Le Limogeage Politique D'ahmadou Ahidjo-1
Le Limogeage Politique D'ahmadou Ahidjo-1
Le Limogeage Politique D'ahmadou Ahidjo-1
Introduction
La démission surprise d’Ahmadou Ahidjo, premier prési-
dent de la République, au Cameroun, est demeurée, jusqu’à
ce jour – et, peut-être, le sera encore pour longtemps – une
véritable énigme. Comment cela se peut-il qu’un homme qui
tient le pays d’une main de fer, a réduit à néant la
contestation de son régime, si forte au début de son règne, et
qui n’est âgé que de cinquante-huit ans, décide, tout d’un
coup, de se retirer du pouvoir ?
L’explication qui a prévalu, tout au début, a été celle de
son retrait pour cause de maladie. Toutefois, nul n’a jamais
su de quelle maladie souffrait-il. Mais, bien vite, cette thèse a
rapidement été délaissée, au vu du regain de santé et
d’activité qui a caractérisé Ahmadou Ahidjo, dès le mois de
janvier 1983, soit, deux mois à peine, après sa démission
spectaculaire. On se souvient qu’il avait entrepris une
tournée nationale « d’explication », au cours de laquelle, il
avait continué à inviter les Camerounais à apporter leur
soutien sans réserve au nouveau président de la République,
Paul Biya, confirmant ses propos du jeudi 4 novembre 1982,
lorsqu’il annonçait sa démission. Par ailleurs, il avait accordé
une longue interview au quotidien Cameroon Tribune, en date
du 31 janvier 1983, dans laquelle il répondait, narquois, à
ceux qu’il désignait comme des « aigris », des « profes-
sionnels de l’intoxication » et autres « pêcheurs en eau trou-
ble », qui, selon lui, se réjouissaient de son départ du pou-
voir, en ces termes :
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Chapitre I
Les plans de l’Elysée
Les ex-colonies françaises d’Afrique Noire constituaient,
il y a quelques années encore, pour la France, une zone d’in-
fluence de premier plan, qui contribuait à son rayonnement,
à sa grandeur, au même titre que l’arme nucléaire, ou son
siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, à
New York. A preuve, les régimes se succédaient en France,
mais, sa politique africaine demeurait identique : la prédo-
minance des intérêts français, dans cette partie du monde.
Mieux encore, le Cameroun, de par sa position géogra-
phique, au fond du Golfe de Guinée, qui en fait le débouché
maritime de la République du Tchad et de la Centrafrique, et
par la richesse de son sous-sol en minerais divers dont le
pétrole, à laquelle vient s’ajouter le gros investissement que
le groupe Péchiney Ugine Kulmann a réalisé à Edéa en 1956,
dans le but d’approvisionner la métropole en aluminium,
occupait une place hautement importante, pour la France, en
Afrique Centrale. En conséquence, quel que soit le régime
qui prévaut en France, le gouvernement en place au Ca-
meroun, se devait, impérativement, d’être vassal de ce der-
nier, faute de quoi, le gouvernement français estimerait, en
danger, les intérêts de son pays, non seulement au Came-
roun, mais dans toute l’Afrique Centrale. C’est pourquoi, au
nom de cette logique, l’Upc, qui était accusée de vouloir
rompre avec la France, a été combattue, férocement, et mise
hors-jeu, par le gouvernement français de l’époque, afin de
ne pouvoir accéder au pouvoir et gérer le Cameroun indé-
pendant
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Lundi 20 mars.
Foccart : au Gabon, les résultats de l’élection présidentiel-
le ont donné entre 95% et 98%. J’ai envoyé le télégramme
(de félicitations) au président Léon Mba
« ...un digne peuple tel que celui des Peuls, ne saurait con-
tinuer à être représenté, au parlement, par un individu de
sang impur, en l’occurrence, Ahmadou Ahidjo, dont le
père est un inconnu, ou, plus exactement, un aventurier
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Un autre renchérit :
« … Ahidjo n’avait eu que de bons rapports avec les
fonctionnaires Bulu, ceux-ci, dans leur ensemble, ne l’a-
vaient pas combattu. Bien mieux, ils ont même soutenu
son régime. Le premier directeur de la sûreté nationale, à
l’indépendance, était un Bulu : Evina Edjo’o. Par la suite,
il y a eu deux autres Bulu Délégués généraux à la sûreté
nationale, Samuel Enam Mba’a, et Ngwa Samuel. Les
Bulu ont servi comme préfet dans les zones du maquis.
Samuel Enam Mba’a était préfet à Nkongsamba, c’est mê-
me lui qui, dans une certaine mesure, a coordonné l’arres-
tation d’Ernest Ouandié, en 1970. Par ailleurs, tout le Sud
Cameroun, avait voté NON au référendum constitution-
nel du 21 février 1960 qui faisait d’Ahmadou Ahidjo un
monarque, excepté les Bulu d’Ebolowa, qui avaient voté
OUI. De même, il ne faut pas oublier que le premier
congrès de son parti, l’UC, dans le Sud Cameroun, s’est
tenu en pays Bulu, dans la ville d’Ebolowa. C’était au mois
de juillet 1962. Enfin, par l’influence de la mission pres-
bytérienne américaine, qui a donné naissance à l’EPC, les
Bulu sont essentiellement individualistes, ainsi que le
sont les Américains, pas du tout solidaires entre eux.
