Jouer Sa Peau, Nassim Taleb - Résumé Détaillé - 1000 Idées de Culture Générale
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Le risque est nécessaire. Presque partout.
Mais il l’est surtout pour comprendre le monde : il explique l’incertitude du savoir, la symétrie dans les affaires
humaines, l’échange d’information, et la rationalité au sens large.
Le contact avec la réalité (https://1000idcg.com/principe-de-plaisir-realite-freud/) dont découle l’expérience du
risque est la pierre de touche du vrai savoir.
« Ce qui a été souffert a été appris » (pathemata mathemata), dit le proverbe grec.
Le savoir obtenu en bricolant, écrit Nassim Nicholas Taleb, par essai et erreur, par l’expérience, et le travail du
“ temps, en d’autres termes, le contact avec la terre, est largement supérieur à celui obtenu par le raisonnement, ce
que les institutions ne servant qu’elles-mêmes ont été bien occupées à nous cacher.
Le risque réduit plus précisément la divergence entre la parole et l’action, l’intention et la conséquence, la théorie et
la pratique.
Il est lié à la justice, à l’honneur et au sacrifice, qui sont cruciaux dans les sociétés humaines.
Il a donc une dimension profondément morale.
La meilleure preuve en est la condamnation unanime de l’aléa moral (https://1000idcg.com/alea-moral-adam-
smith/) : « Si on reçoit les bénéfices, alors on doit aussi porter certains des risques, et non pas laisser les autres
payer le prix de nos erreurs ».
Par exemple, ce ne sont pas les décideurs occidentaux qui ont à subir les conséquences dramatiques des
interventions en Irak et en Libye, mais les populations locales.
D’après Nassim Taleb, le raisonnement « interventionniste » est foncièrement erroné pour trois raisons :
1. il est statique, or « chaque paysan en Mongolie, chaque serveur à Madrid, chaque voiturier à San
Francisco sait que la vie réelle se trouve avoir des secondes, troisièmes, quatrièmes, nièmes étapes » ;
2. il n’est pas multidimensionnel ;
3. il conçoit la réalité en termes d’actions, et non pas d’interactions.
Toute intervention devrait, au contraire, être fondée sur l’adage médical Primum non nocere (« D’abord ne pas
nuire »).
Tout décideur devrait, au contraire, assumer le risque.
Historiquement, les sociétés ont été gouvernées par des gens qui prennent des risques – moins d’un tiers des
empereurs romains sont morts dans leur lit – pas par des gens qui les transfèrent.
La bureaucratie (https://1000idcg.com/bureaucratie-max-weber/) se définit, elle, par l’aléa moral. La
centralisation favorise le mensonge à cause de l’éloignement de l’administrateur et de l’administré ; mais son
inefficacité la voue à l’explosion, après quoi une certaine efficacité est restaurée par la décentralisation.
Nassim Taleb illustre l’aléa moral par l’enrichissement de Robert Rubin, qui a perçu, en dix ans, plus de 120 millions
de dollars de la banque Citigroup avant qu’elle ne soit sauvée par l’État américain en 2008.
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En réalité, les gens n’apprennent pas de leurs erreurs ; les systèmes sélectionnent ceux qui en commettent le
moins, et progressent ainsi d’expérience, par filtrage. Seulement, cela n’est plus possible si l’acteur est déconnecté
du risque.
Le processus de filtrage était pourtant présent dans les règles de la tradition. Le Code de Hammurabi
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_Hammurabi) (XVIIIème siècle av. J.-C.), dont est issue la loi du Talion,
repose sur la nécessité de l’équivalence de la sanction et de la faute ; dans le Lévitique, la règle d’or, ou principe de
bienfaisance, consiste à traiter autrui de la manière dont on souhaiterait qu’il nous traite.
