CONSOMMATION D'ALCOOL EN MILIEU URBAIN CHEZ LES ÉLÈVES DU

SECONDAIRE EN CÔTE D'IVOIRE

N’cho Simplice Dagnan, Pétronille Zengbé-Acray, Éric Martial Kouakou Ahoussou,

Franck Kokora Ekou, Damus Paquin Kouassi, Parfait Stéphane Sablé, Konan Roland
Oussou, Sanansi Cissé, Sory Ibrahim Soumahoro

S.F.S.P. | « Santé Publique »

2014/1 Vol. 26 | pages 107 à 114

ISSN 0995-3914
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 Afrique, santé publique & développement Recherche originale

Consommation d’alcool en milieu urbain chez les élèves

du secondaire en Côte d’Ivoire
Urban alcohol consumption among secondary school students
in Côte d’Ivoire
1, 2 1, 2 2 3
N’Cho Simplice Dagnan , Pétronille Zengbé-Acray , Éric Martial Kouakou Ahoussou , Franck Kokora Ekou ,
2, 4 3 2 5
Damus Paquin Kouassi , Parfait Stéphane Sablé , Konan Roland Oussou , Sanansi Cissé ,
2
Sory Ibrahim Soumahoro

û Résumé û Summary
Introduction : la consommation d’alcool est un facteur de Introduction: Alcohol consumption is both a health and social
risque sanitaire et social. Peu d’études ont été réalisées sur risk factor. Few studies have been conducted on alcohol use
l’alcool en milieu scolaire, en Côte d’Ivoire. Cette étude a pour among students in Côte d’Ivoire. This study was designed to
but de déterminer les facteurs favorisant la consommation determine factors associated with alcohol consumption among
d’alcool chez les élèves du secondaire en milieu urbain. secondary school students in Côte d’Ivoire.
Méthodes : une étude transversale a été menée en mai 2011, Methods: A cross-sectional study was conducted in May 2011
parmi les élèves du secondaire d’un établissement public among public secondary school students in Abidjan. One class for
d’Abidjan. Une classe par niveau d’étude était choisie à la suite each year of study was randomly selected. Multivariate analysis
d’un tirage aléatoire simple. Une analyse multi-variée a servi à was conducted between alcohol consumption and independent
étudier l’association entre la variable dépendante et les variables.
variables explicatives. Results: A total of 316 students participated in the survey. The
Résultats : au total, 316 élèves ont participé à l’enquête. L’âge mean age (SD) of the study population was 16.1 (2.7) years. One
moyen des enquêtés était de 16,1 ans avec un écart type de hundred and fourteen respondents (36.1%) reported having
2,7 ans. Cent quatorze enquêtés (36,1 %) ont déclaré avoir déjà already drunk alcohol. Age of first alcohol consumption was
consommé de l’alcool. L’âge de la première consommation 10-14 years among girls (48.8%) and 15-19 years among boys
d’alcool se situait en majorité entre 10-14 ans (48,8 %) chez les (49.3%). Multivariate logistic regression identified the following
filles et entre 15-19 ans (49,3 %) chez les garçons. La régres- factors associated with alcohol use among students: Christian
sion logistique a indiqué comme facteurs associés à la consom- religion, more pocket money, living with parents who drink
mation d’alcool chez les élèves ; la religion chrétienne, avoir alcohol and the student’s perception of alcohol as a refreshing
une allocation hebdomadaire de plus de 5 000 F CFA (7,62 €), drink or having an antidepressant effect.
vivre avec des parents qui consomment de l’alcool, et la consi- Conclusion: In the light of the determinants of alcohol consump-
dération de l’alcool comme une boisson désaltérante ou ayant tion and the students’ suggestions in our study, it appears essen-
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un effet antidépresseur. tial to involve students in actions concerning alcohol abuse.
Conclusion : au vu des déterminants de la consommation
d’alcool et des suggestions énumérées par les élèves dans notre
étude, il paraît essentiel de les impliquer dans les actions de
lutte contre l’usage nocif de l’alcool.

Mots-clés : Consommation alcool ; Population urbaine ; Keywords: Alcohol drinking; Urban population, Adolescent; Cote
Adolescent ; Côte d’Ivoire ; Facteurs de risque ; Hommes ; d’Ivoire; Risk Factors; Men; Women.
Femmes.

