Economie Industrielle2020-Partie 1

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Université Mohammed V

Département d’économie et de gestion-Souissi

Economie industrielle
Année universitaire 2019-2020

Professeurs : MAANINOU AMAL et MOUNSIF TAHAR


S6, Groupes A, B, C, D et E

PREMIERE PARTIE.

Présentation des grands axes du cours

L’économie industrielle (EI) est une discipline ancienne, mais qui au fil du temps se renouvelle
sans cesse et s’adapte à l’analyse des situations industrielles les plus diverses. Sans remonter
très loin, Say a crééau Conservatoire des arts et métiers une chaire d’EI en 1819. Marshall est
sans aucun doute l’un des premiers économistes qui a posé les bases de cette discipline et ce par
le biais de l’analyse de l’organisation industrielle. D’une part, il critique la position pessimiste
de Ricardo (lois des rendements décroissants dans l’agriculture) en mettant en avant la
dynamique des activités industrielles adossée à des rendements croissants internes. D’autre
part, il met le doigt sur les agglomérations industrielles qui génèrent des externalités
positives(économies externes qui résultent de la dynamique de l’environnement externe de la
firme).

De l’autre côté de l’Atlantique, des économistes américains (Ely, Veblen, Clark…) ont
également contribué au développement de cette discipline via le constat suivant : l’analyse
statique de la concurrence pure et parfaite ne correspond pas à la réalité des structures des
marchés et aux comportements des firmes, dont certaines sont devenues de véritables
mastodontes jouissant ainsi d’une situation de monopole et donc d’un grand pouvoir de
marché. Leur contribution est à la source de nouvelles dispositions juridiques et réglementaires
- lois antitrust, les Sherman Act - pour contrer ce typede situation dans diverses industries
(pétrole, transport ferroviaire, acier, tabac…).

Plus tard, Mason, Bain, Scherer, etc. vont, entre 1930 et 1960,dynamiser l’EI, lui donnant du
coup ses lettres de noblesse, à la fois en peaufinant ses concepts-clé et en mettant en relief le
modèle de base de cette discipline : Structure-Comportement-Résultat.

L’apport de ces économistes consiste d’abord à ne pas focaliser l’attention sur uniquement le
cas du monopole, ensuite ces économistes prennent à leur tour leur distance par rapport à
l’hypothèse de la concurrence pure et parfaite et son corolaire, l’optimum des performances,
s’attachentdans la foulée à établir des classifications des différentes structures de marchés

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possibles (entre concurrence et monopole) et examinent les différentes stratégies des firmes,
introduisent de nouveaux concepts (barrières à l’entrée….), ce qui au final aboutit audit
modèle.

Dès le début des années 1980, l’EI s’enrichit de nouveaux outils ouvrant ainsi la voie à de
nouvelles perspectives (la nouvelle EI) qui tournent autour des comportements stratégiques des
acteurs dans un contexte économique de plus en plus mondialisé et chapeauté par l’industrie de
la finance. Ce contexte modifie la structure et l’organisation des marchés.

L’un des enseignements majeurs de cette bifurcation est le rejet de la causalité déterministe qui
prévaut dans le modèle de base de l’EI, en ce sens que les comportements stratégiques des
firmes impactent les structures des marchés.

Ainsi, d’un côtéla nouvelle EI s’appuie sur les nouvelles théories de l’entreprise (théorie des
coûts de transaction, théorie de l’agence, théorie évolutionniste)qui apportent de nouveaux
éclairages sur les modes d’organisation industrielle (recours au marché ou à l’organisation,
concentration, apprentissage et innovation, etc.) et les stratégies des firmes qui lui
correspondent.

D’un autre côté, la théorie des jeuxdonne un nouveau souffle à l’EI moyennant le recours à la
modélisation. De fait, elle propose, entre autres, une nouvelle vision des barrières à l’entrée,
l’importance des négociations bilatérales…Dans cette perspective, les travaux de Tirole, sont
une référence de premier ordre.

On peut ainsi définir l’objet de l’EI comme suit : c’est une discipline qui a pour but l’étude du
système productif et des stratégies de ses composantes, elle ne se limite pas à l’analyse des
structures des marchés et des variables explicatives à l’existence de multiples configurations de
marché possible, elle s’interroge également sur les comportements stratégiques des firmes, des
industries et des pouvoirs politiques.

Sous cet éclairage, cette discipline examine l’interface des comportements des acteurs au sein
d’un secteur industriel donné, des structures de marché (monopole, oligopole, monopsone,
duopole…) et des politiques publiques dédiées à la réglementation. Elle est donc une discipline
de l’économie dont la teneur est loin d’être statique et dont les outils s’avèrent tout à fait
pertinents pour comprendre la dynamique industrielle et concurrentielle, le choix des modalités
de l’organisation industrielle, l’élaboration des politiques industrielles et réglementaires, etc.

Afin d’éviter d’éventuels malentendus, quelques précisions s’imposent :

-cette discipline s’inscrit largement dans le cadre de la concurrence imparfaite,

- le terme « industrie » est à prendre au sens large, regroupant ainsi aussi bien les activités
industrielles au sens courant que celles qui se rattachent aux services : l’industrie
agroalimentaire ou de chimie lourde ou industrie des télécommunications ou des loisirs, etc.,

-le niveau d’analyse privilégié est d’ordre méso-économique, néanmoins la référence aux
niveaux micro et macro-économiques sont à prendre en considération,

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- le domaine de l’EI est vaste, pour preuve l’ouvrage d’Arena et al. comporte plus de 700
pages ! En outre, il ne dit rien ou presque sur les récents développements de cette discipline,
ceux qui ont trait à la modélisation. Il serait donc illusoire de traiter toutes ses ramifications…

Par conséquent, le plan retenu est le suivant :

Plan du cours

Première Partie.
A- Les concepts fondamentaux de l’EI
B- Présentation et discussion du modèle de base de l’EI
Deuxième Partie.
C- L’apport des théories de la firme à l’EI
D- La nouvelle EI : l’apport de la théorie des jeux

Le premier axe est donc dédié aux principaux concepts de l’EI. Cet axe est tout à fait crucial
pour la compréhension des notions de base de cette discipline. Le second axe présente les
grandes lignes du modèle de base de l’EI et les interactions entre ses composantes.

La partie qui suit s’arrête sur le premier versant de l’EI relatif aux nouvelles théories de la
firme. L’objectif consiste à mettre en lumière l’apport de ces théories à l’EI. Le dernier axe
s’arrête sur l’autre versant de l’EI en apportant une attention toute particulière à la théorie des
jeux.

Liste bibliographique sélective :

JACQUEMIN A., Sélection et pouvoir dans la nouvelle économie industrielle, Economica, 1985.

ARENA R. et al., Traité d’économie industrielle, Economica, 1991.

MORVAN Y., Fondements d’économie industrielle, Economica, 1991.

GLAIS M., Economie industrielle, Les stratégies concurrentielles des firmes, iitec, 1992.

