventualité d’assister à une hécatombe comme l’avait prédit
le Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 12 , des
mesures radicales ont vite été prises par les autorités. On a assisté à un
10
Jusqu'à la mi-mars, la pandémie n'est pas encore vraiment arrivée au Burkina Faso. Mes amis d'Imasgo se
moquaient encore un peu de la panique qui régnait en Allemagne. Pour moi, ce que j'ai entendu était
inimaginable. L'Allemagne entière devait-elle vraiment avoir changé à ce point après seulement un mois
d'absence ? Les Burkinabè étaient persuadés qu'ils ne seraient pas touchés - on avait entendu dire que le
virus ne survivait pas à des températures supérieures à 27 degrés.
11
On peut retenir substantiellement ceci de la citation allemande : Quelques semaines après l’enregistrement
des premiers cas de la pandémie au Burkina Faso, on a assisté à une psychose généralisée et la prise de
décision par les gouvernants afin de réduire la propagation de la Covid-19. Cela a eu des conséquences
fâcheuses sur pour les Burkinabè.
12
Cf. https://information.tv5monde.com/video/coronavirus-l-afrique-doit-se-preparer-au-pire-estime-l-oms ,
visité le 22/05/2022.

97
ralentissement systématique du fonctionnement de la vie quotidienne avec des
fermetures de frontières et/ou la mise en quarantaine des villes, ainsi que
l’interdiction de rassemblement sur toute l’étendue du territoire burkinabè (cf.
arrêté n°2020-021/PM/CAB cité dans Kobiané et al. 2020). Les institutions
scolaires et académiques ont été fermées suite à un communiqué gouvernemental
datant du 14 mars 2020. La fermeture a concerné grosso modo la période du
16 mars au 11 juin 2020. Les élèves du secondaire, surtout en classe d’examen
ont été autorisés après réajustement du calendrier scolaire et académique par un
arrêté présidentiel du 29 mai 2020 à reprendre le chemin de l’école en vue de
préparer leurs examens. Au cours d’un conseil de ministres, les autres élèves ont
vu leur année scolaire être validée sur la basse des notes disponibles à l’issue de
deux trimestres. (Kobiané et al. 2020). La fermeture des lieux de commerce de
manière générale et l’édiction de mesures barrières tendant à proscrire tout
contact physique sont aussi des décisions qui ont été prises dans le mois d’avril
2020 par le gouvernement à travers le décret n°2020-
0271PM/MDNAC/MATDC/MSECU/MS/MTMUSR (Kobiané et al.
2020). Dans les médias, les messages de sensibilisation se multipliaient, et pour
couronner le tout, un couvre-feu a aussitôt été instauré par décret présidentiel le
21 mars 2020 de 19h à 5h du matin. Le décret, nous précisent Kobiané et al,
sera réaménagé le 17 avril 2020 pour amener les heures du couvre-feu de 21h à
4h du matin.
Dans un pays où la majeure partie de la population vit au jour le jour, de
telles mesures restrictives ne peuvent perdurer ; d’autant plus qu’il a manqué de
mesures d’accompagnement à grande échelle. Ainsi, les premiers instants de
frayeur vont-ils céder la place à des interrogations et protestations. Dans le
même temps, on a assisté dans la presse nationale et internationale, ainsi que sur
les réseaux sociaux à des tractations sur la gestion de la nouvelle crise sanitaire.
L’apparition de la menace terroriste au Burkina Faso a contribué, de par ses
effets néfastes, à ce que la COVID-19 soit reléguée au second plan. À ce
propos, le reporteur Franz Stevens notera:
„Dennoch sind alle neueren Kommentare aus Burkina jetzt im September
übereinstimmend anders: COVID-19 ist nicht mehr das große Thema, es gab
Tote durch das Virus und die äußerst folgenreichen Beschränkungen wurden
gelockert. In Burkina Faso sind die Themen Terrorismus, Inlandsflüchtlinge,
ausstehende Wahlen und Versorgungsengpässe weitaus wichtiger als
Corona“.13 Burkina Info (2/2020:9)

13
Pourtant, tous les commentaires récents provenant du Burkina sont unanimement différents à partir de
septembre : la COVID-19 n'est plus sujet de préoccupation, le virus a fait des morts et les restrictions avec
leurs lourdes conséquences ont été assouplies. Le terrorisme, les déplacés internes, les prochaines élections
et les difficultés d'approvisionnement sont désormais bien plus importants que le Corona.

98
L’impact de la COVID-19 en termes de perte en vie humaine n’est pas
comparable aux exactions subies du fait de l’extrémisme violent. Ce qui passait
finalement pour être une pandémie redoutable et mortelle, s’est révélé être aux
yeux de beaucoup de Burkinabè, une crise à la limite « inoffensive », sans grand
danger pour beaucoup de citoyens burkinabè. Par voie de conséquence, une
certaine résistance à l’encontre des différentes mesures prises par le
gouvernement burkinabè pour lutter contre la propagation du virus s’est vite
installée. Malgré les sensibilisations, les découvertes de nouveaux vaccins
(Johnson & Johnson, Astra Zeneca, Pfizer, Moderna, etc.), l’apparition de
nouveaux variants (Alpha, Beta, Omikron, etc.), la recrudescence des cas de
contamination aussi bien au Burkina Faso que dans le reste du monde, la
majorité des Burkinabè a fini par développer un sentiment d’indifférence
généralisée à l’endroit de la pandémie.
Dans la nouvelle parution du bulletin d’information « Burkina Info » de
2022, un compte-rendu réalisé au Burkina Faso par Hermann Schopferer
étonne d’entrée de jeu par son titre évocateur : « Wo ist denn Corona ? » (Où
est donc Corona ?). Il souligne que partout dans les rues de Ouagadougou des
affiches font certes référence au fait que la pandémie existerait toujours et qu’il
faudrait respecter les mesures édictées, cependant son constat est sans appel :
„Beruflich für längere Zeit immer in Burkina Faso, Westafrika, unterwegs,
konnte ich mir ein Bild über die Corona Situation machen. Vor Ort im
September und Dezember 2020, im Januar und Mai 2021, konnte ich
feststellen, dass Corona keine Auswirkungen hat. Märkte, Geschäfte und
Restaurants sind geöffnet. Das tägliche Leben mit all seinen Aktivitäten ist
wie in all den Jahren zuvor. Es gibt keine Abstandregeln. Maskenpflicht nur
vereinzelt in öffentlichen Gebäuden und Banken“. 14 Burkina Info
(1/2022:42-43)

Malgré l’intensification des stratégies de communication par les


gouvernants (décrets, spots publicitaires, affiches, organisation de plateau télé,
émissions radiophoniques, colloques scientifiques, etc.), les populations
burkinabè ont indirectement décidé de ne pas faire de la COVID-19 une
préoccupation majeure. Ce qui est bien plus préoccupant, c´est la menace
terroriste, qui elle, fait plus de victimes et de dégâts que la crise sanitaire.
Tout comme la pandémie du coronavirus, « Burkina Info » nous permet
de rappeler quelque peu la naissance du phénomène terroriste, son évolution et
ses conséquences au Burkina Faso. De la période définie (2018-2022), on peut

14
Ayant toujours voyagé dans le cadre professionnel au Burkina Faso, en Afrique de l'Ouest, j'ai pu me faire
une idée de la situation du Coronavirus. Sur place en septembre et décembre 2020, en janvier et mai 2021,
j'ai pu constater que la pandémie n'a pas d'impact. Les marchés, les magasins et les restaurants sont ouverts.
La vie quotidienne avec toutes ses activités est comme toutes les années précédentes. Il n'y a pas de mesures
de distanciation. Le port du masque n'est pas respecté partout.

99
relever qu’à son début, les attaques n’étaient pas accentuées et répétées comme
c’est le cas depuis les quatre dernières années à partir de 2019 (cf. Diallo
2020:24). Entre 2014 et 2018, l’opinion nationale semblait se satisfaire de
l’idée que le phénomène du terrorisme ne touchait que le Mali et le Niger (cf.
Burkina Info 2/2018, p.34). Progressivement le mal s’est installé au Burkina
Faso comme dans le cas de la COVID-19. Nabons Laafi Diallo précise
d’ailleurs que l’avènement du terrorisme au Burkina Faso remonterait au mois
d’avril 2015 (Diallo 2020:12). C´est donc devant le fait accompli que les
autorités burkinabè vont tenter d’organiser l’offensive avec des moyens à la
limite peu sophistiqués et inadaptés. En dépit des multiples efforts déployés
dans la lutte contre l’hydre terroriste, plusieurs parties du pays, notamment l’est,
le nord, le centre nord et même le centre, vont être touchées par les attaques.
Celle dirigée contre l’État-Major Général des Armées et l’ambassade de France
en plein centre de la capitale burkinabè le 2 mars 2018 15 (cf. Burkina Info
2/2018:40) illustre bien le propos.
S’il a fallu mener des campagnes pour sensibiliser sur les dangers du
coronavirus, il n’a fallu que quelques attaques pour que l’opinion nationale
comprenne l’impérieuse nécessité pour les dirigeants d’agir au plus vite afin de
sauver l’intégrité territoriale et de garantir la sécurité des burkinabè. Les
Hommes Armés Non Identifiés (HANI), comme on les appelle communément,
tuent sans distinction d’âge, ni de sexe encore moins de religion ou
d’appartenance ethnique. Ils détruisent et vandalisent les symboles de l’État.
Depuis environ trois ans, les institutions scolaires fermées se chiffrent par
milliers ; des villages se vident, créant d’innombrables réfugiés internes et une
psychose qui va grandissante (cf. Labaume 2020) s’installe. Les conséquences
liées aux attaques terroristes sont énormes comme le souligne Christoph Straub,
président de l’AAGB :
„Ganz anders ist die Situation unserer Freunde und Partner in Burkina Faso.
Verbrecherbanden und terroristische Gruppen fordern täglich hohen Blutzoll,
Hunderttausende verlassen ihre Dörfer und Gemeinden und versuchen als
Binnenflüchtlinge, dem Horror zu entkommen, und der Staat selbst droht,
daran zu Grunde zu gehen“.16 Burkina Info (2019 :04)

Le terrorisme compromet sérieusement le vivre-ensemble. Le Burkina


Faso, jadis connu comme une terre de tolérance et de paix, vit depuis 2014 avec
l’insurrection populaire, une des pires heures de son histoire. L’insécurité
grandissante est désormais un terrain favorable à l’émergence de multiples maux

15
Voir aussi: (Diallo 2020, p. 10)
16
La situation de nos amis et partenaires du Burkina Faso est très différente. Les bandes criminelles et les
groupes terroristes font payer chaque jour un lourd tribut aux populations rurales, des centaines de milliers
de personnes quittent leurs villages et leurs communautés et tentent d'échapper à l'horreur en se déplaçant
vers l'intérieur du pays.

100
dont l’exacerbation de la corruption, la mal-gouvernance, l’insécurité alimentaire
et pis, le pays fait face à la montée de l’ethnicisme et/ou du régionalisme. Ce
n´est d’ailleurs pas fortuitement que Christoph Straub a choisi de traduire en
allemand un article (cf. Burkina Faso 2/2020 : 23-27) du Dr. Koudbi Kaboré,
enseignant-chercheur à l’université Joseph Ki-Zerbo qui a mené une réflexion
sur la question de la stigmatisation subie par l’ethnie peule dans certaines
localités du Burkina Faso touchées par l’extrémisme violent. L’article de Koudbi
Kaboré pose non seulement le problème de l’absence de l’État dans le Sahel mais
aussi la problématique des valeurs socioculturelles des communautés peules dans
le contexte de lutte contre le terrorisme. La philosophie sous-tendue par la
notion du « pulaaku » qui défendrait au Peul de dénoncer un membre de la
communauté semble faire l’affaire des groupes armés. Cela contribue à nourrir le
phénomène de la stigmatisation. Koudbi Kaboré recommande par ailleurs de
faire la part des choses, car les Peuls sont aussi victimes d’un système de
domination. Toute tendance à stigmatiser un groupe ethnique ou confessionnel
donné serait à bannir dans cette lutte, puisque cela pourrait compromettre
l’entente et la cohésion entre les différentes composantes de la société
burkinabè. Invité à se prononcer sur le nombre de terroristes neutralisés à la fin
d´une mission d’intervention, le Chef d’État-Major Général des Armées 17 ,
Moïse Minoungou, dira :
„Erlauben Sie mir, keine Zahlen zu nennen, denn für mich als
Generalstabchef der Streitkräfte halte ich es nicht für notwendig,
Zahlen zu nennen, insbesondere wenn wir wissen, dass wir gegen unsere
Brüder kämpfen. Sie sind Burkinabè. Ich denke, das Wichtigste war,
unsere Mission zu erfüllen“.18 Burkina Info (2/2020:27)

En cela, le CEMGA est conscient du danger que cela représente de procéder à


l’élimination systématique d’une certaine catégorie d’individus, d’où la nécessité d’en
appeler au bon sens de tous les acteurs à cultiver le vivre ensemble et la solidarité.
L’insécurité cause chaque jour de nombreuses pertes en vies humaines. Du début de la
crise sécuritaire jusqu’à présent, le nombre de veuves et d’orphelins ne fait que croître,
non seulement du côté des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) mais aussi du côté
des populations civiles (cf. Diallo 2020:46-48). Lors des campagnes comptant pour
les élections présidentielles en 2020, le candidat de l’opposition Zéphirin Diabré a
donné approximativement le chiffre de 1500 morts (Burkina Info 1/2021:7) et a
immédiatement fait du président sortant Roch Marc Christian Kaboré, le responsable
de toutes ces pertes en vies humaines.
Il est très difficile d’égrener tous les préjudices provoqués par le terrorisme et
la COVID-19, tant ils sont nombreux. Au regard de ce qui précède, on peut relever
17
À lire désormais CEMGA (Chef d’État Major Général des Armées)
18
Permettez-moi de ne pas donner de chiffres, parce que pour moi, en tant que chef d'état-major des armées,
je ne pense pas qu'il soit nécessaire de donner des chiffres, surtout quand nous savons que nous nous battons
contre nos frères. Ils sont Burkinabè. Je pense que le plus important était d'accomplir notre mission.

101
que la communication dans ce double contexte de COVID-19 et d’extrémisme
violent semble sous-entendre des implications controversées.

4. Les défis de la communication


Avant d’aborder la question à proprement parler, il convient d’évoquer
l’approche qui sous-tend la présente réflexion. Le principe fondamental de la
théorie de la réception, comme nous le fait comprendre Marc Lacheny19 , est
celui d’admettre qu’un texte porteur de message ne peut exister du seul fait
d’avoir été produit par son auteur. Celui à qui il s’adresse généralement, le
lecteur et/ou le destinataire participe aussi à la construction du sens. Les
réactions provoquées par le message transmis constituent l’autre facette à
prendre en compte dans le processus de la réception. J. Koppensteiner / E.
Schwarz nous précisent que c’est par le truchement de l’interaction que la
construction du sens du texte se façonne. (cf. Koppensteiner/Schwarz
2012:18). Dans le cas précis de notre réflexion, l’auteur et/ou l’émetteur
représente, ici, le gouvernement burkinabè. Les sensibilisations, les mesures
édictées ainsi que les actions menées dans le but d’apporter une réponse
adéquate aux crises nous renvoient au message émis par les gouvernants aux
populations qui ne sont rien d’autre que les potentiels récepteurs du message.
On note cependant que comme le lecteur et/ou le récepteur, la population ne se
contente pas de recevoir passivement les messages. Elle réagit aussi ; ce qui
favorise l’émergence d’un nouveau contenu que Hans Robert Jauss appelle
« écart esthétique » (ästhetische Distanz). Marc Lacheny nous rapporte la
définition de la notion proposée par Jauss en ces termes :
La distance entre l’horizon d’attente préexistant et l’œuvre nouvelle dont la
réception peut entraîner un « changement d’horizon en allant à l’encontre
d’expériences familières ou en faisant que d’autres expériences, exprimées pour
la première fois accèdent à la conscience, cet écart esthétique, mesuré à
l’échelle des réactions du public et des jugements de la critique (succès
immédiat, rejet ou scandale, approbation d’individus isolés, compréhension
progressive ou retardée), peut devenir un critère de l’analyse historique. Jauss
(1978:58)

A l’apparition de la COVID-19 et du terrorisme, on peut clairement


noter que les autorités étatiques n´ont pas manqué de communiquer. Il faut
cependant noter que la communication du gouvernement burkinabè fut
évolutive et multiforme, du fait que les crises évoquées soient assez difficiles à
contrôler de par leur nature. Dans différents organes de la presse, des
informations (décrets et arrêtés présidentiels ainsi que des communiqués) ont

19
Lacheny Marc, «Jauss (Hans Robert) » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des
publics. Mis en ligne le 20 septembre 2018. Dernière modification le 09 février 2022. Accès :
http://publictionnaire.humanum.fr/notice/jauss-hans-robert. (consulté le 01.05.2023)

102
été relayées. Il y a eu des émissions radiophoniques et télévisuelles de décryptage,
de sensibilisation. Des colloques scientifiques ont même été organisés en vue
d’apporter des solutions pour contribuer à lutter contre les deux crises 20 .
Cependant, communiquer dans des contextes aussi difficiles nécessite une
grande dose de prudence car comme le note Le Clainche : « La communication
de crise crée durablement la confiance ou la défiance. La confiance peut être
difficile à gagner ; mais, si elle est perdue, la défiance est durable » Le Clainche
2021(:437).
Avec les premiers cas de contamination, beaucoup semblaient unanimes
sur la dangerosité de la menace liée au coronavirus. Après quelques temps
comme on l’a souligné plus haut, les perceptions se sont polarisées à la suite des
tergiversations et des tractations sur la question de la crise. D’une part, on a les
politiques qui appellent à redoubler de vigilance et à encourager la promotion
d’une communication accrue visant à bouter le mal hors des frontières du
Burkina Faso. D´autre part, les populations dans leur majorité se laissent
convaincre que le mal n’est pas si dangereux qu’on le fait croire dans les spots
publicitaires ainsi que dans les différents organes de presse. On en est par
conséquent venu à sous-entendre l’inexistence du fléau. Les rapports sur les cas
de contamination livrés par le ministère de la santé ainsi que le décompte du
nombre de morts n’ont pas du tout permis de persuader grand monde de
l’existence de la pandémie. Au contraire, les banalisations ont gagné du terrain
comme au tout début, quand les commentaires faisaient comprendre que les
symptômes de la COVID-19 s’apparentaient à ceux d’une simple grippe
pouvant être guérie par des plantes ou des fruits alcalins. Les deux situations
observées témoignent de l’existence de mécanismes de communication parallèle.
Malgré les efforts des uns (les dirigeants) pour convaincre les autres (les
populations), chacun est comme suspendu à sa propre vérité. Pis, la position des
« sceptiques » tend même à submerger toute communication pouvant aider à
venir à bout du mal. De ce point de vue, une stratégie adaptée de
communication serait indispensable pour éviter que la crise ne perdure.
Autant qu´il reste des défis à relever dans la communication pour juguler
la pandémie, la situation de la communication dans la lutte contre le terrorisme
paraît peu reluisante. D’énormes sacrifices méritent bien d’être consentis pour
arriver à bout de ce mal. La contradiction y est devenue une règle. En partant
déjà de la dénomination « HANI » pour signifier : Homme Armé Non
Identifié, c’est clairement le caractère asymétrique de cette guerre qui est mis en
évidence. L’ennemi procède par des actions surprenantes, rendant ainsi la lutte
complexe. Cependant on lit de plus en plus dans la presse que les attaques

20
Les informations sur la COVID-19 ont principalement été relayées par deux grandes sources : Le journal
en ligne Lefaso.net et le Service d’Information du Gouvernement (cf. Wayack-Pambè, Thorsen et Darkwah
2021, p.9) ainsi que le CORUS (Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires).

103
seraient perpétrées par des Burkinabè, à en croire les dires du CEMGA, Moïse
Minoungou : « …wir wissen, dass wir gegen unsere Brüder kämpfen. Sie sind
Burkinabè ». Burkina Info (2/2020:27), ce qui se traduit par : « … nous savons
que nous nous battons contre nos frères. Ils sont Burkinabè ». Le constat du
CEMGA vient en partie démontrer que l’ennemi n´est pas aussi « inconnu »
que le suggère la dénomination « HANI ». Mieux, le vis-à-vis est indentifiable.
Cette certitude constitue un élément important dans la gestion de la
communication autour de la question du terrorisme. La polarisation dont il a
été question dans le cas de la crise sanitaire s’observe ici également. Cet état de
fait complexifie davantage la lutte. Si certains, notamment la société civile dans
sa majorité, appelle l’armée à se montrer impitoyable face à des personnes qui
s’en prennent à leur propre pays, les gouvernants, comme on le constate avec le
CEMGA, recommandent la prudence et le discernement dans l’émission et/ou
la production de l’information.
À l’ère de la libéralisation de la parole, surtout avec l’avènement des
réseaux sociaux, la communication s’effectue sans filtre, et des informations
sensibles sont véhiculées. Les acteurs traditionnels de production et d’émission
d’information se voient concurrencer par d’autres acteurs nouveaux, précisément
des activistes, des lanceurs d’alerte, des blogueurs, des freelancers, etc. La course
à l’exclusivité est ouverte. Cette situation crée forcément de la désinformation.
Dans un contexte de crise où la psychose ne fait que se généraliser au sein des
populations, il y a sans doute plus de difficultés à canaliser les sources
d´information. Selon le compte-rendu d’un membre de l’AAGB, des activités
d’inauguration d’infrastructures réalisées au bénéfice des populations dans
certaines localités à risque du Burkina Faso n’ont pas pu être organisées comme
d’habitude, au vu et au su de tous. Tout s’est tenu loin des médias. Pour se
rendre sur les lieux, Charly Simonis, directeur de l’ONG allemande
Solidaritätskreis Westafrika e.V. a relevé ceci : „Die Reiseroute wurde aus
Sicherheitsgründen geheim gehalten, denn die Gefährdungslage aufgrund von
Terroranschlägen hat sich weiter verschärft.“21 Burkina Info (1/2022:7). Ceci
pour dire que la gestion de l’information se fait désormais avec une attention
accrue afin d’éviter qu’elle ne soit relayée par tous et partout ; ce qui pourrait
éventuellement engendrer des conséquences fâcheuses.
Au-delà de la communication classique que nous venons d’évoquer, où le
principe fondamental commande qu´un émetteur transmette un message à un
destinataire, une autre forme de communication semble émerger dans la lutte
contre la COVID-19 et la question sécuritaire. Elle se base certes sur le schéma
classique de transmission d’information, mais tient beaucoup de ce qui n´est pas
explicitement exprimé. Il s’agit précisément des signaux témoignant d’un certain
21
L'itinéraire a été tenu secret pour des raisons de sécurité, car la menace d'attentats terroristes s'est encore
aggravée.

