Oração para Desaparecer 1st Edition Socorro Acioli Download PDF
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Sumário
Capa
Folha de rosto
Sumário
parte i: Você trouxe todas as palavras
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
Agradecimentos
Sobre a autora
Créditos
Deixa o mundo dar seus giros! Estou de costas guardadas, a poder de
minhas rezas.
João Guimarães Rosa
Language: French
MARK TWAIN
Les Peterkins
ET AUTRES CONTES
TRADUITS PAR
FRANÇOIS DE GAIL
PARIS
MERCVRE DE FRANCE
XXVI, RVE DE CONDÉ, XXVI
MCMX
JUSTIFICATION DU TIRAGE:
TABLE
LES PETERKINS
Je trouvai ces vers dans un journal, il y a quelque temps, et les relus deux
ou trois fois. A partir de cet instant, ils prirent possession de mon cerveau.
Pendant tout le temps du déjeuner, leur cadence se répercuta dans ma tête, si
bien qu’à la fin du repas, lorsque je roulai ma serviette, je fus incapable de
savoir si j’avais mangé ou non. La veille, je m’étais tracé mon programme
de travail pour le jour suivant: un drame poignant dans la nouvelle que
j’écris en ce moment.
Je me retirai chez moi pour composer ma tragédie; je pris ma plume,
mais mon esprit obsédé répéta comme un refrain: «Perce en présence du
voyageur.» Je luttai de toutes mes forces pendant une heure, mais ce fut
peine perdue. «Un ticket bleu de dix cents, un ticket brun de huit cents»,
etc.;—ces vers bourdonnèrent à mes oreilles sans trêve ni relâche.
C’était pour moi une journée perdue, je ne le comprenais que trop
maintenant. Je renonçai à mon travail et pris le parti de faire un tour en
ville; mais à peine sur le trottoir, je m’aperçus que mes pieds marquaient la
cadence de ces maudits vers. N’y tenant plus, je ralentis le pas; mais rien
n’y fit: le rythme de ces vers s’accommoda de ma nouvelle allure et
continua à me poursuivre.
Je rentrai chez moi et souffris de cette obsession pendant tout le reste de
la journée; je me mis à table machinalement, et mangeai sans m’en rendre
compte; un mal de tête violent me prit, je criai d’agacement et me promenai
de long en large. Je me couchai, mais dans mon lit je ne fis que me tourner
et me retourner, poursuivi par les mêmes rimes. A minuit, devenu presque
enragé, je me levai et essayai de lire, mais à chaque ligne il me sembla que
je lisais: «Perce en présence du voyageur.» Au lever du soleil, je ne me
possédais plus, et chacun se demanda avec stupéfaction pourquoi je répétais
ce refrain idiot: «Perce, oh! perce en présence du voyageur.»
II
Deux jours plus tard, un samedi matin, je me levai plus mort que vif et
sortis pour retrouver un ami très apprécié de moi, le Révérend M., auquel
j’avais donné rendez-vous pour visiter la tour de Talcott, distante de plus de
dix milles. Mon ami me regarda sans me poser la moindre question. Nous
partîmes; suivant son habitude, M. parla comme un moulin à vent. Je ne lui
répondais pas, car je n’entendais rien. Au bout d’un mille, M. me demanda:
—«Mark, êtes-vous souffrant? Vous me paraissez aujourd’hui
terriblement abattu, hagard et distrait. Voyons, qu’avez-vous?»
D’un air lugubre, sans enthousiasme, je lui répondis: «Perce, mon ami,
perce avec soin, perce en présence du voyageur.»
Mon ami me regarda froidement, parut très perplexe et ajouta:
—Je ne saisis pas ce que vous voulez dire, Mark. Votre réponse ne
contient rien qui me paraisse particulièrement triste et pourtant la façon
dont vous venez de prononcer ces paroles, le son pathétique de votre voix
me frappent péniblement. Qu’avez-vous donc?»
Je n’entendis même pas ses paroles, absorbé par mon refrain: «Un ticket
bleu de dix cents, un ticket brun de huit cents, un ticket rose de quatre cents,
perce en présence du voyageur.» J’ignore ce qui se passa pendant les neuf
autres milles. Cependant, tout à coup, M. posa la main sur mon épaule et
s’écria:
—Oh! réveillez-vous, réveillez-vous, je vous en prie; ne dormez pas
toute la journée. Nous voici arrivés à la tour, mon cher. J’ai parlé comme
une pie-borgne pendant toute cette promenade sans obtenir de vous une
réponse; regardez donc ce magnifique paysage d’automne! Vous qui avez
voyagé, vous devez pouvoir faire des comparaisons. Voyons, donnez-moi
votre opinion, que pensez-vous de ce point de vue?
Je soupirai tristement et murmurai: «Un ticket brun de huit cents, un
ticket rose de quatre cents. perce en présence du voyageur!»