TIROLE J., Théorie d’organisation industrielle, Economica, 1993.

Carlton D. W. et Perloff J. M., Economie Industrielle, De Boeck Université, 1998.

CHEVALIER J.-M., L’économie industrielle des stratégies d’entreprises, Montchrestien, 2000.

LEVET J.-L., L’économie industrielle en évolution, Economica, 2004.

HANANE L., Firme et marché, Ed. Dar Essalam, 2004.

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I.Les Concepts fondamentaux de l’EI
-Les barrières à l’entrée : ce concept remet en cause la concurrence pure et parfaite dans la
mesure où il stipule que l’entrée dans un marché n’est pas libre et que donc se dresse un
obstacle ou une barrière à l’entrée. Ce concept constitue un outil de démarcation par rapport à
l’économie néo-classique et, à ce titre, rend compte de la dynamique concurrentielle dans un
secteur donné. Par la même occasion il met en avant les conditions d’entrée sur un marché et
leur impact sur la viabilité des firmes. La nature de ces barrières se décline au pluriel : - le
montant du capital, - l’accès à la technologie,-les avantages en termes de coût,-les économies
d’échelle et d’apprentissage, - la différenciation du produit, - la réglementation.

Ainsi, pénétrer le marché des fournitures scolaires pose, en termes des besoins en capitaux,
moins de problèmes par rapport à celui de l’aéronautique. L’entrée dans ce dernier exige en
plus des technologies diverses et pointues difficiles à acquérir sur le marché et qui exigent en
outre un long processus d’apprentissage. La production à grande échelle constitue également
un obstacle pour un prétendu entrant dont les ressources sont limitées. La différenciation joue
un rôle similaire car les consommateurs ne perçoivent pas les produits des entrants potentiels
comme des substituts parfaits. De même la publicité peut jouer le rôle d’une barrière à l’entrée.
Elle est adossée à d’importantes dépenses en promotion qui sont hors de portée des concurrents
potentiels, et sert de support à la persuasion dont bénéficient les entreprises déjà installées dans
un secteur donné. Les pouvoirs politiques constituent également une barrière en fermant
certains marchés, jugés stratégiques ou sensibles, à des entreprises (défense, aérospatial,
énergie, transport, etc.) ou à l’achat d’une entreprise nationale par une entreprise étrangère…

-Les barrières à la sortie : celles-ci concernent de nombreux facteurs qui rendent le retrait d’un
marché fort problématique. D’abord il s’agit d’actifs spécifiques, comme des machines que
l’on ne peut pas utiliser ou redéployer pour un autre usage (textile-habillement versus
électronique grand public par exemple). Ces actifs freinent la mobilité intersectorielle des
ressources et engendre des coûts de sortie. Ces actifs spécifiques ont également une dimension
immatérielle (marque, réputation de la firme…). Ensuite, il faut mentionner d’autres facteurs
comme les coûts associés aux licenciements (indemnités), aux reconversions (mobilité,
formation…) et aux engagements contractuels de moyen et long terme avec les clients, les
fournisseurs, etc.

-Les marchés contestables : cette notion vise à montrer que dans quelques situations l’entrée et
la sortie d’un marché ne pose pas de sérieux problèmes, en ce sens que d’une part l’entrée est
libre et que, d’autre part, la sortie se fait sans coût, dans ce cas le marché est dit contestable.
Plus exactement, cette notion stipule qu’il n’existe pas de barrière à l’entrée matérialisée par un
désavantage quantitatif et qualitatif aux dépens des entrants potentiels et que la sortie
s’effectue sans coût, dans ce cadre l’entreprise n’a pas à supporter des coûts irrécupérables.

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-L’intégration verticale : ce concept rend compte d’une situation où une firme décide de
maitriser l’essentiel de l’enchainement d’un ensemble d’opérations qui se succèdent au sein du
processus de production, lequel se termine par la mise à la disposition du client un bien
économique. Elle privilégie donc le « faire » (internaliser) que le « faire faire » (externaliser).
Prenons un exemple. Supposons qu’une entreprise produise et commercialise un produit
moyennement complexe, composé de 10 pièces et nécessitant 10 étapes lors de sa fabrication.
Le point de départ est l’accès aux matières premières et autres sources énergétiques ; le point
d’arrivée est sa livraison au client final. Entre les deux, ce produit passe par plusieurs phases ou
étapes dont 7 sont prises en charge par l’entreprise elle-même, alors que les 3 autres sont
assumées par les fournisseurs. Dans ce cas, l’entreprise se charge elle-même de la fabrication
de l’essentiel des pièces nécessaires pour la fabrication d’un bien.

Souvent, l’intégration verticale de type structurelle qui concerne les firmes à activités
complémentaires se fait en amont afin de s’assurer de certains approvisionnements, d’assurer
une meilleure coordination dans l’enchainement des opérations, une régularité de la
production, une combinaison technique et productive plus efficace, ce qui entraîne des
économies d’échelle, et donc une réduction des coûts.

Dans le cas contraire, on parle de désintégration verticale lorsqu’une firme se débarrasse de


certaines opérations et se concentre donc sur son métier de base. En interne elle n’intervient
suivant l’exemple cité que dans 3 étapes sur 10, confiant les 7 autres à des fournisseurs. Ici,
prime donc le « faire faire » sur le « faire ».

-L’oligopole : Il s’agit d’une structure de marché dans laquelle au moins 3 firmes se partagent
un marché. Cette structure est sans aucun doute la plus fréquente, elle se déploie sous trois
configurations : - oligopole homogène au sein duquel la concurrence passe par les prix, -
oligopole différencié, dans cette optique la concurrence passe par la différenciation, - oligopole
avec frange, ici l’oligopole est concentré entre les mains de quelques entreprises avec une
frange concurrentielle constituée par des PME qui occupent des niches.

Par nature, un oligopole est instable. Cette instabilité est à mettre du côté des innovations
technologiques, organisationnelles ou encore commerciales et relationnelles comme c’est le
cas du e-commerce, qui sont autant de facteurs qui sont en mesure de remettre en cause la
stabilité concurrentielle dans un secteur donné.

-Le monopole naturel : ce conceptrenvoie aux industries de réseau (électricité, gaz, eau,
chemins de fer, télécommunications, routes…) qui se distinguent par de lourdes infrastructures
(rails, poteaux d’électricité, fils électriques, gazoducs, pièces annexes, etc.) ainsi que
desentretiens continus. Cette notionsuggère donc la présence de coûts fixes élevésquel que soit
le volume de production, et donc l’impératif de réaliser des économies d’échelle qu’une seule
entreprise peut réaliser pour entrer dans ses frais. Aussi, pour ces industries une taille faible ou
moyenne engendre des rendements décroissants, et donc une concurrence libre dans ce type
d’industrie est autodestructrice.

