Culture Et Developpement
Culture Et Developpement
Culture Et Developpement
15 F
REV.
par
1982
Les vues exprimées dans ce document, le choix des faits présentés et les
jugements portés sur ces faits n'engagent que l'auteur et ne reflètent pas
nécessairement le point de vue de 1'Unesco.
IDENTITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT : PORTEE ET SIGNIFICATION
approches est en cours depuis plusieurs années tant au niveau des institutions du
système des Nations Unies que dans les institutions nationales responsables du
développement étant centré sur l'homme, sur ses capacités et sa créativité, les
à-dire visant en premier lieu à satisfaire les besoins et les aspirations réels
Tout d'abord, une société, pour se développer, doit commencer par ne pas
cesser d'être elle-même car, ce qui n'existe plus, ne se développe pas. Ensuite,
exemples de sociétés absorbées par des sociétés plus fortes, il est possible que
les territoires et les normes des sociétés ainsi absorbées deviennent ultérieurement
à toute autre valeur - ont donné lieu à un concept étriqué du développement dont
pauvrissement culturel et humain des pays du Tiers Monde. Adoptant une conception
a sens unique, opérant le transfert des modèles de culture des pays "développés"
.en drainant en retour des richesses matérielles et continuant ainsi le rôle joué
Le développement endogène doit par contre partir des contextes réels des
sociétés, d'une part, des besoins et aspirations des populations, et d'autre part,
des contraintes d'ordre multiple propres à ces contextes. Chaque société devrait
unique de développement n'existe pas : l'expérience des dernières décades ont bien
"le droit pour chaque pays d'adopter le système économique et social qu'il juge
environnant - avec ses ressources et ses contraintes - dans lequel il vit et évolue.
tout ce qui l'entoure (les siens, ses compatriotes, ses semblables, la nature et
peuple et son art dans la recherche du progrès et du bonheur, compte tenu de ses
et son style. Il est donc nécessaire pour assurer vin développement authentique, de
les plus représentatives, les plus profondes et les plus authentiques, en vue de
pendant une longue période, les graves séquelles du processus de colonisation en-
sont les deux volets sur les plans sociologique et psychologique du phénomène de
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socialisation à et dans la dépendance" imposée par la puissance colonisatrice,
voir politique, l'école, les milieux de travail et les églises. "Il n'est donc
pas étonnant qu'on observe dans la société colonisée des phénomènes de repliement
les diverses formes implicites de refus du système dominant soit par un retour à
des valeurs ou des institutions traditionnelles, soit par la fuite hors des réa-
lités immédiates". ' Ces "valeurs-refuges" sont comme des bouées de sauvetage
pour la société colonisée qui s'abrite derrière son passé, son histoire, son orga-
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et ses croyances mythologiques auxquels elle accorde une valeur et un poids consi-
s ' occupe à édifier un passé tounours idéalisés et mythifié. Une autre forme de
courant est souvent représentatif des classes sociales dominantes telles que les
leurs privilèges et des modes de vie aristocratique aux dépens des classes labo-
la fois des caractères généraux similaires aux autres sociétés et des caractères
problême, c'est que les nouveaux contextes donnent naissance à de nouveaux besoins
auxquels correspondent les nouvelles valeurs qu'il faut reconnaître avec opportu-
marche vers le progrès. Ceci étant, on observe souvent "des mouvements de libe-
ration nationale qui ont été amenos à "sur-dôterminer" idéologiquement les parti-
et ainsi, de mener plus efficacement leur combat". Mais, une fois l'indépendance
nationale obtenue, cette démarche tactique utilisée par les mouvements révolution-
culturelle nationale au profit d'une approche présentée dans les pages suivantes
culturel.
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b) Le courant "technocratique-rationaliste-Tnoderniste"
versité - et surtout des universités étrangères - dont 1 ' ascension sociale a été
ologie - qui est jugé plus ou moins consciemment à travers ce prisme. De tendance
créativité des masses populaires dont l'existence n'est même pas soupçonnée et par
. /. . .
