Innovations Et Société Partie 1 Introduction 2024

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PARTIE 1 : LA SOCIOLOGIE DES

SCIENCES POUR COMPRENDRE


LA DIFFUSION DES SCIENCES ET
TECHNIQUES DANS LES SOCIÉTÉS

Cours Innovations et Société


Marina CASULA
L3 Economie et Société
Rapide introduction de la partie 1
• « La sagesse ne peut pas entrer dans un
esprit méchant et science sans conscience
n’est que ruine de l'âme ».
Extrait de « Pantagruel » (1532), de
François Rabelais
• S'intéresser à l'innovation c’est chercher à comprendre comment se
diffuse un certain nombre de dispositifs techniques ou non dans les
sociétés.
• dispositif au sens de Michel Foucault (1926-1984). Pour lui, un dispositif
est « un ensemble résolument hétérogène comportant des discours, des
institutions, des aménagements architecturaux, des décisions
règlementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés
scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques,
bref du dit aussi bien que du non-dit. Le dispositif lui-même est le réseau
que l‘on peut établir entre ces éléments » (FOUCAULT M., 1976, La
Volonté de savoir, in FOUCAULT M., Histoire de la sexualité, t.I, Paris,
Gallimard, « Bibliothèque des histoires ». p. 300)).
• Ces dispositifs reposent sur les représentations des acteurs et les
configurations architecturales/matérielles.
• Michel Foucault propose d’observer la façon dont se noue et se renoue à
chaque époque des liens complexes entre des éléments aussi hétérogènes
que des savoirs, des pratiques, des discours, des techniques ou encore des
institutions et comment se structurent, à travers ces liens, des rapports de
force et des relations de pouvoir.
• Il a développé une pensée plus globale sur le rapport entre le savoir et le pouvoir.
Ainsi il s’est intéressé aux rapports entre les individus et les institutions. Il forge
donc un concept le savoir-pouvoir.
• Selon lui il ne peut pas y avoir de relation de pouvoir sans constitution de savoir, et
en même temps il ne peut pas y avoir de savoir sans relation de pouvoir.
• A travers cette réflexion il va forger un autre concept = le biopouvoir = c’est
l’exercice du pouvoir sur tout les aspects de la vie humaine (contrôle, surveillance)
• Par exemple : les technologies de surveillance aujourd’hui, dans l’espace public
• Voir la notion de « gouvernance algorithmique » par exemple Caroline Lequesne
Roth, « Du biopouvoir à la Gorgone », Éthique publique [En ligne], vol. 23, n°
2 | 2021. URL :
http://journals-openedition.org.gorgone.univ-toulouse.fr/ethiquepublique/6538 ;
DOI : https://doi-org.gorgone.univ-toulouse.fr/10.4000/ethiquepublique.6538
• Pour une présentation de Petite poucette
par son auteur :
• autour de nous il existe de nombreux dispositifs : https://www.youtube.com/watch?v=ICd3
Exemple de dispositifs : la prison, l’université, les 8oRfoHU
laboratoires, le Revenu de Solidarité Active (RSA),
une plateforme numérique…
• Cela peut être un objet ou bien immatériel.
• s’intéresser à ces dispositifs c’est comprendre
comment nos sociétés se sont développées à partir
d’innovations.
• Ces dispositifs, ces innovations ne sont pas toutes
techniques.
• Mais les innovations scientifiques et techniques ont
quand même un impact important sur nos sociétés : nos
médicaments, nos objets du quotidien, la société
numérique, homo numericus, la Petite Poucette de
Michel Serres, les digital natives…
• La sociologie des sciences s’intéresse aux pratiques scientifiques et techniques, aux
dispositifs matériels, aux techniques scientifiques émergentes, aux espaces physiques,
et sociaux de production des usages et des pratiques sociales de l’univers économique,
des institutions de régulation et de politique et des questions théoriques.
• Science,(du latin scientia, qui veut dire le savoir), dans le vocabulaire courant, souvent
utilisé comme synonyme de savoir : connaissance approfondie des choses « telles
quelles sont ».