La firme qui jouit d’un monopole naturel satisfait ainsi la condition de sous-additivité des
coûts, son rendement est meilleur que n’importe quelle combinaison de plusieurs firmes, et son

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acceptation sociale est souvent mentionnée. Mais cette position dominante peut engendrer des
« effets pervers » : prix élevés, inertie en matière d’innovation, clients non satisfaits…, ce qui
conduit les pouvoirs politiques à réglementer ce type de structure de marché.

-Stratégie. Cette notion ne fait pas forcément partie des concepts-clé de l’EI, il s’avère
nonobstant utile d’en tenir compte car elle est au cœur du comportement des firmes. Pour la
définir, nous faisant référence à Chandler : « La stratégie consiste à déterminer les objectifs et
les buts fondamentaux à long terme d’une organisation (entreprise) puis à choisir les modes
d’action et d’allocation des ressources qui permettrons d’atteindre ces buts et objectifs ».

Quelques précisions s’imposent. D’abord l’horizon temporel de la stratégie est le moyen et le


long terme. Ensuite, la stratégie mobilise l’ensemble de l’entreprise. Troisièmement, il ne suffit
pas d’avoir une vision stratégique, il importe aussi de réfléchir et de mettre en œuvre les
moyens adéquats (dimension tactique) pour atteindre les objectifs stratégiques. Enfin, la
stratégie est potentiellement irréversible.

Les entreprises déploient de nombreuses stratégies qui ne sont pas étrangères au domaine de
l’EI. Parmi lesquelles figurent :

a. Stratégie d’impartition ou de coopération : les rapports entre les entreprises au sein d’un
secteur ne sont pas uniquement frappés par le sceau de la concurrence, mais également de la
coopération et ce dans des domaines divers. Gardons à l’esprit que cette coopération laisse
intacte la forme juridique des partenaires et que chacun de ces derniers garde une autonomie au
niveau de la prise de décision et donc ne s’engage que pour une période déterminée avec des
objectifs précis.

Quant aux domaines de ce type de stratégie, ils sont nombreux ; - Recherche Développement,
ici on cherche à mobiliser des complémentarités, à créer des synergies entre les partenaires car
la R&D est souvent onéreuse, risquée…- production : ici 2 ou 3 firmes, sinon plus, mettent en
place des plates-formes pour produire des pièces communes, ce qui permet de réaliser des
économies d’échelle, d’exercer une pression sur les fournisseurs pour réduire les prix…, -
transport et logistique avec utilisation en commun de moyens de transport, etc.

b. Stratégie de croissance interne ou externe : à cet égard dans le premier cas la firme se
développe par ses propres moyens (achat ou location du terrain, construction du site industriel,
achat et installation des machines, embauche et formation des salariés, choix des
fournisseurs…) ; dans le second cas elle procède autrement : achat ou acquisition d’une
entreprise concurrente ou complémentaire, fusion, participations croisées (A qui achète 15%
du capital de B, et B qui achète 10% de celui de A), etc.

c. Stratégie d’intégration ou de désintégration verticale….

d.Stratégie de réduction des coûts, laquelle se déploie par le biais de la chasse continue aux
gaspillages, de l’élimination des redondances, de l’amélioration des modes opératoires et des
modalités de coordination intra et interentreprises…, ce qui permet d’augmenter la
productivité, et donc de baisser les coûts.

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e.Stratégie d’innovation : il s’agit ici de chercher à avoir un avantage concurrentiel par rapport
à ses rivaux en jouant la carte de l’innovation. Plusieurs configurations sont possibles que nous
empruntons à Schumpeter : - proposer aux consommateurs un produit et ou un service
nouveau, ou du moins d’une qualité nouvelle d’un bien économique, - utilisation de nouvelles
matières premières ou de nouvelles sources énergétiques (charbon, acier, électricité….versus
énergies renouvelables, lithium, fibres de Carbonne, etc.), - recours à de nouvelles méthodes de
production qui combinent organisation et technologie (Organisation Scientifique du Travail,
les méthodes de production fordistes, toyotistes….), - utilisation de nouvelles innovations
commerciales comme la vente-achat par internet, etc.

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II. Le Modèle de base S-C-P.
En Economie Industrielle, le modèle de base « Structure-Comportement-Performance »
(S-C-P) met en relation cinq blocs : les conditions de base, les structures du marché, les
stratégies des entreprises, les performances économiques et les politiques publiques. D’abord,
les conditions de base déterminent les structures. En effet, quand la technologie de production
présente d’importantes économies d’échelle, la concentration est alors élevée ; quand la
technologie est complexe et protégée, il y a d’importantes barrières à l’entrée ; quand la
demande est élastique par rapport au prix, il y a d’importants efforts de différenciation ; quand
le produit est complexe (bien d’expérience par exemple), l’information n’est alors ni parfaite ni
gratuite, etc.

Les structures des marchés déterminent à leur tour les stratégies des entreprises. En effet, si le
nombre d’entreprises est peu important (grande concentration du marché), certaines stratégies
concurrentielles peuvent émerger, alternant des tactiques agressives visant l’élimination des
concurrents et des tactiques d’entente tacite avec eux pour une coexistence paisible ; quand il y
a des barrières à l’entrée, il y a des politiques de prix peu compétitives et peu d’incitations à
l’investissement et à la R&D ; quand il y a Intégration Verticale, il peut y avoir des tactiques
d’obstruction ou des stratégies de domination par les coûts, etc. Enfin les stratégies des
entreprises déterminent les performances économiques. En effet, l’élimination de concurrents
ou l’entente entre concurrents sont souvent associées à des pertes de bien-être social, et donc à
l’inefficacité économique ; les Investissements et la R&D sont associés au progrès et à
l’amélioration du niveau de vie, etc.

Les Politiques publiques influencent les conditions de base dans la mesure où certaines
réglementations peuvent limiter l’utilisation de certaines ressources, certaines recherches
financées par l’Etat peuvent transformer les technologies disponibles ; les PP influencent les
structures dans la mesure où l’Etat peut décider du nombre des offreurs et mettre en place des
barrières à l’entrée insurmontables ; les PP influencent les stratégies des entreprises en
encadrant les prix ou la publicité, en taxant ou en subventionnant ; et les PP influencent les
Performances économiques : l’efficacité, la croissance, le progrès, etc.

Ce cadre d’analyse linéaire et plutôt descriptif a permis de développer les études d’industries.
Beaucoup de travaux ont été consacrés à l’estimation des principaux indicateurs de la demande
et de l’offre, notamment les élasticités de la demande et les paramètres des technologies, et à la
mesure des structures, notamment la concentration et le niveau des barrières à l’entrée.
Souvent un raccourci a été pris pour aller vérifier la relation entre structures et performances,
sans trop se préoccuper des stratégies. On a alors montré qu’un niveau élevé de concentration
génère des profits importants et une faible compétitivité, etc. Ce raccourci s’explique par le
manque d’outils d’analyse des stratégies et par la préoccupation initiale du modèle de base, à
savoir mesurer la perte de bien-être social quand une industrie s’éloigne de la concurrence
parfaite. Ces travaux ont souvent été mentionnés pour justifier l’intervention publique visant à
limiter la concentration et l’abus des positions dominantes.