La règle d’argent, ou principe de non-malfaisance (ne pas faire aux autres ce que l’on ne veut pas qu’ils nous
fassent), lui est cependant supérieure, parce qu’on améliore un système non pas en y ajoutant des choses, mais
en retirant ce qui est mauvais.
Socrate (https://1000idcg.com/blog/socrate/) a notamment appliqué ces règles d’empathie à la famille – que les
parents traitent leurs enfants en se mettant à leur place – et aux relations internationales – que les États forts
n’abusent pas des États faibles.
Pour Nassim Taleb, la symétrie morale est le fondement de la liberté, tandis que l’universalisme – celui de
l’impératif catégorique de Kant (https://1000idcg.com/critique-raison-pratique-kant/), par exemple – produit
des conséquences désastreuses.
De ce point de vue, la véritable rationalité se définit comme l’intelligence du temps : dans le monde intellectuel,
ce qui fait ses preuves en survivant à la critique ne peut pas être stupide ; dans le monde matériel, les
comportements qui ont rendu possible la survie collective – notamment la résistance aux cygnes noirs
(https://1000idcg.com/cygne-noir-taleb/) – sont, à cet égard, rationnels.
“ après que les choses se calment. Contrairement au drogué qui perd son ingéniosité, ce que vous apprenez de
l’intensité et de la concentration que vous aviez quand vous étiez sous l’influence du risque reste avec vous.
Nombreux sont, en revanche, les dispositifs qui déconnectent l’individu de son travail : la tradition des bonus, qui
favorise l’aléa moral dans la finance ; la situation de conflit d’intérêts entre les critiques littéraires et les lecteurs,
lesquels n’ont aucun moyen de sanctionner la qualité de la recommandation ; ou encore l’encadrement légal des
actes médicaux, qui pousse le médecin à bannir les risques de court terme et à négliger ceux de long terme.
Seul l’administrateur, le responsable des transferts de risque, n’en prend aucun : « Les administrateurs ont
toujours été, partout sur la planète, dans toutes les entreprises, et toutes les quêtes, et à toutes les périodes de
l’histoire, un fléau ».
Nassim Taleb affirme plus généralement que les gens qui n’agissent pas, tout particulièrement les universitaires, ne
parviennent pas à tirer les leçons de la vie active et transactionnelle.
Il défend en particulier la nécessité d’une certaine humilité : interrogé sur le cas de Microsoft à la télévision, il s’est
pour sa part déclaré incompétent parce qu’il n’en détenait aucune action.
Comment jouer sa peau ensemble ?
Un ancien adage dit qu’il faut manger les tortues qu’on attrape – autrement dit, se nourrir de ce dont on nourrit
les autres.
C’est une réponse à un vieux débat. Les stoïciens (https://1000idcg.com/blog/stoicisme-introduction/) Diogène de
Babylone et Antipater de Tarse se demandaient par exemple : faut-il vendre un produit dont on sait que le prix va
baisser ? Le premier a répondu par l’affirmative en partant du principe que l’éthique d’une transaction,
essentiellement légale, est différente de celle d’une relation ; attaché à la symétrie morale (ne pas faire ce qu’on
n’aimerait pas qu’on nous fasse), le second pense que le vendeur doit tout dire à l’acheteur potentiel.
Cet exemple montre que l’éthique est plus robuste que le légal, dans la mesure où elle est universelle, et non pas
contingente.
Si la transparence progresse dans le monde moderne, la question de la symétrie est compliquée ; c’est pourquoi
différentes solutions y ont été proposées. Par exemple, certaines règles de la finance islamique prohibent l’inégalité
d’incertitude, et l’éthique juive précise que la transparence doit aller jusqu’à savoir ce que les cocontractants ont en
tête.
Il y a cependant une question d’échelle.
Comme les règles éthiques ne s’étendent pas à l’infini – où le général tue le particulier – il vaut mieux, pour Nassim
Taleb, pacifier les relations entre les tribus plutôt que de toutes les confondre dans un seul et unique ensemble.