• Dans un sens plus restreint = ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à


des faits obéissants à des lois objectives ou considérées comme telles et dont la mise au
point exige systématisation et méthode.
Science = Ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de
faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes
expérimentales.
• On peut aborder la science non pas seulement comme un savoir mais aussi comme une
institution. C’est-à-dire comme un ensemble de pratiques stabilisées et de manières de
faires, dans le laboratoire ou sur « le terrain ».
• Si la sociologie s’est développée à partir du 19 ème siècle, c’est seulement à partir des années 1930
qu’elle va s’intéresser plus particulièrement à la science, à ses pratiques, à ses lieux, à ses valeurs.

• Or la science, le monde scientifique tel qu’on le connait s’est institutionnalisé à partir du 17 ème, en se
construisant autour de disciplines (par exemple l’académie française en 1635 ou l’académie des
sciences fondée en 1666), aux frontières plus ou moins nettes ;
• à partir du 19ème il va se doter d’organisations, avec des académies, des sociétés savantes (par
exemple : Académie nationale de médecine en 1820, Académie des sciences morales et politiques
en 1832)
• Mais c’est seulement à partir des années 1930, que différents penseurs vont s’intéresser aux
pratiques des scientifiques, à ce qu’est la science, et aux relations pas toujours simple entre science
et société.
• Les premiers à s’y intéresser seront plutôt des philosophes et historiens des sciences. Peu sont
alors sociologues (Merton)
• On peut ainsi évoquer les réflexions des philosophes Karl Popper, Gaston Bachelard, ou du
physicien Thomas Kuhn, pour ne citer que ces quelques contributions marquantes… à
l’épistémologie

quand on parle de la science, on fait ce qu'on appelle de
l'épistémologie (du grec épistémé qui veut dire science et
logos qui veut dire discours)

Épistémologie = discipline qui s'intéresse aux conditions de
production de la connaissance scientifique,
= comment on fait de la science


méthodes scientifiques

aux valeurs qu'elle véhicule

à l'éthique des chercheurs.

c'est la « science de la science ».
KARL POPPER (1902-1994)


philosophe des sciences : va construire
une réflexion sur le statut de la vérité dans
les sciences à partir de son expérience
personnelle du totalitarisme. (Voir son
autobiographie : La quête inachevée,
1981)


étudie à l’Université de Vienne, soutient
une thèse de philosophie en 1928.

1937 : exil en Nouvelle-Zélande, retour en
Europe en 1945, il s’établit à Londres où
il enseigne la logique et la méthodologie
des sciences.

Popper dans sa jeunesse s’intéresse à 3 mouvements qui ont leur
place dans le bouillonnement d’idées qui a lieu à l’époque à
Vienne :

le matérialisme historique de Marx et Engels,

la théorie de la relativité d’Einstein,

la psychanalyse de Freud.


Popper est emballé par les travaux d’Einstein mais il se pose des
questions quant au matérialisme historique et à la psychanalyse,
qui pour lui sont deux approches non scientifiques.

Dès lors il se pose une question : quelle est la démarcation
entre la science et la non-science ?

Popper remet en cause le caractère inductif de la science telle qu’elle
était conçue alors : à partir de l’observation, le savant énonce des lois,
des vérités qu’il pense universellement valides.

Popper préfère une démarche déductive qui se concrétise par la
mise à l’épreuve des théories : le savant énonce des propositions, des
conjectures (= hypothèses) qu’il teste, à travers l’expérimentation.

Si les prédictions ne sont pas confirmées par le test, la
théorie est dite falsifiée ou réfutée par l’expérience.

Dans le cas contraire, elle est dite corroborée, mais de
façon non définitive.

Pour Popper une seule réfutation présente plus d’importance
pour le progrès de la connaissance qu’une multitude de
confirmations :
« Par exemple, faisons l’hypothèse que tous les cygnes sont
blancs. L’observation de centaines de cygnes blancs ne nous
permettra pas de confirmer cette hypothèse. Par contre, la vue
d’une seul cygne noir suffira à l’infirmer. » in Logique de la
découverte scientifique, 1935, Payot, 1973, p.23.

Pour Popper : la vérification d’une hypothèse par un grand nombre
d’expériences ne permet pas de dire que l’hypothèse est définitivement vérifiée.

Même la théorie la plus utilisée par une communauté
scientifique peut être réfutée ultérieurement du fait de
l’évolution globale de la science (techniques
d’expérimentation, système théorique global qui évolue).

