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Le Combat spirituel (Brignon)/109

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 333-336).


CHAPITRE IX.
Que l’Ame ne doit chercher de repos ni de plaisir qu’en Dieu.

UNe Ame à qui rien ne déplaise du monde que ses persécutions & ses mépris, qui n’aime & de desire rien de tous les biens qu’il peut donner, & ne craint rien de tous les maux qu’il peut faire ; qui fuit les uns comme le poison, & qui cherche les autres comme les délices, est en état de recevoir de grandes consolations de Dieu ; pourvû que sa confiance soit tout en lui, & qu’elle ne présume rien de ses forces : le courage de S. Pierre étoit grand, quand il disoit hautement qu’il wouloit mourir avec Jesus-Christ : cette volonté déterminée étoit apparemment fort bonne ; mais en effet elle avoit un vice ; c’est que c’étoit sa volonté propre, & ce vice fut la cause de sa chûte : tant il est vrai que nous ne sçaurions rien penser, ni rien faire qui soit bon, sans le secours de la puissance de Dieu.

Tenons notre Ame libre de toute sorte de desirs, qu’elle soit toute entiere à son action, présente à ce qu’elle fait, à ce qu’elle pense, sans souffrir que les soins de ce qu’elle fera ou pensera hors de l’instant de son action, la tienne aucunement partagée. Néanmoins il n’est défendu à personne de s’appliquer à ses affaires temporelles, par une sollicitude prudente & avisée, selon la nécessité de son état ; ces choses prises comme il faut, sont de l’ordre de Dieu ; & n’empêchent nullemėnt la paix intérieure, & l’avenement spirituel.

Nous ne sçaurions rien faire de mieux pour bien employer le présent, que de toujours offrir à Dieu notre Ame nue & dépouillée de tous desirs, & nous tenir devant sa divine Majesté, comme un pauvre foible & languissant, qui n’a rien, & qui ne sçauroit rien faire, ni rien gagner.

Cette liberté d’esprit sans engagement en nous, & hors de nous pour dépendre absolument de Dieu, est l’essentiel de la perfection.

Il n’est pas concevable quels soins la divine bonté daigne prendre d’une créature, qui est ainsi tout à elle.

Elle a agréable qu’elle lui communique son cœur avec confiance. Elle veut bien lui éclaircir, & lui résoudre ses difficultés & ses doutes, la relever quand elle est tombée, lui remettre ses fautes, toutes les fois qu’il la trouvera préparée à s’en repentir : car Dieu est toujours le Prêtre Eternel : quelque pouvoir qu’il ait donné à S. Pierre & à ses Successeurs, de lier & de délier, il ne s’en est pas privé lui-même tellement, que si son Confesseur ne lui veut pas administrer les saints Sacremens si souvent qu’elle le desiroit, sa Majesté le reçoit, & lui accorde par don toutes les fois qu’elle vient à lui avec confiance, douleur & amour.

Ce sont les fruits de ce saint attachement.