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La littérature en économie industrielle devenait riche en enseignements et a permis
l’amélioration du cadre d’analyse lui-même. Ainsi, et en regardant de plus près la réalité
économique, les chercheurs se sont rendus compte que les stratégies des entreprises peuvent
influencer les structures des marchés et les décisions publiques, voire les conditions de base
elles-mêmes. Ce fut la première amélioration : rendre compte de la complexité des relations
entre les cinq blocs retenus. Les entreprises adoptent des stratégies susceptibles d’augmenter la
concentration (fusions, acquisitions, etc.) et d’ériger des barrières à l’entrée
(surinvestissement, publicité, etc.). Les entreprises peuvent aussi exercer des pressions sur les
pouvoirs publics pour les amener à prendre des décisions qui améliorent leur compétitivité ou
leur profit. Enfin les entreprises sont parfois capables par l’innovation de transformer les
conditions de base (apparition de nouveaux produits, nouvelles ressources, nouvelles
technologies ou organisations de la production ou de la distribution, etc.).

Le modèle de base S-C-P, amélioré par la prise en compte de la « centralité » des stratégies des
entreprises, s’est révélé capable d’intégrer l’analyse microéconomique et permettre ainsi à
l’économie industrielle de dépasser la description pour proposer des analyses théoriques
rigoureuses. Le déploiement de la microéconomie en économie industrielle a permis à la
microéconomie de concevoir les entreprises autrement que comme des boîtes noires et de
modéliser le fonctionnement des marchés de concurrence imparfaite. L’économie industrielle
dépassa le statut d’une discipline principalement descriptive pour développer des théories de
plus en plus profondes.

Tout « s’est compliqué » pour la microéconomie au contact des problèmes de l’économie


industrielle. Elle repose alors des questions auparavant évitées. Qu’est-ce qu’une entreprise, si
elle cesse d’être une simple technologie de production de biens économiques ? Comment
s’organisent les entreprises en interne et entre elles, si elles ne sont plus « myopes » et de
faibles tailles ? Comment mesurer l’intensité et la dynamique de la concurrence autrement que
par la mesure de quelques indicateurs de structures des marchés ? Etc. La microéconomie s’est
attelée à modéliser le comportement d’une entreprise qui prend en compte le comportement
d’une entreprise concurrente, qui elle-même se comporte tenant en compte le comportement de
la première entreprise. Elle a conçu des notions d’équilibre sur les marchés de concurrence
imparfaite et s’est posée la question de son optimalité. Elle éclaire l’intervention publique,
pour promouvoir certaines industries, ou pour veiller à une application intelligente du droit de
la concurrence, notamment pour prévenir l’abus de position dominante plus que la position
dominante elle-même ou pour évaluer les impacts éventuellement positifs d’une fusion.

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Modèle de Base : Structure-Comportement-Performance

Conditions de base

Demande Offre

Substituts/compléments Technologies/Eco. Echelle


Elasticités Px/Rev Matières Premières
Taux de croissance Eco. multiproduction
Modes d’achat Durée de vie du produit

Structures

Concentration
Barrières à l’Entrée
Différenciation
Intégration Verticale
Coût de l’Information

Politiques Gouvernementales

Politiques Macroéconomiques
Réglementation/Régulation
Investissement public
Stratégies
Incitations Investissement/Emploi
Investissement/R&D Zones/Contrats programmes
Quantité/Qualité/Prix
Intégration Verticale
Publicité et communication
Acquisition/fusion/Entente

Performances

Efficacité Economique
Croissance de la Valeur Ajoutée
Progrès technique
Amélioration de la qualité
Rentabilité
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Illustrons ces considérations par un survol de deux périodes historiques. Pour ce faire, nous
mobilisons quelques composantes des 3 blocs dudit modèle - structures des
marchés-comportements-résultats –en insistant sur les grandes tendances. La première période
correspond plus ou moins aux « Trente glorieuses » (1950-1980). En ce qui concerne les
structures des marchés, la concurrence oscille entre les monopoles naturels et les oligopoles.
L’importance des monopoles naturels s’inscrit dans un contexte historique dans lequel les
pouvoirs politiques jouent un rôle important dans l’organisation de nombreux secteurs de
réseaux jugés stratégiques, comme l’énergie, les transports, l’eau…, avec comme arrière plan
l’objectif de sécurité d’approvisionnement, de prévision de la demande à long terme, et
d’indépendance énergétique (énergie nucléaire en France, charbon et gaz en Grande-Bretagne,
charbon en Espagne, en RFA…). A l’autre extrême, d’autres secteurs (automobile,
électronique grand public, agroalimentaire, grande distribution…) sont animés par des
oligopoles plutôt homogènes, répondant aux exigences de la production et consommation de
masse. La différenciation ne pèse pas lourd dans un marché porteur. Les barrières à l’entrée
sont relativement fortes, d’autant plus que chaque Etat des pays industrialisés (USA, Canada,
Grande-Bretagne, Italie, France, RFA, Japon…) défend ses « champions nationaux » de la
concurrence étrangère (droits de douane) et encourage le renforcement des filières sur son
territoire. L’Etat est également actif dans la R&D compte tenu des tensions géopolitiques de
l’époque (« la guerre froide »). Dans moult secteurs, l’intégration verticale est dominante
(aéronautique, automobile, produits électroménagers…). Les dépenses en publicité sont à
géométrie variable, fortes aux USA, relativement faibles ailleurs. Les supports sont : journaux,
affichage, dépliants, radio, cinéma, etc. Quant aux résultats, le chômage est presque inexistant,
la production est considérable compte tenu de l’essor démographique, de nouveaux produits et
services sont proposés aux consommateurs qui disposent d’un pouvoir d’achat conséquent....