1
UFR Sciences Médicales-Université Félix Houphouët – Abidjan – Côte d’Ivoire.
2
Institut National d’Hygiène Publique (INHP) – BP V 14 Abidjan – Côte d’Ivoire.
3
Institut National de Santé Publique (INSP) – Abidjan – Côte d’Ivoire.
4
UFR Sciences Médicales – Université Alassane Ouattara – Bouaké – Côte d’Ivoire.
5
Antenne INHP Bouaké – Côte d’Ivoire.
Correspondance : E.M.K Ahoussou Réception : 08/07/2013 – Acceptation : 24/12/2013
[email protected]
Adresse : BP V 14 Abidjan

Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014 107

 N. S. Dagnan, P. Zengbé-Acray, E.M.K Ahoussou, et al.

répression. Malgré ces mesures, la consommation de bois-

Introduction sons alcoolisées continue d’augmenter chez les élèves. En
outre, en Côte d’Ivoire, peu d’études y ont été consacrées.
Le but de notre étude est de déterminer les facteurs favo-
La représentation positive de l’alcool dans nos sociétés risant la consommation d’alcool chez les élèves.
aussi bien traditionnelles que religieuses et les habitudes
de consommation de plus en plus excessive d’alcool posent
un véritable problème de santé publique. Au niveau
mondial, l’alcool est considéré comme le troisième facteur Méthodes
de risque de morbidité, après l’hypertension artérielle et le
tabac. Il représente 3,8 % de la mortalité globale [1]. Il a été
démontré que l’alcoolisation augmente le risque d’être Notre étude a été menée dans un lycée public de Côte
auteur ou victime de nombreux méfaits et expose à des d’Ivoire. Il s’agit du lycée moderne d’Adjamé situé dans la
problèmes sanitaires et sociaux [2, 3, 4, 5]. ville d’Abidjan. Cette commune abrite le plus gros marché
Au cours de son évolution, l’enfant en âge d’être scolarisé, de Côte d’Ivoire, ce qui fait du commerce l’activité écono-
puis l’adolescent, doit faire face à plusieurs défis successifs : mique la plus dominante. Cet établissement d’enseigne-
l’adaptation à l’école primaire, l’adaptation à l’école secon- ment général, compte 74 classes (de la sixième à la
daire, l’acquisition de la compétence scolaire, le développe- terminale) et 5 979 élèves inscrits au cours de l’année
ment de relations positives avec ses pairs et enfin le scolaire 2010/2011.
développement d’une identité autonome. Si la majorité des Nous avons mené du 4 au 19 mai 2011 une étude trans-
enfants et des adolescents relève avec succès ces défis, ils versale à visée descriptive et analytique. Cette étude a porté
sont cependant exposés à des comportements à risques qui sur les élèves de tous niveaux d’étude ; de la sixième à la
peuvent affecter leur santé, leur bien-être et leur réussite terminale et âgés de 10 ans au moins. Les niveaux d’étude
éducative [6]. constituaient les strates. Une classe par niveau d’étude était
L’alcoolisation, ces dernières années, a pris de l’ampleur choisie à la suite d’un tirage aléatoire simple. Tous les élèves
dans les pays développés avec le phénomène « binge drin- des classes choisies ont été enquêtés, excepté les absents
king » [7, 8]. Ce phénomène est à l’origine de plusieurs consé- pendant la période d’étude. Au total 316 élèves ont été
quences préoccupantes. En Europe, la consommation nocive interrogés.
d’alcool est responsable d’environ 195 000 décès chaque Une autorisation d’enquête nous a été accordée par le
année avec un décès sur 4 parmi les jeunes hommes et un proviseur du lycée. La collecte des données s’est faite après
sur 10 parmi les jeunes femmes [9]. Toutefois les consé- explication de l’étude aux élèves des classes sélectionnées,
quences de cette addiction sur la santé (morbidité et morta- ce qui a permis d’obtenir leur consentement. Les données
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lité) et la vie sociale sont mal estimées dans les pays en ont été finalement recueillies à partir d’un questionnaire
développement notamment en Afrique de l’ouest. En Côte auto-administré, rendu anonyme par des numéros. Le
d’Ivoire, la loi portant Code des débits de boissons du 1er août questionnaire comportait des variables sociodémogra-
1964, en ses dispositions concernant la protection des phiques, des facteurs pouvant être associés à la consomma-
mineurs contre l’alcoolisme, interdit de servir de l’alcool aux tion d’alcool et des suggestions des élèves pour lutter
mineurs. Ces dispositions ne sont pas respectées et les débits contre la consommation d’alcool.
de boissons existent, même aux abords des établissements Une double saisie a été opérée pour réduire les erreurs
scolaires. Les mineurs travaillent également dans les bars, de saisie et les données ont été analysées à l’aide du logiciel
les restaurants populaires appelés « maquis » et les boîtes Stata 11 avec un risque d’erreur de 5 % pour les tests statis-
de nuit, où ils consomment de l’alcool. tiques. Les tableaux ont été réalisés avec les logiciels Excel
Une enquête sur l’alcoolisme réalisée en 2009, par le et Word 2007.
programme national de lutte contre le tabagisme, l’alcoo- Les analyses descriptives ont été effectuées par le calcul
lisme, la toxicomanie et les autres addictions (PNLTA) dans des proportions des variables qualitatives, concernant les
plusieurs régions de la Côte d’Ivoire, a révélé que 70 % des caractéristiques sociodémographiques des élèves et leurs
élèves consommait l’alcool et l’âge d’initiation se situait habitudes de consommation de boissons alcoolisées. Pour
entre 12 et 16 ans [10]. Conscients des dommages causés la comparaison des proportions selon le genre, le test de
par l’alcool, de nombreux pays ont entrepris des actions de chi deux a été utilisé avec un niveau de significativité de
lutte contre ce fléau, actions allant de la sensibilisation à la p ≤ 0,05.

