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CURIOSITEZ

D E
LA NATURE
E T

DE L'ART,
Aportées dans deux Voyages des
Indes i l’un aux Indes d’Occident
en 165/8. & 1695?. & l’autre aux
Indes d’Orient en 1701. 1702.

AVEC VN E REL AT 10 N
abregêe de ces deux Voyages.

Par C. Biron, Chirurgien-Major.

A P A R I

Chez Jean Moreau, rue S. Jacques »

à la Toifon d’Or ,
vis-à-vis S. Yves.

M. D. CCIII.
AVEC F R l VI LE GE DV ROT.
E P I TR E.
fai eu l’honneur de 'vous faire
'voir quelques feuilles impri

tn'ees de cet ouvrage , me fait


efperer que vous ne defaprouve-
point la liberté que je
prends , de le rendre public
fous les aufpices de votre il-

luflre Nom. Jeferois bien con-


tent
f la le filtre de ces recher -
ches y pouvoit. Madame,
vous divertir quelques mo-
ments. Mais je dois craindre
ce difcernement fi jufle , &
cette vertu auflére qui veut
,
trouverpar tout un air de cette
piete admirable que vous joi-
,
gneT^ au Sang illuflre , dont
vous êtes née. Toutes vos ac-
tions s Madame, répon*
E P î TR E.
dent parfaitement a la gran~
deur de votre naiffance , O*
d ces nobles fentiments de va-
leur , & de Religion , qui
font de tout tems héréditaires
dans votre Adaifon : car enfin
elle s'efi toujours difiinguèe
par les importants fervices ,

quelle a rendus , & quelle


rend encore continuellement d
l’Eglife , &d l’Etat. Je ne me
hasarde pas d'en dire davan-
tage -, je ne fuis ni Hiflorien ,
ni Orateur: & quand jeferois
1

l'un & l'autre, je dois fonger


d ne pas hlefier votre modefiie s
qui vous fait placer les loüan -
ges y que votre mérite vous at-
tire parmi les plus infuporta
EPITR E.
blés chofes de la vie. Il vaut
mieux , Madame, que je
penfie a implorer votre prote-
fli on y &a mériter la per-
mijfion de me pouvoir dire
avec un refpeél infini ,

MADAME,

Votre très-humble & très-


obeïlTant lerviteur ,
C. Biron.
*>

1
ma sa* <*.' f#*

®ww
<*S. C-ffCi M*N> MV* MS-»
e^e^e********
Vfï» «^v. •«C • ~o-

PREFACE.
L y a des perfonnes
bienfenfées, qui vou-
draient que l’étudé
des Phylîciens fe tour-
nât à la recherche des vertus
& des propriétez , que l’Auteur
de la Nature a miles dans les
Minéraux y dans les Plantes ,
&dans les Animaux. A lave-
rite connailïance leur
cette
coûteroit moins de peines > &C
ferait plus utile à la focieté
des hommes , que toutes ces
vaines dilputes , qui les occu-
pent depuis tant de lîècles.
Il eft étonnant que depuis en-
viron deux mille ans que l’on
philofophe inutilement , pour
a mj
îj PREFACE.
découvrir l’eflènce, &
la natu-
re de chaque choie , on n’ait
point reconnu que puifqu’on
?
n’a pas réüffi julqu’à prélent
dans cette recherche , on n’y
réülïïra jamais. Toutes les cho-
ies naturelles , & fenfibles ,
font
compolees de la même malle
de matière 5 &
toute la diferen»
ce qui eft entr’elles , ne vient
3

que des divers arrangements,


que la figure, le mouvement,
la contexture , & la differente
fituation ont aportez dans cet-
te matière.
Or cette diférente organi-
sation eft le jeu de la Toute-
puiflànce de Dieu > Ludens in
orbe terrarum. Proverb. VIII.
C'eft le lecret mécanilme de
lès merveilleulès opérations au
dehors de lui-même > c’efi: ce
cjue les Philolophes cherchent
à connaître depuis fi long-
'PREFACE. iij

tems. Leur travail n’eft pas


plus avancé que le premier
jour. Pour favoir la diference
Ipécifique de chaque chofe ,
ôc
ce que l’Ecole nomme } forme
fubftantielle 3 ou caufe formelle ,

ilfaudroit l’aprendre de cette


Sageflè Eternelle qui accom-
pagnoit le Créateur dans la
Formation de l’Univers-, qui &
parle ainfî d’elle - même : J’ai
été établie dès l'éternité , & dés
le commencement , avant que la
terre fut créée. Les abîmes n ê-
toient -point encore , lorfque fètois
déjà conçue ; les Fontaines n è-
toient point encore forties de la
terre j la pefante majfe des Mon-
tagnes n pas encore formée)
ètoit
fètois enfantée avant les colli-
nes. il n’avoit point encore créé
la terre ,
ni les Fleuves ,
ni afer-
mi le monde fur fe s pôles. Zorf-
qu il préparait les Cieux > fètois
• iv PREFACE.
prefente -,
lorfqu il environnoit
les abîmes de leurs bornes
, (f
il leur prefcrivoit une Loi in-
violable j lorfqu il afermijfoit
l air au deffus de la terre
, (f
qu il difpenfoit dans leur équi-
libre les eaux des Fontaines j
lorfqu il renfermoit la mer dans
Jes limites 3 (J qu’il impofait une
Loi aux Eaux , afin qu elles ne
paffaffent point leurs bornes j lorf-
qu il pofoit les fondements de la
terre
réglois
-, fêtais avec lui , & je
toutes chofes : Cum eo
eram cunela componens Proverb. .

Cap. VIII. y. 23. &c. Pour la-


voir donc ce qui conftituë
formellement l’eflènce d’une
chofe , il faudroit avoir été du
confeil de Dieu ,
quand il for-
moit les Créatures. Quis con -
filiarius ejus fuit. Rom. XJ. f.
34* Nous n’en lavons pas au-
jourd’hui plus qu’en lavoient
F RE F ACE. V
Platon , & Ariftote ,
qui n’en
favoient rien du tout.
Un brin d’herbe , que nous
foulons fous nos pieds , eft l’é-
cueilde tout le luperbe apa-
reil de la Philofophie. Un
payfan en voit autant par fos
yeux, qü’un Phyficien en fait
après trente années d’étude, èC
de contemplation fi ce n’eft
:

peut-être , que ce Phyficien par


le focours d’un bon mierofco-
pe fpéculera plus intimement
la furface de ce brin d’herbe.
Mais après tout où il ira-t-il,
avec ingénieux infini-
cet
ment d’Optique ? Il verra uii
peu mieux l’admirable con-
texture de la matière dans la
fuperfîcie de ce brin d’herbe 5
& pas davantage. La caufe
formelle , qui fait l’efiènce , &£
la nature de quelque corps
que ce foit ,
n’eft 'point à la
?j * reface.
portée des machines de l’Op-
tique, ni de la jurifdiction des
fèns & la raifon qui ne juge
$
,

que par leur miniftere , des


chofes naturelles ,
ne peut pas
aller plus loin. Quand les
Philofophes fe font liafardez
de vouloir palTer au-delà , ils
Pont tombez dans des contra-
dictions 8c dans des extrava-
,

gances, qui dégradent la Phi-


lofophie. Autant de pas ,
au-
tant de chûtes -,
8c nous de-
vons de la pitié à leurs égare-
mens,&àleur honte. Il n’y a
qu’à les fùivre , dans leurs pre-
mières démarches pour voir
,

de quoi ils font capables.


Voyons feulement , comme
ils s'y prennent , pour expli-
quer élémens , dont les
les
chofes fenfibles font compofées.
Héraclite dit qu’il n’y a qu’un
élément *8c que c’eft le Feu.
PREFACE. vij
Talés de Milec foûtient que
c’efl YEau. D’autres aflurent
que c’efl: YAir. Anaximandre
prétend que ce n’eft: point le
feu , ni l’eau 3 ni l’air j mais
que c’efl: quelque ehofe de
plus greffier que le feu 8c de
,

plus fubtil que l’air. Les uns


n’admècent qu’un élément ,
d’autres en reconnaiflent deux$
quelques-uns trois j les Péri-
patéticiens quatre } les Chi-
miftes cinq. M. Defcartes fè
foûlève contre tous les an-
ciens , répudie tous leurs élé-
ments , 8c en forge trois nou-
veaux qu’il crait pourtant s’ê-
,

tre trouvez à la naiflance du


monde. M. GafTendi qui ne
,

peut convenir avec la plûpart


des anciens , 8c qui ne fauroit
goûter la matière fubtile , la
matière globuleufc , 8c la ma-
tière cannelée de M, Defcar-
viij PREFACE.
tes met en campagne la for-
,

midable armée des Atomes


d’Epicure ; félon cet Epi-&
cure , par le plus liûreux ha-
fard qui fut jamais , il s’en eft
formé tout l'Univers , lans que
perfonne y ait fongé. Pour Ari-
ftote j après avoir pofé que ,

Je monde n’a point commen-


cé, tk. qu’il eft éternel , il s’eft
aviféde créer les quatre Ele-
mens , qui ne fu b liftent que
dans fa Philolophie. Car dans
la nature ,
il n’y a point cer-
tainement une terre , une eau
un air , &
un feu , qui foient
des corps fimples au point où
le doivent être les prémiers
principes des chofes naturel-
les. Quant à l’éternité du mon-

de 3 il n’a point fait attention


à l’état où étoient les Sien-
,

ces &: les Arts de fon tems.


Tout étoit fi nouveau ,
fi grof-
PREFACE, ix
fier imparfait 3 dans les arts j
, fi

qu’il ne falloit pas d’autre ar-


gument , pour reconnaître non
feulement que le monde n’é-
toit pas éternel 5 mais que
même il ne pouvoit pas être
fort ancien. Nous
lavons le
point de la naiflance
des
Siences 5 &
l’Hiftoire des fiè-
cl es Ie$ plus reculez porte
,

des veftiges d’un monde tout


recent.
Parkérus Anglois a paru
depuis quelques années fur les
rangs. Il a déclaré une guer-
re ouverte à Ariftote , à Def-
cartes ,
ôc à Gaflendi -,
il les
fuit pié - àgagnant
- pié *
8c
toujours du terrain fur eux
il les chafle enfin du pays de

la bonne Phiîofophie. Il aban-


donne à M. Defcartes la viva-
cité de fon elprit ,
8c fa valte
connailfance dans les Mathé-
x PREFACE.
matiques 5 mais du refte , il
l’accufe de n’être point entré
dans la Philolbphie par la por-
te de la Dialectique , qu’il
ignoroit , dit - il , abfolument.
Et delà il s’aplique à le ré-
préfenter , non comme un
bon Phyficien > mais comme
un avanturier dans la ré-
gion des tourbillons , •& des
chimères. Il faut avouer que

s’il compofèr un corps


falloit
de Phyfique des fentimens
,

de ces Phiiofophes dont les ,

grands noms font fi vantez


dans le monde , on feroit un
ouvrage le plus burlefque , qui
ait jamais été. En éfet ,
ces
Mages qui ontphilofophé chez
les Perfes 5 ces Caldéens qui
fe font faits un fi grand nom
dans la Babilonie ,
& dans
l’Aflirie Brachmanes , ces
j ces
Gymnofophiftes qui ont brillé
dans
PRÉFACÉ. 5îJ
dans les Indes ces Prêtres
j

d’Egypte qui étoient les dé-


positaires de toute la Littéra-
ture des Egiptiens > ces Drui-
des qui ont enleigné la fageiîè
dans les Gaules 3 en un mot
ces Philoibphes , dont la Grè-
ce étok iî fort entêtée ,étoient
aiîurément de mauvais Phyfî-
ciens. Anaxagore difoit que le
Soleil n’étoit point autre cho-
fs qu’un gros caillou embra-
,

fé. Les Egiptiens foûtenoient


que le Soleil, &c la Lune étoient
deux Divinitez adorables 3 que
le Soleil étoit Ofiris la Lu-
ne Jjîs. Ariftote donnoit à.
chaque A lire , & à chaque
Etoille , un conducteur pour
les mouvoir , & pour les ré-
gler. Les Stoïciens vouloient
que le monde fût un grand
animal peut - être quelques-
3

çns d’eux auront perde que le


xi] T RE F ACE.
Soleil , Lune étoient fes
ôc la
deux yeux. Pline eft allé plus
loin 5 il croyoit que le monde
droit Dieu même ? ôc il lui
donne tous les attributs de la
Divinité. Epicure enfeignoit
que le. monde avec tout l’or-
dre , ôc toutes les beautez que ,

nous y admirons s’eft fait tout -,

feul par la rencontre , ôc le


fortuit concours des Atomes >
fans qu’aucune caufe intelli-
gente s’en foit m
êlée. Si quel-
qu’un s’avifoit de foutenir ,
que l’horloge de la Samaritai-
ne, qui eft fur le Pont-Neuf,
s’eft faite elle-même ,
s’eft ar-
rangée ,
mife en mouve-
s’eft

ment , ôc s’eft réglée , fans


que perfonne y ait mis la main*
on l’accuferoit de folie ;
on
le p rendroit pour un imbécile î

ôc on ne le croiroit pas. Ah y

S eigneur ! Qu’eft-ce que cette


PREFACE. Xiïj
Horloge , tonte ingénieuiè-
ment faite qu’elle eft en com-
paraifon de l’immenfe machi-
ne de l’Univers ? Tant il effc
vrai ,
qu’il n’y a point d’extra-
vagances , où ne foient tom-
bez les Philofophes, quand ils
fe font ingérez de pénétrer
dans le fein de la Nature , 8c
d’expliquer l’eflènce des cho-
ies naturelles. Toute l’intelli-
gence des hommes ne fauroit
aller là. Dieu n’a point fait
l’Univers ,
pour être l’objet
de nos recherches. Il l’a fait,
afin que nous l’y cherchaffions
lui- même > 8c que nous
y re-
connuffions dans le filence d’u-
ne contemplation Religieufe
fa Divinité ,
fa Puiflance éter-
nelle , perfedions
8c toutes fès
invifîbles
,
Création
que par la
du monde il a fi fenfiblemenc
dépeintes dans fes ouvrages.
xiv ÏREFACZ.
11 nous en a caché la caule
formelle , non pas pour nous
la faire chercher qu’en avons- :

nous afaire ? mais afin de nous


fixer à la connaifiance de la
Caufe Efficiente qui eft lui-mê-
,

me i afin de nous élever par


la vûë des merveilles incom-
préhenfibles de la nature , aux
choies invifibles j en un mot
afin^ie nous faire monter des
créatures au Créateur. Le
Sage dans l’Ecriture Sainte le
rit des inutiles éforts de ces
lûperbes Philolophes , qui veu-
lent connaître la nature , &
l’efience de chaque choie :
Dieu , dit-il , a livré le mon-
de à leur ignorance, & à leurs
dilputes : Mundurn tradidit dif-
futationi eorurn ,
Ecclef Cap. 111.
ÿ. 1 . En éfet dans cette con-
fufion d’opinions fi étranges ,
le monde eft devenu pour eux
PREFACE. xv
un cahos, où ils ne compren-
nent rien & où ils fe perdent.
,

