Métrique Et Tropos Dans Les Perses

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MTRIQUE ET TROPOS DANS DEUX

TRAGDIES DESCHYLE:
LES SEPT CONTRE THBES ET LES PERSES
Anne-Iris Muoz*

MTRICA E TROPOS EM DUAS TRAGDIAS DE


SQUILO: SETE CONTRA TEBAS E OS PERSAS
RESUMO: A abordagem da dinmica da forma permite propor um modelo de leitura das tragdias de squilo a partir da
interao entre mtrica e a organizao das partes da obra.
Para fundamentar tal abordagem utilizado o contraste entre
Sete contra Tebas e Os Persas.
PALAVRAS-CHAVE: Mtrica, squilo, Tropos, Sete contra
Tebas, Persas.
RESUME: L'approche de la dynamique de la forme peut proposer une modle de lecture des tragdies d'Eschyle partir
de l'interaction entre les units mtriques et l'organisation des
parties de l'ouvrage. Pour soutenir cette approche est utilise
le confrontation des Sept contre Thbes et des Perses.
MOTS CLS: Mtrique, Eschyle, Tropos, Les Sept contre
Thbes, Les Perses.

* Universit de Dijon,
Frana.

1. Lordo, qui constitue


lune des cinq parties
de la rhtorique selon
Quintilien, semble tre
un quivalent de la taxis
dAristote, une succession
de parties formant une
srie ouverte. Les parties
() de la tragdie dont
parle Aristote au chapitre
12 de la Rhtorique en
sont un exemple, et mme
les lectures modernes
qui se dtachent de ce
modle pour analyser la
composition dun drame
restent tributaires de cette
conception linaire, qui ne
constitue que lune des deux
traditions dont lopposition
dfinit lventail des formes
possibles dans la performance
grecque, le catalogue
venu de la tradition
hsiodique, les formes
rondes caractristiques de
la tradition homrique.
Notre culture reconnat
implicitement la premire
de ces deux formes le statut
de norme. Voir ce propos
Steinrck 2009.
2. Que lon pense par
exemple aux analyses des
Perses, des Trachiniennes, de
lAntigone ou de ldipe
Colone de Sophocle, qui
nhsitent pas reprocher
ces tragdies un dfaut de
structure.
3. Cf. Steinrck 1997,
ainsi que Steinrck
2012, en particulier Die
frhgriechische und
klassische Epoche: lang und
tropisch rckblickend, II 3
Lektren der Odysseeform,
propos des diffrentes
mtaphores employes
par les potes de lpoque
archaque et classique pour
faire allusion ce type de
forme ronde: In der Antike
finden wir je nach Epoche
und Lesefenster verschiedene

Introduction
La dramaturgie dEschyle repose sur une interaction entre la
mtrique et la forme conue comme mouvement, un langage
entre le pote et son public, cr par linteraction entre diffrents rseaux de rptitions et dchos. Dans notre regard
moderne, la forme dune tragdie doit tre une architecture,
une structure. Or cette approche nest possible que face un
texte crit, et lobjet qui en rsulte na que peu voir avec la
performance du Vme sicle avant notre re. Avec une telle
mthode danalyse, hritire sans le savoir dune tradition de
lordo rige en principe universel1, on aboutit trop souvent
une condamnation de la technique du pote tragique, taxe de maladresse ou dinsuffisance2. Or les textes archaques
et classiques soulignent et explicitent leur forme par des termes autorfrentiels, repris ensuite dune tradition potique
lautre. Ainsi, Homre marque trs souvent le centre de ses
structures annulaires avec un terme renvoyant une forme
ronde, comme ceux de la famille de , , ou
encore la , le tourbillon, et souligne de la sorte le moment
o le premier lment va se rpter par limage du tour ou
du tournant3. Il se pourrait que les potes tragiques utilisent
une technique du mme ordre. Je voudrais proposer quelques
arguments en faveur de cette hypothse, partir dune lecture
de linteraction entre forme et mtrique dans deux tragdies
dEschyle, les Sept contre Thbes et les Perses.
Eschyle utilise une macro-forme, ou macro-syntaxe,
quil adapte au contexte de chaque tragdie, mais qui prsente un mouvement rcurrent: durant un premier mouvement, qui concide avec ce quon pourrait appeler la scne
du , de la parole par opposition aux actes, un
personnage ou un chur dploie une matrise dont le type
est dfini durant le prologue et la parodos. A un point donn, cette matrise russit, mais sous la forme dune victoire
symbolique qui ne sest pas encore concrtise en actes; ce
moment, qui ne concide pas avec le centre gomtrique de
la tragdie, est marqu comme le tournant central par
un terme du mme ordre que ceux quemployait Homre
plus petite chelle. Je choisis donc de dsigner ce moment
par le terme de tropos, lun des mots utilis lpoque archaque et classique pour dsigner la forme comme mouvement, parce quil est le plus proche du langage autorfren176

tiel employ par les potes eux-mmes, et pour ne pas avoir


recours des termes descriptifs vhiculant une conception
statique de la forme. Une fois pass ce tournant central,
on entre dans le domaine des actes (), o intervient
la spcificit de la forme tragique eschylenne par rapport
une structure annulaire homrique: au lieu dun simple
cho un thme ou un schma narratif, le mouvement qui
suit le tournant central se traduit par une inversion des
rapports de force entre les personnages: ceux qui avaient
dploy leur matrise sen voient peu peu dpossds, et
rciproquement. Le processus de dpossession qui sengage
juste aprs le tropos sachve dans lexodos, qui place les
personnages ou le chur dans la situation exactement inverse de celle qui tait la leur au dpart.

Begriffeassoziiert oder
direkt als Bezeichnung
der Figur: den Tropos,
den Wirbel bei Homer,
den Kranz bei Pindar,
die hellenistischen
Dichter verwenden die
Form kaum, aber, wo sie
frhgriechische Dichtung
nachahmen, setzen sie die
Bilder von Schild, Wirbel
und Kranz in die Mitte.
Die alexandrinischen
Philologen haben ein
kleines, 1-2 Verse gltiges
Lesefenster (wo sie
Kykloi sehen), aber sie
sind fr das Kriterium
des Zeitrckschritts
empfnglich und nennen
die Figur Epanalepse.

Mtrique et tropos dans les Sept contre Thbes


Analyses de la structure
Les analyses de la structure des Sept contre Thbes se
sont heurtes de faon rcurrente des difficults dans
linterprtation de la construction, qui ont donn lieu
des lectures trs diffrentes4. Presque toutes se ressentent de la ncessit dintroduire la notion de mouvement
dans la lecture de la structure. W.Shadewaldt mettait dj
laccent, dans son ouvrage de 19745, sur ce quil appelle le
cadre volutif de la tragdie, avant que G.A.Seeck ne
dveloppe son schma en insistant sur la dynamique du
drame. Il aboutit ainsi un schma tripartite faisant se succder une situation de tension, une crise, et une raction
menant la rsolution de cette tension (Spannungsituation
Krisis Reaktion).
Seeck 1984, en particulier 1-9 et, propos des Sept contre Thbes, 22-34: selon lui, lenjeu du drame tel que la conu
Eschyle consiste combiner deux structures fondamentales
(Grundstrukturen), qui dcoulent de lentrelacement de deux
thmes, la menace qui pse sur la cit et le combat des deux
frres qui sentretuent. Ainsi, deux situations de tension, deux
crises et deux ractions se lient autrement que selon une succession simple:

177

4. Voir pour une


confrontation de ces lectures
Pralon 2008, 123-130;
lapproche retenue par
lauteur se rclame dun
modle architectural:
tudier la composition
dun drame, cest essayer
den comprendre la
charpente et les quilibres
(123).
5. Shadewaldt 1974,
104-147.

6. West 1990, 3-25,


distingue ainsi quatre
moment dans les Sept
contre Thbes: la premire
phase (Charging phase) fait
se succder un moment
danxit (Anxiety) le
diptyque form par le
prologue, qui peint la cit de
Thbes sous la menace (177), et lensemble allant de
la parodos au 1er stasimon,
consacr la raction des
femmes face au danger (78368), suivi dune phase de
clarification (Clarification),
forme par la rpartition des
combattants lors de la scne
des boucliers (369-676), puis
par le conflit spcifique des
deux frres (677-719). La
seconde phase (Discharging
phase) comporte galement
deux tapes: le rcit de la
bataille fait par le messager
au chur, qui constitue
le dnouement (792821), et une phase finale
(Adjustment), la lamentation
du chur et la critique de
laction des deux frres,
jusquau dpart du chur
(822-1004).
7. Conacher 1996, 3941. La premire partie
(1-368), lanticipation
de la bataille, est centre
sur lopposition entre
lordre impos par Etocle
et la dbcle des femmes
du chur, la deuxime
(369-676), repose sur un
contraste entre assaillants
hybristiques et dfenseurs
vertueux; la troisime
(677-791)est forme par
le nouvel affrontement
entre tocle et le chur, la
quatrime (972-fin), souvre
comme un commentaire
rtrospectif mais bascule
vite dans la lamentation.


S1
K1 R1
S2 K2 R2
Gr 1 Belagerung | Freude Gr 2 Bruderkampf? | Bestrzung

La combinaison des deux structures cre toute une srie


de problmes, comme le choix de sparer ou de rapprocher K1
et K2: alors quEuripide choisit de les dtacher, ce qui aboutit
ddoubler la scne de messager, Eschyle choisit au contraire
de les runir. Lincohrence ou lopposition entre lattitude
du chur dans la premire et dans la deuxime partie, qui
a souvent suscit ltonnement de la critique, serait selon lui
une consquence directe de la ncessit de lier ces deux intrigues. Dans la mesure o la plainte finale ne concerne pas un
seul frre, Etocle, mais les deux de faon indiffrencie, elle
correspond R2 et non R1. Lintervention dAntigone dans
lpilogue transmis par les mss. constituerait une troisime situation de tension (S3) lintrieur de R2.
M.L.West6 pousse plus avant la rflexion en introduisant
une distinction entre structure formelle et structure dynamique,
une terminologie qui reflte la sparation pose comme allant de
soi entre forme et mouvement, et en dduit lopposition entre
deux moments de laction, quil appelle respectivement charging
phase et discharging phase. La structure quadripartite propose
par D. J. Conacher7 fait se succder de manire statique des
moments de tension, selon un modle dalternance entre affrontements internes et externes. Dans cette lecture, les deux
affrontements entre Etocle et le chur sont mis en parallle,
ce qui permet de souligner une inversion des rles, tandis que la
scne des boucliers forme un couple avec lensemble qui suit le
vers 972 jusqu la fin, non prcise. Ce schma densemble,
de type ABAB, selon une progression linaire vers la mort et le
deuil, donne un statut secondaire au mouvement dinversion,
et ne laisse aucune place des chos fonctionnels, comme laccomplissement des lamentations du peuple en cas de dfaite,
redoutes par Etocle dans le prologue, dans le thrne final.
La lecture la moins linaire du drame est la structure
annulaire (Ringkomposition) propose par U. v.Wilamowitz
et reprise par W. G.Thalmann8, fonde sur lidentification
de la scne des boucliers comme centre. Les lments en miroir de part et dautre crent en ralit un paralllisme entre
deux blocs : le premier pisode suivi du premier stasimon, et
la deuxime scne pirrhmatique suivie du deuxime stasimon. Pour que la correspondance se poursuive, il faut exclure
178

la scne du messager (792-821) : le troisime stasimon rpond


alors la parodos, et le kommos qui suit au prologue. Llment essentiel de cette description est nouveau linversion
des rles entre le chur et Etocle, mais celle-ci est interprte comme un dplacement de la panique qui passerait des
femmes du chur au roi. Cette analyse a donc suscit deux
critiques majeures, lune de mthode, puisquelle laisse de
ct une partie du drame pour parvenir ce schma, lautre
dinterprtation, la part de panique dans lattitude dEtocle
tant largement conteste.
Quant lanalyse de F.Solmsen9, elle met laccent moins
sur un tournant central que sur une rupture abrupte,
manifestation de luvre de lErinys, au vers 653. Il en rsulte une lecture plus ou moins bipartite du drame, centre
sur lopposition entre le caractre dabord invisible, puis visible, de la maldiction. Plus rcemment, A. de Crmoux10 a
toutefois contest la validit de cette rupture, en montrant
que linvocation dEtocle aux vers 69-77, ainsi que les paroles quAmphiaraos adresse Tyde aux vers 573-588, puis
la rponse dEtocle (617-18 en particulier), peuvent tre lues
comme le signe que le roi a clairement compris luvre de
la maldiction, et surtout le profit que peut en tirer la cit.
Du point de vue de la structure du drame, il en dcoule une
absence de sparation entre les deux structures de base que
reprait G.A.Seeck, entre dun ct laction de la maldiction
qui cause la ruine familiale, de lautre une guerre politique
menant au salut de la cit.
Dans lensemble, les analyses de la structure du drame,
qui se fondent soit sur laction, soit sur le conflit entre les
personnages, tentent dintgrer une dynamique un mode
de lecture essentiellement statique, fond sur la succession de
parties dfinies en fonction dune notion d unit pose
comme allant de soi, ce qui suppose, pour quun schma lisible apparaisse, dliminer certaines donnes.
Une proposition: la forme des Sept contre Thbes
Le regard est diffrent si lon intgre lanalyse mtrique la
lecture de la forme. Si en effet, au lieu de rechercher une cohrence psychologique dans lattitude dEtocle ou celle du
chur, dont on a souvent remarqu quelles ne concidaient
179

8. Thalmann 1978. On
peut schmatiser cette
organisation autour dun
axe de symtrie de la
manire suivante:
1. Prologue
(1-77); 2. Parodos (78181);3. Premire scne
pirrhmatique (182286);4. Premier stasimon
(287-368); 5. La scne
des boucliers (369-676
approximativement);
6. Deuxime scne
pirrhmatique
(677-719
approximativement);
7. Deuxime stasimon
(720-791);[8. Scne du
messager (792-821)];9.
Troisime stasimon
(822-860);10. Kommos
(874-1004).
9. Solmsen 1937, 197-211.
10. de Crmoux 2012,
39-59; voir en particulier,
pour lanalyse des vers
69-77, 49-51: Etocle, en
suggrant implicitement
une dissociation entre
son propre sort et celui
de la cit, montre quil a
dj, ce point, reconnu
le caractre implacable
de la maldiction et sait
quil nen rchappera pas.
LErinys est ainsi invoque
efficacement au secours de
la cit, puisque cest elle
qui provoque la rencontre
des deux frres, et qui
place face Polynice le
seul guerrier capable de se
mesurer lui, Etocle.

pas dans la premire et la deuxime partie du drame, on observe le parcours de chacun dentre eux, le problme de lunit qui a tant arrt les commentateurs ne se pose plus dans
les mmes termes. La particularit des Sept contre Thbes tient
au fait que le chur et Etocle suivent deux parcours inverses
qui les amnent respectivement la position oppose, ce qui
implique une inversion au centre du drame. Au lieu dun fil
simple qui mne un personnage ou un chur de la matrise
qui se dploie dans le domaine du logos la perte de cette
matrise dans le domaine des erga, comme dans les Suppliantes par exemple, deux fils se combinent dans cette tragdie
qui met en scne deux frres dont le destin est de sentretuer.
Dans la description qui suit, les units fonctionnelles sont
envisages chacune du point de vue de ce double parcours;
ces units concident ici, de manire exceptionnelle dans les
tragdies conserves dEschyle, avec la division en prologue,
parodos, pisodes, stasima et exodos (cf. annexe 3).

