Pierre-Maire Dupuy - L-Unite de L-Ordre Juridique International - Cours General de Droit International Public - 2000
Pierre-Maire Dupuy - L-Unite de L-Ordre Juridique International - Cours General de Droit International Public - 2000
Pierre-Maire Dupuy - L-Unite de L-Ordre Juridique International - Cours General de Droit International Public - 2000
Cours général
de droit international public (2000)
par
PIERRE-MARIE DUPUY
HORS COMMERCE
2003
MARTINUS NIJHOFF PUBLISHERS
Leiden/Boston
10
BLANCHE
11
P.-M. DUPUY
12
BLANCHE
13
Pour Uta
14
BLANCHE
15
Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
A. Comment aborder l’analyse du droit international ? . . . . . . . . . 25
B. Un cours général donné en l’an 2000 (et rédigé jusqu’au début de
l’année 2003) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
C. Objet et plan du cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Première partie. Conceptions de l’ordre juridique international . . . . . . 43
Chapitre I. Conceptions historiques des ordres juridiques internationaux 44
Section I. Repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
A. Précocité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
B. Lenteur d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
C. Interprétation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Section II. Modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
A. L’empire et la fédération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
B. La coexistence et la coopération . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Section III. Combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Chapitre II. Conceptions théoriques de l’ordre juridique international . 59
Section I. Sur la notion d’ordre juridique . . . . . . . . . . . . . . . 59
Section II. Trois conceptions de l’ordre juridique . . . . . . . . . . . 67
A. Kelsen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
B. Santi Romano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
C. Hart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Section III. La conception proposée. — Sur la spécificité radicale des
ordres juridiques internationaux par rapport à l’ordre juridique éta-
tique interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
A. Causes mythiques et idéologiques de la méconnaissance du droit
international comme ordre juridique . . . . . . . . . . . . . . . 77
B. L’ordre de Qadesh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
C. Dynamique des ordres juridiques internationaux . . . . . . . . 86
Deuxième partie. L’unité formelle de l’ordre juridique international . . . 93
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Chapitre I. L’Etat, sujet fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
A. Indépendance et souveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
B. Souveraineté et existence du droit . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Section I. L’apanage de la souveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . 96
A. L’indifférence de la souveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
B. Les attributs de la souveraineté : identité, plénitude et relativité 98
1. Identité de la souveraineté, ou l’égalité souveraine comme
fiction juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
2. La souveraineté donne à l’Etat la plénitude de la personnalité
juridique dans l’ordre juridique international . . . . . . . . . 100
3. La plénitude de la souveraineté de l’Etat ne l’empêche pas
d’être, en même temps, une souveraineté relative . . . . . . 101
16 Pierre-Marie Dupuy
NOTICE BIOGRAPHIQUE
PRINCIPALES PUBLICATIONS
BLANCHE
25
INTRODUCTION GÉNÉRALE
4. Op. cit.
28 Pierre-Marie Dupuy
5. Relevons-le d’emblée, comme l’avaient déjà fait dès le début du XXe siècle
des auteurs comme Marx et les auteurs marxistes (voir par exemple Toumarov,
Pensée juridique contemporaine, Moscou, Editions du Progrès, 1974, notam-
ment pp. 160-166), mais aussi bien Ehrlich dans sa « Juristische Logik » (1918),
ou, plus près de nous, d’autres, comme F. Carnelutti (Bilancio del positivismo
giuridico, 1951, dans Discorso intorno al diritto, Padoue, 1953, II, pp. 241 ss.,
cité par N. Bobbio, Rivista di filosofia, op. cit. infra, même note), W. Fried-
mann (Théorie générale du droit, LGDJ, 1965, pp. 205 ss.), ou Norberto Bobbio
(« Tre aspeti del positivismo giuridico », LII, 1961, repris en français dans Essais
de théorie du droit, Paris, Bruylant, LGDJ, 1998, pp. 23 ss.), le positivisme a
une histoire : quand les juristes choisissent au début du XIXe siècle de couper les
ponts avec le droit naturel (qu’il s’agisse de l’école de l’exégèse d’un Demo-
lombe en France, de la Begriffsjuriprudenz de Ihering, de Laband ou de Jel-
lineck en Allemagne, ou de l’Analitical School of Jurisprudence d’Austin
en Grande-Bretagne) leurs mouvements respectifs sont contemporains, partout
en Europe, de l’affirmation des pouvoirs de l’Etat ; l’Etat dans lequel Hegel voit
au même moment « l’incarnation de la raison réalisée ». C’est donc en fonc-
tion d’un certain contexte historique que le positivisme est un étatisme. Voir
aussi, M. Chemiller Gendreau, « Le droit international entre volontarisme et
L’unité de l’ordre juridique international 29
8. Souvent, même dans les domaines les plus classiques du droit positif, le
critère de la validité d’une situation juridique déterminée tient à sa finalité. Que
l’on prenne, par exemple, une institution juridique aussi classique que l’état de
nécessité, invoqué comme circonstance excluant non l’illicite d’un acte mais
l’engagement de la responsabilité en principe consécutive à sa commission.
C’est la finalité de l’acte, protéger un intérêt jugé « essentiel » par l’Etat qui le
prend contre un péril qu’il considère comme « grave et imminent » qui en fera
une exception valide. On peut dire qu’il existe dans cette détermination des
caractères objectifs, mais ce n’est en réalité vrai que si c’est un tiers statutaire-
ment impartial qui en fixe les critères. Et l’on sait bien que, même si l’on par-
venait à trouver un juge vraiment impartial, son jugement serait de toute façon
subjectif, quoique revêtu de l’autorité de la chose jugée.
9. Opinion individuelle sous l’avis consultatif concernant la Procédure de
vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au Ter-
ritoire du Sud-Ouest africain, CIJ Recueil 1955, p. 67.
10. M. Virally, L’Organisation mondiale, collection U, Paris, A. Colin, 1972.
32 Pierre-Marie Dupuy
11. En revanche, dire de la norme des droits de l’homme qu’elle est étrangère
au « génie propre » du droit international ou prétendre que l’examen des condi-
tions d’action des organisations non gouvernementales dans le cadre internatio-
nal n’intéresse en rien notre discipline traduirait seulement le désir, proprement
idéologique, de l’auteur d’une telle opinion de cantonner le droit international à
celui des rapports entre les seuls Etats. Or, à l’heure actuelle, les situations juri-
diques dans lesquelles l’Etat voit son action de plus en plus concurrencée par
des interférences multiples, émanant en partie d’acteurs non étatiques, se multi-
plient sous nos yeux. Elles posent alors à la démarche positiviste classique des
questions qu’elle chasse tout simplement de sa considération faute d’être bien
équipée pour les résoudre, au risque de ne plus pouvoir rendre compte que d’une
partie du champ de l’action juridique internationale.
L’unité de l’ordre juridique international 33
12. Date du début de la première guerre mondiale, dont les historiens s’ac-
cordent à dire que, notamment du point de vue de l’organisation politique de
l’Europe, mais pas seulement, il clôt le XIXe siècle.
13. Date de la démolition du Mur de Berlin, symbole de l’écroulement d’un
monde divisé entre deux blocs antagoniques, Est socialiste et Ouest capitaliste.
Certains ont dit que le XXIe siècle avait vraiment commencé le 11 septembre
2001. Cela ne paraît à la rigueur admissible que si l’on veut faire du « choc des
civilisations » la marque première du siècle qui commence, mais ce critère
semble de toute façon très discutable.
34 Pierre-Marie Dupuy
internationale propre, elle est ainsi placée, pour reprendre les termes
mêmes de la Cour, « en face de ses membres », tel un nouveau sujet
de droit, indépendant des Etats qui l’ont voulue.
Pour autant, les développements ultérieurs du phénomène institu-
tionnel devaient bientôt démontrer que, si l’organisation intergouver-
nementale tend à se détacher de ses créateurs, les Etats l’élisent
aussi, souvent, comme le lieu renouvelé de leurs rivalités autant que
de leur solidarité. Facteur d’intégration, son fonctionnement peut
également s’avérer l’occasion d’affrontements. Organisatrice de la
conciliation des pouvoirs concurrents, elle peut devenir le siège
sinon l’enjeu de leur confrontation. Il s’ensuit que le « droit interna-
tional institutionnel » non seulement ne se substituera jamais au
« droit international relationnel », comme l’avait du reste toujours
souligné René-Jean Dupuy 18, mais qu’il ne joue que très partielle-
ment le rôle d’unificateur et de pondérateur de la coexistence des
souverainetés, concourrant même en certains cas, comme on y
reviendra plus loin, à renforcer les menaces de fragmentation de
l’ordre juridique international.
3. Le troisième événement déterminant, consolidé après le second
conflit mondial par l’adoption de la Charte des Nations Unies, est
l’affirmation du principe du non-recours à la force dont la Cour
internationale de Justice devait reconnaître en 1986, dans l’affaire
opposant le Nicaragua aux Etats-Unis d’Amérique, qu’elle avait
désormais gagné le champ du droit international général, et que les
Etats s’accordent à lui reconnaître un caractère obligatoire voire
impératif, en dépit de l’extrême fréquence de ses violations. L’inter-
diction du recours à la force est ainsi, par excellence, placée dans
une situation paradoxale, puisque adulée et méprisée en même
temps, souvent par les mêmes Etats. L’examen de son statut actuel
sera fait à la fois en relation avec la place que d’aucuns attribuent à
la Charte des Nations Unies au sein de l’ordre juridique international
et avec cette catégorie particulière de normes auxquelles la « com-
munauté internationale dans son ensemble » reconnaît une portée
non pas seulement obligatoire mais impérative, le jus cogens.
18. Voir notamment son Droit international public, PUF, Que sais-je ? der-
nière édition parue 2000, et, du même auteur, « Communauté internationale et
disparités de développement. Cours général de droit international public »,
Recueil des cours, tome 165 (1979), pp. 9-379, surtout la première partie. Voir
aussi le recueil où sont réunis un certain nombre de ses articles, Dialectiques du
droit international, Paris, Pedone, 1999.
36 Pierre-Marie Dupuy
2003, rentrées en action en Irak, n’ont fait que renforcer les inquié-
tudes sur la disposition des Etats-Unis, et, à leur suite, de la Grande-
Bretagne, à remettre en cause le principe fondamental consigné à
l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, dans lequel
beaucoup voient pourtant, en droit international général, un principe
de jus cogens. Il est devenu impossible de s’interroger sur la struc-
ture et l’évolution de l’ordre juridique international sans évoquer
cette donnée ; étant elle-même de caractère essentiellement politique,
elle prête, certes, rapidement aux polémiques. Ce n’est pas une rai-
son pour l’ignorer. On en tiendra compte dans le cadre de ce cours,
en s’en tenant toutefois à l’examen de ses conséquences sur le seul
plan du droit.
22. Chacune d’entre elles connaît une dynamique plus ou moins affirmée
d’autonomisation. Son point d’aboutissement ultime est sans doute offert aujour-
d’hui par l’ordre juridique communautaire qui caractérise l’Union européenne.
La question se pose alors de l’articulation entre ces ordres juridiques spéciaux et
l’ordre juridique international général dont ils continuent pourtant à relever par
bien des éléments (voir infra, pp. 438-450).
23. La création récente des tribunaux pénaux ad hoc pour juger les crimes
contre la paix et la sécurité internationales dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda
en est un premier témoignage. Celle du nouveau Tribunal du droit de la mer en
est un autre. Celle de l’instance d’appel de l’organe de règlement des différends
de l’Organisation mondiale du commerce pourrait s’avérer, à terme, peut-être
encore plus importante. La question se pose alors de la garantie d’une suffisante
unité d’interprétation des normes internationales appliquées par ces diverses
juridictions.
24. Il est généré notamment par les régimes de contrôle d’application de cer-
taines normes juridiques, pas forcément toujours établies par voie convention-
nelle. Leurs promoteurs comme certains commentateurs veulent y voir des « sys-
tèmes autogérés », pratiquement affranchis de toute observation des règles
générales. Leur présence est de plus en plus dense dans le domaine des droits de
l’homme, dans celui de la protection de l’environnement, voire celui du désar-
mement, mais elle est très probablement appelée à s’étendre. L’existence de ces
systèmes de contrôle n’est pas non plus sans liens avec les deux phénomènes
précédents (développement des organisations internationales et multiplication
des juridictions) et, en particulier, avec le second. Ils offrent en effet bien sou-
vent des modes alternatifs de règlement des différends.
L’unité de l’ordre juridique international 41
25. Tel est le cas des marchés financiers, des organisations non gouverne-
mentales, des multinationales de l’industrie, du commerce et des services mais,
aussi, de la drogue et du crime. On ne saurait cependant créer l’amalgame entre
tous ces acteurs. Certaines organisations non gouvernementales sont par ailleurs
de plus en plus étroitement liées au fonctionnement de grandes organisations
intergouvernementales à vocation universelle, dont elles conditionnent ainsi par-
tiellement l’efficacité. La technologie des nouveaux diffuseurs instantanés de
l’information (Internet en particulier) contribue largement à ce nouveau « dépas-
sement de l’Etat », à la fois certain et très relatif. Par l’étroite imbrication des
composantes économique et politique du libéralisme absolu, substituant la vente
universelle des marchandises au projet politique collectif appuyé sur la norme
juridique, cette stratégie globalisante veut propager une nouvelle idéologie de la
subordination sinon même de l’absorption du droit dans l’économie dont la pre-
mière puissance mondiale est du même coup tentée de normaliser unilatérale-
ment le fonctionnement.
26. La société internationale de juxtaposition de souverainetés toutes égales
sur le plan formel, telle qu’elle est décrite dans le célèbre arrêt de la Cour per-
manente de Justice internationale dans l’affaire du navire le Lotus, entre la
France et la Turquie (CPJI série A no 10, arrêt no 9, pp. 18 ss.).
42 Pierre-Marie Dupuy
PREMIÈRE PARTIE
CONCEPTIONS
DE L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL
CHAPITRE I
CONCEPTIONS HISTORIQUES
DES ORDRES JURIDIQUES INTERNATIONAUX
Section I. Repères
A. Précocité
B. Lenteur d’évolution
C. Interprétation
Les modèles dont on partira sont, pour chacun d’entre eux, très
familiers au juriste. La finalité à laquelle leur emploi est ici subor-
donné est de contribuer à désigner le type d’organisation des rap-
ports (ou ordres) juridiques que certains modes d’organisation du
pouvoir dans les relations internationale déterminent avec ou entre
les sujets de tels ordres. Pour l’instant, on se contentera par consé-
quent d’insister sur un premier constat : suivant la morphologie qui
la caractérise, laquelle peut considérablement varier dans le temps
comme dans l’espace, la structure politique des relations entre puis-
sances génère un certain agencement des techniques juridiques des-
tinées à réguler leurs rapports. A cet égard, il est sans doute dom-
mage que les liens soient trop rarement établis entre les historiens
des relations internationales, sinon du droit international, et les théori-
ciens de l’ordre juridique, alors, pourtant, que les études des pre-
miers renseigneraient beaucoup les seconds sur la phénoménologie
des systèmes juridiques à travers le temps 46. On ne peut qu’esquis-
ser à grands traits certaines orientations dont on reconnaîtra d’em-
blée les approximations, au demeurant inhérentes à l’établissement
d’une typologie de ce genre. Il serait, semble-t-il, sans doute non
dépourvu d’intérêt que des études à venir approfondissent ces rap-
ports. On verra que ces quatre modèles peuvent être regroupés par
deux, en fonction de ce qui les rend, d’une certaine façon, voisins.
Chacun d’entre eux s’alimente, toutefois, à des principes de base à
d’autres égards radicalement opposés. Il s’agit ainsi de couples,
mais de couples antagoniques. L’un est composé par le paradigme
empire/fédération ; l’autre, par celui qui associe coexistence et
coopération.
A. L’empire et la fédération
46. Cette heureuse rencontre se produit cependant chez des auteurs réunissant
les deux qualités, comme en témoigne en particulier l’œuvre de Peter Haggen-
macher.
47. Voir G. Ténékidès, op. cit.
L’unité de l’ordre juridique international 53
B. La coexistence et la coopération
50. Sur la question des régimes dits « autosuffisants », voir infra, pp. 428 ss.
58 Pierre-Marie Dupuy
CHAPITRE II
CONCEPTIONS THÉORIQUES
DE L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL
51. Voir, à cet égard, le stimulant article de Denis Alland, « De l’ordre juri-
dique international », Droits, vol. 35, octobre 2002, pp. 79-101.
52. Même si l’expression « legal system » ou « legal order » paraît moins usi-
tée dans les pays anglo-saxons.
53. On ne trouvera pas de réponse à ces questions de fond dans l’étude préci-
tée, mais il était parfaitement légitime pour son auteur de s’arrêter à un premier
temps de l’analyse, comme pour mieux suggérer les questions qui précèdent au
lecteur insatisfait.
60 Pierre-Marie Dupuy
56. Il est, dès lors, piquant sinon contradictoire de constater que l’auteur d’un
tel constat soit en même temps celui qui consacre un article entier à exprimer ses
doutes sur la réalité du droit international en tant que système ou ordre juridique.
Comparer D. Alland, « Le juge français et le droit d’origine internationale »,
dans P.-M. Dupuy (dir. publ.), Droit international et droit interne dans la juris-
prudence comparée du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, Paris, Edi-
tions Panthéon-Assas, LGDJ, 2001, pp. 47-61, et D. Alland, De l’ordre juridique
international, op. cit.
57. Ou le reflet d’un mythe entretenu par des auteurs désirant se persuader
que l’objet de leur étude a bien la dignité d’un droit, entendu comme système
normatif cohérent dont l’autorité est reconnue par ses sujets. Sur la notion de
système ou d’ordre juridique et son application au droit international, voir en
particulier G. Abi-Saab, « Cours général de droit international public », Recueil
des cours, tome 207 (1987), pp. 105 ss.
62 Pierre-Marie Dupuy
66. D. Anzilotti, Studi critici di diritto internazionale privato, 1898, pp. 128-
161.
67. D. Anzilotti, Cours de droit international, traduction de G. Gidel, Paris,
Sirey, 1929, réédité par P.-M. Dupuy et Charles Leben, Paris, Editions Panthéon-
Assas, LGDJ, collection Les introuvables, 1999, notamment p. 44.
68. Mais dont la seconde édition, datant de 1946, sera seulement traduite en
France en 1975 : Santi Romano, L’ordre juridique, traduction de L. François et
P. Gothot, préface de P. Franceskakis, Paris, Dalloz, 1975. Par. 17 : « Le concept
d’institution et l’ordre juridique international. »
69. R. Ago, « Le délit international », Recueil des cours, tome 68 (1939),
p. 415.
70. Voir en particulier son cours en cette Académie, professé en 1926, « Les
rapports de système entre le droit interne et le droit international public »,
Recueil des cours, tome 14 (1926), p. 231 ; voir aussi sa « Théorie générale
du droit international public. Problèmes choisis », également présentée à l’Aca-
démie de droit international de La Haye six ans plus tard, Recueil des cours,
tome 42 (1932), p. 117.
71. Sur l’analyse des raisons expliquant ce décalage, voir les observations de
J. L. Halperin, op. cit., pp. 45-47. Chez un auteur comme Carré de Malberg, en
particulier, il est clair que la réalité de l’Etat définit un ordre juridique, même
s’il n’emploie pas d’ordinaire lui-même ce concept. Voir sa Contribution à la
théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1920, réédition CNRS, 1962, t. 1,
pp. 194 ss. Voir aussi J. Chevallier, « L’ordre juridique », dans CURAPP, Le
droit en procès, Paris, PUF, 1983, pp. 7-49.
72. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. 1, chap. III, par. 31, p. 326.
J. L. Halperin signale cependant l’utilisation du concept chez F. Gény, dans un
texte intitulé « La notion de droit subjectif à la veille du XXe siècle », op. cit., p. 45.
L’unité de l’ordre juridique international 65
83. P.-M. Dupuy, Droit international public, Paris, Précis Dalloz, 6e éd.,
octobre 2002, par. 15-27.
84. Il semblerait qu’amenés à s’interroger sur l’ordre juridique, les internatio-
nalistes soient spontanément attirés par la comparaison de ces trois auteurs, Kel-
sen, Santi Romano et Hardt, dont on doit constater qu’ils ont déployé une large
part de leur effort théorique par référence à cette notion. On trouvera ainsi une
présentation très intéressante de leurs conceptions respectives dans le cours
général de droit international donné par Georges Abi-Saab à l’Académie en 1987
(Recueil des cours, tome 207 (1987), pp. 106-126). On rencontre également une
réflexion théorique approfondie sur l’ordre juridique international à partir de
l’étude de ces mêmes auteurs chez Charles Leben, dans « Quelques réflexions
sur l’ordre juridique », Droits, octobre 2001, pp. 20-39.