Qu’un Philolophe eft emba-


rafle quand il veut trouver
,

larailon, pourquoi le mouve-


ment des Aftres eft circulaire
pendant que le mouvement
des élémens eft droit, & per-
pendiculaire du haut en bas ,
& de bas en haut Il a beau !

donner la torture à Ion elprit,


il ne rencontrera dans fa tête

que des fonges §e des chimè-


,

res > il faut qu’il s’élève juft


qu’à Dieu,, qui a établi ces Loix
opofées , &
ces mouvements
contraires ,
dont dépend ce-
pendant toute l’harmonie de
l’Univers. Ainlî il ne refteàun
Phyficien que la contemplation,
& l’étude des Vfâges que la fa- ,

gelîè de Dieu tire de ce dife-


rent arrangement de la matiè-
re i & des Fins y
où fafageftè, êc
xvj PREFACE,
fa bonté conduifent toute cet-
te matière mûë par des mou-
vements fi difcordants. Tout
cela, pour conferver la natu-
re dans un état de confiften-
ce inaltérable : &c le tout pour
Je lervice de l’homme. Seroit-
ce renfermer un Philofôphe
dans des bornes étroites , que
de abandonner la contem-
lui
plation du mouvement des
Aftres, {ans lui permètre pour-
tant d’imaginer des Loix de
Mécanique par lefquelles il
,

prétendroit que la matière une


fois en mouvement , fe feroit
arrangée d’elle-même dans ce
bel ordre que nous voyons
,

dans les Cieux ï La raifon ne


connaît point ce prétendu mé-
canifme félon lequel , quel-
j

ques-uns veulent , que la ma-


tière en mouvement ‘dévoie
faire d’elle -même des tour-
F RB FACE. xvij
billons ,
des Aftres le Ciel ,
la Terre, les Plantes, les Ani-
maux, &c. Mais voici comm
la raifon penlè , & parle >

O ! Sageffe , ta Parole
Fit éclore l’V nivers j
P ofa fur un double Foie
La terre au milieu des Mers.
Tu dis. Et les deux parurent $
Et tous les oAjlres coururent
Fans leur ordre fe placer-
Alvant les Siècles tu régnes r
Et qui fuis -je } que tu daignes
Jufqud moite rabaijferl
M. Racine.

Ce Pliilofophe encore une


fois ,
n’auroit-il pas aflèz d’eC
pace pour donner carrière à
,
loi^ efprit , en lui cédant les
météores, l’air, la terre, la
mer, les minéraux, les plan-
tes y &L les animaux pour les
,
xviij PREFACE.
objets de fafpeculation >La gé-
nération des météores , des
minéraux, des plantes, des a-
nimaux i leurs divers états j
leur acroiffement ; leurs orga-
nes la maniéré dont ils pren-
j

nent leur nouriture s l’anato-


mie de ces chofes 5 la décou-
verte de ce qui les compofe j
enfin leur décompofition mê-
me tout ce qu’une exacte ana-
-,

lifeen peut tirer de fels, d’ef-


prits de fucs , de foufres, leurs
,

ulages enfin leur utilité , leurs


j

forces,leurs vertus, leurs facili-


tez ,
pour la fanté , & pour la
vie de l’homme tout cela n’eft-
5

ilpas fufifant, pour ocuper le


génie d’un nombre de Phyfî-
ciens incomparablement plus
grand qu’il n’eft ? Et aloiÿ la
Phyfique feroit utile à la focié-
té des hommes ,
èt les mène-
ront même à Dieu , par la né-
ceffite
PREFACE. xix
ceffité de reconnaitre ,
que la
matière ,
qui eft par tout la
même ,
n’a reçu ces différen-
tes qualitez , dont nous ti-
rons tant de fecours, que par
la diferente configuration que
,

l’Auteur de l'Univers lui a don-


née. Et c’effc ce que Cicéron ,
qui nous a donné de la vérita-
ble vertu les idées les plus bel-
les ,
les plus fublimes que la
,

fageffe païenne en a jamais


donnée, vouloit trouver dans
la fience naturelle. La vue
,
dit - il , du grand fpe&acle
de l’Univers nous élève à la
connaiflance de Dieu j d’où
la piété prend naiflance de ^

la piété a pour compagnes in-


féparables la juftice , de les au-
tres vertus qui conduifent à
,

la vie lieureuie. Quœ contuens


aîiimas , ab bis cognitio-
accipit
vcm Deorum ex qua oritur pie-
:

X
XX PREFACE,
tas cui conjuncta jufiitia ejl , rc-
liqua virtutes : ex quibus vita
beata exijlit. Cicero. de Uatur.
Peorum Lib. II. iV. 153.
S. Auguftin die à merveilles
la même chofe. Nous admirons
tous les jours , la beau-
dit-il ,

té du ciel > le cours


réglé des fi

aftres 5
l’éclat de la lumière j
la viciffitude perpétuelle des
jours, & des nuits 5 l’accroifle-
ment, &: le décroiflèment de
iaLune dans l’efpace de cha-
que mois les diverfes tem-
i

pératures des quatre faifons de


l'année, qui répondent à celles
des quatre élémens ; la vertu
merveilleufedes femences ,
dont chacune produit une ef-
pèce particulière , qui tou-
tes impriment à ce qu’elles
produifent » les vertus quelles
renferment ôc enfin tous ces
5

divers genres de chofes , que


PREFACE. xx}
HJnivers expofe à nos yeux, ôc
dont ch acune fait conferver ce
qui eft de fon eftence , 6c de
la nature. Mais il ne faut pas
regarder ces chofes-ld d'une vue
légère , & fuperficielle ,
qui n'ail-
le qu'a fatisfaire une vaine eu
riojîtè il faut qu elles nous fer-
:

vent de degré , pour nous élever


.vers ce qui efl immortel , qui &
fubffie éternellement. In quorum
confideratione non vana 6C ,

peritura curiofitas exercenda


eft, fedgradus ad immortalia,
êefemper permanentia facien-
dus. S. Augujl.. Lib. de Vera
Relig. cap. XXIX.
En
publiant la defeription ,
qu’on a faite des Curiofitez de
la nature de l’art , on
,
6c
eft demeuré dans les termes
qu’on preferit ici. On parle de
leurs vertus, &: de leurs pro-
priétez par raport à l’utilité
xxij PREFACE.
que les hommes en peuvent
tirer ,
pour la fanté , & pour la
vie. On ne prétend pas, que
tout ce qu’on y dit fur ces cho-
ies curieufes aportées des In-
des, nouveau. Il y a mê-
foit
me de ces curiofitez y
plufieurs
dont diferents Auteurs ont dé-
jà parlé. On raporte leurs fen-
timens. On les combat quel-
quefois: toujours fans aigreur,
& dans la feule vue de trou-
ver la vérité êc d’être utile
5

à la lociété des hommes. Ce-


pendant ceux qui liront ces
defcriptions, ne lailferont pas
d’y trouver un air de nouveau-
té ; parce qu’on y a joint des
obfervations , qui font alîîiré-
ment toutes nouvelles. Autant
de livres de Phyfiologie &,

de Cabinets imprimez autant,

de vûësdiférentes fur les mêmes


chofesjparceque chaque Phyli-
PREFACE xxiij
cien Te fait une idée, qui lui
eft propre ,
fur ce qu’il expli-
que. D’ailleurs l’un regarde
un objet par un côté ;
&cun au-
tre le confédéré par un autre
endroit : &
c’eft jugement en
publiant ces diférentes vues,
que diverfes perfonnes ont far
la même matière , que l’on
porte laPhyfique à fa perfec-
tion. Je voudrois bien pouvoir
contribuer quelque chofe du
mien au progrès- d’une Sien-
ce fi belle , &
fi utile aux hom-

mes. J’ai bonne intention ; c’eft


au Leéteur à juger, fi je lui ^ré-
fente quelque chofe- au-delà.
Aprobation de M. de Fontenelle
de l'Académie Françoife.

’AY lu ce Manufcrit par* ordre


J de Monfeigneur le Chancelier , &:
je n’y ay rien trouvé qui en doive
empêcher l’Impreffion. Fait à Paris
ce 15. Janvier 1703.

Signé Fontenelle.

PRIVILEGE DV ROT.
OUIS par la grâce de Dieu Roy de

L France & de Navarre A nos amez


féaux Confeillers , les Gens tenans nos-
: &
Cours de Parlemens Maîtres des Requêtes
,

Ordinaires de nôtre Hôtel Grand- Confeil,


,

Prévôt de Paris ,
Baillifs, Sénéchaux ,
leur
lieütenans Civils ,
& autres nos Jufticiers ,

qu*ii appartiendra Salut. Jean Moreau


,

Imprimeur & Libraire à Paris Nous ayant ,

fait fupplier de accorder nos Lettres de


lu:
Privilège, pour l’impreflîon d’un Manufcrit
qui a pour titre , Cttriofitel^ de Nature U
& de l’Art , découvertes dans deux Voyages
des Indes ,
Vun aux Indes d’Occident en
165,8. & 165$. l'autre aux Indes d'Orient
en 1701. <& ïf oi.avee une Relation abrégée de
ces Voyages. Nous lui avons permis & accor^
dé , permettons & accordons par ces Prefen-
tes d’imprimer ou faire imprimer ledit Livre
en telle forme marge caraélere 8c autant
, ,

de fois bon luy lui fcmblera pendant 1 O


temps de cinq années confecutives ,
compter du jour de la datte des Prefentes,
& de le vendre ou faire vendre dillribuer &
par tout notre Royaume Faifant défen- ;

Les à tous Libraires ,


Imprimeurs & autres,
dans la Ville de Paris feulement, de l’im-
primer faire imprimer vendre ny débiter
, ,

ou autrement fans le çonfentement de l’Ex-


,

pofant ou de fes ayans caufe , à peine de con-


nfcaiion desExemplaires contrefaits, de mil?
Je livres d’amende contre chacun des con^
trevenans ,
appliquable un tiers à Nous , un
tiers à PHôtel-Dieu de Paris, l’autre tiers au-
dit Expofant, 8c de tous dépens ,
dommages
oc interdis ;
à la charge de mettre, avant de
l’expofer en vente ,
deux Exemplaires en no-
tre Bibliothèque publique , un autrs dans le
Cabinet des Livres de notre Château du Lou-
vre , &
un en celle de notre très- cher 8c féal
Chevalier Chancelier de France le SieurPhe-
Jypeaux Comte de Pontchartrain, Comman-
deur de nos Ordres , de faire imprimer ledit
Livre dans nôtre Royaume & non ailleurs ,
en beaux cara£leres&papier,fuivant ce qui eft
porté par les Reglefcnens des années 1618. 8c
1686. & de faire enregiftrer les Prefentes és
Regiflres de la Communauté des Libraires
de notre bonne Ville de Paris ,
le tout â peine
üe nuHité d’icelles du contenu defquelles

Nous vous mandons & enjoignons de faire


jouir PExpofant ou Tes ayons caufe, pleine-
ment & paifïblement,£cfTant & faifant ceffer
tous troubles & cmpêchemens contraires.
Voulons que la copie defdites Prefentes qui
fera imprimée au commencement ou à la fin
dudit Livre foit tenue pour duémcut fî gnij
,

fiée , &
qu’aux copies collationées par l’un
de nos amez & féaux Confeiilers Jk Secré-
taires ,
foy foit ajoutée comme à l’Original :
Commandons au premier notr^ Huifîler ou
Sergent de faire pour l’execution des Pre-
fentes toutes lignifications, dcfenfes ,
failles,

& autres aéfes requis & necefTaires fans de- ,

mander autre permiflion & nonobftant cla- ,

meur de Haro , Chartre Normande , & LeD-


tres à ce contraires : C a r tel efl notre plai-
fr. Donne’ à Ver failles le 2 r. jour dejanvier
l’an de grâce mil feptcens trois ,
& de notre
Pvegne le foixantiéme. Par le Roy en fon
Confeil ,
Le b £ it.

Regiflréfur le Livre de la Communauté des


Imprimeurs &
Libraires de Paris conformément
aux Reglemens.
«Signé, P. Trabouillet, Sindic .