La période qui suit, qui grosso modo démarre à partir des années 1980, s’inscrit dans un
contexte historique différent marqué par la mondialisation, l’ouverture commerciale, la
déréglementation et l’hégémonie de l’industrie de la finance. Ces mutations affectent donc le
comportement des firmes, conduisant ainsi à une refonte des structures des marchés et à un
affaiblissement des barrières à l’entrée. Dans ce contexte, les monopoles naturels n’échappent
pas à la déréglementation. Les secteurs concernés s’ouvrent à la concurrence, des entités de
taille petite ou moyenne entre en compétition avec des entreprises déjà installées de taille plus
robuste. L’enjeu consiste à introduire la concurrence partout où c’est possible dans la séquence
production-transport-distribution. Plus exactement, les infrastructures restent en situation de
monopole, mais à en autoriser l’accès à plusieurs entreprises afin de promouvoir la
concurrence dans les services. Cette ouverture est de nature à améliorer la qualité du service et
à l’abaissement des prix. On assiste aussi à la déstabilisation des oligopoles nationaux qui font
face à une concurrence de plus en plus rude orchestrée par les rivaux étrangers, y compris les
émergents. De même, les filières ou chaînes de valeur sont de plus en plus éclatées sur le plan
géographique. La différenciation gagne du terrain, c’est une arme pour faire face à la
concurrence, mais étant donné que le pouvoir d’achat stagne, voire baisse, des produits à bas
prix entrent également en jeu (produits alimentaires, voitures, services de transport…).
Parallèlement, les stratégies de croissance externe pullulent via d’incessantes opérations de
fusion-acquisition, d’abord aux USA, ensuite en Europe, conduisant ainsi au développement

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d’entreprises de grande taille (mais des échecs ne sont pas à exclure). En ce qui concerne
l’intégration verticale, celle-ci cède, dans de nombreux secteurs, la place à la désintégration
verticale. Globalement, les firmes donneuses d’ordre s’occupent d’une (bonne) partie de la
R&D, produisent les pièces qui génèrent le plus de valeur ajoutée et assurent le montage final.
La sélection des fournisseurs de premier rang devient drastique. Les partenaires doivent avoir
des compétences en R&D, en organisation …, et une assise financière solide. Les relations
interentreprises et intersectorielles font ainsi l’objet d’une réorganisation baptisée « Partenariat
industriel » dont les grands axes sont : participation au niveau de l’innovation, respect des
délais et des normes relatives à la qualité (juste-à-temps), relations contractuelles en fonction
du cycle de vie du bien économique. Dans ce cadre, les efforts en matière de R&D sont
intenses, y compris dans des secteurs dits traditionnels comme le textile habillement (habits
connectés…). En outre, l’essor spectaculaire des TIC fait émerger de nouveaux acteurs, les
GAFA par exemple, qui sont devenus au fil du temps de véritables mastodontes jouissant d’une
situation de quasi-monopole. Cet essor ouvre de nouvelles perspectives au niveau commercial
(vente par internet, publicité…), donne lieu à de nouveaux modèles d’affaires (comme c’est le
cas d’Uber), etc. Mais dans de nombreux pays industrialisés le chômage est (relativement)
élevé, et dans le cas où il est bas, les jobs mal rémunérés courent les rues… Les considérations
écologiques pointent leur nez, ouvrant du coup de nouvelles perspectives pour faire face à la
dégradation de l’environnement. De nouveaux acteurs s’engouffrent dans la brèche, des
secteurs se développent à l’instar de celui des énergies renouvelables, mais la transition
énergétique risquerait d’être longue …

Economie d’échelle et Concentration.

Nous avons vu que certaines technologies engendrent des coûts moyens décroissants (voir
annexe). La question de l’origine des économies d’échelle a souvent été posée, depuis Adam
Smith. Ce dernier avait compris que la grande taille de l’établissement permet une meilleure
division du travail. La production d’épingles par 10 ouvriers se spécialisant chacun dans une
tâche précise, est 100 fois, 1000 fois plus grande que la production d’épingles, du bout au bout,
d’un ouvrier. La grande taille permet donc la division et spécialisation du travail, elle permet
aussi, et surtout justifie, la spécialisation et l’automatisation des machines, la conception de
structures d’accompagnement du processus de production : fonction achat de matières
premières et gestion de stock, amélioration continue de l’équipement, distribution,
financement, etc.

Quand les économies d’échelle sont importantes, la taille minimale efficace peut être tellement
grande que quelques entreprises peuvent suffire pour satisfaire la demande du marché au prix
d’équilibre de long terme, qui est, rappelons-le, le minimum du coût moyen.

Exemple : un marché avec trois entreprises à l’équilibre concurrentiel de long terme.

A la limite, si une technologie de production a des rendements d’échelle continuellement


croissants ou, présente une taille minimale efficace largement plus grandes que la taille du
marché, alors le coût moyen est décroissant et une seule entreprise est plus efficace que

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plusieurs. On parle alors de monopole naturel, qui produit et offre une quantité telle que le prix
d’équilibre du marché est égal au coût moyen. Le profit est donc nul à long terme. L’hypothèse
de la libre entrée et sortie est crucial dans ce résultat. Ainsi, quand le nombre d’entreprises est
faible pour des raisons technologiques, et en l’absence de barrières à l’entrée ou à la sortie, la
concentration dans une industrie ne porte aucune atteinte à la concurrence.

Les Barrières à l’entrée.

Si la libre-entrée sur le marché est assurée, la concurrence potentielle assure des prix proches
de ceux de la concurrence parfaite et le nombre d’entreprises importe peu. La libre entrée peut
être définie comme la condition selon laquelle les coûts de longue période des nouvelles
entreprises (si elles entrent sur le marché) sont égaux à ceux des entreprises en place. La
nouvelle entreprise a besoin d’un intervalle de temps pour installer son équipement, pour
établir ses relations commerciales, perfectionner ses produits

Certaines barrières à l'entrée sont « innocentes » et résultent des caractéristiques de la


production ou du jeu concurrentiel et non d'une stratégie délibérée. D’autres barrières sont
stratégiques, résultat d'une stratégie délibérée des entreprises installées sur le marché. Parfois
les barrières sont d’ordre légal (Accès réglementé à certains marchés ou professions,
règlementation technique, normes et exigence de label de certification, etc.).

Supériorité absolue dans les coûts de production

Les entreprises installées sur le marché peuvent produire avec des coûts plus bas que ceux des
concurrents potentiels parce qu’elles maîtrisent mieux les techniques de production
(expérience et effet d’apprentissage) ou parce qu’elles utilisent des techniques protégées par
des brevets, ou s’approvisionnent à des coûts inférieurs à ceux des entrants, ou obtiennent des
financements à des coûts moins élevés. Le coût unitaire moyen des entreprises installées est
alors plus faible que celui des entrants. Les entreprises en place ont l’avantage de pouvoir fixer
un prix en dessous d’un « prix-limite », mais au dessus du coût moyen, sans que des
concurrents potentiels soient tentés d’entrer sur le marché,

Economie d’échelle et barrière à l’entrée

Les économies d’échelle peuvent constituer une barrière à l'entrée. Le concurrent potentiel est
alors obligé, pour produire efficacement, de s’installer avec une taille qui alimente une part non
négligeable du marché, et si, pour éviter de perturber le marché, il entre à une échelle de
production plus faible, il a des coûts moyens plus élevés que ceux des entreprises installées,
supposées ayant la taille optimale.

Ainsi donc, en présence d’importantes économies d’échelle, si le concurrent potentiel entre


avec une taille de production équivalente à la taille minimale efficace, il risque de provoquer un
excès d’offre et une chute des prix ; s’il entre avec une capacité de production inférieure, il a un
désavantage en matière de coût qui risque de le pénaliser dans la « compétition » sur le marché.

