DEPENSES PUBLIQUES CORRUPTION ET CROISSANCE DANS LES PAYS MEMBRES DE L'UEMOA Ouattara

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Ouattara

Dépenses Publiques, Corruption et Croissance Économique


dans les Pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA) : une Analyse de la Causalité au Sens de Granger.
Par Wautabouna OUATTARA∗

Résumé : La présente étude a pour objectif d’analyser la relation de causalité au sens de


Granger entre les dépenses publiques, la corruption et la croissance économique et de
déterminer ses implications en terme de politiques économiques. Cette analyse s’est faite sur
la base des tests de stationnarité et de causalité à la Granger à partir des données
statistiques des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine. Il
ressort des résultats de l’étude qu’il existe une relation de long terme entre les variables. En
outre, le niveau de corruption n’est pas justifié par la croissance économique.

Public Expenditure, Corruption and Economic Growth in the


Countries of West African Economic and Monetary Union
(WAEMU) : a Granger Causality Analysis.

Abstract: The objective of the present paper is to investigate Granger causality between
public expenditure, corruption and economic growth and draw implications for sustainable
economic policies. Several statistical tests were undertaken (unit root, Granger causality)
and were based on the eight member states of West African Economic and Monetary
Union. The results suggest that there is a long term relationship between all the variables.
Moreover, the results also indicate that the corruption is not justified by economic growth
rate.

Introduction

L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est un espace


sous régionale dans lequel les huit pays concernés ont en commun l’usage du
franc CFA. En sont membres le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la
Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Cette zone a connu
une série d’événements socio-économiques tels que la crise économique des
années 80, les programmes d’ajustements structurels (PAS), le changement
de parité intervenu en janvier 1994 ou encore les conflits armés, qui ont
profondément marqué son histoire économique. Aussi, une hausse des
dépenses publiques dans un environnement de forte corruption pourrait-elle
être corrélée au niveau de croissance économique. Etablir, comprendre et


Chercheur à l’Université de Cocody Abidjan, Côte d’Ivoire. Email :
[email protected]

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Revue africaine de l’Intégration Volume 1, No. 1, janvier 2007

expliquer la causalité entre ces grandeurs économiques constituent les


principaux centres d’intérêt de cette réflexion. C’est pourquoi un exposé du
contexte de l’étude et de la problématique suivie d’un aperçu de l’évolution
de la situation socio-économique en zone UEMOA composent cette
introduction.
o Le contexte de l’étude et la problématique
Considérée pendant longtemps comme un sujet tabou ou encore comme un
phénomène ne relevant pas du champs de l’analyse économique, la
corruption se révèle de plus en plus comme un problème central de
l’économie du développement. Son ampleur dans les pays en développement
(PED), les coûts économiques et sociaux qu’elle génère, les obstacles qu‘elle
constitue à la réalisation des reformes économiques ou des infrastructures de
qualité, en font un phénomène dont l’analyse minutieuse s’impose aux
économistes du développement. Un regard scientifique neutre des
économistes est d’autant plus urgent que les institutions de Bretton Woods
affichent clairement aujourd’hui leur volonté d’amener les gouvernements
des PED à faire de la lutte contre la corruption, et au-delà, la bonne
gouvernance, l’une de leurs préoccupations majeures.
Dans une définition, Alesina et Weder (2002) présentent la
corruption comme l’utilisation abusive de la propriété de l’Etat par un
fonctionnaire pour en tirer un gain personnel. L’acte de corruption peut être
initié, soit par un agent de l’Etat, soit par un usager de service public. Lui
(1996) précise que la propriété étatique peut prendre la forme d’une licence
d’importation, d’un passeport, d’une disposition réglementaire, de
l’attribution de marchés publics, de services fiscaux, etc.. Mishra (2005)
partage la même approche de la corruption que Lui (op ; cit). Il estime en
outre que la corruption est un phénomène qui fait partie intégrante de la
personne humaine. Et à ce titre il est naturellement sensible aux pots de vin
et a tendance à vouloir profiter de sa situation professionnelle ou du pouvoir
discrétionnaire dont il bénéficie.
Les travaux de Celentani et Ganuza (2002) attestent que la
corruption existe aussi sous forme d’un échange, d’une faveur ou d’une
facilité au service public ou d’un passe-droit contre un dessous de table
monétaire ou encore une faveur réciproque. Elle se réalise d’autant plus
facilement que l’agent public concerné jouit d’un pouvoir discrétionnaire
dans la fourniture du service public dont il a la charge. C’est pourquoi, elle
est considérée, à juste titre, comme un délit.
Pour les économistes tels que Collier (2000), la corruption
permet, par exemple, à des entreprises au bord de la faillite – donc peu
rentables – de continuer exister et de bénéficier de subventions
gouvernementales. De telles pratiques rendent inefficientes une grande partie
des dépenses publiques. L’auteur conclut alors qu’un niveau de corruption
élevé freine la croissance économique par le biais des dépenses. Cette
relation est mise en évidence dans de nombreux pays d’Europe et d’Asie.
Des publications, par contre, soulignent que cette thèse ne se vérifie pas dans