RELATION
«si

RELATION,
ABREGEE
DE DEUX VOYAGES
aux Indes 5 Pun aux In-
faits
des d'Occident 5 & Pautre
aux Indes d’Qrient,

E partis de îa Rochelle
en 1 698. au mois de Sep-
tembre pour les Mes de
Caienne , de la Martini-
que, 3c de la Guadeloupe.
J’arrivai à Caienner, le 4. de Dé-
cembre de la même année , où je
fejournai 4. mois.
Au mois de Mars 165)9. nous
partîmes de Caienne , & nous al-
lâmes mouiller au bout de huit jours
au Fort de S. Pierre de la Martinique*
% Relation abrtgée
Au commencement du mois de
Mai nous alâmes à la Guadeloupe
en deux jours.
Sur de Juillet nous mîmes
la fin
à la voilepour l’Europe ; nous &
arrivâmes en France au mois de Sep*
tembre 1699 .
Il n’y a point d’événemens dans

ce voyage, qui méritent qu’on en in-


forme le Public. Et de parler de la
manœuvre de notre V ailïeau , des
coups de vent , des grains , des ou*
ragans , de nos craintes 8c des ma-
ladies de ces Mes ; ce font des cho-
fes qui n’interelfent pas allez un
Leéteur par elles-mêmes 8c je n ai;

pas d'ailleurs le talent de faire va^


loir , 8c de rendre agréables ces mi-
nuties en les racontant joliment. Tout
ce que j’en dirai , c’eft que je m’y
fuis toujours apliqué à étudier les
maux de nos hialades , 8c les difé-
rentes curiofitez que la nature pré-
fente dans ce nouveau monde. Et
comme Caienne n’eft féparée de la
terre ferme ,
que par une rivjere ,
j’étois fouvent parmi les G alibis ,
ç’eft-à-dire^ les Sauvages de ce quai*
de dm*Voyages faits aux Indes.
5
tier-là ,
qui aiment
les François plus
qu’aucune autre nation de l'Europe*
J’ai eu occafion de voir parmi eux
& dans la terre ferme , beaucoup de
chofes très-curieufes ,
qu’011 ne trou-
ve point aux Ilîes. J ai apporté de la
Guadeloupe ce beau fouffire tranf-
parent ,
3c jaune comme l’ambre ,
qu’on trouve en quantité à la fa-
meule montagne de la Soufrière 3
vers les embouchures de ce terrible
Volcan, qui vomit inceflamment
des flammes épouvantables.
Je n’ai point fait de ce Soufre un
article. J’en laifle la defcription à nos
Chimiftes Métalliques de Paris , qui
en font fort curieux , &
qui le cher-
chent avec un admirable emprelle-
ment ; perfuadez qu’ils font , qu’il
eft bon pour changer la Lune en
Soleil. J’ai parlé dans des articles
particuliers de ce qui m’a paru en
ce pays-là , digne de h curiofité du
Public.
En 1701. je partis de Paris au
mois de Décembre , afin de me ren-
dre au Port-Louis , pour le Voya-
ge des Indes d’Orient.
^ Relation abregee
Je reçus vers la fin de Janvier
une Lettre de M. F Abbé de Valle^
mont ,
où il me follicite d'étudier
foigneufement la nature dans l’O-
rient, & d’en confiderer fur tout
les trois règnes, dont la Médecine ti-
re tant de fecours pour la guérifon
des maladies fans nombre ,
qui afli-
gent les hommes.
Je faits part de cette Lettre au
Public , à qui je croirois rendre un
mauvais ofice , fl je retenois dans le
fecret une piece pleine de curiofité*
Hç d’érudition.
i

i
LETTRE
DE M. L’ABBE
DE VALLEMONT,

M O NSI EUR,

Ce n’eft donc pas allez pour


d’avoir vû le nouveau
vous
monde , &: d’avoir promené
votre curiolîté fur tout ce que
la nature produit de plus rare
dans la Caienne dans la Mar-
,

tinique ôc dans la Guadelou-


,

pe ,
ces belles Ules de l’ Amé-
rique vous voici tout prêt à
:

vous expofer aux hafards d’u-


ne navigation plus longue , &
£ Lettre de 2vl. F Abbe
plus pénible, A peine êtes- vous
de retour des Indes Occiden-
tales ,
que vous allez vous em-
barquer pour les Indes d’O-
rient. Ne pouvez- vous pas vous
contenter d’avoir vû le nou-
veau monde ; ce vafte pays
qui a été inconnu à tout ce qu’il
y a eu d’hommes dans l’Euro-
pe , dans l’Afîe & dans l’Afri-
que depuis Adam, jufqu’en l’an
3497. que Americ Vefpuce
reconnût cette quatrième par-
tie du monde qu’il nomma de
,
Ion nom Amérique.
C’eft donc aux Indes d’O-
rient , que vous en voulez pre-
fentement. Ainfi de fang froid
vous allez renoncer pour Ex
mois à être animal terreftre 3 6c
--durant ce tems-là vous ne lo-
gerez que dans une Maifon flo-
tante , &. fur des Mers fameu-
fes par d’infinis naufrages , où
de V'allemont. *j

tant d’hommes , ce me femble


peu fenfez ont péri. N’y a-t-il
pas allez de genres de mort
fur terre
,
fans en aller cher-
cher un nouveau fur mer ? Le
vieux Caton T qui étoit fi lâge
avoit-il de mettre parmi
tort
les choies dont il fe repentoit
la fotife qu’il avoit faite d’aller
pur eau ,
où il pouvoir
aller par
terre ? nôtre cher Horace
Si
vous avoit vû de retour de i’A-
merique , Sc vous préparer tout
de nouveau pour un autre
voyage de mer de fîx mille
lieües,il vous auroit répréfent é
dans- quelqu’une de fes Odes,
comme un homme ennivré
de l’eau de ce fleuve de Thra-
ce qui pétrifîoit ceux qui ers
bûvoiënt ; ou du moins comme
un homme, dont le cœur feroit
envelopédansuti triple airain.

/A iüj
& Lettre de M. l' Abbé
Jllirobnr , G" as triplex
Cirea peElus erat qui fragilem truci
Commifit pelago ratem
Primus. -

Comme tous les hommes


n’ont pas la tête faite l’une
comme l’autre, vous trouve-
rez des gens qui vous aplau-
,
diront fur votre nouvel em-
barquement. L’Empereur Tra-
jan vous auroit porté envie. Ce
Prince avoit une grande idée
des pays Orientaux. 11 croyoic
ces régions, où le Soleil fe lève,
plus privilégiées que le refte
de la terre. U regardoit les In-
des comme le lieu , où la na-
ture avoit répandu plus libéra-
lement fes bienfaits &penfoit
5

que c’étoit là qu’elle faifoitfes


plus rares ,
& fes plus précieux
ouvrages. Un jour qu’il voyoic
partir quelques VaiiTeaux pour
de Vallemont. 9
l’Orient ne pût s’empêcher
,
il

de fe récrier Plut au ciel que


.*

mon âge, ma fanté > &mes afai-


re s me puffent permettre d'être

de ce voyage ! Utinam verô mi-


hi, êc otium , _6c vita êt ætas
fuppeteret !

Allez donc, Moniteur , con-


templer la nature dans l’O-
rient, après l’avoir étudiée dans
l’Occident. Vous êtes curieux >
vous êtes jeune ; vous avez
de la fanté 5 6c par deflus touC
cela vous êtes libre 5
6c la di-
vine Providence ne vous a pas
encore attaché à un état , qui
vous puifle empêcher de fuivre
l’inclination que vous avez de
voir ,
fi tout ce qu’on- dit de
l’Orient eft au deflus , ou au
defîous de ce que vous avez vu
dans l’Occident. Je compte
bien que vous n’oublîrez pas
de parcourir là les trois règnes
io
de la nature
Lettre de M l'Abbè
,
d’en obfèrver les
fingularitez, &: de faire une
bonne récolte de ce qu’el-
le produit de plus digne d’at-
fention dans le règne des Mi-
néraux dans le règne des
,
V égétaux
,
dans le règne des
Animaux.Quand vous ferez fur
les lieux , tout ce qui eft terre,

pierre , marcafite , métail , bi-


tume fec , ou liquide , tout ce-
la eftdu règne des Minéraux,
&: fait partie de vôtre étude.
Les femences-, les feuilles , les
fleurs ,
les fruits ,
les moufles ,
les plantes , les arbuftes, les
arbres , les écorces , les bois,
les racines ,
les gommes , les
baumes , les huiles , tout cela
apartient au règne des. Végé-
taux, & eft un champ, où il
faut moiiïbnner. Enfin les mou-
cherons, les mouches ,les in-
fectes ,
les ferpencs , les poif-
de Vallemonî. rî
Ions , les oifeaux , les bêtes à 4
pieds, l’homme même félon
Je corps, tout cela eft de la
Jurifdiction du règne des Ani-
maux, & eft de vôtre compé-
tence. Ainfi les chairs , les os
les os pierreux , ou les pierres
©flèufès, les bézoards ,
la graif-

fe , la mumie , les peaux ,


les
cornes, les ongles, la cervel-
le, les dents, &c. doivent être
les objets de vôtre curiofîté s
& de vôtre recherche. La mer*
outre les poiflbns de tant d’efi-
pèces ,
renferme dans fon vafte
fein des merveilles ,
& des ri-

chefTes infinies , qui méritent


beaucoup d’attention. Il y a les
Plantes marines , les Litophi-
tons, les Coquillages, les Per-
les , le Corail P A mbre , le Co-
,

rolloidés ,
les Madrépores 9

Sec. Voilà de quoi vous occu--


per.
Il Lettre de M. l'Abbè
Au relie croiriez- vous qu’il

y a d’habiles gens, qui ne font


pas grand cas de toutes ces
drogues des Indes , qui vou- &
draient qu’elles ne fuflèntque
pour les Orientaux fous le ciel
& dans le pays defquels la na-
ture les produit 5 & que nous
autres Occidentaux nous de-
vrions nous contenter de ce
que cette mere fi fage fait ici
pour nous. Je parle très-férieu-
lèment. Pline , je dis Pline l’an-
cien , un des plus avifez mor-
tels qui Ment de fon temps ;
enfin ce Pline ficélèbre fi
,
&
favant dans les choies naturel-
les , déchaîné contre
s elt fort
les drogues des Indes. Il pré-
tendoit qu’il ne falloit point
de boutiques d’Apoticaires
j
car enfin , diloit-il il n’y a
,

point de Villageois, qui n’ait


devant la porte de fa majfon
de Vallemont, 13
une boutique de remedes eflen-
tiels dans les plantes que la na-
ture y fait croître. Le voici lui-
même qui va s’expliquer. Fran-
chement, dit-il ,
la terre j où.
nous naillons produit tous les
,

remedes , dont nous avons be-


fbin , pour rétablir , ou con-
ferver nôtre fanté. Ces reme-
des font {Impies , faciles à trou-
ver, 6c coûtent peu. Mais il
efl: fiirvenu des hommes rufez

qui ont voulu profiter de la cré-


dulité des {Impies , & de la
foiblefle des malades. Il s’eft
élevé des Vendeurs de dro-
gues , 8c on a frauduleufement
ouvert des Boutiques , où l’on
>romet de vendre la fanté ,6c
Îa vie aux hommes. C’eft là
qu’on vante des mélanges, 6c
des compofitions , dont ces
Charlatans auroient bien de la
peine à rendre raifon. Enfui-
14 Lettre deM. l'Abbè
te on a venir des drogues
fait

de l’Arabie , &
des Indes &: :

pour guérir une petite plaie


,on aplique , avec un férieux
admirable } des drogues apor-
tées , dit-on, duvoilînage delà
Mer Rouge.Cependant les vé-
ritablesremèdes font ceux que
chaquePayfan peut trouver de-
vant fa cabane Nous n’a-
vons donc pas befoin des dro-
gues de l’Arabie de l’Inde.
La nature ne les a pas produites
Il loin de nous pour nôtre ufa-
ge. Elle les a placées là pour
ceux du pays. Et ce que les
Marchands Arabes , ou In-
diens nous vendent ,
n’eft pas
même bon pour eux j car ils

ne nous vendroient pas. Ex


le
terra nafeentibus nata medicina:
hœc fola naturœ placuerat ejje
remedia , parafa vulgo , inventa
facilia , &fine impendio , ex,
de Valîemont. iq
quihus vivimus. Poflea fraudes
hominum , &
ingeniorum captu-
ra 3 officinas invencre ,
quibus
fua cuique homini venalis pro-
ponitur vita. Statim compojitio-
nes , &
mifiura inexplicables
decantantur. Arabia 3 -atque In-
dia in medio aflimantur , ulceri-
que parvo medicina à rubro ma-
ri imponipur , cum remédia
vera pauperrimus quifque ca-
net. Hift. Nat. Lib. xxiv. cap.
I. .... Nos nec Indicarum
, A-

rabicarumque mercium , aut ex-


terni orbis attingimus medicinas.
Non placent remediis tam longe
nafccntia : non nobis gignuntur:
imà ne illis quidem j alioquin
non venderent. Lib.xxii. cap. 14.
Ce lavant Romain donne
une excélente rai fon de cette
fantailîe des hommes
,
qui pré-
fèrent des drogues inconnues
qu’on aporte des extrémité?,
l6 Lettre de M. V Abbé
du monde, à celles que nous
connaiflons chez nous , &donc
on pourroit fi bien fe contenter.
Tel eft, dit-il, le génie des hom-
mes qui ne trouvent ni poin-
te , ni agrément dans ce qu’-
ils poftedent , &
qui coûte peu*
pendant qu’ils font toujours a-
vides de ce qu’ils ne peuvent
avoir qu’avec beaucoup de pei-
ne Tanta mortalibus rerum
:

fuarum fatietas eft , &


aliena-
rurn aviditas. Lib. xii. ca.ÿ. 17
Ces paroles font belles 1
Ceft fur cette idée-là que
Beverovicius en 1643. entre-
prit de montrer qu’il croifloit
en Hollande toutes les plan-
tes èc les médicaments* né-
,

ceflaires pour les Habitansdu


pays. L’ouvrage porte pour ti-
tre, AYTAPKÉIA BATA-
VlÆ, Et ce petit livre a eu
beaucoup de partifans de con-
fidéradon
de Vallemont. 17
iîdération , qui l’ont merveil-
leufement fait valoir. Maisaufli
ne faut-il pas diffimuler , que
de grands hommes fè font
foûlevez contre le Siftême de
Beverovicius , & ont démon-
tré que Plineà qui la vie ré-
>

glée avoit fait une lanté ad-


mirable , en vouloit beaucoup
aux Médecins. C’étoit un hom-
me d’une tempérance très-
parfaite ; & ceux qui vivent
,
de la forte n’ont que faire
,

ni de drogues , ni de Méde-
cins. Primerofe Médecin Fran-
çois »
qui faifoit la Medecine
en Angleterre avec beaucoup
de réputation , dit fort agréa-
blement dans ion Livre de KuU
gi erroribus > que l intempéran-
ce ejl la meurtrière des hommes

df ld nourrice des Médecins,


Ce Primerofe dans ce même
livre , que je viens de cirer ;
î£ Lettre de M. / Abbé
combat favamment l’opinion
de Pline fur les drogues é-
trangeres , &
renverfe fans ref-
lource le Siftême de Bevero-
vicius. Il dit fort judicieufè-
ment que Dieu a voulu qu’il
y eût un lien de /bciété en-
tre tous les hommes que c’eft
;

pour cela que chaque pays a


des dons , & des avantages
qui lui font propres , & que le
commerce , & la navigation
tendent communs aux régions
qui ne les ont pas. Pourquoi
voudroit-on que ce que l’Au-
teur de la nature a créé de
de bon dans un pays , quel-
quefois inhabité , ne pût être
communiqué aux autres Vou- >

droit-on laiflèr l’ulàge du fu-


cre, qui eft fi agréable Sc fi
falutaire,aux feules régions où
croiflènt les cannes ,
d’où on
exprime ce précieux fel fi bal-
de Vallemont. ip
famique ? Vantons tant qu’il
nous plaira la Sauge de nos jar?
dinsjétonnons nous avec toute
l’Ecole de Saleçne , de^ce qu’on
ne laide pas de mourir avec
un iecoürs fipuiflànt pour dé-
fendre la vie.
Car moriatur homo 9 cm falvia cref*
cit in horto ?
Salvia falvatrix >
naîarœ conciliatrix^