13
La surcapacité comme barrière à l’entrée

La surcapacité est un outil de dissuasion qui a un coût. Pour le voir, considérons un monopole
qui installe une capacité maximale de production Xmax qui lui permet de satisfaire la demande
au prix Pc égal au minimum du coût moyen. Aucune entrée n’est alors possible ni souhaitable
si le monopole utilise toute sa capacité de production. Mais le monopole peut être tenté de
produire une quantité de monopole Xm inférieure à sa capacité de production, qu’il met sur le
marché au prix de monopole Pm. Le profit dégagé, net du coût de la capacité excédentaire,
Xmax-Xm, peut ne pas provoquer l’entrée de concurrent potentiel parce qu’il menace de se
mettre à produire Xmax et vendre à Pc, quand de nouvelles entreprises se prêtent à entrer.

Une telle stratégie de menace peut être peu crédible. En effet, outre la difficulté de
collaboration des entreprises installées pour disséminer la surcapacité, il n’est pas certain que
les entreprises en place aient intérêt à mettre la menace à exécution. Elles peuvent préférer se
partager le marché avec le nouvel entrant plutôt que déclencher une guerre de production et de
prix.

Différenciation des produits et barrière à l’entrée

La différenciation peut s’analyser comme une barrière à l’entrée, Cette thèse repose sur l’idée
que les dépenses publicitaires réduisent les élasticités croisées de demande et réduisent ainsi la
substituabilité entre les produits fabriqués par les entreprises en place, et ceux des entreprises
entrantes. Ainsi, les entreprises entrantes, pour obtenir une position de marché comparable à
celle des entreprises en place, seraient contraintes de dépenser des sommes beaucoup plus
importantes, pour « décrocher » des clients. Cependant, les dépenses de publicité et de
promotion peuvent être une variable tactique qui fait partie du processus concurrentiel normal
et peuvent donc constituer l’expression d’une rivalité concurrentielle.

Prix limite.

S’il existe une taille efficiente minimale correspondant à un certain volume de production, les
concurrents potentiels n’envisagent l’entrée qu’avec cette capacité de production. Les
entreprises installées peuvent bloquer l’entrée en produisant une quantité, et en fixant un prix,
tels que si un concurrent entre, le prix tombe au dessous du prix de concurrence, et donc au
dessous du coût moyen de longue période. Le prix-limite est alors le prix maximum qui peut
être appliqué sans risquer de provoquer l’entrée. Si un entrant potentiel suppose que les
entreprises en place maintiennent leur niveau de production après son entrée, il peut estimer la
baisse du prix qui résulte de sa production supplémentaire, et savoir si ce prix plus bas lui
permet de couvrir ses coûts. Les entreprises installées peuvent alors déterminer quel prix elles
doivent fixer pour dissuader l’entrée.

Irréversibilité, coût de la sortie et barrières à l’entrée.

Une partie des coûts à engager pour entrer peut ne pas être récupérable, si la production doit
être interrompue avant amortissement. L’existence de coûts irrécouvrables constitue une
barrière à la sortie. Cette barrière peut constituer un obstacle important à l’entrée sur le marché
considéré.

14
Augmenter les coûts des concurrents potentiels.

Création de contraintes verticales : entente avec des fournisseurs ou avec des distributeurs sur
des pratiques commerciales particulières.

15
Annexe I.
Technologie et Coûts de Production : Rappel.

La production est un processus qui transforme des biens, appelés inputs de production, en
d’autres biens. La quantité produite est appelée output. Les inputs de production sont les
facteurs de production (terre, travail et capital) et les matières premières et intermédiaires
servant à la production. La technologie de production, dont dispose une entreprise, est la
fonction qui associe à chaque combinaison de quantités de facteurs de production une
combinaison de quantités de produits. Par exemple, si on suppose que l’entreprise produit un
seul bien X et utilise deux facteurs de production: le travail (H) et le capital (K); la fonction de
production est une fonction qui associe à chaque combinaison de facteurs (h,k)une quantité de
production x : x = f(h,k).

La fonction de production de LT.

Le Long Terme (LT) est la période du temps nécessaire pour que l’entreprise puisse faire varier
les quantités de tous les facteurs de production (H et K). La fonction de production de long
terme associe à chaque combinaison de quantités de facteurs (h, k) la quantité maximale du
produit x. Chaque combinaison de quantités de facteurs (h, k) décrit une technique de
production. Une technique de production qui utilise une grande quantité de capital par unité
de travail est dite une technique de production capitalistique. Une technique de production qui
utilise une faible quantité de capital par unité de travail est dite une technique de production
intensive en travail.

Le taux auquel on peut remplacer le travail par le capital tout en maintenant la production à un
niveau constant est appelé le taux marginal de substitution technique du travail par le capital
(TMSTH,K). Le TMSTH,K est la valeur absolue du rapport des variations des quantités du
capital et du travail qui sont telles que le niveau de production reste constant. Le TMSTH,K en
un point (hi, ki) de l ’isoquant de niveau xi = f(hi,ki) est égal au rapport des productivités
marginales du travail et du capital : TMSTH,K (hi, ki) = -dk/dh = fh /fk (fh = f / h est la dérivée
partielle de f (h, k) par rapport à h ; elle est la productivité marginale du travail au point (hi, ki).
fk = f /k est la dérivée partielle de f (h, k) par rapport à k ; elle est la productivité marginale du
capital au point (hi, ki)).

Les rendements d’échelle.

Si l’entreprise augmente les facteurs de production dans une même proportion t, t>1, trois cas
sont alors possibles. Si la production augmente dans la même proportion t, c-à-d si f(t.h, t.k) =
t.f(h,k), alors les rendements d’échelle sont constants. Si la production augmente dans une
proportion plus grande que t, c-à-d si f(t.h, t.k) >t.f(h,k), alors les rendements d’échelle sont
croissants. Si la production augmente dans une proportion plus petite que t, c-à-d si f(t.h,
t.k)<t.f(h,k), alorsles rendements d’échelle sont décroissants.

Si la fonction de production est à rendements d’échelle constants, les productivités moyennes


et marginales du travail et du capital dépendent seulement de l’intensité du capital (k/h), et non

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de l’échelle de production. Autrement dit, le long d’une droite de pente k/h, le TMSTHK reste
constant.

Coûts de production de LT et rendements d’échelle.

Soient w et r les prix de H et de K respectivement et x la quantité produite du bien X. Pour


produire la quantité x, l’entreprise choisit la combinaison (h*(x), k*(x)) qui minimise le coût de
production de x. A la solution optimale, on a : fh (h*,k*)/ fk (h*,k*) = w/ r et x = f(h*,k*).

Supposons que pour produire 1 unité du bien X, on a besoin de (h0, k0) et donc 1 = f (h0,k0). Le
coût de production est C (1) = wh0+ rk0 = a. Puisque les rendements d’échelle sont constants,
f(th, tk) = tf (h,k),  t > 0, et en particulier, pour t = x , on a alors :

C (x.1) = C (x .f (h0,k0)) = C (f (xh0,xk0)) = wxh0+ rxk0 = (wh0+ rk0 ) x = a x.