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c) Le courant "futuriste-radicaliste"
dans le passe parfois érigé en paradis perdu, dans le mythe ou l'utopie, la société
qu'elle entretient est une société psychiquement inhibée, démunie des motivations
pement autonome. Cette aliénation sous toutes les formes, économique, politique,
se donnent pour objectif de mettre un terme à cette situation et de créer une société
complètement nouvelle, sur des bases inédites, à partir des valeurs jusqu'ici incon-
nues par cette société. Si, par tactique, ces mouvements révolutionnaires ont adopté
du passé culturel pour mener efficacement le combat, en fait, leur refus radical
porte aussi bien sur l'ensemble du présent que du passé. Rompant avec le présent
un avenir idéalisé, plus parfait que ce que l'homme ait jamais connu. Cette atti-
les trois dimensions temporelles, passé, présent, avenir, sont organiquement liées
surgir de la table rase des valeurs culturelles du passé et à partir des per-
fait, ces nouvelles valeurs culturelles ne proviennent pas d'une production endo-
ni même véritablement d'une classe sociale déterminée, mais bien le produit d'une
pour tout homme, en toute société et à toute époque, au même titre que les valeurs
Jusqu'à une époque assez récente, ce sont les ethnologues et les anthro-
countries ) , que des sociologues étudient ces sociétés comne n'importe quelle
entre sociétés entretenant des rapports mutuels moins déséquilibrés, les anthro-
pologues centraient cependant leur attention principalement sur la désintégration
de la société "archaïque". "Il ne leur apparaissait pas que les rapports avec la
Les études des anthropologues furent conduites par rapport aux sociétés
on a vu la réalité sociale sous l'aspect d'une culture, pas assez canne une organi-
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sation sociale globale". A ces études anthropologiques, comme le note encore
"A dire vrai, c'est le sens même de la réalité sociale, du champ de relations
complexes que constitue cette dernière et des rapports antagonistes s'y exprimant
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qui se trouve en défaut".
d'abord au niveau des rapports avec la société globale et ensuite au niveau des
1) ceux qui ont trait aux rapports de l'homme avec la nature : technologie,
Les deux premières catégories portent sur des aspects plus visibles et
deux dernières sont moins saisissables et plus difficiles à pénétrer, mais repré-
et sur les outils ou recettes culinaires ... n'abordent que des aspects super-
ficiels et formels (ou des vestiges) - bien que concrets - d'une culture (souvent
- qui appelle déjà des réserves même dans ces contextes précis - dans l'analyse des
problèmes des pays en voie de développement, car on doit étudier ces derniers en
tant que nations souveraines dans la communauté internationale avec toutes leurs
nation.
ä ses nationaux de couleur noire un ghetto hermétique sur tous les plans, poli-
d'enrichissement potentiel.
nité, les pays occidentaux ont jusqu'ici adopte une politique ambivalente par la
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des Nations Unies, leur condamnation du régime d'apartheid est presque unanime de
l'avenir. Mais en même temps, les résolutions adoptées presqu'à l'unanimité sont
restées lettre morte : les pays occidentaux continuent à soutenir le régime raciste
par des relations mutuelles soutenues dans tous les domaines, en particulier dans
des sociétés.
de ces sociétés.
et les objectifs à réaliser : elle occupe une place prépondérante dans la pre-
d'un peuple. Tout comme l'être vivant, la société ne peut se développer et s'épa-
gieuses et pratiques populaires (et non pas seulement les expressions artistiques,
tiquement humain.
durement ressentie par l'irruption brutale d'éléments étrangers dans leur intimité
C'est ainsi que les peuples des pays en développement, déjà traumatisés
une rupture radicale avec son passé, même dans la vision d'un avenir matériel
leur.- existence sociale et historique, bref a leur propre civilisation, les peuples
prise historique de leur nation. Car "toute civilisation comience par être une
"tout d'abord de persévérer dans son être". La lutte pour le progrès doit prendre
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réforme radicale des structures en vue d'un projet de société adapté aux condi-
Dans aucune société, la culture n'est uniforme pour tous les secteurs et
les groupes sociaux. Elle est diversifiée au niveau de l'individu tout comme ses
homogène intègre de grandes variations qui trouvent leur racine dans la diffe-
statuts sociaux tels que la classe, l'origine ethnique, les différences et dis-
repose sur les fondements culturels ne devrait pas, surtout dans les sociétés
mise en oeuvre avec succès d'un développement endogène, sans laquelle toute approche
et modèle de développement d'être usurpé par des groupes sociaux dominants ou activistes
Quelle que soit la valeur de la culture d'un peuple, pour être à la hauteur
du progrès et des exigences de son siècle, elle devrait intégrer, outre le capital
sont devenues des biens communs de l'humanité qu'aucune culture ne peut se permettre
car "il n'y a plus aujourd'hui une rationalité scientifique unique, mais de nombreuses
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rationalités différentes, souvent rivales". La technologie occidentale représente
élément neutre qu'il suffisait d'inscrire dans un autre contexte pour promouvoir le
apparaît avec de plus en plus de netteté que la technique est socialement déterminée,
qu'elle constitue en quelque sorte le support du code génétique de la société qui l'a
créé et qu'en l'introduisant dans une société autre, on introduit, par la même occasion,
nécessaires pour qu'une telle technique puisse être véritablement opérante. Le choix
modernes, surtout dans le domaine agricole, qui a provoqué la surexploitation des sols
des zones les plus favorisées, l'abandon de pans entiers du patrimoine agraire pour la
des anciens systèmes de culture alors que les nouveaux sont incapables d'assurer la
reproduction des systèmes aménagés. D'où une remise en question globale d'une telle
conception de la technique à travers la notion d ' éoo-développement qui est basée sur
La maîtrise de la technique n'est donc pas seulement technioo-économique, elle doit être
riale de la rationalité scientifique qui est remis en question ici. "Oeuvre géniale
et urgente, la science n'a pris une allure menaçante que pour être sortie de l'orbite
l'homme fasciné par sa puissance d'attraction. Par là, au lieu de s'intégrer à lui,
Renaissance, et voici qu'au XXe siècle, le scientocentrisme risque de les faire tous
deux éclater".(19)
repose sur un raisonnement qui n'est qu'une tautologie : Science rz.savoir universel,
donc société scientifique ^ culture universelle. Mais que deviennent les cultures si
" (20)
le savoir est universel ? Le savoir ne ferait-il pas partie de la culture ?