Publions que les Chinois, qui


n’en ont point , donnent pour
une livre de Sauge trois livres
de leur Thé. H faut pourtant
reconnaître de bonne foi que ,

le Thé l’emporte infiniment


au deOTus de la Sauge. Ce n’eft
point un préjugé en faveur
des chofes étrangères. C’ell
une vérité au fit îumineufe r
que rayons du Soleil ; que
les
le Thé e£ï d’une excélence ,
qui ne le laifièra jamais avilir.
Outre qu’il elt d’une odeur
10 Lettre de M. P Abbé
infiniment plus agréable que
notre Sauge > c’eft qu’il eft en-
core un merveilleux fpécifï-
que ,
po^ir réjouir
, récréer &
les efprits abat les vapeurs $
; il

11 empêche raflbupiflement î
il fortifie le cœur ,
& le cer-
veau répare l’épuifement
-
y
il

des forces après une longue


& pénible étude j il aide à la
digeftion j il excite l’urine -, il
purifie le fang 5 & eft un ex-
célent remède contre le Scor-
but. Confentirons-nous qu’on
nous interdife l’ufage du Kin-
qaina $ ce puiflànt fébrifuge »
cette précieufe écorce qui eft
reconnue préfèntement > pour
un fpécifîque immanquable
contre les fievres
intermitten-
tes? Il faudroit être bien en-
nemi du genre humain pour ,

nous arracher de lî grands fe-


cours. Pline auroic bien chan«
de Vailemont. zT
gé de langage de Ton tems
,
fi

l’Amerique avoic été connue >


& qu'on en eût aporté non-
feulement le Kinquina > mais
encore Y Jpècacuanha , cette
petite racine
,
qui eft un fpé-
cifique ailure contre la diflèn-
terie , 8c contre les autres
cours de ventre. Nous fommes
redevables à la libéralité du
Roy de la connaifiànce de ce
précieux remède , dont M.
Helvétius faifôitun grand fe-
cret. Sa Majefté a eu la bon-
té .de l’acheter , & de le ren-
dre public. On a firapé pour
de moindres confidérations
des Médailles à l’honneur de
Trajan , 8c de plufieurs autres
Empereurs Romains, avec ces
fiaceufes inferiptions : S alu s
fublica :Salus zcneris humant.
Ils avoient moins fait que
Louis l £ Gkanp pour la
22 Lettre de M. l’Abbé
fanté, 6c la confervation de
leurs Sujets.
Mais que dirons- nous de la
fameufe plante , que nous ne
connaiflons, que depuis la dé-
couverte de l’ Amérique , 6c
qui eft devenuë les délices dei
trois parties de l’ancien mon-
de ? Vous devinez déjà que
je veux vous parler de ce mi-
racle dans le règne des Vé-
gétaux, 6c que les Américains
nomment Petun , les Efpagnols
Tabac , êc les François Nico-
tienne , à caufe de Tricot , Am-
bafladeur en Portugal , qui à
fôn retour l’aporta en Fran-
ce. Il en faut parler dignes
ment ; car enfin il ne fut ja-
mais de plante à laquelle tant
de gens , 6c de toutes les con-
ditions, aient pris plus d’inté-
rêt. Je n’ignore pas qu’elle a
des adverfaires. L’Abbé Nif-.
de V
aile mont. 25
feno , Elpagnol, die froidement
que c’eft le démon qui a pris
loin de faire palier le Tabac
de l’Amérique en Efpagne, Sc
de là dans le refte du monde s

Tabaci planta dœmonis follici-


tadîne ex Jndiis in Hifpanias 3

aliafque mandi fuperioris oras


invefla videtur. Politic. Cœlo-
ram part. 1 . Pib. 3. cap. 5. Dans
la belle & fa vante Thèie de
Médecine , qui fut loûtenue
à Paris en 1695?. où l’on agi-
ra cette importante queftion j;
lavoir,, Si le fréquent afage du
Tabac abrège la vie Meilleurs -

les Médecins de la Faculté ,


à la tête de laquelle étoit l’il-
luftreM. Fagon prémier Mé-
,

decin du Roy, y difent beau-


coup de mal du Tabac. On
le répréfente comme un mont
îre de la nature, qui eft plus
dangereux 5 & même plus fa»
,
*4 Lettre de' TA. I' -Abbé
tal à la vis ,
que la Mandra-
gore, dont la Magicienne Cir-
cé compofoit Tes maléfices ; 8c
dont la racine lui pour
fervoit
,

abrutir les hommes , 8c pour


s’en faire aimer éperduëment.
On ajoute que le Tabac eft
plus narcotique , 8c plus meur-
trier que le furieux Solarium.
Quoi Ce
j Solarium y fi fameux
parles pernicieux efets, donc
une feule drachme,lelonThéo-
phrafte ,
defiecheroit tout le
flegme du plus grave Philo-
fophe , 8c en feroit un bou-
fon , &
un écervelé Deux !

drachmes fufifent , pour mé-


tamorphofer le plus fage des
hommes en un fou furieux.
Trois drachmes jettent dans
une frénéfie incurable 8c qua- :

tre drachmes metroient au


tombeau le plus vigoureux por-
te-faix de Paris. Ou va encore
de VaUemont
plus loin. On déclare que le
Tabac eft plus infâme que le
Stramonium , fi reconnu par la
faculté qu’il a d’éteindre les
lumières de la raifon d’a- &
lumer dans les hommes les
plus horribles pallions fî &
5

décrié, que des Savants* ont


cru , qu’il eft l’abominable
Hippomanes de Tbéocrite.
Ce n eft pas encore tout :
On range le Tabac fans roi.
fericorde , à caufe de fon ve-
nin, dit-on , à la lugubre fa-
mille des Pavots <k. des So-
,

lanums , li redoutables par le


fommeil mortel qu’ils caufent , *

& qui ferme pour jamais la


paupière aux hommes. Enfin
pour dernier trait , on fait ve-
nir le Tabac de compagnie
dans le même VaifTeau qui
,
apbrta à Naples le mal lion-
* Aloyfîus Anguillara,

c
iG Lettre de ]\d. Abbe /’

teux, dont la Juftice de Dieu


punit dès ce monde l’incon-
tinence des hommes. Mais a-
près tout erairiez-vous qu’on
ne prétend par cette vive &
longue déclamation que con- ,

damner l’abus, & le trop fré-


quent ufage du Tabac ! Ces
Meilleurs le rabattent là ,
ne
veulent rien davantage. En
éfet ,
on reconnaît volontiers
dans’ la Thèfe que Tabacle

purge la pituite , ce-funefte ma-

gazin des fluxions qu il eft >

contre l’afthme la
excélent ,

toux , ôc le catharre 5
parce
qu’il dégage le poumon
de
cette pituite vifqueufe , qui
for-

me ces maux diférents. Ona-


joûte qu’il eft: merveilleux con-
tre le cruel mal des dents.
On
l’honneur [de le com-
lui fait
parer au célébré Népenthès
d’Homére qui a la vertu de
,
dç> Vallefaont.
\j
charmer les ennuis 8c les cha- ,

grins de la vie on dit que la


j

fumée du Tabac par un agréa-


ble étourdifiement émouffe la
délicate lènfibilité des nerfs
,
& l’incommode vivacité del’ef
prit j diffipe les fantômes de la
triltefle, 8c de la mélancolies
ôc que ne prëfentant à l’imagi-
nation que des objets plaçants
8c gaillards^! fait qu’un miféra-
ble Theriîte ,
affis fur un fu-
mier avec fa pipe allumée > fe
berce dans les fîateufes pen-
fées , bâtit des Châteaux en
Elpagne , 8c fe croit un Roy fur
fbn Trône.
Enfin on y avoue que le Ta-
bac ell: un Ipécifique fouverain
contre les vieilles plaies. En
voila trop. Quand on n’auroit
tiréde la découverte de l’A-
merique que la connaiflance
,

de cette divine plante peut- ,


2S Lettre de M. l'^Abbé
on jamais allez fe féliciter fur
les biens qui nous en revien-
nent ? Quant
à la maladie in-
fâme qu’on dit être venue des
,

Indes Occidentales avec le Ta-


bac j c’eft un fait dont tout le
monde ne convient pas. C’eft
une fuppolîtion qu’il feroit ai-
le de détruire. Herrera , lî lin-
cere qu’il n’épargne pas la na-
tion ,
dit formellement ,
que
les Espagnols ont porté la'Vèro-
le au Mexique } bien loin de l'y

avoir prife.
Galien attentif à perfec-

tionner la Médecine, à choi-


iîrles meilleurs remedes, a re-
connu par plu fieurs expérien-
ne pouvoir pas le palier
ces.qu’il
des drogues étrangères, &: qu’il
employoit utilement pour fes
malades la Terre de Lemnos,
le Per-
je Dictame de Crète ,

iilclê Macédoine ,
& tant d’au.
de Vallem.ont. uj
très choies qui n’ont point la
,

même vertu ,
6c la même éfx-
cace ,
quand on les cultive en
Italie. Il dit polîtivement que
l’Iris de la Libie effc auffi difé-
rent de celui de l’Illirie qu’un
,

corps mort eft diférent d’un


cdrps vivant. L’Iris de la Li-
bie n’a nulle odeur. Au con-
traire l’Iris de l’Illirie eft d’un
goût agréable 6c d’une odeur
charmante. Il ne faut donc pas
fi fort le déchaîner contre cer-

tain choix de drogues. Tant


qu’il
y aura du bon goût parmi
les hommes, on boira en France
des vins du Rhin * 6c de la
Mofelle, des vins d’Efpagne ,
de Madère , des Canaries de ,

faintLaurent 5 6c tant qu’il


y
aura des malades , 6c des Mé-
decins bien fenfez , on em-
ploya dans la Médecine le Sé-
né d’Orient , l’Iris de Floren-
C iij
jo Lettre de M. l' Abbc
ce, l’Angélique d’Efpagne, le
Bitume de Judée , le Stæcas
Arabie , le Maftic de Chio ,
la Manne de Calabre, la Té-
rèbentine deChipre, la Rhu-
barbe de la Chine, ôte. Vous
connaiflèz, Monfieur, ce que
la Médecine tire des Indes
d’Occident, d’où vous ne fai-
tes prefque que d’arriver allez :

maintenant aux Indes d’O-


rient , pour y reconnaître tant
de belles , &
excélentes cho-
fes ,
qui font la richefle ,
êt
l’ornement des Cabinets des
Curieux, ôt le fond de nos
remèdes -les plus certains. La
nature ,
qui connait la beau-
té ,
ôt l’excélence de fes ou-
vrages ,
ne nous a pas donné
fans deflein un efprit curieux.
Elle nous a faits de la forte ,
pour être les Ipectateurs des
merveilles, qu’elle étale fur la
de Vallemont. $t
face de l’Univers. Elle perdroit
tout le fruit de les travaux , fi

tant de productions fi éclatan-


tes , 6c fi ingenieufement or-
nées ne fervoient de fpectacle
qu’aux arbres , &aux rochers.
La nature , dit Sénèque , veut
des fp éclateurs 6c même des
,

admirateurs. En peut-on dou-


ter , quand on confidére de
quelle figure , 6c de quelle ma-
niéré elle nous a formez. Elle
nous a fait droits , 6c nous a
mis la tête vers le Ciel , afin
'que nous portions nos yeux ,
6c nôtre contemplation , non-
feulement fur la terre , 6c fur la
mer, mais encore jufque dans
ces Globes immenfes qui rou-
lent au deflfus du monde élé-
mentaire. Et ut feias Naturam
fpeciari voluijje , non tantàm
afpiciyVide quem vobis locum de-
derit. Senec. débrio. Sap cap. 32 .
C iiij
Jî Lettre de Ivt- l^Abbè
Cette étude de la nature
outre qu’elle rend une perfon-
ne de vôtre profeflîon utile à
la fociété, elle eft encore très-
propre à former les mœurs î
à polir l’efprit , à rendre le
cœur droit, & à conduire l’hom-
me à la vertu. Celui, dit Phi-
Ion le Juif, qui contemple l’or-
dre merveilleux de la nature,
& ces inviolables loix 5 d’où
les Elemens ,
8e les Corps ce-
leftes tirent leur mouvement,
8e leur fubordination 5
qui re-
tiennent l’Univers dans fon é-
tat de confidence , 8c que le
tems qui ufe tout , relpede é-
ternelLement Oui celui qui
: !

confidére cette divine Répu-


blique , formée de l’union du
ciel, 8e de la terre, n’a pas
befoin de maître , pour apren-
dre à vivre dans une innocen-
te paix , à fe foumèttre aux
de Valiénant. 33
loix de la Religion , & à le
conformer à la police de l’é-
tat. JtJne fi parfaite harmonie ,
entre toutes les parties de l’U-
nivers , eft un excèlent exem-
plaire par lequel il fera por-
té à regler les pallions fur le
niveau de fa railon &c de l’é—
qui té.Quifquis Naturœ ordinem
contemplatur, & eximiam quam-
dam hujus mandi Rempublicam ,

vel Ji lenti bus prœceptoribus , dif-


cit fub legibus , &
in pace vi-
vere , componere fe ad exemplar
pulcherrimum. Philo de Abrah,
N’oubliez pas ; Moniteur ,
de confîdeter non- feulement
les moeurs , &
les ufages des A-

lîatiques ; mais encore leur in-


duftrie ,
&. leurs connailTances
dans les arts utiles à la vie.
Vous ne trouverez pas lî
les
greffiers , &; li barbares , que
plulîeurs gens le penfent ici }
34 Lettre de M. l'Abbè
& qui s’imaginent que les hom-
mes n’ont de & de la
l’efprit,
politeflè qu’en
France , (k en
Europe. Vous n’y rencontre-
rez pas beaucoup de Méde-
cins 5
car comme les Afiati-
ques font fort tempérants ils
,
font peu malades, les Mé- &
decins n’ont guere à faire a-
vec eux. Il n’y a pas même fort
long-tems , qu’il
y a des Mé-
decins parmi les Turcs les In-
,

diens, les Chinois


,
& les Mof-
covites 5
parce que ces nations
gardent beaucoup de modé-
ration dans t’ufàge du boire Se
,

du manger.
Vous trouverez tous ces Mé-
decins fort atachez aux remè-
des iîmples 5 ils ne s’amufent
point à ces magnifiques com-
pofitions, que le peuple efti-
me tant en Europe que les,
fk.