Ainsi, quand les rendements d’échelle sont constants, la courbe du coût total de LT est une
droite de pente "a " ; le coût moyen de LT est CM=C(x)/x = ax/x = a et le coût marginal de LT
est Cm dC(x)/dx= d(ax)/dx = a. les courbes du CM et du Cm sont des droites horizontales
d’ordonnée à l’origine " a ".

Coûts de LT et rendements d’échelle constants.

C(x)= ax
C(x) CM
Cm

0 x 0 x
a = C (1) : coût de production d’une unité de X.

Quand les rendements d’échelle sont croissants puis décroissants, la fonction de coût de LT est
concave puis convexe.

Coûts de LT et rendements d’échelle croissants puis


décroissants
C (x)

0
x
CM(x) Cm(x)
Cm(x)
CM(x)
xM est la taille minimale
efficace
0 xM x

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Economies de multi-production.

Souvent, les entreprises produisent plusieurs produits à la fois. On dit qu’il y a des économies
de multi-production quand il est moins coûteux de produire conjointement plusieurs produits
plutôt que de les produire séparément. Souvent donc, il est plus rentable de produire et offrir
simultanément plusieurs produits parce qu’il y a des économies de multi-production qui
résultent de l’utilisation commune de certains facteurs de production, alors que la production
séparée de certains produits interdépendant, dans la production ou dans la vente, risque de
dupliquer certaines ressources. Ainsi par exemple, les entreprises offrent plusieurs produits
pour bénéficier des économies sur la Recherche et le Développement, le marketing et la
distribution, etc.

Soient X1 et X2 des quantités produites par une entreprise des biens 1 et 2. Les coûts de les
produire séparément sont respectivement C(X1,0) et C(0,X1). Le coût total de les produire
séparément est donc C(X1,0)+C(0,X1). Soit C(X1,X2) le coût de produire conjointement X1 et
X2. Une mesure des économies de multi-production peut être le rapport :
EMP={[C(X1,0)+C(0,X1)]-C(X1,X2)}/C(X1,X2).

La Concurrence Parfaite : Rappel.

La Concurrence Parfaite est une structure de marché caractérisée par :

1. la faiblesse de la taille des entreprises et des ménages par rapport à la taille du marché ;
autrement dit, le nombre d’offreurs et de demandeurs est important ;

2. l’homogénéité du bien produit et offert sur le marché ; autrement dit, si un bien est
légèrement différent, alors il fait l’objet d’échange sur un autre marché ;

3. la libre entrée et sortie des entreprises ; autrement dit, il n’y a pas de coût supplémentaire
supporté par l’entreprise qui veut entrer ou sortir d’un marché, à part les coûts supportés par les
entreprises déjà installées ;

4. la transparence, ou la parfaite et gratuite information ; les prix résument les conditions


d’offre et de demande et sont connus sans coûts par les entreprises et les consommateurs.

Le prix sur un marché parfaitement concurrentiel est un prix d’équilibre ; il égalise la demande
et l’offre du bien et permet l’échange. Il s’impose à tous et aucun offreur, aucun demandeur n’a
d’influence sur lui. Les entreprises le considèrent comme donné et alors décident les quantités
à produire. L’objectif de chaque entreprise est la maximisation du profit, (x), défini par la
différence entre la recette totale, R(x) = p x, et le coût total, C(x), x est la quantité produite et
offerte par l’entreprise et p est le prix de marché du bien X.

A long terme, le prix d’équilibre sur un marché concurrentiel est tel que le profit de long terme
est nul. Si le prix sur le marché est tel que le profit est positif, de nouvelles entreprises attirées
par le profit non nul sont incitées à entrer dans le marché, cela déplace la courbe d’offre vers la
droite et génère alors une baisse de prix. A l’équilibre de long terme, le prix est égal au coût

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moyen minimal (et donc est égal au coût marginal puisque celui-ci passe par le minimum du
coût moyen). Le profit des entreprises dans un marché parfaitement concurrentiel est donc nul.
Le graphique suivant résume cette situation.

Equilibre concurrentiel
(Rendements d’échelle croissants puis décroissants)

P O
P
D
D’ O’ Cm(xi)
CM(xi)

P’
P*

0
x* x** x xi* xi’ xi

La croissance démographique déplace de façon continue la courbe de demande vers la droite


(passage de D à D’). De plus, les biens économiques sont généralement normaux, c'est-à-dire
que la quantité demandée x augmente avec le revenu et donc la croissance économique aussi
déplace les courbes de demande vers la droite (les guerres et les crises économiques, sociales
ou politiques déplacent les courbes de demande vers la gauche).

Le graphique précédent montre qu’à court terme, suite à un choc positif sur la demande, le prix,
P’, s’éloigne du prix d’équilibre, P*. Ce prix, supérieur au minimum du coût moyen de long
terme, permet aux entreprises installées de réaliser des profits. A long terme, de nouvelles
entreprises entrent dans le marché, attirées par les profits positifs, et la fonction d’offre de court
terme se déplace vers la droite, passant de O à O’. Un nouvel équilibre de long terme s’établit
sur le marché, avec le même prix P*, égale au minimum du coût moyen, avec la même taille de
production par entreprise, xi*, mais avec une quantité globale échangée sur le marché plus
importante, x** plutôt que x*, et donc un nombre plus important d’entreprises.

Le marché en concurrence parfaite est principalement influencé par les chocs de demande et le
progrès technique, réalisé ailleurs, et qui n’est pas supposé être le résultat des entreprises du
marché lui-même. Il peut être influencé par les variations des prix des facteurs, l’apparition de
nouveau produits substituts ou complément, etc.

En l’absence de variations des prix des facteurs et matières intermédiaires et en l’absence de


progrès technique, les chocs positifs continus de la demande génèrent une fonction d’offre de
marché constante : le nombre d’entreprise et la quantité globale d’équilibre augmentent, même
si le prix d’équilibre reste constant. Par contre, si les chocs de la demande entrainent des
pressions à la hausse des prix des facteurs, le minimum du coût moyen augmente et la fonction
d’offre de long terme est alors croissante. La baisse des prix des facteurs ou l’apparition de
produits intermédiaires substitut moins chers, et surtout le progrès technique qui améliore, et
parfois transforme, les technologies de production disponibles, entrainent une baisse du

19
minimum du coût moyen. L’offre du marché à long terme peut alors être une fonction
décroissante.

Bien que la concurrence parfaite soit une structure peu répandue dans l’économie réelle, elle a
été largement étudiée en microéconomie et a souvent été retenue comme référence dans la
modélisation de la formation des prix et dans l’analyse du bien-être social. Supposer tous les
marchés d’une économie parfaitement concurrentiels a permis à la microéconomie de
démontrer l’existence d’équilibre général, l’optimalité de l’équilibre concurrentiel, etc.