Popper apporte une réponse à ses interrogations de départ sur le marxisme
et la psychanalyse. Ces modes d’explication ne sont pas des théories
scientifiques car ils ne peuvent pas se soumettre à l’épreuve du test.

NB : au sein des sciences sociales, Popper va distinguer les sciences théoriques


(comme le sociologie ou l’économie) et les sciences historiques (plus descriptives)
Popper n’a pas toujours été très lu en France, où on connaissait mieux les travaux
de Gaston Bachelard…
GASTON BACHELARD (1884-1962)

• Philosophe des sciences français : cf. La formation de l’esprit


scientifique, [1938],Vrin, 6ème édition, 1969 ; Le nouvel esprit
scientifique, [1934], PUF, 1999, 6ème édition, Quadrige.
• Il affirmait dès 1938 dans la Formation de l’esprit scientifique que la
science véhicule toujours des représentations issues de l’imagination,
des « images trompeuses » que seule une « psychanalyse de la pensée
scientifique » peut dévoiler
Il faut donc être attentif aux conditions de production de la connaissance).
• Depuis Gaston Bachelard, s'est développée l'idée que les connaissances
scientifiques sont construites, contre le sens commun, comme les
apparences souvent trompeuses ou les explications réductrices.
• Parallèlement à Popper, il avait découvert aussi que la science consiste
davantage à dépister des erreurs qu’à trouver des vérités. « L’esprit
scientifique se constitue sur un ensemble d’erreurs rectifiées ».
THOMAS KUHN (1922-1996)


Physicien américain, qui devient par la suite spécialiste de la
philosophie et de l’histoire des sciences.
La structure des révolutions scientifiques (1962)
Pour lui le progrès scientifique n’est pas le résultat d’une
accumulation des connaissances, mais fait suite à des
situations de crise, où les fondements théoriques d’une
discipline sont sujets à des critiques, à des modifications.

La science ne progresse pas de façon continue mais fait
face à des « révolutions »

NB : Popper considère que les révolutions sont néfastes


car elles récusent de façon trop globale le passé.
• Kuhn utilise le terme « paradigme » qui désigne les normes admises,
intériorisées par la communauté scientifique, à un moment de son histoire et
qui servent à répondre aux problèmes qu’elle étudie.

= « un cadre spécifique de pensée, de références et d’exemples
communs, caractérisant une discipline ou une spécialité à un
moment donné de son histoire »

• Il distingue 2 moments de la science :


« science normale » = situation où les chercheurs utilisent un ensemble de théories
scientifiques admises par tous, pour résoudre les problèmes qui se posent à eux

« science extraordinaire » = situation où le paradigme dominant ne parvient plus à


résoudre les anomalies qui peuvent se présenter. Le paradigme dominant est
alors remis en cause et on entre dans une phase critique qui verra la mise en
place d’un nouveau paradigme

Pour Kuhn paradigmes = consensus temporaires.

On peut reprocher à Kuhn de puiser ses exemples exclusivement
dans la science physique (où pas communication possible entre
paradigmes).

En effet toutes les sciences ne fonctionnent pas selon ce modèle :
notamment dans les sciences sociales, où plusieurs paradigmes
peuvent cohabiter (par exemple individualisme et holisme, en
sociologie)
• La théorie des paradigmes scientifiques de Kuhn doit beaucoup au
philosophe français Gaston BACHELARD :
• Alors que pour Bachelard les imaginaires constituent des obstacles
épistémologiques, ils deviennent pour Kuhn (sous la forme de valeurs et
de croyances) des composantes essentielles des communautés
scientifiques.
• Valeurs et croyances : concepts qui intéressent particulièrement les
sociologues!
• Attention : Le fait que des philosophes s’intéressent aux valeurs des
scientifiques ne veut pas dire que la science était absente des réflexions
des sociologues.
• Mais elle n’en était pas nécessairement un objet de réflexion à part
entière.
• La question qui est posée par les sociologues, comme Auguste Comte, par
ex., est celle du lien entre science et société, sur la place de la science
dans les sociétés.
AUGUSTE COMTE (1798-1857)