11. Pralon 2000, 73-85.

12. Le mme terme qualifie


galement la parodos
delphique des Eumnides.

Le couple prologue parodos a pour fonction de dfinir ce


double parcours, de matrise et de comptence pour Etocle
(prologue), de perte de matrise et dincomptence (parodos)
pour le chur.
Le prologue (1-77) met en scne un roi en pleine matrise
de ses moyens, posant un univers dordre o le salut de la cit
dpend des qualits stratgiques de son chef, de son art du
kairos nonc travers limage du pilote de navire , de ses
facults de discernement et de la discipline avec laquelle les
citoyens-soldats excutent ses ordres, davantage que sur lintervention des dieux. Face lui, un chur fminin, mixte du
point de vue de lge ou form de jeunes filles11, constitue un
lment dissident, incapable de remplir sa fonction chorale de
tous les points de vue.
La parodos (78-181) souvre sur un contraste total avec
lunivers dordre mis en place dans le prologue : lentre
dsordonne du chur, que les scholiastes dcrivent par
ladverbe 12, lirrgularit extrme des dochmies o abondent les rsolutions massives et les ralisations mtriques les plus disparates, sont autant dindices
dun double dysfonctionnement, motionnel dune part,
puisque le chur est incapable de respecter la mesure dans
lexpression de sa terreur, rituel dautre part, puisquil fait
erreur sur le registre adopter, en une perversion involon180

taire de la prire en thrne, qui ne rentrera dans lordre que


dans le thrne final. Ce dysfonctionnement touche dabord
la nature du chant, qui sapparente au cri, voire au cri animal ; le jeu de strophicit croissante mis en lumire par
Martin Steinrck13 transpose la mme incapacit dans les
volutions chorgraphiques : le chur peine organiser
ses dplacements dans lespace de lorchestra sur le mode
dune strophe et dune antistrophe en responsio, tandis que
lextrme varit des dochmies et leurs rsolutions surabondantes rvlent un mode de mouvement incontrl,
limage de la panique du chur : lon sait par le tmoignage dAthne (I, 22) que les danses des Sept requraient
un coryphe particulirement matre de son art. La situation de dpart repose donc sur une opposition diamtrale
entre matrise de la part du roi, et absence de matrise de
la part du chur.
Le premier pisode (182-286) est tout entier consacr la
rgulation de ce dysfonctionnement, qui bloque lavance de
laction. Form de deux tirades dEtocle qui encadrent un
dialogue pirrhmatique suivi dune stichomythie, cet pisode
met aux prises ces deux attitudes opposes, parole dordre et
dsordre de la panique: Etocle dnonce le triple dysfonctionnement de la parodos en une relecture qui fournit au public,
comme au lecteur moderne, les cls ncessaires pour en comprendre les enjeux.
Le kommos pirrhmatique (203-244), qui constitue la premire manche de laffrontement, oppose la voix parle du
roi aux dochmies chants du chur, mais son issue est indcise: si la rduction progressive des strophes du chur, qui
deviennent en fin de compte plus courtes que les trois trimtres invariables dEtocle, trahit une perte de terrain, la rptition lidentique des rpliques initiales la fin de la scne
pirrhmatique le tout ntant quune rduplication de la
panique de la parodos , nuance fortement cette progression.
La stichomythie (245-263) en revanche, organise, aprs
un faux-dpart de deux vers, en un mouvement de flux
(o le chur mne le dialogue, 247-255) et de reflux (o
Etocle reprend linitiative, 256-263), donne clairement la
victoire Etocle: aux gmissements du dpart (,
247) rpond le silence de la fin (, 263). Linversion
du rapport de force entre les deux interlocuteurs a lieu au
centre, et se trouve souligne par un mot impliquant un
181

13. Steinrck 2007. Voir


galement Muoz 2011
et 2013.

14. Cf. Sept 255:


,

,, Zeus toutpuissant, dtourne tes
traits sur les ennemis.
Voir pour une analyse plus
prcise Muoz 2013.

15. Cf. Iliade, II.308-316.


Sophocle, dans la parodos
de lAntigone, qui est une
rcriture de celle des
Sept contre Thbes, inverse
cette fausse prophtie en
lui substituant une autre
rfrence Homre,
Iliade XII.200-209: en
choisissant le prsage de
laigle mordu par le serpent
quil a enlev et contraint
de le laisser tomber, il fait
du serpent une image de la
force de Thbes, de manire
caractriser son chur de
vieillards par lefficacit de
sa fonction hermneutique,
laquelle Cron dniera
toute lgitimit.

tournant (, 255)14. Le chur cde donc la volont


du roi, qui scelle sa victoire par une srie dordres sur la nature de la supplication et surtout le type de chant que le
chur doit adresser aux dieux pour obtenir la victoire de la
cit. Si le premier pisode prolonge le dploiement de matrise dEtocle, puisque le roi remporte une victoire supplmentaire, le chur, lui, poursuit durant le premier stasimon
sa perte de matrise.
Le premier stasimon (287-368) nest pas un simple chant
dapprhension face lavenir, mais une tentative certes
de brve dure , de la part du chur, de se conformer
aux ordres dEtocle. Le dramaturge utilise ce chant pour
complter le tableau du dysfonctionnement de la voix chorale: la fonction hermneutique du chur, sa capacit
dchiffrer les vnements et formuler des prdictions sur
lavenir, est son tour mise mal par deux fausses prophties. La premire se trouve dans le couple strophique initial, travers limage du serpent qui menace les petits de la
colombe (290-294). Cette image est emprunte Homre,
et fait rfrence au prsage dchiffr par Calchas Aulis
dans lIliade15: un serpent dvore huit petits moineaux et
la mre la neuvime; le devin prdit que la guerre durera
dix annes, en comptant le serpent. Aussitt, ce dernier est
ptrifi par Zeus, mais cette fois le devin ne dit mot pour
interprter le prsage, dont la signification est la fin de lge
hroque. Or, dans les Chants Cypriens par exemple, la
guerre de Troie fait partie du plan de Zeus comme moyen
dliminer les hros, sur la demande de Gaia qui les trouve
trop lourds porter et nourrir. Cette limination des
hros se fera en quatre tapes, centres sur deux villes, et
comprenant dans chaque cas deux tentatives: la guerre de
Thbes et la guerre de Troie. Troie a dabord t prise par
Hracls, et cest seulement lors de la deuxime prise de
Troie que sa destruction entrane la fin de lge hroque;
de fait, dans lune des Pythiques de Pindare, on trouve galement une prdiction propos dun serpent qui tente par
deux fois descalader le rempart de Troie, et russit la deuxime, avant dtre ptrifi par Zeus. Dans cette ode, o le
point de vue est celui des Egintes, donc des Eacides, lenjeu est de faire dHracls, lami de Tlamon, un Eacide, ce
qui permet de lier les deux attaques contre Troie. Lexpdition des Sept contre Thbes ne constitue que la premire de
182

deux tentatives, dont la deuxime, celle des Epigones, sera


fatale la cit. Les femmes du chur prdisent donc prmaturment, par limage du serpent, la fin de la cit, alors
que celle-ci naura lieu qu la gnration suivante. Dans
la scne des boucliers, la porte assaillie par Parthnope,
Etocle cite cette interprtation du chur et en inverse la
signification, de manire la rendre juste: il invoque Onka
Pallas, poste sur les crneaux pour dfendre la couve, un
terme qui fait rfrence aux petits de la colombe auxquels
se comparait le chur. Cette reprise sinscrit dans un processus de rhabilitation de ce dernier qui atteint un point
dquilibre durant la scne des boucliers: matrise et perte
de matrise sy inversent, puisquEtocle y dploie jusquau
bout sa matrise de stratge, avant dtre confront ses limites, tandis que le chur commence rintgrer sa fonction chorale et devenir un adjuvant du roi pour le salut
de la cit.
Le deuxime pisode (369-719), si lon sen tient ces critres, constitue dans son ensemble le centre du drame aprs
lequel seffectue un tournant ou tropos. Il a gnralement t
spar en deux, soit partir du dpart du messager, soit plus tt,
partir de la rupture que F.Solmsen propose de voir au vers
653. De la sorte, les analyses de la structure considrent unanimement que le second affrontement entre Etocle et le chur
appartient la seconde partie du drame, lun des arguments
avancs tant le renversement du rapport de force entre les deux
interlocuteurs. Toutefois, plusieurs lments me semblent sopposer ce mode de division, et incitent plutt voir, en termes
de mouvement, lensemble du deuxime pisode comme un
centre, mais un centre double, le premier tant constitu par
le catalogue des boucliers, le second par laffrontement entre
Etocle et le chur.
Le catalogue des boucliers (369-676) est le moment o se
parachve le dploiement de la matrise dEtocle, et o saccomplit sa fonction de chef telle quil lavait lui-mme dfinie
dans le prologue, travers le choix des guerriers posts en
rponse lhybris des blasons ennemis, ainsi que la stratgie
consistant retourner systmatiquement les signes contre
leurs porteurs. Ce dploiement atteint son point culminant
dans la victoire symbolique qui advient au centre du catalogue, plus exactement au centre de la structure annulaire forme par les sept boucliers. Ce centre est lui-mme double,
183

puisquil est form par le seul couple de boucliers qui opposent, sur les blasons des deux guerriers, Zeus et Typhon.
La premire forme que le public pouvait percevoir dans
le catalogue des boucliers est signale par un cho trs fort
entre la premire porte, o se trouve Tyde, et la sixime,
o se trouve Amphiaraos ; cette structure annulaire correspond linterprtation du salut de la cit par le chur, qui la
rend particulirement audible par ses couples de strophes et
dantistrophes, qui sarrtent avant la septime porte. Les six
premires portes peuvent ainsi se rpondre deux deux de la
manire suivante:
Porte I (Protos), Tyde Mlanippe
Porte II (Electre), Capane Polyphonte
Porte III (Niste), Etoclos Mgareus
Porte IV (Onkaa), Hippomdon Hyperbios
Porte V (Bore), Parthnope Aktor
Porte VI (Homolos), Amphiaraos Lasthns
Mais cette forme est elle-mme rintgre, au moment
o le messager rvle la prsence de Polynice la septime
porte, dans une deuxime structure annulaire dont le centre
est cette fois form par une seule porte, mais o se trouve
le seul couple dun bouclier argien et dun bouclier thbain;
laffrontement symbolique de Zeus et de Typhon la 4e porte
devient donc le centre, nouveau double, de la rpartition
issue de lintervention de lErinys, qui assure simultanment
le salut de Thbes:
Porte I, Tyde et le ciel toil
Porte II, Capane et le flambeau
Porte III, Etoclos et lchelle
Porte IV, Hippomdon Hyperbios, affrontement Zeus Typhon
Porte V, Parthnope et la Sphinx
Porte VI, Amphiaraos et le bouclier-miroir
Porte VII, Polynice et sa Dik.
Le mme jeu se rpte dans le passage du premier centre
au second, invitant redfinir ce qui prcde selon le mme
mouvement de rinterprtation. Le tropos commence donc au
moment de la sortie dEtocle, aprs ce deuxime centre.
184

La victoire prvue et ractive de Zeus contre Typhon


dsamorce, grce la dfense dEtocle, la tentative argienne de rcrire la Thogonie en en modifiant lissue16. Cette
ractivation du pass marque la victoire symbolique de la cit,
tandis que les boucliers suivants, comme on la souvent montr, marquent plutt des failles croissantes dans la dfense
dEtocle, mis en dfaut par le brouillage des catgories et des
frontires sur la clart desquelles il fonde la dfense de la ville.
Le deuxime affrontement (677-719) entre Etocle et le
chur est form cette fois dun kommos pirrhmatique suivi
dune stichomythie. Plusieurs arguments permettent dy voir
le deuxime centre dune forme cur double.
1. Cet affrontement nappartient pas encore au domaine
des actes, mais encore celui du logos. Cette opposition,
trs visible par exemple dans les Chophores, o la premire
partie du drame est consacre llaboration dun plan qui
est mis excution dans la deuxime, semble tre essentielle
dans les tragdies dEschyle, et en particulier dans les Sept
contre Thbes, si lon en croit la violence des attaques dEuripide dans les Phniciennes17. Or le mouvement du tropos
commence gnralement, dans les tragdies dEschyle, juste
aprs le centre, au moment o lon entre dans le domaine
des actes, o rien nest aussi simple que dans le logos. De ce
point de vue, le dernier affrontement entre le chur et le
roi devrait faire encore partie du centre.
2. Cest le paralllisme entre les deux kommoi qui a fait
supposer quils se trouvaient en correspondance et marquaient les deux extrmes dune inversion de rle, mais
lanalyse du parcours respectif dEtocle et du chur ne
confirme pas cette interprtation. En effet, le chur ny
rcupre pas encore sa fonction chorale, et nobtient pas
non plus une victoire l o il avait subi un chec. Dans les
deux cas, il bloque momentanment lavance de laction,
mais de manire involontaire dans le premier cas, puisque
lenjeu est pour Etocle de le faire taire alors quil est pris
de panique, volontaire, dans le deuxime, puisquil sagit
pour lui de faire interfrer sa politique familiale18 avec la
politique dEtocle, centre sur le salut de sa cit, pour
modifier lattitude du roi et lempcher de partir au combat. Lenjeu de laffrontement est, pour le chur, damener Etocle respecter le code familial, en renonant
185

16. Je reprends cette


interprtation P.Judet
de la Combe, qui lavait
formule lors de la journe
Achille Eschyle
lUniversit Paul Valry en
mai 2011.
17. Cf. Muoz (2012):
lune des principales cibles
de lattaque dEuripide est
le choix de reprsenter,
travers le catalogue des
boucliers, une victoire
symbolique qui advient
avant la bataille vritable,
au lieu dun rcit de
messager qui, selon modle
homrique, fait connatre
les vnements au public
interne et externe aprs
quils aient eu lieu. La
transposition du combat
entre Etocle et Polynice
travers laffrontement entre
Etocle et le chur le
rcit du messager ne donne
aucun dtail au sujet de la
rencontre des deux frres
tombe galement sous le
coup de cette attaque.
18. Il sagit en effet dun
chur fminin, dont
la politique se situe
rsolument du ct de la
famille, comme le dbut du
drame la montr: il nest
donc pas tout fait exact
de le considrer comme
apolitique, comme le fait
A. de Crmoux 2012, 57,
propos du rle du chur,
qui donnerait de mauvais
conseils Etocle, parce
qu la diffrence du roi, il
analyse mal le lien entre la
maldiction familiale et le
salut de la cit, et ce, dans
la deuxime partie, en dpit
du renversement du rapport
de force souvent soulign.