Le Monopole : Rappel.

L’autre structure souvent étudiée en microéconomie est celle du monopole. Une seule
entreprise sert plusieurs demandeurs ; les barrières à l’entrée sont supposées infranchissables.
Le prix n’est plus imposé par le marché mais résulte de la décision de production du monopole
et de ce que le marché est prêt à payer pour la dernière unité produite et offerte. On démontre
facilement que le monopole produit et offre une quantité telle que le prix que le marché est prêt
à payer est supérieur au coût de la dernière unité produite. L’écart entre le prix du monopole et
le coût marginal est une mesure du « pouvoir de marché » : cette capacité d’éloigner le prix
d’équilibre du coût marginal, sans trop perdre de demande et sans risque de voir de nouvelles
entreprises s’installer dans le marché.

Supposons qu’une seule entreprise est présente sur un marché. La demande est donnée par
X(P), avec X’(P)<0. La demande inverse est notée P(X). Le coût de production de X unités est
notée C(X), avec C’(X)>0 et C’’(X)≥0.

Le monopole fixe le prix Pm qui maximise son profit : P X(P) – C(X(P)). On montre
facilement que : [Pm-C’(X(Pm))]/Pm = 1/EXP, avec EXP notation qui correspond à la valeur
absolue de l’élasticité de la demande par rapport au prix. Ainsi, si on mesure le « pouvoir de
marché » du monopole par l’écart entre le prix et le coût marginal, on peut alors conclure que le
pouvoir de marché du monopole est d’autant plus important que la demande est peu élastique
par rapport au prix.

Monopole et inefficacité.

Le monopole en fixant un prix supérieur au coût marginal génère une perte de bien être social.
Le bien être sociale est mesuré par la somme du surplus des consommateurs et du profit.

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Equilibre du monopole
P et perte de bien être social

Pm

Pc Cm

0 X
Xm Xc

Monopole et discrimination par le prix

Le monopole peut vouloir faire payer aux consommateurs le prix le plus élevé qu’ils sont prêts
à payer pour chaque unité vendue.

Supposons que le monopole connait la fonction de demande du bien qu’il offre, soit X(P) ; et
supposons qu’il y a N consommateurs identiques, chacun demandant Xi=X(P)/N. Soit C(X) la
fonction de coût de production de X. Rappelons que l’équilibre de concurrence parfaite est tel
que le prix Pc est égal au coût marginal évalué à la quantité d’équilibre C’(Xc) alors que le prix
du monopole, Pm, lui correspond une quantité Xm telle que le coût marginal est égal à la
recette marginale, soit (XP(X))’. Nous avons vu que le monopole ne produit pas, et donc
n’offre pas, des unités de X qui coûtent moins que ce que le marché est prêt à payer pour les
avoir, d’où l’inefficacité du monopole précédemment notée.

Cependant, la perte de bien-être social générée par le monopole fixant un prix Pm, peut être
évitée si on permet au monopole de proposer une tarification en deux parties. Rappelons que la
tarification de la concurrence est T(X)=Pc X et celle du monopole sans discrimination est
T(X)=Pm X. Le monopole discriminant propose donc le tarif suivant : T(X)=A+Pc X. Le
surplus le plus élevé des consommateurs est celui obtenu si le marché était de concurrence
parfaite, notons le Scc. Il est la somme des écarts P(X)-Pc, quand X varie de 0 à Xc. Le
monopole parfaitement discriminant connait Scc et propose le tarif : T(X)=Scc/N+Pc X.
Chaque consommateur paye son surplus pour acheter au prix de la concurrence. Le profit du
monopole est alors le surplus des consommateurs, Scc, plus le profit de la concurrence,
PcXc-C(Xc). La perte de bien-être social disparait. Le monopole parfaitement discriminant est
aussi efficace que la concurrence parfaite.

Nous avons supposé que les consommateurs sont identiques et alors la partie fixe de la
tarification est la même pour tous. Ici, la discrimination parfaite est globale et donc facile à
mettre en œuvre. Or, souvent certains consommateurs sont prêts à payer plus que d’autres,
parce qu’ils sont plus riches ou parce qu’ils accordent une plus grande utilité au bien et donc le
valorise plus. Dans ce cas, la partie fixe de la tarification n’est plus la même pour tous. Par
exemple, supposons qu’il y a deux groupes de consommateurs : ceux qui ont un pouvoir

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d’achat élevé et ceux qui ont un faible pouvoir d’achat. Une discrimination par les prix est
possible si le monopole connait le groupe de chaque consommateur. Il propose le tarif
T(X)=Sc1/M+PcX au groupe 1 et le tarif T(X)=Sc2/N+PcX, avec Sc1 et Sc2 respectivement le
surplus des consommateurs du groupe 1 et du groupe 2, M et N sont les nombres de
consommateurs dans les groupes 1 et 2.

La discrimination parfaite, ce pouvoir de faire payer chacun le maximum de ce qu’il est prêt à
payer, est efficace mais, du point de vue « redistributive », injuste. Du point de vue pratique, et
en présence d’asymétrie d’information et de sélection adverse (un consommateur du groupe 1
est incité à se déclarer du groupe 2 pour payer une partie fixe de la tarification plus faible), elle
est souvent impossible à mettre en œuvre sans l’accompagner d’une politique de
différenciation bien élaborée, qui incite le consommateur à révéler son groupe et fait accepter à
ceux qui valorisent plus un bien de le payer plus cher.

Monopole multiproduits.

Soient X1 et X2 des quantités des biens 1 et 2 produites par un monopole. Soit C(X1,X2) le
coût de production de X1 et X2 et soient X1(P1,P2) et X2(P1,P2) les fonctions de demande des
biens 1 et 2.

Si les coûts de production sont séparables, c’est à dire si C(X1,X2)=C(X1,0)+C(0,X2), ce qui


signifie qu’il n’y a aucune économie de multi-production, et si les demandes sont dépendantes,
c'est-à-dire si la demande d’un bien dépend de son prix et du prix de l’autre bien, alors le
monopole tiendra compte de la dépendance des demandes dans sa stratégie de fixation des prix.

On démontre alors que si les deux biens sont des substituts, alors le monopole fixe des prix plus
élevés que ne le feraient deux monopoles indépendants, l’un produisant X1 et l’autre X2.
Ainsi, le monopole internalise l’externalité négative liée à la substitution entre les deux biens.
Par contre, si les deux biens sont des compléments, alors le monopole fixe des prix moins
élevés que ne le feraient deux monopoles indépendants, et le monopole internalise l’externalité
positive liée à la complémentarité entre les deux biens.

Si les demandes des deux biens sont indépendantes, c'est-à-dire si X1 ne dépend que de P1 et si
X2 ne dépend que de P2, et si les coûts de production sont dépendants, c'est-à-dire si
C(X1,X2)<C(X1,0)+C(0,X2), on démontre que le monopole fixe des prix inférieurs aux prix
de deux monopoles indépendants.

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