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certaines zones géographiques. Une illustration, aux Etats-Unis, est fournie


par les travaux de Ades et Tella (1999). Ces économistes montrent, en effet,
que dans un environnement de forte corruption, des entreprises tirent des
situations de rentes et consolident leur compétitivité sur le marché.
La corruption est un phénomène observé dans le secteur public de
nombreux pays du monde. En Afrique, elle fait des ravages et peut rendre
inefficiente une bonne politique économique. Très peu sont les études
scientifiques relatives au trinôme dépenses publiques, corruption et
croissance économique en zone UEMOA (Union économique et monétaire
ouest africaine). C’est la raison pour laquelle, établir un diagnostic clair et
précis sur la nature de la causalité s’avère déterminant. Pour ce faire, il est
bon d’apporter des réponses aux interrogations suivantes : L’affectation des
dépenses publiques Ouest-africaines est-elle influencée par l’indice de
corruption ? Un environnement marqué par une forte corruption a-t-il un
impact réel sur l’évolution du PIB ? Quelle est la nature et le degré de ces
corrélations pour les pays de l’Union ?
Les résultats d’une telle étude devraient servir de recommandations
aux décideurs de politiques économiques pour des interventions de plus en
plus rationnelles et efficaces dans l’espace UEMOA.
o Un aperçu de la situation socio-économique en zone
UEMOA
La situation économique et financière des Etats membres de l’Union a été
caractérisée, au cours des années 80 et au début des années 90, par un
ralentissement préoccupant de la croissance économique, une persistance de
profonds déséquilibres des finances publiques et des paiements extérieurs
courants, ainsi que par de vives pressions sur la monnaie. La nouvelle
impulsion donnée au processus d’ajustement des économies par la mise en
œuvre d’une stratégie globale, articulée autour de la modification de la parité
du franc CFA et de la signature du traité de l’UEMOA en 1994, a permis à
l’Union, sur la période 1994-1998, de renouer avec la croissance économique,
avec une meilleure maîtrise des pressions inflationnistes et une réduction des
déséquilibres des finances publiques. Aussi l’activité économique s’est-elle
significativement redressée enregistrant une progression moyenne de 5,1%
par an.
Cette reprise des activités s’est estompée à partir de 1999 suite à
l’amplification des chocs exogènes, à la dégradation de l’environnement
socio-politique dans certains pays et à la mise en œuvre de politiques
économiques inappropriées, réduisant ainsi le rythme d’expansion
économique à 2,0 % en moyenne par an au cours de la période 2000 – 2003.
Ce niveau de croissance demeure inférieur au croît démographique estimé à
3%. Il est également en retrait par rapport au taux de croissance économique
de 7% requis pour lutter efficacement contre la pauvreté et qui permettrait
d’atteindre en 2015 les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM).

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L’activité économique en zone UEMOA a enregistré une croissance


de 3,0% en 2004 après un taux de 3,2% en 2003. Cette croissance s’explique
essentiellement par la croissance redevenue positive en Côte d’Ivoire, après
quatre années consécutives de récession. La croissance s’est également
accélérée en Guinée Bissau et au Niger. Dans les autres Etats membres de
l’Union, l’activité a été moins dynamique compte tenu des mauvaises
conditions climatiques et de l’invasion des criquets pèlerins qui a détruit une
partie de la production agricole. Sur la base des statistiques du Comité de
convergence la zone franc (2005), par pays, on obtient les taux de croissance
économique en 2004 suivants : Bénin (3,0%), Burkina Faso (4,1%), Côte
d’Ivoire (1,0%), Guinée Bissau (4,3%), Mali (1,5%), Niger (4,1%), Sénégal
(6,0%) et Togo (2,9%). Le graphique n°1 donne un aperçu du niveau de
croissance économique dans l’ensemble de la zone.
Graphique n°1 : L’évolution de la croissance dans les pays de
l’UEMOA
8

-2

-4
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04

UEMOA_CE

Source : BAD1 (2003) et de la BCEAO (2005)

La courbe ci-dessus nous inspire plusieurs réflexions. Sur l’ensemble


de la période 1980 à 2004 en moyenne le taux de croissance économique des
pays de la zone UEMOA reste positif et est de l’ordre de 2,66%. Cependant,
il connaît d’importantes perturbations liées aux différentes politiques
d’ajustement structurelles entre 1983 et 1985, puis entre 1992 et 1994 dues
aux graves déficits budgétaires qui ont précédé la dévaluation du franc FCA.
Pour l’année 2005, les perspectives indiquent un taux de croissance
de 4,0% sous l’hypothèse forte d’une part, d’un climat sous régional plus
apaisé grâce notamment à la normalisation du climat socio-politique en Côte
d’Ivoire et, d’autre part, de conditions climatiques plus favorables pour la
campagne agricole 2005/2006. On pourrait ainsi observer par pays le taux de
croissance économique suivant : Bénin (5,3%), Burkina Faso (4,4%), Côte

1
Banque africaine de Développement
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d’Ivoire (1,0%), Guinée-Bissau (2,3%), Mali (7,6%), Niger (4,2%), Sénégal


