Skounti PATRIMONIALISATION
Skounti PATRIMONIALISATION
Skounti PATRIMONIALISATION
19-34
DE LA PATRIMONIALISATION.
COMMENT ET QUAND LES CHOSES DEVIENNENT-ELLES DES
PATRIMOINES ?
Ahmed Skounti
Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat-Marrakech
INTRODUCTION
1
James Clifford, Les autres – au-delà des paradigmes de ‘préservation’, Cahiers du Musée national
d’art moderne (Paris), 28, 1989, pp. 71-76.
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David Lowenthal, The Heritage Crusade and the Spoils of History, Cambridge: Cambridge
University Press, 1998.
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LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION
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Ali Amahan et Catherine Cambazard-Amahan, Arrêts sur sites. Le patrimoine culturel marocain,
Casablanca, Editions le Fennec, 1999 ; Samir Kafas, « De l’Origine de l’Idée de Musée au Maroc »,
in Caroline Gaultier-Kurhan, dir., 2003, Patrimoine culturel marocain, Paris, Maisonneuve et Larose,
pp. 39-56 ; Hamid Irbouh, Art in the Service of Colonialism. French Art Education in Morocco 1912-
1956, London-New York, Tauris Academic Studies, 2005
18
Ahmed Skounti, Le Miroir Brisé. Essai sur le Patrimoine Culturel Marocain, Prologues. Revue
Maghrébine du Livre (Casablanca), 2004, 29/30 : 37-46.
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Loi 22-80 et son amendement 19-05 exclusivement consacré aux biens culturels mobiliers.
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LE TEMPS PATRIMONIAL
Il y’a plusieurs années, un ami m’a raconté l’histoire suivante24. Dans la région
de Khémisset, au Nord-ouest du Maroc, vivait un paysan sur une propriété agricole
de taille moyenne. Lorsqu’il mourut, ses enfants, adultes et mariés, partagèrent son
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Christian Bromberger, « Ecomusées et espaces bâtis : des formes architecturales aux significations
culturelles », in Marc Augé, dir., Les Territoires de la Mémoire. Les collections du patrimoine
ethnologiques dans les écomusées, Thonon-les-Bains : Editions de l’Albaron, 1992, pp. 67-89.
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Ce nom, entré dans l’usage, désigne les marchands d’objets d’art et d’artisanat dans les vieilles
villes. Il vient de bazar qui, au Maroc, réfère, non pas au souk comme au Moyen-Orient, mais à des
marchés proposant des objets de luxe et d’artisanat. Voir Corinne Cauvin Verner, « Les Objets du
Tourisme, entre Tradition et Folklore », Journal des Africanistes, Sahara : Identités et Mutations
Sociales des Objets, Tome 76-1, 2006, pp : 187-201.
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Rolande Bonnain, L’Empire des Masques. Les Collectionneurs d’Arts Premiers Aujourd’hui, Paris,
Editions Stock, 2001
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A. Skounti, 2008, op.cit.
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Il s’agit de Mohammed Bettich, psychiatre à Paris.
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Laurier Turgeon raconte une histoire similaire sur un pendentif en or avec l’étoile de David que lui
et ses frères et sœurs héritèrent de leur mère et auquel ils ne prêtèrent guère d’attention jusqu’à ce
qu’il découvre dans les Archives de Bordeaux que sa grand-mère était d’origine juive. Voir Turgeon,
Laurier, 2003, Patrimoines Métissés. Contextes Coloniaux et Postcoloniaux, Québec : Presses
universitaires de Laval & Paris : Editions de la Maison des sciences de l’Homme, 234 pages.
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Ce sentiment n’a pas concerné, loin s’en faut, que l’architecture coloniale. Voici ce qu’écrit A.
Laroui à propos de la médina de Marrakech : «« La ville de Marrakech que les touristes considèrent
comme un vaste musée vivant, était sous le Protectorat un objet de nausée pour les jeunes
nationalistes à tel point qu’ils organisèrent une vaste campagne de dénigrement contre les marques de
la décadence qu’on y voyait et qu’ils les firent, à l’indépendance, formellement interdire. » Voir
Abdellah Laroui, 1967, L’Idéologie Arabe Contemporaine, Paris, Maspero, p. 92.
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www.casamemoire.org. Consulté le 10 mai 2010.