108 Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014

 CONSOMMATION D’ALCOOL ET LYCÉENS IVOIRIENS

La recherche de facteurs associés à la consommation

d’alcool chez les élèves a été effectuée en deux étapes. Résultats
Premièrement une analyse bi-variée (Odds ratio bruts et
Intervalles de confiances à 95 %) a été réalisée avec les
Population d’étude
différentes variables (la variable dépendante et les
variables indépendantes). Deuxièmement les variables Les élèves de sexe masculin représentaient 55,4 %. L’âge
avec une valeur de p ≤ 5 % ont été incluses dans une moyen (ET) de nos enquêtés était de 16,1 (2,7) ans, dont la
analyse multi-variée (Odds ratio ajustés et intervalles de majorité (61,4 %) se situait entre 15-19 ans. La plupart des
confiances à 95 %). Les variables croisées qui avaient une élèves (72,8 %) vivait avec leurs parents biologiques. Moins
valeur p > 5 % n’ont pas été retenues comme facteurs liés d’un quart (22,5 %) des élèves avait comme argent de
à la consommation d’alcool chez les élèves. poche au moins 5 000 f CFA par semaine (tableau I).

Tableau I : Caractéristiques sociodémographiques selon le sexe des élèves enquêtés du lycée moderne d’Adjamé (n = 316)

Masculin Féminin Total

Caractéristiques sociodémographiques
Effectif % Effectif % Effectif %

Âge moyen (ET)* 16,5 (2,63) 15,6 (2,71) 16,1 (2,70)

Classes d’âge p = 0,129
10-14 ans 44 25,14 49 34,75 93 29,43
15-19 ans 112 64,00 82 58,16 194 61,39
20-24 ans 19 10,86 10 7,09 29 9,18
Vit avec p = 0,397
Parents nucléaires 130 74,29 100 70,92 230 72,78
Grands parents 10 5, 71 7 4,96 17 5,38
Tuteurs 29 16,57 32 22,70 61 19,30
Autres 6 3,43 2 1,42 8 2,53
Lieu de résidence p = 0,037
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Adjamé 90 51,43 89 63,12 179 56,65
Hors Adjamé 85 48,57 52 36,88 137 43,35
Niveau d’étude p = 0,334
1er cycle* 91 52,00 81 57,45 172 54,43
2 cycle*
nd
84 48,00 60 42,55 144 45,57
Argent de poche (en franc CFA)* p = 0,720
< 5000 137 78,29 108 76,60 245 77,53
≥ 5000 38 21, 71 33 23,40 71 22,47
Religion p = 0,523
Christianisme 90 51,43 73 51,77 163 51,58
Islamisme 79 45,14 66 46,81 145 45,89
Autres 6 3,43 2 1,42 8 2,53