(6,4%), Togo (3,7%).
En 2004, la croissance a été réalisée dans un contexte marqué par
une baisse de l’inflation malgré la hausse des prix du pétrole. Le taux
d’inflation annuel moyen a été de 0,5% contre 1,3% en 2003. Cette
décélération de l’inflation a été induite par la baisse des prix des produits
alimentaires, en liaison avec l’approvisionnement suffisant et régulier des
marchés à la suite des résultats satisfaisants de la campagne agricole
2003/2004.
S’agissant des dépenses totales et prêts nets, ils ont progressé de
7,6% pour représenter 21,5% du PIB contre 21,0% en 2003, sous l’impulsion
des dépenses en capital, en accroissement de 14,7%, en rapport avec les
travaux de construction d’infrastructures au Burkina Faso, au Mali, au Niger
et au Sénégal. La progression des dépenses courantes a été portée par
l’augmentation de la masse salariale de 5,7%, liée à la revalorisation du point
indiciaire et au recrutement d’agents de la Fonction publique dans certains
Etats membres, notamment, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Mali et au
Sénégal. Au total le solde budgétaire de base hors dépenses financées sur
ressources PPTE s’est stabilisé autour de 3,6% du PIB. En ajoutant les
dépenses financées sur ressources PPTE, le déficit du solde budgétaire de
base est ressorti à 1,1% du PIB contre 0,9% en 2003. Le déficit global hors
don s’est aggravé pour représenter 4,9% du PIB contre 4,6% en 2003. Quant
au déficit global, il est passé de 2,3% du PIB en 2003 à 2,6% en 2004. En
2005, l’Union enregistre une aggravation des déficits budgétaires sous l’effet
d’une hausse des dépenses. Les recettes budgétaires progresseraient de 5,1%
pour représenter 16,6% du PIB, en liaison avec l’élargissement de l’assiette
fiscale par le contrôle plus rigoureux des exonérations et la poursuite de la
lutte contre la fraude. Il en résulterait un taux de pression fiscale de 15,0%.
Les dépenses totales, elles progresseraient de 0,2% pour s’établir à 20,1% du
PIB. Cette hausse des dépenses publiques serait portée par des dépenses en
capital, en accroissement de 10,9%, en raison d’une part, de la reprise
attendue des investissements en Côte d’Ivoire et, d’autre part, de la
progression attendue au Mali et au Sénégal. Au total, le solde budgétaire de
base représentait 0,6% du PIB contre –0,3% en 2004. Le déficit global hors
dons s’améliorait pour représenter 3,7% du PIB. S’agissant du déficit global,
il se situerait à 1,2%.
Au total sur la période 1980 – 2004, la croissance économique reste
en moyenne positive et les dépenses publiques sont en hausse en zone
UEMOA. Qu’en est-il de la situation de la corruption, troisième axe d’intérêt
de notre étude ?
Nombreuses sont les publications qui étudient l’évolution de la
corruption dans le monde. D’une façon générale, ce phénomène va
grandissant et il atteint souvent des seuils records dans certains pays. A ce
propos, l’organisation Transparency International (2005) adresse un tableau
d’évaluation de l’indice de perception de la corruption (IPC) de 2001 à 2005.

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Tableau n°1 : Les indices de perception de la corruption (IPC)


en zone UEMOA

IPC
IPC IPC IPC
IPC
2001 2002 2003 2005
2004

Benin - - - 3,2 2,9

Burkina
Faso - - - - 3,4

Côte
d'Ivoire 2,4 2,7 2,1 2,0 1,9

Guinée
Bissau - - - - -

Mali - - 3,2 3,2 2,9

Niger - - - 2,2 2,4

Sénégal 2,9 3,1 3,3 3,0 3,2

Togo - - - - -
Source: Transparency International (2005)

L’indice IPC fait référence à la perception du degré de corruption vu


par les hommes d’affaires, les analystes-pays, les résidents et les non-
résidents et s’étend de 10 (probité élevée) à 0 (très corrompu). Au regard du
tableau 1, nous pouvons affirmer que la corruption est une réalité dans la
sous région ouest-africaine. La quasi-totalité des Etats membres de l’Union
présente un indice de perception de la corruption en deçà de 3,5. Et sur base
des indices de 2005, la Côte d’Ivoire est de loin le pays le plus corrompu de
la zone. Quant l’on sait que la corruption est une cause aggravante de la
pauvreté, comme le soutiennent Gupta et al (2002) et Rose-Ackerman
(2004), il y a de véritables raisons de s’alarmer.
Il ressort, de tout ce qui précède, la nécessité d’une analyse de la
causalité entre les dépenses publiques, la corruption et la croissance
économique. L’objectif principal de la présente étude est donc de déterminer
la nature et le degré de la causalité entre les dépenses publiques, la corruption
et la croissance économique dans les pays Ouest-africains ayant en commun
le Franc CFA. De façon spécifique, l’étude vise à :
• expliciter la corrélation existant entre l’indice de corruption et la
croissance économique ;

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• analyser les implications, dans un environnement de corruption


généralisée, des politiques gouvernementales sur l’évolution du
PIB.
L’hypothèse principale qu’il convient de vérifier peut se formuler de
la façon suivante : La corruption est néfaste aux indicateurs de performance
économique pour les pays de l’UEMOA. Les deux hypothèses secondaires
de recherche sont les suivantes : il existe une corrélation négative entre la
corruption et la croissance économique. De même, les dépenses publiques
expliquent faiblement l’évolution du PIB.
Après avoir décrit le contexte de l’étude et fait une brève
présentation de l’économie des pays de l’Union économique et monétaire
ouest africaine, il nous semble important de mener une réflexion sur la revue
de littérature.