104
manque de respect de l’autorité par le gouverné. En se fiant au faible taux de cas
de contamination et de mortalité liée à la COVID-19 au Burkina Faso et ce,
comparativement à ce qui était donné de constater par média interposés à la
situation dans les pays européens, asiatiques et américains, les Burkinabè ont
majoritairement opté d’opposer un refus à l’endroit de certaines mesures
édictées par le gouvernement pour endiguer la pandémie. Qu´il s’agisse de la
vaccination, du port de masques ou de la distanciation sociale, pour ne citer que
ces mesures, beaucoup de Burkinabè ont affiché un scepticisme laissant
clairement percevoir la volonté à s’y opposer. Rien qu´en évoquant la
distanciation sociale et la vaccination, ces propos de Charly Simonis illustrent
bien le fait : […] Abstandsregeln gibt es gar nicht. Viele Burkinabè stehen einer
Impfung sehr skeptisch gegenüber und wollen sich nicht impfen lassen.“ 22
Burkina Info (1/2022:7)
La propagation de l’hydre terroriste dans plusieurs parties du Burkina
Faso semble aussi être la preuve que l’autorité de l’État est mise à rude épreuve
par les assaillants. Les symboles de la république comme les commissariats, les
gendarmeries, les écoles, les mairies, etc. sont saccagés et des populations
contraintes à la fuite. Toutes ces exactions sont un message dont le but est
clairement de défier l’État pour instaurer un nouvel ordre aux antipodes des
règles démocratiques. Interrogé lors de son jugement le 9 août 2021 devant le
Tribunal de Grande Instance de Ouaga II, un prévenu terroriste donne en
substance la raison de son engagement au sein des groupes armées : „Wir sind
ausgezogen, um die Scharia durchzusetzen (…) Wir sind nicht auf der Suche
nach Geld. Wir sind auf der Suche nach Gott. Wir wissen, dass man uns töten
kann, wenn wir verhaftet werden, aber wir suchen das Jenseits“.23 Burkina Info
(1/2022:16)
Et pour que l’objectif de faire imposer la scharia au forceps se concrétise,
il faut s’attaquer à l’administration publique, propager la terreur au sein des
populations afin de pouvoir se faire accepter.

Conclusion

En passant en revue les quelques grands moments historiques de la


coopération germano-burkinabè, on peut bien souligner qu’elle est très
dynamique et bénéfique pour les deux pays. Le concours du bulletin
d’information facilite la visibilité des différentes actions menées aussi bien au
Burkina Faso qu’en Allemagne. Au-delà de l’aspect évoqué, c’est aussi un organe
22
Les mesures de distanciation n'existent pas du tout. De nombreux Burkinabè sont très sceptiques vis-à-vis
de la vaccination et ne veulent pas se faire vacciner.
23
Nous sommes partis pour imposer la charia (...) Nous ne sommes pas à la recherche d'argent. Nous
sommes à la recherche de Dieu. Nous savons que nous pouvons être tués si nous sommes arrêtés, mais nous
cherchons le paradis.

105
de presse qui rend compte de l’actualité dans les deux pays. En considérant la
période de 2018 à 2022, nous constatons que deux faits majeurs dominent les
colonnes du journal. Il s’agit précisément du terrorisme et de la pandémie à
Coronavirus. Ces deux maux, qui touchent le monde entier, mettent
sérieusement la gestion de la communication, comme démontré plus haut, à
rude épreuve. De par leurs conséquences multiples et désastreuses, les politiques
de communication du gouvernement burkinabè ne sont pas toujours à même de
trouver des réponses adéquates face à la diversification incontrôlée des sources
de diffusion et de production d’information. D’un point de vue de la théorie de
réception, les gouvernants communiquent certes mais les messages émis font
l’objet de multiples interprétations. En contribuant à faire émerger de nouveaux
contenus, les citoyens burkinabè communiquent très souvent à contre-courant ;
toute chose qui dessert l’État et les populations elles-mêmes. Sachant cependant
que ces fléaux ne peuvent être adéquatement combattus sans une bonne maîtrise
de la communication, il est impérieux que pour le cas du Burkina Faso, les
autorités compétentes travaillent à canaliser le mieux possible les sources
d’informations. Cela passe par la culture et la promotion de la transparence dans
les approches et décisions politiques. Si les défis liés à la COVID-19 et au
terrorisme sont exposés et diagnostiqués sans complaisance, si les leaders
d’opinion, les journalistes professionnels, les blogueurs et les lanceurs d’alerte
sont sensibilisés à la nécessité d’agir en synergie d’action, alors il y aurait moins
de risques que la désinformation, la stigmatisation, le régionalisme, l’ethnicisme
et les théories complotistes ne puissent prospérer.

Bibliographie
Böhm, M.: Deutsch in Afrika. Die Stellung der deutschen Sprache in Afrika
vor dem Hintergrund der bildungs- und sprachpolitischen Gegebenheiten
sowie der deutschen Auswärtigen Kulturpolitik. Frankfurt am Main
2003.
Burkina info. DBFG e.V. Karlsruhe n°1-2018
Burkina info. DBFG e.V. Karlsruhe n°2-2018.
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Burkina info. DBFG e.V. Karlsruhe n°1-2021.
Burkina info. DBFG e.V. Karlsruhe n°1-2022.
Diallo Nabons Laafi : Le terrorisme au sahel. Dynamique de l’extrémisme
violent et lutte anti-terroriste : un regard à partir du Burkina Faso.
L’Harmattan 2020.

106
Kobiané, Jean-Francois et al. : Les inégalités au Burkina Faso à l’aune de la
pandémiede la COVID-19 : quelques réflexions prospectives. In : Papiers
de recherche, 2020. p.1-72.
Kum´a Ndumbe III, Alexandre: L´Afrique et les Allemagnes. Aperçu des
relations historiques (1884-1978). In: Négritude et Germanité.
L´Afrique Noire dans la littérature d´expression allemande. Dakar 1983.
Koppensteiner, Jürgen; Schwarz, Eveline: Literatur im DaF/DaZ-Unterricht.
Eine Einführung in Theorie und Praxis. Komplett überarbeitete und
aktualisierte Neuauflage, Wien 2012.
Le Clainche, Michel: Covid-19: les défis de la communication de crise (mars
2020- mars 2021). In : Revue française d’administration publique,
2021/2 (N°178). p.433-447
Labaume, C. : Survivantes et Héroines : Les femmes dans la crise au Burkina
Faso.
OXFAM International. https://www.garda.com/fr/crisis24/rapports-
de pays/burkina-faso.
Lacheny Marc, «Jauss (Hans Robert) » Publictionnaire. Dictionnaire
encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 septembre
2018. Dernière modification le 09 février 2022. Accès :
http://publictionnaire.humanum.fr/notice/jauss-hans-robert. (visité le
01.05.2023)
Wayack-Pambè, Madeleine; Thorsen, Dorte ; Darkwah, Akosua K. : Burkina
Faso – études pays sur les mesures et l’impact de la COVID-19.
INCLUDE, 2021. Liens URL:
https://information.tv5monde.com/video/coronavirus-l-afrique-doit-
se-preparer-au-pire-estime-l-oms , visité le 22/05/2022.
www.panglos.de, visité le 09/05/2022.

107
VII. Représentations de la propagande dans les bandes dessinées de la Grande
Guerre : écoles, églises et presse comme lieux de circulation des discours de
propagande nationale dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de France et
d’Allemagne /Tagebuch 14/18. Vier Geschichten aus Deutschland und
Frankreich
Fidèle Yaméogo
Université Joseph Ki- Zerbo
[email protected]

108
Représentations de la propagande dans les bandes dessinées de la Grande Guerre :
écoles, églises et presse comme lieux de circulation des discours de propagande
nationale dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de France et d’Allemagne
/Tagebuch 14/18. Vier Geschichten aus Deutschland und Frankreich24

Résumé
Le présent article interroge les mécanismes de représentation de la propagande de guerre
dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de France et d’Allemagne, bande dessinée basée sur
des extraits de carnets et mémoires et publiée simultanément en Allemagne et en France à la
faveur de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre. Pour ce faire, l’analyse
s’articule autour de trois lieux privilégiés de co-construction, de légitimation et de
circulation de ladite propagande : l’école, l’église et la presse. D’un point de vue
méthodologique, notre analyse s’inscrit dans le cadre de l’analyse critique du discours (Van
Dijk). L’analyse montre que la représentation de la propagande repose d’une part sur la mise
en scène de la naturalisation de certaines constructions de nature mythologique, de contenus
intertextuels partagés dans les communautés, et d’autre part, sur le recours à des procédés
techniques liés aux angles de vue ou aux plans.

Mots-clés : Carnets 14/18, propagande de guerre, analyse critique du discours, écoles,


églises, presse

Abstract
This paper examines the mechanisms of representation of war propaganda in Carnets 14/18
- Quatre histoires de France et d'Allemagne, a comic book based on excerpts from
notebooks and memoirs and published simultaneously in Germany and France during the
commemoration of the centenary of the Great War. To do this, the analysis is based on
three privileged places of co-construction, legitimation and circulation of the said
propaganda: school, church and the press. From a methodological point of view, our
analysis is situated within the framework of critical discourse analysis (Van Dijk). The
analysis shows that the representation of propaganda is based, on the one hand, on the
staging of the naturalization of certain mythological constructions, of intertextual contents
shared in the communities, and on the other hand, on the recourse to technical procedures
related to the angles of view or the plans.

Keywords: Carnet 14/18, War Propaganda, Critical Discourse Analysis, Schools, Churches,
Press

Introduction

Quatre ans après les dernières célébrations du centenaire de la Grande


Guerre (2014-2018), la communauté internationale assiste médusée 25 à la
résurgence de conflits internationaux de grande ampleur, ouverts comme c’est le

24
Désormais en abrégé Carnets 14/18
25
Cf. le titre aux relents triomphalistes de Claude Le Borgne « La guerre est morte » (1987) et l’article de
Éric de la Maisonneuve où le Général évoque en 2001 une Europe « sanctuarisée » par la dissuasion
nucléaire.

109
cas dans le conflit russo-ukrainien aux portes de l’Europe, ou latents (Chine –
Taiwan – États-Unis d’Amérique). Dans une interview accordée à la Deutsche
Welle et publiée le 22 mai 2022 dans le contexte du déclenchement du conflit
russo-ukrainien, l’historien C. Clark, par ailleurs auteur de l’ouvrage Les
somnambules. Été 1914. Comment l’Europe a marché vers la guerre, évoque des
similitudes dans le déclenchement de la Grande Guerre et celui du conflit russo-
ukrainien. À cet effet, l’historien met en avant un certain nombre de parallèles :
Et j’ai eu l’impression que les arguments utilisés pour s’impliquer dans cette
guerre se font encore entendre aujourd’hui. Par exemple, cette tendance à jouer
les victimes, à voir les provocations de l’autre partie, mais à être totalement
aveugle à la contribution que l’on a soi-même apportée à une crise. Ou
considérer ses propres mesures comme défensives et les mesures de l’adversaire
comme offensives. Ce type de raisonnement n’a visiblement pas disparu.26

Comme on peut le constater, les quelques aspects ici énumérées par C.


Clark concernent les stratégies d’argumentation choisies par les différents camps
pour légitimer leur action et jeter l’anathème sur l’adversaire en temps de guerre.
Bien que tombé en désuétude, ce concept de propagande conserve
néanmoins de nos jours une dimension épistémologique non négligeable, eu
égard notamment à l’actualité de ces dernières années, en l’occurrence la crise
sanitaire liée à la pandémie du coronavirus et la bataille d’information et de
désinformation qui l’a accompagnée27, la guerre contre le terrorisme au Sahel et
les accusations tous azimuts concernant les stratégies supposées propagandistes
attribuées à tort ou à raison à des puissances étrangères (Russie, Turquie, Chine,
France, etc.) et encore plus généralement, si l’on considère les étiquettes d’ère
post-vérité ou post-factuelle28 souvent utilisées pour caractériser le monde dans
lequel nous vivons, en particulier depuis 2016 et l’accession de Donald Trump
à la magistrature suprême aux États-Unis.
La présente contribution vise à interroger la construction discursive de la
propagande nationale dans une bande dessinée publiée simultanément en
Allemagne et en France dans le cadre de la célébration du centenaire de la
Grande Guerre.

26
Cf. https://www.dw.com/de/erster-weltkrieg-ukraine-parallelen/a-61882072 (13/12/2022). Voir aussi
https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/manuel_d_histoire_critique/a59817
27
Voir Laurent Muchielli, 2018, « La doxa du Covid : Réflexions sur le contrôle de l’information relative à
la crise sanitaire ».
28
Ce concept renverrait à une époque où les individus privilégieraient davantage leurs émotions par rapport
aux faits pour poser un jugement. Pour une discussion du concept, voir A. Hyvönen (2018, en ligne).

110
1. Démarche méthodologique
En partant des discours produits dans les écoles, les églises et la presse, et
en vue de mettre en évidence les stratégies de représentation de la propagande,
notre démarche s’inscrit dans le cadre de l’analyse critique du discours 29 et
interroge le texte à la recherche des mécanismes qui participent à la construction
des lignes de démarcation entre l’image projetée de soi et celle de l’ennemi, aux
modes de construction de l’affect et in fine à la diabolisation de l’adversaire. Le
choix de l’analyse critique du discours se justifie par le fait que ces trois
institutions qui représentent, chacune à sa manière, des institutions de
socialisation sont également des lieux privilégiés de relations asymétriques où les
questions de pouvoir, de contrôle parcourent le discours. Selon A. Petitclerc qui
s’appuie sur Fowler, l’objet de l’analyse critique du discours serait d’explorer
comment les relations asymétriques de pouvoir se légitiment et se transmettent
au sein d’une société. Dans cette optique, l’idéologie y jouerait un rôle pivot qui
serait le maintien de l’ordre social, toute chose qui passe par un contrôle et une
mainmise sur les discours (A. Petitclerc 2015 : 54). Nous recherchons donc les
modes de circulation du pouvoir dans les discours. À cet effet, T. Van Dijk
(2001 : 356) montre comment certaines personnes de référence au sein d’une
société peuvent contrôler les discours :
Thus, professors control scholarly discourse, teachers educational discourse,
journalists media discourse, lawyers legal discourse, and politicians policy and
other public political discourse. Those who have more control over more —
and more influential — discourse (and more discourse properties) are by that
definition also more powerful. In other words, we here propose a discursive
definition (as well as a practical diagnostic) of one of the crucial constituents
of social power. These notions of discourse access and control are very general,
and it is one of the tasks of CDA to spell out these forms of power. Thus, if
discourse is defined in terms of complex communicative events, access and
control may be defined both for the context and for the structures of text and
talk themselves.

Ce contrôle des discours se manifeste également de manière plus concrète


par exemple à travers la prise de contrôle des éléments relatifs au cadre des
interactions, à leur structure ainsi qu’aux dimensions de contenus, la distribution
de la parole, les opinions autorisées ou censurées :
Controlling context involves control over one or more of these categories, e.g.
determining the definition of the communicative situation, deciding on time

29
Voir C. Eisenhart et B. Johnstone, 2012, « L’analyse du discours et les études
rhétoriques », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 9 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2012,
consulté le 09 avril 2023. URL : http://journals.openedition.org/aad/1415 ; voir aussi T. Guilbert, « Une
analyse sémio-discursive de la culpabilisation des ménages modestes », Économie et institutions [En ligne],
25 | 2017, mis en ligne le 20 décembre 2017, consulté le 10 avril 2023. URL :
http://journals.openedition.org/ei/5847.

111
and place of the communicative event, or on which participants may or must
be present, and in which roles, or what knowledge or opinions they should
(not) have, and which social actions may or must be accomplished by
discourse. Also crucial in the enactment or exercise of group power is control
not only over content, but over the structures of text and talk. (T. Van Dijk
ibid, 2001 : 356).

Une attention particulière est également consacrée à la confrontation


entre l’extrait authentique du carnet et le texte multimodal sachant qu’il s’agit
d’au moins deux niveaux de communication qui ont lieu de manière décalée
dans le temps ; alors que les extraits de carnets et mémoires sont de type
monologique, le deuxième niveau de communication met en scène lesdits
extraits, les dialogues de Bande dessinée (BD) y compris les images ainsi qu’une
instance narrative intervenant par moments et les récepteurs/lecteurs.

2. Quelques remarques sur le concept de propagande


Les origines de ce terme de propagande, aujourd’hui négativement
connoté, remonteraient au 16e siècle (F. d’Almeida 2002, en ligne). À cet effet,
il était lié à la mise sur pied par la papauté de la congregatio de propaganda fide
dans le contexte de la croisade contre-réforme où il s’agissait pour l’église de
regagner le terrain perdu lors de la réforme et de cibler un public jusque-là non
atteint par l’évangile. Le terme est lié dans ce contexte aussi bien au contenu du
message qu’aux canaux utilisés pour (re)gagner lesdites âmes. C’est à la fin du
18e siècle que l’Académie française lui confère son second sens de « propagation
des opinions et croyances ». À la fin du 19e siècle le terme est employé pour
désigner dans le contexte scolaire les efforts déployés pour propager un esprit de
patriotisme et un sentiment national auprès des élèves.
De manière plus générale, le concept de propagande est défini par
l’Agence fédérale allemande pour l’éducation politique (Bundeszentrale für
politische Bildung 30 ) comme une tentative d'influencer de manière ciblée la
pensée, l'action et les sentiments d’autrui31. En ce qui concerne les méthodes
privilégiées de propagande, la BPB en relève huit32. La première est la fabrique
de la peur qui consiste à diaboliser l’adversaire, à amplifier la menace qu’il
représente tout en faisant ressortir sa propre innocence et son propre statut de
défenseur/ promoteur du bien. En deuxième lieu, il s’agit de la censure qui vise
à renforcer l’union sacrée en temps de crise tout en œuvrant à la promotion d’un
point de vue au détriment d’autres qui sont purement et simplement étouffés.

30
Par la suite, abrégée BPB
31
https://www.bpb.de/themen/medien-journalismus/krieg-in-den-medien/130697/was-ist-propaganda/
(téléchargé le 09/01/2023).
32
https://www.bpb.de/themen/medien-journalismus/krieg-in-den-medien/130699/methoden-der-
kriegspropaganda/ (téléchargé le 09/01/2023)

112
La troisième méthode est la distorsion linguistique qui vise à sélectionner des
mots et expressions à même de stigmatiser et jeter le discrédit sur l’adversaire via
des termes négativement connotés (en le qualifiant par ex. de dictateur, tyran
etc.) tout en sanctifiant ses propres intentions (promotions des valeurs
démocratiques, liberté, paix etc.). La quatrième méthode est celle de la captation
des suivistes qui prenant appui sur la psychologie des foules jouera de
manipulation pour faire croire que l’écrasante majorité de la population est déjà
ralliée à la cause telle que présentée par le discours officiel. Tandis que la
cinquième méthode, l’esthétisation, tente de masquer la face hideuse de la guerre
pour en faire l’apologie via des techniques de communication, la sixième, qui est
la gestion des perceptions, est quant à elle axée sur la manipulation des
opinions. La septième méthode, mensonges et tromperies, permet aux
propagandistes d’assimiler vérité, contre-vérités et demi-vérités en vue d’assouvir
leurs desseins. Enfin, le militainment viserait des alliances entre forces armées et
industrie du divertissement dans la production de supports de communication
(films, jeux etc.).33

3. Bande dessinée et propagande


La Bande dessinée elle-même, on le sait, a fait l’objet d’études en tant que
vecteur de propagande.34 Elle a été un instrument particulièrement efficace de la
propagande pendant la Grande Guerre à l’image de titres bien connus tels que
Bécassine ou Les pieds nickelés. Si la question de la propagande liée à la Grande
Guerre en elle-même a déjà largement fait l’objet d’études, notamment du point
de vue de la didactique des langues ou de l’histoire (cf. les études rassemblées
par Losfeld/Ungerer 2016), voire en ce qui concerne la période d’avant-guerre
(B. Severin-Barboutie 2015), Carnets 14/18 n’a quant à lui, outre plusieurs
recensions, pas encore suffisamment retenu l’attention de la recherche eu égard à
la question de la mise en scène de la propagande.

33
Voir aussi A. Morelli synthétisant en dix points les principes jadis énoncés par l’homme politique
britannique Lord Ponsonby, à l’époque profondément réfractaire à l’entrée en guerre de son pays dans ce qui
deviendrait le premier grand conflit mondial : 1. Nous ne voulons pas la guerre ; 2. Le camp adverse est seul
responsable de la guerre ; 3. L'ennemi a le visage du diable (ou "l'affreux de service") ; 4. C'est une cause
noble que nous défendons et non des intérêts particuliers ; 5. L'ennemi provoque sciemment des atrocités ; 6.
si nous commettons des bavures, c'est involontairement ; 7. L'ennemi utilise des armes non autorisées ; 8.
Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes ; 9. Les artistes et intellectuels
soutiennent notre cause ; 10. Notre cause a un caractère sacré ; Ceux qui mettent en doute la propagande sont
des traîtres.
34
Voir P. Delisle (2020), Chantal au Katanga de Rigot (1950-1951), un Tintin au Congo pour les filles ?
URL : https://brill.com/view/journals/ssm/33/3-4/article-p319_5.xml?language=en (13/12/2022) ; M. Jestin,
B. Severin-barboutie (2020), « Guerre et bande dessinée », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe,
URL : https://ehne.fr/fr/node/12349 (13/12/2022). Cf. également dans la presse, par ex. dans Le Point (dans
son édition en ligne du 19/04/2020) où Romain Brethes montre du doigt le gouvernement communiste en
Chine usant d’une BD pour vanter ses succès dans la lutte contre la pandémie à Coronavirus :
https://www.lepoint.fr/culture/coronavirus-une-bd-au-service-de-la-propagande-chinoise-19-04-2020-
2372035_3.php. Publié le 19/04/2020 à 15h01 ; (13/12/2022)

113
4. Brève présentation de Carnets 14/18
Alors que disparaissent progressivement les générations ayant directement
vécu les affres de la Grande Guerre, encore appelée Urkatastrophe (Catastrophe
originelle du 20e siècle) par les allemands, Alexander Hogh et Jörg Maillet ont
entrepris de concevoir deux volumes y consacrés respectivement dans les deux
langues que sont le français et l’allemand. Sur la base des carnets de guerre de
Nessi, Walter, Lucien et les mémoires de René (qui n’a que 6 ans lorsque
débute le conflit), sont conçues deux bandes dessinées qui paraissent
simultanément dans les deux pays. Les auteurs des Carnets 14/1835 mettent dès
la préface résolument en avant la dimension hybride du volume ; il s’agirait
de « mêler pédagogie, recherche historique et création artistique ». À ceci
s’ajoute la perspective croisée franco-allemande ici privilégiée dans la mise en
scène de ces quatre histoires de jeunes Français et Allemands. L’article a choisi
de se focaliser sur un certain nombre d’institutions sociales dont le rôle apparaît
fondamental dans la construction et la transmission des savoirs, valeurs et
opinions, à savoir l’école, l’église et la presse.