L’unité de l’ordre juridique international 67
A. Kelsen
Parce qu’il veut dégager une théorie du droit épurée de tous les
aléas propres aux valeurs du droit naturel, Kelsen va d’abord insister
sur le droit comme système de normes ; comme ordre juridique qui
est, pour lui, synonyme d’un « ordre de contrainte » (zwangsord-
nung) 85. Il est ainsi, selon son contemporain Adolf Merkl, l’auteur
de « la première application consciente de la façon de penser d’une
manière systématique le monde des phénomènes juridiques » 86.
Dans une telle conception, aucune norme ne peut être envisagée
hors de l’ordre juridique dont elle tire sa validité. Et il n’y a d’ordre
juridique que si l’on est en présence d’un ensemble normatif coor-
donné et doté d’unité. Le droit, nous dit Kelsen, « est un ensemble de
règles doué d’une unité telle qu’il nous est permis de l’appréhender
comme un système » 87.
Comme Ferdinand de Saussure, dont il connaît les travaux sur la
linguistique, contemporains de son œuvre, Kelsen appréhende le
droit tel un système dynamique (par opposition aux systèmes sta-
tiques, qui reposent sur des valeurs). Cette dynamique est celle de la
fameuse pyramide normative dans laquelle chaque norme tire sa
validité de sa conformité aux critères formels posés par la norme
supérieure, jusqu’à parvenir, au sommet de la pyramide, à la Grund-
88. Sur la métaphore de la pyramide chez Kelsen, voir G. Timsit, op. cit.,
pp. 6 ss. ; pour une critique de la pyramide kelséninenne, voir notamment
P. Amselek, « Réflexions critiques autour de la conception kelsénienne de l’ordre
juridique », Revue de droit public, 1978, pp. 5-19 ; voir aussi le commentaire au
précédent article de M. Troper, « La pyramide est toujours debout ! Réponse à
Paul Amselek », Revue de droit public, 1978, pp. 1523-1536.
89. H. Kelsen, Théorie générale du droit et de l’Etat, Paris, Bruxelles, LGDJ,
Bruylant, 1997, p. 11.
90. Voir cependant la critique du second par le premier, Théorie générale du
droit et de l’Etat, op. cit., pp. 113 ss.
91. H. Kelsen, « Théorie générale du droit international public. Problèmes
choisis », Recueil des cours, tome 42 (1932), pp. 125-126.
L’unité de l’ordre juridique international 69
c’est-à-dire pas un ordre juridique 92. On voit donc que, chez Kelsen,
la sanction et la norme sont mises en exergue, à l’intérieur d’un
ordre de contrainte, considéré comme une unité dynamique. De
l’institution, comme telle, il n’est pas véritablement fait autrement
mention. Il en ira tout à l’opposé chez Santi Romano.
B. Santi Romano
Cet auteur écrit peu après que Kelsen eut publié ses Hauptpro-
bleme der Staatsrechtslehre 93, auxquels Santi Romano ne se réfère
cependant pas. Les conceptions des deux auteurs sont fort opposées,
mais on retrouve chez l’un comme chez l’autre cette idée qu’un
ordre juridique ne vaut, n’existe que par le maintien de son unité.
Partant cependant d’une identité entre l’ordre juridique et ce qu’il
appelle l’« institution », Santi Romano désigne celle-ci comme
« unité stable et permanente, qui ne perd donc pas nécessaire-
ment son identité à la suite de mutations intervenues dans tel
ou tel de ses éléments » 94.
Il insiste également à dessein sur le fait que
« la nature d’un ordre juridique n’apparaît pas tout entière … si
l’on ne considère que les normes qui en font partie en négli-
geant l’unité qu’il constitue ».
Pour lui, un ordre juridique est autre chose que les éléments maté-
riels qui en font partie 95. L’ordre juridique préexiste ainsi aux
normes qui tirent de lui leur validité.
A la différence de Kelsen, Santi Romano n’isole cependant pas
cet ordre du milieu social qui lui donne naissance. Tout au contraire.
« Il faut avant tout le rapporter au concept de société » parce que
« ce qui n’excède par la sphère purement individuelle, qui ne
92. On lira cependant avec intérêt les écrits de Kelsen publiés en français et
se rapportant précisément à l’organisation de la paix dans les textes réunis par
Ch. Leben, Hans Kelsen, Ecrits français de droit international, Paris, PUF, Doc-
trine juridique, 2001, notamment, pp. 251-267, son article intitulé « La technique
du droit international et l’organisation de la paix », initialement parue dans la
Revue de droit international et de législation comparée, en 1934.
93. H. Kelsen, Hauptprobleme der Staatsrechtslehre entwickelt aus der lehre
vom Rechtssatze, Mohr, Tübingen, 1910.
94. Santi Romano, L’ordre juridique, traduction française, introduction de
P. Franceskakis, Paris, LGDJ, 1975, p. 31.
95. Op. cit., p. 9.
70 Pierre-Marie Dupuy
C. Hart
113. The Concept of Law, op. cit., chap. V, « Law as the Union of Primary
and Secundary Rules », pp. 77 ss.
114. Ibid., chap. VI, « The Foundation of a Legal System », pp. 97 ss.
115. Nouvelles réflexions…, op. cit., p. 167.
76 Pierre-Marie Dupuy
120. Cette évocation est au demeurant bien équivoque, puisqu’il y a plus que
des nuances entre la conception qu’en a notamment Hobbes et celle qu’en retient
Jean-Jacques Rousseau.
78 Pierre-Marie Dupuy
121. Voir P.-M. Dupuy, « L’enfer et le paradigme : libres propos sur les rela-
tions du droit international avec la persistance des guerres et l’objectif idéal du
maintien de la paix », Mélanges offerts à H. Thierry, Paris, Pedone, 1998,
pp. 187-201.
122. Voir notamment P. Antonetti, La vie quotidienne à Florence au temps de
Dante, Paris, Hachette, 1979, en particulier pp. 79 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 79
123. Voir son Précis de droit des gens de 1932-1934 ou son Manuel de droit
international public de 1948, op. cit.
80 Pierre-Marie Dupuy
B. L’Ordre de Qadesh
L’un des plus anciens accords que l’on ait retrouvé est un traité de
paix et d’alliance 124 ; il fut conclu en 1270 avant Jésus-Christ entre
le pharaon Ramsès II et Hattusili III, empereur des Hittites, quelques
années après la bataille indécise de Qadesh, laquelle n’est restée une
totale victoire égyptienne que sur les bas reliefs des temples de Kar-
nak et de Louksor, pour masquer le fait qu’elle était bel et bien en
réalité un demi-échec 125, la Syrie restant aux Hittites ! 126 C’est une
124. Il existait cependant déjà des traités au moins mille deux cents ans avant
lui, puisqu’on a trouvé en 1975 un traité remontant à environ deux mille cinq
cents ans avant Jésus-Christ conclu entre le Royaume d’Ebla (Syrie du Nord) et
celui d’Abousal (Euphrate central) dont le texte peut être consulté à la biblio-
thèque des Nations Unies à Genève.
125. Sur la bataille de Qadesh, l’ouvrage archéologique le plus récent et, sans
doute, l’un des plus complets, est La battaglia di Qadesh, Ramesse II contro gli
Ittiti per la conquista della Siria, publié sous la direction de Maria Cristina Gui-
dotti et Franca Pecchioli Daddi, Livourne, Sillabe, 2002.
126. La seule victoire effective de Ramsès semble avoir été d’avoir pu sau-
ver, par son action personnelle, ses troupes de la débâcle. En effet, les Hittites
L’unité de l’ordre juridique international 81
133. Elle assure, si l’on adopte la théorie d’Austin ou de Kelsen sur la sanc-
tion, l’existence même du système juridique comme « ordre de contrainte ».
L’unité de l’ordre juridique international 85
138. On reviendra plus loin, dans la quatrième partie de ce cours, sur les rap-
ports entre les ordres juridiques internationaux.
90 Pierre-Marie Dupuy
BLANCHE
93
DEUXIÈME PARTIE
L’UNITÉ FORMELLE
DE L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL
INTRODUCTION
145. Affaire du Lotus, arrêt du 7 septembre 1927, CPJI série A no 10, p. 18.
146. Voir Pierre-Marie Dupuy, Droit international public, Précis Dalloz,
6e ed., 2002. L’application du droit international fait l’objet de l’ensemble de la
troisième partie dudit ouvrage, pp. 393-533. On y examine en particulier le
droit de la responsabilité internationale des Etats dont les développements les
plus importants seront de toute façon examinés dans la quatrième partie du pré-
sent cours.
95
CHAPITRE I
A. Indépendance et souveraineté
A. L’indifférence de la souveraineté
154. Voir P.-M. Dupuy, Droit international public, Précis Dalloz, 6e éd.,
octobre 2002, pp. 29 ss., par. 31 ss.
155. Art. 2, par. 1 : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité
souveraine de tous ses membres. »
156. Voir notamment G. Abi-Saab, « Le droit au développement », Annuaire
suisse de droit international, 1988, pp. 5 ss., et, du même auteur, « Cours géné-
ral de droit international public », Recueil des cours, tome 207 (1987),
pp. 328 ss.
157. Les présomptions et les fictions en droit, études publiées par Ch. Perel-
man et P. Foriers, Bruxelles, Bruylant, 1974, notamment P. Foriers, « Présomp-
tions et fictions », pp. 8 ss. La citation de H. Capitant est faite à la page 16 et
tirée du Vocabulaire juridique, vo « fiction ». Voir en particulier J. Salmon, Le
procédé de la fiction en droit international, pp. 144 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 99
158. Voir B. Kingsbury, Sovereignty and Inequality, EJIL, 1998, pp. 599 ss.
100 Pierre-Marie Dupuy
162. Voir H. Lauterpacht, « The Subjects of the Law of Nations », The Law
Quarterly Review, 1947, pp. 488 ss.
163. M. Virally, « Panorama du droit international contemporain. Cours géné-
ral de droit international public », Recueil des cours, tome 183 (1983), p. 79.
164. Voir infra, p. 430.
165. On a d’ailleurs expliqué plus haut que c’est précisément en raison de
l’emprise des contraintes objectives résultant du développement progressif de
tout ordre juridique que l’espace d’autonomie laissé à chaque souveraineté se
réduit ; c’est ce qui explique la réticence séculaire des Etats au perfectionnement
technique trop poussé des ordres juridiques établis entre Etats à partir du module
102 Pierre-Marie Dupuy
167. Voir D. Anzilotti, Cours de droit international, Paris, 1929, réédité par
P.-M. Dupuy et Ch. Leben, Paris, Editions Panthéon-Assas, collection Les
introuvables, 1999, p. 161.
168. Voir G. Sperduti, « Il riconoscimento internazionale di Stati e di
governi », Rivista di diritto internazionale, 1953, pp. 330 ss. ; H. Blix, « Contem-
porary Aspects of Recognition », Recueil des cours, tome 130 (1970), p. 587 ;
J. Verhoeven, op. cit.
104 Pierre-Marie Dupuy
positif 171, c’est encore et toujours l’Etat qui, par sa seule volonté
souveraine, élève à la condition de sujet de droit, et pour les besoins
d’une relation contractuelle déterminée, la personne morale privée
étrangère à la qualité de sujet de droit international, fournissant ainsi
une autre illustration de son pouvoir de création subjective 172.
On se souviendra que, reprenant certaines propositions doctri-
nales, émanant, notamment, du professeur P. Weil 173, l’arbitre
unique dans la sentence Texaco (1977) était parti de l’idée suivante :
l’une des raisons pour lesquelles le droit international s’appliquait au
contrat d’Etat considéré tenait à la capacité pour l’Etat engagé dans
la relation contractuelle d’investir son cocontractant privé d’une per-
sonnalité juridique internationale 174. Cette thèse, apparemment hété-
rodoxe, se contentait pourtant de prolonger jusqu’aux extrêmes le
postulat du volontarisme, selon lequel l’Etat peut tout, même créer,
pour les besoins d’une relation juridique déterminée, un sujet de
droit international. La personne de droit ainsi établie jouit alors à son
tour d’une authentique capacité juridique internationale, même si
cette dernière demeure étroitement fonctionnelle, puisque ramenée
aux nécessités de la passation et de la réalisation du contrat consi-
déré.
Cette thèse, un moment vivement décriée par une partie de la doc-
trine 175, ainsi invitée à sortir de ses habitudes de pensée, semble
A. Inhibitions doctrinales ?
Il nous semble que l’on n’a sans doute pas fini de prendre
conscience des implications théoriques et pratiques d’une telle révo-
lution prétorienne. Si la personnalité peut varier, en extension
comme en contenu, eu égard aux « besoins de lacommunauté », il n’y
a pas de raison pour que le nombre des sujets ne s’accroisse en fonc-
tion du développement normatif de l’ordre juridique international,
reflétant lui-même l’extension des nécessités sociales auxquelles
cette « faim de droit » est destinée à répondre 183. Grâce à cet avis de
la Cour, des entités diverses peuvent se voir conférer une personna-
lité sans pour autant qu’il s’agisse d’un crime de lèse-souveraineté.
affirmés par voie conventionnelle 184. D’autres, enfin, diront que les
critères précédents sont certes intéressants, voire nécessaires, mais
que compte, d’abord et avant tout, l’aptitude d’une entité déterminée
à créer du droit ou, tout au moins, à participer de façon déterminante
à sa création, pour qu’on lui reconnaisse une personnalité juridique.
C’est le dernier critère avancé en doctrine ; celui qu’on pourrait dire
du pouvoir normatif 185. Les conclusions relatives à la possession de
personnalité par une entité déterminée dépendront bien évidemment
des critères de départ. Or, non seulement aucun d’entre eux n’a fait
l’objet d’un accord unanime de la doctrine, mais bien des auteurs
dissertent sur la dévolution de personnalité sans indiquer clairement
« d’où ils parlent », c’est-à-dire en fonction de quelle conception de
la personnalité ils opèrent leurs choix.
Pourtant, l’avis de 1949 permet les constats suivants : a) tout sujet
de droit international procède de l’Etat ; b) il peut y avoir des « per-
sonnalités juridiques à contenu ou extension variables » en fonction
de la satisfaction des besoins concernés ; c) ainsi que le notait oppor-
tunément le professeur J. Barberis,
« la qualité de sujet ne dépend pas de la quantité des droits et
obligations dont une entité est titulaire. Du fait que quelqu’un
est sujet du droit des gens, on ne peut pas déduire qu’il est titu-
laire d’un droit ou d’une obligation déterminée » 186 ;
184. Si l’on s’en tient à ce second critère, associé au précédent, on constatera
alors que la personne humaine ne devient historiquement sujet de droit interna-
tional que lorsqu’elle se verra dotée, précisément par certaines conventions
internationales, des moyens pratiques de défendre ses droits, par exemple, en
Europe ou, plus tard, en Amérique, devant la Cour (européenne ou américaine)
des droits de l’homme. Si, au contraire, on considère qu’il n’y a personnalité
juridique internationale d’une entité déterminée que lorsque cette dernière se
voit aussi reconnaître l’aptitude à être déclarée elle-même pleinement respon-
sable des manquements qu’elle a commis à l’égard de ses obligations internatio-
nales, on devra encore déplacer le seuil critique d’apparition de la personnalité
juridique de l’individu, pour ne le percevoir qu’à partir du moment où certains
d’entre eux, déclarés criminels de guerre ou à l’égard de l’humanité, se voient
pénalement reconnus responsables soit à Tokyo et à Nuremberg après 1945, soit
dans le champ d’application des compétences respectives des tribunaux spéciaux
créés par le Conseil de sécurité à l’égard de l’ancienne Yougoslavie puis du
Rwanda, soit sur la base du Statut de la Cour pénale internationale. La person-
nalité de l’individu en droit international ne s’est pleinement affirmée qu’à par-
tir du moment où des systèmes conventionnels ont développé les « règles secon-
daires d’adjudication » (Hart) leur permettant de faire valoir leurs droits, y
compris devant des instances non juridictionnelles.
185. Si ce dernier critère était retenu à titre exclusif, on voit alors qu’il abou-
tirait dans la majorité des cas, à l’inverse des précédents, à refuser à l’individu
la personnalité juridique internationale.
186. J. Barberis, « La personnalité juridique internationale », op. cit. supra, p. 168.
L’unité de l’ordre juridique international 111
D. Conclusions provisoires
CHAPITRE II
Introduction
A. Paradoxe doctrinal
B. L’incontournable article 38
C’est sous le bénéfice des observations qui précèdent que l’on
peut recourir, comme le font généralement les auteurs, à l’article 38
auteurs du début du XXe siècle, elles ont été rarement exemptes d’a
priori dogmatiques ; elles dépassent d’ailleurs par leur portée le seul
cadre du droit des traités, pour toucher à la question encore plus
capitale des fondements du droit international tout entier. Les théo-
ries volontaristes se répartissent en des courants divers, dont celle de
l’autolimitation, dégagée par Jellinek 201 et soutenue notamment en
France par Carré de Malberg 202 ; d’après elle, l’Etat, ne pouvant par
définition être subordonné à aucune autorité extérieure, ne saurait se
lier que par un acte émanant de sa propre volonté. De son côté, la
théorie de la Vereinbarung de Triepel 203 fait appel à l’idée que le
traité et le droit international dans son entier naissent de l’union des
volontés souveraines pour se réaliser en une volonté commune.
C’est en réaction à ces théories, dont ils soulignaient la place émi-
nente qu’elles laissent à l’arbitraire étatique, qu’un certain nombre
d’auteurs se sont efforcés de montrer que la force obligatoire des
traités trouve son origine dans une règle préexistante à la volonté
des Etats. Il est tout à fait intéressant de constater qu’à côté d’au-
teurs d’inspiration plutôt objectiviste, parfois même teintée de natu-
ralisme, tels Nicolas Politis, Louis Le Fur, Alfred Verdross, rejoi-
gnant la position d’un Georges Scelle y voyant la traduction d’une
exigence sociale inhérente à la vie internationale, on rencontre dans
ce second courant des juristes en principe purement volontaristes,
comme Jules Basdevant ou D. Anzilotti. Ce dernier déclarait notam-
ment :
« Ces manifestations de volonté … ne sont possibles et ne
produisent des effets juridiques que dans la mesure où existe un
ordre juridique international : ici, comme toujours, vaut la règle
que ce n’est pas la volonté comme telle qui produit des effets
juridiques, mais que c’est le droit qui, étant donné une déclara-
tion de volonté correspondant à certaines conditions, y rattache
la naissance ou l’extinction de droits et d’obligations des sujets
en cause. » 204
B. L’acte et la norme
Si l’on examine le texte de n’importe quel traité, quel que soit son
objet, on y constatera la présence de deux types de dispositions. Les
unes se trouvent au début et, surtout, à la fin du traité. Elles indi-
quent quelles sont les parties contractantes, le lieu et la date de sa
conclusion. Elles établissent dans les « clauses finales » l’ensemble
des conditions techniques dans lesquelles l’accord produira ses
effets : à partir de quelle date, à l’égard de qui, éventuellement dans
quelle mesure et selon quelles modalités les parties pourront y
apporter des réserves, comment d’autres Etats pourront y adhérer,
comment pourra-t-on le modifier, etc. D’autres dispositions, en
revanche, portent sur les clauses substantielles de l’accord, définis-
sent son contenu matériel, en indiquant son objet, de même que les
droits et les obligations y afférents. On constate ainsi qu’à côté des
clauses opératoires figurent les clauses proprement normatives.
Cette dualité formelle correspond à la double nature du traité. Il
est un procédé volontaire de création du droit. Par là, il s’affirme
comme acte juridique, et c’est d’abord comme cela qu’il est perçu
dans la Convention de Vienne de 1969. Le droit des traités y est
énoncé comme une technologie contractuelle internationale. Mais, le
résultat de ce processus est une norme juridique (ou un ensemble de
normes) ; il est ainsi également une source de droit, et, comme on l’a
vu précédemment, c’est de cette manière que le perçoit, dans le
contexte qui est le sien, l’article 38 du Statut de la Cour internatio-
nale de Justice. Ces deux aspects ne sont d’ailleurs pas propres au
traité. On les trouvait à propos de la loi interne. On les rencontrera
C. Identification
212. Voir Geneviève Burdeau, « Les accords conclus entre autorités adminis-
tratives ou organes publics de pays différents », Mélanges offerts à Paul Reuter,
Le droit international : unité et diversité, Paris, Pedone, 1981, pp. 103 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 131
naux, mais des contrats de droit interne, public ou privé, dont il est
vrai que le régime juridique sera parfois difficile à établir avec pré-
cision, et demeure en pratique souvent imprécis.