I. La revue de littérature

La corruption est d’une telle ampleur et d’une généralité dans les PED que
les institutions de Bretton Woods commencent à reconnaître que la réforme
fondamentale préalable à toute politique de développement est la mise en
place de structures de lutte contre les malversations. Ainsi, le FMI et la
Banque Mondiale conditionnent, aujourd’hui, l’aide internationale aux pays
du Sud à la bonne gouvernance. C’est une notion très vaste qui s’appréhende
diversement. Toute fois, Kaufman, Kraay et Mastruzzi (2003) retiennent six
indicateurs de bonne gouvernance. Il s’agit de la liberté d’expression et de la
responsabilité des gouvernants, de la stabilité politique, de l’efficacité du
gouvernement, de la qualité du contrôle, du respect des règles de loi et du
contrôle de la corruption. Ces critères, à une variante près, sont identiques à
ceux retenus par Hodges (2005).
Par contre, Al-Marhubi (2004), dans une réflexion sur les
déterminants de la gouvernance, privilégie le degré de crédibilité de l’Etat.
C’est à dire, son aptitude à respecter ses engagements et à instaurer un climat
de stabilité sociale propice à une croissance économique forte et soutenue.
Cette crédibilité est fragilisée par la gangrène de la corruption qui réduit
l’efficience des actions étatiques aptes à favoriser la croissance. Cette thèse
est partagée et développée par Rotberg (2004) qui examine les causes et les
conséquences des performances des pouvoirs publics locaux dans un
environnement de haute corruption.
Depuis les travaux pionniers de Mauro (1995) jusqu’à
Watson (2004), les économistes n’ont cessé de mettre en relief les
dysfonctionnements de l’activité économique liés au phénomène de la
corruption. Ainsi, en ciblant son analyse sur la relation entre la corruption et
l’investissement, Mauro (op. cit) a estimé la relation entre le ratio
investissement sur PIB et le degré de corruption. Le résultat de son
estimation significative statistiquement est que les pays qui ont un degré de

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corruption élevé, ont également le ratio investissement sur PIB et le ratio


investissement privé sur PIB plus faibles. Il déclare, ensuite, que la
corruption réduit l’investissement dans un pays ; par conséquent, elle est
défavorable à la croissance et au développement.
Ces conclusions sont partagées par Ali et Crain (2002). Ils
défendent l’idée selon laquelle les distorsions de politiques économiques
menées dans la plupart des pays en développement freinent le dynamisme
économique, lui-même, déjà mis à mal par la mauvaise qualité des contrôles
et des instances de régulation. Les conséquences perverses de la faible
crédibilité de l’autorité sont mises en exergue par Hoskins (2001). Pour lui,
l’Etat doit pouvoir tenir ses promesses et ses engagements. La régulation de
l’activité économique, la répartition des revenus et la croissance en sont les
premières victimes. C’est pourquoi, il milite pour un Etat fort est déterminé.
Les effets néfastes de la corruption, sur les réalisations des infrastructures et
des projets, sont également analysés par Laffont et N’Guessan (1999) et par
Laffont et N’Gbo (2000) dans un modèle prenant en compte l’expansion des
réseaux pour les Etats en développement. Ils expliquent que l’asymétrie
d’information matérialisée par un pouvoir discrétionnaire est un déterminant
essentiel de la corruption. A l’instar de ces auteurs, Braguinsky (1996) arrive
aux mêmes enseignements. Il développe un modèle de croissance au sens de
Schumpeter et expose ses limites dans un environnement économique miné
par une corruption grandissante. Un tableau général dressant l’impact
défavorable de la corruption sur les interventions publiques et la croissance
du PIB est présenté dans les travaux de Ahrens (2002) ou encore ceux de
Bovens et al (2002).
Certes la corruption et la croissance économique durable ne
font pas bon ménage, mais il n’en demeure pas moins vrai que des auteurs
soutiennent la logique inverse. En effet, dans les articles de quelques
analystes, un climat propice à la corruption crée des incitations au travail et
génère une plus grande productivité. Les travaux de Ono et Shibata (2001)
montrent que les dépenses engagées par la puissance publique, malgré un
climat hostile à la bonne gouvernance, participent à l’accumulation
progressive du capital et conditionnent une augmentation soutenue du PIB.
De même, dans les investigations de Celentani et Ganuza (2002), il
ressort qu’un environnement de corruption généralisée suscite l’apparition de
comportements opportunistes, motivés par la perception de gains futurs et
supplémentaires. Ces comportements, encore appelés pouvoirs
discrétionnaires, ne sont rien d’autres que la possession par un agent ou
groupe d’agents d’une information privée susceptible d’être manipulée par
eux et à leur profit. Ce concept d’asymétrie informationnelle greffée par la
divergence d’objectifs ou d’intérêts entre le Principal et le Superviseur est
présenté comme un déterminant de la corruption (Laffont et Meleu, 2001).
Le lien existant entre l’asymétrie informationnelle et la progression de la
corruption, nouveau domaine de recherche, est mis en évidence Van
Rijckeghem et al (2001) et par Kraster et Ganer (2004).