Le Révérend M. s’arrêta net et d’un air très grave me contempla des
pieds à la tête, puis ajouta:
—Mark, ceci me dépasse: les paroles que vous venez de prononcer sont
les mêmes que tout à l’heure; je ne leur trouve aucune signification spéciale
et pourtant, quand vous les prononcez, j’éprouve un pénible serrement de
cœur. «Perce, perce en...» Comment est donc la suite?
Je repris le vers depuis le commencement et lui récitai la tirade
complète. Le visage de mon ami s’illumina:
—Quelle charmante et étrange consonnance! me répondit-il, on dirait de
la musique; quel agréable rythme! Je crois avoir attrapé la cadence; voulez-
vous me répéter ces vers encore une fois et je les saurai complètement par
cœur.
Je lui redis mes vers; M. les répéta en commettant une légère erreur que
je rectifiai; après la troisième audition, il les dit parfaitement bien. A ce
moment il me sembla qu’un lourd fardeau venait de dégringoler de mes
épaules; mon cerveau se sentit débarrassé de ce torturant refrain et
j’éprouvai une profonde sensation de repos et de bien-être. Mon cœur était
si léger que je me pris à chanter pendant une demi-heure, tandis que nous
rentrions doucement chez nous. Ma langue déliée se mit à parler sans
discontinuer pendant une grande heure; les paroles coulaient de ma bouche
comme l’eau d’une fontaine. Au moment de prendre congé de mon ami, je
lui serrai la main et lui dis:
—Quelle royale promenade nous venons de faire! Mais je constate que
depuis deux heures vous ne n’avez pas adressé la parole. Voyons, parlez, à
votre tour, racontez-moi quelque chose.
Le Révérend M. jeta sur moi un regard lugubre, poussa un profond
soupir et articula machinalement: «Perce, mon ami, perce avec soin, perce
en présence du voyageur!»
J’éprouvai une cruelle angoisse et pensai en moi-même: «Mon pauvre
ami, cette fois, il le sait, ton refrain.»—Je ne vis plus le Révérend M.
pendant deux ou trois jours. Mardi soir, il apparut de nouveau devant moi et
se laissa tomber comme une masse dans un fauteuil; il était pâle, abattu,
horriblement déprimé. Levant sur moi ses yeux éteints il me dit:
—Ah! Mark, quelle horrible découverte j’ai faite en apprenant vos vers!
Ils me poursuivent comme un cauchemar nuit et jour, heure par heure, sans
la moindre trêve. Depuis que je vous ai vu, j’ai souffert mort et passion.
Appelé samedi soir, par télégramme, je pris le train de nuit pour Boston: un
de mes meilleurs amis venait de mourir et sa famille me priait de prononcer
son éloge funèbre. Je m’assis dans mon compartiment et essayai d’élaborer
le plan de mon discours. Il me fut impossible d’aller plus loin que la
première phrase, car, à peine le train venait-il de s’ébranler en faisant
entendre le monotone «clac, clac, clac» des roues, que vos vers odieux
martelèrent mes oreilles avec ce bruit de roues pour accompagnement.
Pendant une heure, je restai assis dans mon coin et prononçai une syllabe de
ces vers à chaque claquement distinct des roues.
Un violent mal de tête étreignit mon crâne; j’eus l’impression que je
deviendrais fou si je restais plus longtemps assis à ma place. Je me
déshabillai donc et gagnai ma couchette. Je m’y étendis. Vous devinez ce
qui se passa:
Clac, clac, clac, un ticket bleu—clac, clac, clac, de dix cents—clac, clac,
clac, un ticket brun—clac, clac, clac, de huit cents—etc... perce en présence
du voyageur!
III
Impossible de fermer l’œil. En arrivant à Boston j’étais fou à lier. Ne me
demandez pas comment se passèrent les funérailles. Je fis de mon mieux,
mais chacune de mes périodes graves et solennelles commença et finit
invariablement par: «perce, mon ami, perce avec soin, perce en présence du
voyageur.» Pour comble de malheur, j’adoptai dans mon éloge funèbre la
cadence ondulée de ces vers néfastes et je vis, à ma grande stupeur, les
auditeurs distraits, complètement absorbés, battre la mesure en dodelinant
de leurs stupides têtes. Vous me croirez si vous voulez, Mark, mais avant la
fin de mon discours, l’assemblée tout entière, y compris les parents du
défunt, ses amis et les indifférents, hochaient placidement la tête à l’unisson
de mes paroles.
Lorsque j’eus fini, je m’enfuis dans la sacristie, exaspéré au plus haut
point; là je rencontrai une vieille demoiselle très âgée, tante du défunt, qui
était arrivée de Springfield trop tard pour pénétrer dans l’église. Elle me dit
en sanglotant:
—Oh! il est parti, c’est fini! Et je n’ai pas pu le voir avant sa mort.