En règle générale, seuls les Etats et les organisations internatio-
nales intergouvernementales sont dotés de la capacité ordinaire de
passer des traités. Cette capacité ordinaire n’est sinon étendue qu’à
des entités dont les caractères et les fonctions ont permis qu’on les
assimile en fait soit à des Etats (cas du Saint-Siège) soit à des orga-
nisations intergouvernementales (cas du CICR ou de l’Ordre de
Malte), même si, en droit, il s’agit pour ces dernières d’organisations
non gouvernementales. En revanche, les personnes morales de droit
privé sont encore pour beaucoup réputées incapables de conclure des
traités internationaux. On se souviendra que c’est précisément pour
cette raison que la Cour internationale de Justice avait, contrairement
aux allégations du Gouvernement britannique, refusé de voir un
traité dans le contrat de concession passé en 1933 entre le Gouver-
nement iranien et une société enregistrée au Royaume-Uni, l’Anglo-
Persian Oil Company 214.
On a cependant constaté plus haut, en examinant la question de
l’extension potentielle des sujets de droit international, qu’aujour-
d’hui non seulement certains auteurs mais des espèces arbitrales et,
surtout, des textes conventionnels reconnaissent aux entreprises pri-
vées étrangères parties à un contrat d’Etat une authentique capacité
juridique internationale qui faciliterait l’acceptation plus générale de
la reconnaissance d’un accord international dans de tels contrats. Il
s’agit cependant encore d’une tendance non stabilisée.
3. Pour poursuivre l’examen des éléments successifs de la défini-
tion du traité donnés plus haut, on s’arrêtera, à propos du fait qu’il
s’agit d’un acte destiné à produire des effets juridiques régis par le
droit international, aux observations suivantes. En premier lieu, une
erreur à ne pas commettre consisterait à croire que, par « effet juri-
dique », on ne peut entendre, au sens le plus étroit du terme, que la
création de droits et d’obligations à la charge des sujets de droit.
Dans bien des hypothèses, en droit international comme en droit
interne, les actes juridiques conventionnels se contentent, par
exemple, de confirmer ou de consolider une situation juridique, d’at-
tribuer un statut juridique, ou d’accorder une habilitation. Il est vrai
que sera alors attachée, la plupart du temps, à de telles opérations
220. Voir J. Fawcett, « The Helsinki Act and International Law », Revue belge
de droit int., 1977, p. 9.
136 Pierre-Marie Dupuy
221. Cela se comprend en partie en raison d’une vision très classique du traité
ayant prévalu au sein de la CDI à partir des rapports établis par le successeur de
Sir Gerald, Sir Humphrey Waldock. Il en restait au traité envisagé dans sa
conception initiale, bilatérale et synallagmatique.
L’unité de l’ordre juridique international 137
toire. Ce n’est pas parce que la Turquie viole ou a violé chez elle les
droits établis dans la Convention européenne des droits de l’homme
que la France, le Royaume-Uni ou la Russie, autres Etats parties à la
même convention, se trouveraient libérés des obligations qu’elle
énonce, fût-ce à l’égard des citoyens turcs placés sous leur propre
compétence territoriale !
C’est précisément parce que la distinction entre traités réci-
proques (synallagmatiques ou interdépendants) et traités intégraux
emporte une nette différenciation de régime juridique qu’elle paraît
totalement pertinente. On ne peut d’ailleurs pas prétendre que la
Convention de Vienne n’ait rien retenu des judicieuses propositions
de Sir Gerald Fitzmaurice. A l’article 60, paragraphe 5, la Convention
exclut en effet du régime général d’« extinction d’un traité ou [de]
suspension de son application comme conséquence de sa violation »
les « dispositions relatives à la protection de la personne humaine
contenues dans des traités de caractère humanitaire… » On ne peut,
cependant, que regretter le peu de cohérence intellectuelle d’un texte
qui établit ainsi une exception rationae materiae alors que les obli-
gations intégrales sont d’abord identifiables à partir de leurs caracté-
ristiques génériques comme de leur régime juridique et ne sont pas
seulement dépendantes d’un domaine déterminé, comme celui du
droit humanitaire ou celui des droits de l’homme.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on ne peut pas suivre les
auteurs qui critiquent cette notion à partir de ses domaines d’appli-
cation les plus fréquents. Quoi qu’il puisse paraître de prime abord,
le critère de l’obligation intégrale est lui-même formel avant que
d’être matériel. Ce qui révèle l’obligation intégrale, en d’autres
termes, ce n’est pas qu’elle porte sur les droits de l’homme, de la
femme, de l’enfant ou de l’orphelin ! C’est qu’elle échappe au
régime de la réciprocité quant aux conséquences de droit attachées à
sa violation 229. Si, demain, les Etats parties à la Convention balei-
nière internationale (laquelle pose des obligations interdépendantes)
décident de l’appliquer aux cétacés parce que leur compassion pour
les cachalots devient prédominante, ils pourront en décider ainsi ! 230
229. La critique formulée à leur encontre par le recteur Dehaussy nous paraît
donc sans pertinence. Voir J. Dehaussy, « Le problème de la classification des
traités et le projet de convention établi par la Commission du droit international
des Nations Unies », Mélanges Guggenheim, pp. 306-325.
230. Il est d’ailleurs des cas limites dans lesquels il n’est pas toujours aisé de
distinguer entre les deux types d’obligations.
L’unité de l’ordre juridique international 141
a) Antécédents doctrinaux
b) Potentialités
254. Même si les actes unilatéraux pris dans ce cadre peuvent emporter des
obligations pour les Etats membres, ainsi que l’exemple du budget le montre
encore très bien.
156 Pierre-Marie Dupuy
A. Le phénomène coutumier
256. Voir G. Abi-Saab, « La coutume dans tous ses états », Le droit à l’heure
de sa codification. Etudes en l’honneur de R. Ago, Milan, Giuffrè, 1987, vol. 1 ;
comparer, N. Bobbio, La consuetudine come fatto normativo, CDAM, 1942,
pp. 19 ss., et M. Virally, « Le phénomène juridique », Revue de droit public,
1966, no 1, pp. 36 ss. La comparaison est également utile avec la théorie du droit
spontané chez R. Ago, Scienza giuridica e diritto internazionale, Milan, Giuffrè,
1950, pp. 78 ss.
257. Livre 1, chap. I.
160 Pierre-Marie Dupuy
261. Voir P.-M. Dupuy, « Théorie des sources et coutume en droit internatio-
nal contemporain », Le droit international dans un monde en mutation. Liber
amicorum E. Jiménez de Aréchaga, Montevideo, Fundación de cultura universi-
taria, 1994, vol. 1, pp. 52 ss. ; comparer G. P. Buzzini, « La théorie des sources
face au droit international général. Réflexions sur l’émergence du droit objectif
dans l’ordre juridique international », RGDIP, 2002, no 3, pp. 581-619.
262. Sur la théorie générale de la coutume, voir notamment L. Kopelmanas,
« Customs as a Means of the Creation of International Law », BYBIL, 1937,
pp. 127 ss. ; H. Kelsen, « Théorie du droit international coutumier », Revue inter-
nationale de la théorie du droit, 1939, pp. 263 ss. ; P. Guggenheim, « Les deux
éléments de la coutume en droit international », Mélanges G. Scelle, Paris, 1950,
pp. 275 ss. ; A. d’Amato, The Concept of Custom in International Law, Ithaca et
Londres, 1971 ; R. Jennings, « What Is International Law and How Do We Tell
It When We See It ? » Annuaire suisse de droit int., 1981, pp. 59 ss. ; B. Bollec-
162 Pierre-Marie Dupuy
C. Coutume et consentement
284. La seconde des trois prévoyait même qu’en cas d’insuccès du Conseil ce
serait à lui-même d’« examiner une action ultérieure et des mesures addition-
nelles pour maintenir ou rétablir la paix et la stabilité dans la région ». Ibid.,
pp. 885 et 887.
285. Article 27, paragraphe 3, de la Charte. Voir G. Cahin, La coutume inter-
nationale et les organisations internationales, Paris, Pedone, 2001, notamment
pp. 79 ss.
286. Op. cit. supra note 283, p. 887.
287. Ibid., p. 889.
L’unité de l’ordre juridique international 173
297. On peut notamment prendre l’exemple des conditions dans lesquelles fut
reconnu le principe de l’attribution du fond des mers au patrimoine commun de
l’humanité dès le début des années soixante-dix.
298. Voir notamment P.-M. Dupuy, « Le principe de précaution : règle émer-
gente du droit international », dans Ch. Leben et J. Verhoeven (dir. publ.), Le
principe de précaution et le droit international, Editions Panthéon-Assas, LGDJ,
Paris, 2001.
299. Anzilotti lui-même reconnaissait :
« le droit international commun est substantiellement le produit d’une
longue évolution… Il y eut d’abord des convictions communes qui s’impo-
sèrent ensuite peu à peu avec la force de normes obligatoires à tous les
Etats entre lesquels s’établissaient des rapports, normes tellement liées avec
les caractères et les exigences de ces rapports que le fait d’entretenir ceux-
ci apparut comme indétachable de l’observance de ces normes et que
l’entrée d’un nouveau membre dans la communauté internationale semble
inséparable de leur acceptation comme principes généraux et communs
historiquement donnés, de la communauté même. » (Cours de droit interna-
tional, traduction de G. Gidel, Paris, Sirey, 1929, réédité par P.-M. Dupuy et
Ch. Leben, Paris, Editions Panthéon-Assas, LGDJ, 1999, collection Les
introuvables, pp. 8-9.)
L’unité de l’ordre juridique international 179
300. Dans l’arrêt du 20 décembre 1974 relatif à l’affaire des Essais nucléaires
(Australie c. France), CIJ Recueil 1974, p. 267, par. 43, la Cour déclare :
« Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d’actes unilatéraux
et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de
créer des obligations juridiques. »
180 Pierre-Marie Dupuy
303. Voir des illustrations données par A. Blondel, « Les principes généraux
dans la jurisprudence de la CPJI et de la CIJ », Mélanges Guggenheim, IUHEI,
Genève, 1968, pp. 201 ss. ; A. Verdross, « Les principes généraux du droit dans
le système des sources du droit international », ibid., pp. 521 ss. ; comparer
Ch. Rousseau, Traité de droit international public, t. 1, Sirey, 1970, pp. 379 ss.
182 Pierre-Marie Dupuy
ment été puisées dans le vivier des droits internes pour être transpo-
sées en droit international 304. A l’égard de certaines de ces règles se
pose cependant déjà la question de savoir dans quelle mesure elles
possèdent une réelle autonomie par rapport à la coutume générale,
question que l’on retrouve avec beaucoup plus d’intensité à propos
de la seconde catégorie de principes généraux.
2. Les principes généraux du droit international, à l’inverse de la
catégorie précédente, sont propres à cet ordre juridique. Leurs ori-
gines sont diverses, mais ils sont essentiellement le produit de l’ac-
tion conjuguée du juge international et de la diplomatie normative
des Etats. La doctrine aide parfois à leur définition. Contrairement
aux principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées,
ils sont souvent d’énonciation contemporaine. Le caractère commun
à ces principes tient à leur haut niveau d’abstraction et à leur
extrême généralité. Ils condensent le plus souvent la règle désignée
en une formule simple. Employés par le juge, ils servent souvent de
point de départ, d’articulation ou de soutien à l’argumentation juri-
dique de leurs arrêts, dont ils fournissent l’ossature conceptuelle 305.
C’est ainsi que la Cour internationale de Justice a été amenée à plu-
sieurs reprises, dont notamment encore en 1986, à tirer les consé-
quences logiques du « concept juridique fondamental de la souverai-
neté des Etats » 306, comme celle d’après laquelle un Etat ne saurait
être engagé sans son consentement 307 ou celle d’après laquelle les
limitations à la souveraineté ne se présument pas 308. Tel le principe
pacta sunt servanda, on dirait souvent ces principes comme fixés a
priori, presque en manière d’axiomes, tant le juge ou l’arbitre les
considèrent comme inhérents à l’existence de l’ordre juridique inter-
312. Affaire du Détroit de Corfou, fond, CIJ Recueil 1949, p. 22, voir P.-M.
Dupuy, « Les « considérations élémentaires d’humanité » dans la jurisprudence
de la Cour internationale de Justice », Mélanges offerts à N. Valticos, Paris,
Pedone, 1999.
313. Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), CIJ Recueil 1986, p. 114,
par. 220. Voir commentaire de P. M. Eisemann, « L’arrêt de la CIJ du 27 juin
dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci », AFDI, 1986, pp. 173 ss.
314. J. Verhoeven, « Le droit, le juge et la violence, les arrêts Nicaragua c.
Etats-Unis », RGDIP, 1987, no 4, p. 1207.
315. CIJ Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79.
186 Pierre-Marie Dupuy
316. CIJ Recueil 1986, pp. 100-101, par. 190. La Cour y déclare, à propos du
principe précité :
« les représentants des Etats le mentionnent souvent comme étant non seu-
lement un principe de droit international coutumier, mais encore un principe
fondamental ou essentiel de ce droit … « maintenant admis comme faisant
partie du jus cogens » (par. 190).
L’unité de l’ordre juridique international 187
A. L’équivoque
B. Le malentendu
329. Certes, il n’échappera pas que, selon l’usage fait de la théorie des deux
éléments constitutifs de la coutume, sorte de bonne à tout faire des écrits comme
de la jurisprudence relative à la coutume internationale, on pourra alternative-
ment désigner l’addition de l’élément matériel et de l’élément psychologique
soit comme association de critères formels permettant d’identifier la conduite
d’un sujet de droit international en tant que coutume, soit comme processus
d’élaboration de la règle coutumière, sensée procéder de la validation de la pra-
tique par l’expression de l’opinio juris. Cette bivalence de significations corres-
pond d’ailleurs à la double acception de la notion de coutume, dont on sait
qu’elle désigne à la fois une norme juridique et son mode de création.
330. Voir P. Guggenheim, op. cit.
194 Pierre-Marie Dupuy
tireurs du droit. Son origine étatique lui restitue la légitimité qui lui
faisait toujours plus ou moins défaut au plan interne. Il n’existe donc
pas ici, à l’opposé du modèle interniste, de hiatus entre les auteurs
d’une catégorie de normes et ceux de l’autre. Les uns et les autres
sont les sujets primaires de l’ordre juridique dont ils sont les norma-
teurs, disposant d’une égale aptitude à la création du droit écrit et de
celui qui ne l’est pas.
Cette identité d’origines interdit en particulier qu’on transpose
simplement en droit international la distinction loi/coutume telle du
moins qu’elle est le plus souvent pratiquée par les analystes du droit
interne. Cela paraît d’autant plus vrai si l’on garde à l’esprit les dif-
férences existant par ailleurs de toute façon, à l’intérieur de la caté-
gorie des sources écrites, entre d’une part la loi, source émanant
d’une autorité centralisée disposant le plus souvent sur habilitation
constitutionnelle du pouvoir normatif, et d’autre part le traité — par
essence contractuel même quand on dit abusivement de lui qu’il est
un traité-loi, alors qu’il procède de toute façon de la rencontre des
volontés de deux ou plusieurs sujets de droit. Or on aurait tort de
croire que la différenciation de la place et du rôle respectifs de la
coutume par rapport au droit écrit en droit interne et en droit inter-
national est simplement anecdotique. Elle est au contraire fonda-
mentale dans l’équilibre respectif des systèmes de production des
normes de chacun de ces deux types d’ordres juridiques. En droit
interne, la théorie des sources peut se satisfaire d’un grand forma-
lisme, puisque le droit écrit issu de procédures techniques précises y
tient la place principale. En revanche, le formalisme de la théorie
classique des sources du droit international ne rend pas compte de la
plasticitié de la coutume et de son caractère en partie spontané même
si elle émane des mêmes sujets de droit.
constater que la coutume est une source, et même une source for-
melle du droit international mais seulement au sens où c’est une
source-preuve ou, si l’on préfère, une norme établie et pas une
source-procédure 338.
Le défaut de procédure formelle ou de « règle secondaire » prési-
dant à sa création interdit en tout cas qu’on l’assimile ou qu’on
l’aliène purement et simplement, par mimétisme ou par confort intel-
lectuel, au schéma à la fois ambigu et approximatif des sources non
écrites du droit interne. Il en résulte que les Etats eux-mêmes
demeurent le plus souvent dans l’indétermination et l’expectative
lorsqu’ils se posent la question, tout à fait pratique, de savoir s’ils
doivent d’ores et déjà se considérer obligés par une règle nouvelle,
déclarée déjà positive par certains de leurs pairs cependant que
d’autres persistent de façon plus ou moins cohérente à objecter qu’il
n’en est rien. En tout état de cause, le malentendu qu’il convient de
dénoncer est précisément celui qui consiste à confondre ces diverses
acceptions en une notion composite et confuse, pour conclure
ensuite de façon péremptoire et indifférenciée soit dans le sens du
refus soit dans celui de l’acceptation de sa reconnaissance comme
source formelle du droit international. L’avènement de la diplomatie
parlementaire est à cet égard sans incidence réelle. Il est exact que
les conditions de formulation de propositions normatives dans le
cadre de conférences organisées ou non au sein d’organisations
internationales ont très largement tendance à rentrer dans le cadre de
procédures bien définies. Il demeure que si le résultat de ces procé-
dures n’est pas accueilli dans un instrument conventionnel ultérieu-
rement appelé à entrer en vigueur entre les parties à une date bien
définie, l’éventuelle incidence normative de travaux restés au stade
équivoque de la soft law continuera à laisser dans la plus totale
incertitude quant à la question de savoir à partir de quel moment
cette incidence aura généré une coutume.
338. De ce fait, parmi toutes les théories énoncées à son propos, c’est sans
doute celle dite du « droit spontané », conçu naguère par le professeur Roberto
Ago, qui désigne le mieux la réalité. Voir notamment, dans l’œuvre de Roberto
Ago, son cours à l’Académie de droit international de La Haye, « Science juri-
dique et droit international », Recueil des cours, tome 90 (1956), pp. 851 ss.,
dans lequel il observe que « le droit en vigueur peut jaillir directement du corps
social, en forme de « droit spontané » sans passer par une source formelle ». Du
même auteur, « Diritto positivo e diritto internazionale », Scritti di diritto inte-
mazionale in onore di Tomaso Perassi, Milan, 1957, vol. 1, p. 44.
200
341. C’est d’ailleurs parce que le droit international se parle dans une multi-
plicité de langues nationales que des difficultés particulières d’interprétation
s’attachent souvent à certaines des notions qu’il énonce et utilise.
342. Voir M. Virally, « Le phénomène juridique », Revue de droit public,
1966, p. 49 :
« en réglementant la création des normes qui le composent, ou en créant des
autorités chargées de les faire respecter, [l’ordre juridique] permet de les
séparer de façon pratique de la nébuleuse des normes sociales, et de les
constituer en un ordre à part. Il autorise une qualification précise des
normes juridiques en tant que telles. »
343. Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, 8 juillet 1996, CIJ Recueil 1996, p. 229, par. 79.
202 Pierre-Marie Dupuy
qu’elle éprouve à son égard les plus violentes passions. Les règles
du rugby expliquent les mouvements sporadiques et puissants
d’hommes arc-boutés les uns contre les autres ou roulant dans la
boue, ceinturés en pleine course pour la conquête d’un étrange bal-
lon. Beaucoup, il est vrai, « n’aiment pas » l’opéra, le rugby, le cri-
quet ou la tauromachie parce qu’ils refusent ou ignorent les codes
dont ils sont l’expression. On voit alors que le droit, quant à lui, se
différencie des univers qui précèdent. Il le fait, au moins, par la
généralité de son objet comme de sa portée et par son autorité parti-
culières ; cela est lié à sa fonction qui est, précisément, d’« ordon-
ner », à tous les sens du terme, l’ensemble d’une société déterminée.
Distinct, tout d’abord, des autres univers langagiers, il est « la
langue du pouvoir » ; celle de ses détenteurs, l’Etat dans l’ordre
interne, les Etats, dans l’ordre international.
Distinct, également, par le fait qu’on ne peut en éviter l’emprise.
Il reste possible à chacun de ne pas mettre les pieds à l’opéra, de
délaisser le rugby, d’être indifférent au tennis ou de dénoncer la tau-
romachie. Il s’agit là d’activités optionnelles, facultatives. Mais on
ne peut pas décider, à moins d’être passible de sanctions pénales, de
se placer « hors la loi », fut-elle constituée, dans l’ordre international,
de la coutume ou du traité. Comme pour mieux affirmer la majesté
incontournable de la loi, le code institue la fiction juridique de sa
connaissance par quiconque en nous disant que « nul n’est censé
l’ignorer ».