19. Comme le suggrait


Seeck (1984), 22-23, lenjeu
nest plus, de ce fait, de
savoir lequel des deux frres
sera vainqueur, mais si le
fratricide aura lieu ou non.

affronter son frre, mais pour Etocle, conscient que ce


renoncement causerait la ruine de sa cit, il sagit de sauver
la fois sa cit et ltymologie de son nom, par laquelle il
avait dfini sa fonction de roi dans le prologue, son
: le kommos pirrhmatique est enserr lintrieur dune glose de cette tymologie, entre
au vers 685 et au vers 710. Ce deuxime agn
est donc le dernier lment du dploiement de la matrise
dEtocle, qui, si linterprtation dA.de Crmoux est la
bonne, utilise laction de lErinys pour la mettre au service
de sa cit, travers sa dernire dcision stratgique, celle
daller au combat affronter son frre. En outre, la stichomythie, qui donne pour la deuxime fois la victoire Etocle, nest pas construite selon le mouvement du tropos,
comme la premire: Etocle lui impose une forme linaire
fonde sur la succession binaire des rpliques.
3. Ce deuxime agn na plus pour enjeu de reprsenter le
dysfonctionnement du chur, mais au contraire de donner
voir au public ce quil ne verra pas, laffrontement entre
Etocle et son frre Polynice: le chur, de la mme manire
que le messager dans la scne prcdente, a donc pour fonction de transposer, dans lespace scnique, le combat fratricide19. Selon cette lecture de la forme, le deuxime agn
entre Etocle et le chur ne constitue donc pas le premier
anneau dune structure annulaire, mais un redoublement
du centre, un second affrontement symbolique, non plus
entre les assaillants argiens et la cit de Cadmos, mais entre
deux frres ennemis, Etocle et Polynice.
4. Reste un dernier argument, qui relve de lhistoire des
formes. Chaque tragdie dEschyle utilise une forme qui
se dfinit par rapport une tradition donne, en fonction
du sujet du drame; gnralement annonce dans la parodos, cette forme se retrouve dans la macrostructure comme
dans la microstructure. Or la forme centre double dont
je formule ici lhypothse, une forme qui na de parallle
dans aucune tragdie conserve dEschyle, est la forme que
Pindare utilise presque toujours dans ses odes quatre triades. Eschyle aurait donc choisi non seulement une forme
thbaine pour un sujet thbain, mais encore une forme
cur double pour dcrire un conflit fratricide. Enfin, cette
forme centre double se retrouve, dans la microstructure,
lintrieur de la scne des boucliers.
186

Le deuxime stasimon (720-791) permet au chur de rcuprer sa fonction hermneutique ou prophtique, par la lecture
quil fait de laction de la maldiction familiale depuis la transgression de Laos, en remontant de gnration en gnration
jusqu la racine du mal. Sa capacit de lecture des vnements
se dploie dans un retour travers le pass qui a t impuls
par Etocle ds le milieu de la scne des boucliers, puis par son
analyse explicite de laction de lErinys dans le deuxime centre.
A linverse, en partant vers la mort par sa sortie juste avant le
chant choral, Etocle se trouve dplac du terrain qui avait permis le dploiement de sa comptence guerrire, et son parcours
amorce alors un mouvement de reflux: il assure le salut de la
cit, mais passe dans le domaine de la maldiction, qui a raison
de lui malgr toute sa clairvoyance.
Le troisime pisode (792-821), centr sur la double nouvelle
apporte par le messager, le salut de la cit et la mort des deux
frres, constitue la premire tape de la dpossession dEtocle, son action tant dsormais relaye par celle de lErinys. A
linverse, le dialogue entre le messager et le chur parachve
la rcupration de sa fonction hermneutique par ce dernier,
puisquil ne cesse de couper la parole au hraut et finit par annoncer lui-mme la mort des deux frres (804-812).
Lexodos dans son ensemble rpond donc au couple form
par le prologue et la parodos, et parachve le parcours du
chur aussi bien que celui dEtocle.
Le troisime stasimon (822-860) est le prolongement du
prcdent du point de vue de la fonction chorale: le chur
dchiffre dans le fratricide luvre de la maldiction dont il
venait de rappeler lorigine.
Le kommos (874-1004) qui suit parachve ce rtablissement du chur dans sa fonction, en inversant la situation
de la parodos: alors quau dbut du drame le chur stait
tromp de voix et avait entonn un chant de thrne prmatur au lieu de prires salvatrices, il entonne ici, sous une
forme non seulement antistrophique, mais antiphonique, le
thrne officiel, non sur la cit, mais sur la famille royale. Le
chur des Thbaines rcupre donc, aprs sa fonction hermneutique, sa fonction motionnelle et rituelle20: il recouvre
la fin du drame la totalit de ses comptences. A linverse, le
thrne final du chur accomplit la crainte formule par Etocle dans le prologue, celle dentendre sur toutes les bouches les
hymnes grondants et les chants de deuil se rpandre travers
187

20. Cette dfinition des


trois fonctions du chur
est emprunte C.Calame
voir en particulier
Calame 1997, 181-203 ,
avec cette nuance que
lanalyse de lnonciation
ne suffit pas prouver que
le chur les remplit: le
dysfonctionnement que
dnonce Etocle au dbut
du drame est sensible par
le dsaccord entre ce que
le chur prtend faire et
ce quil fait rellement,
comme le montre la
mtrique.

21. Cf. Sept, 5-9. Du point


de vue du mouvement dcrit
ici, lintervention finale
dIsmne et dAntigone
ne joue aucun rle; elle
pourrait tre une tentative
dobtenir un quivalent
structurel du prologue. Voir
pour une analyse des chos
Zeitlin 1982.

la ville21. Elle est donc la ralisation du programme narratif


rejet par Etocle dans le prologue, et referme la tragdie sur
un jeu tymologique aussi fort le jeu sur le nom de Polynice
au centre du drame: leteon kleos dEtocle se rvle, ironiquement, ntre quun hymne de deuil sur un fratricide o les
deux frres sont dsormais indiffrencis, et o il cesse dtre
possible de savoir de quel ct se trouve la justice.

22. Voir aussi Muoz


2011, La mtrique
dEschyle.

Il est maintenant facile de comprendre comment les


rythmes des chants sinsrent dans ce double schma dinversion
(cf. annexe 3)22. Les dochmies initiaux taient la marque, dans
la parodos, la fois de la prsence non identifie de lErinye et
de la perte de matrise du chur dont le chant fait voie, et
laisse passer la voix de lennemi. Dans la premire scne pirrhmatique, ils servent souligner laffolement dangereux du
chur, face un Etocle qui tente de le rduire au silence et
dordonner son dsordre. Labsence de dochmies dans le premier stasimon marque le progrs du chur, qui parvient provisoirement se calmer et changer de registre. Le rle des
dochmies commence sinverser dans la scne des boucliers,
o ils sont souvent un moyen dattirer le dsastre sur lennemi.
Dans la deuxime scne pirrhmatique, qui oppose nouveau
le chur Etocle, le rle des dochmies est diamtralement
oppos celui quils avaient dans le contexte prcdent : ils
sont employs pour obtenir un certain effet sur linterlocuteur,
et nont pas pour fonction de mettre en scne laffolement du
chur, en dpit des commentateurs, mais damener Etocle
reculer devant lhorreur du sort qui lattend sil se jette dans
les filets de lErinys23. Les dochmies sont nouveau absents du
deuxime stasimon, o le chur dvoile laction de lErinys au
moyen des ioniques, quEschyle aime associer explicitement
des situations de transgression, ici celle de Laos, lorigine de
la maldiction familiale. Ce deuxime stasimon correspond au
premier, o lon trouvait une bauche dioniques: la proportion
entre les mtres sest donc inverse, de mme que la posture
du chur, qui dans le premier cas faisait de fausses prophties,
mais qui, dans le deuxime, rintgre sa capacit interprtative. Dans le 3e pisode, o le messager vient annoncer la mort
des deux frres, et qui correspond dans la forme densemble au
premier affrontement entre Etocle et le chur, les dochmies
ont tout simplement disparu puisquil ny a plus de kommos
pirrhmatique, et le chur empche le hraut de parler pour

23. Les dochmies des


Danades ont la mme
fonction dans le kommos
qui les oppose leur pre
dans les Suppliantes.

188

rvler la nouvelle sa place: linversion prend le pas sur le paralllisme formel. Enfin, le thrne final, compos comme une
somme de tous les mtres utiliss dans la tragdie, constitue
galement une rponse aux dochmies du dbut, confirmant le
registre du thrne, cette fois appropri. Les dochmies, qui, associs lincapacit de respecter une responsio dans le chant et
une organisation chorgraphique en volutions parallles, servaient dans la parodos mettre en scne la perte de contrle du
chur, ont la fin pour rle de marquer la rintgration par ce
dernier de ses fonctions chorales; bien plus rguliers que dans
la parodos, ils sont associs la forme antistrophique la plus
dveloppe, celle de lantiphonie.
Les Sept contre Thbes superposent lopposition entre deux
traditions formelles et entre deux systmes politiques: la forme
ronde y est associe, comme cest aussi le cas chez Pindare, en
particulier dans la Pythique 10, lancien systme aristocratique,
qui correspond au pouvoir fminin, au pouvoir des familles.
Ainsi, Etocle ne parvient rduire les femmes au silence dans
la premire partie de la tragdie quen employant leur forme, et
en utilisant le tropos quelles ont-elles-mmes prpar en disant
Zeus de (d)tourner les coups contre les ennemis ().
Le tournant central durant la scne des boucliers est lui aussi
marqu par la rptition la (462 et 490), lune des images
traditionnelles, chez Homre, au centre dune structure annulaire24. A linverse, la forme catalogique25, traditionnellement
associe, depuis les Muses dHsiode, ce qui se veut un discours de vrit, caractrise le pouvoir dmocratique, ou tyrannique, dans le bon sens du terme, dEtocle, et dans le second
agn avec le chur, cest avec cette arme que le roi remporte
la victoire ou du moins le dernier mot. Lopposition entre ces
deux formes est pose, la manire dun code, ds le prologue:
alors que le discours dEtocle est trs nettement organis en
catalogue, avec reprise des mmes mots pour dlimiter chaque
partie de son discours, et un ordre des arguments fond sur
le paralllisme, le discours lespion, qui revendique lui aussi
les mmes valeurs pousses lextrme, sorganise comme une
structure annulaire extrmement marque: charg dapporter
Etocle toutes les informations ncessaires sur lennemi, il devient en quelque sorte le porte-voix des envahisseurs. Or, dans
tout le drame, la forme ronde est associe, non seulement aux
femmes et la politique familiale, mais surtout laction de la
maldiction et au fratricide. La mtrique et les formes caract189

24. Jemprunte cette


remarque une
communication de
M.Steinrck sur Les
Sept contre Thbes comme
catalogue, prsente
lE.N.S. le 19 juin 2009,
loccasion de la journe
intitule Le thtre grec et
ses rythmes.
25. Cf. Muoz 2012,
19-38.

ristiques de telle ou telle tradition potique sont donc intgres


au parcours tragique dEtocle, et la reconqute de sa matrise
par le chur dans le thrne.

26. Ainsi, on a interprt


la prminence du
chur dans la scne de
messager comme un
signe quEschyle ne stait
pas encore libr des
conventions de la tragdie
acteur unique,
cf. Broadhead 1960,
xli-xlii; Taplin, 1977,
85-6. Voir ce propos
largumentation de
Michelini 1982, 4164, qui associe ce trait
lemploi des ttramtres
trochaques comme signes
dune technique disparue
par la suite.
27. Wilamowitz 1914,
42: die Verknpfung
ist nicht nur lose,
sondern unzureichend;
cf. 48: eine Tragdie
ohne jede Einheit der
Handlung. Cf. Snell
1928, 68: Ein Plan der
Handlung, dem sich auch
das Geringe eingliedert,
existiert nicht. Seeck
cite ces deux jugements
(16, n.5) et conteste la
conception de laction
qui les sous-tend, en
laccusant de transformer
en impratif absolu un
ralisme naf tranger
Eschyle, ainsi que la notion
darchaisch utilise par
Lesky 1972, 84.
28. Comme le souligne
Garvie 2009, xxxiii, ce
dfaut ne peut valoir
que dans une dfinition
restreinte de laction, qui
ninclut que ce que les
personnages font sur
scne et non ce quils disent.