—Oui, fis-je, il est parti, il est parti, il est parti!...
—Oh! vous l’aimiez bien, vous! Vous l’aimiez tant!
—J’aimais qui?
—Mais mon pauvre Georges, mon pauvre neveu!
—Lui! Oh! oui, certainement... certainement. «Perce, mon ami,
perce.»—Quelle misère!
—Merci, monsieur, merci pour ces bonnes paroles; sa mort me fait
tellement souffrir. Avez-vous assisté à ses derniers moments?
—Oui, je...—derniers moments de qui?
—De notre cher défunt.
—Oh! oui—oui—oui. Je le suppose.—Je le crois bien! oh! oui,
certainement j’étais là, j’étais là.
—Quelle douce consolation! Rapportez-moi ses dernières paroles. Qu’a-
t-il dit?
—Il disait, il disait (oh! ma tête, ma tête, ma pauvre tête!) il n’a cessé de
répéter: Perce, perce, perce en présence du voyageur! Oh! laissez-moi,
Madame! Au nom de ce qu’il y a de plus sacré, laissez-moi à ma folie, à ma
misère, à mon désespoir! «Un ticket brun de huit cents—un ticket rose de
quatre cents.»—Vraiment je n’y puis plus tenir!... «Perce en présence du
voyageur!»
Mon ami me regarda alors avec des yeux désespérés et me dit avec une
expression touchante:
—Mark, vous ne dites rien; vous ne me donnez pas le moindre espoir; ne
pouvez-vous donc pas m’apporter une parole de consolation? Hélas! le
temps n’est plus à l’espérance! Quelque chose me fait pressentir que ma
langue est condamnée pour toujours à répéter ce refrain macabre. Tenez, le
voici encore qui revient: «Un ticket bleu de dix cents—un ticket brun de...»
Ce murmure s’éteignit peu à peu; mon ami tomba dans une douce extase
qui apporta à ses souffrances un répit bienfaisant.
Pour le préserver d’une entrée imminente à l’asile des aliénés, je le
conduisis à l’Université la plus proche, et là, il put décharger le pénible
fardeau de ses rimes obsédantes dans les oreilles des pauvres étudiants.
Qu’est-il arrivé à ces étudiants? Je préfère me taire et ne pas faire connaître
le triste résultat de cette transmission.
Pourquoi ai-je écrit cet article? C’est dans un but élevé et très louable;
c’est pour vous avertir, lecteurs, que si quelque jour vos yeux rencontrent
ces rimes impitoyables, vous devez les fuir plus que la peste.
POURQUOI J’ÉTRANGLAI MA
CONSCIENCE
Je me sentais de bonne humeur, presque joyeux. J’approchai une
allumette de mon cigare et juste à ce moment on m’apporta le courrier du
matin. Sur la première enveloppe qui me tomba sous les yeux, je reconnus
une écriture qui me donna un frisson de plaisir. C’était une lettre de ma
tante Marie; cette chère tante, je l’aimais et la vénérais plus que n’importe
qui au monde. Elle avait été l’idole de mon enfance. La maturité,
d’ordinaire si fatale à certains enthousiasmes, n’avait pas été capable de
déloger ma tante de son piédestal. Pour vous donner une idée de la grande
influence qu’elle exerçait sur moi, je vous avouerai que tandis que tous les
autres s’évertuaient inutilement à me supplier de moins fumer, tante Marie
savait seule émouvoir ma conscience engourdie lorsqu’elle abordait ce sujet
délicat. Mais tout a une limite ici-bas. Un jour heureux vint enfin, où même
les admonestations de tante Marie ne surent plus m’émouvoir.
Ma tante vint passer un hiver auprès de nous et sa visite me causa un
grand plaisir. Naturellement elle me conjura d’un air très sérieux
d’abandonner ma pernicieuse habitude, mais dès qu’elle aborda ce sujet je
devins d’un calme, d’une indifférence absolus. Les dernières semaines qui
marquèrent la fin de cette mémorable visite s’écoulèrent comme un rêve
charmant et me procurèrent une paisible satisfaction. Assurément je
n’aurais pas savouré davantage mon vice favori si mon aimable bourreau
avait été lui-même un fumeur ou un zélé défenseur de cette habitude.
Eh bien! l’écriture de ma tante me rappela que j’étais très désireux de la
revoir. Je devinais facilement ce que pouvait contenir sa lettre. Je l’ouvris.
Comme je m’y attendais elle annonçait sa venue pour le jour même, par le
train du matin.
Je pensai en moi-même: «Je me sens en ce moment parfaitement
heureux et bien disposé; si mon plus implacable ennemi pouvait maintenant
se dresser devant moi, je réparerais bien volontiers les torts que j’aurais pu
avoir envers lui.»