Parce qu’il est admis au sein de la société internationale par les
autres Etats agissant individuellement mais aussi collectivement 344,
un nouvel Etat peut agir sinon même proprement exister au plan
international. Mais alors, ainsi que l’a montré l’expérience historique
des Etats issus de la décolonisation, tout nouveau membre du club
universel doit en accepter les règles, rassemblées et organisées par le
langage du droit dans ce qu’on nomme précisément l’« ordre juri-
dique international ».
4. Se tournant, à ce stade, vers l’examen de sa structure et de sa
composition, les auteurs, tel, par exemple, Jean Combacau, insistent
généralement, et, semble-t-il, à juste raison, sur un fait. Cet ordre
« se compose d’une grande variété de pièces, dont les unes sont
le résultant du jeu des autres ; les premières sont des produits,
que ce n’est pas la volonté comme telle qui produit des effets
juridiques, mais que c’est le droit qui, étant donné une déclara-
tion de volonté correspondant à certaines conditions, y rattache
la naissance ou l’extinction de droits et d’obligations des sujets
en cause. » 350
On ne saurait mieux constater, même si ce n’était pas d’abord la
visée de cet auteur, que l’ordre juridique international est lui-même
largement indépendant de la souveraineté des Etats. Il a pris, au
cours des temps, une certaine forme d’existence objective même s’il
ne doit son existence qu’à leur assentiment, primordial à tous les
sens du terme. Une fois constitué, cet ordre s’impose à chacun
d’entre eux ; les nouveaux Etats doivent s’en accommoder, parce
qu’il fixe les règles du jeu, et leur dit, par exemple, ce qu’est un
traité et à quelles conditions le négocier, l’adopter et le faire entrer
en vigueur ; ou bien encore quelles sont les conséquences attachées à
la violation du droit. Ces règles, celle du droit des traités ou de la
responsabilité dans les exemples qui précèdent sont, certes, de carac-
tère coutumier. Elles résultent ainsi de la pratique des Etats et donc,
de leur consentement, éventuellement implicite mais toujours « agi »,
par action ou par omission. Une fois consolidées par la généralité
d’une telle pratique, ces normes intègrent le corps des principes dont
cet ordre est constitué. Comme y insistaient Kelsen 351 ou Anzilotti,
Santi Romano, Georges Scelle ou Michel Virally 352, on comprend,
dès lors, pourquoi le maintien du droit international comme ordre
structuré est indispensable : c’est, tout simplement, l’ordre juridique
international qui, par sa structure et par son unité, donne sens, por-
tée et validité aux actions comme aux abstentions des Etats, à travers
les normes auxquelles ils sont soumis.
6. Qu’on attente à cette unité, par exemple en réduisant ce droit à
une juxtaposition de secteurs normalisés en raison de leur objet,
droits de l’environnement, des droits de l’homme, du maintien de la
paix, de l’espace extra-atmosphérique, de la mer ou du commerce…,
et l’on perdra de vue la syntaxe qui autorise la création et la validité
des normes traitant de ces différents domaines.
*
206 Pierre-Marie Dupuy
TROISIÈME PARTIE
Introduction
354. « Cette doctrine est appelée « théorie pure du droit » car elle est libre de
tout élément étranger à la méthode spécifique d’une science dont le seul but
est de connaître le droit, non de le créer. » (Théorie générale du droit et de
l’Etat, traduction française, p. 46.)
355. C’est ce dont témoigne, par exemple, en France, le développement de la
jurisprudence du Conseil d’Etat à partir de 1870 ou, ailleurs, celui de la juris-
prudence constitutionnelle.
208 Pierre-Marie Dupuy
366. Terminologie usitée en particulier par Jean Combacau dans ses travaux
et, notamment, dans Droit international public, Paris, Domat-Montchrestien,
4e éd., 1999. L’utilisation du terme « légal » en droit international ne nous paraît
pas très opportune. Sauf à céder au « franglais » et parler de « loi internationale »
ou de « légal » pour dire « juridique », il n’y a pas de loi en droit international,
pas même sous la forme de traité-loi, comme, du reste, l’auteur précité l’admet
lui-même. Par conséquent, parler d’existence légale nous semble participer
d’une sorte de nostalgie législative dont nous avons plus haut souligné les dan-
gers, à propos de la théorie des sources formelles appliquée à la coutume.
367. On dénoncera enfin tout les blocages résultant du maintien des vieux
paradigmes dans l’affrontement stérile des doctrines. Ainsi, l’opposition tradi-
212 Pierre-Marie Dupuy
contraire d’en tester la réalité, ce que l’on fera dans un premier cha-
pitre.
L’adoption de la Charte présuppose autant qu’elle impliquera,
quelque vingt ans plus tard, la formulation explicite d’après laquelle
il existe une « communauté internationale », de caractère proprement
universel, quelle que soit la nature de ses composantes de base. Loin
de se soucier de la question de savoir si les conditions idéologiques,
économiques et sociales nécessaires à la création d’une telle com-
munauté sont réunies, on doit s’interroger sur l’identité juridique
d’une telle affirmation (chapitre II).
On en viendra, enfin, aux implications normatives de l’affirmation
d’une communauté internationale en tentant d’évaluer la radicalité
du changement apporté par l’affirmation des normes indérogeables
en droit international (chapitre III).
Trois interrogations animeront donc cette partie : la Charte des
Nations-Unies, une constitution ? La communauté internationale, une
fiction ? Le droit impératif, une révolution ?
Au-delà, il faudra cependant aussi illustrer les implications que
l’affirmation par le droit positif de l’existence d’une unité matérielle
a d’ores et déjà eues. On choisira pour cela deux domaines privilé-
giés des manifestations d’une telle affirmation. Le premier concerne
l’élargissement des perspectives offertes au maintien de la paix,
telles qu’elles se sont développées en particulier à partir de ce qu’il
est convenu d’appeler « la fin de la guerre froide », soit à partir de la
« guerre du Golfe » de 1990-1991 (chapitre IV). Le second domaine
concerne moins la pratique que l’élaboration normative des inci-
dences de l’affirmation d’un droit impératif sur l’évolution du droit
international de la responsabilité. Le dernier chapitre de cette partie,
(chapitre V) se penchera par conséquent, à partir des travaux de la
Commission du droit international en la matière, aujourd’hui termi-
nés, sur l’histoire d’une rencontre, à moins qu’elle ne soit celle d’un
rendez-vous manqué, entre le jus cogens et la responsabilité.
215
CHAPITRE I
B. Dualités normatives
385. On fait ici allusion à l’influence des pays occidentaux et, particulière-
ment, des Etats-Unis dans la rédaction de la Charte. Voir M. Virally, L’Organi-
sation mondiale, Paris, Armand Colin, 1972, pp. 47 ss.
386. On pourrait d’ailleurs, dans la pratique diplomatique ordinaire, relever
des indices multiples d’une sorte de sanctification rituelle de l’acte constitutif
des Nations Unies. Sa célébration s’effectue notamment chaque année aux ides
de septembre, en ouverture aux travaux de l’Assemblée générale. Destinés sou-
vent à masquer le désir de bien des gouvernants de persister dans sa violation,
les hommages incantatoires faits à sa primauté dans les discours clamés depuis
la tribune servent de la sorte à compenser dans l’ordre symbolique, qui est aussi
celui du politique, la perpétuation effective de la méconnaissance de son prin-
cipe premier, le non-recours à la force armée.
L’unité de l’ordre juridique international 223
387. Même si elle se plaçait alors en dehors même de la Charte, dont la mise
en œuvre se trouvait écartée par une réserve américaine (réserve dite
« Conally ») à propos de la règle du recours à la force (affaire des Activités mili-
taires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (CIJ Recueil 1986, p. 99,
par. 188).
224 Pierre-Marie Dupuy
C. Logiques contradictoires
388. Et dénoncées comme telles notamment par H. Kelsen : voir son article
publié en français à la Revue d’histoire politique et constitutionnelle en 1951,
reproduit dans Ch. Leben et Hans Kelsen, Ecrits français de droit international,
Paris, PUF, collection Doctrine juridique, 2001, XIII, pp. 293 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 225
389. On est alors bien loin de la fidélité aux idées abstraites d’universalité,
pourtant tout autant à l’origine des Nations Unies. On est en revanche très près
de retrouver la critique que Hegel adressait au projet de Kant, lorsqu’il disait, lui
aussi après avoir observé que la société internationale en restait à l’état de
nature :
« la conception kantienne d’une paix éternelle par une ligue des Etats qui
réglerait tout conflit ... et qui rendrait impossible la solution par la guerre
suppose l’adhésion des Etats, laquelle reposerait sur des motifs moraux sub-
jectifs ou religieux, mais toujours sur leur volonté souveraine particulière,
et resterait donc entachée de contingence » (op. cit., p. 361, par. 333).
La contingence est au demeurant d’autant plus forte que l’Etat, ou ceux d’entre
eux qui peuvent statutairement agir au nom des autres, interprètent tout aussi
subjectivement ce qu’ils jugent être une simple menace au maintien de la paix.
En effet,
« l’Etat, comme être spirituel, ne peut pas s’en tenir à ne considérer que la
réalité matérielle de l’offense, mais il en vient à se représenter comme telle
un danger menaçant de la part d’un autre Etat » (par. 335).
226 Pierre-Marie Dupuy
395. Ch. Tomuschat, « Obligations Arising for States without or against Their
Will », Recueil des cours, tome 241 (1993), pp. 195-374.
396. J. Frowein, « Reactions by Not Directly Affected States to Breaches of
Public International Law », Recueil des cours, tome 248 (1994), pp. 345-438.
397. B. Simma, « From Bilateralism to Community Interest in International
Law », Recueil des cours, tome 250 (1994), pp. 217-384. On retrouvera la thèse
constitutionnaliste chez d’autres auteurs allemands, notamment dans le com-
mentaire de la Charte publié en allemand et en anglais sous la responsabilité de
B. Simma. Cf. notamment A. Bleckmann, déjà cité, et R. Bernhardt, « Comment
on Article 103 », The Charter of the United Nations : A Commentary, op. cit.,
pp. 1119, 1123, et 1125.
398. H. Mosler, Recueil des cours, tome 140 (1974), pp. 17, 19, 192, 193.
399. Ch. Tomuschat (dir. publ.), The United Nations at Age Fifty, A legal
Perspective, Kluwer Law International, 1995, p. ix.
400. Pour donner un exemple de ce dernier point de vue, comment rallier les
opinions émanant des Etats-Unis, où l’on se targue de la pérennité de la Consti-
tution de l’Union depuis ses origines, et de la France, souvent moquée par les
Américains en raison de son intempérance sinon de sa versatilité constitution-
230 Pierre-Marie Dupuy
membres, la CIJ, dans son avis fondamental de 1949 sur la Réparation des dom-
mages subis au service des Nations Unies, n’avait pas hésité à affirmer que les
« Etats représentant une très large majorité des membres de la communauté
internationale avaient le pouvoir … de créer une entité possédant une per-
sonnalité internationale objective » (CIJ Recueil 1949, p. 185).
Cette prise de position avait cependant fait l’objet de critiques fréquentes en
doctrine. Par ailleurs, le fait que plusieurs dispositions de la Charte, tels les
articles 32, 35, paragraphe 2, et 50, mentionnent les Etats tiers renforcerait plu-
tôt l’objection conventionnelle à la portée constitutionnelle de la Charte, puisque
ces tiers sont soit conviés à solliciter le Conseil de sécurité soit amenés à béné-
ficier de certains avantages mais sur une base qui, précisément, demeure elle-
même contractuelle.
405. Consécutivement à l’heureuse résolution de la crise de Cuba.
406. Suite à l’affaiblissement de la cohésion du groupe des non-alignés et à la
tension renouvelée entre l’Est et l’Ouest, en raison de l’envahissement de l’Af-
ghanistan par les troupes soviétiques.
L’unité de l’ordre juridique international 233
407. Que l’on peut approximativement situer vers le milieu de l’année 1994.
Voir notamment, colloque du CEDIN, Les aspects juridiques de la crise et de la
guerre du Golfe, aspects de droit international public et de droit international
privé, Paris, Econmica, 1991 ; J. Verhoeven, « Etats alliés ou Nations Unies ? :
l’ONU face au conflit entre l’Irak et le Koweït », AFDI, 1990, vol. 75, 1991,
pp. 452 ss. ; P.-M. Dupuy, « Après la guerre du Golfe… », RGDIP, 1991, no 3,
pp. 621 ss. ; « Symposium : The Gulf War and Its Aftermath », EJIL, 1991, no 2,
avec des contributions de Ch. Dominicé, B. Conforti, P. Malenczuk, pp. 85-132 ;
« Agora : The Gulf Crisis in International and Foreign Relations Law », AJIL,
1991, vol. 85, contributions de T. Franck, M. Glennon, L. Damrosch, T. Meron.
Sur la relation légalité/légitimité dans le droit international contemporain, voir
infra, pp. 403 ss.
408. Sous l’égide de « comités des sanctions » manifestant ainsi leur autorité.
Voir M. Koskenniemi, « Le comité des sanctions créé par la résolution 661
(1990) du Conseil de sécurité », AFDI, 1991, vol. 37, pp. 119 ss. ; F. Alabrune,
« La pratique des comités des sanctions du Conseil de sécurité depuis 1990 »,
AFDI, 1999, pp. 226 ss.
409. Voir infra, pp. 314 ss.
410. Voir notamment G. Gaja, « Réflexions sur le rôle du Conseil de sécurité
dans le nouvel ordre mondial », RGDIP, 1993, no 3, pp. 617-627 ; P. Picone,
« Interventi delle Nazione Unite e oblighi erga omnes », dans P. Picone (dir.
publ.), Interventi delle Nazione Unite e diritto internazionale, Milan, CEDAM,
1995, pp. 517-578 ; P.-M. Dupuy, « Sécurité collective et maintien de la paix »,
RGDIP, 1993, no 3, pp. 617 ss.
234 Pierre-Marie Dupuy
415. Plus la majorité sinon la totalité des rares Etats non membres, comme la
Suisse.
416. Exposée ici dans ses grandes lignes, on retrouvera la problématique
de la fonction des organes politiques de l’ONU ultérieurement, en l’envisageant
par rapport au champ d’extension matériel du maintien de la paix. Voir infra,
pp. 319 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 237
cément la liste des règles primaires qu’elle énonce 418, s’agissant des
principes les plus importants, leur nombre s’établit à sept : a) main-
tenir la paix et la sécurité internationales (art. 1, par. 1) ce qui va de
pair avec b) la prohibition du recours à la force dans les relations
entre Etats (art. 2, par. 1) ; c) le corollaire étant l’obligation du règle-
ment pacifique des différends, posé à l’article 1 (par. 1) et développé
à l’article 2, paragraphe 3 ; d) le respect de l’égalité souveraine « de
tous les Etats membres », ce qui veut dire aussi de tous les Etats, car
on voit mal pratiquer une discrimination de ce point de vue à l’égard
des tiers ; e) le « respect du principe de l’égalité de droit des peuples
et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » ; f) le principe de coopéra-
tion qui s’applique à tous les domaines, en particulier ceux qui
concernent les « problèmes d’ordre économique, social et culturel »
(art. 1, par. 3) ; g) enfin, le respect et la promotion des « droits de
l’homme et des libertés fondamentales … sans distinction de race,
de sexe, de langue ou de religion » (art. 1, par. 3).
Exactement vingt-cinq ans après l’entrée en vigueur de la Charte,
en 1970, alors que, entre-temps, la période de la guerre froide 419
avait suscité deux blocs antagoniques et que la décolonisation avait
multiplié par deux le nombre des Etats, les membres de l’Organisa-
tion éprouvèrent le besoin de réitérer précisément les mêmes prin-
cipes. Ce fut la fameuse « Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre
Etats, conformément à la Charte des Nations Unies » 420. Loin de
constater une répétition superflue des principes de la Charte, cette
réitération solennelle avait une vertu ; celle de confirmer le caractère
essentiel des normes substantielles énoncées dans le texte fondateur.
Opérée l’année consécutive à l’adoption de la Convention de Vienne
sur le droit des traités dont l’article 53 affirme l’existence d’un droit
impératif, cette consolidation de principes que la Cour internationale
de Justice venait de qualifier d’« obligations erga omnes » 421 avait
une signification et une portée singulières. Celles-ci n’échappèrent
nullement à la Cour quelques années plus tard, en 1986, dans l’af-
De fait, il semblerait avant tout que cette disposition nous mette bien
en présence d’une hiérarchie normative dont le sommet serait
occupé, à l’instar de ce qui est le cas pour la constitution dans
l’ordre juridique interne, sinon par une loi des lois, du moins par une
convention primant toutes les autres, ce qui semblerait a priori intro-
duire alors un nouveau critère de validité des obligations juridiques
internationales : leur conformité à celles qui sont posées dans la
Charte de même que celles qui découlent de son application.
Pourtant, avant de se rallier à une telle pétition de principe, il
convient d’examiner les interrogations que cette affirmation de
constitutionnalité peut susciter. Trois sont en particulier posées :
a) de quelles obligations s’agit-il ? b) quelles normes sont concer-
nées par la règle de prévalence que l’article 103 établit ? c) quels sont
les effets de son application ?
a) S’agissant de la première question, l’article 103 nous dit qu’il
concerne la primauté des « obligations des membres des Nations
Unies en vertu de la présente Charte ». La pratique a montré qu’il
fallait entendre par là non seulement les obligations posées dans le
texte même de la Charte, ainsi que le réaffirme la Cour dans son pre-
mier arrêt, sur la compétence, dans l’affaire opposant le Nicaragua
aux Etats-Unis 427, mais également celles prises en application de
cette Charte elle-même. Tel est le cas de celles résultant d’une réso-
lution prise par le Conseil de sécurité, en application du chapitre VII,
ainsi que le dit également la Cour à propos de la résolution 748 dans
son ordonnance du 14 avril 1992 428. Le Conseil de sécurité avait
d’ailleurs lui-même, dans la résolution 670, prise en 1990 à l’en-
contre de l’Irak, fait référence à l’article 103. Comme le dit Emma-
nuel Roucounas, le droit de la Charte doit être ici pris in globo
comme prévalant sur les obligations particulières conclues par cha-
cun des Etats membres 429. Comme toute règle de primauté norma-
tive, on peut penser que celle-ci est destinée à assurer la priorité
mais aussi l’unité d’application du droit des Nations Unies dans tous
les Etats membres.
aucun n’est en tout cas fourni par les régimes socialistes à l’époque de la guerre
froide, tout au contraire (Corée du Nord et Albanie d’Enver Hojda peut-être
exceptées).
Deux exemples en viennent à l’esprit, à vingt ans de distance l’un de l’autre,
mais ils procèdent tous deux d’un intégrisme islamique faisant primer une lec-
ture particulièrement rigide du Coran sur toute autre référence : il s’agit de la
République islamique d’Iran à ses origines, sous l’impulsion de l’Imam
Khomeyni (1980), et du régime des Talibans en Afghanistan (1996-2001).
Encore aucune de ces deux exceptions, au demeurant éphémères, n’est elle par-
faitement probante puisque, l’un et l’autre, ces deux régimes n’ont pas répugné
à s’appuyer sur le droit international et sur celui des Nations Unies pour prouver
à l’occasion la légitimité de leur conduite ou l’illicéité de celle de leurs adver-
saires. Quant à la Suisse, si jalouse de son statut de neutralité, elle a fini par ral-
lier l’Organisation dont elle est l’hôte après près de soixante ans d’un refus de
moins en moins réaliste ou justifié.
432. Voir M. Virally, L’Organisation mondiale, Paris, Armand Colin, 1972,
pp. 160 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 243
CHAPITRE II
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE :
UNE FICTION ?
A. Le lancement
B. La maturation
C. L’épanouissement
458. Les grands textes de droit international public, op. cit., p. 121.
459. Ibid., p. 255.
460. La même année, 1992, est adoptée la Déclaration de Rio sur la protec-
tion de l’environnement, dont le principe 18 appelle explicitement la commu-
nauté internationale à faire « tout son possible » pour venir en aide aux popula-
tions sinistrées par des catastrophes naturelles. (Les grands textes de droit
international public, op. cit., p. 663.)
461. Ibid., p. 268
462. Ibid., p. 271.
254 Pierre-Marie Dupuy
A. Acceptions
B. Fonctions
474. Sur les fictions en droit, voir Les présomptions et les fictions en droit,
études publiées par Ch. Perelman et P. Foriers, Bruxelles, Bruylant, 1974, notam-
ment P. Foriers, « Présomptions et fictions », pp. 8 ss. La citation de H. Capitant
est faite à la page 16 et tirée du Vocabulaire juridique, vo « Fiction ».