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Ouattara

Dans une approche empirique relative aux liens de causalité entre le


niveau de croissance économique et l’indice de corruption, Mo (2001) écrit
que la corrélation n’est pas toujours négative. Dans une certaine mesure, la
corruption peut être considérée comme une mesure incitative au travail et à
la production. Des entreprises privées et dynamiques peuvent avoir une
chance de réaliser leurs projets par la technique de l’appel d’offre. Cette prise
de position est partagée dans les publications de Vega-Gordillo et Alvarez-
Arce (2003) ou encore de Del Monte et Pagagni (2001). Dans le même ordre
d’idées, Osborne (2004) a mené une réflexion sur les techniques de mesure
de la mauvaise gouvernance. Il expose, dans son papier, au tableau 2, des
résultats selon lesquels les politiques gouvernementales de quelques pays en
développement n’ont pas d’impacts réels et positifs sur la croissance
économique. Par contre, les tendances sont inversées lorsqu’il s’agit des pays
d’Europe et les Etats Unis. Il justifie cette contre performance par la
mauvaise gouvernance dont le continent africain et la majorité des pays
pauvres ne cessent de faire preuve. Face à ces résultats mitigés, une étude
empirique, en zone UEMOA, trouve tout son sens. Connaître la nature et le
sens de la causalité permettront de mieux cibler les politiques économiques
pour une option résolue dans la marche vers le développement durable.

II. Le cadre théorique et méthodologique

Les données de notre étude portent sur l’ensemble des 8 pays de l’UEMOA.
La période d’observation s’étend de 1980 à 2004 ; soit 25 observations. Le
modèle de référence s’inspire de celui d’Osborne (2004).
A la suite de Martinez-Vazquez et al (2004) et Islam (2004),
nous considérons la fonction de production de type Cobb-Douglas suivant :

Yt = Vt K ta Gtb H tj Lqt (1)

Où a , b , j , et q sont des paramètres strictement positifs et leur


somme est supérieure ou égale à l’unité. Yt est la production, Vt représente
le niveau de technologie et d’autres facteurs institutionnels, K t , Gt , et H t
désignent respectivement le stock de capital privé, les dépenses publiques et
le stock de capital humain, Lt est le travail à l’instant t.

Le vecteur de variables Vt , regroupant le niveau de technologie et


des facteurs institutionnels, peut être noté comme suit :
Vt = At Ct Z t (2)

Où Vt est le niveau de technologie exogène, Ct désigne le niveau de


corruption et Zt est un vecteur de variables exogènes susceptibles

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d’influencer l’output. Une désagrégation des variables explicatives de


l’expression (1) et la prise en compte de l’expression (2) donnent le modèle
suivant :
croiit = a 0 + a1croiit- 1 + a 2depit + a 3corit + a 4ouvit + a 5inpit + mi + l t + nit
(3)
Où croi est la croissance économique, dep est le volume
des dépenses publiques, le niveau de corruption est représenté par cor .
Cette variable, correspondant au critère du respect des règles de loi et du
contrôle de la corruption sera extraite des données secondaires de Kaufman,
Kraay et Mastruzzi (2003). Le degré d’ouverture est symbolisé par la variable
ouv . L’instabilité politique, caractéristique de la gouvernance, est désignée
par inp . Enfin, mi , l t et n it sont les termes d’erreur.
Nous avons affaire aux données de panel avec l’indice i = 1, 2, … 8
pour les huit pays de l’UEMOA et l’indice t = 1980, 1981, … , 2004, pour la
période d’observations. A la suite de Clements et al (2003), nous proposons
la spécification ci-après comme le second membre de notre modèle à
expressions multiples.
depit = b 0 + b1depit- 1 + b 2croiit + b 3idepit + b 4 s det it + b 5corit + di + y t + hit
(4)
Les variables idep et s det traduisent respectivement la part des
investissements directs à l’étranger dans le PIB et le service de la dette. Le
troisième membre du modèle à estimer est une formalisation proposée par
Del monte et Papagni (2001). Ils essayent de capter les effets d’un
environnement marqué par une forte sur les performances économiques.
Pour analyser l’impact de la corruption dans les régions italiennes, ils
calculent l’élasticité du taux de croissance économique D y par rapport aux
dépenses publiques G.
Dy G Dy G
ej = = (5)
DG y y DG
L’analyse de la causalité entre les dépenses publiques, le
niveau de corruption et la croissance économique nous amène à considérer
plusieurs concepts : la causalité au sens de Granger (1980, 2003) et la
cointégration (Greene, 2005)1. Pour conduire le test de causalité au sens de

1
La causalité au sens de Granger (1980, 2003) stipule qu’une variable cause une autre si et
seulement si les valeurs présentes et passées de la dernière permettent de mieux prédire les
valeurs de la première.
La cointégration traduit l’idée que deux variables évoluent ensemble au même
taux. Ainsi, par exemple, deux variables sont cointégrées, si elles sont intégrées
du même ordre [I(1)] et qu’une combinaison linéaire de ces deux variables est
148
Ouattara

Granger, nous devons nous assurer de la stationnarité des variables


considérées (1).
La causalité au sens de Granger sera testée dans la présente étude en
estimant les régressions sur les variables "dépenses publiques" et "croissance
économique" des expressions (3), (4) et (5). Elles prendront la forme
suivante :
p p r
croiit = a0 + ∑ k =1
a1k croiit − k + ∑
k =1
a2 k depit + ∑a k =1
3k corit + e1it (6)

p p r
depit = b0 + ∑b
k =1
1k depit − k + ∑b
k =1
2 k croiit + ∑b
k =1
3k corit + e2it (7)

p p r
corit = g0 + ∑g
k =1
1k corit − k + ∑g
k =1
2k croiit + ∑g
k =1
3k depit + e3it (8)

Les variables étant définies comme précédemment, k, p, q et r


sont des entiers naturels. a , b et g sont les paramètres des modèles. En
tenant compte de l’expression (6), une hausse des dépenses publiques ne
cause pas la croissance économique si tous les a 2 k sont nuls. De même,
une variation de l’indice de perception de la corruption ne cause pas la
croissance économique si tous les a 3k sont nuls. Avec l’expression (7), une
croissance positive et soutenue ne cause pas les dépenses publiques si tous
les b 2 k sont nuls. La corruption ne cause pas les investissements publics si
tous les b 3k sont nuls. Le raisonnement est identique pour l’expression (8).
Ces différentes hypothèses sont testées à l’aide de la statistique de Fisher
(Mehra, 1994).