Savants méprifent également.


de Vallemont. 35
Qu’ils ont de raifon ! Qui peut
nous répondre , que ces foi-
xante Ingrédients , pour exem-
ple , qui encrent dans la com-
pofition de la Thériaque, ne
le font pas dans ce pompeux
1

mélange , une guerre irrécon-


ciliable ?Mais nous dira-t-on J
tout ce qui entre dans cette
fameufe compofition , eft bon,
& même excélent. Qui le
fait ? Et parmi les vertus qu’on
leur atribuë, n’y a-t-il pas de
mauvaifes qualitez ? M. Boy le
fait une eftime toute fingulie-
re d’un manuferit Arabe, qu’un
étranger lui préfenta', dans
lequel l’Auteur expofoit avec
beaucoup de loin les bonnes
6e les mauvaifes qualitez des
médicaments donc il parloit.
Cette conduite eft bien judi-
cieufe , dit M. Boyle car en- :

fin n’y a-t-il point à craindre }


3 5 Lettre de M. l'Abbè
j
i]u entre tous ces Ingrédients
,
qui compofentces fuperbes re-
mèdes, il n’y ait quelque dro-
gue où il fe trouve une qualité
,

contraire aux viiës du Méde-


cin ? De ce mélange confus ne
peut-il pas le faire une fermen-
tation inconnue, & qui réveil-
Jera dans ces drogues diferen-
tes un levain dangereux qui
,

droit alfoupi Et lî l’ufage d’un


?

remède lî compole ne cau-


fe pas une nouvelle maladie,
n’y a-t-il point à foupçonner
qu’il dévelopera dans le mala-
de ,
une matière ennemie qui
,
etoit concentrée qu’un-remè-
,
de lîmple auroit atténuée 6c
,
qu’une drogue inutile & fur- ,

numeraire pourra irriter 6c ,

déchaîner Quand bien mê-


?

me on fauroit exactement que


toutes ces drogues étrangères
.& pour la plupart très-jneoa-
de Vœllemont. 3 j
îîuè's,feroienc innocentes , 8cla-
ltitaires 5
on ne doit pas être
encore en repos. M. Boyle dans
fès lavantes expériences, a fait
voir tant de fois que de plu-
fîeurs chofes bonnes , & mê-
mes excèlentes mifes enfem-
ble, il s’en fait un mélange très-
mauvais , & pernicieux. On
connait peu la nature des Mi-
néraux, des Végétaux, des &
Animaux 8c il faudroit que le
;

quart de ce qu’il y a de bons


efprits dans le monde,, travail-
lât un fieclepar l’Analife des
Chimiftes fur la matière mé-
dicale, pour
y connaître quel-
que chofe , qui nous pût rallii-
rer dans l’ulage de ces remè-
des orgüeilleulêment compo-
fez. Ainll plus un remède eft
fimple , & moins il eft dange-
reux. Et cela eft fondé fur u-
ne belle parole de Galien ,que
38 Lettre de PL. l' Abbè
je vous prie de regarder, com-
me un des plus précieux Ora-
cles, qui nousfoient venus des
grands hommes Perfonne ne
:

fait, dit-il, yè fervir en homme


de bien d'un remède compofè , s'il
ne connait auparavant exacte-
ment les vertus des drogues Jïm-
ples qui le compofent : In uni-
verfùm nerao probe uti polîît
medicamento compofito qui ,

fimplicium vires non accuratè


prius didiceric,
Et il ne faut pas apréhender
qu’un remède fimple ne difiipe
pas une maladie qui provient
de plufieurs caufes. Eft-ce qu’-
une plante toute fimple qu’el-
le eft , ou un minerai ne ren- ,

ferme pas plufieurs principes ?


Tout homogènes que ces cho-
fes nous paraifiènt, elles font
compofées de plufieurs parties
diférentes $ & vous avez vu
de Vailemont. 39
comme Chimiftes par leur
les
admirable analife tirent d’u-
ne feule plante un iel vola-
tile, un efprit urineux une li-
,

queur aqueule, qu’ils apellent


lephlegme , une huile , quel-
quefois un peu de fel fixe, St
toujours une terre blanche St
poreule qu’ils nomment la tè-
te morte , ou la terre damnée.

Lailïez faire la nature , la Phar-


macopée eft toute divine > St
elle diftribuerà lâgement ces
diférentes parties ,
St les fera
agir félon le befoin.
Je n’oferois pas condamner
l’ufage de la Thériaque. Elle
eft trop ancienne , St trop a-
credirée dans le monde , où
elle s’étoit fait des partilàns
avant même que Galien prît
intérêt à conferver. la fanté
des hommes. Il me füfit d’ob-*

ferver que Galien ne l’a ja-


E

40 Lettre de Abbc M. l'

mais ordonnée, que le Traité


de la Thériaque qui a paru
fous fon nom ,
n’eft point affu-
rément de lui , & qu’enfin Pli-
ne bien loin d’eftimer laThé-
riaque l’ait apellée : exco^itata
compofitio luxuriœ.Cet endroit
eft fî beau que vous
,
me fui-
rez gré de l’avoir mis ici tout
entier Audi- bien ne verrez-
:

vous Pline de long-tems.


La Thériaque dit il eft ,
,

une compofîtion , qui ne peut


venir que d’une imagination
déréglée , & d’unefprit fertile
en mauvaifês inventions. Il n’y
entre que des drogues étran-
gères , pendant que la nature
en produit tant parmi nous ,
dont une feule vaudrait mieux
que la Thériaque même. Le
Mithridate eft compofé de cin-
quante-quatre drogues , dont
toutes les dpzes font diféren-
tes.
de Vallemont. 41
y en a dont on ne prend
tes. II
que le poids de la foixantié-
me partie d’un denier. Quel
Dieu a enfeigné cette propor-
tion Il précilè ? Car toute l’in-
telligence des hommes ne fau-
roit jamais parvenir à ce fu-
blime de fubtilité. Difons la
vérité : tout ce grand apareil
de drogues étrangères n’eft
qu’une vaine oftentation , pour
ébloiiir les fîmples, & un fpec-
tacîe monftrueux qui ofenfè les
Savants. Franchement ceux qui
font ces pompeufes prépara-
tions , ne favent guere eux-
mêmes ce qui peut réfélter
d’un h afreux falmigondis.
Thetia.ce vocattir excoqitata coni-
fofitio luxuriæ. Sic ex rebus ex-
ternis ,
càm tôt remedia dederit
natura , quœ Jîngula fufficerent,
IÆithridaticumantidotum ex re-
lus ^ 4 componitw intérim nui-
.

D
41 Lettre de M. l'Abbè
lo pondéré œquali , quarum»
dam rerum fcxagcfima denarii
iimus imperata. Quo Deortirtù
perfidiam iftam monfirante ? Pîo-
minum enim fubtilitas tanta ejfe
non potuit Ojlentatio artis
.
, &
portentofa fcientiœ yenditatio
manifejla efl. Ac ne ipjt quidem
illam novère. Hift. Nat. Lib..
29. cap. 1.

Ce y a de plus impor-
qu’il
tant à examiner fur le chapi-
tre de la Thériaque -, c’eft de
favoir à quoi elle eft bonne.
Je
laibien que ceux qui la cé-
,

lèbrent, la vantent comme le


plus puiflànt remède que l’on
ait contre les fievres conta-
gieu les ,
peftilentielles mali-
,

gnes ,
pourprées. Mais c’eft la
queftion.Il eft certain que la
Theriaque eft un remède très-
chaud, 6c très -lèc , qui par la
grande ardeur confume les e^- ,
de Vallemont. 4.3
prits, ô^delfeche les hufneurs.
Il eft par confequent merveil-
leux, pour augmenter la fîevre
& pour la donner à ceux- qui
ne l’ont pas. Ce qu’il
y a en-
core d’alîez établi comme cer-
tain entre les Médecins c’elt
5

que les fievres pellilentielles


,
& malignes viennent d’une in-
tempérie chaude, & féche du
iang , & des humeurs. Cela
étant j la Thériaque n’ell point:
alors de lailon puilqu’au lieu
5

de régénérer ces elprits, & ces


humeurs qui manquent alors $
au contraire elle diffiperoit le
relie par fa fecherelîè
, &
par fa
chaleur exorbitante; <k condüt-
roit droit
au tombeau. Je crains
bien que les Savants du, te ms
de Pline n’aient eu railbn de
nommer la Thériaque Exco- 3

ptata c&mfojïtïo luxuriœ. Car


en parlant delà Thériaque .il
,

D ij
44 Lettre de M. Abbè l'

ne nous feulement fa
die pas
penfée ; mais encore l’opinion
des bons efprits de Ton tems :
Theriace vocatur cxcopitata. com-
•pojitio lüxuriœ.Or ce grand
homme effc incomparable ,
quand il parle des chofès de fon
tems.ôc de fon pays, dont il a pu.
s’inftruirepar lui-même.Il n’effc
pas fi feur de le fuivre, lors qu’il
philofophe fur le.s'chofès éloi-
gnées , ôt qu’il n’a pii lavoir que
par des mémoires, & des rela-
tions > qui ne lui venoiene pas
toûjours de correfpondants ju-
dicieux 5 ôt bien informez.
Enfin M. Boyle nous aprend
qu’il a eu deffein d’écrire con-
tre la Thériaque j 6c les remè-
des trop compofèz 6c qu’il a- j

voitladeflus beaucoup de ma-


tériaux tout prêts Sed eumpro-
:

jequi nolui , dit-il 6c il s’effc con-


:

tenté de faire un excélentTrai-


té , où il donne par tout la pré-
de Vallemont. 4$
férence aux remèdes fîmples.
Simplic- Médicament. utilitas } &
ufus , fag. 49.
Je vais dorénavant conjurer
Neptune, &
Eole de s’accor-
der, afin de vous donner une
navigation promte,& hûreu-
,fe j ou
4 pour parler plus chré-
tiennement , je prierai celui
qui tire les vents de fes trefors ,

Pfàl. 134. ÿ. 8. qui commande


aux vents , & aux flots , & d.

qui les vents , (fl les flots obeïjfentf


Eue 8, f. 25. qu’il vous com-
ble de fes plus précieufes bé-
nédictions, & qu’il favorite un
voyage pénible ;
fi que vous &
entreprenez , moins par curio-
fîté , que par le defîr de Vous
rendre habile dans vôtre pro-
fefîion,&de devenir utile à vô-
tre patrie. Adieu , mon cher
.Monfieur , pour dix-huit mois.
De Vallemokt.
k Paris ce 10. Janvier 1 01»
4^ Relation abrégée
Le de Février jour de la Purifi-
i.
cation , nous elfuyâmes a la rade de
PcnrmaneK ce furieux ouragan qui
,

fefit fentir d'une maniéré allez funefte

en plufieurs endroits du Royaume.


Le 5. Février l'Efcadre de la Com-
pagnie des Indes Orientales corn-
,
poiée de 4. Yaiifeaux , favoir le
Maurepas , le Pondicheri , le Bour-
bon, 8c le Marchand des Indes, mît à
la voile fur les 10. heures
du matin.
Monfieur Faucher Oficier du Roy 5
montoit le Maurepas , 8c comman-
doit l'Efcadre. J'étois dans ce Yaif-
feau avec la meilleure compagnie du
monde puifque nous avions l'hon-
5

neur de profiter* de la préfence 8c ,

des excelents exemples de Monfei-


gneur de Cicé , Evêque de tabule.
Il avoitpour Aumônier M. l'Abbé de

Montigni ,
8c étoit accompagné de
M. de Yilledor, Théologal de Noyon*
8c Dodeur de Sorbonne qui alloit
,
à la Chine prendre coniiaiflànce des .

Cérémonies des Chinois fur l'expli- ,

cation defquelles les Miflionaires des


Indes ont pris diférent parti..
Le Samedi j'eus la fatisfadiou
de deux V* âgesfaits aux Indes,
oy 47
de voir le Pic de Tenérifjfle des Ca-
naries, fi fameux dans la Géographie,
où il eft eftirné la plus haute pointe
de montagne qui foit dans le monde.
Le Dimanche 20. nous paifâmes
le Tropique du Cancer.
.Le Jeudi 24. nous vîmes la côte du
Sénégal en Afrique.
La nuit fuivante
,
quoi que nous
fuflîons à plus de 20. lieues de cette
côte , qui eft fort fablenneufe une
,
nuée de fable vint fondre fur nôtre
Vaiftèau , portée par un tourbillon
de vent extraordinaire. Cet événe-
ment parut une chofe toute neuvel-
le à nos plus anciens Navigateurs.
Le Samedi 2 6. nous moüiliâmes
^
a la rade du Cap-Vert à un quart de
lieue de la fortereflfe de Goré qui ap-
,
partient a la Compagnie Francoile
du Sénégal. Je lus nommé par
nôtre Capitaine pour accompagner
,
l’Oficier envoyoit faire com-
qu'il
,
pliment au Gouverneur de la place
,
qui nous reçut à merveille.
Le Samedi 5. de Mars nous remî-
mes à la voile
,
pour l’Ifle d’Am-
jjouam.
4S Relation abngee
Le Dimanche 20. Mars nous pafT
famés la Ligne.
Le Lundi nous avions la So-
21.
leil vertical ;
perpendi-
c’eft-à-dire
,

culairement ? &
à plomb fur nôtre
tête. Ce jour-là fe fit la fameufe Cé-
rémonie qu’on apelle fi impropre-
ment bâtême. Je n’en fus pas plus
exemt que tous les autres qui n’a-
voient pas encore palfé la Ligne.
Le Dimanche 10. Avril nous nous
trouvâmes fous le Tropique du Ca-
pricorne.
Le Samedi Mai nous doublâmes
7.
le redoutable Cap de bonne Elpéram
ce. Nous y trouvâmes la mer épou-
ventable ,
comme elle y eft ordinai-
rement ;parce que c’eft l’endroit du
monde 5 ou la mer eft la plus vafte
de TOccident à l’Orient.
Le lendemain qui étoit Dimanche ,
nous chantâmes le Te Deum 5 pour
remercier Dieu , de nous avoir don-
né un tems favorable , dans un en-
droit fi périlleux.
Mecredi 25. Mai je confiderai avec
attention deux Trombes de mer à
demi lieue l’une de l’autre* Ce terri-
ble
de deux Voyages faits aux Indes 49,

ble météore eft une grande quantité


d'air mêlé de vapeurs , 8c d'exha-
laifons qui fortent avec impétuofité
d'entre deux nues 5
dont l'une eft
tombée fur l'autre 8c qui en fortant
;