Mtrique et tropos dans les Perses


La confrontation de ce drame celui des Perses montre que
le mode didentification des lments dont lcho dtermine
la forme sont dfinis par le dramaturge, grce un systme
dinteraction, tandis que le choix des formes potiques est une
manire de caractriser la voix du chur et des personnages,
mais galement de dfinir le sujet de la tragdie.
Analyses de la structure
Le problme qua pos la recherche la structure des Perses est
plus important encore que dans le cas des Sept contre Thbes,
parce que cette tragdie sest avre, aprs la dcouverte du
P.Oxy. 2256, fr. 3, qui modifiait la datation des Suppliantes,
la plus ancienne conserve. Se sont donc mles lanalyse
des considrations historiques, essentiellement la volont de
voir dans la structure de ce drame des traces dune technique
primitive26. Cette perspective, combine une conception de
la structure la fois partielle, puisquelle se fonde essentiellement sur les parties du drame (scnes ou pisodes)
et sur les parties de laction, et fige, puisquelle ne tient
pas vraiment compte du mouvement du drame, davantage
visible dans la caractrisation des voix que dans la progression des vnements scniques, a men dnoncer les dfauts
de composition de cette tragdie. Wilamowitz27, le premier,
a condamn sa structure en trois actes dconnects les uns
des autres, et dont chacun pourrait constituer une action
part entire. Les deux attaques principales contre la maladresse de luvre portent sur la simplicit de lintrigue, en
dautres termes sur le manque daction scnique28, et sur le
dfaut darticulation entre les parties29. Les tentatives de sauver lunit du drame passent tantt par linsistance sur la
prsence constante dune tension motionnelle trs forte30, tantt sur lexistence dun double drame, le drame public
des Perses et le drame priv de Xerxs31. Dans tous les cas, la
190

structure est juge paratactique, et la progression de laction


considre comme linaire, jusqu un point culminant, un
climax, qui serait atteint la fin du drame avec le retour de
Xerxs. Cette linarit paratactique32 a mme t rapproche
par A.Michelini33 de lesthtique du catalogue: la succession
de catalogues qui maillent la pice serait un reflet de cette
organisation densemble, hrite dun univers pique, et
aurait une fonction essentiellement ornementale.
G.A.Seeck tente de sauver la structure du drame en lui
appliquant son schma tripartite S K R (Situation de tension
Crise Raction), et observe que cette structure de base (Grundstruktur) ne sapplique pleinement qu Atossa et au chur, les
seuls tre prsents lors des trois tapes. Il sinterroge sur les solutions cartes par Eschyle pour comprendre son dessein dramatique, notamment la volont de crer une disproportion quantitative entre les parties: laccentuation donne au drame dpend
selon lui de la position attribue la Situation de crise34. Il observe
ainsi que le choix dune perspective unique exclut un conflit entre
opposants dans la Situation de tension, que le choix de reprsenter
le ct des vaincus dtermine la fois une reprsentation indirecte
du dsastre, et une action centre sur la plainte35, ou encore que
lexclusion de scnes fort effet dramatique, comme la rencontre Atossa Xerxs ou Darios Xerxs, ne peut se justifier que
par un choix dramaturgique plus fort: lordre des scnes retenues
tient selon lui la recherche dun paralllisme entre larrive du
messager et celle de Xerxs, en dpit de leur diffrence de statut36.
Lorganisation de lensemble du drame parvient ainsi combiner
progression et disposition paratactique.
Quant D.J.Conacher, il trouve, comme dans les Sept contre Thbes, une structure quadripartite, le thme du drame tant
la dmonstration de la nemesis divine, en rponse lambition
hybristique de Xerxs, en dautres termes laccomplissement du
schma bien connu depuis Solon koros hybris at. Ce thme
est selon lui dvelopp la manire dune symphonie (as in a
symphonic tone-poem)37, selon une progression allant de prmonitions fulgurantes, mais rapidement cartes, du dsastre,
la dcouverte de lampleur de ce dernier, chaque instrument
tant forc tour tour de prendre le ton, jusqu la lamentation
finale du roi en personne dans lexodos. Cette progression permet daborder le thme selon les quatre aspects distincts, mais
lis, de la chute de Xerxs : 1. un mouvement danticipation
(tragic expectation)38, o le thme de lhybris at est amen
191

29. Broadhead 1960, xxxv


xl, oppose les deux moitis
du drame et juge la premire
irrprochable, alors que la
seconde ptirait du dfaut
darticulation dnonc par
Wilamowitz, en partie parce
que, selon lui, the subjectmatter is not suitable for the
type of plot in which scene
grows naturally out of scene
till the inevitable climax is
reached. Il suggre ainsi
que le drame pourrait aussi
bien se terminer, du point
de vue de lintrigue, aprs le
1er stasimon. Garvie 2009,
xxxv, objecte ce reproche
le fait que les prmonitions
dAtossa travers le songe
du dbut ne sont pas encore
pleinement ralises, et
que le drame personnel de
Xerxs se dploie durant la
seconde partie. Court 1994,
19-81, reprend la division
en trois actes propose par
Wilamowitz, mais rfute
point par point laccusation
de dsarticulation, en
cherchant montrer quils
sont au contraire troitement
lis, chacun conduisant au
suivant selon une progression
pas pas, jusquau point
culminant que constitue
lentre de Xerxs dans
lexodos.
30. Conacher 1996, 7,
rejette ainsi les accusations
de maladresse dans la
structure en insistant sur
la convergence de tous
les lments vers le pathos
central au drame, le but
tant de contraindre
le public athnien
sympathiser avec le roi
ennemi vaincu, Xerxs,
jusqu le prendre en piti.
31. Cf. Garvie 2009, xxxiixxxvii. Plusieurs critiques
ont soulign le fait que cette
structure permettait de
mettre laccent sur la ruine
de Xerxs, cf. par exemple
Thalmann 1980, 260-82.

32. Conacher 1996, 9,


souligne que dans un tel
drame, there will be little
occasion for forwardmoving or linear action,
and none at all for a
complex development of
plot.
33. Michelini 1982, 100,
interprte le catalogue
comme an ornament or
cadenza, in apposition to
the business of the play;
elle voit galement un
lien entre cette forme et
lemploi des ttramtres
trochaques, cf. 15:
Catalogue poetry, a whole
subgenre in the Hesiodic
school of epic, uses a
more primitive means of
ordering than the narrative
and makes less attempt
to subordinate. But the
meandering form of the
list, with its orderly and
precise pace and its
tendency to indefinite
extension is as alien to
the livelier and shorter
movements of lyric as is
the subordinating style.
We have therefore in
tragedy two strikingly
opposed kinds of verse,
one emotive, non-logical,
and intense the very
essence of poetic tone, the
other like the prose it
anticipated and inspired
matter-of-fact or cold
in tone, structurally
elaborate, lexically simple,
and retaining the epic
quality of extension and
discursiveness. Voir en
particulier le chapitre
intitul Paratactic style in
drama (66-75).

comme inconsciemment par les vieux dignitaires perses qui forment le chur; 2. laccomplissement (tragic fulfillment) des
attentes dramatiques avec larrive du messager; 3. un mouvement de retour en arrire (retrospection), avec le regard que
lombre de Darios porte sur les exploits de son fils, avant de
rvler lavenir; 4. une phase dvidence ( tragic evidence)
avec larrive de Xerxs, longuement attendue.
Une proposition: la forme des Perses
Or, si lon tente de dcrire le drame, non plus du point de
vue de laction, de ses parties ou du rle que les personnages
y jouent, mais en tenant compte de la forme comme mouvement, de lorganisation des rseaux dchos, de la caractrisation respective de chaque voix par les formes potiques quelle
emploie, et de la hirarchie entre ces diffrentes voix, le rsultat est trs diffrent, et incite modifier la dfinition du sujet
de la tragdie. Lanalyse formelle des systmes de la parodos
anapestique fait en effet apparatre, lintrieur de la voix du
chur, une tension qui ne se rsoudra que dans lexodos: les
deux premiers systmes (1-6 et 7-11) dfinissent cette voix
par deux fils opposs. La voix que le chur sattribue
lui-mme est celle dun groupe de vieux dignitaires, choisis
par Xerxs pour reprsenter son pouvoir en son absence, et
dont la tche est donc de conseiller la reine; mais en lui se
fait entendre une autre voix, quil rejette, une voix tragique
qui annonce le dsastre malgr lui, celle de son de son cur
trop mauvais prophte ( , 10-11),
qui fait des tourbillons dans sa poitrine. Ces deux systmes
composent un couple qui confronte, comme dans un miroir
antistrophique, les deux extrmes qui se combattent dans la
voix du chur, et sont suivis dune srie de six systmes (1258) composant un long catalogue de guerriers partis la suite
de Xerxs la conqute de la Grce. Le dernier systme (5964) revient la prmonition de la dfaite et accomplit, sur la
modalit du refus, un thrne fictif, du point de vue fminin
cette fois, celui des pouses perses au lit dsert.
La tragdie des Perses met donc aux prises deux discours
formels, dont lopposition se superpose celle des deux voix
du chur: le catalogue39, dont les vieux conseillers veulent quil
soit la forme de la victoire, avec ses sries parallles, et la forme
192

antistrophique, associe au tropos et aux formes rondes, caractristique de la tragdie, et associe de ce fait la dfaite. Le sujet de la parodos nest donc pas uniquement lattente dune
nouvelle: Eschyle y scelle un contrat avec le public, et dfinit
un drame parallle ce quon dfinit habituellement comme
laction scnique. Le chur tente en effet de dtourner la forme
du catalogue de son sens premier, un catalogue des morts, pour
en faire un catalogue des vivants la gloire de lempire perse, et
refuse simultanment une autre forme, la forme antistrophique
de la parodos. La tension initiale entre ces deux formes ne sera
rsolue que dans lexodos, qui rpond la parodos anapestique par un catalogue des guerriers morts, sous la forme la
plus tragique qui soit, antistrophique et antiphonique. Entre les
deux se succdent tout une srie de catalogues qui ne sont pas
prononcs par le chur: un catalogue des vivants et des morts
rclam au messager par la reine, mais que le chur retarde par
sa plainte antistrophique ; la recette de loffrande aux morts
donne par la reine sous forme dun catalogue dingrdients
du pelanos, juste avant le deuxime stasimon; le catalogue des
rois anctres de Xerxs, prononc par lombre de Darios pour
dnoncer la faute du jeune roi ; le premier catalogue chant
par le chur intervient juste avant lexodos, dans le troisime
stasimon, une clbration en dactyles des les possdes par
Darios du temps de son empire, et perdues par Xerxs. Cest
le chant qui mne le chur au plus proche de la forme quil
refuse, mais sans quil sagisse encore dun catalogue des morts:
le thrne est men a contrario, par contraste avec les temps de
prosprit. Lexodos apporte donc la rsolution de cette tension: le chur y accepte de superposer la forme du catalogue,
par laquelle il dfinissait la grandeur perse, et la forme tragique
antistrophique, qui scelle la disparition de cette grandeur.
Le point dquilibre qui forme le centre dans le parcours de
cette double voix du chur est le premier stasimon, o le chur
entonne le thrne officiel sur sa cit en couples strophiques prcds dun prlude anapestique, mais sous la forme dune dnonciation de Xerxs, et non dun catalogue des morts. Un autre trait
confirme ce rle de pivot: le deuxime systme anapestique
de la parodos comportait une dnonciation encore inconsciente
de Xerxs, assimil un (13)40, un jeune homme; le premier stasimon explicite la dnonciation de laction
du jeune roi par Xerxs; lombre de Darios reprend ensuite les
termes employs par le chur, en affirmant que son fils se com193

34. Seeck 1984, 12: Ebenso


wre es aber auch mglich
gewesen, eine formal
symmetrische Tragdie
daraus zu machen, in der K
in der Mitte liegt und S und
R sich quantitativ ungefhr
das Gewicht halten.
Aischylos hat stattdessen
K weit nach vorn verlegt,
so da wir jetzt ein relativ
knappes S haben, whrend
R vergleichsweise weit
ausgedehnt ist. Il sagit donc
pour le dramaturge, selon
lui, de rsoudre la question
concrte Wieviele Szenen
solle S und wie viele soll R
umfasse?. Cette perspective
reflte une conception de la
structure dune tragdie
modele par la perspective
de lordo, de la taille et de
lorganisation des parties, qui
nest pas ncessairement celle
dEschyle.
35. Seeck 1984, 12:
Technisch gesehen, das
heit da, er wollte R als
Klageshandlung realisieren
und nicht als Situation des
Befreitseins und erlosten
Aufatmens, wie es in den
Eumeniden der Fall ist. Ce
choix a pour consquence
dcarter la possibilit dune
action active.
36 Seeck 1984, 16: Doch
zwischen A2 und D
besteht ein doppeldeutiges
Verhltnis, wie es auch schon
in dem Nebeneinander
von Parallelitt und
Konkurrenz, von dem oben
in Bezug auf Xerxes und den
Boten die Rede war, zum
Ausdruck kommt.

37. Conacher 1996, 9 ss.


38. Largument avanc est
que, dans la mesure o la
catastrophe a dj eu lieu
lors de lentre de la reine,
laction dramatique ne peut
plus dsormais laffecter, et
doit donc tre remplace
par les rves prophtiques
et les visions.
39. Voir propos du
type de discours quest le
catalogue Perceau 2002.
40. Voir propos de ce vers
Amendola 2008, 62-72.
41. Perses 782:

, Xerxs,
mon fils, est jeune et pense
comme un jeune.
42. Voir en particulier
Michelini 1982, 117,
qui conteste cette rhesis
de la reine tout autre
fonction que de transition,
pour introduire ce que
Wilamowitz considrait
comme un nouveau drame
en miniature: to
say that this command
(susciter le spectre) is the
real burden of the speech is
to say that the speech has
no center and serves largely
as an introduction to the
second stasimon, which
it precedes and motivates.
() Of all the catalogue
speeches, it has the slightest
substance and the briefest
content. The function of
the speech, as for the other
catalogues, is to provide a
transition for something
else.

porte comme un 41; lexodos forme de la sorte une


rponse en miroir la parodos, et devient une dnonciation frontale adresse Xerxs en personne par le chur de ses vieux conseillers. Par ailleurs, ce centre, qui joue le rle de borne de part
et dautre de laquelle sopre le tournant central, est trs clairement encadr par la rcurrence dune image de forme ronde particulirement adapt au contexte de cette tragdie: le ,
la galette sacrificielle destine aux morts. Il sagit dune sorte de
crpe ronde quon offre aux morts, une simple pte au dbut,
que lon a commenc cuire au 6e sicle, comme en tmoigne
Hipponax, et remplace ensuite par une pice de monnaie. Le
est lquivalent, pour les femmes, du sacrifice sanglant que les hommes, comme Ulysse, offrent aux morts. Aprs le
dpart du messager, la reine annonce au chur quelle va rentrer
dans le palais pour le chercher (524, ,
); elle revient juste aprs le chant et donne la
recette du (607-618) avant de le consacrer comme offrande. Ce retour de la reine, alors mme quelle semblait avoir
annonc larrive de son fils, a suscit de nombreux commentaires, et sest vu attribuer une simple fonction de transition42. Or
cette double mention du forme un anneau de part et
dautre du premier stasimon, quelle confirme de ce fait comme
centre en le signalant au public.
De part et dautre, les lments fonctionnels qui se font
cho sont signals au public par les changements de mtres. Au
lieu de crer une correspondance dpisode pisode, ou dune
scne une autre, Eschyle semble tirer parti dune opposition
entre deux modes de diction quil nutilise ailleurs que dans une
moindre mesure: liambeion ou le trimtre iambique et le ttramtre trochaque catalectique43. Dans la premire partie de
la tragdie, chaque changement de mtre permet en effet de
dlimiter une unit fonctionnelle, qui ne concide pas avec une
scne, mais qui trouvera un quivalent dans le mouvement
du tropos44. Ces correspondances sinscrivent entre lentre de la
reine en 155 et sa sortie en 851, tandis que, de part et dautre,
la parodos et lexodos se rpondent.

194

C. Ttramtres trochaques (155-75)


D. Trimtres iambiques (176-214)
E. Ttramtres trochaques (215-31)
F. Stichomythie en ttramtres (232-48)
G. Trimtres iambiques (249-55)
H1. Kommos chur messager (256-89)

Accueil dAtossa par le chur.