5. Analyse de texte
5.1. La propagande à l’école36
Le texte extrait du carnet de Walter Bärthel, daté du 18 octobre 1913,
dit ceci : « Un tilleul a été planté dans la cour de notre école, en
commémoration de la bataille de Leipzig. » (Carnets : 11). Ce jour, 18 octobre
1913, qui marquait le centenaire de la bataille des nations de Leipzig devait être
célébré de manière toute particulière à l’école. À cet effet, c’est une plantation
d’arbre qui devait marquer l’événement. Avant de jeter un regard sur les
dialogues de la première planche de l’album, il convient de marquer un arrêt sur
la nature même de l’acte symbolique de la plantation d’arbre, notamment sur le
choix du tilleul. Wilhelm Heinrich Riehl disait ceci : « Quand bien même nous
n'aurions plus besoin de bois, nous aurions encore besoin de la forêt. Le peuple
allemand a besoin de la forêt comme l'homme a besoin du vin »37. C’est ainsi
que les humanistes allemands du 15e siècle avaient déjà ressuscité le mythe
d’Arminius vainqueur des romains dans la bataille de la forêt de Teutobourg.
Dans la bataille de Hermann de Klopstock, les guerriers tribaux sont dits

35
Prix Franco-Allemand des industries créatives et culturelles en 2015
36
En ce qui concerne l’école, sa mission d’éducation, en Allemagne, avait été formulée de manière
programmatique par un décret de l’empereur : « Bedenken Sie, was uns für ein Nachwuchs für die
Landesvertheidigung erwächst. Ich suche nach Soldaten, wir wollen eine kräftige Generation haben, die
auch als geistige Führer und Beamte dem Vaterland dienen » (Lemmermann 1984, vol. 1, 19, cité par Sistig
2016: 111). Nous traduisons : « Pensez à la relève que nous souhaitons voir émerger pour la défense du
pays. Je suis à la recherche de soldats, nous voulons une génération forte qui serve aussi la patrie en qualité
de guides spirituels et fonctionnaires ».
37
Voir J. Zechner, https://www.bpb.de/shop/zeitschriften/apuz/260674/natur-der-nation/, consulté le
01/02/2023

114
enracinés comme un chêne et la patrie comme « le chêne le plus haut, le plus
ancien et le plus sacré » ; plus tard au début du 19e siècle, des penseurs et autres
intellectuels allemands d’obédience romantique remettent au goût du jour la
nature allemande dite forestière, et ce en vue de forger une identité historique et
culturelle allemande aux fins de contrer l’influence française. La forêt allemande
est ici perçue comme symbole de tradition, continuité et in fine de germanité.38
De manière plus spécifique, le tilleul est un arbre associé à la ville de
Leipzig ; déjà au 18e siècle, Johann Christoph Gottsched appelait Leipzig « la
belle ville de tilleuls de Saxe », pendant que Ernst Moritz Arndt en faisait
l’éloge en la désignant dans un de ses poèmes relatifs à la bataille de Leipzig en
1813, « Ô Leipzig, cité amie des tilleuls » 39 . La première scène à l’école se
déroule le 18 octobre 1913, donc quelques mois avant le début de la Grande
Guerre :
- (1) Professeur : « Que cet arbre doit-il nous rappeler ? »
- (2) Un élève : « Il y a cent ans, Napoléon a été vaincu lors de la bataille
des Nations près de Leipzig »
- (3) Professeur : « C’est alors que l’Allemagne s’est libérée de la tyrannie.
Quelle leçon peut-on en tirer ? »
- (4) L’élève (Walter Bärthel) : « Infâme est la nation qui ne s’engage avec
joie pour son honneur. »
- (5) Professeur : « Ne l’oubliez jamais. Et maintenant, retournez dans vos
classes.
Cette représentation aux allures caricaturales est intéressante à plus d’un
titre. Déjà l’enseignant, dépositaire de l’autorité est représentée le crâne nu, ce
qui met particulièrement en relief sa barbe wilhelmnienne, ce qui est mis en
exergue par le plan rapproché du professeur (Carnets : 11, bande 2, vignette
3). Par-delà la dimension de son autorité manifestée par le contenu
multimodal, nous notons dans un premier temps sa réaction vis-à-vis de la
réponse apportée à sa première question, celle de connaître la nature de
l’événement commémoré par la plantation du tilleul en ce 18 octobre 1913 :
- (2) Un élève : « Il y a cent ans, Napoléon a été vaincu lors de la bataille
des Nations près de Leipzig »
- (3) Professeur : « C’est alors que l’Allemagne s’est libérée de la tyrannie.
Quelle leçon peut-on en tirer ? »

38
Voir aussi S. Depraz, « Ancrage culturel d’un imaginaire. De la forêt aux parcs naturels allemands, une
mise en scène de l’univers du conte ? », in : La Grande Oreille. La revue des arts de la parole, 24 (2005),
Bois et sous-bois : contes en forêt, pp.54-58. ffhalshs-01547030v2
39
U. Planert, « Dichtung und Wahrheit. Der Mythos vom Befreiungskrieg und die Erfahrungswelt der
Zeitgenossen », in Martin Hofbauer/ Martin Rink (éds.), Die Völkerschlacht bei Leipzig: Verläufe, Folgen,
Bedeutungen 1813-1913-2013, Berlin, Boston: De Gruyter Oldenbourg, 2017,
https://doi.org/10.1515/9783110464887-016.

115
Il est intéressant de relever la part de propagande dans cette réplique de
l’enseignant qui attribue des relents « tyranniques » à Napoléon. De plus, il
semble oublier de mentionner qu’à cette période il n’était pas encore question
d’unité allemande :
Loin d’y voir le signe de la libération du « joug français », les Saxons ne
retenaient que l’abaissement de leur pays. En effet, la Saxe a tenu une
place ambiguë durant la bataille de Leipzig puisque son roi est resté fidèle
à Napoléon jusqu’à la fin, alors que ses troupes ont subitement changé de
camp le troisième jour des combats. […].40

D. Blume (2013) observe également que près de 20 000 Allemands des


États de la Confédération du Rhin, principalement des Saxons, des Badois, des
Hessois, des Wurtembergeois et des Westphaliens ont combattu aux côtés des
troupes napoléoniennes.41 Pour D. Blume, la récupération politique de la bataille
des nations a policé et enjolivé les événements en les sacralisant pour les élever
au rang de mythe fondateur :
De la même manière que Napoléon avait déclaré que les défections
saxonnes et wurtembergeoises pendant la bataille étaient la cause principale
de sa défaite, les nationalistes l'ont transfigurée en un acte purement
patriotique d'Allemands qui ne voulaient plus se battre contre des
Allemands - alors qu'il s'agissait d'une simple question de survie.42

Grâce à la propagande à l’œuvre ici, l’ennemi héréditaire est diabolisé, car


incarnant la « tyrannie », tandis que l’Allemagne se serait « libérée », les
exemples cités plus hauts ont montré que l’entité appelée ici « Allemagne »
n’existait pas à cette époque en tant que telle, la Prusse ayant mené le combat
aux côtés des autres alliés, y compris contre certaines principautés allemandes.
La question suivante posée aux élèves « Quelle leçon peut-on en tirer ? » revêt
ici une double fonction. Une première du point de vue de la communication
interne et une seconde en termes de communication externe décalée en prenant
en compte le lecteur destinataire de nos jours.
Du point de vue de la communication interne, cette question réaffirme
l’autorité de l’enseignant dans la construction supposée du savoir (enseignant-
élèves). Du point de vue de la communication externe, elle permet de réaffirmer
le rôle prépondérant du mythe national dans le discours de propagande. La
bataille des nations est ici célébrée en ce sens qu’elle est censée être fondatrice de

40
J. Schweitzer, « Mémoires, mythes et relectures de la bataille de Leipzig en Allemagne de 1813
à 1871 », in Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [en ligne], 47-1 | 2015, en ligne depuis
le 13 décembre 2017, téléchargé le 3 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/allemagne/477.
41
Cf. D. Blume, https://www.dhm.de/lemo/rueckblick/voelkerschlacht-bei-leipzig.html, téléchargé le
06/03/2023.
42
Loc.cit.

116
la construction de la nation de même qu’elle est porteuse de « leçon » dans une
perspective déontique. Cette question de l’enseignant permet de remettre l’élève
Walter Bärthel sous le feu des projecteurs. L’élève va ainsi s’illustrer par une
restitution mécanique de contenus préalablement mémorisés : « Infâme est la
nation qui ne s’engage avec joie pour son honneur. » (Carnets : 11, bande 3,
vignette 2). Ainsi s’exprime le comte Dunois dans la pucelle d’Orléans de
Friedrich Schiller. Il s’agit ici de la convocation d’un argument d’autorité, le
célèbre classique allemand Schiller lui-même. L’élève est ici fier de ressortir de
manière mimétique, visible à travers sa posture droite et stoïque, la citation et
donc la doxa de l’époque. L’approbation de cette réponse par l’enseignant qui
n’est rien d’autre qu’une citation dite mécaniquement et employée hors contexte
est une preuve de la démarche propagandiste en marche. Il s’avère important de
noter, si l’on considère le point de vue pédagogique qui en rappel fait partie des
objectifs affichés par l’ouvrage, que le glossaire proposé par les auteurs à la fin
de l’album (Carnets : 108) ne mentionne pas l’origine de cette réponse-citation
de l’élève, d’autant plus que la traduction française de l’album se contente d’une
traduction de ladite citation. 43 La réaction de l’enseignant qui assure de la
validité de la réponse mimétique de l’élève participe à l’ancrage de la
propagande : « Ne l’oubliez jamais. Et maintenant, retournez dans vos classes. »
Cette injonction qui permet par la même occasion de clore le débat met en
avant une représentation caricaturale du mode de transmission du savoir qui
tout en feignant d’être dialogique n’est au final que monologique.
Par ailleurs, l’invocation de l’honneur dans la citation de l’élève n’est
certainement pas non plus le produit du hasard. L’honneur en tant qu’émotion44
collective ou individuelle fait partie des topoi jouant un rôle déterminant dans la
société d’avant la Grande Guerre.45 Il faudrait relever ici que les émotions sont
censées être le moteur d’une action, à savoir ici « s’engager avec joie pour sa
nation » ; d’un point de vue rhétorique, l’honneur et son antonyme l’infâmie
sans oublier la joie censée accompagner l’action sont mis en exergue. Plus loin,
les notes du journal de Bärthel en date du 29 juin 1914, lendemain de l’attentat
de Sarajevo disent ceci : « Nous avons appris la nouvelle de l’abject attentat de
Sarajevo » (Carnets : 13). En guise d’illustration, la planche proposée nous
montre une séance de cours manifestement d’histoire au cours de laquelle le
professeur en référence à la guerre entre Français et Allemands de 1870/1871
notamment la victoire de la bataille de Wissembourg pose la question suivante

43
Dans le glossaire fourni à la fin de l’album on lit ceci : « Infâme est la nation qui ne s’engage avec joie
pour son honneur » ; À l’époque, le mythe de l’inimitié héréditaire entre la France et l’Allemagne est très
ancré dans les milieux nationalistes. La commémoration du centenaire de la victoire sur Napoléon lors de la
« bataille des Nations » de Leipzig (1813), reflète ce sentiment. »
44
Cf. J. Ravat dans son article « Action, Émotions, Motivation : Fondations psychologiques du
raisonnement pratique », in Le Philosophoire, vol. 29, no. 2, 2007, pp. 81-95.
45
https://www.welt.de/127094329, téléchargé le 21/11/2022, 18h09

117
aux apprenants : « Avec quelle victoire débuta la campagne glorieuse ? ». Ici,
c’est l’utilisation de l’adjectif qualificatif « glorieux » qui attire notre attention.
En effet, cet usage de l’adjectif qualificatif « glorieux » par l’enseignant vise à
inhiber toute velléité de jugement rationnel sur ledit conflit et à attiser le
sentiment national. Ici encore la propagande est distillée outre par l’affect, de
manière quasi subliminale par l’argument d’autorité se traduisant par la posture
de l’enseignant et sa moustache wilhelmnienne. Outre le fait que la question ne
laisse aucune place à la promotion de l’esprit critique, il faut mentionner le fait
que l’évocation de la première victoire de la campagne dite glorieuse de 1870 est
un euphémisme car préfigurant l’autre victoire, celle-là plus célèbre, qui est la
victoire des Allemands à la bataille de Sedan le 1er septembre 1870.46
Le discours de propagande à l’école se manifeste également à la page 17
alors qu’a déjà éclaté la Grande Guerre. Nous sommes dans les notes de journal
de Bärthel à la date du 27 août 1917. On retrouve la classe de Bärthel et son
professeur, pour la reprise des classes. S’adressant à ses élèves, l’enseignant dit
ceci : « La guerre est le père de toutes choses. Nous vivons une grande époque.
Faites qu’elle ne soit dominée par un peuple inférieur » (Carnets : 17, bande 2,
vignette 3).
Nous avons affaire ici à une citation suivie sans autre forme de procès par
une exhortation de type déontique. Il est frappant que la citation qu’on attribue
au philosophe Héraclite : « La guerre est le père de toutes choses » se trouve
raccourcie. En l’occurrence, la citation exhaustive dit ceci : « La guerre est le
père de toutes choses et le roi de toutes. Elle fait des uns des dieux et des autres
des hommes, des uns des esclaves et des autres des hommes libres ». Si on s’en
tient à cet extrait, on peut observer que l’enseignant sort une partie de la citation
de son contexte et en oriente l’interprétation afin de servir ses desseins du
moment, attiser la fibre patriotique de ses élèves. Car si la guerre est portée sur
un piédestal entre autres pour ses forces créatrices, Héraclite mentionne
également ses capacités de nuisance, les inégalités qu’elle entraîne.

5.2. La propagande à l’église


La représentation de la propagande à l’église est particulièrement marquée
dans la scénarisation des notes de Nessi Zenker, jeune allemande de 14 ans
lorsque sonne l’heure de la mobilisation générale en août 1914. La scène à
l’église qui attire notre attention est une sorte d’écho aux notes préliminaires de
Nessi datant d’août 1914 : « Cela faisait longtemps que j’avais fort peur que la

46
L’empereur Napoléon III signe sa reddition le 2 septembre 1870 : « L'armée est vaincue et capturée, je
suis moi-même prisonnier » […]. Plus tard, il écrit à l’impératrice Eugénie depuis Kassel en Allemagne où il
est fait prisonnier : « Nous avons entrepris une marche qui se moque de tous les principes. Cela devait
conduire à une catastrophe. Elle est complète. J'aurais préféré mourir plutôt que d'assister à une capitulation
aussi écrasante - et pourtant, dans les circonstances actuelles, c'était le seul moyen d'éviter le massacre de
60.000 personnes ».

118
guerre éclate » (Carnets : 27). Cette note dans le carnet de Nessi est mise en
scène par le biais d’une sorte de confession, une adresse à Dieu sous forme de
prière : « Mon Dieu, je ne prie pas aussi souvent que je le devrais… […] Père
pense qu’il va peut-être y avoir la guerre. […] Mais je sais que toi non plus, tu
ne veux pas la guerre. S’il te plaît, fais que la paix demeure. » (Carnets : 27,
bandes 1-2)
C’est ainsi que le lecteur est transporté un peu plus tard dans une église
pour un « office de guerre » (Carnets : 30). La première planche s’ouvre en
plein office religieux donc par un verset biblique tiré de Ésaie 41 : « Ne crains
rien, car je suis avec toi »47. Le curé s’adresse donc ainsi à ses paroissiens dans
son homélie : « Chers paroissiens ! C’est le jour d’action de grâce que nous
aurions voulu célébrer aujourd’hui. Mais la méchanceté de nos ennemis en a fait
un office de guerre. » On note, ici d’un point de vue rhétorique, la stratégie
d’argumentation offensive du curé qui attaque et discrédite les ennemis de
l’Allemagne. À cet effet, il affirme leur omniprésence (« Et quelle guerre !
Entourés d’ennemis ! »), Carnets : 30, bande 1, vignette 3. Il est intéressant de
voir le plan en plongée utilisée ici pour représenter la configuration curé-fidèles.
En choisissant la vue de dessus, c’est l’autorité du curé qui se voit mise en
exergue. Les fidèles quant à eux uniformisés par le choix de la couleur beige sont
tenus dans une posture d’infériorité, ils sont comme hypnotisés par la menace
que fait peser l’homélie sur eux. Dans le gros plan qui suit, le curé serrant le
poing prête à l’ennemi le projet d’œuvrer à « écraser tout ce qui est allemand » ;
lesdites velléités bellicistes et destructrices, il est important de le souligner,
prendraient pour cible la « germanité », c’est donc le sentiment national qui est
ici agité : « Ils prennent la route pour écraser tout ce qui est allemand »
(Carnets : 30, bande 1, vignette 4). Se côtoient ensuite des stratégies défensives
et assertives, lorsque le curé nie toute responsabilité de l’Allemagne dans
l’émergence des hostilités et affirme littéralement les intentions iréniques du
peuple allemand : « Nous voulions sincèrement la paix, mais on nous a imposé
les armes » (Carnets : 30, bande 2, vignette 1). Ici c’est un très gros plan qui
laisse voir les émotions du curé, notamment la colère et la révolte et qui culmine
par la conclusion de l’homélie : « Que chacun de nous remplisse ses devoirs
quotidiens avec doublement de foi et d’assiduité. Dieu n’abandonnera pas les
47
Dans la traduction de Louis Segond, on peut lire ceci dans Ésaie 41 :10-14 : 10 Ne crains rien, car je suis
avec toi ; Ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu ; Je te fortifie, je viens à ton secours, Je
te soutiens de ma droite triomphante. 11 Voici, ils seront confondus, ils seront couverts de honte, Tous ceux
qui sont irrités contre toi ; Ils seront réduits à rien, ils périront, Ceux qui disputent contre toi. 12 Tu les
chercheras, et ne les trouveras plus, Ceux qui te suscitaient querelle; Ils seront réduits à rien, réduits au
néant, Ceux qui te faisaient la guerre. 13 Car je suis l'Éternel, ton Dieu, Qui fortifie ta droite, Qui te dis : Ne
crains rien, Je viens à ton secours. 14 Ne crains rien, vermisseau de Jacob, Faible reste d’Israël ; Je viens à ton
secours, dit l'Éternel, Et le Saint d'Israël est ton sauveur. Voir
https://www.biblegateway.com/passage/?search=%C3%89sa%C3%AFe%2041&version=LSG, téléchargé le
04/04/2023.

119
Allemands » (Carnets : 30, bande 2, vignette 2). À ce niveau, la mise en scène de
l’herméneutique biblique du curé est digne d’intérêt. Ce dernier décontextualise,
s’approprie et instrumentalise le texte d’Ésaie qui dans le contexte immédiat du
chapitre 41, notamment au verset 14, mentionne comme cible « le vermisseau
de Jacob, le Faible reste d'Israël ». Au verset 17 du même chapitre 41, on peut
lire « Les malheureux et les indigents cherchent de l'eau, et il n'y en a point ;
Leur langue est desséchée par la soif. Moi, l'Éternel, je les exaucerai ; Moi, le
Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas » 48 . Par un jeu de substitution, les
Allemands deviennent les destinataires du message biblique et les bénéficiaires
des promesses qui y sont faites, le curé légitime donc ici la campagne allemande
et peut en faire une sorte de guerre sainte, Dieu ayant choisi son camp : « Dieu
n’abandonnera pas les allemands ». Ici encore, mais cette fois-ci grâce à la
représentation en contre-plongée, la distance entre le curé apparaissant à la
chaire, surélevée, et donc sur une sorte de piédestal, les bras levés vers le ciel
pour conclure son sermon, acquiert un statut d’autorité et de supériorité
renforcé.

5.3. La propagande dans la presse


En ce qui concerne la propagande par voie de presse, c’est notamment le
récit de René Lucot sur la base de ses mémoires publiés en 1985 qui attire notre
attention. René Lucot a six ans en 1914 lorsque débute son récit, né en 1908,
c’est en 1985 qu’il publie ses mémoires dont certains extraits sont utilisés pour
illustrer Carnets 14/18. Le premier extrait mettant en scène la presse de
l’époque dit ceci : « Un 14 juillet qui durait des journées entières, plus brillant
que l’image coloriée de la première page de notre Petit Journal. » Dans la mise
en scène du « Petit Journal », on aperçoit un monstre enragé, la gueule grande
ouverte, se mouvant dans une mare de sang et portant sur la tête l’emblématique
casque à pointe des soldats allemands de la Grande Guerre. L’animalisation et la
brutalisation de l’ennemi héréditaire allemand sont mis ici en exergue. À
l’opposé, cinq soldats français se lancent à l’assaut de l’ogre allemand. Le petit
René Lucot, tenant cette page de couverture du Petit Journal en main (Carnets :
22, bande 1, vignette 2) en est ébloui. Plus tard dans la journée, alors qu’il
assiste à un défilé des soldats en route pour Berlin et que l’un de ses camarades
cherche à savoir si Berlin était éloigné de Paris, il relate avoir lu dans le Petit
Journal que les soldats français auraient « remporté des victoires en Afrique et
même en Chine » (Carnets : 22, bande 4, vignette 1). Ce qui légitimerait les « À
Berlin » et autres « Vive la France » et la conclusion fallacieuse de la pseudo-
argumentation « Berlin, c’est beaucoup moins loin. Les soldats y vont à pied. »

48
Op. cit., La Bible, version Louis Segond.

120
Dans le même sens, la mise en scène de la propagande du « Petit
Journal » se manifeste au travers de cette image où on aperçoit un soldat
essayant avec peine de se redresser de son lit de malade pour recevoir de la
hiérarchie militaire sa médaille, le sous-titre indiquant non sans ironie « La
médaille militaire […] c’est debout qu’il convient de la recevoir » (Carnets :
50). Le commentaire de René Lucot tenant le journal en mains est éloquent :
« Ce sont de vrais héros » (Carnets : 50, bande 1, vignettes 1-2). La propagande
naît d’une part du contraste entre l’affirmation déontique selon laquelle il
conviendrait de recevoir la médaille debout et la posture factuelle du soldat en
souffrance qui peine à redresser le buste pour recevoir ladite médaille. D’autre
part la réception de ce contenu par le jeune René Lucot qui naïvement met en
avant le statut de héros des soldats montre un pan de la fabrique et la
consommation de la propagande.
Enfin la propagande par le biais du Petit Journal est mise en scène
lorsque René Lucot écrit à Pâques 1917 « La fin de la guerre, c’est pour
bientôt ! Était-ce cela la grande fête qui se préparait ? ». Le jour de pâques, René
et les siens qui se rendent à la messe aperçoivent des troupes coloniales : « -
Regarde ! Des troupes coloniales. – Ce sont des cannibales, c’est écrit dans le
P’tit Journal » (Carnets : 70, bande 3, vignette 1-2). Le statut de « cannibales »
est ici naturalisé par les enfants exclusivement sur la base de sa mention écrite
par le « Petit Journal » (« C’est écrit »). Après avoir fait ressortir les
caractéristiques animales de l’ennemi allemand, le « Petit Journal » convoque les
mêmes préjugés concernant les troupes africaines combattant pour la France. Le
commentaire suivant « Avec eux, on va gagner la guerre » (Carnets : 70, bande
4, vignette 1) suggère que la monstruosité des Allemands ne peut être combattu
que par des troupes prêtes à leur opposer une cruauté au moins égale à la leur.

Conclusion

L’analyse de Carnets 14/18 a montré que la représentation du discours


de propagande s’alimente de procédés rhétoriques relatifs à l’exaltation de son
propre ethos et la diabolisation de l’ennemi, ici le Français ou l’Allemand, ou
encore d’autres mécanismes liés à la manipulation des savoirs partagés par la
communauté, notamment les mythes nationaux. Par ailleurs, les représentations
de la propagande s’appuient sur l’intertextualité (l’appel à des arguments
d’autorité, citations d’auteurs réputés), le cadrage du processus d’apprentissage à
travers l’extinction de l’esprit critique et enfin le recours par les auteurs à des
plans et angles de vue spécifiques (plongée, contre-plongée).