par la nue inférieure décend fur la


mer en forme de colomne , la fait
bouillonner , forme un bruit fourd ,
8c defagréable, 8c enlève quelquefois
des V
aifleaux , 8c puis les laiifant
retomber les coule à fond.
Mardi 31.de Mai nous aperçûmes
Fille de Madagafcar, une des plus
grandes Ifles du monde.
Vendredi 3. Juin nous repaflames
le Tropique du Capricorne
5 en cô-
toyant rifle de Madagafcar.
Le Vendredi 10. de Juin nous mouil-
lâmes à rifle: d'Anjouam , où il
y
à un Roy nommé Adanè-cénè-fahè- •

cha-ha 3 qui relîdence à 7. ou


fait fa
8. lieues de la côte. Nôtre Capitai-
ne me nomma pour aller faluer le
frere de ce Roy. Ce frere de Roy eft
fort poli -, il me préfenta le Bétel
coutume des Orientaux 5 8c
félon la
me fit lui. Il vint à
déjeuner avec
nôtre bord avec fa fuite , 8c don*
E
Relation abrégée
lia une Lettre du Roy -fon frere
;
pour nôtre incomparable Monarque,
dont les éclatantes actions ne font
pas ignorées dans les Climats les plus
reculez.
Le Samedi i8< nous partîmes de
cette Ifle enchantée -, car enfin c’efl:
véritablement une des plus fertiles
,
8c des plus délicieufes Mes du monde.
Le Samedi 25. Juin nous repayâ-
mes la Ligne.
Le Mardy 12. Juillet nous vîmes
fille de Céïlan, 8c pendant 3. ou 4.
jours nous fûmes fort incommodez
de rôdeur de la Candie* pnos mala-
des mêmes eurent beaucoup à foufrir
de cette odeur continuelle.
Vendredi 15. Juillet , nous décou-
vrîmes en mer un peti* bâteau de la
côte de Coromandel. Quand nous en
fûmes proches , nous reconûmes
que ceux qui y étoient , nous tén-
doient les bras , 8c nous demandoient
fecours. On
y envoya le Canot , qui
trouva 19. perfonnes extenuées d'i-
nanition ,
8c dont la plupart étoient
fur le point d expirer. Il
y avoit 16.
jours qu'ils étoient partis de Céilan*
dt deux Voyages faits aux Indes, jr
Un gros tems les aiant jettez au lar-
ge ; leur grande voile , ôc leur gou-
vernail aiant été emportez par un
toup de mer ,
ils ne pouvoient plus
faire route. L'eau 3 Sc les vivres leur
manquoient depuis plufieurs jours.
On aporta dans nôtre Vailfeau,
les
où ils ne furent pas fi tôt 3 que leur
bâteau coula à fond. Ils ne s'y é-
toient confervez 3
qu'à force de jet>
ter continuellement l’eau qui en-
3 y
troit de tous cotez. Il s'y trouva tut
Chrétien de S. Thomas 3 qui n'avoit
celfé durant ce tems Jà d'invoquer la*
Sainte Vierge qu'il apelloit 1 *E*
toille de U mer. Et ce bon Chré-
tien croyoit bien devoir fon la-
lut à la Mere de Dieu ,
qu'il le mît
à remercier en fe jetant à genoux
dès qu'il fut dans nôtre Vailïëau. Ce
fut un grand bonheur pour ces pau-
vres malhureux de nous rencontrer.
Les plus robuftes d'entre eux n aiï-
roientpas vécu encore deux jours. Ils
étoient fur toutfi prefiez de la foif,

qu'on eut toute la peine du monde à


leur fournir fuffifamment de feau
pour les defakerer.
Eij.
y.2 Relation abrégée
Le Samedi iff. Juillet nous abor-
dâmes à la côte de Coromandel ; Sc
moüillâmes enfin à Pondichéri,, le
Dimanche 17. après 5. mois 14. jours
de navigation. Pondichéri eft une
Ville au£ François fur la côte de Co^
romandel , &
qui eft défendue par
une alfez belle forterefte. Il y a un
marché confiderable deux fois la fe-
maine où fe vend tout ce qui eft
,

necelïâire pour rendre agréable la


vie ,
& le féjour de ceux qui y abor-
dent. J'y ai acheté beaucoup de cho-
fes 5 dont je parle dans la fuite. Il
y
a dans les places publiques des Chan-
teurs,
comme il y*en a à Paris fur
le Pont-neuf , &c qui ne font pas
moins divertiffans. O11 y voit encore
outre cela des Joüeurs de Gobelets
qui font des tours furprenants ce qui ;

montre que le genie des hommes eft

toujours le même dans des Climats


tout diferents.
Meilleurs des Millions Etrangères

y ont une Maifon alfez agréable 5



ils ont leur Chapelle.
Les Jéfuites y ont une belle Egli-
fe 3 &
une belle Maifon.
• de deux Voyages faits aux Indes. 57
Les Capucins s’y font aufïï établis
6c font lesCurez des Chrétiens Ma-
labares. Dans la Fortereife il y a une
Chapelle pour le Gouverneur pour &
la Garnifon , &
qui eft delfervie par
les PP. Capucins, aufquels on a don-
né un a'partement tout proche.
Ceux qui font profeffion du Ma'ho-
métifme , ont dans la Ville une petite
Mofquée parce que
,
leur Se&e y eft

peu nombreufe , 6c peu confidera-


ble. Mais les Idolâtres y ont plufièurs
Pagodes , entre lefquelles il y en a
d’alfez belles.
Les rues de Pondichéri font larges
tirées au cordeau, &
la plupart ornées

de plufièurs rangs d’arbres , qui font


éternellement verts , &
fous lefquels
les T itérants &
,
quantité d’autres
Ouvriers font leurs ouvrages.
Le Jeudi 28. Juillet je me trouvai
à la Cérémonie , qui fe fit a l’occa-
fion de-Pcroix de Chevalier de faint
Lazare , que Monfeigneur l’Evêque
de Sabule donna , fuivant la com-
miffion qu’il avoit de Monfieur le
Marquis de Dangeau Grand-Maî-
,

tre de cet Ordre , à Monfieur Mar-


44 Relation ahrevée
tin. Gouverneur de la Ville
For- &
terellè de Pondicheri. Le
Roy a fait
accorder à M. Martin cette marque
de diftindtion pour reconnaître les
grands &importans lervices qu’il a
rendus à fa Maiefté dans les Indes.
La Melle fut célébrée par M. l’Abbé
de Montigni ;
& M. Villedor
y prê-
cha. Un Archevêque Siriaque qui
,
demeure depuis peu à Pondichéri,
alïïfta à cette Cérémonie;où
fe trou-
vèrent aulïï tous les Jéfuites les
, Ca-
pucins, les Aumôniers des VaiHèaux,
& tout ce quil
y a de perfonnes
de confidération dans la Ville. Il
eut Mufique. Durant tout le jour
y
les
troupes furent fous les armes
; on &
ht plufieurs décharges du Canon
de
la ForterelTe
, &
des Vaifïèaux. Le
repas fut magnifique. On
y but à la
fante du Roy, de Monfèigneur
, 3c
de MelTeigneurs les Enfans de Fran-
ce , & du Grand-Maître deJiOrdre
de S. Lazare, au bruit de toute l’Ar-
tillerie du pays.
Nous aprîmes ces jours-là que Je
Mogol, mécontent du peu de dili-
gence que les Anglois aportoient à
de deux Voyages faits aux Indes.
$$
le dédommager de la perte d’un de
fes Vailfeaux , qui avoit été pris
par des Forbans d’Europe , avoit fait
arrêter tous les Anglois de Surate ,
8c avoit envoyé un
faifir leurs effets
,

détachement de fa Cavallerie pour in-


vertir Madras, Ville qui leur apar-^
tient fur la côte de Coromandel. Ce
Pirate portoit pavillon Anglois. Nous
faurons aparemment dans la fuite ce
que cette afaire deviendra.
Après13 jours de fejour à Pondû
.

chéri nous en partîmes le dernier


,

de Juillet , &
nous fîmes voile pour
Bengale. Monfeigneur de Cicé s’em-
barqua avec nous , dans le deflèin de
palier à fa Million lur un petit Vai£
feau de Siam , qui étoit moüillé dans
*
le Gange.
Le Jeudi 4 Août nous pàlfâmes
.

allez proche de la fameufe Pagode


de Jam-grenats , dont la Statue eft ,
dit-on , d’or malïif , 8c auffi grande
que le Saint Chriftofe de Nôtre-Da-»
me de Paris. Les deux yeux de cette
Idole font deux gros rubis d’un eèkt
8c d’une valeur ineftimables. L’archi-
te&ure du Temple quoique dans un
Relation abrégée
goût bizare eft d une régularité
d une beauté charmante. On , &
dit que
cettePagode feule eft deiTervie par
1400. Brames, qui font les Prêtres
des Idolâtres de ce pays-là.
Le Samedi 6. Août nous moüillâ-
mes a la rade de Balalfor Port fitué
,
a l’embouchure du Gange
& où la ;
Compagnie des Indes d’Orient a un
comptoir. Comme
l’entrée de ce
fleuve^ eft toute remplie
d’écüeils ,
& qu’on y court rifque de fe perdre
a moment, chaque Compagnie
tout
des Marchands d’Europe
entretient
dans ce Port des Pilotes de &
, petits
Vaifleaux pour reconnaître les bans
,
de fable, que la rapidité du
Gange
fait changer fouvent.
Le Vendredi i 9 Août nous moiiih
.

lames dans le Gange plus de 60.


lieues
au deftus de ion embouchure
, au
Port nommé Aidé du Mogol
3 après
avoir pallé au milieu d’une
infinité
d eciieils , qui nous tenoient
dans
des alarmes mortelles, 8c dont
le feul
fou venir eft afreux. Ce Port eft
30.
lieues au deilous de Chamdernagor
qui eft une loge que les François ont
de deux Voyages faits aux Indes. 57
à Ougli dans le Bengale. Nôtre
Vaifleau relia là tgut Thiver , qui
n’eft pas plus rude que nôtre mois
d’Oétobre , ou de Novembre. Les
autres Vailleaux de l’Efcadre qui é-
toient plus petits ,
montèrent devant
nôtre Loge à Charndernagor.
Durant 4. mois que nous avons
relié dans cet endroit ,
j’ai parcouru
deux fois les rivages du Gange, Sc
vu toutes les délicieufes Villes qui
bordent ce grand fleuve , durant l’ef*
pace de 50. lieues. Cette faifon qu’on
apelle là Hiver eft auffi agréable , 8c
aufli abondante en fruits excèlents 3
que l’eft nôtre Autonne en France.
Nôtre Loge elt un grand bâtiment
fîtué fur le bord du Gange , 8c qui
eft beau &: bien entendu. On bâtit

en ce pays-là dans le goût des Italiens.


Le deflus des maifons eft en terra fle,
avec une petite muraille faite légè-
rement, 8c à hauteur d’apui. On fait
le ciment de ces terraflès , &
du corps
des bâtimens , d’une compofîtion 3
qui le rend inaltérable à la pluie
a l’air , 8c aux plus grandes chaleurs.
Dans le tems que j’étois à Chan-
5$ Relation abrégée
dernagor , le Boxix , qui eft à peu
près ce que nous apellons un Inten-
dant de Généralité en France vint -,

voir nôtre Direéteur , avec une fui-


te de plus de 800. hommes tant à
pié qu'à cheval. Ce Boxix eft origi-P
naire de Perfe il eft fort bien fait
:

fort poli. Il avoit à l’arçon de fa Selle


une efpèce de petite Timbale très-
magnifique , qu’on me dît être la
marque d’un homme d’une condi-
tion fort diftinguée. J’ai fçu encore
qu’il port oit aufïi cet infiniment pour
la chaife de l’oifeau; & qu’au bruit de
cette Timbale les oifeaux dont il fe
fert pour voiler , reviennent à lui.
O11 me montra particulièrement un
de ces oifeaux , qui eft drelfé de telle
maniéré, pour la chaffe du cerf, qu’il
l’arrête fort plaifamment. Il fond fur
la tête du cerf , où il fe tient ferme ;
ôc puis il lui bat de fes aîles fi furieu-
fement fur les yeux , que la bête 11e
faifant plus que tourner , donne fou-
vent dans les bras des Chaftèurs.
Là Province de Bengale , qui eft
une des plus confiderables des Etats
du Mogol, a pour Gouverneur le
de deux Voyages faits aux Indes . 5*9
Prince Moujfedi ou Cha-ja-da y qui
eft petit-fils du Mogol , & il fait
fa réfidence ordinaire à Ragemol.
Ce Climat eft fi propre pour la vie,~^
que les hommes
y vivent ordinaire-
ment cent ans. .Monfèigneur nôtre
Evêque y donna le Sacrement de
Confirmation à un vieillard haut *
droit , 8c très-fain de corps 8c d’ef-
prit ,
qui avoit cent cinquante ans.
La longue vie des originaires du
pays. ,
me fit fonger à obferver 5
comment la Médecine
pratique fe
parmi eux. J’avois fouvent de lon-
gues converfations avec les Méde-
cins Mogpls. J’ai reconnu qu’ils ai-
ment, 8c pratiquent la Chimie, &: qu’-
ils en tirent de puiftànts remèdes
pour le fecours de leurs malades. Ils
cultivent la Botanique avec une at-
tention prodigieufè ;
8c fur tout ils
s’attachent à bien reconnaître les
vertus ,
8c les facultez des plantes
de leur Climat. Comme ce font les
Médecins qui font chez eux la Chi-
rurgie , dont ils font une eftime par** ...

ticuliere , ils traitent les plaies avec


une fimplicité qui fait bien voir .qu’il
6© Relation abregee
ne faut qu’un peu aider à la natu*
re, 8c ne la pas accabler par tous ces
onguents , dont nos Pharmacopées •

font remplies. Ils ne fe fervent pref-


que jamais que du fuc de quelque
* plante ,
qu’ils apliquent fur la plaie ,

qu’ils tiennent d’ailleurs très-propre.