III. Les résultats empiriques

Cette section analyse les résultats empiriques obtenus. L’examen de la


matrice de corrélation des variables atteste d’une forte corrélation négative
entre la croissance économique, le niveau de corruption et l’instabilité
politique. On note cependant une corrélation positive entre l’évolution du
PIB, les dépenses publiques et le degré d’ouverture commerciale. De même,
il existe une corrélation positive entre la corruption et l’instabilité politique.

stationnaire. Lorsque deux variables sont cointégrées, il y a causalité à la Granger


dans au moins une direction. Par contre, la non cointégration de deux variables
n’est pas une indication d’absence de causalité à la Granger, (Cadoret et al, 2004).

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Le tableau 2, quant à lui, présente le résultat des tests de


stationnarité. Il a été obtenu à partir de la mise en œuvre du test de Im,
Pesaran et Shin (2003), plus connu sous le nom de IPS.
Tableau 2 : Le test de stationnarité des différentes séries

Variables Valeur de la Valeurs Avec Avec Décision


statistique critiques 5% constante trend

croi -1,993 -1,990 Oui I(0)

croi(-1) -1,996 -1,990 Oui Oui I(0)

dep -2,324 -1,990 Oui I(0)

cep(-1) -5,309 -1,990 Oui I(0)

cor -2,523 -1,990 Oui I(0)

ouv -2,322 -1,990 Oui I(0)

inp -2,462 -1,990 Oui Oui I(0)

idep -1,998 -1,990 Oui Oui I(0)

sdet -2,257 -1,990 Oui Oui I(0)

Source : BAD (2003) et de la BCEAO (2005)

Les valeurs de la statistique (t-bar) comparées aux valeurs critiques


permettent de se prononcer sur l’hypothèse nulle de non-stationnarité des
séries. Nous constatons que les valeurs de la statistique sont inférieures aux
valeurs critiques. Ceci conduit au rejet de l’hypothèse nulle de non-
stationnarité des séries. Toutes les variables sont stationnaires et cointégrées
du même ordre. Il existe donc une relation de long terme entre les variables.
A présent, nous analysons les résultats des tests de causalité à la
Granger entre la croissance économique, la corruption et les dépenses
publiques sur la base des expressions (6) , (7) et (8). Ils sont présentés dans le
tableau 3.

150
Ouattara

Tableau 3 : Le test de causalité entre les dépenses publiques, la


corruption et la croissance économique dans l’UEMOA sur la période
de 1980 à 2004.

Hypothèses Valeur de la statistique F

[1] croi ne cause pas cor 3,58


(4,23)
[2] cor ne cause pas croi 13,86
(4,23)

[3] croi ne cause pas dep 17,56


(4,23)
[4] dep ne cause pas croi 18,67
(4,23)

[5] cor ne cause pas dep 16,74


(4,23)
[6] dep ne cause pas cor 16,99
(4,23)

Source : BAD (2003) et de la BCEAO (2005)

Les valeurs entre parenthèses représentent les valeurs


critiques de la statistique F de Fisher au seuil de 5% avec 26 et 1 degré de
liberté. La première hypothèse que nous testons est que la croissance
économique ne cause pas la corruption. La valeur de la statistique calculée est
de 3,58 et est largement inférieure à la valeur critique de 4,230 au seuil de
5%. Le résultat du test nous invite à accepter notre hypothèse et à conclure
que le niveau de croissance économique enregistrée par un Etat membre de
l’Union ne justifie pas l’expansion de la corruption. En d’autres termes, les
informations antérieures sur la croissance économique ne permettent pas une
meilleure prévision de la corruption dans la sous région ouest africaine. Ainsi
donc, une amélioration de l’évolution du PIB n’aura aucun effet bénéfique
certain sur la corruption.