L’unité de l’ordre juridique international 261
l’égalité souveraine qu’elle est une fiction n’est vrai, du reste, que
dans la mesure où on rapporte le droit à la réalité matérielle qu’il
désigne, en gardant à l’esprit les gigantesques écarts de puissance
existant, par exemple, entre les Etats-Unis et la Guinée équatoriale,
entre la Chine et Vanuatu. Si l’on fait, en revanche, une analyse
purement formelle de l’affirmation d’égalité, on devra la considérer
comme un axiome en vertu duquel les mêmes aptitudes juridiques
sont attachées à la possession de la souveraineté, que celle-ci soit
détenue par la Russie ou par la république de Saint-Marin. Le pro-
cédé de la fiction permet l’attribution à tous les Etats, en tant que
sujets de droit, des mêmes compétences et capacités juridiques. Il
permet également de leur imputer, dans des conditions égales, la res-
ponsabilité encourue pour la violation de leurs obligations.
De la même manière, présupposer l’existence d’une communauté
internationale, ne fût-ce qu’une communauté internationale des
Etats, dotée d’un pouvoir normatif autonome (celui de désigner les
normes impératives), doit être analysé comme une nouvelle fiction
constituante.
Qu’il n’y ait pourtant point là de malentendu. Cela ne signifie pas
nécessairement que l’on nie l’existence effective de la communauté,
et l’auteur de ces lignes se range effectivement parmi ceux qui sont
convaincus de sa réalité 479. Que l’on n’aille pas ici crier au parri-
cide ! 480 Il faut bien comprendre la portée du constat d’un recours
par le droit international à la technique juridique de la fiction : non
la négation d’une réalité sociale mais l’économie de sa démons-
tration.
Le constat de la consécration par le droit positif du concept de
« communauté internationale », en lui même difficilement contes-
table, permet d’éviter de rentrer dans l’examen sans fin de la ques-
tion de savoir quels sont les seuils et critères de solidarité sociale,
nécessairement subjectifs et extrajuridiques, en deçà desquels il
serait interdit de constater son existence. La communauté internatio-
nale existe bel et bien en tant que réalité sociale ; mais à des degrés
variables selon les périodes et les problèmes qu’elle affronte. Là
479. Voir P.-M. Dupuy, Droit international public, Paris, Dalloz, 6e éd.,
pp. 386 ss., par. 402 ss.
480. En tentant d’opposer les thèses défendues dans ce cours à celles que
René-Jean Dupuy présentait notamment dans son propre cours général à l’Aca-
démie, en 1979, intitulé « Communauté internationale et disparité de développe-
ment », Recueil des cours, tome 165 (1979), pp. 9-232.
L’unité de l’ordre juridique international 263
484. On en verra plus loin les répercussions sur le plan du droit de la respon-
sabilité. Voir infra, pp. 354 ss.
485. Voir supra, pp. 221 ss.
266 Pierre-Marie Dupuy
CHAPITRE III
tés d’un commandement dicté par Dieu ou la Raison ; une autre est
de constater que, à un moment historique donné, « la communauté
internationale des Etats dans son ensemble » se met d’accord pour
considérer, fût-ce, là aussi, au nom d’une convergence purement
hypothétique et formelle, que certaines règles ne peuvent subir d’al-
tération par la pratique conventionnelle.
C’est la raison pour laquelle les analyses qui vont suivre, tout en
comprenant certaines des préoccupations dont s’inspirent les néga-
teurs ou simples contradicteurs du droit impératif, se séparent en tout
cas nettement de l’option des auteurs allant jusqu’à nier la possibilité
logique d’une telle construction normative. S’inspirant des considé-
rations méthodologiques évoquées dans l’introduction générale de ce
cours 503, on rappellera ce qui pourrait pourtant passer pour une
vérité d’évidence : si le phénomène social qu’est le droit fait naître
en son propre sein des contradictions, on ne peut qu’en prendre acte ;
non le nier, le déplorer ou s’en offusquer. Il serait tout aussi incon-
séquent de nier la réalité d’un phénomène juridique parce qu’il
contredit la logique qu’on prétend exclusivement imposer au sys-
tème juridique dans lequel il prend place que de vouloir à toute force
le soumettre aux maximes d’une idéologie généreuse mais radica-
lement contraire à la souveraineté, dont Charles De Visscher a ma-
gistralement montré qu’elle conduirait à disjoindre la théorie des
réalités 504.
Il s’agira par conséquent d’apprécier, compte tenu du contexte
général dans lequel est née l’affirmation du droit impératif et des
suites qui lui ont été données par la pratique internationale, quelle
est la réalité du jus cogens en droit positif ; sans partir d’une idée
préconçue de la logique dont devrait s’inspirer ce système juridique
lui-même. Le droit étant une technique largement empirique de régu-
lation des relations sociales, rien n’interdit qu’un ordre juridique soit
le lieu d’affrontement de logiques et d’aspirations en conflit les unes
avec les autres. C’est, notons-le au passage, l’un des postulats dont
part le présent cours général.
Or, que nous dit la pratique ? Que, loin de se confirmer comme
l’expression d’une saison vite flétrie du discours politique ou doctri-
nal, l’affirmation d’un corps de droit international impératif, et pas
Section I. Définition
Quoique surabondamment commenté depuis son adoption, l’ar-
ticle 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités mérite
qu’on le cite de nouveau in extenso :
« Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en
conflit avec une norme impérative du droit international géné-
ral. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative
du droit international général est une norme acceptée et recon-
nue par la communauté internationale des Etats dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est
274 Pierre-Marie Dupuy
512. CIJ Recueil 1969, p. 42, par. 72, à propos du recours à la méthode de
l’équidistance dont on devrait admettre, au cas où il serait passé dans le droit
coutumier, qu’il ne fait en tout cas pas partie des normes de droit impératif,
puisqu’il serait toujours susceptible de dérogation par voie d’accord entre les
parties. Voir commentaire de K. Marek, « Le problème des sources du droit
international dans l’arrêt sur le plateau continental de la mer du Nord », Revue
belge de droit int., 1970, p. 52.
513. M. Virally, « Réflexions sur le jus cogens en droit international », AFDI,
1966, p. 9.
514. Une norme impérative est une « norme de droit international général »,
nous dit l’article 53, mais une norme susceptible d’évoluer voire de disparaître.
515. Voir supra, p. 183.
276 Pierre-Marie Dupuy
droit impératif international n’est pas, une fois pour toutes, figé dans
une loi naturelle immuable mais peut évoluer en fonction de l’évolu-
tion des priorités sociales.
Il faut alors distinguer ce qui sépare la coutume ordinaire de la
coutume impérative par rapport à cette désignation émanant de la
communauté normative ; séparer le banal de l’exceptionnel. Ce qui
est ordinaire, et finalement conforme à la seule nature coutumière de
la règle en cause, c’est qu’elle émane d’une opinio juris étatique col-
lective ; majoritaire mais pas forcément unanime. Toute coutume
internationale naît, on l’a vu, d’un tel concours d’opinions juri-
diques, au gré d’un phénomène que la doctrine classique a vaine-
ment tenté de formaliser en l’enfermant dans une version pseudo-
procédurale de la théorie des deux éléments 516.
Quoi qu’il en soit, à ce stade, celui de la formation de la norme,
l’emploi de l’expression de « communauté internationale des Etats
dans son ensemble » n’est qu’une façon de désigner la conjonction
majoritaire et représentative de tous les Etats. Toute coutume éta-
blissant une obligation « primaire » (au sens de Hart) a en soi, tout au
moins du strict point de vue juridique, une égale vocation à se voir
exhaussée au rang de norme impérative. Banalité des origines du jus
cogens.
En revanche, ce qui rend la coutume impérative singulière, c’est
que l’assentiment collectif à la juridicité d’une pratique collective
revêt une importance 517 telle, que cette conjonction des opiniones
juris largement majoritaires franchit un pas supplémentaire, très
généralement à propos d’une norme déjà existante. La collectivité
normative, qu’on désigne ici, aux termes de l’article 53 précité
comme la « communauté internationale des Etats dans son
ensemble » pousse plus loin son avantage, c’est-à-dire son assenti-
ment. Elle confère en effet, par surcroît, à une coutume déjà établie
une qualité spéciale, un attribut particulier, destiné à pérenniser son
intégrité normative. Cette qualité, c’est l’impérativité, conçue, ainsi
que le disent l’article 53 et la jurisprudence internationale, comme
synonyme de non-dérogeabilité 518. En raison de ce qui est estimé
comme sa priorité sociale, la communauté décide de conférer à la
531. On retrouve ici encore J. Combacau, dans M. J. Redor (dir. publ.), Ordre
public et droits fondamentaux, « Conclusions générales », Bruylant, Bruxelles,
2001, pp. 419-427.
532. P. Weil, « Cours général… », op. cit., p. 273.
533. Opinion dissidente conjointe sous l’arrêt de la Cour européenne des
droits de l’homme du 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni, par. 1.
534. Thèse, semble-t-il, soutenue par Robert Kolb dans son ouvrage très éru-
dit sur la Théorie du jus cogens international, essai de relecture du concept, pré-
face de G. Abi-Saab, Publications de l’IUHEI de Genève, Paris, PUF, 2001.
282 Pierre-Marie Dupuy
535. « [D]u point de vue du droit des traités, le jus cogens est simplement la
caractéristique propre à certaines normes juridiques de ne pas être susceptibles
de dérogation par voie conventionnelle ». Sentence du 31 juillet 1989, RGDIP,
1990, p. 234.
536. Annuaire CDI, 1953, II, p. 155, par. 4.
L’unité de l’ordre juridique international 283
explique sans doute qu’elle n’ait jamais été appliquée et qu’elle soit
le plus souvent oubliée ! La lecture de ces deux articles montre que
le recours à la Cour internationale de Justice afin d’identifier le droit
impératif présente deux caractères : il est à la fois relatif et subsi-
diaire.
Relatif parce que, étant établi par voie conventionnelle, il ne
concerne que les parties à la Convention de Vienne, laquelle est
encore loin d’avoir été ratifiée par tous les Etats existants. Or, les
dispositions dont il s’agit, organiques et procédurales, peuvent diffi-
cilement prétendre par elles-mêmes être à l’origine d’une coutume,
au demeurant manifestement inexistante. La compétence de la
Cour, quoique assimilable à une situation prévue à l’article 36, para-
graphe 1, de son statut 538, ne concerne que les Etats qui ont ratifié la
Convention de Vienne.
Subsidiaire, le recours à la Cour internationale de Justice l’est
également car il n’interviendra finalement que si, après notification
par une partie à un traité de l’invocation d’un vice du consentement
et qu’une objection a été élevée par une autre partie, dans un délai de
trois mois suivant la notification, les deux Etats n’ont pu parvenir à
se mettre d’accord par la voie d’un mode de règlement pacifique des
différends (article 65, paragraphe 3, de la Convention) et qu’ils ont
finalement opté pour la saisine de la Cour plutôt que pour le recours
à l’arbitrage. On voit donc que l’intervention de la Cour n’a rien
d’automatique. Il n’intervient en quelque sorte qu’après l’épuise-
ment des voies de règlement prévues à l’article 65. Toujours est-il
que cette procédure, au demeurant limitée au contentieux de la vali-
dité d’une norme conventionnelle, n’a jamais fonctionné.
En pratique, deux développements non prévus par la Convention
de Vienne se sont affirmés, marginalisant ainsi les dispositions pré-
citées : d’une part, la Cour internationale de Justice n’a nullement été
la seule à avoir l’occasion, au gré de contentieux portant sur d’autres
questions, de désigner une norme par sa qualité impérative ; en pra-
tique, d’autres juridictions mais, plus largement encore, d’autres
types d’organes de contrôle de la légalité ont été amenés, plus volon-
538. Même si certains auteurs ont prétendu que la saisine de la Cour suppo-
serait la conclusion d’un accord spécial entre les deux Etats concernés, l’un
niant l’autre affirmant le caractère impératif de la règle invoquée, il semble bien
que l’on soit ici en présence d’un « cas spécialement prévu … dans [une]
convention en vigueur. » (article 36, paragraphe 1, du Statut de la CIJ). Les argu-
ments en faveur de la thèse adverse ne sont cependant pas inexistants.
L’unité de l’ordre juridique international 285
C. Méthode
539. Ce qui veut dire aussi de tous les Etats, car on voit mal pratiquer une
discrimination de ce point de vue à l’égard des tiers.
288 Pierre-Marie Dupuy
D. Jurisprudence
Quels sont les indices révélés par des précédents judiciaires per-
mettant d’identifier l’existence d’un ensemble de principes auxquels
la Cour entendrait conférer une « importance » particulière, entendue
aux différents sens du terme, matériel 540 ou systémique 541 ?
Il est exact que la Cour précisa un peu plus loin, ce qui reflète à cet
égard, on le sait, certaines divisions internes, qu’elle n’avait pas
besoin, pour les besoins de la réponse à la question posée, de s’en-
gager sur la question de savoir si les mêmes principes appartenaient
bien au droit impératif 556 ; toutefois, la déclaration jointe du prési-
dent M. Bedjaoui précise, du moins en son nom personnel, « que la
plupart des principes et règles du droit humanitaire … font partie du
jus cogens » 557.
h) Dans son arrêt de 1997 en l’affaire relative au projet Gabčíkovo-
Nagymaros, qui opposait la Hongrie à la Slovaquie, la Cour aurait pu
s’abstenir de mentionner l’existence du droit impératif, puisque les
parties n’avaient pas estimé devoir invoquer le caractère éventuelle-
ment impératif de certaines règles coutumières relatives à la protec-
tion de l’environnement humain ; c’est ce que les juges relèvent, en
constatant qu’« aucune des parties n’a prétendu que des normes im-
pératives du droit de l’environnement soient nées depuis la conclusion
du Traité de 1977 » et que, « la Cour n’aura par suite pas à s’inter-
roger sur la portée de l’article 64 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités » 558 ; cela peut s’interpréter de différentes façons,
dont l’une est d’y voir un indice que la Cour ne rejetait pas a priori
la survenance possible d’une nouvelle norme impérative de droit de
l’environnement, apparue depuis la date de conclusion du Traité 559.
nité des ministres des Affaires étrangères en exercice dans les dispo-
sitions
« afférentes à l’immunité ou à la responsabilité pénale des per-
sonnes possédant une qualité officielle contenues dans les ins-
truments juridiques créant des juridictions pénales internatio-
nales et applicables à celles-ci » 563.
Là aussi, sans autre motivation, elle conclut
« que ces règles ne lui permettaient pas davantage de conclure
à l’existence, en droit international coutumier, d’une exception
en ce qui concerne les juridictions nationales » 564.
On ne peut que se perdre en conjectures, face à un arrêt si peu motivé
sur une question pourtant essentielle ; une conclusion possible est
cependant que la Cour n’ait pas voulu voir dans l’incitation à la
commission d’un crime contre l’humanité l’atteinte éventuelle à une
règle indérogeable.
563. Arrêt du 14 février 2002, par. 58. La Cour se réfère au Statut du Tribu-
nal militaire international de Nuremberg, art. 7 ; au Statut du Tribunal militaire
international de Tokyo, art. 6 ; au Statut du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie, art. 7, par. 2 ; au Statut du Tribunal pénal international pour le
Rwanda, art. 6, par. 2 ; au Staut de la Cour pénale internationale, art. 27.
564. Ibid.
565. Texte de la sentence dans RGDIP, 1990, pp. 230-242.
L’unité de l’ordre juridique international 295
E. Bilan
600. On peut aussi comprendre le repli stratégique opéré par les Etats-Unis à
l’égard de la création de la Cour pénale internationale comme le résultat d’une
prise de conscience par les politiques des conséquences effectives que « risque-
rait » d’avoir pour leur pays, sinon pour l’évolution générale du droit et de la
pratique internationale, la ratification du statut de Rome.
601. Voir infra, pp. 413 ss.
304 Pierre-Marie Dupuy
A. Relativité de la révolution
table, tel que celui suivant lequel le droit ne doit pas devenir un
instrument d’immoralité » 609.
C’est pour n’en avoir pas tenu compte que les Etats allaient som-
brer à peine trois ans plus tard dans un nouveau conflit mondial.
L’ampleur des tueries qu’il produisit, dont celle qui fut planifiée et
organisée systématiquement en vue de la « solution finale », laissait
loin derrière elle les scores déjà effarants atteints entre 1914 et 1918.
Effrayés par leur pulsion destructrice, les Etats allaient adopter à San
Francisco un texte déjà porteur de l’existence d’une catégorie de
normes supérieures.
La tendance à appréhender le droit international en termes d’im-
pérativité au-delà des derniers feux du jusnaturalisme avait pourtant
déjà été bien antérieure. Ainsi, en 1928, alors que l’on se prenait
encore à croire en la Société des Nations, le surarbitre Verzijl affir-
mait-il, dans sa décision en l’affaire Pablo Najera, qu’une conven-
tion non enregistrée ne pouvait être considérée comme obligatoire ;
pas même par un tribunal indépendant de la Société des Nations ;
cela, au motif que les parties contractantes étaient l’une et l’autre
liées par la même règle impérative interdisant la diplomatie secrète,
qui prévalait sur leur liberté d’agir en matière de traités internatio-
naux. Affirmation en l’occurrence contestable 610, mais qui témoi-
gnait de l’idée qu’un développement normatif majeur, comme la
création sans précédent d’une organisation internationale universelle
à vocation politique 611 devait s’accompagner presque spontanément
d’une hiérarchie normative.
Cette idée qu’un ordre juridique connaît presque inéluctablement
différentes phases de développement, entraînant notamment, de
l’une à l’autre, une intégration progressive mais inéluctable de son
système normatif, paraît en effet fondamentale. Elle est à relier à
B. Ampleur de la révolution
616. C’est, d’une certaine façon, ce qu’a voulu montrer la Cour internatio-
nale de Justice dans l’arrêt au fond entre le Nicaragua et les Etats-Unis à propos
du principe d’interdiction du recours à la force (voir CIJ Recueil 1986, p. 98,
par. 186). Voir nos articles « Le juge et la règle générale », RGDIP, 1989, no 3,
et « L’enfer et le paradigme : libres propos sur les relations du droit international
avec la persistance des guerres et l’objectif idéal du maintien de la paix »,
Mélanges H. Thierry, Paris, Pedone, 1998, pp. 187 ss.
617. Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, par exemple,
en faisait sans doute partie comme résultante logique du principe d’égalité sou-
veraine.
312 Pierre-Marie Dupuy
618. Voir P. Weil, « Cours général… », op. cit., pp. 269 ss.
619. Voir O. Deleau, « Les positions françaises à la Conférence de Vienne sur
le droit des traités », AFDI, 1969, pp. 7-23. Ces positions ont, sinon officielle-
ment du moins en pratique, assez considérablement évolué depuis et il n’est plus
impossible que la France ratifie la Convention de Vienne sur le droit des traités.
620. Voir infra, p. 478.
L’unité de l’ordre juridique international 313
CHAPITRE IV
622. Voir Sir Humphrey Waldock, « The Regulation of the Use of Force by
Individual States in International Law », Recueil des cours, tome 81 (1952),
pp. 415-517 ; I. Brownlie, International Law and the Use of Force by States,
Oxford University Press, Londres, 1963 ; M. Virally, L’Organisation mondiale,
Paris, Armand Colin, 1972, pp. 419-428 ; S. Schwebel, « Aggression, Intervention
and Self-Defence in Modern International Law », Recueil des cours, tome 136
(1972), pp. 411-498 ; G. Dahm, « Das Verbot der Gewaltanwendung nach Art. 2
(4) der UNO-Charta und die Selbsthilfe gegenüber Völkerrechtsverletzungen,
die keinen bewaffneten Angriff enthalten », Jahrbuch für Internationalesrecht,
1962, pp. 48-72 ; T. Franck, « Who Killed Art. 2 (4) ? Or : The Changing Norms
Governing the Use of Force by States », AJIL, vol. 64, 1970, pp. 809-837 ;
L. Henkin, « The Reports of the Death of Art. 2 (4) Are Greatly Exaggerated »,
AJIL, vol. 65, 1971, pp. 544-548 ; G. de Lacharrière, « La réglementation du
recours à la force : les mots et les conduites », Mélanges Chaumont, Pedone,
1984, pp. 347-362 ; B. Conforti, Le Nazioni Unite, 5e éd., Cedam, Padoue, 1994 ;
M. Virally, « Commentaire de l’article 2, paragraphe 4 », dans J.-P. Cot et A. Pel-
let (dir. publ.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article,
2e éd., Paris, Economica, 1991, pp. 115-129 ; R. Higgins, « International Law
and the Avoidance, Containment and Resolution of Disputes. General Course »,
Recueil des cours, tome 230 (1991), chap. XIV, pp. 305-324, et chap. XV,
pp. 324-340 ; B. Asrat, Prohibition of Force under the UN Charter : A Study of
Art. 2 (4), Uppsal Iustus Förlag, 1991 ; R. Bermejo Garcia, El Marco Juridico
Internacional en Materia de Uso de la Fuerza : Ambiguedad y Limites, Civita,
Universidad de Navarra, 1993 ; A. Randelzhofer, « Commentary of Art. 2 (4) »,
dans B. Simma, The Charter of the United Nations, A Commentary, Beck,
Munich, 1994, pp. 106-128.