Donc, un Bulu directeur du cabinet, Ahmadou Ahidjo
avait le cœur tranquille. Il était assuré qu’il n’allait favo-
riser aucun de ses congénères… »
Chapitre II
La première tentative
A – La modification de l’article 7 de la
constitution.
En 1979, soit quatre années après le déclenchement du
processus de remplacement d’Ahmadou Ahidjo, Valéry Gis-
card d’Estaing avait mis à exécution la troisième étape, et
avant dernière, de celui-ci. Il s’agissait de la modification de
la constitution, en vue de faire de l’homme que l’Elysée avait
choisi, à savoir Biya Paul, le successeur d’Ahmadou Ahidjo,
par le biais de cette dernière. Cela s’est produit le 29 juin
1979, à la faveur de la loi n°79-02 modifiant les articles 5 et 7
de la constitution du 2 juin 1972. Mais, c’est le second de ces
deux articles, qui nous intéresse.
L’article 7 nouveau :
« b/- En cas de vacance de la présidence de la Répu-
blique pour cause de décès, démission ou empêchement
définitif constaté par la Cour Suprême, le Premier minis-
tre est immédiatement investi des fonctions de président
de la République pour la période qui reste du mandat
présidentiel en cours. Il nomme un nouveau Premier
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djo ne s’est pas fait accompagner par son ministre des affai-
res étrangères, Jean Keutcha. Ce dernier s’envole plutôt le
vendredi 27 avril 1979 pour la Corée du Sud. Mais, au
courant du week-end du 28 au 29 mai 1979, panique géné-
rale : Ahmadou Ahidjo tombe dans le coma. (Les mauvaises
langues racontent qu’une fois de plus, il avait ingurgité trop
de Dimple, la marque de whisky dont il raffolait, en consé-
quence, il était tombé dans un coma éthylique). Le palais de
l’Elysée en est aussitôt informé. Une escouade de médecins
est dépêchée, dare-dare, au chevet d’Ahmadou Ahidjo. Son
corps est criblé de perfusions. Un masque à oxygène est
placé sur sa bouche, il ne respire plus que grâce à celui-ci.
Les heures passent. Il ne revient toujours pas à lui. La situa-
tion est critique … pour l’Elysée. Conformément à la cons-
titution, si Ahmadou Ahidjo vient à disparaître :
« les pouvoirs du président de la République sont exercés,
de plein droit, jusqu’à l’élection du nouveau président de
la République, par le président de l’Assemblée Nationale
et, si ce dernier est à son tour empêché d’exercer ces pou-
voirs, par le Premier ministre. Le président de la Répu-
blique par intérim ne peut modifier, ni la constitution, ni
la composition du gouvernement…. »
en place son pouvoir absolu. L’article 1er de cette loi est ainsi
libellé :
« Le gouvernement camerounais investi le 18 février 1958,
est autorisé à prendre, à compter du 1er novembre 1959,
par décrets dénommés ordonnances, toutes dispositions
de caractère législatif jugées nécessaires à la bonne marche
des affaires de la nation (…)
L’article 2 :
« Le gouvernement du Cameroun investi le 18 février
1958 est habilité à établir un projet de constitution (…) Le
projet de constitution arrêté en conseil des ministres sera
soumis à la nation, par voie de référendum, et sera pro-
mulgué par le Premier ministre, dans les huit jours de son
adoption. »
Chapitre III
La réussite de la « démission »
d’Ahmadou Ahidjo
Chapitre IV :
La nostalgie du pouvoir
*
* *
Ahmadou Ahidjo aura connu un bien triste destin. Vivre
dans la gloire, adulé tel un Dieu, et mourir dans l’indiffé-
rence, loin de sa terre natale, en fugitif.
Mais, le plus triste, dans le destin d’Ahmadou Ahidjo, au-
ra été, à n’en pas douter, son pari manqué. Il aura, de toute
évidence, fait le pari de « l’amitié » avec la France, afin que
celle-ci le maintienne au pouvoir, sans nul doute, à vie, pen-
dant qu’il développerait son pays. Ce faisant, de son côté, il
maintiendrait la population dans la terreur et l’obscurantis-
me (1), dans le but d’attirer et de rassurer les investisseurs
occidentaux. Il a perdu sur les deux plans.
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Annexe :
Florent Etoga :
« je m’y attendais depuis des mois »
(…) Pour vous dire la vérité, je ne suis pas très surpris par la
nouvelle (de la démission d’Ahmadou Ahidjo). C’est quelque
chose à laquelle je m’attendais pour des raisons que seule
l’histoire nous révélera plus tard. Je m’y attendais même
depuis des mois. Lui-même, le président Biya s’y attendait.
En ce qui me concerne personnellement, j’avais été mis au
parfum par des amis français, bien sûr je me suis réservé d’en
parler au futur président, encore moins à mon épouse ou à
qui que ce soit…
L’Action, Renouveau an XX, novembre 2002.
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TABLE
Introduction …………………………………………….. 6
Chapitre I : Les plans de l’Elysée ……………………… 9
A – La nouvelle politique africaine de la France ….. 14
B – Le retour du Premier ministre au Cameroun ….. 29
C – Paul Biya : élu de la France …………………… 33