121
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124
VIII. Russian Disinformation in the Sahel: A Complex Interplay of Global and
Local Actors
Lassane Ouédroago
Université Joseph Ki-Zerbo
[email protected]

125
Russian Disinformation in the Sahel: A Complex Interplay of Global and Local
Actors

Abstract
The Sahel region of West Africa faces significant challenges due to violent extremist
organizations, political instability, and the rise of disinformation facilitated by social media
platforms. This research delves into the intricate web of Russian disinformation and its
effect on the socio-political order and the vulnerable liberal democracies of the Sahel region
in West Africa. By examining disinformation campaigns related to terrorism and
counterinsurgency, the study reveals the multifaceted nature of disinformation in the region.
It challenges the oversimplified notion of foreign actors as the main perpetrators,
emphasizing the significant roles played by both global and local actors. The paper
highlights the influence of geopolitical dynamics on the proliferation of information
disorder, shedding light on the complex forces at play in this critical issue.

Keywords: Disinformation, Media, Sahel, West Africa, Actors

Resumé
La région sahelienne de Afrique de l'Ouest est confrontée à d’importants défis liés à la
présence d’organisations extrémistes violentes, à l’instabilité politique et à la montée de la
désinformation facilitée par les plateformes de médias sociaux. Cette étude plonge dans le
réseau complexe de la désinformation d’acteurs russes et son impact sur l’ordre
sociopolitique et les democracies neoliberals vulnérables de la région. En examinant les
campagnes de désinformation liées au terrorisme et à la lutte contre le terrorisme, l’étude
révèle la nature multifacette de la désinformation dans la région. Elle remet en question
l’idée simpliste qui voudrait que les acteurs soient étrangers, en revelant à la fois l’agenceité
des acteurs étrangers et locaux. L’article met en lumière l’influence des dynamiques
géopolitiques sur la prolifération du désordre informationnel, revelant les forces complexes à
l’œuvre dans cette importante problématique.

Mots-clés: désinformation, Media, Sahel, Afrique de l’Ouest, Acteurs

Introduction

The Sahel region in West Africa grapples with a multitude of security


challenges arising from violent extremist organizations, political instability, and
the escalating dissemination of disinformation amplified through social media.
Over the past decade, the region has emerged as one of the most unstable
regions globally, with the rise of violent extremist organizations affiliated with
global terrorist networks such as Al-Qaida and the Islamic State (Antil, 2019;
Issaev, Korotayev, Bobarykina, 2022). In countries like Guinea, Mali, Chad, and
Burkina Faso, and most recently in Niger, governments have toppled, giving
way to military regimes, and leaving the region vulnerable to foreign actors who
exploit social media to spread disinformation. The growing influence of

126
Russian disinformation and the presence of the Wagner Group, a Russian
private military company (PMC), have added to the region’s woes (Duerksen,
2023). Deliberate falsehood spread via social media has become a dangerous
weapon, worsening the troubles faced by this already beleaguered region.
As social media use in the region continues to grow so does the threat of
disinformation. Despite strict media laws, the information disorder in the
Sahel’s social media space expands fueling anxiety amid the asymmetrical war on
terror in countries like Burkina Faso, Mali, Nigeria, and Niger. In particular, the
instant messaging application WhatsApp is increasingly used throughout the
region.49 As of June 2023, WhatsApp users in Africa in general was estimated
to be 82.84 million according to Statista, but Facebook still remains one of the
most widely used social media platforms on the continent. 50 Cheeseman et al.,
(2020) documented the role WhatsApp plays in shaping the outcome of
elections in West Africa. Sustaining democracy within this context proves
daunting, as online falsehood creeps into the semi-closed social media spaces
like WhatsApp groups with the potential to impact trust in state institutions.
The capacity of coordinated disinformation campaigns to undermine
sociopolitical systems is well documented (See Bernard, Bowsher, Sullivan, and
Gibson-Fall, 2021 in the case of the COVID-19 pandemic). In the context of
Sahelian countries facing security challenges, the study of information
disorder—and disinformation in particular—has given much attention to the
ecology of fake news (Kaboré & Balima, 2022; Kirwin, Ouedraogo & Warner,
2022), fact-checking efforts (Kaboré & Balima, 2022), and the role of foreign
actors (Duerksen, 2023; Czerep, & Nowacka, 2023; Knight & le Roux, 2023).
Yet, such studies have tended to deploy the meta concept of disinformation—
as intentionally manipulated information—with minimal critical attention given
to the interplay between local and foreign actors and the socio-political and
historical dynamics facilitating the phenomenon (Czerep, & Nowacka, 2023).
Wahutu (2019), echoing Carlson (2018), deplored a lack of empirical evidence
supporting the notion that that fake news actually constitutes a major threat in
Africa. Rather, Wahutu perceived the threat to be a journalism challenge
“premised on the informational moral panic” following the US 2016
presidential elections. Furthermore, this paper also echoes Wahutu’s attempt to

49
For a discussion on the recent evolution of media law in the region, “Lois sur la cybercriminalité &
négation de la liberté de presse en Afrique de l’Ouest” (2022) edited by Hamadou Tidiane Sy.
https://www.mediasupport.org/publication/cybercrime-law-detrimental-effects-on-press-freedom-in-west-
africa-burkina-faso-mali-niger-sahel/
50
According to Degenhard from Statista, between 2023 and 2028, the number of WhatsApp users in Africa
is expected to keep growing, reaching a total of 44.1 million new users (+53.24 percent). By 2028, the
estimated user base is projected to be 126.91 million, which would be a new record. It’s worth mentioning
that the number of WhatsApp users has been consistently increasing in recent years.
https://www.statista.com/forecasts/1144684/whatsapp-users-in-africa#statisticContainer

127
call our attention to the “fetishization” of disinformation,” in the ways in which
the role of foreign actors is often given more prominence over that of local
actors by researchers. The paper suggests that a distinction between foreign and
domestic actors of disinformation is useful only when their roles are analyzed
conjointly.
Social media discourses about the terrorist insurgency and state
counterinsurgencies in the Sahel that intersect with manipulated arguments and
narratives, especially on WhatsApp and Facebook constitute the object of this
research. Drawing from empirical data, this paper interrogates the meta concept
of disinformation in relation to security within the context of the Sahel broadly
and Burkina Faso and Mali in particular. This paper is articulated to ask three
questions:
 What are the local specificities of the meta concept of disinformation in
Burkina Faso and Mali?51
 To what extent does Russian disinformation constitute a threat in the
region?
 What role do local actors play in the circulation of political
disinformation including foreign disinformation?
Following this brief introduction, the paper is structured as follows. First,
it offers a brief presentation of the research methodology, followed by a
discussion of the meta concept of disinformation and how to understand it
within the local context. Next, it analyzes the roles of international actors and
local agents of disinformation in the polarized public discourse within a rapidly
changing political context. Finally, it discusses the perils of disinformation and
its impact on the regional democratic processes before concluding.

1. Methodology
Data collection for this study took place from December 2022 to July
2023. Sixteen semi-structured interviews were conducted with key six
informants, including journalists and fact-checkers from Burkina Faso and Mali,
to gather insights on Russian disinformation and its countermeasures. To
further underst and the dynamics of disinformation relay platforms, I acquired a
new phone number and joined 23 WhatsApp groups, including 10 from Mali
and 13 from Burkina Faso. As other researchers have noted it before, studying
WhatsApp can be quite challenging due to its encrypted nature, which makes it
difficult to monitor how messages are exchanged or identify the users who share
them (Cheeseman, et al, 2020) hence the necessity of participant observation.
The groups were selectedted through two methods. Roughly half of them were
51
Russia has an active presence in Mali through its Wagner PMC otherwise referred to by Malian official
discourse as Russian military instructors. To date, in Burkina Faso, there is no Russian military presence
even though Burkina Faso and Russia now have warm diplomatic relations.

128
discovered through a targeted keyword search on Facebook. The other half were
recommended to me by journalists and fact-checkers who participated in this
study. The groups recommended to me were known for sharing problematic
information and fact-checkers were already monitoring them. It is noticeable to
highlight that the monitored WhatsApp groups had between 400 to 957
members at the time I joined. They also published, on average, 100 to 500
posts and reactions daily.
In addition, I monitored 21 Facebook pages actively sharing content
about Russia or promoting state collaboration with Russia. A key criterion for
the selection of the pages beside the object of their content is that pages must
have at least 1000 followers and are either administered from Burkina Faso or
Mali. Some of these pages hosted live interactive video sessions to discuss issues.
I accessed these videos asynchronously when time constraints did not allow live
participation. Watching such videos and combing through comments provided
an extra layer of understanding of the information ecology and the ways in
which internet users co-construct content, sympathize with, or oppose to ideas
promoting Russia. In collecting data on social media platforms, the conceptual
relatives of disinformation—fake news, misinformation, propaganda—are all
captured under the designation of information disorder, with preference given
to disinformation about the current security crisis. Content that was shared
across several platforms and multiple groups was also noted.
This “participatory” approach to data collection raises both
“methodological anxiety” and ethical considerations. The anxiety stems from
the complex nature of the social media discourse, which blends controversy,
falsehood, fallacies, and even obscene content with real-life implications, often
infused with jokes, facts, and distorted interpretations of history and reality—a
corpus of mediated discourse unfolding within the semi-intimate confines of
chat rooms where anonymous individuals, bots, and identifiable persons
interact. In such a context, I adopted “the fly on the wall approach,” with an
understanding that I can inadvertently become “the fly in the soup”. However,
being present in these spaces is essential for a comprehensive understanding of
disinformation and information manipulation and interference from a digital
ethnography perspective. Striking a balance between my ethical responsibilities
as a researcher and the necessity of first-hand observation was imperative for
accessing the intricate dynamics of information manipulation and interference
in several manipulated information campaigns including some that can be
termed Russian.
The qualitative analysis of the corpus of data focusses primarily on the
claims in the posts, the causes they defend or justify, the actions they invite, and
their probable beneficiaries which is infered. Furthermore, it is a methodological
feat of critical disinformation studies to employ an interdisciplinary approach

129
to the analysis. Therefore, the analysis is grounded on the political history of
the region and digital ethnography to shed light on the nuanced interactions
between disinformation and the socio-political landscape, ultimately
contributing to a comprehensive understanding of these critical issues.

2. What is Disinformation in the Sahel?


Disinformation is a type of information disorder (Perez, 2022; Wardle
and Derakhshan, 2017). Its meaning is elusive. It is often interchangeably used
with propaganda, which is “a systematic scheme created by one person or a
group in an effort to persuade people on insufficient grounds to believe what it
wants them to believe or to act to its advantage” (Taylor, 1942, p. 562).
Disinformation is commonly understood as a communicative act seeking to
deliberately spread false or misleading information with a premeditated intent
to deceive, manipulate, or sway a targeted audience. It is the act of deliberately
misinforming or partaking in the dissemination of false information with the
intention to achieve a desired goal. Disinformation is often coordinated to have
greater impact on the audience intended to deceive. It is close to what Howard
(2020) refers to as “lie machines,” which he defines as “the social and technical
mechanisms for putting an untrue claim into service of political ideology” (p.
xi). In this case, disinformation is primarily acted on social media although it
can also be orchestrated on traditional media and web-based text.
This above definition of the concept is too general and ends up meaning
very little. In fact, the meta concept of disinformation conceals contextual
specificities which can be based on the location of the acts of disinformation,
the underlying political situation, the actors involved and the scale of the
outcome at stake. Paradoxically, actors of disinformation prefer anonymity
while seeking exponential spread of their message. Most of the entities who
initiate controversial disinformation campaigns hide behind social media bots or
use impersonal identifiers on their social media profile to maintain anonymity.
In the Sahel region of West Africa, the ongoing security crisis and the ensuing
socio-political situation have impacted the fragile information ecology rendering
it fertile for disinformation to thrive. Moreover, the geopolitical contest
between France and Russia in the region has added another booster to the
information disorder. While Russia has developed better working relationship
with Mali and Burkina Faso, France’s bilateral relations with both countries
have deteriorated. Both Mali and Burkina Faso have rejected French military
bases in their countries and Mali is even using Russian military trainers on the
ground, much to the discontent of Paris (Ouedraogo, 2022; Ouedraogo, 2023).
During the 2022 United Nations’ resolution condemning Russia’s invasion of
Ukraine, Mali along with 16 other African countries abstained from voting.
Burkina Faso was absent and did not record a vote (White & Holtz, 2022).

130
Certainly, in these votes, reasons for a “declared support to Russian policies and
war are most often secondary to other bigger and locally more relevant stories
and sets of problems” (Czerep & Nowacka, 2023). Nonetheless, citizen
produced content relating to this geopolitical context also features prominently
in social media discourses and breeds information disorder.
It is also important however to differentiate between a post that went
viral on social media and a coordinated disinformation campaign although
sometimes the line between the two communicative events is blurry. In March
2023, as protests against President Macron’s pension reforms led to protests
and riots in France, a viral social media campaign calling French authorities to
restrain from using violence against protesters circulated on French speaking
African social media. The viral post which was initially re-posted on Facebook
resonated through various social media platforms.
Ordinary citizens across the region posted their own calls to the French
government mimicking France’s own usual calls for calm and democracy on the
continent (see Image 1). While some of these posts were trending on digital
agoras, they did not necessarily constitute disinformation at first. But following
the trails of this trendy post, we observe a pattern of recuperation when trolls
began to use this narrative to refer to Macron’s government as “Junta.” 52
Image 1 (Text automatically translated from French to English): A Facebook
user addresses a message to the French government.

Source: From Facebook


In their paper on fake news in Mali, Niger, and Burkina Faso, Kirwin,
Ouedraogo, and Warner (2022) attempted to conceptualize fake news in the
Sahel as “Afrancaux News”. For the authors, this neologism refers to the
“historically rooted though contemporarily salient set of postcolonial social
justice-seeking discourses that percolate in West Africa and the wider
francophone African world, which place France at the center of citizen-
generated “news” stories, especially those related to negative societal
developments” (p. 4). Afrancaux news captures the local Volksgeist from user-
generated controversial fake news and provides a conceptual framework for
understanding what constitutes disinformation in the region. They espoused the
injunction from African media scholars that fake news in Africa should be
52
Social media trolls are users who deliberately posts provocative and offensive content online to spark
emotional responses and arguments among others, often disrupting discussions.

131
understood within the context of its creation, use, and consumption
(Wasserman, 2020; Mare, Mabweazara & Moyo, 2019). This injunction has a
particular resonance for the study of disinformation in the Sahel region of West
Africa. In fact, disinformation in the Sahel cannot be dissociated from the
ongoing sociopolitical turmoil brought about by the backdrop of terrorist
insurgency and military rule and the ensuing geopolitical dynamics characterized
by tensions with France and the emergence of private military companies
(PMCs).
Disinformation in the Sahel has a particularity of including a wide range
of manipulations and counter manipulations which reflect local specificities but
also global issues such as the war in Ukraine or French counterterrorism in the
Sahel. For example, a viral social media post about Western support for
Ukraine against Russian invasion tells a story of Western lack of solidarity or
even Western indifference vis-à-vis Sahelian countries who are fighting
terrorism for several years. This study uncovered various reiterations of a viral
cartoon post (See Image 2)53 followed with an audio message in local languages
such as Dioula and Moré but also French which pushed a narrative suggesting
Western complacency in the terrorist crisis afflicting people in the region. The
following excerpt of the audio translated from Dioula illustrates its wider
reception: “Westerners support their fellow Whites from Ukraine to fight
Poutine. Ukrainian civilian conscripts are praised and supported with an arsenal
of weapons. But Burkinabe volunteers for the defense of the motherland are
presented as criminals and a militia.”54

53
Following the Russian Invasion of Ukraine, A disinformation campaign linking support for Russia and the
crisis in the Sahel circulated widely. Cartoons depicting Western nations’ lack of compassion for African
countries circulated. The same image was seen with the flag of Niger and then of Mali.
54
Translated and summarized from Dioula to English. Post shared multiple times on WhatsApp groups in
February 2023.

132
Image 2: A Cartoon caricatures Western support of Ukraine Vs Burkina
Faso

Source: A WhatsApp Group


In the above image, European support of Ukraine in the Russian invasion
is perceived as geopolitical expediency in comparison to their alleged lack of
support for the Nigerien, Malian, and Burkinabe armies in the fight against
terrorism. Social media has facilitated the emergence of digital agoras including
semi-closed spaces such as WhatsApp groups where citizens create or share
content, comment, discuss and interact with one another around topics of
interest, including support for Russia, but also the role Russia plays or could
play in Africa.
In the Sahel, disinformation’s troubling guise often takes the form of
corrosive dark humor, which is antithetical to rational discourse. The
ambiguous nature of such dark humor, combined with the lack of context, can
swiftly reverse it into the realm of disinformation. The intention of the of the
entity sharing it—a variable we cannot document objectively—becomes key in
determining wether it is disinformation or not. Although many who share such
content recognize its lack of factual basis, it can nevertheless contribute to a
distorted worldview that fosters the growth of other misguided ideas. For
instance, an artificial intelligence (AI) generated video this study documented
praising Russian and North Korian autoritarian leaders along with the military

133
leaders of Burkina Faso and Mali wrongly suggests democracy perpetuates
Western domination over Africans through the concept of electoral democracy.
This subversive narrative even questions the necessity of elections and promotes
leaders akin to President Putin and Kim Jong Un as agents of prosperity and
development.
A worrisome new development is that AI is now being deployed in the
fabrication and dissemination of disinformation targeting specific state,
parastate, and non-state key institutions. In February 2023, a consortium of
journalists unveiled what appears to be a coordinated disinformation campaign
using both AI and traditional media to push disinformation against the
International Committee of the Red Cross (ICRC) in Burkina Faso (Leloup &
Reynaud, 2023). The production and dissemination of synthetic information is
often carried out by international firms. In the disinformation targeting ICRC,
an Israeli based organization called Percepto was identified as one of the
creators. This campaign is an eerie reminder of how information manipulation
is undertaken through international firms. Cambridge Analytica’s manipulation
of voters in Kenya’s 2013 and 2017 elections, using apocalyptic attack ads and
divisive tactics, has highlighted the dangerous impact of AI and disinformation.
The company’s involvement in Uhuru Kenyatta’s campaigns, confirmed through
undercover reporting, raises ethical concerns about the extent of its interference
in fragile political systems in the global south. Similar exploitation has been
witnessed in other developing countries, but regulatory oversight of social media
remains lacking (Madowo, 2021).
This study found that synthetic, manipulated, and cheaply doctored
videos are increasingly being shared throughout the monitored WhatsApp
groups. Users are not invited to accept the accuracy of the synthetic videos, but
rather to agree with the argument they seek to make. For example, in one
synthetic message documented across at least two WhatsApp groups, the
stitched voices of Emmanuel Macron, Umaru Sissoco Embalo and Dramane
Ouattara—respectively presidents of France, Guinea-Bissau, and Ivory Coast—
are made into a 54-second audio in which the three leaders could be heard
plotting “to stop the military revolution in West Africa by all means necessary,
and to maintain France in the region.”
Disinformation in the Sahel also falls within a new communication
paradigm through social media whereby discourses from the center are
becoming peripheral whereas discourses from the peripheries through a
horizontal trajectory of users’ generated content (UGC) are now central.
Interviews with fact-checkers pointed out that, “Most people in our cities and
villages alike now get their news or a reinterpreted version of the news from
their social media groups” 55 As a disruptive technology, WhatsApp, for
55
Key Informant Interview, Fact-checker, Burkina Faso, March 2023

134
example, challenges existing hierarchies in ways that are simultaneously
emancipatory and destructive, strengthening and undermining democratic
consolidation at the same time” (Cheeseman et al, 2020, p. 147). Today a new
threshold is crossed in state and mainstream media capacity to dictate what is
and what is not genuine information regarding certain sensitive subjects.
Informing the masses is no longer the sole purview of official media. This is
made more difficult as some individual activists on social media wield more
impact than traditional media houses. Certain online influencers who discuss
the news have more followers and subscriptions than mainstream media houses.
In such a context, actors including foreign illiberal ones, are surfing on locally
grounded grievances to push their own agendas.

3. International actors and local agents of disinformation


Amid the current unstable statehood in Sahelian West Africa,
characterized by terrorism from violent extremist organizations,
unconstitutional power grabs, and military rule, there is a notable involvement
of major international actors in coordinated online operations within the
information space. The Africa Center for Strategic Studies reveals that foreign
powers like Russia, China, and the Gulf States have capitalized on the rapidly
evolving information landscape, with approximately 60% of documented
disinformation campaigns in Africa originating from external sources
(Duerksen, 2023). Russia, in particular, is frequently identified as a significant
player in disseminating disinformation in West Africa broadly and especially in
the Sahel zone. For Russia, strategic use of information emerges as a crucial,
alongside the deployment of private military companies (PMCs), to shape a
positive image in Sahelian West Africa.
In February and March 2023, West African social media witnessed the
circulation of video cartoons depicting Wagner mercenaries supporting
Burkinabe and Malian soldiers in combat against French forces. The cartoons
portrayed the French as zombies, rats, or roaches, and one video showed a
Russian mercenary descending from a helicopter to assist the Malian soldiers in
defeating their enemies. The attackers shouted, “We are the zombies of
Macron!” Various versions of these videos went viral in the subsequent weeks
and months, sparking a resurgence of discussions about Russian disinformation
efforts in the Sahel. Western mainstream media extensively covered these
videos, amplifying their visibility. Additionally, policy and academic research
discussions on this issue gained traction, and thanks to them we know a great
deal about Russian campaigns in the region.