• Comte invente le terme de sociologie : « l'étude


positive de l'ensemble des lois fondamentales propres
aux phénomènes sociaux », in Cours de philosophie
positive (1839)
• Pour Comte : le positivisme = s'en tenir aux faits que
l'observation et l'expérimentation permettront d'établir
à travers la découverte de lois. effort permanent de
s'affranchir de tout a priori sur les phénomènes
• pour Comte, l'objet de la sociologie est la découverte
« de lois dont l'ensemble détermine la marche du
développement social » (1839)
• C'est dans cet esprit qu'il formule la loi des trois états
selon laquelle l'évolution inéluctable de l'humanité se
caractérise par le passage d'un état théologique à un état
métaphysique, puis à un état positif.
• trois étapes qui correspondent à trois périodes historiques
mais aussi à trois âges de « l'intelligence humaine », selon
lui…
L'état théologique ou fictif

« enfance » de l'humanité.

L'esprit humain cherche à expliquer ce qui l'entoure

soit en attribuant aux objets des intentions (animisme),

soit en supposant l'existence d'un ou de plusieurs êtres surnaturels
(monothéismes, polythéismes).

C'est le règne des religions, des mythologies, des croyances magiques, des
esprits (le culte des ancêtres, par exemple).

L'état métaphysique ou abstrait :



« adolescence » de la pensée.

pour expliquer la cause des phénomènes qui nous entourent, les agents
surnaturels, les esprits, etc. sont remplacés par des abstractions
philosophiques/métaphysiques :

la Nature de Spinoza, le dieu géomètre de Descartes, la Matière de Diderot ou
encore la Raison des Lumières.
L'état positif
• Dernière étape du développement de la pensée humaine pour COMTE
• il s'agit de rejeter la recherche du pourquoi des choses pour prendre en compte
les faits et les lois qui les déterminent.
• Cette démarche consiste donc à abandonner les grandes théories générales pour
préférer des connaissances précises, établies par l'expérience, l'observation
des faits et le raisonnement rigoureux.
• pour Comte, la sociologie, qui étudie les phénomènes les plus complexes : les
phénomènes sociaux, ne connait pas encore (à son époque) la pensée positive
mais elle y viendra inéluctablement.
Ces 3 états de la pensée correspondent à des étapes de l’évolution des
sociétés, en terme d’organisation et de fonctionnement :
• les sociétés théologiques (1ère étape théologique/fictif)
• les sociétés militaires (2ème étape métaphysique)
• puis la société industrielle et technique pour le 3 ème stade positif
Donc dans cette approche, la science est un phénomène social et historique lié à
une forme particulière d’organisation sociale,
Par ex. La société industrielle dans laquelle le travail est organisé (Organisation
Scientifique du Travail de Taylor par ex.), en usines, pour maximiser son
rendement et non selon la coutume.
Le passage à cette société industrielle suppose donc une rupture radicale avec les
deux précédentes et donc une double révolution sociale et intellectuelle.
KARL MARX (1818-1883)

• Veut analyser scientifiquement le


fonctionnement de l’économie et de la société
pour en découvrir les lois.
• Mais aussi militant actif pour changer ce
monde
• Il voit lui aussi une correspondance entre état
du système social et état du système des
connaissances.
• Pour lui la science est un phénomène
historiquement daté et elle est liée au
système de production capitaliste
• Marx récuse la vision qui se développe dans le siècle des
Lumières (1715-1789) selon laquelle la science (au sens
de connaissances rationnelles) est universelle et
accessible à tous (CF. le projet de L'Encyclopédie 1751-
1782 de Diderot(1713-1784) et d’Alembert (1717-
1783)) .
• Pour lui, cette accessibilité est remise en cause du fait du
conditionnement des individus par la classe sociale à
laquelle ils appartiennent.
• Dans la pensée marxiste, les connaissances sont par nature idéologiques car elles sont
déterminées par des intentions sociales.
• Certes il existe des vérités universelles, produites par les sciences naturelles (grâce aux
techniques) ou par l’économie politique (grâce à l’existence d’une classe privilégie qui
l’élabore) mais l’utilisation de ces connaissances est idéologique et déterminée par des
intérêts de classes.
• Ainsi, si la science est une ressource pour la classe bourgeoise, (car elle accompagne son
ascension et le développement du mode de production capitaliste) :
• les usages de la science et les buts assignés à ces usages (produire plus) servent la classe
bourgeoise,
• Pour Marx, les questions qui sont posées à la science sont idéologiques : la science est une
activité « techno-scientifique », CAD qui utilise des savoirs pour transformer et contrôler le
réel (ici au bénéfice donc de la classe bourgeoise)
EMILE DURKHEIM (1858-1917)


objectivité scientifique

Apport de Durkheim à la sociologie =>
volonté de doter cette science d'un objet et
d'une méthode qui la distingue des autres
sciences sociales.