151
Revue africaine de l’Intégration Volume 1, No. 1, janvier 2007

La deuxième hypothèse que nous testons est que la corruption ne


cause pas la croissance économique. Ici, par contre, la statistique calculée
(13,86) est largement supérieure à la valeur critique de 4,230 au seuil de 5%.
Le test nous invite donc à rejeter notre hypothèse et à conclure que la
corruption cause la croissance économique. Ce qui revient à dire que les
résultats confirment que la corruption a un impact négatif et significatif sur
l’évolution du PIB par tête.
Quelles leçons tirées de ces deux premières hypothèses ? La
croissance économique n’affecte pas la corruption, par contre la corruption
réduit la croissance. C’est le lieu d’attirer l’attention des pouvoirs publics de
l’Union sur la nécessité d’intensifier les politiques et stratégies de lutte contre
la corruption. Nul ne devrait être au dessus des lois. Par conséquent, tout
individu ou toute institution qui s’adonnerait à cette pratique devra répondre
de ses actes devant les instances juridictionnelles. Nous souhaitons
également que les décisions de justice rendues soient exemplaires et
suffisamment dissuasives.
Le raisonnement est identique pour l’interprétation des quatre
dernières hypothèses. Ainsi, les hypothèses 3 et 4 nous indiquent que la
croissance économique cause les dépenses publiques et vice versa. Ce résultat
sous-entend que les dépenses publiques initiées par les Etats pourraient être
productives si elles étaient allouées à des secteurs bien ciblés pourvoyeurs de
recettes et d’emplois. De même, les informations antérieures sur le niveau de
croissance économique permettent une meilleure prévision des dépenses
publiques.
La croissance économique et les dépenses publiques s’influencent
réciproquement. Les gouvernements des Etats membres de l’Union
économique et monétaire ouest-africaine gagneraient à maîtriser leurs
dépenses publiques. Les actions de la puissance publique devraient être
orientées vers les secteurs productifs, générateurs de croissance positive et
durable. En cela l’aide au développement des Petites et moyennes entreprises
(PME) et spécifiquement des entreprises agro-industrielles serait mieux
indiquée (N’Zué, 2003).
Enfin, les tests nous invitent à rejeter nos hypothèses 5 et 6 car la
statistique calculée est supérieure à la valeur critique de 4,230 au seuil de 5%.
Ces résultats soutiennent que la corruption cause les dépenses publiques et
celles-ci causent à leur tour la corruption. L’interprétation au sens de
Granger est que les informations antérieures sur la corruption permettent
une meilleure prévision des dépenses publiques. Autrement dit, le niveau de
corruption pourrait justifier le volume des dépenses gouvernementales.
La corruption cause les dépenses publiques et vis versa. Devarajan et
al (1996) font partie des premiers a avoir développé les concepts de dépenses
publiques productives et de dépenses publiques improductives. Ventelou
(2002) a mis en exergue les implications néfastes de la corruption sur
l’efficacité des dépenses gouvernementales. C’est pourquoi, nous estimons

152
Ouattara

que ce phénomène de société doit être combattu par la sensibilisation et le


renforcement des structures de contrôle et de surveillance.
Quelles sont les implications économiques et la portée de ces
résultats ?
La corruption est un phénomène qui gagne du terrain dans plusieurs
pays du monde et particulièrement dans les pays en développement. Ses
effets néfastes sur les indicateurs de performances économiques ont été
analysés par de nombreux auteurs tels que Rivera-Batiz, (2002) ou encore
Dutta et Mishra, (2005). Cette étude vient enrichir l’analyse économique en
ce sens qu’elle montre que la corruption nuit à la croissance économique
dans l’Union économique et monétaire ouest africaine. Elle explique
l’évolution des dépenses publiques et montre que celles-ci portent atteintes à
l’efficacité des politiques économiques. Ce résultat est conforme aux travaux
de Anderson et Tverdora (2003) et aux conclusions de Lambsdorff (2003b).
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les stratégies de lutte contre
la corruption soient initiées de façon coordonnée dans toute la sous-région
afin de faire obstacle à ce fléau. Blake et Martin (2002) et Tanzi et Davoodi
(2002b) proposent des pistes de solutions qui pourraient inspirer nos
gouvernants.
L’étude révèle également que la croissance économique est justifiée
par les dépenses gouvernementales. Ce résultat est conforme en partie aux
conclusions de Reinika et Svensson (2004) qui ont mené une réflexion sur
l’environnement socio-économique en Afrique australe. C’est le lieu d’attirer
l’attention des pouvoirs publics sur la rationalité et l’efficience des
interventions publiques. Une dépense publique improductive réduit
l’évolution du PIB et constitue un facteur limitant du bien-être social.
L’efficacité des actions publiques va donc de paire avec l’éclosion d’une
volonté politique de combattre la corruption sous toutes ces formes. C’est
pourquoi, nous pensons comme Broadman et Recantini, (2002), Kaufman et
Kraay (2002) et Kaufman et al (2003) qu’il faille faire de la bonne
gouvernance la première des priorités en Afrique subsaharienne et partout
ailleurs dans le monde en développement. De façon spécifique, il
conviendrait de restructurer la fonction publique, d’améliorer la
budgétisation et la gestion financière et de refonder l’administration fiscale
(Ciocchini et al (2003)). Les politiques, dans l’espace UEMOA, devraient
converger vers un abaissement concerté des droits de douane et autres
barrières au commerce international, une uniformisation des taux de change
et d’intérêt déterminés par le marché. Enfin, les autorités devraient veiller à
l’application scrupuleuse et transparente de la loi en hésitant pas, par
exemple, à poursuivre en justice de grands personnages corrompus.