On comprend instinctivement que les gens s’entendent mieux en tant que voisins plutôt que colocataires.
Le risque et l’engagement sont certes en partie collectifs (cf. le concept de synkyndineo, « prendre des risques
ensemble », de la marine de la Grèce antique, traduit par compericlitor en latin), mais ils ne s’étendent pas à
l’humanité tout entière. La tragédie des biens communs d’Ostrom montre que le collectivisme ne fonctionne qu’en
dessous d’une certaine échelle, au-delà de laquelle les intérêts particuliers empêchent le communisme
(https://1000idcg.com/communisme-marx/).
Nassim Taleb cite à ce propos le dicton des frères urbanistes Geoff et Vince Graham : « Je suis libertarien au niveau
fédéral ; républicain au niveau de l’État ; démocrate au niveau local ; et socialiste à l’échelle de la famille et des
amis ».
La problématique de l’échelle invalide donc la division politique droite-gauche. Elle semble également empêcher la
généralisation des théories scientifiques de l’individu au groupe, puis à la société tout entière.
Il révèle également une autre vertu de la décentralisation : elle réduit la disproportion entre le groupe qui dicte ses
préférences et l’ensemble.
La règle de la minorité intransigeante équivaut, sur le plan de la connaissance, à la falsification de Karl Popper
(https://1000idcg.com/falsification-karl-popper/) : il suffit d’une seule expérience pour invalider une théorie.
Au plan moral, de même, ce sont les minorités les plus petites (https://1000idcg.com/action-collective-
mancur-olson/), les plus décidées et les plus obsessives qui imposent leurs valeurs à toute la société – elles ne
sont donc pas le fruit d’un consensus. C’est pourquoi ce sont elles qui changent le monde, comme dans les
révolutions.
“ la prise de risque, qu’elle y mène ou qu’elle en découle. Vous prenez des risques, vous vous sentez faire partie de
l’histoire. Et les preneurs de risques prennent des risques parce que c’est dans leur nature d’être des animaux
sauvages.
Lorsque les banques ouvrent leurs portes, raconte-t-il, leurs traders sont montrés comme des animaux sauvages.
Leur violence verbale et leurs outrances sont des risques qu’ils peuvent se permettre de prendre en raison de leur
compétence. Ironiquement, la véritable liberté se signale donc par l’adoption des mœurs des basses classes, à
l’image de Diogène le cynique (https://1000idcg.com/diogene-le-cynique-cynisme/).
La liberté d’une personne se juge à l’aune de ce qu’elle a à perdre.
C’est ce qui explique que les dirigeants élus soient beaucoup moins décidés dans leur action que les autocrates
comme Poutine (d’où la répugnance de l’administration américaine à sanctionner l’Arabie saoudite après le 11
septembre, ou les banques après la crise).
Nassim Taleb en déduit aussi qu’il est difficile de faire confiance à un employé dont le travail est évalué par un
supérieur.
À l’échelle individuelle, seul le célibat garantit la liberté et l’éthique intellectuelles, puisque les risques pris ne
s’étendent pas à autrui. Comme il existe toujours des vulnérabilités cachées, il faudrait n’avoir aucun ami pour être
libre de tout conflit, à l’instar de Cléon, un des adversaires les plus acharnés de Périclès (après la mort duquel il est
devenu le véritable chef de la démocratie athénienne (https://1000idcg.com/democratie-pericles/)).
Les terroristes islamistes posent problème à cet égard, car ils n’ont rien à perdre.
Enfin… pour l’instant : Nassim Taleb imagine de sanctionner leurs familles afin de leur faire assumer un risque
nouveau !
“ risque, celles qui, parce qu’elles n’assument pas leur part de risque, sont immunisées contre la possibilité de tomber
de leur piédestal, de perdre leur revenu ou leur niveau de richesse, et de devoir faire la queue au secours populaire.