* ET : Ecart type
1er cycle : 6e, 5e, 4e, et 3e
2nd cycle : 2nd, 1re et Tle
1 € = 655,957 francs CFA

Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014 109

 N. S. Dagnan, P. Zengbé-Acray, E.M.K Ahoussou, et al.

Caractéristique des élèves consommant de l’alcool avec des amis (84,2 %). Parmi les élèves qui consommaient
de l’alcool, 37,7 % ont déclaré une ivresse et plus de la moitié
Un total de 114 élèves (36,1 %) ont rapporté consommer (56,1 %) des cas d’ivresse se faisait à l’insu des parents.
de l’alcool. La prévalence était plus élevée chez les garçons Soixante-dix pour cent des élèves qui ont déclaré une ivresse
(64 %). L’âgedelapremièreconsommation d’alcool sesituait étaient de sexe masculin. La plupart des garçons qui ont
en majorité entre 10-14 ans (48,8 %) chez les filles et entre déclaréuneivresseconsommaitplusd’unebouteille(43,3 %)
15-19 ans (49,3 %) chez les garçons. Les garçons consom- de boisson alcoolisée, quant aux filles une seule bouteille
maient plus l’alcool par plaisir (48 %) tandis que les filles le (46,2 %) entraînait un état d’ébriété. La boisson alcoolisée la
faisaient par effet de mode (31,7 %) ; toutefois la différence plus consommée par ceux-ci était la bière, 61,5 % chez les
n’étaitpasstatistiquementsignificative.Lamajoritédesélèves garçons et 56,7 % chez les filles. Près de la moitié (46,2 %) et
consommait de l’alcool dans les bars et les maquis (65,8 %) 30 % des cas de récidives d’ivresse (plus de deux fois) ont été

Tableau II : Caractéristiques des élèves consommateurs d’alcool selon le sexe du lycée moderne d’Adjamé (n = 114)

Caractéristiques des consommateurs Masculin Féminin Total

d’alcool Effectif % Effectif % Effectif %
Âge moyen (ET) 16,97 2,62 15,90 2,39 16,59 2,59
Âge d’initiation p = 0,731
< 10 ans 4 5,48 1 2,44 5 4,39
10-14 ans 31 42,74 20 48,78 51 44,74
15-19 ans 36 49,32 18 43,90 54 47,37
20-24 ans 2 2,74 2 4,88 4 3,51
Fréquence p = 0,869
Une seule fois 7 9,59 4 9,76 11 9,65
Une fois par semaine 43 58,90 26 63,41 69 60,53
+ une fois par semaine 23 31,51 11 26,83 34 29,82
Pairs p = 0,059
Parents 8 10,96 10 24,39 18 15,79
Amis 65 89,04 31 75,61 96 84,21
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Raisons p = 0,057
Effets de mode 15 20,55 13 31,71 28 24,56
Plaisir 35 47,95 9 21,95 44 38,60
Soucis/Timidité 14 19,1 8 11 26,83 25 21,93
Sans raison 9 12,33 8 19,51 17 14,91
Boissons p = 0,662
Bière 43 58,90 21 51,22 64 56,14
Vin 19 26,03 10 24,39 29 25,44
Liqueur 5 6,85 5 12,20 10 8,77
Tous 6 8,22 5 12,20 11 9,65
Moment p = 0,723
Weekend et férié 59 80,82 32 78,05 91 79,82
N’importe quel moment 14 19,1 8 9 21,95 23 20,18
Lieu p = 0,041
Domicile 20 27,40 19 46,34 39 34,21
Hors domicile 53 72,60 22 53,66 75 65,79