153
Revue africaine de l’Intégration Volume 1, No. 1, janvier 2007

Conclusion

L’Union économique et monétaire ouest africaine constitue un espace


économique stratégique en Afrique occidentale. Une stabilité politique,
économique et sociale durable dans cette zone économique et monétaire
constitue une avancée majeure sur le sentier qui mène à une croissance
soutenue et à un développement économique. L’Afrique sub-saharienne
regorge d’énormes potentialités naturelles et humaines. Malheureusement la
complexité de l’espèce humaine à travers sa fonction objective et ses
réactions souvent imprévisibles rendent délicates les initiatives
gouvernementales. C’est pourquoi, l’objectif de cette étude était d’analyser la
causalité entre la corruption, les dépenses publiques et la croissance
économique.
Afin d’atteindre ces objectifs, deux tests ont été réalisés après
l’analyse de la corrélation des variables. Il s’agit des tests de stationnarité et
de causalité au sens de Granger.
Les résultats suivants ont été obtenus :
• Les variables de l’étude sont toutes stationnaires ;
• Les variables relatives aux dépenses publiques, à la corruption et
à la croissance économique sont cointégrées. Il existe donc une
relation d’équilibre de long terme entre elles ;
• Le niveau de corruption a un impact certain sur l’évolution du
PIB ; mais la réciproque n’est pas vraie. Autrement dit la
corruption ne gagne pas du terrain parce que la croissance est
positive, régulière et soutenu ;
• L’augmentation des dépenses publiques trouve ses origines dans
un environnement de corruption généralisée. De même, une
hausse des dépenses gouvernementales induit des
comportements opportunistes et donc favorise la montée du
fléau ;
• Les dépenses publiques causent la croissance économique ;
• La croissance économique cause les dépenses publiques ;
Il ressort des résultats ci-dessus que toute politique de lutte contre la
corruption a des effets sensibles sur la croissance économique et le volume
des dépenses publiques. En outre l’influence de la croissance sur le niveau de
corruption n’est pas prouvée. Par contre l’évolution du PIB a un impact sur
les dépenses gouvernementales et qu’en retour, celles-ci ont un impact sur la
croissance.
Aussi soutenons-nous l’idée selon laquelle les autorités politiques de
l’Union devraient intensifier les politiques et stratégies de lutte contre la
corruption. Une plus grande sensibilisation et le renforcement des structures
de contrôle constituent en la matière autant des pistes à explorer. De même,
154
Ouattara

il faudrait que les décisions rendues par la justice soient exemplaires et


suffisamment dissuasives. Nous souhaitons également que les secteurs
pourvoyeurs de main d’œuvre et les PME continuent d’être les priorités des
interventions publiques pour une croissance économique positive et durable.

Annexes

Annexe 1 : Y ne cause pas X , au sens de Granger, pour une valeur q donnée


du paramètre si, pour tout t , X t est indépendant de (Yt- 1 ,L , Y1 )
conditionnellement à ( X t - 1 ,L , X 1 ) . Cette définition signifie donc que le
passé de Y n’apporte pas d’information supplémentaire sur la valeur de X
par rapport au passé de X . Elle se traduit en terme de densité, par :
" t , l ( xt / yt- 1, xt- 1,L , yt , x1; q) = l ( xt / xt- 1,L L , x1; q) . Y ne
cause pas X au sens de Granger, si et seulement si Yt est indépendant de
( X t + 1 ,L , X T ) conditionnellement à ( X t , Yt- 1, X t- 1 ,L , Y1 , X 1 ) ;
cette définition équivalente de la non-causalité est dite non-causalité au sens de
Sims.
Le test de causalité au sens de Granger ou de Sims ne sont valables
que si les séries considérées ne sont pas cointégrées. Nous devons par
conséquent analyser les caractéristiques temporelles des variables retenues
dans nos différentes expressions. L’approche la plus utilisée pour analyser les
caractéristiques temporelles (stationnarité) des variables est le test augmenté
de Dickey-Fuller plus connu sous l’abréviation ADF. Dans le cadre des
données de panel, ce test n’est plus conseillé. C’est pourquoi, nous aurons
recours au test de Im, Pesaran et Shin (2003) encore appelé IPS test ou t-bar.
Il est basé sur la moyenne des statistiques de Dickey-Fuller
Augmentée (ADF) calculées pour chaque individu du panel. La statistique t-
bar repose sur la régression :
p
y i ,t = ρ i ,t y i ,t −1 + ∑j =1
φ i , j ∆ y i , t − j + z i′, t γ + ε i , t (1)

La statistique de ce test est :


1
n (t −
n
∑ (tiT \ ρi = 1))
tips = (2)
1
n
∑ var(tiT \ ρi = 1)

155
Revue africaine de l’Intégration Volume 1, No. 1, janvier 2007

1
Où t = ∑ tρ , avec tρi étant est la statistique du test ADF sur
n i i
1
∫W i ,t dWi ,t
données individuelles, ti ,t = 0

 1W 2 
2
et ∫ W (r )dr est l’intégrale de

 ∫0 i ,t 
Wiener.
La mise en œuvre de ce test se passe en deux étapes :
(i) d’abord la recherche des retards optimaux : on détermine
pour les séries de chaque pays, le retard optimal, c'est-à-dire
celui qui rend minimal le critère de AIC dans les tests de
Dicker-Fuller.
(ii) on effectue ensuite les tests IPS pour chaque série en utilisant
les retards optimaux déterminés précédemment.

Annexe 2 : Des données macro-économiques sont fournies par des supports


électroniques de la Banque africaine de développement (BAD) et de la
Banque mondiale. Quelques statistiques sur les pays de l’UEMOA sont
également disponibles sur le site Web http://www.izf.org. Les données sur
les indicateurs de gouvernance et spécifiquement de corruption nous
proviennent des institutions telles que International Country Risk Guide sur
le site http://www.icrgonline.com, Transparency International’s Corruption
Perceptions Index et World Bank’s 2000 World Business Environnement
Survey http://info.worldbank.org/governance/wbes.

156
Ouattara

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