La propreté en efet eft naturelle aux
Orientaux , 8c ne contribue pas peu
à l’hûreufe fanté dont ils joüilTent.
,

J’ai été curieux d’aporter en France*


plufieurs de leurs compofitions chimi-
ques,que je garde. Ces Médecins tra-
vaillentégalement fur les Minéraux ,
fur les Végétaux ,
8c fur les parties
des Animaux. ont fait Jbeaucoup
Ils

de cas de quelques operations chi-


miques ,
que j’ai aprifes fous M.
Lemery Doéteur*en Médecine, &
de l’Academie Royale des Sciences.
Ils ont trouvé fon Livre de Chimie

fi beau , 8c fi utile qu’ils m’ont o-


,

bligé de leur lailfer l’exemplaire que


j’avois.
Le 19 . de Décembre 1701 nous .

apareillâmes pour décendre le Gan-


ge 8c aller mouiller à l’Ifie de Gal-
le à l’embouchure de ce Fleuve ,

3e deux Voyages faits aux Indes 61 .

nous arrivâmes le 23. Décembre , a-


près avoir couru derechef tous les
hazards de cette fâcheufe navigation,
où tant de Vailfeaux fe perdent tous
les ans.
Il
y a proche de Galle ,
fille de
Sagor ,
de pèlerinage des Gen-
lieu
tils qui adorent le Gange , comme
les Egiptiens adoroient autrefois le
Nil. Il
y a vers le mois de Décembre
une infinité de pèlerins qui y abor-
dent de tous cotez. Ils vilîtent les
Pagodes qui font très- ornées. Ces
Pagodes font gouvernées par une cC
pèce d’Hermites , qu’ils apellent Jo«
guis ; Sc qui vendent en bouteilles
lèllées de leur cachet l’eau du Gan-
ge à ces pèlerins. Ils ont une con-
fiance infinie en cette eau , qu’ils
tranfportent jufqu’à 500. lieues dans
les terres , pour donner aux malades
qui n’ont pas le moyen d’en venir
boire au bord du Gange.
Le Mécredi 18. Janvier 1702.
nous partîmes de Galle , pour retour-
ner à Pondicheri , où nous mouillâ-
mes le 1. de Février. Nous y aprî-
mes la mort de M. de Vüledor , qui
Relation abrégée
n’a point eu la confolation d’aller
jufqu’à la Chine. Il s’étoit ufé du-

rant près de fixmois de navigation


tr. une trop grande aplication à
F étude de la langue Chinoife 3 ce qui
ne s’accorde point avec la vie trifte ,
Sc pénible qu’on mène durant un fi
long voyage de Mer.
Le 17. Février nous levâmes l’an-'
cre pour aller à Lille Bourbon , &
de là retourner en Europe.
Le 23. Février nous vîmes fur les
fept heures du foir une Comète , qui
avoit fa tête à Oueft quart de Sud-
Oueft ; 3c fa queue à Oueft Sud-
Oueft. Ceux qui favoient ce que la
Phyfique enfeigne de ce corps com-
pofé des parties du troiftéme Elé-
ment de M. Defcartes , 3c qui a la
force de palfer de tourbillon en tour-
billon 5 fans pouvoir fe fixer dans
aucun 5 11e furent pas émus à l’af-
peét de ce nouveau Phénomène ;
mais le peuple de nôtre équipage
ne manqua pas de s’allarmer 5 3c de
prendre cela pour un mauvais augu-
re. Elledura 8. jours , 3c difparuc
entièrement le Vendredi 3. Mars.
âe deux Voyages faits aux Indes. 65
Le Dimanche j. Mars nous palfâ-
sues la Ligne,
Vendredi io. nous trouvâmes le
Soleil à nôtre Zénith.
Le Lundi 3. Avril nous côtoyâ-
mes de fort près l’Ifle Maurice , qui
apartient aux Hollandois.
Le Mardi 4. nous moüillâmes à
Fille Bourbon ,
ou Mafcarin 5 diftan-
te de 30. lieues de fille Maurice.
Lille Bourbon apartient à la Com-
pagnie des Indes. Elle a environ 80.
lieues de circuit. Ceft une Me fort
fertile mais une grande partie de
:

fon terrain eft gâtée par un Vol-


can , qui vomit jour , & nuit des
torrens de feu épouvantables. Il
eut palier pour un des plus terri-
E les Volcans , qui foient au mon-
de. On trouve dans cette Me une
abondance de tortues de terre qui
,
5
font d un grand fecours pour la nour-
riture de Téquipage des Vailfeaux ;
Car enfin ce qu'il
y a de très-com-
mode dans ces animaux 5 c'eft qu'ils
ne coûtent rien à nourrir dans les
Vailîeaux. Il n'en coûte pas même de
1 eau
3 8
c elles vivent de fair quel-
64 Relation abrégée
quefois mois. Il y a dans cette Ifle
fix

des montagnes prodigieufes ; on &


en aperçoit la cime de plus de 40.
lieues. On trouve la gomme de
y
Tacamaca,le Benjoin ;
&les prairies
de Jonc odo-
y font toutes couvertes
rant ce qui rend la chair des ani-
;

maux qui y paillent ,


d’un goût ex-
quis.
Le 10. Avril nous partîmes de
l’iHe Bourbon, que lious ne quit-
tâmes qu’avec peine ,
à caufe de la

quantité de viande , de poiflon &


délicieux qu’on y trouve. Et doré-
navant nous allons faire route pour
ia France fans relâcher
,
on pour- :

rait dire que c’eft faire près de 4000.


lieues tout d’une haleine.
Le Mardi 11. Avril nous pafla-
mes le Tropique du Capricorne.^
Le Dimanche 7. Mai nous vîmes
dallez près le Cap de Bonne-Ef-
pérance & après Vêpres on chan-
5

ta le Te Daim , pour rendre grâ-


ces à Dieu de nous avoir fait re-
fifterà des vents contraires , qui
nous ont fort tourmentez depuis nô-
tre déoarc des Indes.
He deux Voyages faits aux Indes. 6$
Le Vendredi n. Mai, un de nos
Matelots tomba à la Mer du -haut
de la Vergue de Mizéne 3c quel- ;

que diligence qu’on fitpour le fau-


ver , la Mer étoit fi rude qu’on ne
pût jamais le voir. C’étoit un hom-
me plus fiage 3c plus réglé
,
que ne
le font ordinairement les Matelots 3
que les dangers continuels de la Mer
ne rendent pas plus attentifs à l’a-
faire de leur falut éternel.
Le Lundi ij. Mai nous avons re-
paie le Tropique du Capricorne ,
que nous ne verrons plus dans ce
Voyage.
Le Mécredi 7 Juin nous repaC
.

famés fous la Ligne, pour la qua-


trième ,
3c derniere fois.
Le 22 Juin nous parlâmes à un
.

Vailfeau Anglois ,
chargé de Bon-
riqiies ,
qu’il avoir été prendre aux
Mes du Cap Vert 3c qu’il portoit
;

en l’Amérique. Il nous affura que


toutes les Couronnes de l’Europe é-
toient en paix ^ 3c par là il nous é~
chapa.
Le 16 Juin nous fommes fonds
.

de la Zone Torride > nous avons


F
6 (y Relation abrégée %
pafle leTropique de Cancer , o\k
ecoit* alors
le Soleil , 8c nous fom-
mes entrez dans nôtre Zone tem-
pérée Septentrionale.
Nous nous trouvâmes quelques
jours après dans des campagnes auflï
belles , 8c aufli agréables que les
Champs Elifées du Cours la Rei-
ne. Le grand inconvénient ceflr ?

que ces plantes fur lefquelles paflbit


nôtre Vaiflèau, ne peuvent loufrir
d’être foulées par les pieds des mor-
tels. C’étoit une prairie Notante y 8c
des plus vaftes ,
qu’il
y ait au mon-
de. Elle eft du moins de 300. lieües
d’étendue. Jeify ai obfèrvé qu’une-
même forte de plante
;
mais qui ne
laiflèpas de faire une beauté en ce
lieuvlà. Elle reffemble aftez* à XHip*
•puris minor de Dodonée ;
mais ou-
tre cela ? elle eft toute remplie de
petits fruits gros ?
comme font nos
grofeilles. Quelque quantité qu’on
puifte tirer de cette herbe flotante,
on 11e rencontre jamais aucune a-
parencede racine ;
ce qui fait croi-
re à quelques-uns quelle craît au
,

milieu des eaux d’où elle tire fa,


^
de deux F*
oy
âge s faits aux Inde*. Sj
fubfiftance. Ce qui ne devroit pas
cependant tout-à-fait empêcher qu
.
elle n eût une racine ; car enfin nous
avons une expérience commune 5 8
pourtant qui fait plaifir toutes les
fois qu’on la voit qui prouve que
,
les plantes qui ne tirent leur nour-
riture que de Teau 5 ne laiflent pas
de pouffer des racines. En efet fi on
met , dans une fiole pleine d eau y
une petite branche de mente ou bau-
me de jardin 5 en huit jours elle y
pouffe des racines ; 8c en moins de
deux rrrqis , elle devient- une très-
grande plante r monte en fleur 8c
5
en graine , &
remplit toute la ca-
pacité de la fiole d un fort grand
nombre de racines.
Le Dimanche 25. Juillet à nv
heures du foir nous moiiillâmes hû^
reufement à la grande rade du Port
Loüis , proche Hile de Groa : 8c le
lendemain 24. nous entrâmes dans,
le Port 5 &de la même marée nous
allâmes à f Orient , qui eft le lieu
9
ou reftent les Vaiffeauxdu Roy 3 8c
ceux de la Compagnie des Indes»
Nôtre joie nétoit pas médiocre ^
F i|
(j 8 Relation abrégée eè'c.
,

comme on peut penfer , de nous
le
voir en lieu de feureté , après avoir
évité tant de dangers. Et lï un <?ros
brouillart ne nous eût pas favorilez à
nôtre arrivée en France , nous é-
du Port parce
tions perdus à la vue
;

que nous aurions été la proie de


nos ennemis qui croifoient alors à
l’embouchure de la Manche. Le
grand nombre de malades du Scor-
but que nous avions , mal inévita-
ble dans de li longues traverfées
,
nous métoit hors d’état de faire la
manœuvre ,
&
de foûtenir un com-
bat. Dieu foit loué à jamais.
^ && &&&&&&
£§»^- 3§&?^
fc*sfc6îs#>i6#ï £^e^'«w«»^'S^îwwi

CURIOSITEZ
D E

IA NATURE»
E T

DE L’ART.
I.
*
La Terre de Patna.

LA
fait
terre de
terre admirable,
dans le Mogol des elpè-
Patna eft une
dont on

ces de pots , de vazes de bou-


,
teilles ,
ôc de carafes , fi min-
ces ,
& d’une legereté fi gran-
de , que le vent les emporte fa-
cilement. Ces vazes n’ont pas
plus d’épailfeur qu’une carte à
jo Curîofitez^ de la Nature ,
jouer. On
ne fauroit rien voir
en ce genre, où la dextérité ,
& l’adreflè de l’ouvrier paraif-
fent davantage.
J’en ai aporté plufieurs des
Indes , 8c fuç tout de ces bou-
teilles qùon apelle Gargou-
lettes.Et nos curieux font ra-
vis d’étonnement, de voir des
bouteilles de terre , qui tien-
nent une pinte de Paris , qu’-
on pourroit prefque foufïer
comme ces bouteilles dp fa-
von que font les petits enfans.
,

On fe fertde la Gargoulette
pour mètre rafraicliir de l’eau.
Quand l’eau y a été un peu
de terns elle prend le goût
,

êc l’odeur de la terre de Pat-


na , 8c devient delicieufe à
boire $ 8c ce qui eft de plus ra-
vivant , c’ell que le vaze s’hu-
mecte 8c qu,'après avoir bù
,

l’eau > on mange avec .plaifir


& de P Art. ji
la bouteille. Les femmes des
Indes quand elles font grof.
j

fes j n’y aporrent pas tant


de façon. Elles aiment à la fu-
reur cette terre de Patna ;
& II on ne les oblèrvoit pas
là deiTus , il n'y a point de fem-
me grollè ,
qui en peu de jours
ne grugeât tous les pots plats
„ ,
coupes , bouteilles & vazes
y
de maifon-, tant elles font
la
friandes de cette terre. Ce fe-
roit ici une occafion de faire
des invectives contre les fem-
mes fur ces apetits bizares qui
leur prennent dans leur grof.
fefle
,
s’il étoit permis de plai-

santer aux dépens des infîr-


mitez d’un Sexe , à qui nous;
ne pouvons manquer de ref
ped, qu’en nous oubliant hor-
riblement. Souvenons - nous
qu’elles n’ont ces étranges ca-
prices, qui leur font quelque-
ji Curiofitez^de la Nature
fois manger du cuir, de la terre,
delà cire d’Efpagne , du char-
bon , ôcc. que lors qu’elles de-
viennent nos mères. Ainfi ne
leur reprochons jamais ces lé-
gers défauts , qui ne font que
des fuites d’une pénible gro f-
fefle, à laquelle nous devons»
& l’être, ôc la vie.

IL
Les Pierres de Serpent

C
tes ,
Es pierres font de couleur
d’ardoife
8c
5 elles font pla-
de la grandeur d’un
fou marqué. Elles s’apellent
dans les Indes Pierres de Ser-
pent, à caufe qu’elles ont la
vertu de guérir les morfures
de couleuvres, viperes/erpents,
•&c. Ces pierres ,
qui font le
plus foflverain ,
remède
qu’on
ait encore prouvé contre les
morfures
& de l'Art.
yy
morfures des Serpents vien- ,

nent du Royaume de Cam-


boya. Quelques-uns difent qu’-
elles ne font point naturelles
>
mais fadices , &
compofées de
plufieurs ingrédient dont ceux
,

du pays font un grand focret


aux Etrangers.
y en a qui
Il
les croient naturelles. Et M.
Boyle dit qu on lui a alluré
,
qu’on les trouve dans la tête
de certains Serpents qui font
vers Goa. Quoi qu’il en foit
voici comme on s’en fort.
Si la plaie n’a point lâigné
,
après la morfore , ou piqûre
du Serpent , il faut piquer lé-
gèrement l’endroit qui a été
bielle,
de maniéré que le làng
en forte. Après quoi il faut
y
apliquer la pierre , qui s’y at-
tache incontinent. Elle attire,
& fucce le venin. Il la faut
lailfor deflus la plaie jufqu’à
,
74 Curiojîtez^de la Nature,
ce qu’elle fe détache d’elle-
même après cela , il faut la-
:

ver la pierre dans du lait qui


fe charge incontinent du ve-
nin y 6c fi on n’avoit pas de
lait , on la lave dans de l’eau.
Après l’avoir bien efluyée,on
la remet fur la plaie ; ce que
l’on continue de faire jufqu’à
ce qu’elle ne s’y attache plus.
Ce fera alors une marque évi-
dente, que tout le venin, fera
forti.
Il
y en a qui croient qu’el-
le auroit lamême vertu pour
la morfare des chiens enragez,
en pratiquant la même chofe
que nous venons de dire. Ce
qu’il y a de plus alluré , c’eft
que cette pierre eft générale-
ment eftimée dans tout l’Inde,
M. Boyle qui ne révoqué point
en doute la vertu de la pier-
re de Serpent , en tire un ar-
&l' Art.de
7j
gument pour prouver que Im-
plication extérieure de certains
amulettes peut fort bien opé-
rer des guérifons. Voici ce qu’il
raconte au fujet de ces pier-
res. Je me rangerais volontiers
au parti de ces habiles Méde-
cins, qui ne reconnaiflent nul-
le vertu dans les pierres mê-
5

me dans celles qu’on tire des


Serpents j &, je me joindrais
en cela au doéle } & curieux
M. Rédi \ qui dans les expé-
riences n’a oblervé dans ces
pierres aucune faculté. Peut-
être que tout ce qu’on nous
vante comme étant des Indes,
n’en vient pas. Il faut pour-
tant avouer après avoir rejet-
,

té tous les contes fabuleux


*
qu’on débité dans le monde
fur les pierres
,
qu’il
y en a ,
dont il n’eft pas poffible de
nier la vertu. Et en éfet un Sa-
de la "Nature
7 6 Curiofîtez^ ,

vant tout pétri de la Philolb-


phie de Defcartes ôc qui par
,

confequent étoit fort en gar-


de contre les qualitez occul-
tes 6c fur les traditions po-
,

pulaires des Orientaux , m’a


alluré que dans le tems qu’il
étoit dans les Indes , il a gué-
ri par la feule aplication de
la pierre de Serpent plus de
fbixante perfonnes qui avoient
été mordues , ou piquées par
des Serpents. Et moi-même ,
ajoute M. Boyle , j’en ai fait
l’expérience fur des animaux
que j’avois fait mordre par des
Vipères. Ce qui m’induit à
ne pas rejetter comme faux
tout ce que l’on dit fur les ver-
tus des pierres. Quodque fum-

ffi ipfe expérimentant cum <zc-


nuino ejufmodi lapide e corpoxi-
bus brutorum > fecit omnino , ut
-
huit rei fidem non neçem. Sim
& de l'Art.
7J
flic, medicam. util. & ufus p .6 z.