L’effet Lindy
À New York, les acteurs qui se retrouvent chez le traiteur Lindy ont remarqué qu’un show programmé pour 100 jours
à Broadway durait généralement 100 jours de plus. Ce phénomène illustre le fait que l’espérance de vie de
certaines choses non périssables est liée à leur durée de vie passée : tel est « l’effet Lindy ».
Le sens profond de cet effet est que le temps, ou la fragilité (https://1000idcg.com/antifragilite-taleb/) (dans
la terminologie de Nassim Taleb), est le seul juge de l’expertise : « La durée est liée au risque. Les choses qui ont
survécu nous signalent qu’elles jouissent d’une certaine robustesse – à la condition qu’elles fussent exposées au
risque ».
Pas besoin d’experts pour contrôler les experts, c’est le temps qui les jugera.
Les choses périssables vieillissent, ou connaissent des accidents, tandis que les choses non périssables peuvent se
renforcer par l’effet Lindy.
« Prends de vieilles lois, mais de la nourriture fraîche », dixit Périandre de Corinthe.
Depuis que l’administration d’une université lui a fait remarquer qu’il serait jugé par ses pairs, Nassim Taleb définit
une personne libre par le fait que son sort n’est pas centralement ou directement dépendant de
l’appréciation des pairs. En tant qu’auteur, par exemple, son seul véritable juge est le temps.
Être examiné ou évalué par les autres n’a d’importance qu’à la condition d’être soumis aux jugements de personnes
“ futures, et non pas présentes. […] Les pairs contemporains sont des collaborateurs de valeur, mais pas les juges
finaux.
Ce n’est pas un test standard effectué par un département administratif qui met à l’épreuve les hypothèses,
mais seulement le temps. La pertinence d’une idée s’évalue à l’aune de ses conséquences de long terme, c’est-
à-dire si elle nuit aux individus qui s’y réfèrent. Plus que la vérité, c’est donc l’utilité d’une idée que l’on juge.
“ De l’autre côté, en partie à cause du scientisme et de la prostitution académique, en partie parce que le monde est
dur, si vous lisez quoi que ce soit par des psychologues ou des béhavioristes, Il y a fort à parier que ça marche
moins de 10 % du temps, sauf si ça avait déjà été traité par la grand-mère et les classiques, et dans ce cas pourquoi
diable avez-vous besoin d’un psychologue ?
Pour Nassim Taleb, les œuvres des Anciens (https://1000idcg.com/lecture-livres-schopenhauer/) qui ont passé
l’épreuve du temps (principalement la pensée grecque et latine) sont la pierre de touche des sciences sociales
lorsqu’elles traitent de la nature humaine.
Sont par exemple évoquées dans la sagesse ancienne :
la dissonance cognitive (Le Renard et les Raisons, Ésope) ;
l’aversion au risque (Histoire romaine, Tite-Live) ;
la via negativa (https://1000idcg.com/via-negativa-taleb/) (le poète latin Ennius : « Le bon n’est pas aussi bon
que l’absence de mal. ») ;
la prise de risque (dans le proverbe yiddish « On ne peut pas mâcher avec les dents de quelqu’un d’autre. ») ;
l’excès de confiance (le poète grec Théognis de Mégare : « Confiant, j’ai tout perdu ; défiant, j’ai tout préservé.
») ;
le paradoxe du progrès (le roi Pyrrhus énonce à son conseiller Cynéas tous les pays qu’il veut conquérir avant
de se reposer, et celui-ci lui rétorque qu’il peut déjà se reposer maintenant).
Jouer sa peau pour conquérir la compétence
À choisir entre, d’une part, un chirurgien diplômé, arrogant comme un chirurgien, et d’autre part un chirurgien qui
ressemble à un boucher, il faut choisir le second parce qu’il a dû compenser la défiance qu’inspire son apparence
par un surcroît de compétence[5]. De même, il ne faudrait pas recruter un trader bien habillé.