•••/•••
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corne si toutes les cultures n'avaient leur savoir, leur science privilégiée, leurs
Par ailleurs, "considérée d'un point de vue historique", sur une large
échelle, "et en fonction des services qu'elle rend à l'homme, la culture apparaît
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comme bien plus universelle que la science".
Tandis que "la science apporte des solutions aux problèmes simples, la
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culture est irremplaçable quant il s'agit des problèmes véritablement importants".
tenance et à l'homme de conserver son équilibre mental. Elle fournit le cadre parti-
culier, les structures spécifiques et les valeurs symboliques qui rendent possibles
C'est en fait la base fondamentale et l'art pour la recherche du bonheur, compte tenu
lui imposent l'environnement particulier qui est le sien. "La crise de la société
la technique, soit par une politique délibérée d'agression culturelle opérée par les
permanente avec l'ensemble de son propre environnement - on risque d'occulter ici encore
sion culturelle au profit d'autres éléments dont 1 'importance en fin d'analyse n'équi-
gie, ni par la science, ni par l'économie, ni par l'environnement et il faut les inté-
nouvelle, ont préconisé une démarche diamétralement opposée, en vidant tout le sens
sation modique de la part des intéressés, toute la tâche aux dirigeants officiels de
dition culturelle, les moeurs et les coutumes que l'on condamne comme rétrogrades, en
même temps qu'on anéantit l'intimité personnelle de l'individu, dans le double souci
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culture". C'est en fait "le développement endogène, ayant l'homme comme centre".
d'une approche globale intégrant d'emblée des valeurs sociales et humaines, culturelles
au niveau d'un sous-produit collatéral de l'expansion matérielle, alors que dans une
à caution, par suite de son ambiguité : "elle laisse à penser que le processus de
développement est avant tout un processus d'ordre économique et que la culture n'est
systèmes des beaux-arts et dés belles »lettres. Pour donner "une certaine dimension
sectorielle des domaines faisant partie des "affaires dites culturelles" : protection
résiduelle, simple appendice et simple palliatif aux excès aux désiquilibres engendrés
société dans son être même, comme une véritable aventure dans laquelle la société
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s'engage en faisant appel à toutes ses capacités d'autocréation" et s'il "doit
viser à la promotion de l'être humain total dans son insertion sociale et dans son
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épanouissement individuel par le plan tant spirituel que moral et matériel" ,
la perspective pour chaque société est bien de passer lui-même, selon son propre
brute" ou au "Bonheur national brut "; mieux, au "Bonheur brut de chacun"¿de passer ainsi
de "la croissance économique au développement humain Jen se. basant sur l'assise
fondamentale de toute société qu'est la culture dans son sens le plus large. Car "la
culture est un procès d'identification" d'une communauté humaine pour elle-même et par
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les autres, "une façon caractéristique de vivre et de produire, d'etre et de vouloir"
elle est "une interprétation globale de la nature, une grille de lecture et de trans-
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NOTES
Pour les parties (a), (b) et (c) ci-après, voir en particulier Abdul
Aziz Belal, Culture et développement : approche du sous-développement,
dans Cultures, (Paris), Unesco, vol. VI, no. 1, 1979.
Ibid., p. 237.
Ibid., p. 37
Id.
Id.
Ibid., p. 221
Id.
Ibid., p. 40
23 5
* Ibid, page 127
24. )