135
In 2022, the Global Engagement Center issued a report revealing
Russia’s comprehensive disinformation and propaganda network, which utilizes
various official, proxy, and unattributed communication channels and platforms
to generate and amplify narratives. The report identified five key pillars of
Russian disinformation: official government communications, globally funded
messaging supported by the state, the use of proxy sources, social media as a
weapon, and the implementation of cyber-enabled disinformation (Center G. E.,
2022). These tactics are not novel; Yablokov (2022) draws attention to
striking similarities between the disinformation strategies employed by the
Soviet Union and present-day Russia during the war in Ukraine. In both cases,
Russian disinformation aims to sow confusion by intertwining factual
information with deceptive content and providing multiple interpretations of
reality (p. 766).
The emergence of Russian troll networks in the Sahel region came to
light through Meta’s 2020 announcement of the removal of Facebook and
Instagram accounts associated with French and Russian officials involved in a
clandestine disinformation campaign in the Central African Republic. Similar
suspicious accounts were also identified in Mali and Côte d’Ivoire during this
period. These “networks of coordinated inauthentic behavior” indicated a
geopolitical rivalry between France and Russia in Africa, although the French
side seems to have been overshadowed in the current discourse.
The recent circulation of cartoons depicting Russian-backed Wagner
mercenaries in combat has become emblematic of Russian disinformation
efforts. However, it is crucial to recognize that these cartoons are only a small
part of the larger network of international actors engaged in disinformation in
the region. There is a need to delve deeper and consider the role of local actors
and their motivations in aiding and supporting foreign information
manipulation. Understanding the agency of these local relays is essential to
gaining a comprehensive understanding of the disinformation landscape in the
region.
In the information ecosystem of the Sahel, online solo pan-Africanists
who host live video sessions play a significant role as influential agents. While
some of these individuals may possess credentials and expertise in the subject,
which they gained through academic achievement or popularity on mainstream
media, a considerable number of them lack a nuanced understanding of
contemporary Afro-centric ideologies, making them susceptible to manipulation
by international illiberal actors. This study reveals that much of the content
produced by these online Afro-centrists is akin to information manipulation.
Capitalizing on a topic that resonates deeply with African youth—the pan-
African ideal of liberating Africa from neo-colonial remnants—they articulate a
leftist discourse that garners widespread agreement among their audience. This

136
finding aligns with previous studies which stipulate that in general, the new
online pan-Africanists “tend to radicalize, absorb conspiracy theories, spread
disinformation, and give credit to whatever changes the status quo” (Czerep &
Nowacka, 2023). Notable controversial online activists such as Kemi Seba and
Natalie Yamb who are allegedly funded by Russia, still weight a lot in the
online pan-Africanist debates. Many more alter-globalists with no reasonable
link to international entities are also manipulating information online. Content
produced by some of these controversial figures is featured prominently in the
facebook pages observed in this study.
Along with the online activists, certain civil society associations
championing their cause on social media have emerged as active players in the
domain of disinformation. The tentacles of illiberal troll factories on social
networks have extended their reach into such civil society groups. A notable
example is Burkina Faso’s section of African Patriots (Coalition des Patriotes
Africains CAPA-BF), which actively advocates for state collaboration with
Russia. However, this organization, along with several others, have now
ventured into the realm of information manipulation and interference. By taking
unequivocal stances in social media debates and aligning with specific socio-
political agendas, some of these civil society organizations have forsaken their
status as impartial actors in the information ecosystem. As a result, they have
become actors of information manipulation and interference, further muddying
the already complex landscape of online discourse.
The dominance of grievance-driven civil society organizations with a
propensity to demand social change—often with success—is an additional
contributor to the spread of Russian disinformation. Researchers from the
Africa Center for Strategic Studies found that in Mali, Niger, and Burkina Faso,
social media accounts representing groups claiming to be nonprofits, charities,
and communities shared content that “denigrate democratically elected leaders
in order to prepare the ground for military coups, promoting military juntas
and delaying elections, and advocated for a “revolution” in the wider Sahel
region” (Africa Center, 2022).
On Facebook, this study uncovered a plethora of pages dubiously
proclaiming themselves as television stations. Their content is exclusively aired
online, managed by a tight-knit group of individuals consistently featured on a
daily basis. Among such media platforms, Afrique Média, a TV channel from
Cameroon, stands out as a prominent producer of disinformation. Notably,
their presence on social media boasts a robust following in the Sahel region,
granting them substantial influence in disseminating disinformation and
molding narratives across the digital landscape. These online programs provide
alternative perspectives on events and mainly focus on topics that are not
adequately covered by mainstream media. The online disinformation ecosystem

137
finds its significance in the fact that platforms that disseminate such content are
also the ones that offer what most people want to hear about. This includes
gossip, polemical news, the latest scandals, reports, and discussions about
tragedies, etc.
Some individual cyber-warriors, also known as keyboard warriors, are
ready to sell their services in helping peddle disinformation and fake news. In
Mali, key informants reported that social media savvy young people are often
paid to push information. 56 In a context of heightened uncertainty, aroused
nationalism, and war, pushing disinformation against a perceived enemy seems
logical to many young Malians. One key informant explained it in these terms:
“We only know certain cyber activists because they work against the
government and are often object of judicial harassment. But those we don’t
know and don’t hear about are those who might be pushing narratives from the
government and its international allies.”57
While political disinformation reflecting geopolitical contest between
Russia and the West is a global issue, in the Sahel it became entrenched through
structural issues related to poverty and state mismanagement of secularism
among other. Social cadets among urban Wahabi in Burkina Faso are allegedly a
discrete relay of pro-Russian disinformation according to several western media
reports (Bernard, 2023). This current fieldwork did not find any discernible
pattern among Muslim cadets suggesting a particular connection with Russian
oligarchs. However, they may fit the demography trait of local supporters of
Russia: not necessarily instructed in the secular education system,
underemployed, young, and ready to support social change. Because
disinformation offers readily available and locally relevant shortcuts to
explaining the woes of society, they are likely to be impacted by it.
According to historian Issa Cissé, the recent rise of Muslim political
activism in Burkina Faso emanates from “a certain Islamic push that has been
perceptible since the mid-1980s with the proliferation of Islamic associations,
the emergence and assertion of Arabists, as well as the appearance of a second
generation of French-speaking Muslim intellectuals who have developed many
diverse initiatives for Islamic proselytism [...] and this, in a general atmosphere
of poor management of secularism by the political authorities” (Billa, 2023).
Here, Cissé is referring to the support which the transitional government in
Ouagadougou enjoys from the Muslim youth. Such Muslim social cadets,
especially the Arabists are among the fierce supporters of a pro-Russian
discourse in Burkina Faso. During pro-Russian gatherings in Ouagadougou,
they appeared as the most vocal group using social media to drum up support
for Russia and call for more to join their rally.
56
Key informant Interview with Ousmane C., Journalist, Mar. 2023.
57
Key informant Interview with Patience B., PhD candidate, Mar. 2023.

138
Whether Russia succeeded in realigning the opinion of this social
category with its own remains unlikely. Pro-Russian sentiment among Muslim
social cadets is an intriguing acquaintance in the recent political culture of
Burkina Faso. A possible pathway, although still murky, is the manipulation of
certain leaders in the Muslim communities through Russian businessmen. It is
important to highlight that most of the social cadets here are small business
owners and traders, mostly in the informal economy system of the country. The
fallout of the COVID-19 pandemic as well as the Ukraine war greatly impacted
them and their livelihood. They also constitute the bulk of the general public
which perceives Russia as a champion against Western imperialism.
Nonetheless, further research is required to unpack pro-Russia sentiment
among Muslim youth.
While The Russian PMC Wagner is getting the attention from
researchers investigating disinformation in the Sahel, it is certainly not the only
major international actor. In the social media space in the Sahel, Israel, Turkey,
and Iran are often referenced as potential partners, or a substitute for France, in
the fight against terrorism. This idea appeared concomitantly with the growing
pushback against the presence of France in the region with certain civil society
organizations clearly demanding the end of French military presence. The
African media space in general is now, more than ever, coveted by Russians,
Chinese, and Turkish media conglomerations. Russia is extending its reach on
the African media space through the recent creation of a Russia/Africa
journalist club, a working group of journalists and media practitioners across
Sub-Saharan Africa. In February 2023, over 60 members of the Russia/Africa
journalist club attended a conference at the Lomonosov Moscow State
University to discuss with Russian media conglomerations and authorities
(Jeune Afrique, 2023). Russia Today, the Russian state sponsored media house
which was suspended in Europe following the Russian invasion of Ukraine, is
expanding in Africa (Peltier, Satariano & Chutel, 2023).
Similarly, Turkey and China are supporting African media houses
directly or opening their own media on the continent. In March 2023, Turkey’s
public broadcaster, TRT, launched a new digital news platform called TRT
Afrika. The platform, which is broadcasted in Swahili, English, Hausa and
French targets African audiences (TRT World, 2023). China has also invested
in a soft diplomacy on social media with an aim to improve its image in the
Sahel.
For sure, the presence of foreign media outlets in Africa is not new and
supporting African journalists in capacity building do not constitute a
disinformation scheme. The BBC, RFI, and other major western state-
sponsored media have long been trusted source of information in the Sahel,
although researchers underlined the classic geopolitical and diplomatic missions

139
they play (Ouchiha, 2016). Recently, governments in Mali and Burkina Faso
have suspended certain Western mainstream media including France 24, RFI,
and Liberation. Reporters Without Border warned that the Sahel is fast
becoming a zone of “non-information,” citing the suspension of certain
Western media houses and the growing challenges that journalists and
researchers face while trying to access information (AFP, 2023). The ultimate
risk of information manipulation comes, increasingly, from media from
countries with less repute in press freedom. These foreign media which are also
featured prominently on African social media spaces certainly contribute to
eventual disinformation campaigns from illiberal actors.
Governments in the Sahel have their share in the propagation of
disinformation in the region. They are both actors and victims of coordinated
disinformation campaigns. An information war is being waged alongside the
war on terror. Government desire to control the narrative surrounding the
ongoing crisis often leads them to see disinformation in all criticism including
messages from human rights defense organizations. Disinformation targeting
transitional governments in the region is a source of institutional schizophrenia.
This fact nurtures deep fear that journalists and researchers who criticize
government may be working for enemy combatants and their foreign
accomplices.

4. Disinformation and democratic processes


While disinformation is not a new phenomenon, the new technology of
communication has revolutionized it and made it easy to tap into local
legitimate grievances to formulate a dislocated worldview. “Since the Gutenberg
printing press revolutionized information, conflicts, regime change, and
catastrophes have become markers for the dissemination of disinformation”
(Posetti & Matthews, 2018). In the Sahel, and more specifically, in Mali and
Burkina Faso, the security crisis represents the main point of conjunction for
mistrust of local authorities, the international community, and mainstream
media, enhancing the spread of coordinated false information.
As Russian disinformation gains momentum in the Sahel, the civic space
is concurrently shrinking. Liberal democracy is backsliding. There is not
necessarily any causal relationship between these facts even though they are
consequential. It is rather their imbrications that constitute a threat to the civic
space and a restriction of political opportunity to express dissent.
Disinformation in the Sahel often alleges that civil society and NGOs are
surrogates of international imperialism. In Mali, the government banned all
French-funded NGOs in November 2022 following France’s decision to
suspend its public development aid to the country (Ouedraogo, 2023). This
retaliatory measure, officially referred to as an application of a reciprocity

140
principle, was mainly sustained by deep mistrust in the French outreach in the
country. In the preceding couple of years, fake news accusing France of funding
terrorism in Mali circulated widely on Malian social media (Kirwin, Ouedraogo
& Warner, 2022) long before the Malian government made that allegation
official at the United Nations (Mathieu, 2022).
Disinformation is contributing to increasing the tensions around some of
the major debates and issues of concern in Africa. For example, the history of
Western colonial legacy in Africa, rekindled through social media narratives and
discourse from neo-pan-Africanist activists such as Kemi Seba and Nathalie
Yamb add flames to the fire on issues such as the West African CFA currency,
French military presence in Africa, and many more. The alleged proximity of
such controversial figures with the Kremlin cast doubt on the neo-decolonial
struggle they spearhead.
The constructive achievements in supporting and maintaining democratic
principles in the digital agoras are not as evident as their overflows in terms of
abuse and threat against dissenting voices, especially from journalists. In Burkina
Faso and Mali, a large swath of the youth population supports the transitional
governments effort to brand a national identity. They are willing to jettison
some of their hard-won freedoms—at least temporarily—to support the fight
against terrorism, hence the somewhat unclear position of certain known
democracy-minded civil society organizations vis-à-vis the military regimes. The
proliferation of disinformation campaigns, driven by malicious actors and
amplified through social media platforms, erodes the public’s confidence in the
reliability and accuracy of news sources they once relied upon. As
disinformation becomes increasingly sophisticated and pervasive, it undermines
the very foundation of a well-informed citizenry, hindering meaningful public
discourse and fostering an environment where truth and facts are blurred.

Conclusion

The recent tumultuous context of the Sahel characterized by the rise of


violent extremist organization has put immense strain on the information
ecosystems of the region. International illiberal actors, such as Russia, are taking
advantage of this situation, disseminating disinformation that finds resonance
among local agents eager to instigate societal transformation. The doubts and
disquiets that inflicted the fragile and embryonic democratic processes and rule
of law following the military coups in Mali and Burkina Faso also have a
bearing on the flow of information on social media in the region.
By delving into the disinformation campaigns on WhatsApp groups and
Facebook pertaining to terrorism and counterinsurgency, the study unveils the
intricate and multifaceted nature of disinformation in the region. While foreign

141
actors, mainly Russia, are pointed to as the primary culprits in disinformation,
there is substantial involvement of both global and local actors in propagating
deceptive information. Disinformation in the Sahel is both symptomatic of the
crisis of democracy and the byproduct of a changing social dynamic. The new
emerging multipolar world order following the COCID-19 pandemic and the
Russian war in Ukraine has further enhanced this situation. While Russian
disinformation agents push false narratives and talking points in African social
media spaces, they could not succeed without an existing fertile ground and
locally relevant discourses and issues. This alliance between local agents and
international actors undermines the democratic fabric of the region and
perpetuates information manipulation, jeopardizing the progress towards stable
and transparent governance. Furthermore, the study emphasizes how
geopolitical dynamics exert influence over the spread of information disorder,
providing crucial insights into the complex interplay of forces at the heart of
this pressing issue.
Within the semi-intimate confines of WhatsApp groups, individuals
with varying degrees of common interests come together to share and engage in
discussions about pertinent issues. The sheer volume of information exchanged
in these spaces, often governed by specific rules of content sharing, can
effectively turn them into what Ebo (1988) described as “cyberghettos.” Here,
participants freely exchange a myriad of interpretations of their reality,
contributing to the vibrant and diverse discourse within these digital spaces.

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145
IX. Communication en temps de crise : Approche comparée entre Girls at
War de Chinua Achebe et la situation sécuritaire au Burkina Faso
Lalbila Aristide YODA, [email protected] et Alfred KIEMA,
[email protected]
Université Joseph KI-ZERBO

146
Communication en temps de crise : Approche comparée entre Girls at War de
Chinua Achebe et la situation sécuritaire au Burkina Faso

Résumé
Cet article se penche sur la communication littéraire dans la nouvelle d’Achebe, intitulée
Girls at War, tirée de la collection de nouvelles Girls at War and Other Stories. Cette
nouvelle, faut-il le rappeler, a été inspirée par la guerre du Biafra (1967-1970), dénotant
ainsi le réalisme de l’auteur dans la mesure où la fiction devient un prétexte pour dépeindre
la société et dénoncer ses maux. En effet, Achebe a vécu de près la guerre du Biafra. Il a
même soutenu les sécessionnistes chrétiens Igbos du Sud-Ouest, qui s’opposaient aux
groupes ethniques du Nord dans cette guerre civile qui a engendré plus d’un million de
morts. D’ailleurs, il a accepté de jouer le rôle d’ambassadeur itinérant pour plaider la cause
des biafrais. Notre objectif dans cette étude est d’analyser la communication en temps de
crise dans cette nouvelle et de montrer l’universalité et l’intemporalité des thèmes relatifs à la
guerre, à savoir la souffrance, les pertes en vies humaines, la famine et la cherté de la vie,
entre autres. Après un rappel historique de la guerre du Biafra (1967-1970), nous explorons
les thèmes abordés par Achebe dans Girls at War ainsi que le style et les techniques
narratives utilisés pour véhiculer son message avant d’évoquer la communication dans les
médias au Burkina Faso depuis 2015, date du début de la crise sécuritaire dans ce pays. Il
s’agit de mettre en parallèle le contenu de la communication littéraire dans Girls at War et la
communication dans les médias au Burkina Faso en guerre.

Mots-clés : Communication, réalisme, universalité, intemporalité, Biafra, guerre asymétrique.

Abstract
This article looks at literary communication in Achebe's short story, Girls at War, in the
collection of short stories Girls at War and Other Stories. This short story, it should be
recalled, was inspired by the Biafran War (1967-1970), thus denoting the author's realism
insofar as fiction becomes a pretext for depicting society and denouncing its ills. Indeed,
Achebe experienced the Biafran war at close quarters. He supported the Christian Igbo
secessionists of the South-West, who opposed the ethnic groups of the North in this civil
war which generated well over a million casualties. Moreover, he agreed to act as a goodwill
ambassador to plead the cause of the Biafrans. The purpose of this study is to analyse
communication in time of crisis in this short story and to show the universality and
timelessness of war-related themes, such as suffering, loss of life, famine and the high cost of
living, among others. After a historical overview of the Biafran War (1967-1970), we
explore the themes Achebe addresses in Girls at War and the style and narrative techniques
used to convey his message before discussing media communication in Burkina Faso since
2015, when the security crisis in that country began. The objective is to draw a parallel
between the content of literary communication in Girls at War and media communication
in war-torn Burkina Faso.

Keywords: Communication, realism, universality, timelessness, Biafra, asymmetric war.

147
Introduction

D’entrée de jeu, il faut préciser qu’il s’agit de la communication littéraire


où l’œuvre littéraire est conçue « comme discours et la littérature comme une
forme de communication » (Vultur, 2014 :2). Dans ce modèle, « l’œuvre
littéraire est vue comme une interaction entre auteur, texte et lecteur ». La
communication porte sur le monde du texte qui reste virtuel ou fictif.
Cependant, même si l’œuvre littéraire relève de la fiction, elle est aussi un reflet
de la réalité. La littérature africaine s’inscrit sans doute dans cette perspective où
elle a été tour à tour utilisée pour combattre l’exploitation coloniale sous toutes
ses formes, mais également pour dénoncer le néocolonialisme, la désillusion et le
désenchantement postindépendances.
Cette conception de la littérature qui se réclame du réalisme date du 19e
siècle et est associée à des auteurs comme Balzac et Flaubert adeptes
d'une esthétique romanesque qui vise une représentation la plus fidèle possible
du monde réel (Lexique des termes littéraires). Cette approche de la littérature
se traduit par l’engagement de l’écrivain qui se donne pour mission de dénoncer
les travers de la société. Pour les écrivains qui s’inscrivent dans cette perspective,
l’art pour l’art est inconcevable. C’est le cas de Ngugi qui estime
que: « Literature does not grow in or develop in a vacuum; it is given impetus,
shape, direction and even area of concern » (Homecoming, 1972: XV). Et
Achebe, l’un des écrivains pionniers promoteurs du réalisme dans la littérature
africaine (Thompson, 2002), est encore plus explicite :
It is clear to me that an African creative writer who tries to avoid the big
social and political issues of contemporary Africa will end up being completely
irrelevant – like that absurd man in the proverb who leaves his burning house
to pursue a rat fleeing from the flames. (Achebe, 1975 : 78)

On comprend alors que la communication littéraire puisse se faire l’écho


d’une société en crise comme la nôtre et bien d’autres pays africains. En effet, la
crise sécuritaire que le Burkina Faso et ses pays voisins vivent est à la fois
d’ordre sécuritaire et sanitaire. Le Burkina Faso, en particulier, est confronté à
des attaques « djihadistes » depuis 2015 que d’aucuns qualifient de guerre
asymétrique pour signifier qu’elle n’est pas une guerre conventionnelle dans
laquelle on connait son ennemi et ses motivations. Quant à la crise sanitaire, il
s’agit de la pandémie de la Covid 19 qui touche toute la planète depuis
décembre 2019.
Dans cet article, nous nous intéressons à la communication littéraire dans
la nouvelle d’Achebe, Girls at War tirée de la collection de nouvelles Girls at
War and other Stories. Cette nouvelle, faut-il le rappeler, a été inspirée par la
guerre du Biafra (1967-1970). On serait tenté de dire que tout a été dit sur

148
l’œuvre d’Achebe en raison du foisonnement d’ouvrages, de thèses et de
mémoires divers consacrés à ses écrits. Sa collection de nouvelles Girls at War
and other Stories n’est pas en reste. Quelques articles dignes d'intérêt ont déjà
été publiés sur Girls at War. Françoise Ugochukwu (2011) analyse la question
de la guerre du Biafra dans les écrits des Nigérians et considère Girls at War
d'Achebe comme une nouvelle qui offre un aperçu de cette guerre. Adaoma et
al. (2019) utilisent la théorie de la pertinence pour analyser Girls at War. En
s'appuyant sur cette théorie qui découle de la pragmatique, l'article examine
l'utilisation de la langue dans le recueil de nouvelles.
Janel Brubaker (2017) examine Girls at War d'un point de vue féministe
et aboutit à la conclusion que cette nouvelle constitue un commentaire sur les
rôles du genre, reflétant les luttes interpersonnelles qui surviennent lorsqu'une
personne ne répond pas aux attentes placées en elle par la société (2017). Cette
étude met en exergue le rôle des femmes dans la nouvelle au détriment d'autres
sujets.
Ogede (2021) dans un article montre que sur le plan de l’écriture
l’ensemble des nouvelles contenues dans la collection Girls at War and other
Stories puisent leurs racines dans la tradition orale.
Malgré l’importance et la pertinence de ces différents écrits sur Girls at
War, qui se font l’écho de la guerre du Biafra, très peu abordent l’universalité et
l’intemporalité des thèmes évoqués dans ladite nouvelle. Notre objectif est
d’analyser la communication inhérente à cette nouvelle et de montrer
l’universalité et l’intemporalité des thèmes qui y sont développés. Autrement dit,
quel est le contenu de la communication littéraire dans Girls at War ? La
communication littéraire dans cette nouvelle relative à la guerre est-elle
représentative de la situation du Burkina Faso en guerre ? Quelles sont les
techniques narratives utilisées par Achebe pour que la communication soit
efficace ?
Pour répondre à ces questions, nous procéderons à une analyse textuelle
de la nouvelle Girls at War afin de mettre en évidence les thèmes et les messages
qu’elle aborde ainsi que les techniques narratives utilisées par l’auteur. Le
contenu des media, en particulier la presse écrite du Burkina Faso nous
permettra de voir si les représentations littéraires dans Girls at War, c’est-à-dire
si les thèmes développés sont toujours d’actualité.
Nous allons, dans un premier temps, revisiter le contexte de la nouvelle
Girls at War, à savoir la guerre du Biafra avant d’évoquer tour à tour les thèmes
de cette nouvelle ainsi que le style et les techniques narratives utilisées par
Achebe dans sa communication littéraire. Enfin, nous ferons un parallèle entre
les thèmes évoqués dans Girls at War et le contenu des media burkinabè relatif
à la situation sécuritaire.