L’unité de l’ordre juridique international 315
628. Encore existante durant l’été 1991 mais déjà condamnée à l’éclatement
par les luttes intestines de ses composantes multiéthniques et nationales
629. Voir le discours du Secrétaire général de l’Organisation des Nations
Unies, M. Boutros-Ghali devant l’Institut de droit international, août 1995,
Nations Unies, communiqué de presse, doc. SG/SM/5708, à paraître dans
Annuaire IDI, vol. 66, Paris, Pedone.
318 Pierre-Marie Dupuy
civiles propres aux pays affectés par les combats entre factions
rivales ou anciens fédérés : famine, déportations au nom de l’« épu-
ration ethnique », mouvements massifs de réfugiés, génocides systé-
matiques menés au nom d’appartenances diverses ont fait réappa-
raître non seulement le spectre hideux mais la réalité effective des
horreurs dont la constitution du système des Nations Unies après la
seconde guerre mondiale avait prétendu conjurer définitivement la
réapparition.
On constatera ainsi qu’étaient directement bafoués un certain
nombre des principes dont on a pu constater, au chapitre précédent,
qu’ils relevaient selon toute vraisemblance de la catégorie du droit
impératif : interdiction du recours à la force et de l’agression, inter-
diction de la violation massive et systématique des droits de
l’homme et des droits des peuples, principes fondamentaux du droit
humanitaire. La première moitié des années quatre-vingt-dix du
siècle écoulé fournissait ainsi à la communauté internationale l’occa-
sion de tester, sur le vif, son aptitude à organiser la défense et la pro-
motion des valeurs sur lesquelles elle entendait affirmer sa cohésion
sinon même son existence.
Toujours est-il que, confrontée à des situations de ce type, l’Orga-
nisation universelle dut alors élargir sa conception du maintien de la
paix pour la lier directement à la mise en œuvre d’une action huma-
nitaire internationale 630. A ces occasions, pourtant, l’Organisation
des Nations Unies parut souvent hésiter entre l’exercice unilatéral de
l’autorité, conformément au chapitre VII dont elle avait retrouvé
l’usage à l’occasion de la guerre du Golfe, et le recours à la formule
classique des forces de maintien de la paix, fondé au contraire sur
l’assentiment préalable des parties intéressées.
L’autorité du Conseil de sécurité fut également battue en brèche
de diverses façons. Il devint manifeste, en particulier, que la disci-
pline imposée à tous par ses décisions de sanction à l’égard de cer-
tains Etats membres ne pouvaient continuer à être respectée que si la
légalité et la légitimité de son action n’étaient pas mises en cause.
Or, ce fut pourtant le cas à plusieurs reprises ; lorsque, dans certaines
de ses décisions, le Conseil parut davantage dominé par les options
de politique étrangère propres à certains de ses membres permanents
que par la préoccupation persistante de traduire en actes la volonté
de la « communauté internationale dans son ensemble », comme cela
avait été le cas lors de l’action déterminée des Nations Unies face à
l’agression irakienne contre le Koweït.
On ne peut dès lors procéder à l’analyse juridique de la pratique
la plus contemporaine qu’en relation avec le cadre à la fois chrono-
logique et politique à l’intérieur duquel elle s’est inscrite. Il en
marque les évolutions comme il en désigne les contraintes.
On examinera donc successivement les différentes manifestations
de l’élargissement des cadres du maintien de la paix (section I),
avant de s’interroger sur les conditions de légalité et de légitimité du
mandat d’ordre public que le Conseil de sécurité a paru prétendre
assumer à plusieurs reprises dans la période récente (section II).
631. Voir par exemple les résolutions 814 du 26 mars 1993 ou 864 du 15 sep-
tembre de la même année (texte dans RGDIP, 1993, no 4, p. 1090.
320 Pierre-Marie Dupuy
632. Voir Ph. Bretton, « Remarques sur le jus in bello dans la guerre du Golfe
(1991) », AFDI, 1991, pp. 139-164 ; R. Zacklin, « Le droit applicable aux forces
d’intervention sous les auspices de l’ONU », dans SFDI, colloque de Rennes, Le
chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Paris, Pedone, 1995, pp. 191-200.
322 Pierre-Marie Dupuy
633. Voir texte de la résolution dans Les grands textes de droit international
public, op. cit., no 24, p. 273. Pour commentaires, voir S. Sur, « La résolu-
tion 687 du Conseil de sécurité dans l’affaire du Golfe, problèmes de rétablisse-
ment et de garantie de la paix », AFDI, 1991, pp. 25-98, et, du même auteur,
« Sécurité collective et rétablissement de la paix : la résolution 687 dans l’af-
faire du Golfe », Le développement du rôle du Conseil de sécurité..., colloque de
l’Académie de droit international de La Haye, op. cit. supra note 627, pp. 13-40.
634. Voir G. Cottereau, « La résolution 687 du Conseil de sécurité dans l’af-
faire du Golfe, problèmes de responsabilité de l’Iraq », AFDI, 1991, pp. 99-118.
L’unité de l’ordre juridique international 323
644. Voir références supra note 637 et P.-M. Dupuy, « Sécurité collective et
organisation de la paix », RGDIP, 1993, no 3, pp. 617-627.
645. Voir J. M., Sorel, « Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies et les
nouveaux aspects de la sécurité collective », dans colloque de la SFDI, Le Cha-
pitre VII de la Charte des Nations Unies, op. cit. supra note 632, pp. 34 ss.
646. Voir références dans O. Corten, « La résolution 940... », op. cit. supra
note 643, p. 122.
328 Pierre-Marie Dupuy
été redéfini le mandat des « casques bleus » ; ils furent, en effet, auto-
risés, mais de manière imprécise, à recourir éventuellement aux
armes pour assurer la protection des populations en danger, notam-
ment lorsque ces dernières se trouvaient dans de prétendues « zones
de sécurité » dont la réalité a montré sur le terrain la tragique ineffi-
cacité 650. Les conditions du recours à la force étaient rendues d’au-
tant plus confuses qu’en particulier, en Bosnie, la FORPRONU, ini-
tialement conçue comme une force classique de maintien de la paix
fondée sur le consentement des parties et non sur la coercition, fut
par la suite amenée à agir comme une force d’appui pour les opéra-
tions d’acheminement des secours et de protection de la population
civile 651. La confusion devait encore être accrue par les conditions
particulièrement complexes dans lesquelles pouvaient intervenir les
« frappes aériennes » déclenchées par une organisation de défense
régionale, l’OTAN, agissant pourtant en appui aux forces constituées
par l’Organisation universelle 652.
Il devait en résulter sur le terrain une trop fréquente paralysie des
forces des Nations Unies. Elle affectait considérablement le crédit
d’un Conseil de sécurité de plus en plus contesté par une part crois-
sante de la communauté internationale alors même qu’il était censé
la représenter dans son action en faveur du maintien de la paix. En
hésitant constamment, malgré sa référence le plus souvent explicite
au chapitre VII, entre l’interposition pacifique et la coercition armée,
650. Voir M. Torrelli, « Les zones de sécurité », RGDIP, 1995, no 4, pp. 787-
848 ; D. Ruzié, « Le rôle du Conseil de sécurité », Sécurité collective et crises
internationales, Secrétariat général de la Défense nationale, La documentation
française, 1994, p. 223 ; Y. Sandoz, L’établissement de zones de sécurité pour les
personnes déplacées dans leur pays d’origine, Doha, Quatar, mars 1994, CICR.
651. Voir P.-M. Dupuy, « Droit international humanitaire et maintien de la
paix... », op.cit. supra note 638, et M. Torelli, op. cit supra note 638, pp. 823 et
835.
652. On se souvient en particulier des très vives réticences de la Russie à
l’égard de l’utilisation des forces de l’OTAN en appui à la FORPRONU. On
rappellera par ailleurs les complications apportées par la chaîne de décision pour
demander la frappe aérienne de l’OTAN, l’appréciation initiale de son utilité
revenant au représentant sur place du Secrétaire général de l’ONU, M. Akashi.
Celui-ci refusa, par exemple, d’accéder à une demande formulée le 20 juin 1995
par l’OTAN pour bombarder l’aéroport de Banja Luka alors que deux avions
serbes avaient violé la « zone d’exclusion aérienne » en Bosnie ; il se fondait
pour ce faire sur la différence de régime établie successivement par les résolu-
tions 816 et 836 du Conseil de sécurité. Voir, plus généralement, M. Voelckel,
« La coordination des forces d’intervention de l’ONU dans le cadre du cha-
pitre VII : bilan, prospective et perspectives », dans SFDI, Le chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, colloque de Rennes, op. cit. supra note 632, pp. 161-
190.
330 Pierre-Marie Dupuy
653. Cette expression est du moins employée dans la résolution 827 portant
création du statut du tribunal pour juger les crimes dans l’ex-Yougoslavie, ainsi
que dans la résolution 955, qui est son équivalent pour la création du statut du
tribunal établi pour juger les actes de génocide au Rwanda. Toutefois, dans la
résolution 808, la première et celle qui prend la décision de constituer le Tribu-
nal pour l’ex-Yougoslavie, il est dit que les violations graves du droit humani-
taire constituent « une menace à la paix et à la sécurité internationales », ce qui
est une référence explicite à l’article 39 de la Charte, donc au chapitre VII.
654. Texte des résolutions 808 et 827 dans P.-M. Dupuy, Les grands textes de
droit international public, op. cit. supra note 452, respectivement pp. 288 et
290 ; résolution 955, texte dans RGDIP, 1994, no 4, p. 1066. Sur la création des
tribunaux ad hoc pour le jugement des crimes en Yougoslavie et au Rwanda,
voir en particulier A. Cassese, « The International Criminal Tribunal for the For-
mer Yugoslavia : Some General Remarks », communication à la Conférence
L’unité de l’ordre juridique international 331
656. Voir avis consultatif du 13 juillet 1954, Effets des jugements du Tribunal
administratif des Nations Unies accordant indemnité, CIJ Recueil 1954, notam-
ment pp. 56-58.
657. Pour le cas du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, voir A. Pellet, op. cit.
supra note 654, pp. 13-16 ; pour le cas du Tribunal pour le Rwanda, voir
M. Mubiala, op. cit. supra note 654, pp. 935-939, et F. Ouguergouz, « La tragé-
die rwandaise du printemps 1994 : quelques considérations sur les premières
réactions de l’ONU », RGDIP, 1996, no 1, pp. 149-178.
658. Voir M. Sassoli, « La première décision de la Chambre d’appel du Tribu-
nal pénal international pour l’ex-Yougoslavie », RGDIP, 1996, no 1, pp. 101-134,
notamment pp. 109-113.
L’unité de l’ordre juridique international 333
665. Voir la liste des résolutions décidant de sanctions prises par le Conseil
de sécurité sur la base de l’article 41 de la Charte dans Bulletin du Centre d’in-
formtaion des Nations Unies, Paris, 25 juillet 1995, no 16, pp. 53-57.
666. Voir en particulier M. Bedjaoui, Nouvel ordre mondial et contrôle de la
légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruxelles, Bruylant, 1994, en particu-
338 Pierre-Marie Dupuy
667. A. Cassese, « Ex Injuria Jus Non Oritur : Are We Moving Towards Inter-
national Legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in the World
Community ? » EJIL, vol. 10, 1999, no 1, pp. 23-31. Comparer à B. Simma,
« NATO, the UN and the Use of Force : Legal Aspects », EJIL, 1999, no 1, pp. 1-
22. Voir aussi M. Kohen, « L’emploi de la force et la crise du Kosovo : vers un
nouveau désordre juridique international ? », Revue belge de droit int., 1999,
no 1, pp. 122-148 ; Ph. Weckel, « L’emploi de la force contre la Yougoslavie ou
la Charte fissurée », RGDIP, 2000, no 1, pp. 19-36 ; S. Sur, « L’affaire du Kosovo
et le droit international : points et contrepoints », AFDI, 1999, pp. 280-291.
L’unité de l’ordre juridique international 343
672. Etat de fait, car le régime taliban n’avait pas fait l’objet d’une recon-
naissance internationale. Les Nations Unies n’ont de plus jamais admis la
substitution d’une délégation « talibane » à celle qui représentait l’Afgha-
nistan auprès de l’Organisation avant la prise de contrôle par le régime du molha
Omar de la majeure partie du territoire afghan.
346 Pierre-Marie Dupuy
Conclusion
CHAPITRE V
faire entendre qu’elle est ancrée dans le droit international général puisque le
traité qui l’énonce est déclaré n’avoir qu’une portée déclaratoire (CIJ Recueil
1951, p. 23). Voir M. Spinedi, « D’une codification à l’autre : bilatéralisme et
multilatéralisme dans la genèse de la codification du droit des traités et du droit
de la responsabilité des Etats », dans P.-M. Dupuy (dir. publ.), Obligations mul-
tilatérales, droit impératif et responsabilité internationale des Etats, colloque de
Florence des 7 et 8 décembre 2001, Paris, Pedone, 2003, p. 25.
682. La résolution porte simplement ses dispositions « à l’attention des gou-
vernements sans préjudice de leur adoption éventuelle ou de toute autre mesure
appropriée ». Elle prévoit à la suite l’inscription à l’ordre du jour de la cinquante-
neuvième session d’une question intitulée « Responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite ».
683. La Conférence de Vienne sur le droit des traités (1968-1969) s’était ter-
minée de façon très solennelle.
684. R. Ago, « Cinquième rapport », Annuaire CDI, 1976, II, pp. 33-34, par. 57.
L’unité de l’ordre juridique international 357
704. Voir P.-M. Dupuy, « Quarante ans... », op. cit. supra note 693.
705. Voir supra, p. 356.
706. Voir notamment P.-M. Dupuy, « Reviewing the Difficulties of Codifica-
tion : On Ago’s Classification of Obligations of Means and Obligations of Result
in Relation to State Responsibility », et, en amont, P.-M. Dupuy, « Le fait géné-
rateur de la responsabilité internationale des Etats », Recueil des cours, tome 188
(1984), pp. 44 ss., de même que J. Combacau, « Obligations de résultat et obli-
gations de comportement. Quelques questions et pas de réponses », Mélanges
offerts à P. Reuter, Le droit international, unité et diversité, Paris, Pedone, 1992,
pp. 181 ss. ; Pauwelyn, « The Concept of a “Continuing Violation” of an Inter-
national Obligation, Selected Problems », BYBIL, 1995, vol. 55, p. 415.
707. Commission juridique de l’Assemblée générale des Nations Unies exa-
minant annuellement les rapports de la CDI sur ses travaux.
708. Elle a simplifié sa classification des faits illicites sans recourir à la dis-
tinction entre obligations de comportement, de prévention et de résultat, même
si elle parle encore, dans le texte définitif, à l’article 14, paragraphe 3, d’« obli-
gations internationales requérant de l’Etat qu’il prévienne un événement
donné ». Voir le commentaire de J. Crawford, P. Bodeau et J. Peel, « La seconde
lecture du projet d’articles sur la responsabilité des Etats de la Commission du
droit international », RGDIP, 2000, no 4, pp. 911-939.
709. Par ailleurs évoquée dans une jurisprudence récente : arrêt du 25 sep-
tembre 1997 dans l’affaire du Projet Gabčíkovo-Nagymaros, CIJ Recueil 1997,
p. 77, par. 135.
710. Dans son état antérieur, en effet, l’un des résultats les plus contestables
des articles 21 à 23 précités était précisément qu’ils s’appuyaient sur une typo-
logie peu lisible sans pour autant en tirer des conséquences normatives précises
quant au régime (ou à la mise en œuvre) de la responsabilité pour la violation de
l’un ou l’autre genre d’obligations.
711. Voir infra, pp. 387 s.
L’unité de l’ordre juridique international 363
727. Cela résultait, aux termes de l’article 52, lettre a) (projet de 1996) de la
dérogation aux règles ordinaires de la réparation posées respectivement aux
articles 43, lettres c) et d), et 45, paragraphe 3, du même projet.
728. L’ancien article 52 (projet de 1996) stipulait en effet que :
« Un crime international fait naître toutes les conséquences juridiques
découlant de tout autre fait internationalement illicite et, de surcroît, toutes
les conséquences supplémentaires énoncées aux articles 52 et 53 ci-après. »
729. Voir en particulier la réaction britannique, Nations Unies, doc. A/CN.
4/488, pp. 139-140.
730. Voir Ch. Tams, « Les obligations de l’Etat responsable : le lien man-
quant ? » dans P.-M. Dupuy (dir. publ.), Obligations multilatérales, droit impéra-
tif et responsabilité internationale des Etats, op. cit. supra note 681, p. 79.
731. Ibid.
732. Voir P.-M. Dupuy, « Implications of the Institutionalization of Interna-
tional Crimes of States », dans J. Weiler, A. Cassese et M. Spinedi (dir. publ.),
International Crimes of States, EUI, 1989, de Gruyter, pp. 182 ss. ; P. Klein,
« Responsabilité pour violation grave d’« obligations découlant de normes impé-
ratives du droit international et du droit des Nations Unies », dans P.-M. Dupuy
(dir. publ.), Obligations multilatérales, droit impératif et responsabilité inter-
nationale des Etats, op. cit. supra note 681, pp. 189 ss. ; P. Picone, « Nazioni
Unite e obblighi erga omnes », Comunità internazionale, 1993, no 4, pp. 709-
730 ; du même auteur, « Interventi delle Nazioni Unite e obblighi erga omnes »,
dans Interventi delle Nazioni Unite e diritto internazionale, P. Picone (dir.
publ.), Cedam, Milan, 1995, pp. 517-578.
733. G. Arangio Ruiz, « Septième rapport sur la responsabilité des Etats »,
Annuaire CDI, 1995, vol. II, première .partie, en particulier pp. 48 et ss.,
par. 245 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 369
734. Deux types de « crimes » cités dans la liste non exhaustive de crimes
proposés dans l’ancien article 19, paragraphe 3, du projet.
735. Voir P.-M. Dupuy, « Après la guerre du Golfe », RGDIP, 1991, no 3 ;
G. A. Christenson, « State Responsibility and the UN Compensation Com-
mission : Compensating Victims of Crimes of State », dans R. B. Lillich (dir.
publ.) The United Nations Compensation Commission, Transnational Publishers,
1995, pp. 311 ss. ; M. Frigessi Di Rattalma, « Le régime de responsabilité inter-
nationale institué par le Conseil d’administration de la Commission de compen-
sation des Nations Unies », RGDIP, 1997, no 1, pp. 45-90 ; V. Heiskanen et
R. O’Brien, « UN Compensation Commission Panel Sets Precedents on Govern-
ment Claims », AJIL, 1998, pp. 339-350 ; B. Stern, « Un système hybride : la pro-
cédure de règlement pour la réparation des dommages résultant de l’occupation
370 Pierre-Marie Dupuy
illicite du Koweït par l’Irak », McGill Law Journal, 37, 1992, pp. 625-644 ;
A. Kolliopoulos, La Commission d’indemnisation des Nations Unies et le droit
de la responsabilité internationale, préface de P.-M. Dupuy, Paris, LGDJ, 2001.
736. Voir notamment N. Jorgensen, « A Reappraisal of Punitive Damages in
International Law », BYBIL, 1997, p. 247, et Ch. Tams, « Les obligations de
l’Etat responsable : le lien manquant ? » op. cit. supra note 730. Voir aussi
G. Carella, « I punitive damages e la riparazione del danno morale in diritto
internazionale », Rivista di diritto internazionale, 1984, pp. 751-766.
737. Voir G. Palmisano, op. cit. supra note 719.
L’unité de l’ordre juridique international 371
738. Voir Ch. Tams, « Les obligations de l’Etat responsable : le lien man-
quant ? » op. cit. supra note 730, p. 81.