Le contact avec la réalité filtre l’incompétence, parce que la réalité est aveugle aux apparences.
“
Dans toute activité, les détails cachés sont révélés par l’effet Lindy.
– Nassim Taleb, Jouer sa peau
Il existe certes une corrélation entre l’apparence et la compétence, mais on est plutôt compétent malgré
l’apparence.
Sur le plan des idées, les personnes que l’on comprend le plus facilement sont, pour Nassim Taleb, des menteurs (je
ne suis pas du tout d’accord).
Dans le monde de l’entreprise, le cadre doit lui, en comparaison avec l’entrepreneur, jouer un rôle
(https://1000idcg.com/david-graeber-bullshit-jobs/) parce qu’il est en partie protégé du contact direct avec la
réalité : « Dans n’importe quel type d’activité ou de commerce émancipé du filtre direct de l’expérience, la grande
majorité des gens connaissent le jargon, jouent leur rôle, et connaissent intimement les détails cosmétiques ; mais ils
ignorent le sujet. ».
La mode des business plans, par exemple, est entretenue par les intermédiaires du monde de l’entrepreneuriat
alors qu’ils sont inutiles. De même, l’économie est une « discipline factice » où tout se joue au niveau de la forme.
Plus généralement, l’escroquerie intellectuelle n’est pas également répartie dans le monde.
Si certaines sociétés, comme celles des pays méditerranéens ou les États-Unis, valorisent la prise de risque, d’autres
valorisent au contraire les intellectuels, comme l’Inde avec les brahmanes, les Celtes avec leurs druides, les
Égyptiens avec les scribes, les Chinois avec les lettrés, et la France avec les énarques.
Or, « l’intellect véritable ne doit pas paraître intellectuel ».
Or, « si votre vie privée contredit vos opinions intellectuelles, cela annule vos idées intellectuelles, pas votre vie
privée. […] Si vos actions privées ne sont pas généralisables, alors vous ne pouvez pas avoir d’idées générales
».
“ préféreriez-vous être le pire et que chacun pense que vous êtes le meilleur ?
– Warren Buffet
Par conséquent, l’impopularité est une preuve de vertu – même si toute action vertueuse n’est pas forcément
impopulaire – dans la mesure où l’individu a pris le risque de dégrader sa réputation.
En prenant l’implication dans l’autre sens, Nassim Taleb compare la philanthropie à la politique des indulgences et
aux cadeaux faits aux Dieux dans les religions antiques.
Il donne trois conseils aux jeunes qui veulent aider les autres :
1. ne pas exposer sa vertu (« Mais quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta
droite », Matthieu 6:3) ;
2. ne pas chercher de rente ;
3. s’engager personnellement en créant une entreprise : « Le courage (prendre des risques) est la plus haute
vertu. Nous avons besoin d’entrepreneurs ».
Les risques commerciaux ont, en outre, l’avantage de pacifier les relations politiques, contrairement aux théories
géopolitiques binaires en vertu desquelles les hommes politiques interviennent naïvement dans les systèmes
complexes que sont les relations entre pays.
Ce que les contempteurs du commerce qualifient de « loi de la jungle » relève en réalité majoritairement de
la coopération.
Nassim Taleb reproche aux auteurs d’ouvrages d’histoire (historiens, universitaires spécialistes des affaires
internationales, experts) de ne pas suivre une approche empirique rigoureuse (ils ne sont pas des ingénieurs
aérospatiaux) :
ils ne suivent pas de processus d’essai et erreur ;
ils confondent l’intensité avec la fréquence ;
leurs récits ne correspondent pas à la réalité ;
ils sont affectés de biais de confirmation.
Le problème fondamental est que les auteurs tirent leur savoir des livres, et non pas de la réalité.