Crée le 1er département de sociologie en
Europe, à Bordeaux en 1895

s’oppose à la thèse défendue par le philosophe
et ethnologue Lucien Lévy-Bruhl
• Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939),
• Il a développé une thèse dite discontinuiste,
qui séparait les sociétés humaines en deux
catégories :
• pour lui, les sociétés primitives, qu’il
appellait pré-logiques, qui ne pouvaient
pas être scientifiques car elles acceptaient la
présence simultanée du naturel et du
surnaturel, du matériel et du spirituel, de la
technique et la magie.
• A la différences de sociétés occidentales, qui
respectant les principes de la logique (CAD
notamment le principe de non contradiction)
voyaient le développement d’une pensée
scientifique.
• Durkheim s’inscrit donc en opposition à cette thèse : pour lui,
la frontière entre science et religion n’est pas imperméable, et
donc remet en cause la distinction entre sociétés primitives
soi-disant sans science et sociétés occidentales scientifiques.
• Dans son ouvrage Les formes élémentaires de la vie
religieuse.
Le système totémique en Australie. (1912), il s’intéresse aux
catégories fondamentales de la pensée,
• Durkheim considère que la sociologie doit rendre compte de
l’origine « des cadres solides qui enserrent la pensée », ou
« les ossatures de l’intelligence ». ; càd les notions de temps,
espace, nombre, genre, cause.
• Pour lui, sans ces cadres, la pensée serait impossible : « Qu’on
essaie de se représenter ce que serait la notion de temps,
abstractions faite des procédés par lesquels nous le divisons
(…) ce serait quelque chose d’à peu près impensable. »
• Pour Durkheim, les origines de ces cadres sont à chercher dans le social (bien
sûr) et plus précisément dans les religions et les mythologies (elles-mêmes
issues du social).
• Pourquoi ? parce les religions sont des systèmes de représentations de la place
de l’homme dans le monde (= des cosmologies) et de la raison d’être de son
environnement :
les religions ont une fonction sociale : elles offrent donc aux individus des
schémas, des catégories pour penser le monde qui les entoure (par exemple, le
bien/le mal).
• Pour lui, la science s’est développée sur le terreau religieux et mythologique, et
surtout sur la base des représentations proposées par les religions et les mythes.
• Science et religion ne sont pas incompatibles. Pour lui ces deux modes,
modalités de l’activité humaine dérivent d’une seule et même source.
• Il considère que les concepts sont des représentations collectives, car dans un
mot se trouve alors « condensée toute une science à laquelle je n’ai pas
collaboré, une science plus qu’individuelle » (donc sociale !)
• Pour lui les catégories fondamentales de la pensée sont le fruit du social de la
même manière que les faits sociaux ne sont pas réductibles à des faits
individuels.
• Donc la science n’échappe pas à ces cadres solides sans lesquels il n’y pas de
pensées et donc pas d’actions possibles : les connaissances scientifiques ont
donc une base sociale.
• Et les catégories générales utilisées dans les sciences, (= les concepts) qui sont
des catégories de l’ensemble de la société, n’échappent pas à cette règle.
• Mais Durkheim ne va pas plus loin car il n’étudie pas la science mais bien la
religion.
VERS LA SOCIOLOGIE DES SCIENCES…