739. Voir supra, p. 365.
372 Pierre-Marie Dupuy
pour la violation des normes impératives (qui sont toujours aussi, par
définition, erga omnes) et celle qu’il encourt en raison de la mécon-
naissance de ses obligations « ordinaires » 740. De ce point de vue, on
serait presque tenté de parler d’échec de la codification, si l’on com-
pare le résultat final aux prémisses sur lesquelles reposait le travail
de la Commission du droit international. Elle avait en effet fortement
souligné dans son rapport de 1976
« qu’il serait absolument erroné de croire qu’il existe dans le
droit international actuel un régime unique de la responsabilité
s’appliquant en général à tout type de fait internationalement
illicite, qu’il soit plus ou moins grave, qu’il lèse plus ou moins
des intérêts vitaux de la communauté internationale tout entière
ou simplement des intérêts d’un membre déterminé de cette
communauté » 741.
L’échec de la codification, fût-il partiel et relatif, ne veut cependant
pas dire forcément échec des codificateurs, lesquels partent de pré-
misses théoriques pour rencontrer des réalités politiques. Comme on
le reverra plus loin, bien des faiblesses de la codification provient
précisément du fait qu’en bonne part les premières n’ont pas trouvé
le prolongement espéré dans les secondes.
De là à conclure que la montagne du crime n’a même pas accou-
ché d’une souris normative, il n’y a qu’un pas, qu’on ne franchira
pas, du moins pas avant d’avoir vérifié quelles sont les incidences de
la violation grave des obligations découlant de normes impératives
sur les droits des Etats qu’elles affectent.
A. Mirage institutionnel
754. Qu’il s’agisse d’un traité du même nom ou d’une règle coutumière.
380 Pierre-Marie Dupuy
762. Annuaire CDI, 1958, II, commentaire de l’article 19, p. 46, par. 91.
763. On cite en général comme illustration des conventions établissant des
obligations intégrales (ou « traités intégraux ») les traités en matière de droits de
l’homme, comme, parmi bien d’autres, les deux pactes (sur les droits civils et
politiques, et sur les droits économiques, sociaux et culturels) en offrent effecti-
vement des exemples typiques. Voir notamment H. Dipla, La responsabilité de
l’Etat pour violation des droits de l’homme — Problèmes d’imputation, Paris,
Pedone, 1994 ; G. Cohen-Jonathan, « Responsabilité pour atteinte aux droits de
l’homme », dans colloque SFDI, La responsabilité dans le système imternatio-
nal, Paris, Pedone, 1991, pp. 101 ss.
764. Art. 42, lettre a).
765. Art. 42, lettre b), point ii)
766. Lesquelles peuvent bien entendu, à l’occasion, se retrouver dans des
traités « déclaratifs » de la coutume existante, comme c’est le cas de la Conven-
tion de 1948 sur la prévention et la répression de la torture. Voir J. Crawford,
« The ILC’s Articles on State Responsibility… », op. cit., pp. 276 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 383
767. On retrouve ici, mais sous une autre perspective, la relation déjà évo-
quée plus haut entre obligations primaires et obligations secondaires, nées de la
méconnaissance des premières.
768. « Le fait générateur de la responsabilité internationale », Recueil des
cours, tome 188 (1984), pp. 9-133.
769. Qui comportera toujours un caractère immatériel et juridique (l’atteinte
à un droit) et, éventuellement, également une dimension matérielle. D’où la
diversification des modes de réparation, du moins au-delà de la forme idéale de
la restitutio in integrum, laquelle couvre à la fois et le dommage ou préjudice
juridique et, si nécessaire, le dommage matériel.
384 Pierre-Marie Dupuy
sonnel du fait de ces violations. Cas, entre autres, des pays membres
des Communautés européennes, du Canada, plus rarement, des
Etats-Unis, à l’encontre des Soviétiques après leur intervention en
Afghanistan ; à l’encontre de l’Argentine après son invasion des
Malouines (îles Falkland) en 1982 ; à l’encontre d’Israël consécuti-
vement à son opération, bien mal nommée, dite « Paix en Galilée » ;
à l’encontre de la Pologne à la suite de la déclaration d’un état d’ur-
gence entraînant la suspension des libertés syndicales par le général
Jaruzelski 788, et bien d’autres. A l’époque, Roberto Ago venait de
faire adopter l’article 30 de la première partie du projet relatif au fait
générateur de responsabilité ; article alors consacré, au titre des « cir-
constances excluant l’illicite », à la définition des « contre-mesures ».
Celles que, cédant au mirage institutionnel évoqué plus haut, il avait
d’abord appelées « sanctions », songeant d’abord aux réactions orga-
nisées susceptibles d’être prises sous l’égide du Conseil de sécurité 789.
Pourtant, à l’époque, le Mur de Berlin était encore debout et le
Conseil de sécurité habituellement paralysé par le veto lorsque les
choses étaient vraiment sérieuses 790 ; ce qui explique que les
mesures précitées n’aient pas été décidées au sein des Nations Unies,
mais en dehors d’elles.
Entre cette époque et la naissance du XXIe siècle, le Mur est
794. Voir Denis Alland, « Les contre-mesures d’intérêt général », dans P.-M.
Dupuy (dir. publ.), Obligations multilatérales..., op. cit. supra note 681, pp. 167 ss.
795. L’article 54 laisse ouverte la question de savoir si n’importe quel Etat
peut prendre des mesures pour obtenir l’exécution de certaines obligations inter-
nationales dans l’intérêt général, par opposition à son intérêt particulier en tant
qu’Etat lésé. (Doc. A/56/10, par. 55.)
796. Voir Denis Alland, « Les contre-mesures d’intérêt général », op. cit.
L’unité de l’ordre juridique international 391
QUATRIÈME PARTIE
INTRODUCTION
CHAPITRE I
LÉGALITÉ/LÉGITIMITÉ
809. N. Bobbio, dans L’idée de légitimité, Paris, PUF, 1967, pp. 123 ss.
810. Ibid.
L’unité de l’ordre juridique international 405
teur ; la seconde est de celui de ses sujets 811. Autre façon de dire,
comme le faisait Paul Bastid, que « le terme de légitimité évoque le
fondement du pouvoir et la justification de l’obéissance qui lui est
due » 812.
Toujours est-il qu’en temps normal la distinction entre la légiti-
mité du titre et la légalité de son exercice, si elle ne doit pas être
entendue de manière dogmatique, se retrouve néanmoins à tous les
niveaux d’un ordre juridique : lois, actes administratifs, décisions
judiciaires peuvent être contestés, suivant les cas, d’un point de vue
comme de l’autre. Telles sont, du moins, les implications classiques
attachées à ce couple indissociable. Elles sont distinctes de l’accep-
tion, intéressante et particulière, que le professeur Thomas Franck
attache au terme de « légitimité » 813.
823. Thème opportunément développé par G. Abi-Saab, dans son cours géné-
ral en cette Académie, Recueil des cours, tome 207 (1987), pp. 11-463 ; voir,
notamment, pp. 101 ss.
824. Voir supra, p. 357.
410 Pierre-Marie Dupuy
1999, en relation avec les événements du Kosovo 825. Pour les rai-
sons politiques que l’on sait, le Conseil de sécurité se trouve para-
lysé dès le début de l’année. Le « passage à l’acte », c’est-à-dire le
recours à la coercition armée autorisée par les Nations Unies, permis
contre l’Irak quelques années auparavant, est rendu impossible en
mars 1999 après l’échec de la Conférence de Rambouillet. Le
Conseil de sécurité ne répond plus. Ici, on ne retrouve plus l’adé-
quation entre les valeurs proclamées et les moyens organiques de
veiller à leur respect 826. Le miracle ou l’éclaircie fugitive de la
guerre du Golfe, durant laquelle l’unité des cinq grands s’était réa-
lisée, ne se reproduit plus ; on retombe dans la paralysie endémique
qui avait frappé de langueur l’« organe principal du maintien de la
paix », pendant l’essentiel de son existence 827.
Pourtant, au même moment, il est avéré que la Serbie multiplie les
exactions contre les populations civiles kosovares et que les droits de
l’homme et des peuples affirmés dans le chapitre I de la Charte sont
de plus en plus gravement violés. Alors, les pays occidentaux,
confrontés au divorce patent entre la légitimité, qui leur dicte d’in-
tervenir à l’encontre de la Serbie comme ils le firent naguère en Irak,
et la légalité, qui leur interdit de le faire en dehors de l’autorisation
du Conseil de sécurité, choisissent finalement la première au détri-
ment de la seconde. Ou, plus exactement, puisque l’ensemble des
règles concernées sont énoncées dans le même instrument, tout se
passe comme si la dimension substantielle de la Charte, prise comme
constitution de référence, l’emportait sur sa dimension organique,
laquelle attribue un monopole de compétence au Conseil pour
déclencher le recours à la force.
CHAPITRE II
SUJETS/OBJET
831. C’est, notamment, le parti pris par l’auteur dans l’exposé systématique
qu’il fait du droit international dans son Précis de droit international, Paris, Dal-
loz, 6e éd., septembre 2002, pp. 202-250.
832. Voir supra, pp. 107 ss.
414 Pierre-Marie Dupuy
Déjà introduit dans la Charte des Nations Unies, puis amplifié par
la Déclaration universelle de 1948, à partir de laquelle se sont déve-
loppées les ramifications diverses d’une génération conventionnelle
à la richesse insoupçonnée, le corpus juris de la protection des droits
et libertés fondamentales de la personne n’a toutefois fait sentir ses
effets que progressivement dans l’ordre juridique international 833.
L’affirmation des droits de la personne introduit pourtant, dans les
fondements mêmes du droit international, un type entièrement nou-
veau de normes. Nouvelles, certes, non pas parce que leur destina-
taire est l’individu. Il en était déjà de même, par exemple, pour les
conventions internationales d’établissement. Mais nouvelles parce
que l’individu y est perçu en lui-même, en raison de ses caractères
inhérents, de personne humaine 834. A l’inverse du « national » ou de
838. Doit-on rappeler que c’est le 4 août 1789 qu’à l’initiative d’un noble, le
marquis de Noailles, les représentants de la noblesse, du clergé et du tiers état
réunis à Versailles abolissaient dans la liesse les privilèges, notamment fiscaux,
que les deux premiers ordres détenaient depuis le Moyen Age à l’égard du troi-
sième ?
L’unité de l’ordre juridique international 417
A. Genèse
Le terme « société civile » apparaît en français au cours du XVIe
siècle 840. De fait, plus tard, chez Locke, il n’y aura pas davantage de
distinction entre société civile et société politique que chez Aris-
tote 841. Ailleurs sévit l’état de nature. John Locke, reprenant le terme
de societas civilis jadis employé par saint Augustin, insiste alors sur
le rôle de l’Etat comme garant de cette organisation politique des
rapports entre les hommes. On retrouvera des conceptions identiques
près d’un siècle plus tard chez Adam Smith 842, pour lequel le rôle de
l’Etat libéral est d’apporter à chacun, en veillant à la sécurité
publique, la quiétude propice à la libre entreprise. Plus tard encore,
Tocqueville associe l’esprit d’association à la démocratie et jusque
chez le philosophe Alain 843, dans les années trente du siècle dernier,
l’Etat, quoiqu’il s’en méfie, demeure le garant indispensable de la
liberté, puisque cette dernière ne peut prospérer sans l’ordre qu’il
apporte. L’Etat est le protecteur de la société civile autant qu’il en
est l’émanation.
B. Consistance
C. Fonctions
849. Kofi Annan, The Role of the UN in the 21th Century, 2000, pp. 9-17
(un.org).
850. Outre les références relatives au statut juridique des organisations non
gouvernementales citées supra, voir H. Ruiz Fabri, « Organisations non gouver-
nementales », Répertoire international Dalloz, Paris, 1999.
L’unité de l’ordre juridique international 423
851. Voir S. Guillet, Nous, peuples des Nations Unies. L’action des ONG au
sein du système de protection internationale des droits de l’homme, Paris, Mont-
chrestien, 1995.
852. Voir P.-M. Dupuy, « International Control and State Responsibility »,
Völkerrecht zwischen normativen Anspruch und politischer Realität, Duncker
und Humblot, Berlin, 1994, pp. 307-318.
853. Voir Y. Begbeder, Le rôle international des organisations non gouverne-
mentales, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 1992 ; A. E. Rice et C. Ritchie,
« Relations entre les organisations non gouvernementales et les Nations Unies »,
Associations internationales, 1996, no 3, pp. 126 ss.
854. On n’évoquera ici qu’en parallèle, même s’ils sont absolument détermi-
nants en pratique, les acteurs économiques que sont les grandes entreprises, sou-
vent également rangées dans la « société civile internationale ». La puissance
économique, comme le poids politique, d’un certain nombre de grandes « entre-
prises multinationales », jouant habilement sur les disparités de législations
424 Pierre-Marie Dupuy
D. Idéologie juridique
E. Paradoxe
soit conviées, soit présentes sans qu’on les ait invitées, lors de cha-
cune des grandes conférences à enjeux économiques, sociaux, écolo-
giques ou humanitaires convoquées aux quatre coins du monde. De
Paris à Barcelone, de Seattle à Ottawa, de Genève à Nice, la négo-
ciation avortée sur l’Accord multilatéral sur l’investissement, la
convocation ratée à Seattle du nouveau cycle de négociations sur les
réductions tarifaires, la réunion du Sommet de l’Union européenne
en vue de la modification de ses structures, sont désormais sur-
veillées ou contestées par les représentants, parfois tapageurs mais
organisés, d’une nébuleuse à la fois spontanée et préméditée. Cer-
taines de ces organisations manifestent, au demeurant, des qualités
d’expertise technique et de connaissance des dossiers telles qu’elles
renseignent bien des délégations étatiques, et pas seulement celles
émanant de pays en voie de développement.
Pour autant, ces organisations restent des contre-pouvoirs sans
statut juridique bien défini, autrement que par les diverses formules
d’« observateurs » dont certaines d’entre elles sont dotées auprès
d’un nombre relativement restreint d’institutions internationales. Des
organisations non gouvernementales telles qu’Amnesty Internatio-
nal, Human Rights Watch, Médecins sans frontières, Médecins du
monde, Reporters sans frontières, Handicap International, Green-
peace International, Friends of the Earth, WWF (World Wide Fund
for Nature), Union internationale pour la conservation de la nature,
pour ne citer que quelques-unes des plus connues, réalisent ce
qui, au regard des positivistes classiques, n’a pas lieu d’être : s’affir-
mant elles-mêmes représentatives d’intérêts transnationaux, elles
revendiquent le droit d’invoquer, de faire appliquer, de développer,
voire de créer des normes juridiques internationales, c’est-à-dire,
fondamentalement, des règles conçues pour régler les rapports entre
Etats.
S’en tenir à parler d’« acteur » du droit international pour désigner
une entité non étatique invoquant l’existence et l’application de
normes internationales paraît une facilité. Efficace pour désigner un
phénomène social de plus en plus prégnant, l’emploi inconsidéré par
la doctrine américaine du terme d’« acteur » sans définir autrement
son statut juridique contourne en réalité un problème juridique
majeur ; celui posé par la distorsion actuelle entre l’accroissement du
rôle des organisations non gouvernementales pour la formation, l’in-
vocation ou le contrôle de l’application de certaines normes juri-
diques internationales et le constat persistant de leur absence de per-
L’unité de l’ordre juridique international 427
CHAPITRE III
859. Sur le débat doctrinal autour de la notion même d’ordre juridique, voir
supra, première partie, pp. 59 ss. Pour la place qu’occupe la notion d’unité dans
l’existence même d’un ordre juridique, voir ibid., notamment, p. 67. Voir aussi,
précisément sur ce dernier aspect, N. Bobbio, La teoria dell’ordinamento giuri-
dico, Giappichelli, Turin, 1960, pp. 39 ss.
432 Pierre-Marie Dupuy
la notion est à la fois confuse, mal fondée, équivoque, et, qui plus
est, inutile. On reviendra plus loin sur l’analyse de ses incohérences.
Toujours est-il qu’à l’article 55 du texte définitif on trouvera, sim-
plement, le rappel de la règle specialia generalibus derogant ; selon
ses termes, les règles posées par la Commission
« ne s’appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les
conditions de l’existence d’un fait internationalement illicite ou
le contenu ou la mise en œuvre de la responsabilité internatio-
nale d’un Etat sont régis par des règles spéciales de droit inter-
national ».
On reviendra également plus loin sur l’interprétation qu’il convient
de donner à cette disposition, au demeurant fort bien formulée.
Toutefois, la notion de « régime autosuffisant » mérite qu’on pour-
suive son analyse critique tant elle est symptomatique d’une vision
fragmentaire et parcellisée du droit international partagée par trop
d’auteurs, dans laquelle, faute d’une claire perception de ce que
constitue un ordre juridique et l’ordre juridique international en par-
ticulier, ces auteurs se perdent aujourd’hui dans la contemplation de
régimes qu’ils croient aussi clos sur eux-mêmes qu’ils le sont trop
souvent eux-mêmes sur leur propre spécialité. Ainsi, bien qu’évacué
des travaux sur la responsabilité, on voit cependant émerger, tel un
monstre du Loch Ness, le self-contained regime. Il montre sa phy-
sionomie, par excellence originale, à l’occasion de l’analyse de
domaines spécifiques du droit, notamment parmi ceux ayant connu
des développements normatifs récents. Contemplant la multiplica-
tion des régimes particuliers établis le plus souvent par voie de
convention, leurs étroits spécialistes délaissent bien souvent l’ana-
lyse des rapports que ces régimes entretiennent avec le droit interna-
tional général en les qualifiant non plus de systèmes sui generis, car
ces auteurs s’expriment désormais le plus souvent en anglais, mais
de « self-contained regimes » !
A l’appui de leurs dires, ils citent bien souvent, parmi bien
d’autres, certains systèmes établis dans le cadre du droit internatio-
nal de l’environnement ; ils affectionnent autant le nouveau droit du
commerce international, défini désormais dans le cadre de l’Organi-
spéciaux par rapport au droit international. Voir son commentaire sous l’ar-
ticle 55 dans son ouvrage The International Law Commission’s Articles on State
Responsibility, Cambridge Univ. Press, 2002, pp. 306 ss. Comparer à P. Reuter,
Introduction au droit des traités, Paris, PUF, 1995, par. 201.
L’unité de l’ordre juridique international 437
sation mondiale du commerce ; ou bien, last but not least, ils se réfè-
rent au droit communautaire européen, dont il est vrai que la Cour de
justice nous a suffisamment dit, au moins dans ses débuts, qu’il
constituait un ordre juridique original ; ce qui, en l’occurrence, est
parfaitement vrai mais ne dit rien encore des rapports qu’il entretient
avec le droit international.
Eh bien, soit ! Descendons sur le pré et revenons, parmi d’autres,
sur ces deux exemples 868. On partira du droit communautaire, lequel
pousse aux extrêmes la tendance à l’autonomie organique et norma-
tive ; on continuera par le droit de l’Organisation mondiale du com-
merce ; deux exemples dont chacun est d’une ampleur et d’une
importance effective suffisante pour constater qu’il est décidément
étrange de confondre le spécial avec l’autonome.
868. D’autres pourraient être choisis, dont celui des droits de l’homme, par-
fois présentés comme constituant eux aussi un « régime autosuffisant », façon
emphatique de confondre la spécificité normative d’une certaine branche du
droit international (certaine, dans le cas des droits de l’homme) avec son éven-
tuelle autonomie, concept à la fois confus, équivoque et, surtout, réalité indé-
montrable. Sur cette problématique, voir notamment le cours professé à l’Aca-
démie de droit européen de Florence, en 2001, par le professeur Ch. Chinkin,
« Human Rights : Specialized Regime or General International Law ? » (à
paraître). Voir aussi les actes du colloque de la SFDI, Strasbourg, 1997, La pro-
tection des droits de l’homme et l’évolution du droit international, Paris,
Pedone, 1998, en particulier les conclusions du professeur G. Cohen-Jonathan.