110 Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014

 CONSOMMATION D’ALCOOL ET LYCÉENS IVOIRIENS

respectivement déclarés chez les filles et les garçons. Cet état élèves dans notre étude. Il s’agissait du fait de ne pas être
d’ébriété se constatait le plus souvent les weekends et les de la religion musulmane, d’avoir une somme hebdoma-
jours fériés (79,1 %). D’autres caractéristiques des élèves qui daire d’au moins 5000 F CFA (7,62 €), de vivre avec un
consommaient l’alcool sont présentées dans le tableau II. parent qui consomme de l’alcool et de considérer l’alcool
comme une boisson désaltérante ou ayant un effet antidé-
presseur. Les facteurs significatifs en analyse bi-variée tels
Facteurs favorisant la consommation d’alcool que le sexe, la classe d’âge, la résidence, le niveau d’étude,
les problèmes entre les élèves et les personnes avec qui ils
Une analyse multi-variée a permis de déterminer les vivent ne sont pas significatifs dans l’analyse multi-variée
facteurs influençant la consommation d’alcool chez les (tableau III).

Tableau III : Facteurs associés à la consommation d’alcool chez les élèves du lycée moderne d’Adjamé par la régression logistique

Consommateurs
Analyse uni-variée Analyse multi-variée
Facteurs Total d’alcool

Effectif % OR brut IC95% p-value OR ajusté IC95% p-value

Sexe
Féminin 141 41 35,96 1 1
Masculin 175 73 64,04 1,75 [1,09-2,80] 0,021 1,55 [0,84-2,83] 0,158
Classe d’âge
10-14 ans 93 21 18,42 1 1
15-19 ans 194 82 71,93 2,51 [1,43-4,41] 0,001 1,99 [0,95-4,16] 0,069
20-24 ans 29 11 9,65 2,10 [0,86-5,12] 0,105 2,45 [0,72-8,32] 0,150
Résidence
Adjamé 179 49 42,98 1 1
Hors Adjamé 137 65 57,02 2,40 [1,50-3,83] 0,000 1,59 [0,90-2,82] 0,113
Religion
Islamisme 145 21 18,42 1 1
Christianisme 163 87 76,32 6,76 [3,88-11,78] 0,000 5,14 [2,69-9,83] 0,000
Autres 8 6 5,26 17,71 [3,35-93,71] 0,001 9,13 [1,53-54,59] 0,150
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Niveau d’étude
1er cycle 172 49 42,98 1 1
2nd cycle 144 65 57,02 2,07 [1,30-3,29] 0,002 1,21 [0,62-2,36] 0,571
Argent de poche (en franc CFA)
< 5 000 245 76 66,67 1 1
≥ 5 000 71 38 33,33 2,56 [1,49-4,39] 0,001 2,05 [1,04-4,02] 0,037
La personne chez qui vous vivez consomme-t-elle l’alcool ?
Non 205 50 43,86 1 1
Oui 111 64 56,1 4 4,22 [2,58-6,91] 0,000 2,18 [1,21-3,95] 0,010
Avez-vous des problèmes avec la personne avec qui vous vivez ?
Non 251 81 71,05 1 1
Oui 65 33 28,95 2,16 [1,24-3,76] 0,006 2,00 [0,99-4,06] 0,054
Opinion sur l’alcool
Produit toxique 106 18 15,79 1 1
Boisson désaltérante 167 77 67,54 4,18 [2,32-7,56] 0,000 3,77 [1,90-7,50] 0,000
Antidépresseur 26 15 13,16 6,67 [2,63-16,87] 0,000 4,18 [1,43-12,25] 0,009
Ne sait rien 17 4 3,51 1,50 [0,44-5,15] 0,515 2,66 [0,61-11,66] 0,195

Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014 111

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l’avenir [16]. Des études ont montré un lien entre le risque