149
1. La Guerre du Biafra (1967-1970)
A son accession à l’indépendance en 1960, le Nigéria comptait trois
groupes ethniques majoritaires : les Haoussas (29% de la population totale) au
nord, les Igbos (17%), Sud-Est, et les Yorubas (26%) au Sud-Ouest. La
politique coloniale britannique, basée sur l’« Indirect Rule », a renforcé les
identités de ces trois groupes. En effet, l’application de cette politique au
Nigéria a produit des effets inégaux. Au nord, cette gouvernance s’avère efficace
parce qu’elle n’est pas incompatible avec la vieille tradition d’Etat centralisateur
du nord. Par contre, dans le Sud-Est, en l’absence de pouvoir central,
l’administration britannique installe des chefs qu’elle dotera de pouvoir qui fera
l’objet de contestation parmi les populations. Dans le pays Yoruba, l’application
du gouvernement indirect est facilitée par l’existence d’une monarchie très
ancienne.
A ces particularismes sociaux et culturels, s’ajoutent des disparités
économiques, car le nord reste économiquement enclavé. De façon globale, le
système colonial britannique a favorisé une opposition nord-sud en instituant
une frontière arbitraire peu conforme à la réalité ethnique du pays.
Peu à peu, les transformations du tissu social dues à la colonisation
engendrent des contestations internes. On peut citer le cas, par exemple, des
Igbos qui se rebellent contre des chefs que leur a imposés l’administration
coloniale. Chez les Yorubas, on note la naissance d’une catégorie moyenne de
fonctionnaires qui commencent à revendiquer la place des chefs traditionnels.
Si dès le départ, on pouvait noter l’émergence d’un certain sentiment
national, celui-ci cède vite la place au « tribalisme » qui se traduit par la création
de partis d’obédience ethnique :
Le Yoruba Obafemi Awolowo crée en 1945 l’Action Group (A.G.), en
réponse directe au dynamisme culturel des Ibo. Ce nouveau parti se veut
foncièrement régionaliste. Une fois le mécanisme enclenché, les réactions
s’enchaînent. Le N.C.N.C. [National Council of Nigeria and the
Cameroons devenu Natoinal Convention of Nigerian Citizens], parti
nationaliste à l’origine, se met à incarner d’une manière plus restrictive la
collectivité Ibo. Le Nord choisira d’exprimer ses particularismes à travers le
Northern People Congress fondé en 1949 par Abubakar Tafawa Belewa. Ce
dernier parti triomphe au détriment du Northen Element Progressive Union, à
cause sans doute de ses options unitaires proches des thèses panafricaines du
N.C.N.C. (Boutet, 1992 : 36).

La guerre du Biafra résulte entre autres de l’existence d’une multitude de


partis ethniques dont Achebe en avait connaissance et en a vécu de près. Il a
d’ailleurs soutenu les sécessionnistes chrétiens Igbos du Sud-Est qui s’opposent
aux groupes ethniques du Nord dans cette guerre civile qui a causé plus d’un
million de morts. Il a accepté de jouer le rôle d’ambassadeur itinérant pour

150
plaider la cause des biafrais. Dans « The African Writer and the Biafran
Cause », l’auteur prend cause et fait pour le Biafra parce que l’indépendance du
Nigéria s’est avérée être un leurre :
…the creative writer in independent Nigeria found himself with a new,
terrifying problem on his hands. He found that the independence his country
was supposed to have won was totally without content. The old white man
was still in power. He had found himself a bunch of black stooges to do his
dirty work for a commission. (Achebe, 1975 : 82)

Non seulement le colonisateur est toujours présent, mais il ne fait rien


pour empêcher le massacre d’autres nigérians sur des bases ethniques (Achebe,
1975 : 83). Pour toutes ces raisons, Achebe estime que la cause des
sécessionnistes biafrais est juste.

2. Les thèmes dans Girls at War


Le contexte de la guerre du Biafra a nourri le discours littéraire d’Achebe,
dans la collection de nouvelles Girls at War and other Stories et plus
particulièrement dans la nouvelle Girls at War. Dans la panoplie des thèmes
abordés dans cette nouvelle, nous jetterons le dévolu sur la souffrance, la
cupidité, la cherté de la vie et la décadence morale engendrées par la guerre.
L’une des premières conséquences de la guerre en général, et dans Girls at
War en particulier, est la perte en vies humaines, source de souffrances pour la
famille et la société. Achebe montre que peu de temps après le début de la
guerre, la situation s’était dégradée et la mort était devenue le lot quotidien : «
[…] things had got very bad. Death and starvation having long chased out the
headiness of the early days, now left in some places blank resignation, in others
a rock-like, even suicidal, defiance » (p.106). Il est important de relever que la
mort touche aussi bien les militaires au front que les populations civiles qui elles
sont innocentes à l’image de ce pilote, Charly, travailleur humanitaire dont la
mission était d’apporter de la nourriture aux populations qui mourraient de
faim à cause de la guerre ainsi que le montre la citation ci-dessus.
En effet, la famine, la cherté de la vie et l’insécurité sont autant de
conséquences qui sont à l’origine des souffrances et rendent la vie difficile. La
cherté de la vie est tributaire de la pénurie des produits de consommation sur le
marché, suite à la guerre qui en empêche l’approvisionnement régulier. Cette
situation oblige les gens à se débrouiller:
One of the ingenious economies taught by the war was that a rubber condom
could be used over and over again. All you had to do was wash it out, dry it
and shake a lot of talcum powder over it to prevent its sticking; and it was as
good as new. (p.118).

151
Le fait que les gens en viennent à laver des préservatifs symbolise la rareté
des biens de consommation et explique aussi pourquoi les prix grimpent à
l’instar du prix du gari qui se vend à une livre la boite de cigarette (p.107).
Quand on sait que le salaire d’un chauffeur est de dix livres par mois, on
imagine la suite. Malgré l’aide humanitaire les populations sont affamées. La
description de la foule en haillons et aux côtes flottantes (107) qui a pris
d’assaut le centre humanitaire ne laisse aucun doute sur les souffrances de la
majorité de la population. Même les militaires, qui sont censés défendre et
protéger les populations, ne sont pas épargnés par la faim. Les jeunes soldats,
nous dit le personnage Nwankwo, mangent du gari une fois tous les trois jours
et les gens meurent tous les jours :‘We are fighting a war and I happen to know
that some young boys at the front drink gari and water once in three days.’
(p.112)
Malgré ces souffrances, certaines personnes font montre d’une cupidité
sans limite. Dans Girls at War, on assiste à des transactions de tout genre allant
du détournement des biens publics à la vente illicite de toutes sortes de produits
qui permettent à ceux qui s’y adonnent d’amasser des fortunes (Girls at War,
p.109). On peut citer, par exemple, cette jeune dame dont le fiancé, un haut
fonctionnaire de l’Etat, lui permet de se rendre à Libreville en empruntant des
vols de l’armée pour acheter des marchandises à revendre : « She will come back
on an arms plane loaded with shoes, wigs, pants, bras, cosmetics and what have
you, which she will then sell and make thousands of pounds. » (p. 114).
En tentant de comprendre les transformations qu’a subies Gladys et le
danger qu’elle court, Nwankwo accuse la société et émet des hypothèses qui
mettent à nue la corruption et la cupidité des nouveaux dirigeants :
There must be some man at the centre of it, perhaps one of these heartless
attack-traders who traffic in foreign currencies and make their hundreds of
thousands by sending young men to hazard their lives bartering looted goods
for cigarettes behind enemy lines, or one of those contractors who receive piles
of money daily for food they never deliver to the army. (p.119)

Comme le souligne cet extrait, des hommes d’affaire avec certainement la


complicité des hommes politiques vont même jusqu’à organiser un trafic de devises
étrangères et à ventre des cigarettes aux forces ennemies. Même Nwankwo le haut
fonctionnaire du ministère de la justice tire profit de la situation de guerre en
détournant les vivres destinés aux populations. Du coup, Achebe fait un portrait
ironique de Nwankwo qui critique les autres alors que lui-même n'est pas
irréprochable. De tels comportements dénotent la décadence morale de la société dans
Girls at War.
En effet, pendant que les jeunes soldats meurent au front et que la majorité de
la population souffre de faim, et malgré la menace des bombes de l’ennemi qui
peuvent frapper à tout moment, Oweri est décrite comme une ville branchée (p.110)

152
où les hommes qui y vivent sans leurs familles mènent une vie d’insouciance et de
débauche. Cette décadence morale atteint son paroxysme avec cette soirée
d’anniversaire organisée par un officier de l’armée :
The Lieutenant-Colonel’s party turned into something quite unexpected. But
before it did things had been going well enough. There was goat-meat, some
chicken and rice and plenty of home-made spirits. There was one fiery brand
nicknamed ‘tracer’ which indeed sent a flame down your gullet. (p.115)

La description de cette scène bacchanalienne, marquée par la


surabondance de viandes grasses et arrosées de vins capiteux, nous présente des
orgies en ces lieux et temps de guerre, totalement en contraste avec les
populations et les soldats qui meurent littéralement de faim. D’un côté on
constate l’insouciance et le gaspillage, de l’autre ceux qui tiennent les armes sont
confrontés à une pénurie navrante. Ce contraste choquant exhibe une faillite
morale dans Girls at War avec son corollaire de la prostitution qui gagne du
terrain.
La prostitution est un autre indicateur de cette décadence morale. Gladys
par la force des choses s’adonne à ce vieux métier. Cependant, elle est présentée
de manière sympathique par Achebe, car considérée comme une victime de la
société. En effet, lorsque la nouvelle s’ouvre elle venait d’abandonner l’école
pour s’engager dans la milice et défendre son pays en guerre. Elle était une jeune
fille consciencieuse dont le patriotisme ne fait aucun doute. Mais très vite
Gladys, désabusée par la société, finit par perdre foi dans la lutte: « And this
particular girl too, who had once had such beautiful faith in the struggle and
was betrayed (no doubt about it) by some man like him out for a good time ».
(p.103). Comme la plupart des filles, Gladys cède à la vie facile où le sexe et la
prostitution sont banalisés. Pour un rien les filles se jettent dans les bras du
premier venu: « A head of stock fish, that’s all, or one American dollar and they
are ready to tumble into bed ». (p.116). Nous sommes d'avis avec Nwankwo
qui affirme que la société est responsable de la prostitution de Gladys: « Gladys,
he thought, was just a mirror reflecting a society that had gone completely
rotten and maggoty at the centre. The mirror itself was intact; a lot of smudge
but no more. » (p.119).
La souffrance, la famine, la cupidité et la décadence morale constituent
les principaux maux engendrés par la guerre dans Girls at War. Si cette nouvelle
et l’ensemble de la collection Girls at War and other Stories forcent
l’admiration, c’est tant à cause du réalisme de leurs thèmes que de leurs qualités
esthétiques, notamment le style et les techniques narratives utilisées par Achebe
qui s’inspirent des traditions orales.

153
3. Style et techniques narratives dans Girls at War
Girls at War illustre parfaitement l’écriture d’Achebe qui puise ses racines
dans la tradition orale. D’abord le genre littéraire en question ici, à savoir la
nouvelle, semble refléter la littérature orale africaine, notamment le conte. En
effet, les marqueurs de temps utilisés par l’auteur dans cette nouvelle
l’apparentent au conte : « The first time their paths crossed nothing
happened », « The second time they met. » (p.103); « When their paths
crossed a third time ». (p. 106). L’ouverture de la nouvelle Girls at War est
fortement évocatrice d’un conte « il était une fois ». On note aussi le souci de
l’auteur de faciliter la lecture de Girls at War et de faire passer son message à
l’image du conte qui a beaucoup plus pour vocation d’éduquer par la leçon de
morale à retenir à la fin plutôt que de distraire tout simplement. Ainsi le temps
de l’histoire est-il clairement indiqué ici pour permettre au lecteur de suivre
facilement et de comprendre.
Lorsque le débat linguistique s’est posé au sujet de l’utilisation de la
langue de l’ancien colonisateur ou de nos langues autochtones par l’écrivain
africain, Achebe était de ceux qui ont choisi de s’exprimer dans la langue
anglaise, mais en insistant qu’elle doit s’adapter à l’expérience africaine :
The price a world language must be prepared to pay is submission to many
different kinds of use. The African writer should aim to use English in a way
that brings out his message best without altering the language to the extent
that its value as a medium of international exchange will be lost. He should
aim at fashioning out an English which is at once universal and able to carry
his peculiar experience. (Achebe, 1975 : 61)

Le style utilisé par Achebe dans Girls at War reflète sa position


pragmatique vis-à-vis de la langue anglaise. En effet, le langage utilisé par les
différents personnages dans Girls at War reflète leur milieu social et leur niveau
d’éducation. Tandis que les personnages éduqués s’expriment dans l’anglais de la
Reine ou anglais standard, ceux qui ne sont pas allés à l’école ou ceux dont le
niveau d’éducation n’est pas élevé, comme Gladys, le personnage principal,
s’expriment en pidgin. On peut citer également les domestiques et les
subalternes dans l’administration publique ou privée qui s’expriment en pidgin.
L’utilisation des proverbes et des dictons est aussi un marqueur de la
tradition orale dans Girls at War. Comme Conenna (2000) et Anscombre
(2000) nous ne faisons pas de distinction entre proverbe, adage, dicton et
locution proverbiale, car les limites entre les phénomènes qu’ils désignent sont
floues. Ces auteurs préfèrent consacrer à tous le terme « proverbe », que
Conenna (2000 : 29) définit comme étant « un cas particulier de phrase figée
qui se caractérise par des traits rythmiques, métaphoriques et sémantico-
pragmatiques ».

154
Cependant, on remarque que les proverbes dans Girls at War ne sont pas
aussi nombreux comme dans les romans d’Achebe. Ceci s’explique du fait que la
nouvelle étant un genre littéraire de nature courte, ne peut s’accommoder
d’abondance de ces éléments de la tradition orale. De plus, le message dans les
proverbes n’est pas toujours direct et requiert une certaine expérience ou
connaissance du lecteur. Chez Achebe, principalement dans Things Fall Apart
et Arrow of God, ce sont les adultes, considérés comme des sages, qui utilisent
les proverbes. Les proverbes (Zongo, 2020, Chinweizu et al. 1980) sont des
techniques narratives qui font l’originalité des auteurs qui les utilisent et
donnent à la langue de l’ancien colonisateur une couleur locale africaine. Les
proverbes, selon Malgoubri (2001 : 136), représentent un instrument
d’éducation, d’éveil de conscience et de moralisation de la société. Ils sont
utilisés, très souvent, non seulement pour leur effet stylistique et leur valeur
sémantique, mais également pour donner une résonance particulière au message.
Les exemples suivants l’illustrent très bien :
 Monkey de work, baboon de chop. (p.112)
 It is when a man is drunk that he speaks what is on his mind. (p.116)
Le premier proverbe fait état de l’injustice et du pillage des ressources du
pays par une minorité dans Girls at War, une situation dont le réalisme est
évident car Achebe lui-même a décrit le Nigéria au lendemain des
indépendances en ces termes : « Within six years of independence Nigeria was a
cesspool of corruption and misrule. Public servants helped themselves freely to
the nation’s wealth ». (Achebe, 1975: 82). Ce proverbe souligne aussi que ceux
qui travaillent dur ne sont pas récompensés à la hauteur de leurs efforts. Ainsi,
ceux qui se battent dans cette guerre meurent de faim alors que ceux qui ne font
rien ou pas grand-chose profitent grassement de la vie. Quant au second
proverbe, il signifie tout simplement que l’alcool sert souvent de prétexte pour
dire ce que l’on pense ou ce qu’on avait prémédité.
Comme on le note, le style et les techniques narratives sont appropriés et
font ressortir à suffisance les préoccupations d’Achebe et les principales qualités
esthétiques de Girls at War.
L’analyse de la Guerre du Biafra, des thèmes évoqués dans la nouvelle
Girls at War ainsi que de ses qualités esthétiques, suscitent chez le lecteur une
certaine curiosité au regard de la crise sécuritaire que vit le Burkina Faso, en
raison de l’universalité et de l’intemporalité des thèmes liés à la guerre évoquée
plus haut. Peut-on affirmer que ces thèmes sont pertinents dans la crise
sécuritaire que traverse le Burkina Faso ?

155
4. La crise sécuritaire au Burkina Faso
Les termes officiels utilisés pour décrire la tragédie que le Burkina Faso
vit sont « crise sécuritaire » ou « guerre asymétrique ». En dépit des différentes
terminologies utilisées pour caractériser l’horreur que traverse le Burkina Faso, il
ne s’agit ni plus ni moins qu’une guerre à proprement parler avec tout ce qu’elle
comporte d’absurde. En faisant un rapprochement entre ce qui se passe au
Burkina Faso depuis 2015 et relaté par les médias et ce qui est représenté dans
Girls at War, le lecteur est frappé par la similitude des faits. On est tenté de
conclure que la fiction dans Girls at War a rejoint la réalité au Burkina Faso En
effet, presque tous les thèmes dans Girls at War dont quelques-uns ont été
évoqués plus haut sont d’actualité, récurrents et rapportés dans les médias
burkinabè ; conférant ainsi le caractère universel et intemporel à la thématique
de la guerre depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours et ses innombrables
conséquences.
Quand on observe, par exemple, les souffrances engendrées par la guerre
dans Girls at War, on note également des pertes en vies humaines qui
constituent le lot quotidien des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), des
Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et des populations civiles. A ce
jour les statistiques des victimes de cette crise sont ahurissantes car elles s’élèvent
à des centaines. L’une des situations de massacre qui a révolté les burkinabè est
sans doute l’attaque d’Inata le 16 novembre 2021 en raison des conditions dans
lesquelles des gendarmes et des civils ont été exécutés. En effet, il ressort des
témoignages que les FDS et les VDP n’étaient pas approvisionnés en nourriture
et par conséquent n’étaient pas dans de bonnes conditions physiques pour
résister à l’attaque :
Dans une correspondance adressée au chef d’état-major de la gendarmerie
nationale, les pauvres pandores ont évoqué le manque de nourriture auquel ils
étaient confrontés depuis longtemps. Situation qui les a contraints à abattre les
animaux qui rôdaient autour du camp pour ne pas crever de
faim. (L’Observateur Paalga du 19 novembre)

On ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre cette attaque, qui a causé


officiellement la mort de 49 gendarmes et 4 civils, et les soldats qui se
nourrissent de gari une fois tous les trois jours dans Girls at War.
Par ailleurs, l’affairisme, la recherche de biens matériels et d’argent dans la
nouvelle d’Achebe font l’objet des thèmes traités par les médias burkinabè qui
évoquent tous les jours des incidents de détournements et des trafics de tout
genre. L’incident le plus emblématique est sans doute celui du trafic de
carburant avec l’interpellation de 72 suspects en septembre 2021. La déclaration
du procureur de la république répercutée dans les journaux montre, tout comme
dans Girls at War, que les auteurs de ce trafic traitent avec l’ennemi, à savoir les

156
terroristes à qui ils livrent le carburant. (Sidwaya, 23 septembre 2021). Quant
au bimensuel, journal d’investigations Le Reporter N° 324-325 du 15
décembre 2021 au 14 janvier 2022 et l’hebdomadaire d’enquête Courrier
Confidentiel du 5 décembre 2021, ils évoquent les phénomènes de crimes
économiques et financiers, de corruption, d’abus de confiance et d’escroquerie
au sujet des marchés comme dans l’acquisition de matériel (hélicoptères de
combat) en vue de la lutte contre le terrorisme. De tels fléaux constituent, à n’en
pas douter, non seulement un frein à la lutte contre le terrorisme, mais
également au développement économique et social du pays.
Les personnes déplacées internes (PDI) constituent l’un des phénomènes
marquants de la crise sécuritaire. En effet, treize régions sur les quinze que
compte le pays et toutes ses quarante-cinq provinces abritent des PDI. Selon les
données publiées par le Conseil national de secours d’urgence et de
réhabilitation (CONASUR) en janvier 2022 et citées par Kaboré (2022), le
nombre de PDI en décembre 2021 s’élève à un million cinq cent soixante-dix-
neuf milles neuf cent soixante-seize (1 579 976) personnes. Leur gestion
constitue un défi que l’Etat a du mal à relever : « Le gouvernement burkinabè, à
travers le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation
(CONASUR), intervient dans la gestion de cette situation avec des
insuffisances. Plusieurs PDI restent frappées par la famine. » Comme dans Girls
at War les populations doivent leur survie à l’aide humanitaire. On peut citer la
Croix Rouge, organisation présente aussi dans la nouvelle qu’au Burkina Faso,
dont l’action contribue à soulager les populations affamées. Par exemple, de
décembre 2021 à février 2022 la Croix-Rouge Burkinabè a permis à des PDI,
soit sept cent cinquante (750) ménages, à Tougan, chef-lieu de la province du
Sourou, dans la région de la Boucle du Mouhoun de bénéficier de son soutien.
(Le Faso.net, 3 février 2021)
La presse a révélé également des cas de mauvaise gestion, de corruption et
d’échange de sexe contre la nourriture dans certaines localités du Burkina Faso
tout comme dans Girls at War. C’est ainsi que Kinda, dans le journal en ligne,
Minute.BF, du 18 août 2021, a publié un article dont le titre évocateur,
« Kongoussi : Des femmes déplacées échangent le sexe contre la nourriture »,
accuse des travailleurs sociaux dans des camps de déplacés internes à Kongoussi
d’abuser de femmes déplacées et vulnérables. Ces déplacées, faut-il le rappeler sont des
victimes du terrorisme. L’affaire qui est en justice n’a toujours pas connu de
dénouement.
Il faut noter que les camps de déplacés internes sont l’une des
conséquences des attaques terroristes qui obligent les populations à abandonner
leurs lieux de résidence habituels pour chercher refuge ailleurs. Très souvent,
lorsque les populations abandonnent leurs localités, les enfants sont déscolarisés
par voie de conséquence. En effet, on assiste à la fermeture en cascade des écoles

157
du fait du terrorisme. Le nombre d’écoles fermées en octobre 2021 s’élève à
deux mille six cent quatre-vingt-deux (2.682) établissements scolaires. (Sagbe,
2021) Si dans Girls at War, Gladys a abandonné l’école pour prendre part à la
guerre de l’indépendance du Biafra, au Burkina Faso, ce sont les attaques
terroristes qui sont la cause de la fermeture des écoles.
La pauvreté, la famine et la cherté de la vie, qui sont des thèmes
récurrents dans l’histoire de l’humanité sont exacerbés en temps de guerre tels
que représentés dans Girls at War. Il en est de même dans la crise sécuritaire au
Burkina Faso où ils occupent une place importante dans les médias burkinabè.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Il s’agit entre autres de la baisse de
l’activité économique en général et de la production agricole en particulier.
Cette baisse résulte du fait que les populations ont fui leurs lieux de résidence
habituels abandonnant également leurs champs et n’arrivant plus à pratiquer les
activités agricoles. C’est ce qui explique la crise alimentaire dont Traoré (2022)
fait mention dans une dépêche de l’Agence Anadolu du 29 mars 2022 :
Plus de 2,8 millions de personnes réparties dans 11 provinces du Burkina Faso
sont en situation de crise alimentaire, a annoncé lundi, la télévision publique
(RTB) citant, le Comité de prévision de la situation alimentaire et
nutritionnelle (CPSA) lors de sa première session de l’année 2022. Le ministre
de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques, Innocent Kiba, relayé
par la RTB, a expliqué que cette situation est due à l'insécurité que connaît le
pays réduisant les surfaces de production, et également à la grippe aviaire, à la
pandémie du coronavirus et à la conjoncture internationale qui se répercutent
sur la circulation des intrants agricoles.

La vie chère constitue la principale préoccupation des organisations de la


société civile telles que la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) et la
Coalition de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour
les libertés (CCVC). Le constat de Somda (2021) dans le journal L’Economiste
du Faso est sans équivoque : « le coût de plus en plus élevé du panier de la
ménagère en raison de la hausse vertigineuse des prix des produits de grande
consommation rend la vie difficile ».