• La sociologie des sciences va donc se constituer plus


récemment dans l’histoire de la sociologie.
• D’après l’historien et sociologue des sciences
québécois Yves Gingras (né en 1954), la sociologie
des sciences a traversé 3 grandes périodes, qui
vont apporter chacune leurs questionnements
spécifiques.
Cf. son ouvrage Sociologie des sciences (2013)
• La première période va des années 1930 au début des années 70.
• particulièrement marquée par les travaux du sociologue américain Robert King
Merton (1910-2003) : il va apporter une première théorie sociologique de la
science, celle-ci est vue alors comme un système social relativement autonome
mais soumis à un ensemble de normes qui régulent l’activité scientifique.
• L’analyse est essentiellement macro et méso sociologique : elle porte sur les
structures institutionnelles et normatives de la pratique scientifique.
• Elle s’appuie principalement sur les méthodes quantitatives et sur des enquêtes
par questionnaires.
• La deuxième période débute au début des années 70.
• approche à la fois plus conflictuelle et plus critique des développements
scientifiques.
• Remise en cause de l’approche mertonienne, considérée alors sans rapport avec
les pratiques réelles et donc n’ayant pas vraiment de valeur explicative.
• une nouvelle génération de sociologues qui va plutôt s’intéresser au processus
social de construction du savoir.
• des questionnements qui relèvent plus de la sociologie de la connaissance,
domaine qui s’est largement développé entre les 2 grandes guerres mondiales
mais qui a été délaissé après la seconde.
• Cette approche, qui va devenir dominante à la fin des années 70, met l’accent
sur le fait que la connaissance est construite et négociée par les acteurs sociaux.
• analyse est essentiellement microsociologique, car elle s’intéresse aux
interactions entre acteurs, à travers des études de cas (historiques ou
contemporains), les méthodes sont donc par conséquent qualitatives : fondées
sur des observations et des entretiens.
La troisième étape émerge dans les années 90 :
• on assiste alors à un retour sur les aspects institutionnels et normatifs, et de
l’approche macrosociale, comme dans la première phase de développement de la
sociologie des sciences
• on revient sur la question du rapport entre expertise et démocratie, les liens entre les
sciences, la politique et l’économie.
• Le contexte social et politique de la fin du 20 ème siècle, marquée par la pensée
néolibérale de la société et de ses institutions, oriente le regard des sociologues des
sciences.

 Ainsi des mouvements se dessinent, selon les périodes.


 Mais (comme le montre Dominique Vinck dans Sciences et société, A. Colin, 2007),
les principales écoles qui ont animé ce champ depuis le départ restent toutes actives
aujourd’hui.
 On peut donc explorer les sciences au regard de plusieurs représentations :
• 1. La science vue comme institution sociale • 2. La science vue comme système
de la production des connaissances d’échanges.
rationnelles.
 Pour certains, l’activité scientifique est
 On la considère alors comme différente du tournée vers la nature, ou vers la société
reste de la société. pour d’autres (les SHS : sciences
humaines et sociales).
 Ses acteurs sont les scientifiques, producteurs
critiques d’énoncés vrais, dont le  Dans ce dernier cas, les acteurs sont en
comportement est régi par des normes et par rivalité, motivés par les récompenses
rapport au but de leur institution : le progrès (prix Nobel, par ex.), la quête de la
sans fin des connaissances. crédibilité, par la position qu’ils veulent
occuper.
 Leur rationalité est construite autour de
Clin d’œil littéraire : le roman de David Logde
l’intensité de cette compétition.
Un tout petit monde (1984)
• 3. La science vue le reflet de cultures et • 4. La science vue comme un ensemble
de sociétés locales. de pratiques socio-techniques
contingentes :
 l’activité scientifique (et les productions
qui en découlent) s’explique par des • le travail scientifique est ici lié à de
facteurs sociaux. multiples éléments (les matériaux, les
instruments, les savoirs tacites) et conduit
 l’activité scientifique est fondée, orienté
à des productions diverses, en particulier
par les intérêts des scientifiques et des
à des publications.
groupes sociaux auxquels ils
appartiennent. • on regarde les laboratoires qui
rassemblent les acteurs scientifiques,
 Les buts sont imposés par l’extérieur de
lesquels entretiennent des relations avec
la science.
la société.
 La stabilité des connaissances vient de la
• Les dynamiques scientifiques dépendent
production de consensus locaux.
des circonstances et de la culture
matérielle et cognitive locales.
• 5. La science vue comme la construction de réseaux sociotechniques et de
collectifs de recherche distribués :
 le travail scientifique consiste à articuler des éléments hétérogènes pour
élaborer des entités robustes (énoncés, instruments..).
 Ici les réseaux d’acteurs sont plus ou moins denses et étendus
Ainsi la sociologie des sciences passe
• d’une sociologie des scientifiques,
• à une sociologie de la connaissance scientifique,
• aux études sociales sur les sciences et techniques
(science studies)
• et à une anthropologie des sciences, des
techniques et de la société.

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