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Même lorsqu’il remonte à la veille du Protectorat ou à l’après-Indépendance, il n’est pas toujours
épargné comme en témoignent les deux exemples suivants. Pour la première période, la récente
destruction début mai 2010 de l’hôpital Benchimol, premier établissement moderne de ce type,
construit par un marocain juif de même nom en 1904 et dont la presse s’est largement fait l’écho et à
propos de la démolition duquel une pétition est lancée sur Internet. Pour la seconde période, la
destruction des bâtiments du bagne de Tazmamart après la libération des survivants en 1991 est de
l’avis des défenseurs des droits de l’Homme une atteinte à un lieu de mémoire. Résigné mais lucide,
Aziz Binebine, un rescapé du bagne affirme que : « la destruction du bagne de Tazmamart, qui était
devenu un symbole des années de plomb, en a fait une légende. Et une légende ne meurt jamais ! »
(TelQuel, Casablanca, n° 258, 2006, disponible sur www.telquel-online.com).
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PATRIMONIALISATION ET MONDIALISATION
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Voir le site de l’UNESCO : www.unesco.org/culture.
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représentations »30. Ce que les Talibans (et leurs sympathisants sur ce point à
travers le monde) considèrent comme des idoles païennes qu’il importe de démolir,
quitte à utiliser la grande artillerie, est perçu par le reste de la communauté
internationale comme un patrimoine digne d’être protégé. D’ailleurs, suite à un
travail intense et médiatisé, l’UNESCO a procédé d’urgence en 2003 à l’inscription
du site à la fois sur la Liste du patrimoine mondial et sur la Liste du patrimoine
mondial en péril, sur la base d’une proposition présentée par l’Etat afghan.
Cette mobilisation internationale s’est étendue au patrimoine culturel
immatériel depuis l’adoption par l’UNESCO de la Convention de 2003. Ce type de
patrimoine s’avère, dans beaucoup de ses aspects, bien moins concerné par les
frontières nationales actuelles que le versant matériel de l’héritage de l’humanité.
En entamant les inventaires exigés par cet instrument normatif international, les
Etats parties à cette convention se rendent compte de l’ampleur de l’étendue des
liens qui les unissent les uns aux autres, parfois sur de longues distances. Un
certain nombre d’entre eux ont travaillé sur des candidatures pour inscription sur la
Liste représentative du patrimoine culturel immatériel ces dernières années. Trois
d’entre elles retiennent l’attention à ce propos. La première concerne l’inscription
en 2009 du Novruz, une fête qui marque l’avènement du nouvel an et le début du
printemps dans une aire géographique étendue couvrant l’Azerbaïdjan, l’Inde,
l’Iran, le Kirghizistan, le Pakistan, la Turquie et l’Ouzbékistan31. La deuxième est
la pratique de la fauconnerie, candidate à l’inscription en 2010 et met ensemble des
Etats parties d’Asie centrale comme la Mongolie, du Golf comme les Emirats
Arabes Unis et le Qatar, d’Afrique du Nord comme le Maroc et d’Europe comme
la Belgique et le Royaume-Uni, entre autres. La troisième, le régime alimentaire
méditerranéen basé sur l’huile d’olive, également candidat à l’inscription en 2010,
est porté par l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Maroc, ce qui n’empêche pas
d’autres Etats du pourtour méditerranéen de pouvoir se joindre à la candidature.
Tous ces éléments illustrent le travail transfrontalier auquel la reconnaissance
d’éléments du patrimoine immatériel donne lieu. Les Etats qui les portent
s’inscrivent ainsi dans l’esprit mis en avant par la Convention, à savoir la
promotion du dialogue entre les cultures et de la tolérance entre les peuples. Ils
illustrent aussi cette dimension politique peu soulignée du processus de
patrimonialisation à l’œuvre au sein des sociétés et par-delà de leurs frontières
politiques.
30
Jack Goody, La Peur des Représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la
fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, Editions de la Découverte, 2003, Sur la première de
couverture du livre, on voit un cercle d’hommes rassemblés autour d’un Taliban en train de brûler des
photos et des pellicules d’appareils photographiques alors même qu’il se fait lui-même prendre en
photo !
31
La fête est inscrite sur la base des noms qu’elle porte dans les Etats parties concernés, dans
l’ordre des pays ci-dessus : Novruz, Nowrouz, Nooruz, Navruz, Nauroz, Nevruz. Le nom de l’élément
dans les pays et langues concernés fait partie intégrante de l’inscription. Voir : www.unesco.org/ich.
Consulté le 10 mai 2010.
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CONCLUSION
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