Discussion de survenue d’une dépendance à l’alcool et l’âge d’initiation
à l’alcool. Une étude menée aux États-Unis par le National
Survey on Drug Use and Health (NSDUH) en 2004 a montré
Notre étude, qui a permis de montrer certains détermi- que le premier contact avec l’alcool avant dix ans, multiplie
nants de la consommation d’alcool chez les élèves, présente par sept le risque de dépendance à l’âge adulte [8, 17]. Au
quelques limites. Bien que les proportions d’ivresses soient Québec, l’âge légal pour l’achat des boissons alcoolisées est
déterminées chez les élèves, l’importance de la quantité a de 18 ans. Cependant, la plupart des jeunes Québécois n’at-
été mal estimée. En effet la capacité exacte des verres et des tendent pas cet âge pour boire leur premier verre [18]. En
bouteilles de boissons alcoolisées ne sont pas standard, elle Côte d’Ivoire, aucune loi sur la limite d’âge n’existe.
varie selon le lieu de consommation. Aussi les données sur Également les règlements sur la production, le commerce,
l’âge de la première consommation lors de la pré-enquête la distribution et la consommation régis par la loi N° 99-437
n’étaient pas satisfaisantes. De ce fait, nous avons indiqué du 6 juillet 1999 ne sont pas respectés.
la variable « tranche d’âge » dans notre questionnaire, bien L’âge de la première consommation se situait dans notre
qu’elle puisse être source de biais d’information. étude pour la plupart entre 10-14 ans chez les filles et entre
Les résultats obtenus pourraient être sous-estimés du 15-19 ans chez les garçons. Ces résultats montrent que l’ini-
fait de l’utilisation de questionnaire auto-administré, du tiation à la consommation d’alcool est plus précoce chez la
nombre de non répondants et du choix d’un seul établisse- fille. Ces résultats pourraient s’expliquer par une émanci-
ment scolaire. Les questionnaires auto-administrés sont pation de la jeune fille adolescente qui veut également s’af-
généralement cause de biais d’information. Pour combler ficher et s’affirmer dans la société. Notre étude a aussi
les limites de cette étude, d’autres enquêtes devraient être révélé que plus de la moitié des élèves qui consommait
réalisées en l’occurrence une enquête CAP dans plusieurs l’alcool, buvait la bière. Parmi ceux-ci plus des deux tiers
établissements scolaires aussi bien en milieu urbain que étaient de sexe masculin. Ces résultats sont conformes à
rural avec l’utilisation d’un questionnaire internationale- ceux trouvés par Spilka et coll. montrant que la bière est la
ment reconnu. boisson alcoolisée la plus consommée chez les lycéens
Dans plusieurs sociétés africaines, les boissons alcooli- (82 %) et les lycéennes (61 %) [19]. Concernant la consom-
sées sont utilisées dans toutes les cérémonies de réjouis- mation de liqueurs dans notre étude, les filles en consom-
sance et même de deuil (funérailles). Les occasions de maient autant que les garçons. Par contre, une étude
consommation ont été multipliées et encouragées dans le réalisée en France a montré que les jeunes femmes consom-
temps pour des raisons culturelles et économiques. ment plus les alcools forts que les jeunes hommes avec une
La prévalence de la consommation d’alcool était de augmentation en 5 années, de près du double de la consom-
36,1 % avec un IC95 [0,31-0,41] chez les élèves enquêtés. mation [20]. Ces pratiques alcooliques pourraient être
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Cette prévalence est largement inférieure à celle du responsables chez les élèves d’échec scolaire et de décro-
Cameroun où une étude réalisée à Yaoundé en 2006 a chages. En effet tous les auteurs sont unanimes sur les
montré une prévalence de 83,2 % [11]. Plusieurs autres dommages causés par l’usage nocif de l’alcool [5, 16, 18,
études ont montré également une prévalence élevée par 21]. La proportion de décès attribuables à l’alcool en France
rapport à la nôtre [12, 13, 14]. Les boissons alcoolisées sont est de 13 % chez les hommes et 5 % chez les femmes [22],
affiliées à plusieurs cultures ; africaines, occidentales et donnée mal estimée dans notre pays.
australes. Les garçons en consommaient plus que les filles Notre étude a montré un lien entre le montant d’argent
dans notre étude. Les garçons consommaient plus l’alcool de poche hebdomadaire et la consommation d’alcool. Cette
pour le plaisir tandis que les filles le faisaient par effet de situation pourrait se justifier par le fait que les élèves qui
mode. Cette tendance alcoolique qui s’inverse dans les pays fréquentent le lycée hors de leur commune d’habitation
développés où les femmes consomment de plus en plus recevaient plus d’argent de poche. Généralement les élèves
l’alcool [15] pourrait, si on n’y prend garde, se généraliser. qui habitent loin de leur lieu de fréquentation scolaire
La période de l’adolescence, âge de tous les dangers est reçoivent de leurs parents une allocation pour le transport
marquée par un changement aussi bien morphologique que et la nourriture (le petit-déjeuner et le déjeuner), souvent
psychologique. En fait, tout au long de sa métamorphose, certains parents en donnent plus. Le fait de donner beau-
l’adolescent s’efforce d’atteindre trois objectifs essentiels : coup d’argent à un élève pourrait favoriser son usage à des
la pleine acceptation de son corps sexué, la rupture des fins non conventionnelles. De ce fait, la politique du minis-
liens de dépendance à ses parents et la projection dans tère de l’Éducation nationale qui est d’affecter le maximum