Songe dAtossa.
Mauvais conseils du chur.
La force dAthnes.
Annonce du dsastre par le messager.
Lamentations qui retardent le catalogue.

I. Trimtres iambiques (290-514)

1 catalogue, 3 rcits du messager

J. Trimtres, dpart du messager (515-31)


K. Premier stasimon (532-97)

La reine part chercher le pelanos.


Thrne officiel sur la cit
(anapestes + couples strophiques)
La reine donne la recette du pelanos.

J. Trimtres iambiques (598-622)


I. Deuxime stasimon (623-80)

Evocation de Darios
(anapestes + couples strophiques)

H. Kommos chur Darios (681-702)

Le chur ne peut parler, Darios rclame


un catalogue.
Annonce du dsastre par Atossa.
La dfaite des Perses par Athnes.
Xerxs victime de mauvais conseillers
selon Darios.
Catalogue des anctres de
Xerxs + prophties
Atossa part chercher des vtements pour
accueillir Xerxs.

G. Ttramtres trochaques (703-14)


F. Stichomythie en ttramtres (715-38)
E. Ttramtres trochaques (739-58)
D. Trimtres iambiques (759-842)
C. Dpart de Darios, trimtres (843-51)

Le changement de mtre semble se combiner deux autres


critres, le mode de dialogue (change de rheseis ou stichomythie)
et les sorties de personnages, pour dlimiter des units fonctionnelles qui ne correspondent pas des scnes45. Ainsi, la premire squence en ttramtres trochaques (155-175), laccueil
de la reine par le chur et la demande de conseils de celle-ci,
sert poser la fonction du chur comme conseiller royal, ainsi
que la hirarchie des voix en ce dbut de drame, o le chur
se positionne au-dessous de Xerxs, dont il est le reprsentant,
mais au-dessus dAtossa, dont il est le conseiller. Lunit suivante, le rcit du songe dAtossa, o intervient la premire mention
dun que la reine offre aux divinits, avant de voir le
prsage dun milan dchirant la tte de laigle, est dlimite par
les trimtres iambiques (176-214), et se dtache de lchange
de rheseis en ttramtres (215-231), o le chur prodigue ses
conseils la reine, qui le remercie en affirmant que les seuls bons
conseils lui viennent de lui. Cet change se termine, formellement et thmatiquement, avec la stichomythie en ttramtres
sur Athnes (232-248), qui oppose le fonctionnement de la dmocratie athnienne au systme perse.

195

43. Michelini 1982, 41-64,


tente dopposer deux types
de situations et de tons
pour diffrencier lemploi
des deux mtres, faisant du
trimtre la forme la plus
approprie au dialogue, en
particulier aux oppositions
violentes sous forme de
stichomythie, absentes
des Perses, selon elle parce
que tous les personnages
appartiennent au mme
camp. Les ttramtres
seraient donc lis une
forme de tragdie un seul
acteur, et sexpliqueraient
par le fait que le chur nest
pas vraiment apte prendre
part au dialogue.
44. Jai tent de mettre
en vidence cette
correspondance dans le
schma propos en annexe 4.
45. Ces units ne
correspondent pas, comme
dans les Suppliantes, des
structures annulaires fermes
et autonomes. Sil faut
parler dune organisation
paratactique lie
lesthtique du catalogue,
ce nest sans doute pas par
laspect linaire et juxtapos
de la succession des scnes,
mais par ce mode de
dlimitation des units
destines se rpter.

Chacun de ces lments, dont lenchanement forme


le premier des trois actes dU. v. Wilamowitz, la Situation
de tension (S) de G.A.Seeck, ou la phase danticipation de
D. J. Conacher, a son correspondant aprs le tropos, ce qui
apporte une rponse la question du lien entre les parties:
A la proskynse du chur face la majest royale (C =
155-175), lie la mention rapide des vtements de la reine, rpond, juste aprs le dpart de lombre de Darios, celui
dAtossa bouleverse par la perte de toute majest par Xerxs,
pour aller laccueillir avec de nouveaux vtements de manire
restaurer son image (C = 843-851). Cette unit est dlimite, non plus par des critres mtriques, mais respectivement
par le dpart de lombre de Darios et par le dpart dAtossa.
Au long monologue iambique que constitue le songe
dAtossa (D = 176-214) correspond un ensemble formellement
plus disparate, puisquil runit deux tirades de Darios autour
dun dialogue avec le chur (D = 759-842) ; le passage des
ttramtres trochaques aux trimtres iambiques sert le dtacher de ce qui prcde, tandis que le dpart de Darios le dtache de lunit suivante. La correspondance formelle (deux squences en trimtres iambiques dtaches la mme position)
se superpose une quivalence thmatique, puisqu la vision
prophtique dAtossa travers le songe rpond la prophtie de
Darios sur lavenir, elle-mme lie au catalogue des rois anctres
de Xerxs: la prophtie et le songe sont deux manires de lier,
dans cette tragdie, lavenir et les morts.
La squence en ttramtres trochaques o le chur se pose
en conseiller de la reine (E = 215-231) correspond une squence
galement en ttramtres trochaques (E = 739-758), et dtache
de la mme manire dun ct par des trimtres, de lautre par le
passage de lchange de rheseis la stichomythie. Dans la premire, la reine fonde tous ses espoirs dans les conseils de son chur,
qui savreront inadapts, puisquil refuse les prmonitions de
la dfaite; dans la seconde, Darios dnonce, dans un change
avec Atossa, linfluence des mauvais conseillers sur Xerxs. Le
lien thmatique se superpose nouveau au paralllisme des units mtriques. Implicitement, la forme de la tragdie constitue
donc une dnonciation de ces vieux conseillers du chur qui ont
lapparence de bons conseillers, mais qui, mme sils ne constituent pas les mchants par excellence, nont en ralit jamais
le bon rle.
196

La stichomythie en ttramtres trochaques sur Athnes


(F = 232-248) a pour rponse une autre stichomythie en ttramtres trochaques sur Athnes (F = 715-738), o Atossa
dploie ltendue du dsastre face Darios, et qui clt sur le
fait que Xerxs est encore en vie.
Cette stichomythie se termine, dans la premire moiti,
avec larrive du messager qui annonce le dsastre en une tirade de 6 trimtres (G = 249-255), qui dclenche le kommos.
Lunit correspondante, en ttramtres trochaques (G = 703714), est de mme dlimite dun ct par la fin du kommos,
de lautre par le dbut de la stichomythie. Ces deux units se
rpondent fonctionnellement, bien quelles ne soient pas dans
le mme mtre: dans la premire le messager annonce le dsastre au chur et la reine, dans la seconde, la reine annonce
le dsastre Darios la place du chur.
Les deux kommoi pirrhmatique (H = 256-289 // H =
694-702) se trouvent ainsi des positions correspondantes
dans la syntaxe des units, tandis que lquivalence fonctionnelle est galement prsente, puisque dans les deux cas,
le kommos prcde la prise de parole de la reine, dans le
premier parce que celle-ci, sous le choc de la nouvelle, est incapable de parler, dans le second parce que le chur, auquel
Darios demande des explications immdiates, est incapable
de parler efficacement et rpte le mme refrain, la langue
lie par son respect dantan.
Lensemble de lchange entre la reine et le messager
(I = 331-517)46, compos dun catalogue des vivants puis
des morts, suivi de trois rcits du messager, nest plus interrompu par aucun changement mtrique, et forme une
seule scne du point de vue des entres et des sorties, sans
stichomythie ; lunit qui se trouve la position correspondante de lautre ct du centre nest pas un pisode
mais le deuxime stasimon (I = 623-680), consacr au
rite dvocation de Darios, pour le faire surgir des Enfers.
Cette correspondance peut sembler inattendue, mais elle
est confirme par lcho smantique entre les deux units
suivantes dlimites par la mtrique.
Lunit en trimtres iambiques dlimite par le dpart du
messager et par celui de la reine (515-531) correspond, par
sa position et par la mtrique, la tirade en trimtres iambiques de la reine juste avant le deuxime stasimon (532597); comme on la vu, ces deux units, lies par le thme
197

46. Taplin 1977, 50-60,


scarte de la terminologie
propose par le chapitre 12
de la Potique dAristote,
qui suggrerait un
premier pisode allant
de lentre de la reine
sa sortie juste avant le
1er stasimon, et prfre
considrer le kommos
comme act dividing
song, sur le modle du
kommos des Chophores,
fonctionnellement
dtach aussi bien de ce
qui prcde que de ce qui
suit. Garvie 2009, 141142, quant lui, prfre
dtacher le kommos de
lchange entre le chur
et la reine qui prcde,
et lintgrer la scne de
messager la plus longue
des tragdies conserves,
et considre quEschyle a
soigneusement divis la
scne en 4 discours (5 avec
le prambule), entremls
dchanges plus libres entre
le messager et la reine,
pour masquer le fait que
la reine ne prononce en
tout que 174 vers dans
lensemble du drame,
alors que le messager en
a 205 dans cette scne.
Garvie soppose sur ce
point Taplin, qui, dans
sa discussion des scnes de
messager (80-7), dnie ce
statut aux scnes de ce type
chez Eschyle, cf. 84, there
is strikingly little in the
way of messenger scenes in
Aeschylus.

47. Bien quil ne considre


pas le premier stasimon
comme le centre de la
tragdie, Garvie 2009, 142,
insiste sur le fait quEschyle
ait choisi de retarder lentre
en scne de Xerxs par celle
de lombre de Darios, et quil
ait vit de placer au centre
de sa tragdie un discours
du messager: A. may have
felt that there was a danger
in having as a centrepiece
of his play a very long, by
definition non-dramatic,
messenger-speech.

du , forment lanneau central de part et dautre du


premier stasimon47.
Cette organisation de la tragdie selon le mouvement du
tropos est encore plus sensible si lon envisage la hirarchie des
personnages avant et aprs le tournant central:
Avant le tropos

Aprs le tropos
Xerxs
Le Chur
Atossa
Le Messager

Darios
Atossa
Le Chur
Xerxs
Centre

Jusquau premier stasimon, Xerxs se trouve au sommet


de la hirarchie; le chur des vieux dignitaires perses se dfinit par lhonneur que lui a fait Xerxs en lui confiant son
pouvoir en son absence, et exerce face Atossa la fonction de
conseiller; le messager se trouve tout en bas de lchelle sociale comme reprsentant du peuple perse, des guerriers partis.
Aprs le thrne officiel et avec larrive de Darios, la hirarchie
se modifie compltement: malgr son ignorance initiale du
dsastre, Darios est le bon conseiller dont on attend le seul
secours possible pour la Perse; le chur, incapable de remplir
sa fonction et de lui dlivrer le message quil attend, doit cder
la place Atossa, qui prend donc la deuxime position; pourtant, ce mme chur reoit de Darios la consigne daller recevoir Xerxs et de lui adresser des reproches. Cest donc Xerxs
qui, dans lexodos, se trouve tout en bas de cette hirarchie, de
sorte que le reproche voil que lui adressait le chur dans la
parodos devient un blme rel et direct dans lexodos.
Mtrique et tropos
La mtrique des churs comme des dialogues est elle-aussi en
interaction avec ce mouvement du tropos, mais la technique
dEschyle interdit de sattendre de simples correspondances
mtriques: le mouvement du drame consistant inverser la
position des personnages, les changements de mtres sont aussi rvlateurs que le retour du mme mtre. Ainsi, alors que
le dialogue puis la stichomythie en ttramtres (EE et FF) se
198

retrouvent lidentique, le sens de lchange sinverse: alors


que le chur se voulait bon conseiller, Darios rvle dans la
squence correspondante quil est lui-mme le seul conseiller efficace, relguant le chur parmi les mauvais conseillers,
tandis que le paralllisme entre les deux stichomythies met en
vidence le renversement de situation, et le contraste entre la
victoire dAthnes et le dsastre perse. A linverse, la correspondance entre une unit en ttramtres et une unit en trimtres (CC) semble confirmer lide que les ttramtres trochaques sont associs la grandeur perse: le chur sen sert
pour accueillir Atossa lors de sa premire entre, mais la reine
annonce en trimtres quelle part prparer laccueil de Xerxs
en allant chercher des vtements neufs: le changement mtrique entre deux units de fonction parallle fait ressortir la
perte de grandeur qui marque le retour de Xerxs en haillons,
comme le prfigurait le songe. A linverse, lannonce du dsastre par le messager se fait en trimtres, alors que lannonce du
mme dsastre par la reine Darios a lieu en ttramtres, un
changement mtrique qui concide avec la diffrence de statut
entre les deux locuteurs.
La correspondance entre la parodos et lexodos est loquente du point de vue des mtres: lon pourrait tre tent de
privilgier le paralllisme mtrique entre la parodos anapestique
et lyrique (ioniques + troches) et lexodos, le kommos final
mlant anapestes lyriques et ioniques. Mais linteraction, qui
dtermine ce que le public entend le plus fortement, ne va pas
dans ce sens. En effet, si la dnonciation implicitement prsente dans la parodos anapestique est explicite dans lexodos,
en revanche, les ioniques (suivis de troches) qui servent reprsenter la Perse sous le gouvernement de Xerxs semblent
sopposer, non aux ioniques de la fin, mais aux dactyles (mls
diambes) qui accompagnent, dans le 3me stasimon, lvocation
de la toute-puissance de lempire perse aux temps glorieux de
Darios. Le changement de mtre est un lment du contraste
entre la Perse actuelle, condamne par lhybris de son roi, et caractrise par les ioniques, un mtre quEschyle aime associer
des situations de transgression, et lvocation de la bonne Perse sous le gouvernement de Darios, associ aux dactyles, donc
lhorizon des valeurs grecques. De ce fait, les ioniques, attendus par le public dans la reprsentation de lOrient, sont partie
prenante dune condamnation de la Perse actuelle, alors que les
dactyles participent de la valorisation de la politique de Darios:
199

48. Les commentateurs


se sont longuement
interrogs sur le silence
dAtossa, et ont souvent
propos des interprtations
psychologiques, cf.
Broadhead 1960, xli-xlii;
Taplin 1977, 87. Michelini
1982, 29-33, considre
que le silence dAtossa
tait attendu par le public,
parce quil tait normal
que le chur sadresse le
premier lacteur, de telle
sorte que seule la prsence
dune justification serait
surprenante. Garvie 2009,
144, comprend cette
excuse comme le signe
dun problme: Atossas
excuse for her silence
suggests that A. himself felt
that there was something
unnatural about the
technique, et en conclut
que lintroduction du
deuxime acteur aurait pu
avoir lieu quelques annes
avant la reprsentation
des Perses. Toutefois,
cette justification devient
ncessaire si le kommos
engag par le chur nest pas
la raction attendue, mais un
dysfonctionnement auquel
lintervention dAtossa met
fin.
49. Taplin 1977, 100-103,
y repre notamment un
couple de mirror scenes.
Le fait que les deux acteurs
ne conversent jamais en
mme temps que le chur
a t presque unanimement
considr comme un
trait darchasme, li la
nouveaut de la technique
des deux acteurs. Cf.
Thomson 1966, 167:
clearly, the dramatist has
not yet learnt to manage
a dialogue in which the
two actors and the chorus
converse together; voir
pour le rejet de cette analyse
Conacher 1996 ou Garvie
2009. Voir aussi Amendola
2006 pour le rle respectif
de la reine et du chur.