Conclusion

Cette étude nous a permis de voir qu’Achebe, tout comme d’autres


écrivains africains, utilise le réalisme pour aborder les réalités sociales et
politiques de la société. Ce réalisme se manifeste également dans le style et les
techniques narratives caractérisés par le pragmatisme et les éléments de la
tradition orale comme le proverbe, le dicton et la locution proverbiale. Que
Girls at War ait été publié en 1972 et que la crise sécuritaire au Burkina Faso

158
ait commencé en 2015, que les thèmes abordés dans la fiction soient récurrents
dans la communication pendant la crise sécuritaire que traverse le Burkina Faso,
cela confirme leur universalité et leur intemporalité, d’une part, mais également
que la fiction est une manière détournée d’aborder la réalité ; la fiction et la
réalité ont partie liée.

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161
X. Nathaniel Hawthorne’s Strategy for Crises Resolution in The Scarlet
Letter.
Michel PODA
Université Joseph Ki-Zerbo
[email protected]

162
Nathaniel Hawthorne’s Strategy for Crises Resolution in The Scarlet Letter.

Abstract
The nineteenth century American writer, Nathaniel Hawthorne, is well known for his
valuable contribution to literature, which has been ranked among American classics.
Characteristically, he stands as a didactic writer with a clearly set concern to explore man’s
existential issues so as to work-out a philosophical history of mankind or psychological
romance. Yet, his fiction currently entertains ambiguities that pose a challenge to the reader
for getting a suitable grasp of its dramatizations and what they aim at. With reference to his
masterpiece, The Scarlet Letter, which stands as a perfect illustration of his fiction, this
essay unravels a strategy at work in the narrative to enable an adequate understanding of the
ambiguities and discrepancies manifested through the prevailing crises and how they can be
transcended. To this effect, this study outlines the guiding principles to the strategy
provided by the author in the introductory pages, namely the “neutral territory” and human
vulnerability. By implication, beyond the resolution of its inherent crises, the narrative,
through its insights, can serve as a valuable resource in the resolution of existential crises in
our times.

Keywords: Didactic writer, Crises, Ambiguities, Vulnerability, “Neutral territory,”


Resolution.

Résumé :
L’écrivain américain du 19ème siècle, Nathaniel Hawthorne, est bien connu pour son
importante contribution à la littérature, laquelle figure parmi les classiques de la littérature
américaine. Il se distingue comme un écrivain didactique avec pour objectif affiché d’étudier
à fond les questions existentielles de l’homme en vue de produire une histoire philosophique
de l’humanité, ou une œuvre de fiction psychologique. Cependant, cette fiction, de par les
ambigüités qu’elle comporte, constitue un défi pour le lecteur quant à la bonne
compréhension de ses intrigues et l’orientation qui leur est adossée. En se référant au chef-
d’œuvre de l’auteur qu’est La Lettre écarlate, laquelle illustre à souhait cette fiction, la
présente étude vise à apporter un éclairage sur la stratégie mise en œuvre dans le récit pour
permettre une bonne compréhension des ambigüités et écarts qui se manifestent à travers les
crises ambiantes et comment celles-ci peuvent être transcendées. A cet effet, l’étude éclaire
sur les principes directeurs de la stratégie fournis par l’auteur dans les pages introductives, à
savoir le « territoire neutre » et la vulnérabilité humaine. Il en découle qu’au-delà de la
résolution des crises inhérentes au récit, les enseignements contenus dans celui-ci peuvent
être, dans notre époque, d’un apport précieux en matière de résolution de crises existentielles.

Mots-clés : écrivain didactique, crises, ambigüités, vulnérabilité, territoire neutre, résolution.

163
Introduction

It is a fact that Hawthorne never saw his literary career as something to


be ranked with “art for art’s sake”. He rather saw in it a commitment to serving
mankind, in terms of its intellectual progress. Hence, his intention to work out
a philosophic[al] history, psychological romance, or philosophic[al] romance
for his public, as conveyed in “The Old Manse”, “Preface to the Snow Image”,
and “The May-Pole of Merry Mount”, respectively.58 This intention cannot be
taken so lightly as to overlook it in studying his fiction. And many critics,
starting from the early period, have studied it from that perspective, by focusing
on one aspect or the other, on a particular work or a large range of his fiction.
The reality that the author endeavours to depict – that is, human existential
reality – is so complex, so labyrinth-like that it unmistakeably brings about
crises between the characters and leaves the reader in perplexity.
Bearing in mind the necessity to provide insights for the progress of
mankind, Hawthorne shows, for instance, in The House of the Seven Gables
the disastrous consequences on posterity of their lineage’s wrongdoing, in
“Egotism, or the Bosom Serpent,” the perilous effect of egotism in “Young
Goodman Brown”, the universal corruption and hypocrisy of man in “The
Gentle Boy,” hatred and violence due to religious fanaticism, among others. As
it were, the author sees in the process of bringing out the in-depth issues of
human nature the possibility of resolving them by the play of a sound
understanding of the nature of things and the cathartic or critical impact that
the reality portrayed can produce on the public.
The Scarlet Letter, the focus of this study, is commonly regarded as
Hawthorne’s masterpiece. Thus, it is illustrative of Hawthorne’s concern about
mankind, which he regards as not definitely doomed to annihilation in front of
its multiform existential crises. Featuring a symbol of punishment of adultery in
the form of a scarlet letter, it dramatizes the conflicts between the seventeenth-
century Puritan community, concerned with enforcing a purity-based order, and
the individual at odds with this state of things. Of this category the adulterous
lovers Hester Prynne, Reverend Arthur Dimmesdale and their daughter are the
prototypes. As such, the conflict encompasses psychological, societal and moral
aspects to be examined.
Given the complexity of this subject matter and the didactic concern of
the author, a guidance of the reader is necessary, hence the outlining of the
author’s guidelines to apprehend his universe as a whole and the orientation of
the story. In this sense, Henry James, a contemporary Hawthorne critic, aptly

58
The references are respectively the following: “The Old Manse”, “Preface to the Snow Image” in
Hawthorne’s Tales (p. 288; p. 292), “The May-Pole of Merry Mount” in Hawthorne’s Tales and Sketches
(p. 360).

164
points out the overall position characterizing the latter in acknowledging in it a
sense of a harmony, a charming harmony indeed:
The charm – the great charm –, is that they are glimpses of a great
field, of the whole deep mystery of man’s soul and conscience. They are
moral, and their interest is moral; they deal with something more than
mere accidents and conventionalities, the surface occurrences of life….
The author has all the ease, indeed, of a regular dweller in the moral
psychological realm; he goes to and fro in it, as a man who knows his
way. His tread is a light and modest one, but he keeps the key in his
pocket59.

Moving in this direction of unravelling Hawthorne’s didactic


epistemology, this study goes somehow against the modern trend of ideological
or activist appropriation of this fiction on the basis of “the death of the
author”, as proclaimed by structuralism, to bring out a message in agreement
with Hawthorne’s own philosophy.
After examining the guideline principles operating in The Scarlet Letter
in particular, and in the Hawthornian universe by large, this study demonstrates
how the course of action of the novel is determined by complex existential
crises which, after all, result from failure to take these principles into account.
Finally, and most importantly, it shows how, in the light of these principles, a
resolution of such crises can be achieved.

1. Hawthorne’s Guidelines
In the abundant Hawthorne literary criticism someone asks this pointed
question in an internet discussion “Where does Hawthorne stand?” If this
question is applicable to any reputable writer, its application to Hawthorne is
all the more pertinent as he is at the center of passionate controversies. This
observation implies a risk of developing confusion or misinterpretations to
make him match with a particular ideological trend. Inducing a lot of interest
undoubtedly testifies to the literary greatness of an author, but does every
reading really serve his cause, that is, what is dear to him as his own philosophy?
Do not the divergent perceptions about him signify the difficulty in finding that
very place that can be accurately attributed to him? In anticipation of this
possibility, Hawthorne is careful to provide his readers with guidelines about
where he stands and why he is located there. This is currently done in the form
of prefaces to his works or narrative intrusions in the story. The precaution is
respected regarding The Scarlet Letter, namely with the following principles:
“the neutral territory” and human vulnerability.

59
In Nathaniel Hawthorne, Nathaniel Hawthorne’ Tales, edited by John McIntosh, W.W. Norton, 1987, p.
355. Subsequent quotes are from this edition, parenthetically included in the text and preceded by NHT.

165
In response to the question raised above, Michael J. Colarcurcio (in
NHT, p. 391) draws Hawthorne critics’ attention in these terms:
We need to proceed with care: on the one hand, it is very easy to
distort and make nonsense out of Hawthorne’s delicate ethical formulae
by going behind the donnée of his initial premises; on the other hand,
his stories are often packed with clues about exactly ‘where’ morally
speaking we really are.
This observation mandates the need to closely follow the author’s
guidance, which means scrutinizing his guidelines.

1. 1. The “neutral territory”


This being admitted, in “The Custom-House”, which serves as a preface
to The Scarlet Letter, Hawthorne says to be standing on a sphere that is
situated “somewhere between the real world and fairy-land, where the Actual
and the Imaginary may meet, and each imbue[s] itself with the nature of the
other”60. If at first the image refers to his room floor by a dimmed fireplace
light or moonlight, it stands as a metaphor referring to both the external
environment of his literary production and the process of production. As
condition of production, “the neutral territory” can provide one with
inspirational energy to turn familiar things into things of artistic interest. In this
way, “all [the] details, so completely seen, are spiritualized by the unusual light,
that they seem to lose their actual substance, and become things of the intellect”
(idem). Implying the process of the literary activity, “the neutral territory” 61
invites one to “merge” one thing and its contrary, that is, to put together diverse
and apparently incongruent elements, setting them in dialogue or making them
agree in equal importance: “Nothing is too small or too trifling to undergo this
change, and acquire dignity thereby” (idem).
What is at work in “the neutral territory” is undoubtedly a balanced
relational dynamic, based on which the Hawthornian universe entertains the
play of the picturesque and reality62 to produce what is known as “romance”63,
sets in action multifaceted characters like those of The Scarlet Letter, nurtures
polysemy in meaning with its plays of words or meanings, particularly through
symbols, of which Hester’s scarlet letter is a vivid illustration. Broadly speaking,
it is a ground for ambivalences. The “Preface to the Twice-Told Tales” refers
to this handling of things by Hawthorne as “a statement of apparently opposite
60
Nathaniel Hawthorne, The Scarlet Letter, An Authoritative Text, Third edition, edited by Seymour Gross
et al., New York: W.W. Norton, 1988, 28. Subsequent quotes are from this edition, parenthetically included
in the text, and preceded by SL.
61
The principle of the “neutral territory” is reiterated in the “Preface to the Twice-Told Tales” under the
name of “twilight atmosphere”, as well as in “Preface” to The House of the Seven Gables and in the tale
“Main-Street”, still with an insistence on the necessity for the reader to follow the principle.
62
In « Main-Street », Hawthorne designates these categories as reality and illusion.
63
This form of writing adopted by Hawthorne is a genre which was current in his time and which differs
from the novel by blending pictures of the author’s artistic creation with detailed life facts.

166
peculiarities” in which is perceptible an attempt to apprehend reality in its
diversity or to address the public in their diversity, for “Every sentence, so far as
it embodies thought or sensibility, may be understood and felt by any
body[sic]” (in NHT, pp. 290 & 291).
With this broad scope, the principle, clearly impregnated with a moral
concern, does not leave out the necessity to bridge these major opposite human
faculties that are the heart and the mind. For Hawthorne, these two categories
need to be tempered by reciprocal impact to prevent them from going astray
from normality. Kept apart, the mind will wander into abstract and wild
judgements as illustrated through courses taken by scientists such as Rappaccini
in “Rappaccini’s Daughter”, Aylmar in “The Birthmark”, Ethan Brand in the
short-story named after him, not forgetting Chillingworth in The Scarlet Letter.
Inversely, the heart, if left alone, will plunge into excessive sensibility or mood
as shown by Giovanni in his uncontrollable love affair with the poisonous
Beatrice in “Rappaccini’s Daughter”, or the adulterous partners of the novel,
victims of their passionate love for each other. For Herman Melville (in NHT,
p. 350), the greatness of Hawthorne lies in his capacity to widen the scope of
the heart and the mind altogether: “the American, who up to the present day,
has evinced, in Literature, the largest brain with the largest heart, that man is
Nathaniel Hawthorne”.
Besides the necessity to pair things or to put opposites in dialogue,
Hawthorne opens his readers’ eyes on another fundamental principle inherent to
his literary works: the principle of human vulnerability.

1. 2. Human Vulnerability
Actually, in multiple taints (physical, moral, spiritual, psychological…),
it is present in every conflict, and by principle in every fictional work which
builds on a given conflict. Hawthorne shows an acute interest in dealing with
human vulnerability in the form of sinning, or intellectual blundering, or
violation of any natural principle. The Scarlet Letter is a vivid manifestation of
such an interest, as put forward in its opening chapter, with the work being
presented as “a tale of human frailty and sorrow” (SL p. 36).
If Hawthorne criticism seems to overlook this principle, I have stressed it
in a previous essay, “What Way out of the Dilemma for Ruben Bourne in
‘Roger Malvin’ Burial’”, in which the wounded status of the two protagonists,
Reuben Bourne and Roger Malvin, is shown to epitomize their vulnerability
(Poda, 2016, p. 73).
Vulnerability comes from the Latin adjective vulnerabilis, formed from
the verb vulnerare, meaning to “wound”. With vulnerability being defined as
the state or condition of being vulnerable, Britannica Dictionary defines the
adjective “vulnerable” as follows: easily hurt or harmed physically, mentally, or

167
emotionally; open to attack, harm, or damage. So, vulnerability means a state of
deficiency or condition of fragility, entailing consequences generally negative,
namely suffering. But there is another aspect of vulnerability, which does not
imply defencelessness but rather an active propensity to make up for the
existing deficiency. This has been identified by Freud, for example, in the
principle of life, based on which the subject feels the need to take action to
make up for their deficiency, as is expressed through the sexual drive. On a
wider scope, is it not vulnerability that is expressed through the human quest
for happiness? In this vein, André Keet and associates (2009, p. 115) affirm
that “‘vulnerability’ does not mean lack of agency”. They suggest the principle
of “mutual vulnerability” as “a key pedagogical principle” to be applied in post-
conflict societies’ education, a view which is quite in line with the orientation of
this essay. With these cardinal principles being clarified, an overview of the
crises at the center of Hawthorne’s novel is in order.

2. An Overview of the Hawthornian Crises in The Scarlet Letter


As “a tale of human frailty and sorrow”, The Scarlet Letter introduces
the reader to a universe of crises, characteristic of Hawthorne’s fiction, and
particularly the novel in question. In this respect, Laurie A. Sterling (2008, p.
45) remarks that “Hawthorne’s fiction is filled with characters who are at odds
with society and who challenge the statu quo”. Such crises, as already
mentioned, are multidimensional and can be considered as existential ones
inasmuch as they threaten both individual and/or social existence and raise
these fundamental existential questions: the status of woman, sexuality and the
moral code, the relation of the individual to society, etc. The Scarlet Letter
offers a condense picture of the Hawthornian crises.

2. 1. The Nature of the Crisis


As highlighted in the title, with the scarlet letter A symbolizing adultery,
the novel is centred on a case of violation of the Puritan moral law. The case, as
can be seen from the start, features mainly Hester Prynne in confrontation with
her society on the charge of adultery. The case is presented as serious one,
requiring to be dealt with publicly in an exemplary way so as to deter possible
similar cases posing a threat to the Puritanic ideal of purity. She faces her
community alone, but she is not alone with respect to the violation of its moral
code. She has a partner: Reverend Arthur Dimmesdale, her pastor, whose
identity remained unknown till his self-revelation in the closing episode. When
Hester emerged from the prison where she has been kept at the onset, she faces
the Puritan society constituted of the beadle in charge of enforcing the sentence
to the culprit, the crowd gathered to watch her public punishment, the judges
composed of the governor and the two local ministers, one of whom is

168
Dimmesdale. The community in question has in common the defence of the
Puritan moral law, which is manifested through their great mobilization to
witness the handling of Hester’s case, on the one hand, and their moral distance
with the accused transgressor, as shown in these terms: “Meagre, indeed, and
cold, was the sympathy that a transgressor might look for, from such bystanders
at the scaffold” (SL, p. 37). The picture thus presented bears a striking
similitude with the Biblical episode of the adulterous woman to be punished
who was presented by the Jews to Jesus.64
As a matter of fact, that law, as points out the narrator, merges with
religion, drawing on the Judaic law of the Old Testament, the Torah, and the
statute-book inherited from the “man-like” Queen Elizabethan I of England. It
punishes with great severity sexual sins in particular and is well-rooted to the
point of shaping deeply the members of the society and enticing their apparent
adhesion. This is testified by the community being portrayed with the attribute
of severity and dread, in conformity with the law itself, which is said to be
“iron-like”. Thus, the town-beadle is described as “prefigure[ing] and
represent[ing] in his aspect the whole dismal severity of the Puritanic code of
law” (SL, p. 38), which excels in methods for physical torture and mostly moral
torture. In the same line, the men are described as displaying “grim rigidity”,
and the women as being no less inflexible in view of their indignation at
Hester’s case and their claim for a severer sentence than that of public
humiliation by scaffold exhibition and the wearing of the sign A for adultery.
In the unfolding of the story, the crisis gains in complexity with
entrance on stage of other characters such as Chillingworth, Hester’s husband
and Pearl, her daughter. Thus, the society-individual crisis is overlapped with
other dimensions of the crisis, namely individual and interpersonal ones. All in
all, the crisis in The Scarlet Letter is commonly viewed as an ethical or moral,
say societal conflict with psychological repercussions intertwined with
liberationist or reformist propensities. Hester, the character with whom the
novel is primarily and overtly associated, is given a particular focus in the
present discussion.

2. 2. Hester’s Responsibility in the Crisis


Surprisingly, Hester who undergoes the force of the law, when emerging
from her prison, strikes with dignity and defiance: “She repelled [the town-
beadle], by an action marked with natural dignity and force of character, and
stepped into the open air, as if by her own free will” (SL, p. 39). In fact, her
portrayal presents her as “lady-like” with “a certain state and dignity” in her
nature (idem), a woman of “an impulsive and passionate nature” (SL, p. 42). In

64
New Jerusalem Bible. St John, 8. 1-10.

169
sum, she displays a life orientation of her own, which contrasts with her
community’s.
Both this scene presentation and the knowledge that the story is a “tale of
human frailty and sorrow” pave the way to examine how the dynamics of
vulnerability is at work in this situation, with the ultimate goal of pointing out
failures regarding the “neutral territory” principle. It is worth observing that the
two parties in presence, despite apparent serenity or self-assurance, are
vulnerable in accordance with their specific conditions.
At first, Hester has shown how vulnerable she is in committing the sin of
adultery. A beautiful young woman who is married to an old man whom she
does not love and who is more preoccupied with his scientific pursuit than with
his wife, Hester was left alone for three years and has expectedly become victim
of her seductiveness and the fragility commonly associated with the female
gender. Or elsewise, she has fallen prey to the attractiveness of her young
minister and her sexual passion, in an illegitimate intercourse. In one way or the
other, the act is in violation of the Puritan moral law in front of which she is
utterly vulnerable, in view of the sentence she has incurred. Assumingly, it is
rather more willingly than unwillingly, as if it were in denial of her fragility as
an isolated individual and a woman, that she has broken the Puritan moral law,
which she now publicly defies in the attitude displayed toward the beadle.
In fact, this is in accordance with the twofold property of vulnerability,
which implies defencelessness as well as offensiveness, depending on whether it
refers to the given condition of the subject or to the drive at work in that
condition. If vulnerability can be easily understood as defenceless because
synonymous of fragility, its offensive property might be less obvious. The latter
implies the need to make up for the inherent deficiency so as to achieve
satisfaction. The drive for satisfaction can be so strong that it will defy any
measure intended to keep it under control, that is, any prohibitive limitation.
Such is the case of Hester’s breaking of the Puritan moral law, which starts up
the crisis.
Facing the reprobation of the Puritan society after her adultery, Hester is
set on defying it further, by embroidering the symbol of her shame, adopting an
elegant appearance which contrasts with the sombre Puritan one, refusing to
respond favourably to the injunction to reveal her adulterous partner, resisting
against the authorities’ intention to remove her daughter from her for a suitable
education. Likewise, after a period of seven years during which she had no
contact with her adulterous minister, she shows readiness to resume her love
affair with the latter, and submits to him a plan for their running away to a
foreign country to be in couple.

170
This attitude of Hester has to do with her “freedom of speculation”,
which, according to the narrator, could be viewed by the Puritans as worse than
her sin of adultery. It is so because it is geared toward “attempting to
undermine the foundations of the Puritan establishment” (SL, p. 113) which,
under the pursuit of moral purity and community ethos, restrains individual
freedom, and mostly submits women to a patriarchal rule. In other words, with
Hester being described as a woman of “lawless passion” (SL, p. 113), her
speculation was turned toward a radical societal reform in which the individual
aspirations will prevail over the community’s: “The world’s law was no law for
her mind” (SL, p. 112). In the last analysis, such a propensity, which is said to
be inspired by the then revolutionary trend, appears more complex than
thought.
This speculative propensity of Hester, it must be stressed, works to
increase her rebellion against her community. That implies her further
vulnerability toward her community, as it may worsen her case. In fact, if her
conjecture brings her to discard the world’s law, she is heading toward excluding
herself from any social life in general, which will be dramatic for her as a human
being. It goes without saying that this propensity reveals a disarticulation
between imagination and human nature which is dependent on society. But
Hester cannot solely shoulder the responsibility of the crisis, it must be shared
with the Puritan community.