112 Santé publique volume 26 / N° 1 - janvier-février 2014

 CONSOMMATION D’ALCOOL ET LYCÉENS IVOIRIENS

d’élèves dans leur commune de résidence devrait être adoptant la stratégie de réduction de l’usage nocif de l’al-
encouragée. Ces données sont confirmées par une enquête cool [24]. Afin de mener une action efficace, nous avons
québécoise réalisée sur les substances psycho-actives et le recueilli les suggestions des élèves, dont les plus citées
jeu chez les jeunes du secondaire, étude qui révèle que la étaient :
consommation d’alcool est plus fréquente chez ceux qui ont • la sensibilisation des élèves sur les conséquences de
une allocation hebdomadaire plus élevée [4]. Les parents l’alcool ;
et mêmes les éducateurs des établissements scolaires • l’éloignement des lieux de vente de boissons alcoolisées
devraient être sensibilisés sur les nuisances de l’abus de des écoles ;
l’alcool. La perception des boissons alcoolisées par les • la création d’un centre d’écoute et de conseil ;
élèves comme « boissons désaltérantes, boissons ayant des • les échanges entre parents et enfants ;
effets antidépresseurs » les conduit le plus souvent à abuser • l’interdiction d’achat et de consommation d’alcool au
de cette substance psychoactive. Ces résultats pourraient mineur.
s’expliquer par une insuffisance voire une absence de
connaissance, de communication sur l’alcool et les consé-
quences de sa consommation, aussi bien dans les écoles
qu’au niveau de la cellule familiale. La publicité sur les bois- Conclusion
sons alcoolisées sans balise favorise la valorisation de l’al-
cool par les élèves, ignorant complètement les dangers de
la consommation d’alcool. Les élèves qui vivaient avec des La lutte contre l’alcoolisme doit être en effet perçue dans
parents consommateurs d’alcool, en consommaient 4 fois notre pays comme une priorité sanitaire pour prévenir ou
plus que ceux qui vivaient avec des parents qui ne consom- limiter la morbidité et la mortalité (directes et indirectes)
ment pas l’alcool. Reda et al. ont mis en évidence le même en rapport avec l’usage nocif d’alcool. Si l’ensemble des
facteur dans leur étude [23]. Cependant la prévalence de la populations sont concernées par les différentes politiques
consommation d’alcool chez les élèves dans l’étude de Reda de lutte préventive, les jeunes et surtout les jeunes scola-
était de 22,2 %. Dans notre étude, en plus de la perception risés constituent une cible essentielle de l’action à mener.
de l’alcool par les élèves comme une boisson désaltérante De plus, en tant que « décideurs et leaders d’opinion de
et ayant un effet antidépresseur, la cohabitation avec des demain », il importe de préserver la santé de ces jeunes,
parents qui consomment l’alcool et le fait d’avoir beaucoup pour le bénéfice de la société dans les années à venir.
d’argent de poche, nous avons souligné un autre facteur qui
est le fait de ne pas être de religion musulmane. En effet, Aucun conflit d’intérêt déclaré
les parents de confession musulmane sont plus stricts sur
l’interdiction de la consommation de l’alcool à leurs enfants
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que les chrétiens. La santé publique ne peut contourner les
déterminants religieux, d’où l’importance de la sensibilisa-
tion au niveau des leaders religieux et des fidèles. Références
Parmi les élèves qui consommaient l’alcool, plus d’un
tiers ont déclaré au moins un cas d’ivresse et plus de la 1. World Health Organization. Global status report on alcohol and
moitié de ceux-ci, le faisait à l’insu des parents. Cet usage health, Geneva, 2011.
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