transpose la Grce, cette opposition pourrait se traduire comme un avertissement sur les dangers dun imprialisme excessif,
par opposition lquilibre attribu lempire de Darios grce
quelques ellipses historiques.
Cette opposition permet de comprendre autrement la
correspondance entre les deux kommoi pirrhmatiques, qui,
elle non plus, ne se superpose pas un cho mtrique: le premier est en dochmies fortement irrguliers et mls de rythmes divers, le second en ioniques. A premire vue, on pourrait
penser que cest simplement la hirarchie qui se renverse, et
que le chur prend la parole pour suppler aux fonctions de la
reine incapable de parler48, donc en position de faiblesse, dans
le premier, alors que dans la scne correspondante, lincapacit
du chur parler pousse la reine prendre le relais. Tous
les commentaires soulignent cette inversion de rle entre le
chur et la reine, mais les justifications proposes sont assez
disparates49. Lon peut toutefois remarquer, bien que le schma propos plus haut nen tienne pas compte, que le premier
kommos est immdiatement suivi dune demande de catalogue par la reine, de mme que le second kommos se termine
sur la demande dun catalogue par Darios50.
En effet, aprs lannonce du dsastre par l, le
kommos qui sengage a tout dun faux dialogue51 : le chur,
bien quil reprenne dans chacune de ses strophes lun des termes utiliss par le messager, vite toute rponse directe, mais
tente une esthtisation de la plainte dans la concomitance, avec
un ancrage dans le hic et nunc, de telle sorte que chaque rplique du chur est marque par un dcrochage par rapport
aux rpliques du messager52. A lannonce que larme perse
est dtruite de fond en comble, le chur amorce la plainte
(strophe 1) en sadressant aux Perses, dont il est le reprsentant, la 2e personne, et se met en scne lui-mme dans sa
raction au moment o il apprend la nouvelle, avec le participe prsent , qui porte le focus53: ,
(258-9). Le messager amorce
sa nouvelle rplique (260, ) par une reprise de la modalit exclamative
dj prsente dans sa premire rplique, avec un , tandis
que le semble renouer avec ses propres paroles autant que
rpondre celles du chur54. Le messager ajoute une information sur le caractre inespr de son propre retour (261,
), qui oppose
200

son je la mise en scne du chur dans la plainte. Le chur


poursuit dans lantistrophe le mme jeu que prcdemment,
mais le pousse plus loin en ajoutant la mention de son statut de vieillard qui accrot sa peine dapprendre la nouvelle,
tandis que linfinitif vient remplacer , et
que se substitue (262-265, ,
). La reprise de ladverbe , qui
marquait le caractre inespr du retour du hraut, travers
ladjectif , appliqu au dsastre dautant plus faussement que le chur en avait dj eu le pressentiment dans
la parodos, de mme que la reine travers le songe, fait pleinement apparatre le dcrochage entre les deux discours, celui
du messager tendant dlivrer une nouvelle, tandis que celui
du chur convertit immdiatement linformation en plainte
ancre dans le hic et nunc de la douleur.
La squence suivante de lchange est amorce par un
du messager, qui marque une rupture avec ce qui prcde
et introduit un autre sujet, en insistant sur la qualit du rapport,
puisque le messager ne rapporte pas les faits par ou-dire, mais
en qualit de tmoin oculaire (266-7). Le chur rpond en dtachant sa plainte des paroles du messager par un qui
sera repris dans lantistrophe. Le dcalage entre le discours et la
plainte nest plus du mme ordre dans ce second couple strophique: la strophe introduit une gnralisation de lentreprise perse
dans son inutilit, tandis que lantistrophe rpte les paroles du
messager en employant la 2e du singulier (), mais transforme la nouvelle du dsastre de Salamine en tableau esthtis
des guerriers noys. Le procd de glissement est similaire ce
qui constitue la rgle du jeu dans un banquet: rinterprter un
thme dune manire lgrement diffrente55.
Dans la troisime partie du kommos, le messager tente
de revenir la ralit en ajoutant des explications (, 279),
puis glisse dans la plainte selon le mme mode que le chur,
dans sa dernire rplique (284-285):

, .

La diffrence dnonciation est sensible dans la modalit exclamative (), linfinitif exclamatif prenant,
par glissement de sens, le sens quavait lcho /
201

50. Voir le schma propos


en annexe 4.
51. Ce type dchange
pirrhmatique est
massivement considr
comme une forme
caractristique des
premiers stades de la
tragdie, et remontant
aux origines du genre,
comme le seul mode
dinteraction entre le
chur et lacteur qui
aurait exist initialement,
cf. Kranz 1933, 14-15;
Taplin 1977, 85-7. Garvie
2009, 143, souligne au
contraire la libert de
choix dEschyle, qui aurait
tout aussi bien pu ne
pas introduire de forme
pirrhmatique avant le 1er
stasimon: la fonction de
ce choix serait de provide
a contrast of mood with
that of the rest of the
scene, tout en anticipant
lchange entre le chur et
Xerxs dans lexodos.
52. Cf. Garvie 2009, 148,
propos de ce dcrochage:
The messenger rarely
seems to take account of
the Choruss contribution
(), and the Chorus
likewise picks up the
precise words of the
Messenger only at 265 and
283 .
53. Wilamowitz proposait
la correction de laccent en
pour obtenir
une forme daoriste,
mais le participe prsent
montre bien lenjeu de la
concomitance qui domine
la plainte du chur: son
principal souci est sa propre
douleur davantage encore
que le sort de larme,
le dysfonctionnement
tenant prcisment cette
omniprsence du hic et nunc.

54. On trouve une autre


explication chez Denniston
143: When is first
word in an answer, does
double duty, both assenting
and qualifying , mais
ici la situation est perturbe
par lcho la rplique
prcdente du messager.
55. Cette manire de
reprendre des termes,
mais en dformant le sens,
est un refus dentendre,
exactement selon le mme
procd que ce mme
chur reprochera Xerxs
la fin de la tragdie.
Toutefois, si lerreur du
chur est dnonce par
la forme de la tragdie, en
particulier par les reproches
de Darios qui suggre que
la faute de Xerxs vient
de mauvais conseillers
semblables aux mauvais
conseillers quont t les
vieillards auprs de la reine,
aucun endroit elle nest
punie: le chur change
de fonction dune partie
lautre, et aprs avoir t
le mauvais conseiller de
la reine Atossa, devient le
dnonciateur des fautes
de Xerxs dans lexodos.
Cette invulnrabilit
du chur pourrait tre
une reprsentation du
systme de ladministration
perse qui, on le sait,
tait norme: les vieux
dignitaires du chur font
un peu figure de dinosaures
qui meurent crass par
leur propre poids.

du chur dans le premier couple strophique, au lieu


du sens de tmoin secondaire quavait dans la bouche
du messager en 266. Ce dernier a pour la premire fois recours
une interjection (), tandis que le qui introduisait,
dans ses deux premires rpliques, le malheur des Perses, sert
ici la mme mise en scne de sa douleur que dans la plainte
du chur ( ), et devient un commentaire, au prsent, de ce quil est en train de faire. Le messager se convertit
donc la concomitance dans la plainte, laquelle il avait rsist jusque-l. Ce glissement est aussitt confirm par le chur,
qui, de mme que dans la strophe il avait repris le
(279) en (284), reprend dans lantistrophe (285) par (287), ainsi que le
exclamatif, qui cre un cho entre strophe et antistrophe.
Lintervention de la reine ce point pourrait alors tre motive moins par la fin du kommos, que par une raction au fait
que le messager, en se laissant entraner par le chur, vient de
sortir de sa fonction: la demande dun catalogue des morts est
une manire de le rappeler lordre.
Lanalyse du glissement entre le discours du messager et
la plainte du chur fait donc apparatre un dysfonctionnement parallle celui quon ne peut manquer de constater
dans le second kommos, o le chur admet explicitement
tre pris en dfaut: loin de remplir correctement sa fonction
et dentonner le thrne officiel sur la Perse lendroit o il
tait attendu, comme on le pense gnralement56, il bloque
au contraire linformation, et il faut lintervention de la reine
pour que le contenu du message soit dlivr loisir. A deux
positions correspondantes dans le mouvement du tropos, le
chur, deux reprises, fait donc obstruction, et le kommos
pirrhmatique devient la marque dune structure dialogique
qui choue, de telle sorte que le catalogue des morts dans
un cas, le katalegein consistant annoncer le dsastre dans
lautre, se trouvent retards. Or ce retard est lun des enjeux
que la parodos a poss, en mme temps que la dfinition de
la voix du chur: lobstruction, volontaire ou non, pratique
deux reprises par le chur, nest quune figure du refus de
superposer un catalogue la forme tragique, une tape supplmentaire dans le parcours tragique qui est celui du chur.
La mtrique confirme le fait quil sagit bien, de part et
dautre, dune dnonciation du chur des vieux conseillers de
la part du dramaturge. Dans le premier kommos, les dochmies
202

marquent le dcalage de la raction du chur, qui nutilisera


pas ce mtre dans le thrne officiel, par rapport la situation:
ces strophes domines par les dochmies expriment une plainte
toute personnelle, un thrne prmatur entonn en son nom
propre, un moment o un thrne officiel nest pas possible,
puisque le rcit du dsastre na pas encore eu lieu. Les dochmies sont donc traits, ici comme dans la parodos des Sept
contre Thbes, comme un mtre permettant une expression
incontrle de la douleur dans la concomitance, dans lancrage immdiat du hic et nunc. Dans le second kommos pirrhmatique, ce sont les ioniques qui opposent le chur aux
ttramtres trochaques de Darios, un mtre que le dbut du
drame a pos comme celui du semnon, de la majest. Mais les
ioniques ont eux-mmes t marqus, ds la parodos, comme
le mtre associ la Perse sous le gouvernement de Xerxs,
lhybris et la transgression. Ce glissement fonctionne donc
comme une forme de dnonciation du chur, qui, avec lapparition de Darios, bascule du ct de la mauvaise Perse
du prsent. Les ioniques et les dochmies se trouvent des
positions correspondantes, parce quils sont les deux rythmes
qui, dans la tragdie, fonctionnent comme un ancrage dans
le prsent, alors que les dactyles utiliss par le chur pour
chanter la bonne Perse de Darios ont au contraire pour fonction de crer un dcrochage du pass comme pass hroque
dsormais inaccessible et dtruit par le prsent.
Or le problme du rcit sur le pass immdiat ou sur
le prsent est au cur de la tragdie, et en constitue peuttre le sujet principal. Lcho fonctionnel, des positions
correspondantes, entre le catalogue rclam par la reine et le
catalogue rclam par Darios insiste donc sur une manire
spcifique de crer un lien avec le pass. Dans le premier cas,
aprs avoir obtenu du messager un catalogue des morts, la
reine lui demande de revenir en arrire (
, 333), en dautres termes
de faire une analepse, un geste qui correspond la resurgie de lombre de Darios du pass, du monde des morts. De
mme que le messager namorce son rcit quune fois que le
catalogue a scell la mort des guerriers perses, de mme le
rcit de la reine est un retour en arrire, puisquil nest que
la reprise dun autre rcit concernant des morts, adress qui
plus est un mort, donc tourn vers le pass: toute situation
de concomitance est ainsi vite.
203

56. Cf. Conacher 1996,


16-17: surely it is
appropriate that, at the first
bleak announcement of the
disaster, the emotional effect
upon the Persian people
should be expressed at once
and this only the Chorus
can do. When the Queen
Mother speaks, her concern
must be personal. Garvie
2009, 144-145, qui cite
cette remarque, considre
que la justification de la
prise de parole successive
du chur puis de la reine
se trouve dans des raisons
de structure, puisqu
chaque tape du drame, la
tragdie de Perse intervient
en premier, et la tragdie
personnelle de Xerxs
seulement en second: It
is, then, inevitable that
the Chorus, representing
Persia, should be the first to
respond to the Messenger.
Michelini 1982, 35-7,
considre que le retour aux
trimtres iambiques lors de
la prise de parole dAtossa
marque le passage de la
lamentation au discours
rationnel.

57. Cest le mme


processus qui permet
Dmosthne de faire des
Marathonomaques des
hros, non seulement en
ce quils se sont battus
hroquement, mais parce
quau 4me sicle, la bataille
de Marathon est devenu
une poque hroque, que
lon peut dj comparer
au prsent comme
appartenant au monde du
pass.