2. 3. The Puritan Responsibility in the Crisis


The Puritan party in the clash with Hester, as the portrayal shows it, is
liable to critique regarding the severity of its laws and its punishments. Clearly,
this party is critically vulnerable as well. Indeed, human vulnerability is
synonymous of human imperfection, and therefore, a human institution like the
Puritan community cannot be exempt from the mark of imperfection.
Strongly set on its ideal of being a “city upon the hill” (Lemay, 1988, p.
23), which implies preventing the occurrence and repetition of violations of the
established moral order, Puritan society acts out of determinism, as remark
critics. Their determinism derives from the religious persecution they were
victim of in Europe, where religious intolerance was in full swing, leading them
to seek refuge in America, where they intended to establish a community in
accordance with their beliefs of religious purity in reaction to deformities
plaguing Christianity. That religious perspective, as mentioned above, was
inspired by the Old Testament’s Torah and the Calvinistic tenets (Donohue,
1985), based on strict conformity with the letter of the Bible in the handling of
erring ways. To protect their dreamed society, the Puritans, in an extremist way,
went on war against any endangering sinful attitude. In this vein, sex out of
wedlock, in the form of fornication or adultery, was ruled out. Hence the clash

171
with Hester (SL, p. 38). But as is previously mentioned, Jesus called that rigid
law into question in the episode of the adulterous woman.
In line with the self-given reputation of being a “godly” colony, or “a
land where iniquity is searched out, and punished in the sight of rulers and
people” (SL, pp. 44-45), the Puritan community (in applying the sentence of
the scaffold exposition and scarlet letter wearing against Hester) meant to make
vivid her moral misconduct by making her a reprobate, and “a living sermon
against sin” (SL, p. 45). Clearly, her case is to serve as a deterrent to anyone
else.
In this form, the punishment endured by Hester is quite humiliating and
dehumanising, hence the indignation of the narrator about the scaffold
punishment in these terms: “There can be no outrage, methinks, against our
common nature, – whatever be the delinquencies of the individual, – no outrage
more flagrant than to forbid the culprit to hide his face for shame; as it was the
essence of this punishment to do” (SL, p. 41). The Puritan mode of
punishment of sin is all the more inadequate as it fails to bring about the
expected result. Instead, it made its victim, that is, Hester, more revolted than
ever. Naturally, she was willing to do away with the oppressive code, to curse it
or to laugh at it (“her combative energy of character […] enabled her to convert
the scene [of public exposition] into a kind of lurid triumph” (SL, p. 55).
Thus, all ingredients are in to nurture an escalation of the crisis. Put differently,
vulnerability triggers and fosters crises.
To make things worse, another type of vulnerability, both critical and
moral, adds up. It is more dreadful as it involves protagonists of the Puritan
law: Reverend Dimmesdale and Chillingworth. The first one, Hester’s minister,
is credited with saintliness but has unexpectedly fallen in carnal passion with the
latter. In addition, he is too frail to face the infamy of disclosing himself or
being disclosed as her paramour. Ironically, he sits among the political and
religious leaders who decided on Hester’s case to watch her humiliation.
Moreover, he is designated by his pairs to urge her to reveal her paramour.
Thus, to immoral sex he adds hypocrisy, making his case worse than Hester’s,
and his suffering in the form of internal torment worse than hers.
The second one is no less pitiable or dreadful. He is Hester’s uncaring
husband who has been missing for three years and unexpectedly appears at the
very moment she is exposed to public shame. His tie with Hester, like
Dimmesdale’s, is unknown to the Puritan community. He falls vulnerable to a
devilish instinct of vengeance against Dimmesdale. Admitted as a personal
physician to Dimmesdale, he indulges in torturing him unrelentingly till death,
and, on the other hand, blackmails Hester into keeping his identity secret in
order to carry out his vengeance plan. With these two characters, Puritanism is
denatured and its pretended vigilance comes to nothing reliable. It is no wonder

172
that the narrator sees the Puritan societal project as a “Utopia of human virtue
and happiness” (SL, p. 35).
At this, we see the extension of the crisis to integrate the interpersonal
dimension and even the personal one. While the latter is illustrated by Hester in
her speculation, or Dimmesdale in his secret struggle about his sinful situation,
the former is exemplified in the relation opposing Dimmesdale and
Chillingworth, Hester and Chillingworth and to a lesser degree Dimmesdale
and Hester. The complicate relationship between Hester and her daughter,
Pearl, is noteworthy here too. As a matter of fact, she is portrayed as an imp
child, inclined on constantly torturing her mother with malicious questions or
observations concerning her and Dimmesdale, or by adopting a rebellious
attitude toward the two. As such, she embodies a living reminder of their sins of
adultery and hypocrisy.
All in all, vulnerability is a shared condition and phenomenon at the
center of this story. It determines the direction of the story through the
multiform crises that it sparkles and fosters as cause and consequence of them.
By implication, the measures of resolution or prevention of crises envisioned on
both sides prove inadequate and inefficient. But if this discussion stops at this
level, the story of the scarlet letter, to paraphrase Hawthorne, will certainly not
have done its office. Is not its final objective the resolution of the different
crises?

3. The Way toward the Resolution of the Crises


Right from the beginning of the story, when referring to the wild rose-
bush that stands near the prison door, which is obviously a metaphor of the
heroine, Hawthorne makes it clear that it is not his concern to determine
“whether it had merely survived out of the stern old wilderness” or “whether it
had sprung under the footsteps of the sainted Ann Hutchinson”. In other
words, he does not intend to merely acknowledge the merit of Hester for
overcoming hardships in her way or to eulogize a dissenter in the wake of Ann
Hutchinson who was banned from her community for heresy, as put in a
footnote (SL, p. 36). The implied point here is not to establish who must be
blamed and who is victimized, or who is right and who is wrong. Such a
perspective undoubtedly differs from the author’s in failing to take into account
the guiding principles of neutral territory and vulnerability. Yet, as points out
John Cadwell Stubbs (in SL, p. 386, footnote), critics turn to defending one
camp against the other. This is worth investigating in order to reorient the
message of the novel.

173
3. 1. Some “Misreadings” of The Scarlet Letter
As used here, the concept of “misreading” does not question the
scientific quality of the essays concerned, but invites to see in what way they
have gone away from the standpoint of this study.
In his “A Nauseous Amour of a Puritan Pastor”, Arthur Cleveland Coxe
straightforwardly stresses the awfulness of Hester “wallowing in filth” with her
paramour, and is revolted at Hawthorne’s complacency in dealing with the
subject, concluding that “‘the Scarlet Letter’ [sic] is delicately immoral” (in SL,
p. 190). This perception, known as traditionalist, is shared by Darrel Abel in
his essay titled “Hawthorne’s Hester”. For him, “Hester Prynne… typifies
romantic individualism”, a philosophical trend which, in his terms, “repudiates
the doctrine of a supernatural ethical absolute” (in SL, p. 300). From this
perspective, “Hester’s history”, according to him, “shows the corruption of the
feminine virtues of passion and submission in a sinner who has been thrust out
from the human community on which those virtues depend for reality and
function” (in SL, pp. 305-306).
Contrary to him, Frederick I. Carpenter’s analysis of the sin of adultery
in The Scarlet Letter in his “Scarlet A Minus” posits itself in defence of
transcendental idealism, a position which resonates with confusion, a fact that
he himself acknowledges, but goes on to blame Hawthorne for having
entertained confusion through his characterization which tends to exceed the
author’s imagination. “Explicitly, [Hawthorne] condemned Hester Prynne as
immoral; but implicitly, he glorified her as courageously idealistic” (in SL, p.
292). Thus, Carpenter sees in transcendental idealism what can mediate the
traditionalist and the romantic views about Hester, based on which he argues:
“She was neither romantically immoral nor blindly rebellious against society
and its laws” (idem, p. 296). In fact, the difference between romanticism and
transcendental idealism is not clear, as both contend sexual freedom against
moral restrictions, and Hester’s ideal of “higher morality”, which is pointed out
in support of her transcendentalist trait, tends to merge with natural law. Thus,
with a sense of irony, Carpenter comes to proclaim the greatness of the novel
owing to the character of the heroine who achieved spiritual greatness despite
all sorts of unfavourable dispositions, including her creator’s: “[Hawthorne]
damned the transcendental character whom he had created, for being romantic
and immoral” (idem, p. 299). Discarding Hester’s recognizing herself in the
conclusion as “stained with sin”, the transcendentalists declare Hester blameless
while the romantics contend that she has never recognized her adulterous act as
a sin (idem, p. 294).

174
David Leverenz, in “The Ambivalent Narrator of The Scarlet Letter”,
criticizes the ambivalence of the narration which tends to stain the image of a
triumphant heroine put forth at the start, thus resulting in its failure to keep the
promise to dispel the gloomy atmosphere attached to the story. He remarks that
in referring to the rose-bud standing by the prison door, as a metaphor of the
heroine, the narrator “allegorically intimates that patriarchs will die while tender
flowers endure” (in SL, p. 416). Thus, he denounces “an ambivalent inquisition
into the dangers of Hester’s lawless passion” (idem, p. 417), for after all, Hester
is “a woman more sinned against than sinning” (idem, p. 418). In sum, she is,
among others, a heroine of feminism: “Her radical feminism goes further than
Hyatt Wagoner’s sense of her as champion of the oppressed, and beyond Nina
Bayn’s various arguments that she champions the private imagination” (idem, p.
417).
So passionate is the controversy over the issue at the center of The
Scarlet Letter that it cannot fail to fuel feminist propaganda. According to Jesse
F. Battan (2004, pp. 601-602), as early as in the 1850s, shortly after the
publication of the novel, arose a group of female activists known as “Free
Lovers” who claimed to be the prophetesses for the new order of things that
Hester predicted. These activists “took on the role of moral outsiders”.
Upholding the slogan “You cannot fix the scarlet letter on my breast”, they
“refused to accept society’s categories of deviance and wear the scarlet letter”,
and like Hester, they turned to all kinds of moral outcasts to provide them with
encouragement and advice (SL, p. 602).
Clearly, such controversies illustrate the criticism made against the
Hawthornian fiction for generally failing to provide a clear answer to the
enigmatic issues that it raises, leaving the reader to decide for himself/herself.
My contention here is that beyond the apparently unresolved crises, beyond the
passionate interpretative positions, all exclusive of each other, the author’s
portrayal of this conflict and others at the center of his works aim at ultimately
transcending such conflicts, best, resolving them in an inclusive way.

3. 2. The Hawthornian Resolution of Crises as Illustrated in The Scarlet Letter


The foregoing discussion shows that the Hawthornian crises are generally
existential ones, inasmuch as the existence of the parties in conflict is threatened
and fundamental existential questions are raised. In a pedagogical way and
through the portrayal of the crises in their complexity in this piece of fiction,
Hawthorne places his public in front of the critical situation to warn them of
possible disaster ahead, which implies that he ultimately aims at how to avoid it.
As “a master of language” with many resources at his command, “Hawthorne’s
total meaning is very complex and his last word is not by any means a simple
condemnation” (Leavis in SL, p. 366). Squaring the course of the action in the

175
novel with this assertion mandates a scrutiny. In this respect, the story reveals
two essential conditions to fulfil: the recognition of vulnerability and the
movement of sympathy toward the other party no less vulnerable, which results
in the attainment of inward and outward reconciliation.
As far as Hester is concerned, the process of recognition of her
vulnerability can be said to have begun with her decision not to utterly break
away from the Puritan community which has caused her so much resentment.
While there is no constraint laid on her to stay in New England where she is
ostracized, she unexpectedly makes the choice to stay and refrain from any
sexual life. She does so to fully assume her sin of adultery. As remarks the
narrator, “The chain that bound her here was of iron links, and galling to her
inmost soul, but never could be broken” (SL, p. 56). Elsewise, the narrator
insinuates that she has decided to stay out of fidelity with her paramour with
whom her fate is sealed in a shared vulnerability, bounding them to a joint
retribution before God.
Later on, in chapter 5, she comes to refrain from fostering her resentment
into acts of retaliation against the Puritan community. She endeavours to calm
down by putting the energy of her outrage into her knitting and refraining from
retaliating to her enemies in the form of cursing. But before that, in chapter 4,
she acknowledges to her long lost husband her wrongdoing, that is, her
vulnerability.
Then, in the middle of the story (in chapter 13, aptly entitled “Another
View of Hester”), the process of transformation becomes more noticeable to
such an extent that it positively impacts her community. Seven years after the
decision of her punishment was taken, she manages to control her irritation and
resentment and to show kindness and apparent docility instead. In Hester,
“there was neither irritation nor irksomeness. She never battled with the public,
but submitted uncomplainingly to its worst usage; she made no claim upon it,
in requital for what she suffered, she did not weigh upon its sympathies” (SL, p.
110). This is possible because she has attained maturity through seven years of
suffering. Through her ordeal, she has subdued the selfishness of her orientation
in the form of individual happiness, has renounced rebellion and retaliation
impulse, and has opted for quiet submission to her community’s life pattern. As
observes the narrator, this testifies to a natural principle of transformation in
human nature, based on which love, untainted by selfishness, ends up prevailing
over hatred (SL, pp.109-110). This resonates as an affirmation of human
brotherhood dear to the author, without which one’s life is completely void,
with no substance of humanity.

176
In the recognition of human brotherhood is put forward human
vulnerability in both individual and collective forms, with the individuals being
interdependent with each other, sharing the same condition of fragility. Keet et
al. (2009) term it “mutual vulnerability”. It is the recognition of this principle
which brings Hester to take to selfless love; it ultimately drives her to embody
virtue: “With nothing now to lose, in the sight of mankind, and with no hope,
and seemingly no wish, of gaining any thing, it could only be a genuine regard
for virtue that had brought back the poor wanderer to its paths” (SL, p. 110).
“Vulnerability”, says Barry Hoffmaster (2006, p. 44) in “What does
Vulnerability mean?”, “is a source of our concern for others, but it is also a
source of our interest in a resilience on others. Our common vulnerability bonds
us and binds us to other people”. Such is the insight that Hester has attained in
the accomplishment of her sentence. Thanks to that, she is no longer the shame
but the pride of her community: “‘Do you see that woman with the
embroidered badge?’ they would say to strangers. ‘It is our Hester, - the town’s
own Hester, - who is so kind to the poor, so helpful to the sick, so comfortable
to the afflicted!’” (SL, p. 111). Thanks to the change taking place in Hester’s
attitude, the conflict between the society and her is well on track for its
resolution.
Yet the transformation remains incomplete. “The letter had not done its
office” (SL, p. 114), says the narrator, for her mind did not align with her
recognition of human brotherhood with all that it implies in terms of feelings:
“[Hester’s] life had turned, in a great measure, from passion and feeling, to
thought” (SL, p. 112). In other words, for her transformation to be complete,
she needs to deal with the inner conflict nurtured by the effluence of feelings
and passion in the heart, on the one hand, and intellectual pondering, on the
other. That is undoubtedly a condition for Hester to attain inner peace or
reconciliation after outwardly reconciling with her community. In her apparent
submission, she is busy pondering over a radical societal reform in which the
relationship between genders would be different and women would live happily
according to their aspirations. Her intellectual engagement is dictated by
persistent hostility due to the deeply-rooted societal paradigm she faces and her
concern for her daughter’s future in the general destiny of women. Sounding
radical inasmuch as “the whole system of society is to be torn down” to fit her
“lawless passion” (SL, p. 113), her pondering tends to disconnect from reality,
and thus, to constitute a serious menace to her community and, therefore, an
obstacle in the crisis resolution process.
Obviously, the challenge of resolving the internal conflict fostered by the
reflection about reforming the society appears more difficult than that of the
outer change. It is such a Herculean task that her attitude after chapter 13
through the end is quite versatile, varying between compliance with the statu

177
quo and rejection of it, between making outer settlement and entertaining inner
revolt. Thus, in the forest episode of chapter 17, where the two adulterous
lovers have come to meet unexpectedly after seven years, Hester breaks her
docile penance to reject the moral law about their sexual union: “What we did
had a consecration of its own” (SL, p. 133). She goes further to suggest their
running away from the New England community to have a free and happy life.
Likewise, in the continuity of this encounter, which warms up the two with
love, Hester removes the scarlet letter from her breast and throws it away, only
to take it back at her daughter’s reaction against her act.
About the societal reform, Hester has ended up realizing the task as
“hopeless”, and her speculation as “wonder[ing] without a clue in the dark
labyrinth of the mind; now [being] turned aside by an insurmountable precipice;
now starting back from a deep chasm” (SL, p. 113-114). Another difficulty lies
in the necessity for this woman to submit herself to “a mightier change” by
which she will divest herself of her “ethereal essence” (SL, p. 113). This
outcome falls in line with Hawthorne’s mistrust toward any social reform which
may turn out to make things worse instead of bettering them.
It is only after her plan of escape with Dimmesdale has failed (with the
latter’s death) and her renouncing being the prophetess of the societal reform
she dreamt about that the scarlet letter is said to have done its office. In other
words, she has attained a genuine transformation through which she is
reconciled with herself and her society in which she fully takes her place, as a
vulnerable person among other vulnerable human beings. Implicitly, she is
reconciled with Dimmesdale, Pearl and even with Chillingworth.
On the side of the Puritan community, steps are also made towards the
crisis resolution. Like Hester, members of this community progressively shift
from denial of vulnerability inherent in them as human beings to its recognition.
The first phase occurs at the Governor’s residence, in chapter 9, when Hester
stood up against their plan to remove her daughter for foster guardianship for
her good upbringing. Supported by Dimmesdale, her resistance brings the
Puritan leaders to understand that they have no right to break the indefeasible
and sacred bond between a mother and her child, and simultaneously, to leave
the search for the child’s father in God’s hands.
In line with this attitude of flexibility, in the second phase, the Puritan
leaders, as Chillingworth informs Hester in chapter 14, envision to remove her
scarlet letter. In considering this favour, they are certainly motivated by the on-
going positive changes in Hester’s outward behaviour as described in chapter
13. Responding to Chillingworth about that favour, she simply refuses it,
preferring to wear it till it falls down by itself or till the significance attached to
it changes in favour of her rehabilitation. Eventually, the scarlet letter is not
removed from her and has worked throughout time to produce another

178
significance: “the letter ceased to be a stigma which attracted the world’s scorn
and bitterness, and became a type of something to be sorrowed over, and, yet
with reverence too” (SL, p. 177), or something which “had the effect of the
cross on a nun’s bosom” (SL, p. 111).
Then on, with the growing popular admiration toward her, Hester is no
longer an object of stigmatisation, at least from the populations. Puritan severity
loosens to make room for common vulnerability. Like in the Biblical episode of
the adulterous woman, the Puritans unexpectedly back down regarding their
rigid application of the moral law, by learning from Hester’s case. Their
leniency is not shown to Hester only, but to Dimmesdale and Pearl in the scene
of the revelation at the end. The deep emotion and the lack of reaction of
outrage from the Puritan leaders and the community in that scene are telling of
their being able to understand to what extent their pretention of moral
invulnerability is wrong, and at the same time, understand the moral
vulnerability of the three joined by the adulterous relation.
This is supported by the narrator’s inference regarding Pearl’s destiny,
following her father’s self-revelation and her acceptance of the bond:
The great scene of grief, in which the wild infant bore a part, had developed all
her sympathies; and as her tears fell upon her father’s cheek, they were the
pledge that she would grow up amid human joy and sorrow, nor [sic] for ever
do battle with the world, but be a woman in it (SL, p.173).

He concludes that her mission toward her mother as a living scarlet letter
is thus fulfilled: “Towards her mother, too, Pearl’s errand as a messenger of
anguish was all fulfilled” (idem). In fact, she has accomplished her mission not
only to her mother but also to her father and the community as well, by
bringing them to endorse their individual and collective vulnerability, thus
introducing a future free of any crisis of the kind of which the scarlet letter is a
symbol.
Beyond the attainment of that shared recognition and unity, tantamount
to a settlement of the crises among the three protagonists, Dimmesdale achieves
the reconciliation with himself. He now “stood with a flush of triumph in his
face, as one who, in the crisis of acutest pain, had won a victory” (SL, p. 172).
And through his internal reconciliation looms his spiritual reconciliation with
God, since his sincere confession will bring about the expiation of his sins of
adultery and hypocrisy, from the Christian perspective. Furthermore, another
deduction is plausible in this outcome: with Dimmesdale being a representative
of the Puritan society, his self-reconciliation stands for the reconciliation of the
community with itself through a new impetus in its members and principles.
This view offers a ground for accounting for the return of Hester to New
England to partake in the life of her community with dedication and due merit.

179
Likewise, the reconciliation dynamics operating within the Puritan community
explains Chillingworth’s will to make of Pearl the heir of his valuable wealth, or
why Pearl, viewed as an imp child, might have been united in marriage with a
devout Puritan if she had remained in New England (SL, p. 176). The change,
based on the recognition of human vulnerability by the Puritans, is also attested
in the way Hester is buried next to Dimmesdale and not next to Chillingworth.
A strict application of Puritan principles in matrimony would have imposed
that she be buried next to him she is married to and not next to her paramour.
Their joint epitaph, which contrasts with the others surrounding it, does not
matter in fact, for in the grave yard the dead are submitted to the same fate
regardless of their statuses and ranks. In addition, being buried in the middle of
other graves is rather a sign of inclusion than of discrimination.
This shows that the crisis at the center of The Scarlet Letter, despite
Dimmesdale’s tragic death, ends in a settlement in the form of inward and
outward reconciliations. This is possible by the virtue of the recognition of
human vulnerability. It integrates ipso facto the other Hawthornian principle:
“the neutral territory”, which is but a relational principle. It is definitely a
profound moral that the present discussion has come to, which is undoubtedly
the flower plucked from the rosebud at the threshold of the story of the scarlet
letter and presented to the reader as “the symbol of some sweet moral blossom,
that may be found along the track, or relieve the darkening close of a tale of
human frailty and sorrow” (SL, p. 36).

Conclusion

This discussion has explored the complexity of the individual versus


society crisis at the core of The Scarlet Letter, together with its appended sub-
crises, all illustrative of other Hawthornian crises. This scrutiny is undertaken
with a view of revealing that in consideration of the author’s didactic concern
such crises are not left unresolved; instead, Hawthorne’s plots currently contain
a strategy for their resolution. The Hawthornian strategy, geared toward
moralization, includes the principles of “the neutral territory” and human
vulnerability. They have in common putting the stress on a balanced relational
dynamics. In Hawthorne’s perspective, crises break out from failure to apply
these principles; hence their application constitutes the appropriate remedy to
the crises, whatever form they may take.
In keeping with the story being presented as a “story of human frailty
and sorrow”, the principle of vulnerability has capped the other one to show
how the plot of The Scarlet Letter unfolds to meet the set objective pertaining
to the story: a sound understanding of human nature marked with vulnerability
in view of achieving a well-oriented progress of mankind. In this sense,

180
Hoffmaster (2006, pp. 43-44) pertinently remarks: “We cannot understand the
persons we are and thus how to live well without recognizing vulnerability as an
ineluctable feature of our embodied humanity”.

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182
TABLE DES MATIERES
Remerciements ……………………………………………………….…7
Introduction générale ……………………………………………………9
Liste des contributions ………………………………………………….13
Contributions …………………………………………………………..14

Analyse sociolinguistique de la traduction des concepts liés au terrorisme : cas


du mooré, du dioula et du fulfuldé, Féridjou Emilie Georgette SANON-
OUATTARA…………………………………………………………...15

On the expression of terrorism in Mooré: analysis of neologisms, Issoufou


François TIROGO……………………………………………………….31

La COVID-19 au Burkina Faso : entre signe de résilience et champ lexical de la


terreur dans le discours des politiques, Béli Mathieu DAÏLA, et Marcel
BAGARE………………………………………………………………..45

Contributions pédagogiques et didactiques de l’alternance des langues au cours


préparatoire dans le contexte de COVID-19, Youssoufou
OUEDRAOGO………………………………………………………...60

L’éducation comme instrument de communication de crise : cas du programme


Access du Departement d’Etat americain, Harrouna Malgoubri…………….74

COVID-19 et extrémisme violent : analyse des perceptions dans les colonnes de


l’organe de presse de l’association germano-burkinabè de 2018 à 2022,
Mohamed YAMÉOGO………………………………………………….90

Représentations de la propagande dans les Bandes dessinées de la Grande


Guerre : écoles, églises et presse comme lieux de circulation des discours de
propagande nationale dans Carnets 14/18 - Quatre histoires de France et
d’Allemagne /Tagebuch 14/18. Vier Geschichten aus Deutschland und
Frankreich, Fidèle Yaméogo…………………………………………….108
Russian Disinformation in the Sahel: A Complex Interplay of Global and Local
Actors, Lassane Ouédroago……………………………………………...125

Communication en temps de crise : approche comparée entre Girls at War de


Chinua Achebe et la situation sécuritaire au Burkina Faso, Lalbila Aristide
YODA et Alfred KIEMA………………………………………………146

Nathaniel Hawthorne’s Strategy for Crises Resolution in The Scarlet Letter,


Michel PODA…………………………………………………………162
183

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