Du même auteur, voir la chronique intitulée « Cour européenne des droits de
l’homme et droit international général » qui paraît dans l’Annuaire français de
droit international, depuis 1999. Voir aussi H. Dipla, La responsabilité de l’Etat
pour violation des droits de l’homme — Problèmes d’imputation, Paris, Pedone,
1994 ; B. G. Ramcharan, « State Responsibility for Violation of Human Rights
Treaties », dans Bing Cheng et E. D. Brown (dir. publ.), Contemporary Problems
of International Law : Essays in Honour of G. Schwarzneberger on His Eightieth
Birthday, Londres, Stevens, 1988, pp. 242 ss. ; D. Shelton, Remedies in Interna-
tional Human Rights Law, Oxford, OUP, 1999 ; Ch. Tomuschat, « What Is a
“Breach” of the European Convention on Human Rights ? » dans Lawson et de
Blois (dir. publ.), The Dynamic of the Protection of Human Rights in Europe :
Essays in Honour of H. G. Schermers, Dordrecht, Nijhoff, 1994, pp. 315 ss. On
aurait pu également se pencher sur des exemples fournis par le droit internatio-
nal de l’environnement, dans lequel des régimes parfois assez développés de
contrôle de l’application de certaines conventions internationales dotent en par-
ticulier la conférence des parties de pouvoirs spécifiques d’assistance mais par-
fois aussi de contrainte. Le modèle le plus achevé en demeure celui offert par la
Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone, de 1985, et son
protocole complémentaire adopté deux ans plus tard à Montréal. Voir D. Caron,
« La protection de la couche d’ozone stratosphérique et la structure de l’activité
normative internationale en matière d’environnement », AFDI, 1990, pp. 705-
725 ; P.-M. Dupuy, « Protection internationale de la couche d’ozone et spécificité
relative des régimes speciaux de contrôle de l’application du droit internatio-
nal », Festschrift für Prof. Dr. H. J. Hahn zum 70. Geburtstag, Währung und
Wirtschaft, Das Geld im Recht, Nomos, Baden-Baden, 1997, pp. 539-554.
438 Pierre-Marie Dupuy
869. Pour une présentation brillante des thèses de ces derniers, dont on par-
tage ici dans une bonne mesure les observations, voir cependant A. Pellet, « Les
fondements juridiques internationaux du droit communautaire », Collection des
cours de l’Académie de droit européen, vol. V, 2. ; comparer Ch. Leben, « Nature
des communautés », Droits, no 14, pp. 64 ss.
870. Il ne faut pas se cacher qu’il y a eu à la querelle sur la nature juri-
dique du droit communautaire un arrière-plan idéologique et une confrontation
de cultures juridiques. Pour s’en tenir à l’idéologie, la volonté de souligner le
caractère radicalement novateur de la construction européenne a incité certains
commentateurs à trahir notamment le sens de la jurisprudence communautaire
(Van Gend en Loos et Costa c. ENEL). Or, la technique juridique est une chose,
L’unité de l’ordre juridique international 439
Un Etat ne doit son existence qu’à la réunion des trois faits condi-
tion présidant à sa constitution : un territoire, une population, un
gouvernement ; cela, même si l’établissement de ses relations inter-
nationales avec d’autres Etats passent nécessairement par une forme
de reconnaissance de leur part. Tout à l’opposé, les trois Commu-
nautés européennes étaient quant à elles, et dès leurs origines, fon-
dées chacune non sur un fait mais sur un acte juridique. Rien d’éton-
nant à cela. Il en va ainsi de toute organisation internationale. Cet
acte est un acte juridique international, c’est-à-dire accompli confor-
mément aux conditions de forme et de validité déterminées par
l’ordre juridique international. Il ne cesse pas d’en être ainsi après
vingt, trente, quarante ou cinquante ans. Cet acte s’éteint, tout au
plus, au terme de la durée de vie qui lui était assignée, comme c’est
aujourd’hui le cas du traité CECA, après, précisément, les cinquante
ans de vie qui lui avaient été alloués par sa propre formulation. Tout
au long de son existence, ce traité, cet acte constitutif, bien que sou-
mis à l’interprétation de la Cour qu’il a lui-même constituée, ne voit
pas sa nature juridique altérée. Comme traité, il obéit au droit inter-
national. Comme constitution, il est lui-même le droit communau-
taire européen, soumis aux interprétations judiciaires comme aux
extensions normatives que permet son droit dérivé.
l’idéologie devrait en être une autre. On peut en tout cas être un Européen
convaincu et reconnaître la réalité juridique de l’articulation du droit commu-
nautaire au droit international.
440 Pierre-Marie Dupuy
871. Une autre question est celle de savoir si les caractères et, surtout, le
champ d’application de cette constitution sont appelés à évoluer d’une façon
telle que soit transférée définitivement la compétence des relations internatio-
nales des Etats à l’Organisation elle-même ; question qui ne reçoit pas de
réponse affirmative en droit communautaire positif ; qu’en sera-t-il après l’adop-
tion de la nouvelle « constitution » européenne, en 2004 ?
L’unité de l’ordre juridique international 441
883. Dans son avis OCDE du 24 mars 1995, la CJCE déclare : « La compé-
tence externe exclusive de la Communauté ne découle pas ipso facto de son pou-
voir d’édicter des règles sur le plan interne. » (Rec., I-521.) Sur l’ensemble de
cette question, voir J. C. Gautron et L. Grard, infra, à la note suivante.
884. J. C. Gautron et L. Grard, « Le droit international dans la construction de
l’Union européenne », rapport général, colloque de Bordeaux de la Société fran-
çaise pour le droit international, 1999, Paris, Pedone, 2000, p. 51.
885. Les auteurs cités dans la note précédente font justement valoir que la
démarche précitée de la CJCE
« est apparue comme un retour sur la jurisprudence AETR et une mise à
l’écart du mouvement jurisprudentiel postérieur. Ce n’est pas tout à fait
exact. … Ce n’est pas un revirement relatif au titre implicite de compé-
tences, mais une retenue quant à l’automatisme de l’exclusivité en cas de
compétence implicite » (voir J.-C. Gautron et L. Grard, « Le droit interna-
tional dans la construction de l’Union européenne », rapport général,
op. cit., p. 53).
Autrement dit, dans ces dernières années, la CJCE n’a pas réduit l’extension
matérielle de la capacité de la Communauté à conclure des accords internatio-
naux. Elle a plutôt délimité sa capacité internationale exclusive.
L’unité de l’ordre juridique international 445
des six Etats membres. La Cour est donc amenée à préciser, voire
(en particulier dans le cas Costa c. ENEL) à compléter les disposi-
tions conventionnelles initiales ; celles-ci ne parlent, en effet, d’ap-
plicabilité directe que pour le règlement communautaire (art. 189
CEE) et ne disent rien de la primauté. Il s’agit donc d’affirmer la
spécificité profonde du système normatif communautaire 890. Face à
ce dernier, chacun des Etats est placé dans une situation de monisme
et ne peut lui opposer aucune voie tirée de son droit interne dont
l’effet pourrait être d’en retarder l’application ou d’en gauchir le
contenu. La Cour est donc très logiquement amenée à insister sur
deux faits : l’existence d’un ordre juridique communautaire original ;
et l’intégration de cet ordre à celui des Etats membres avec primauté
de lui-même. Elle le fait même si, au demeurant, elle choisit comme
critères de l’applicabilité directe des éléments que le droit internatio-
nal ne désavouerait nullement 891.
Rien n’est dit, cependant, dans ces deux arrêts des relations entre
le droit communautaire et le droit international et ce serait com-
mettre un contresens, un de plus, que de les interpréter comme des-
tinés à affirmer une dissidence et une autonomie radicale du premier
à l’égard du second 892. Ce n’est ni le problème ni le propos des
arrêts Van Gend en Loos et Costa c. ENEL. La primauté déclarée par
890. Ainsi, dans l’arrêt Van Gend en Loos, la Cour déclare que le traité CEE
« constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre
Etats contractants ». Dans l’arrêt Costa, elle complète en ajoutant que le même
traité « a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des
Etats membres lors de l’entrée en vigueur du traité… » et que « issu d’une source
autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spéci-
fique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne… »
891. Ce faisant, elle n’entend se situer par rapport à ce dernier que pour mar-
quer sa différence, non pour avouer sa filiation. Voir P.-M. Dupuy, Droit inter-
national public, Précis Dalloz, 6e éd., 2002, par. 439 ss.
892. Comparer notamment l’analyse exposée ci-dessus au point de vue
exprimé par le professeur Mengozzi. A propos des deux arrêts précités il dit, de
l’attitude de la CJCE, qu’elle
« passa, da una configurazione del diritto comunitario considerato come un
nuovo ordine giuridico nel campo del diritto internazionale dante luogo a
diritti per i singoli individui, ad un completo abbandono di una collocazione
sua in detto campo. … Trattasi di uno sviluppo a strappi successivo … Il
primo fondamentale strappo, concretato dall’affermazione dell’idoneità del
diritto comunitario a dare luogo a situazioni giuridiche soggettive in capo
agli individui, …, è bilanciato … dalla precisazione che detta peculiarità
rende sì nuovo il diritto comunitario, ma tale lo rende sempre nel quadro
della tradizione del diritto internazionale. … Esplicata tale funzione … il
riferimento al diritto internazionale, contenuto nella decisione Van Gend en
Loos, è sparito nella decisione Costa c. Enel. » (Voir P. Mengozzi, Il diritto
comunitario e dell’Unione europea, Cedam, Padoue, 1997, p. 109.)
L’unité de l’ordre juridique international 447
938. Rapport « Hormones », par. 120 ss. Voir notamment à ce propos C. Noi-
ville, « Principe de précaution et Organisation mondiale du commerce : le cas du
commerce alimentaire », JDI, 2000, no 2, pp. 263-297 ; G. Marceau, « Le prin-
cipe de précaution et les règles de l’Organisation mondiale du commerce », dans
Ch. Leben et J. Verhoeven (dir. publ.), Le principe de précaution, aspects de
droit international et communautaire, Editions Panthéon-Assas, collection Droit
international et relations internationales, LGDJ, Paris, 2002, pp. 131-150.
939. Voir S. Boutillon, « The Precautionary Principle : Development of an
International Standard », Michigan Journal of International Law, 2002, no 2,
pp. 461 ss.
940. Ephémère, même si cette juridiction sous-régionale se trouve aujour-
d’hui reconstituée.
L’unité de l’ordre juridique international 461
A. Rappel 948
958. Voir Ted Meron, « War Crimes in Yougoslavia and the Development of
International Law », American Journal of International Law, 1994, no 1, pp. 78-
87, et, du même auteur, « International Criminalization of Internal Atrocities »,
American Journal of International Law, 1995, no 3, pp. 554-577. Theodore
Meron note de plus à juste titre que le Statut du Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie et, peut-être plus encore, celui du tribunal pénal pour la
répression du génocide au Rwanda confirment la tendance également coutu-
mière à la « criminalisation » des atteintes aux normes de protection des per-
sonnes qui sont énoncées à l’article 3 commun aux Conventions de Genève pré-
citées, lequel concerne pourtant les conflits armés non internationaux. Le même
auteur observe également que le droit du procès équitable (“due process ») établi
par les deux tribunaux pénaux ad hoc est plus développé que celui qui résultait
des chartes constitutives des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.
468 Pierre-Marie Dupuy
966. Affaire LaGrand, CIJ Recueil 2001, arrêt du 27 juin 2001. Sur cette
question, voir le commentaire de M. Pinto, « De la protection diplomatique à la
protection des droits de l’homme », RGDIP, 2002, no 3, pp. 514-548.
967. Cas précisément vérifié dans les deux affaires précitées (CIJ/TPIY).
968. La CJCE a cru en particulier pouvoir faire prévaloir le droit communau-
taire sur la compétence tirée par les Etats membres du droit international public
en matière de dévolution de la nationalité. Cela l’a amenée, en 1992, suivant en
cela les conclusions hasardeuses de l’avocat général selon lesquelles la jurispru-
dence Nottebohm de la CIJ « remonte à une période romantique de la vie des
relations internationales », à écarter un principe pourtant bien établi, celui de
l’effectivité comme condition de l’opposabilité internationale de la nationalité,
en l’occurrence dans un cas de double nationalité, dont l’une communautaire et
L’unité de l’ordre juridique international 473
975. Voir P.-M. Dupuy, « Le juge et la règle générale », op. cit., et, du même
auteur, « The Judicial Policy of the International Court of Justice », dans
F. Salerno (dir. publ.), Il ruolo del giudice internazionale nell’evoluzione del
diritto internazionale e comunitario, CEDAM, 1995, pp. 61-82.
976. L’exception notable de l’avis consultatif rendu en juillet 1996 à propos
de la légalité de la menace ou de l’emploi de l’arme nucléaire est au demeurant
là pour montrer que toute tentative pour sortir de cette vision restrictive fait
apparaître au grand jour la disparité sensible des conceptions du droit qui exis-
tent entre les juges, au sein même de la Cour. Sur cet avis et ses multiples com-
mentaires, voir notamment L. Boisson de Chazournes et Ph. Sands (dir. publ.),
International Law, the International Court of Justice and Nuclear Weapons,
1999, Cambridge University Press, particulièrement P.-M. Dupuy, « Between the
Individual and the State : International Law at a Crossroad ? » pp. 449 ss.
977. Pourtant, l’Organe d’appel de l’OMC, encore lui, montre qu’à propos de
questions très terre à terre intéressant la viande aux hormones, les chemises
indiennes, les bananes ou les crevettes, on peut aussi faire preuve d’une concep-
L’unité de l’ordre juridique international 477
tion ample de la fonction judiciaire dans l’ordre international. Cet organe, qui
plus est, est capable de cette pratique active en travaillant à un rythme et selon
une productivité que la relative réduction des moyens matériels mis à sa dispo-
sition ne semble pas entraver.
978. Affaire du Timor oriental (Portugal c. Australie), CIJ Recueil 1995,
arrêt du 30 juin 1995. Pour un commentaire, voir par exemple J. M. Thouvenin,
AFDI, 1995, pp. 328-353.
979. Affaire du Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), CIJ
Recueil 1997, arrêt du 25 septembre 1997. Pour un commentaire, voir par
exemple P.-M. Dupuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la
fin du siècle ? » RGDIP, 1997, no 4.
980. Affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique
du Congo c. Belgique). Voir commentaire dans P.-M. Dupuy, Droit international
public, Paris, Dalloz, 6e éd., 2002, par. 118, 485, 512, et M. Sassoli, RGDIP,
2002, no 4.
478 Pierre-Marie Dupuy
CONCLUSION GÉNÉRALE
982. Voir l’exemple offert, à une échelle il est vrai réduite, par le système de
Vienne/Montréal à propos du respect par les Etats de leurs obligations relatives
à la protection de la couche d’ozone et P.-M. Dupuy, Droit international public,
Précis Dalloz, 6e éd., 2002, « Le contrôle international », troisième partie,
chap. 2, sect. 3, pp. 505 ss., par. 497 ss.
L’unité de l’ordre juridique international 481
casion d’un tel procès se dévoile l’évolution des rapports entre droit
spécial et droit général. Ce dernier n’est plus seulement le « bouche-
trou » des relations juridiques propres aux deux Etats en litige. Il ne
s’applique plus seulement « par défaut » du premier. Du moins cela
devrait-il être le cas pour la part du droit général qui appartient à
cette légalité supérieure dont l’importance sociale fait qu’elle n’est
plus seulement obligatoire mais qu’elle devient, en toutes occasions,
« intransgressible » 985.
Il reviendra au juge de déterminer les conditions et les implica-
tions de l’inversion de l’axiome selon lequel le droit spécial déroge
au droit général. Dans une telle situation, la fonction du juge devient
d’autant plus déterminante ; car la limite entre droit obligatoire et
droit impératif s’avère plus mouvante qu’en droit interne, où il
revient aussi au juge d’identifier les règles d’ordre public, mais
au sein d’une normativité plus dense et d’un contexte social plus
intégré.
3. Comparant alors le juge international au juge national, la
réponse classique consiste d’abord à opposer le fondement consen-
suel de la compétence du premier à la saisine unilatérale du second.
On souligne combien précaire est la situation du juge des rapports
entre Etats comparée à celle du juge interne, assuré d’une compé-
tence appuyée sur la séparation des pouvoirs et la répartition des
fonctions. Tout cela demeure exact et l’on signalait ailleurs le porte-
à-faux entre l’affirmation du droit impératif et le maintien de la base
contractuelle de la juridiction internationale 986. Il serait cependant
insuffisant d’en rester là. La nouvelle génération des juridictions
internationales semble en effet avoir en partie modifié sinon l’en-
semble des données du problème, du moins certaines d’entre elles.
Pratiquement tous les organes de contrôle et toutes les juridictions
internationales conservent à l’origine de leur compétence, à l’instar
de la Cour internationale de Justice, un fondement consensuel. C’est
bien sur la base d’un traité que les différends du commerce interna-
tional sont susceptibles d’être soumis à la connaissance de l’Organe
d’appel de l’Organisation mondiale du commerce. La seule excep-
tion est à trouver dans le cas, resté très exceptionnel, des deux tribu-
naux pénaux ad hoc, chacun établi par l’acte unilatéral obligatoire
d’un organe en tous points particulier, le Conseil de sécurité. Pourtant,
même dans le cadre pénal, la vieille logique conventionnelle a repris
ses droits lorsqu’on décida de créer la Cour pénale internationale 987.
4. Il faut néanmoins distinguer fondement de la compétence et
mode de la saisine de l’organe juridictionnel. Dans l’ordre interna-
tional, une fois son fondement consensuel assuré, le nombre des
organes que les ayants droit peuvent saisir directement, par la voie
unilatérale, tend à devenir la règle. C’est notamment le cas des tri-
bunaux pénaux et de la Cour pénale, des instances régionales et uni-
verselles de contrôle des droits de l’homme 988, de l’Organe d’appel,
des cours régionales de protection des droits de l’homme, du Tribu-
nal du droit de la mer, particulièrement dans le cadre de la procédure
en vue d’une mesure conservatoire, sans même parler ici des tribu-
naux administratifs internationaux ou de ceux garantissant une jus-
tice « transnationale » entre Etats et personnes privées étrangères 989.
Une saisine unilatérale rendue possible par une base consensuelle
n’a, certes, rien de nouveau. La Cour internationale de Justice peut
être saisie de la sorte lorsque deux Etats en litige ont l’un comme
l’autre reconnu par avance sa compétence, sur la base de l’article 36
de son Statut. Ce qui, en revanche, est nouveau, c’est la multiplica-
tion des cas dans lesquels cette saisine est rendue possible devant
des juridictions désormais largement diversifiées, par leur champ
d’application comme par leur objet. Dès lors qu’un Etat (ou une
autre entité, personne privée ou procureur) peut saisir de son propre
chef un organe international de contrôle de la légalité, qu’il soit ou
non stricto sensu juridictionnel, c’est, à terme, la physionomie de la
justice internationale (ou, si l’on préfère, la façon dont elle est per-
çue par ses justiciables 990) qui pourrait s’en trouver modifiée ; pro-
987. Même si cette dernière est elle-même contrariée par le maintien de pou-
voirs d’intervention et de suspension des instances reconnus au Conseil de sécu-
rité en application de l’article 16 du Statut.
988. On pense surtout, à l’échelle universelle, au Comité des droits de
l’homme des Nations Unies, lequel, dans le cadre défini par le Pacte des droits
civils et politiques, tend de plus en plus nettement à s’inspirer du modèle juri-
dictionnel dans son fonctionnement.
989. Que ce soit, notamment, dans le cadre du CIRDI, de l’ALENA ou de la
Charte de l’énergie.
990. Non seulement par les Etats mais également par d’autres entités (per-
sonnes physiques ou morales) qu’elles soient ou non dotées d’un droit à l’action
devant une juridiction internationale.
484 Pierre-Marie Dupuy
998. Qu’on songe, par exemple, aux critiques soulevées périodiquement par
les décisions de certaines juridictions constitutionnelles nationales, tel le Conseil
constitutionnel français, voire même la Cour constitutionnelle allemande, pour-
tant dotée d’une autorité singulière.
999. Voir C. Barfield, « Free Trade, Sovereignty, Democracy. The Future of
the World Trade Organization », The AEI Press, Washington, 2001, et la réponse
de C. D. Ehlermann, « The Evolving Constitution and Tensions between Dispute
Settlement Processes and the Diplomatic and Treaty Making Activities of the
WTO », The British Institute of International and Comparative Law, Londres,
15 mai 2002, ICLQ, 2003, à paraître.
L’unité de l’ordre juridique international 487
1000. Voir notamment Ch. Tomuschat, « International Law : Ensuring the Sur-
vival of Mankind on the Eve of a New Century. General Course of International
Law », Recueil des cours, tome 281 (1999), pp. 56 ss.
1001. Du moins dans les Etats, encore minoritaires, dont le niveau de déve-
loppement permet à une large échelle la diffusion des instruments informatiques.
1002. D’après les chiffres cités par J. Habbermas, Après l’Etat-nation, une
nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 1999, p. 14.
488 Pierre-Marie Dupuy
1004. Sur ce dernier aspect, voir P.-M. Dupuy, « L’obligation en droit interna-
tional », L’obligation. Archives de philosophie du droit, Paris, Dalloz, t. 44,
2000, pp. 217-231.
490
BLANCHE