Le qui forme le centre a donc une forte valeur


symbolique, et sa rcurrence de part et dautre du thrne officiel oriente la comprhension de la pice: lensemble du drame
des Perses est ainsi dsign comme un symbolique,
une offrande aux morts des Athniens, ce qui vaut Eschyle
de remporter la victoire. Or la reprsentation des Perses a lieu
en 472, lanne de la mort de Phrynichos, et reprend un sujet
dj trait par ce pote: le drame pourrait bien tre une raction cette mort. Bien que lon nait conserv aucune tragdie
de Phrynichos, on a conserv la mmoire de son chec lors
de la reprsentation dune autre tragdie historique, la Prise
de Milet (Miletou Halosis), parce quen mettant en scne le
dsastre inflig par les Perses une ville allie dAthnes, et
que les Athniens auraient d secourir, il aurait provoqu les
larmes de tout le public, sexposant une amende de mille
drachmes (pour avoir rappel les malheurs du peuple). En 476, Phrynichos tente une
seconde fois, mais avec succs, de parler du prsent historique
avec les Phniciennes, qui met en scne les lamentations des
femmes de Sidon sur le dsastre perse Salamine. Tout se
passe comme si, lanne de sa mort, Eschyle adressait son
an Phrynichos une leon sur la manire de parler du prsent
dans une tragdie. Le tropos spcifique ce drame a pour effet
de transformer la description de la guerre relle, une ralit
historique, en un discours tragique, cest--dire tout la fois
en un reenactment du pass, et dun pass hroque, celui des
anctres, et en une relecture du prsent. Phrynichos semble
avoir pens que le discours tragique tait simplement un passage du bonheur au malheur: les larmes suscites par sa tragdie seraient ainsi la consquence dune tentative de dcrire
le prsent par une concomitance, une expression immdiate
de la douleur, ancre dans un hic et nunc quvite absolument
Sappho, et quelle dnonce comme inconvenant. Le choix
dEschyle, qui fait de Darios le bon roi du pass et de Xerxs
le mauvais roi du prsent, na aucune justification historique:
Darios a t vaincu Marathon comme Xerxs Salamine, il
a aussi franchi lHellespont avec un pont de navires. En revanche, ce choix a des raisons esthtiques : il permet de reprsenter le prsent historique sous le regard des anctres, des
hros, et de modifier ainsi la perspective pour le public57. Si le
rcit sur les morts de Salamine est dabord une analepse dans
la bouche du messager, cest lombre de Darios que revient
204

dadresser la leon dEschyle Phrynichos: le rcit fonctionne


une fois quil a pour sujet des morts et pour destinataire des
morts, ce qui introduit une distance qui le rend supportable
au public athnien. Or ce mort pouvait apparatre au public
comme une figure de Phrynichos, quEschyle ferait ainsi,
dune certaine manire, revenir de sous terre pour sadresser
lui-mme une leon, lintrieur dune tragdie qui russit
l o il a dabord chou. Cette thorisation par le tropos de
ce que faisait dj Pindare trouve des quivalents modernes
dans le no-structuralisme, avec lide qucrire, cest mourir,
ainsi que dans une certaine potique, celle de Georges Bataille
en France, qui affirme qucrire, cest coucher avec les morts,
puis de Klaus Theweleit en Allemagne, qui, sintressant galement la gense, au processus de production, montre,
propos du pote Benn quil traite comme une figure dOrphe, quun pote a besoin dun correspondant aux Enfers,
ce qui nest autre quune image de la tradition.
Aristote et la forme comme mouvement
Bien que les lectures modernes de la Potique naillent que
rarement dans ce sens, il semble que cette conception de
la forme comme mouvement selon le modle du tropos ne
soit pas trangre Aristote. La classification des parties
de la tragdie sur laquelle se fondent la grande majorit des
tudes modernes drive tout entire du chapitre 12 de la
Potique (1452b, 14-27), bien que lcart entre cette classification thorique et la composition effective des tragdies
conserves ait pu faire douter de lauthenticit du passage
en question58. Dans un appendice consacr la critique de
ce passage dAristote, O.Taplin59 ne trouve pour aucun de
ces termes, non plus que pour les dfinitions proposes,
dantcdent convainquant qui atteste dun emploi identique. En Potique, 1455b24-29 (Ch.18), Aristote dcrit en
effet la forme dune tragdie selon trois termes, , et . R.Dupont-Roc & J.Lallot proposent
de traduire par nouement , par dnouement , et considrent quil faut y voir deux parties ; or
prcisment, le terme de mouvement indique
entre les deux non seulement un passage, mais plus encore
un renversement, un tournant.
205

58. Dupont-Roc &


Lallot 1980, 236,
argumentent en faveur de
lauthenticit du passage,
en invoquant la possibilit
dune rigidification de la
pratique dans la technique
de la tragdie pendant les
deux ou trois gnrations
qui sparent Aristote des
tragdies conserves par
nous: Aristote donnerait
ici une liste de formes
pures arranges selon une
symtrie idale, quaucune
tragdie relle ne saurait
respecter absolument.
59. Cf. Taplin 1977, 471475. Il privilgie pour sa
part lanalyse des entres et
des sorties pour dterminer
la structure dune pice,
cf. 54-55.

Aristote, Potique, 1455b24-29 (Ch.18)


, ,
,


,

Toute tragdie se compose dun nouement et dun dnouement;


le nouement comprend les vnements extrieurs lhistoire et
souvent une partie des vnements intrieurs. Jappelle nouement ce qui va du dbut jusqu la partie qui prcde immdiatement le renversement qui conduit au bonheur ou au malheur,
dnouement ce qui va du dbut de ce renversement jusqu la
fin. (Traduction de Dupont-Roc & Lallot)

Un autre passage, au chapitre 7 cette fois (Potique


1451a3-15), utilise le verbe dans le mme
contexte, et dfinit la taille souhaitable pour une tragdie selon des critres organiques, par un rapprochement avec les
proportions des tres vivants:
Aristote, Potique, 1451a3-15 (Ch.7)
()
,
, ,
.
<>

, ,
.
,

,


, .
Ainsi de mme que les corps et les tres vivants doivent avoir une
certaine tendue, mais que le regard puisse embrasser aisment,
de mme les histoires doivent avoir une certaine longueur, mais
206

que la mmoire puisse retenir aisment. La limite fixer la longueur en fonction des concours et de la perception ne relve pas
de lart; car, sil fallait jouer cent tragdies, on les jouerait contre
la clepsydre, comme on la fait, dit-on, une fois ou lautre; mais
pour la limite, disons que ltendue qui permet le renversement
du malheur au bonheur ou du bonheur au malheur par une srie
dvnements enchans selon la vraisemblance ou le ncessaire
fournit une dlimitation satisfaisante de la longueur.

La longueur idale dune tragdie nest pas fixe en


fonction de critres extrieurs, possibilit rejete par Aristote
avec une plaisanterie il imagine la reprsentation comme
une course la clepsydre , mais au contraire par une forme
qui implique un retournement. La bonne longueur est donc
celle qui permet ce retournement () de
prendre place, tandis que ses proportions doivent tre dfinies en fonction de ce qui peut tre embrass dun seul regard
() et de ce qui peut facilement tenir dans la mmoire (). Le tout est dfini par la prsence
dun dbut, dun milieu et dune fin, qui ne sont pas dtermins au hasard et par leur seule position, mais prsentent une
cohrence organique, selon un modle dvelopp propos de
la beaut ( ) dans les paragraphes suivants60.
Or ces critres organiques en ce qui concerne la longueur et le rapport entre les parties sont prcisment les mmes quAristote emploie dans la Rhtorique cette fois, pour
opposer au style sriel, catalogique, quest l, le style
boucl de la priode, quil appelle la .
Aristote, Rhtorique, 1409 a36-b6


. (1)
,
,
,
(4) ,
(5) ,
. (6)

207

60. Cf. Potique 1450b241451a3 (Ch.7).

Le style boucl est celui qui est compos en priodes; jappelle


priode une phrase qui a un dbut et une fin en elle-mme,
et une tendue quon peut embrasser dun seul regard. Une
telle phrase est agrable et facile comprendre, agrable parce
quelle est le contraire de ce qui na pas de limites, et parce
que lauditeur a toujours limpression de tenir quelque chose
de conclu en soi, et quil est dsagrable de ne rien voir par
avance et de ne rien achever; elle est facile comprendre parce
quelle est trs facile mmoriser, et cest le cas parce que le
style priodique possde un nombre, qui est la chose la plus
facile retenir. Cest pourquoi aussi tout le monde retient les
vers mieux que la prose; en effet, ce qui est compos selon des
mesures a du nombre.

61. Cf. Steinrck 2004,


113 : Der Rundweg
Periode ist bersichtlich
(), weil er
mglichst eng um die
Zielmarke ()
luft. Aber auch dieses
schne Bild von der
Periode als Rundlauf
im Stadion hat kein
klares Gegenbild in der
. Denn wo die
Periode dank ihrer Lnge
der (auf die wir
noch zurckkommen)
und damit, wie im selben
Kapitel gesagt wurde,
dem reihenden Stil
hnlich wird, verlassen wir
keineswegs das Bild vom
Stadionslauf. Der Lufer
dieser Quasi-
zieht nur einen weiteren
Kreis um die Wendemarke
als ein Periodenlufer. Die
anderen Lufer aber sind
das Publikum, das sich bei
einem weiten Kreis um
die Marke von dem Text
entfernt, nicht mehr weiss,
wo die Mitte ist, und nicht
mehr mitkommt.

La priode, caractristique de la , est dfinie, exactement comme la tragdie,


par le fait quelle possde un dbut et une fin en elle-mme.
Lexpression implique le mme type
dopposition que dans la Potique: le dbut et la fin sont dtermins par une ncessit interne et ne dpendent pas du hasard
de leur position. Les termes employs pour caractriser la bonne longueur () sont encore les mmes adjectifs que
pour la tragdie (Potique 1451a3-5): 61, que
lon peut embrasser facilement du regard, et facile conserver dans la mmoire. Or, pour illustrer le
mouvement de la priode, Aristote utilise ensuite une image,
la comparaison avec la course double, le , au stade,
o le coureur doit parcourir deux longueurs et tourne au centre autour dune borne appele 62.
Aristote, Rhtorique 1409a 1409b
(25)
,
,
. (27)

(
, ) (30)
,
<> . (32)


208


. .
(25) Le style est ncessairement soit sriel, et ce par la seule conjonction, comme les prludes instrumentaux dans les
dithyrambes, soit boucl et semblable aux antistrophes des
anciens potes. (27) Le style sriel est le style ancien, Voici
lexpos de lenqute historique dHrodote de Thourioi(en
effet, tout le monde lutilisait primitivement, mais aujourdhui
rares sont ceux qui sen servent); (30) jappelle sriel le style
qui na pas de fin en soi, moins que le contenu nonc ne
soit termin. (32) il ne produit pas de plaisir, car il nest pas
dlimit; or tout un chacun dsire voir nettement le terme;
cest pour cette raison prcisment que les coureurs lorsquils
parviennent la borne expirent et se relchent: tant quils ont
la limite devant les yeux, ils ne diminuent pas leur effort avant
de lavoir atteinte. Tel est donc le style sriel.

Limage du stade permet donc de dcrire lopposition entre deux formes, caractrises par deux types de mouvement,
deux manires doprer le virage central63. Celle de la priode
est illustre par le moment o un coureur, dans la course double o il doit parcourir deux longueurs, fait son virage aussi
serr que possible autour de la pierre pose au milieu de son
parcours, le , meta en latin. Cest ce mouvement
de repli brusque qui fait ressentir le centre au coureur comme
aux auditeurs de la priode. Cest aussi ce virage, ce tournant,
qui fait ressentir lunit dune phrase, comme celle de la priptie dans un rcit. Aristote illustre lautre forme, qui tire
son nom de la production de colliers, lenfile, ,
series en latin, par la mme image : le coureur dcrit galement un cercle, mais son virage est si long, si doux, que ni
le coureur ni le public ne savent jamais o ils en sont dans
le texte. Or, la description quAristote propose pour la forme
de la tragdie est exactement lquivalent, dans une perspective narratologique, de celle du qui sert de modle
la forme de la priode. Le tournant ou retournement central ( ou
) jouerait dans cette forme le rle du centre dans
une structure annulaire, que lon peut dsigner du nom de
tropos, parce que les chos sont plutt des inversions que des
rptitions. Cette forme, comme celle de la priode, prsente
209

62. Limage de la course


au stade a t comprise
diffremment par Fowler
1982, 8999, qui y voit
seulement une course
sur une longueur, avec le
comme but,
plutt que le
o le virage entre les deux
longueurs se fait autour
de la borne. Zehetmeier
1930, 192-208, y voit aussi
la borne finale, parce quen
termes de performance
sportive un bon coureur ne
se relche jamais. Mais cette
faon de voir rend absurdes
tant le terme de course au
stade que la comparaison
avec une priode qui passe
trop loin de la borne, dans
laquelle le milieu nest pas
perceptible, parce que le
virage nest pas
assez serr. Cf. Steinrck
2004, 113, n.8 : Der
Lufer gnnt sich erst
eine Pause, wenn er die
zweite Hlfte berschaut,
d. h. wenn er um die
Wendemarke herum ist.
() Der Leser/Hrer und
der Lufer wissen, dass sie
in der Mitte sind, weil es
Marken gibt. Lauteur
rappelle que Nestor avait
dj utilis cette image en
Iliade 23,306348, pour
reprsenter la victoire
la course de char, dans
une structure annulaire,
cf. Lohmann 1970, 15
sqq. Voir aussi Fleming
2006, 95-105, ainsi que
Chiron 1999, 103130, en
particulier 112 et 123.

63. Voir, propos des


deux manires de prendre
le virage, Aristote,
Rhtorique 1409b17:



. (18)



( ,



,
,


)
(22)
,



() (). Il faut que les


cla comme les priodes ne
soient ni tronqus ni trop
longs. Lexcs de brivet
fait souvent broncher
lauditeur (de fait il est
invitable que, chaque
fois qualors quil slance
encore vers lavant, le mtre
dont il a toujours la mesure
en lui change parce que la
phrase sest arrte, quil
trbuche pour ainsi dire
cause du choc contraire).
Quant aux membres trop
longs, ils forcent rester en
arrire, comme les coureurs
qui en prenant un virage
dvient de la borne : ils
laissent derrire eux, eux
aussi, leurs compagnons de
route ().

une unit dont les parties ne sont ressenties comme telles que
dans leur mouvement par rapport au centre, selon quelles adviennent avant ou aprs le tropos, ce qui affecte leur structure
et en dtermine la spcificit.
Le rapprochement des deux textes incite voir dans ce
passage non une division binaire en deux versants, entre lesquels se trouverait une frontire jouant le rle de point de division64, mais une description de la forme de la tragdie comme
un parcours en trois temps, ou plutt trois mouvements de
dure ingale : un aller, un tournant (ou revirement), et un retour. Limage se trouve dj dans lAgamemnon dEschyle, dans
la bouche de Clytemnestre (344,
), comme image de la tradition boucle qui caractrise le chur, par opposition au catalogue; elle vaut la
fois pour le style du muthos, la tradition homrique dont la priode est lun des visages en prose, et pour la forme de la tragdie
telle que la pratiquent Eschyle, Sophocle et Euripide.
Ce parcours pourrait correspondre au passage dcrit par
Aristote entre et , certains personnages ou
churs dcrivant simultanment le parcours inverse, comme
dans le double parcours invers des Sept contre Thbes. Laction
est donc redouble par une seconde action dans la voix du
chur et des personnages, chacune se trouvant gnralement
associe une ou plusieurs traditions potiques, de telle sorte
que lvolution dune forme potique une autre constitue
un second niveau de laction. Cette lecture de la forme peut
tre associe une comprhension de la katharsis tragique
comme drive de , et indiquant un certain dosage, un mlange comme celui de leau et du vin. Cest en ce
sens quil faut comprendre le tropos dans cet quivalent du
banquet dmocratique quest la tragdie, en particulier dans
les tragdies dEschyle: la situation initiale, ainsi que son dploiement dans le premier mouvement de la tragdie, constitue lquivalent dun certain dosage entre leau et le vin. Ce
dosage correspond un rapport de forces, une hirarchie des
pouvoirs. Durant le premier mouvement, le dosage volue,
mesure que la matrise (ou la non matrise) de chacun se dploie, jusqu parvenir, lors de cette victoire symbolique quest
le centre, un point dquilibre ou les deux composantes parviennent galit, les deux forces une stasis. Une fois pass le
centre, le rapport initial commence sinverser, une inversion
qui atteint son terme la fin de la tragdie. On pourrait donc
210

transposer les notions aristotliciennes de et


dans une autre image, celle de la tension et de la dtente dun
arc (Homre emploie limage de larc ), le centre
correspondant au moment o la flche est lche, ce qui ramne larc la position inverse.
Conclusion
Cette confrontation des Sept contre Thbes et des Perses selon
une approche de la forme comme mouvement permet donc
de proposer un modle de lecture des tragdies dEschyle
centr sur linteraction entre pote et public lors de la performance, et qui pourrait avoir dj t thoris par Aristote. Lopposition entre le domaine du logos et celui des erga
caractrise la technique dEschyle par opposition celle des
autres tragiques : une victoire ne peut tre obtenue, dans
cette esthtique, quau centre, alors quon se situe encore
dans le domaine du logos; lentre dans le domaine des actes
amorce un reflux dans lequel la victoire change de sens et na
plus la possibilit dtre univoque. Le parcours de chaque
personnage ou chur cre un mouvement qui sinverse au
centre du drame, en interaction avec la mtrique des churs
comme des dialogues. Enfin, pour chaque tragdie, le dramaturge adapte donc son registre formel et utilise une forme
en accord avec les traditions potiques en tension qui doublent laction tragique.
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211

64. Dupont-Roc Lallot


1980, 291-292, considrent
lensemble du passage comme
une dfinition dcompose
en deux temps, dont seul
le second se prsenterait
explicitement comme
dfinition ( ...,
jappelle). Le second
temps commence selon
eux par la dfinition de la
frontire entre nouement et
dnouement par rfrence au
renversement (metabasis),
situe avec une prcision
surprenante au point
de laction o samorce le
renversement, ce qui soulve
dans leur commentaire
la question de savoir si ce
point est toujours clairement
identifiable. Pour voir dans
la description dAristote
lopposition de deux versants
uniquement, ils doivent
prciser que le renversement
se situe tout entier dans le
dnouement, et, en fin de
compte, se confond avec lui.