Certaines personnes sont athées en actes et religieuses en paroles, d’autres religieuses en actes et en paroles ; mais
personne n’est athée en actes et en paroles, car les rituels, les superstitions, et la spiritualité au sens large sont
universels.
Pour autant, la croyance, à l’instar de la vision, n’est pas une finalité, mais un moyen. Ainsi, les croyances, comme
les effets d’optique, servent en réalité à produire une meilleure expérience pour le sujet.
“ règles binaires et inconditionnelles sont faciles à enseigner et à appliquer. Nous avons survécu en dépit des risques
extrêmes ; notre survie ne peut pas être aussi aléatoire.
En remontant à l’origine du mot – avant les Lumières, la rationalité était la prudence – Nassim Taleb
caractérise ce qui est rationnel par la cohérence avec la survie : « La rationalité est la gestion du risque, point ».
Que les populations associées à une religion survivent indique sans doute possible que ses prescriptions sont utiles :
« Tout ne survient pas pour une raison, mais tout ce qui survit survit pour une raison ».
Pour Nassim Taleb, il faut refuser les risques extrêmes afférents aux solutions compliquées, et leur préférer les
petits risques des solutions simples qui produisent des profits extrêmes.
Dans les stratégies comportant des risques extrêmes, les bénéfices ne peuvent jamais compenser l’éventualité du
désastre.
Il y a certes moins d’Américains qui sont morts du virus Ebola que d’Américains qui ont couché avec Kim Kardashian
; mais la star de la réalité ne peut pas coucher avec les milliards de personnes que le virus pourrait tuer.
En définitive, « la rationalité consiste à éviter la ruine systémique ».
[1] J’ai traduit moi-même toutes les citations de l’anglais.
[2] Seule la théorie de la préférence révélée trouve grâce aux yeux de Nassim Taleb.
[4] En physique, l’ergodicité est la propriété d’un système qui parcourt tous les états possibles avec des probabilités
égales.
[5] J’ai moi-même été « victime » d’un chirurgien ayant tout d’un chirurgien et qui était excessivement sûr de lui-
même.
Commentaires
2 réponses
Arnaud le Grelle dit : 17 mai 2020 à 1:30 (https://1000idcg.com/jouer-sa-peau-nassim-taleb/#comment-3838)
Bonjour,
Depuis des semaines, je cherchais la raison pour laquelle mon expérience me démontre que les militaires des Unités d’élite ont une éthique
largement supérieure à celle que je rencontre dans ma vie civile de cadre dirigeant. Depuis longtemps, mon intuition était qu’ainsi que l’a écrit
le Colonel Michel Goya qui en a fait le titre de l’un de ses ouvrages, Sous le feu, la mort comme hypothèse de travail. Et hier, tilt, j’ai lié ça à cet
ouvrage de Nicholas Taleb que je connaissais mais n’avait jamais associé à ça. Et ma distinction prend sens. Quels sont les autres philosophes
qui auraient creusé cette veine de pensée ?
A la demande de quelques amis, je réfléchis sur cette différence et souhaite questionner le sujet plus avant.
Merci d’avance de votre éclairage.
Répondre
Cette question des minorités intolérantes me fait penser à une anecdote de mon beau-père, qui était chanteur de chorale amateur.
Dans une chorale, il y avait un chanteur qui chantait faux et fort. Et celui-ci ne pouvait pas s’empêcher de dévier dans les tons, faisant baisser
la tonalité du morceau. Cela aboutissait toujours à ce que la chorale dans son ensemble le suive dans cette dérive. Et c’était insupportable.
La dissonance harmonique qui aboutissait de cette dérive, crée de fait une tension, un inconfort pour le groupe qui tend alors à s’adapter
spontanément afin de résoudre celle-ci.
Un exemple de mouvement harmonique : une dissonance comme le triton (qualifié de Diabolus in Musica et proscrite par l’Eglise) possède une
force, une sorte d’appel vers une résolution, et se résout en quarte ou quinte juste consonante.
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