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Persians, A.J.Ph. 101, 1980.
WestM.L., Studies in Aeschylus, Teubner, Stuttgart, 1990.
Wilamowitz-MoellendorfU.v., Aischylos: Interpretationen,
Berlin 1914.
ZehetmeierJ., Die Periodenlehre des Aristoteles, Philologus 85, 1930, 192-208
ZeitlinF., Under the sign of the shield, Semiotics and Aeschylus
Seven against Thebes, Rome, 1982.

Recebido em agosto de 2012


Aprovado em maro de 2013

214

Annexe 1. Conspectus metrorum des Sept contre Thbes


1-77

prologue

Organisation de la dfense
Univers masculin dordre

Tirade dEtocle
Rapport de lespion
Invocation aux dieux

78-181

parodos

Affolement des Thbaines

strophicit croissante
dochmies irrguliers, iambes
(concinne, dimtres do- et rythmes mixtes
chmiaques / trimtres)

182-202

tirade dEtocle

Reproches sur les cris et courses

21 trimtres

trimtres iambiques

203-244

kommos pirrhmatique

Le chur ritre la parodos


Reproches dEtocle

strophes dcroissantes

dochmies du chur
3 trimtres detocle

Etocle rduit le chur au silence


avec larme des femmes

stichomythie
forme ronde

trimtres iambiques

Chur Etocle
264-286

tirade dEtocle

Ordres sur le mode de prire

22 trimtres

trimtres iambiques

287-368

1er stasimon

Cit encercle
Affrontement symbolique
Prire aux dieux

1er couple strophique


(3 parties, concinne)

iambes lyriques
6 phrcratiens
refrain olien

245-263

trimtres iambiques

Tableau lirrel de la cit dvaste 2e couple strophique


et du rapt des vierges
(non concinne)

ioniques, choriambes
iambes lyriques

Tableau imagin au prsent du


pillage de la cit

3e couple strophique

dochmies + troches et
lcythes

369-374

Chur

Annonce de lentre de lespion


et dEtocle

3 trimtres
3 trimtres

trimtres iambiques

375-652

Messager-Etocle-Chur

Scne des boucliers

Rcit du messager
Tirade dEtocle
Raction du chur
3 couples strophiques

trimtres iambiques
trimtres iambiques
dochmies, iambes lyriques

653-676

tirade dEtocle

Dcision daffronter Polynice

24 trimtres

trimtres iambiques

677-682

Chur Etocle

Tentative de lcarter du combat

6 trimtres

trimtres iambiques

683-711

kommos pirrhmatique

Etocle pris par la maldiction que


le chur tente de dtourner

2 couples strophiques,
strophes croissantes

dochmies du chur
3 trimtres detocle

712-719

stichomythie

Dfaite du chur (et dEtocle)

forme catalogique

trimtres iambiques

720-791

2me stasimon

Maldiction familiale

5 couples strophiques
1 concinne
2 concinne
3 concinne
4 concinne
5 non concinne

1 ioniques 2 iambes lyriques


+ lcythes
3 iambes lyriques + dactyles
+col. oliens
4 iambes / lcythes
5 iambes lyr. + doch.

792-802

rcit du messager

Salut de la cit

11 trimtres

trimtres iambiques

803-814

stichomythie

Le chur devine la mort dEt.

forme ronde

trimtres iambiques

815-821

tirade du messager

Il y a matire joie et pleurs

8 trimtres (ou 6)

trimtres iambiques

822-831

3me stasimon

prlude anapestique

anapestes lyriques

832-960

3me stasimon

1 triade
strophe antistrophe
pode

iambes syncops, lcythes,


dochmies
iambes syncops

861-873

interpol?

Arrive dIsmne et Antigone

systmes anapestiques

anapestes de marche

Division en demi-churs
Thrne antiphonique

3 couples strophiques
str-ant 2
str-ant 3
str-ant 4

2 iambes syncops +
anapestes
3 iambes lyriques,
lcythes, dochmies?
4 ia. lyr. + ioniques
5 iambes lyriques,
lcythes, , ia rsolus
6 iambes lyriques
ep. iambes lyriques

961-1004 exodos

2 triades
str-ant 5
pode 5
str-ant 6
pode 6
1004-65

Interpol?

Altercation gardes Antigone

systme accentuel non


eschylen

trimtres iambiques

Annexe 2. Conspectus metrorum des Perses


1-64

Parodos anapestique

Dfinition de la voix du Chur


Catalogue des guerriers partis

systmes longs

anapestes de marche

65-139

Parodos lyrique

Dpart de Xerxs avec son arme


Hantise de la dfaite

4 couples strophiques
1 triade msodique

ioniques

1 couple strophique

lcythes (tro / ia?)

140-154

Assemble du Chur

Le chur voit savancer la Reine

systmes courts

anapestes de marche

155-175

Dialogue Atossa Chur Accueil de la Reine


Demande de conseils au Chur

tirade du Chur
tirade de la Reine

ttramtres trochaques

176-214

Le songe dAtossa

Rcit du songe

rcit de la Reine

trimtres iambiques

215-231
232-248

Conseil du chur
Stichomythie

Rites accomplir, confiance


La dmocratie athnienne

tirade du Chur
stichomythie

ttramtres trochaques

249-255

Rcit du messager

Dfaite des Perses

tirade du Messager

trimtres iambiques

256-289

Kommos pirrhmatique

Lamentations du Chur et du
Messager, Reine muette

strophe du Chur
2 trimtres du
Messager

trimtres iambiques
iambes, dochmies...

290-514

Reine-messager
3 rcits

Catalogue des morts (290-330)


Bataille1, Salamine (331-434)
Bataille 2, le (435-477)
Retour (478-517)

demandes de la Reine
3 rcits du Messager
dialogue

trimtres iambiques

515-531

Chur
Reine

Visions nocturnes accomplies


R. dcide loffrande du pelanos

tirade de la Reine

trimtres iambiques

532-547

Prlude anapestique

Hymne Zeus
Thrne des femmes vs hommes

systmes courts

anapestes

548-597

1er stasimon

Thrne officiel sur lAsie entire

3 couples strophiques

dactyles
mtrique olienne

598-622

2e pisode

Recette et offrande du pelanos

25 trimtres

trimtres iambiques

523-632

Prlude anapestique

Demande la reine les libations

systmes courts

anapestes

633-680

2e stasimon

Evocation de Darios

2 couples strophiques
1 triade podique

mtres oliens mls


ioniques

681-693

Darios

Questions au Chur

tirade de Darios

trimtres iambiques

694-702

Kommos pirrhmatique
Darios / chur

Chur interdit, incapable de


strophe du Chur
rpondre au roi, la reine doit prendre 3 ttr. troch. cat.
le relais
antistrophe du Chur

ioniques
ttramtres trochaques

703-714
715-738
739-758

Darios Atossa
Darios Atossa
Darios

Questions / Rponse
Rcit du dsastre
Prdiction de Darios ralise

6 ttr. + 6 ttr.
stichomythie

ttramtres trochaques

759-786

Darios

Catalogue des anctres royaux de


Xerxs

tirade de Darios

trimtres iambiques

787-799
800-842
843-851

Darios Chur
Darios
Chur Atossa

Questions sur lavenir


Prdiction de Darios
Atossa part accueillir Xerxs

dialogue
tirade de Darios
dialogue Chur
Atossa

trimtres iambiques

852-906

3e stasimon

Catalogue des les

1 couple strophique
1 triade

dactyles + troches
quelques lcythes

907-916

Arrive de Xerxs

Souhait dtre mort au combat

1 systme long

anapestes

917-930

Chur

Rprimandes en thrne

systmes courts

anapestes lyriques

931-1077

Exodos

Antiphonie Xerxs / Chur


Catalogue antistrophique des guerriers morts

6 couples strophiques
1 triade

1 anapestes lyriques
2 ioniques, lcythes,
anapestes
3 ia, ioniques, anapestes
4 iambes lyriques
5 ia lyr/phrcratiens
6 ia lyr/aristophanien
7 iambes lyr., anapestes,
troches, dochmie?

A Prologue, discours dEtocle aux citoyens, discours de lespion, prire aux dieux, trimtres iambiques (1-77)
B Parodos, strophicit croissante et dysfonctionnement de la responsio (78-181)
C 1er pisode, tirade dEtocle + kommos pirrhmatique dochmies / iambes + stichomythie + tirade dEtocle (182-286)
D 1er Stasimon: 3 couples strophiques, iambes lyriques + rythmes oliens + touche dioniques + troches (287-368)
E Catalogue des boucliers = 6 couples de tirades, 3 couples strophiques, trimtres / dochmies (369-676)
E Etocle contre Polynice = Etocle chur, kommos pirrhmatique dochmies / iambes + stichomythie (677-719)
D 2me Stasimon: 3 couples strophiques, dominante dioniques + mtres oliens + iambes lyriques + lcythes (720-791)
C 3me pisode, tirade du messager, stichomythie messager / chur, tirade du messager, trimtres iambiques (792-821)
B 3me Stasimon, avec anapestes et responsio strophique, prlude anapestique, thrne, triades en iambes syncops et lcythes (822-960)
A Exodos, thrne final du chur, cortge organis, antiphonie entre demi-churs (matrise de la responsio), iambes lyriques, lcythes, ioniques (961-1004)

A Prologue, hymnes grondants de reproche redouts par tocle en cas de dfaite (1-77)
B Parodos, dysfonctionnement de la voix chorale et perversion de la prire en thrne, le chur comme voix de lErinys (78-181)
C 1er pisode, les femmes ennemis du dedans menaant la cit, rduction du chur au silence par la forme ronde (182-286)
D 1er Stasimon: fausses prophties du chur (287-368)
E Catalogue des boucliers = 1e structure annulaire cur double (369-676)
E Etocle contre Polynice = 2e structure annulaire cur double (677-719)
D 2me Stasimon: le chur dchiffre laction de lErinys familiale depuis la transgression de Laos (720-791)
C 3me pisode, Etocle ennemi du dedans dont la mort assure le salut de la cit, le chur rduit au silence le messager (792-821)
B 3me Stasimon, le chur retrace laction de lErinys, larbitrage de ltranger de Chalybe et la maldiction accomplie (822-960)
A Exodos, thrne final du chur, l dEtocle (961-1004)

Annexe 3. La forme cur double des Sept contre Thbes

A. Catalogue des guerriers vivants, attaque voile de Xerxs, (1-64)


B. Traverse de lHellespont, de Xerxs et de son arme (65-139) + conseil du Chur sur le sort de Xerxs, arrive dAtossa (140-154)
C. Accueil dAtossa, demande de conseils, offre de conseils du Chur (155-175)
D. Songe dAtossa, vtements de Xerxs (176-214)
E. Le Chur conseille une offrande Darios, la reine ne se fie qu lui comme interprte et conseiller (215-231)
F. Stichomythie sur Athnes, cit o la loi est roi (232-248)
G. Arrive du Messager, annonce du dsastre (249-255)
H. Kommos, le Chur chante, la Reine reste muette (256-289) puis rclame un catalogue, (290-330)
I. La reine rclame un rcit en analepse, (331-352)
a. Double rcit de la bataille, ... | + pan des Grecs (353-434)
b. Xerxs assiste la mort ignominieuse des Perses Salamine et dchire ses vtements (435-477)
c. Le retour, (478-517)
J. La reine va chercher le pelanos (515-531)
K. Thrne des femmes et des hommes sur la cit (532-547), puis sur lAsie entire (548-597)
J Recette et offrande du pelanos (598-622)
a. Libations dAtossa et hymnes du Chur pour ramener lombre hors des Enfers (623-632)
b. Hymne dvocation de lombre de Darios (633-656)
c. Darios en gloire dans ses vtements somptueux + thrne du Chur (657-680)
I Darios ramen hors des Enfers demande la raison du thrne (681-693)
H Kommos, le Chur nose parler devant Darios qui rclame un catalogue et fait parler la Reine, (694-702)
G Question de Darios, la Reine annonce le dsastre (703-714)
F. Stichomythie sur Athnes, le dsastre inflig aux Perses (715-738)
E. Darios interprte le dsastre, Xerxs comme victime de mauvais conseillers (739-758)
D. Catalogue des rois anctres de Xerxs, prophties de Darios la demande du Chur, vtements de Xerxs (759-842)
C Dpart dAtossa pour donner des vtements Xerxs (843-851)
B. Catalogue des les sous lempire de Darios, perdues par Xerxs (852-906) + arrive de Xerxs, reproches du Chur (907-930)
A. Catalogue des guerriers morts, dnonciation de l de Xerxs qui a perdu son arme (931-1077)

Annexe 4. Forme du diaulos dans les Perses.

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