III.

Za Pierre dlAigle : la Pierre


quarrée des Indes

ON
qu’on
eft aulîî
Pierres d’Aigleen Afîe
en Europe. On la
l’eft
entêté des

nomme Ætites du mot grec,,


Mréç ,
qui lignifie une Aigle.
On dit que cette pierre faci-
lite l’acouchement ,
lî on l’a-
cache a la cuille de la femme
dans le tems du travail. On
ajoute qu’on en trouve dans
les nidsd’Aigle; parce que l’Ai-
gle ne pond lèsœufs qu’avec
une difîculté extrême. Cette
pierre eft creulè
,
& elle ren-
ferme un noyau pierreux qu’-
,

on apelle Callimus qui fait


du bruit, quand on la fecouë.
On lui atribuë beaucoup de
G iij
78 Curiofîtegde la Nature r
qualitez imaginaires , &c que
l’expérience dément tous les.
jours. Je ne voudrois pas dire
comme quelques modernes ,
que toutes les pierres doivent
être rangées avec les Alcalis }
&: qu’elles font feulement af-
tringentes, & des abforbans.
Mais aulli je fuis du fentiment
de M. Boyle qui dit fi judicieu-
fement Ceux qui atribuent
:

tant de vertus aux pierres pré-


cieufes, ne méritent pas le nom
de Philofophes. Tom. II. p. i.
Specimen de garni arum virtu-
tibus.
Mais j’ai aporté des Indes
une pierre quiyeft fameufe-,
par la qualité qu’elle a d’ai-
der à l’acouchement. On la
nomme Amplement Pierre
quarrèe , parce qu’elle eft éfec-

tivement quarrée de tout lèns


grofle, &
de figure cubique
& de l'Art. 79
comme un dez à joüer. Elle
. eft brune ,
Se quafi de couleur
de Cafte.
Elle eft naturelle, Se le trou-
ve dans le Royaume de Cali-
cut à POueft de Pondichéri.
5
L’ulàge eft d en broyer un peu
avec du vin fur un porfire , 8e
de le faire boire à la femme qui
eft en travail Se puis on lui
}

attache la pierre à la cuiflè


gauche. Celles que j’ai , m’ont
été données par le R. P. Dolu
Jéfuite à Pondichéri. Il ne fut
jamais homme plus poli, plus
généreux ,
Se plus favant dans
la connaiflànce des choies na-
turelles.
Généralement parmi les Na-
turalises on convient que la
cervelle de Rekin poilfon vo-
race ,
eft un Ipècinque pour
faciliter l’acouchement. Cette
cervelle eft blanche comme la
G iiij
8 o Curiofîte^ de laNature ,
neige on la fait lécher on la
j ,

mec en poudre , & on en donne


dans du vin blanc. Cela mê-
me eft excèlent pour la gra.
velle.
Il eft furprenant combien
de grands hommes ont attri-
bué de vertus aux pierres.
Diofcoride dit que la Pierre
d’Aigle découvre les larrons :

Et Béllon /. i. c 23. montre la


façon , dont les Caloïers s’en


fervent encore aujourd’hui en
la pulverifàntj pour le même
éfet. M. VoffiuSj dansfaPhy-
liologie Chrétienne ,
dit des
merveilles de la Pierre d’Ai-
gle : lih 6. cap. 19.
.
&20. &c.
Mais il en dit trop Et ceux
:

qui n’accordent aucune vertu


aux pierres , paflent dans une
autre extrémité auffi mauvai-
le. Je me rangerois du côté de

M. Boyle , qui marche entre


de l'Art. 8l
ces deux extrêmitez. Ce la-
vant Phyfkien bat en ruine ces
gensj qui plus durs que les pier-
res mêmes , ne veulent écou-
ter ni la raifon ,
ni l’expérience,
8c dénient toute faculté mé-
decinale aux pierres.' Il le mo-
que de la plus fpècieufe de leurs
objedions,& qui eft leur Achil-
le Ils prétendent que les pier-
:

res font trop dures , 8c trop


compactes ,
pour qu’il s’en
puifïe écouler des vapeurs, 8c
des corpufcules capables de
de quelque a&ion. Ils n’y fon-
gent pas car enfin ont-ils ou-
:

blié que l’Aimant eft une pier-


re très- dure ,
8c qu’il s’en ré-
pand avec abondance 8c au ,

loin de perpétuels écoulemens


de matière magnétique qui ,

fait tout le mécanifme char-


mant de ces merveilleufes ex-
périences , que l’on ne fe laffe
82 Curiojltez^ de la Nature ,
jamais de voir. Ces corpufcu-
les ont même prife fur le corps
humain & M. Boyle die qu’-
-,

un homme ne tient point long-


tems indiféremment un bon
aimant enfermé dans fa main.
,

On peut voir comment il prou-


ve y a dans les pierres
qu’il
précieufes , des parties métal-
liques, qui le dévelopent quand
on porte en amulette par
les
la chaleur de la perlbnne.D?
gemmarum virtutibus Secl. II.
î- 34 -

I V.

Le Jade.

C ’Eft une pierre verdâtre


de couleur d’olive, &qui
eft fort eftimée dans les Indes
d’Orient , 6c dans les Indes
d’Occident. Il eft fort recher-
ché par les Turcs , &c par les
& de l'Art. £3
Polonois, qui en ornent tou-
tes fortes d’ouvrages fur tout :

ils l’emploient à faire des man-

ches de Sabre qu’ils font gra-


ver, &
remplir d’or fin. M. Ber-
nier dit que les Caravanes du
Tibet en portent au Cachemi-
re i & que les Galibis na-
turels de l’Amérique méri-
dionale en font grand trafic >
& l’eftiment autant que le Dia-
mant.Ils en font une eftime tou-
te particulière, &
l’achètent
tout ce que l’on vent, à caufe
des vertus médecinales qu’ils
iui atribuent. Us difent que
cette pierre eft excèlente con-
tre l’épilepfie , les maux de
reins ,
la gravelle , &; la pier-
re ,
en la portant fur les reins.
Us ajoutent qu’elle fait fortir
le fable par les urines. Le Ja-
de eft auffi fort eftimé à Pa-
ris j Ôc les Joailliers font allez
S 4 Curioftez^ delà Nature,
valoir les petits morceaux de
Jade ,
quand ils font bien tail-

lez , & d’une maniéré à être


portez commodément fur les
reins. Le Livre intitulé le par-

fait Joaillier ne fait point de


difîculté de l’apeller Pierre Di-
vine , à caufe de fes grandes
vertus. Eft-il poifible que les
Anciens ,
& les Modernes ,
l’Orient l’Occident foient
, &c
dans l’erreur à l’égard de cet-
te pierre, &
qu’elle ne foit
bonne qu’à faire des manches
de couteau ? Je craindrois de
tomber moi-même dans l’ert
reur en penfant fi deiâvanta-
geufement fur les lumières de
tant de grands hommes qui ,

ont fi fort exalté les vertus du


Jade. 11 y en a de trois verds
diférents , & j’en ai de ces trois
fortes. Ce qu’il y a de vrai ,
c’eft qu’il eft d’une dureté in-
& de l’ Art.
8$
finie 3
il eft plus dur que le Por-
phire, que l’Agate, & le Jaf-
pe ,
qu’on ne peut travailler
qu’avec la poudre de Diamant.
Les petits morceaux que j’ai
font taillez en amulettes pour
,
être portez for la région des
reins. Boëtius de Boot dit des
merveilles de cette pierre. Il
en raporte ce qu’on peut apel-
ler des miracles.

y.

Le Jdfpe vert Sanguin Oriental.

C ’Eft
lie ,
une pierre dure, po-
luifante
foncé , & qui eft mêlée de ta-
,
d’un vert

ches rouges. Quoique le Jaf-


pe foit fouvent employé à fai-
re divers ouvrages , on ne laide
pas de l’eftimer encore, pour
les vertus médecinales qu’on
foi atribuë. Sur tout le jafpe
86 Curioflte^ de la "Mature y

vert fanguin eft aujourd’hui le


plus eftimé de tous. Boëtius de
Boot raporte des guérifons
prodigieufes , qu’il a faites par
la feule aplication extérieure
d’un Jafpe fanguin qu’il avoit:
Et avant que de parler de ces
merveilleufes guérifons , il a-
vertit le Lecteur qu’il n’efl: pas
de ceux , qui acordent 11 fa-
cilement des vertus aux pier-
res Je n atribu'è pas , dit-il ,
:

tant de forces aux pierres com-


munes y &
précieufes que le Vul-
gaire a coutume de faire. Pour
lui il eft pleinement perfuadé
que par de
la feule aplication
fa pierre de Jafpe fanguin , il
a arêté des pertes de lang par
le nez , & par les hémoroïdes
&c. Il ajoute que quelques-
uns atribuent la même facul-
té au jafpe vert, qui a des ta-
ches rpuges. On dit qu’étant
& de t Art. S7
atache au col ,
& touchant vers
l’orificede l’eftomac , il le for-
tifie,arrête le vomiflement
& ôte même l’envie de vo-
,

mir. Les Orientaux en portent


en forme d’amulete pour em-
pêcher le flux de fang con-
,
tre la fievre contre l’hidro-
,

pifie , contre l’épilepfie. Ils


prétendent a plus de ver-
qu’il
tu étant enchâfle dans de l’ar-
gent , que dans tout autre mé-
tail. Ce une choie bien
feroit
belle , &
bien agréable , s’il
contribuoit au repos
,
à la &
férénité de l’efprit s’il chaf-
,
foit les penfées importunes
,
noires , & fâcheufes ,
qui cail-
lent quelquefois de fi cruelles
inquiétudes. On prétend qu’il
a cette admirable vertu parce
5

qu il efl: propre à temperer les


humeurs qui font déchaînées
t
& à calmer l’impetuolîté du
88 Curiofitez^de la "Nature ,

fang , d’où naiflent ces penfées


fombres 6c mélancoliques, qui
,

afligent quelquefois fi fort les


perfonnes les plus gaies ,
6c les

plus raifonnables. La nouvel-


le Médecine qui proferit tous
les amuletes , 6c qui condam-
ne toutes les pierres , à être
rompues vives, 6c broyées fur
le porphire,pour de quel-
fervir

que chofe en médecine ne fait ,

pas plus de grâce au Jafpe. Il


faut , dit-on > qu’il loit ainfi
préparé pour devenir aftrin-
gent, 6c propre àarêter le fang,
6c le cours de ventre. Que
de-
viendront donc tant d expé-
riences fi célébrées dans des
Auteurs fi habiles ? En voici

une., fur laquelle je voudrois


bien entendre ces nouveaux
Phyficiens. Elle vient de bon
endroit; 6c cet endroit efi: au
defius de tout foupçon en ma-
tière
de l'Art,
tiere d’illufion
, de crédulité

& de fupercherie.
Enfin nous la tenons de M.
Boyle ; c’eft tout dire 5 &
Ion
nom feul rafiurera ces gens qui
le défient fi fort des expérien-
ces qu’ils n’ont pas faites.
J’ai vu, dit M. Boyle, une
Agate, qui n’étoit pas plus gref-
, &
fe qu’une mufcade qu’on:
gardoit à caufe de lés rares ver-
tus dans-une maifon de condi-
tion. Je ne raporterai point tou-
tes les merveilles qu’on m’en a
racontées. Je dirai feulement
une chofe qui fait bien voir qu’-
un corps , de quelque extrême
dureté qu’il foie , peut pour-
tant être d’une très- grande
vertu. Un jeune homme lavant,
Bien fait , & de beaucoup d’efi
prit , étoic fouvent antaqué
d’uîfe hémorragie de lâng. par
Je nez , ôc qui écoit ordinaire-
K
9 o Curiofitez^ de la Nature ,
ment fi violente , qu’elle faifoit
craindre pour fa vie. Son Mé-
decin , quoique très-habile ,
m’a témoigné plufieurs fois que
ce jeune homme
d’un tempé-
rament trop fanguin expire-
roit dans une de ces hémor-
ragies. Il n’y a point cependant
de remède qu’on ne lui fît ,
pour le fauver , toûjours inu-
tilement. Enfin une vieille pa-
rente lui prêta cette Agate ,
& la lui attacha au col, de
maniéré qu’elle touchoit à la

peau. Quelque fort que fut le

paroxifme , dès qu’on apliquoit


la pierre , l’hémorragie celfoit J
& ne recommençoit point,tant
qu’il portoit cette Agate. Com-
me femblois atribuer cet
je
éfet à la force de l’imagina-
tion ,
le jeune homme me con- 4

ta qu’une Dame de qualité a-


voit fréquemment des pertes
& de l'Art. 51
de iàng fi horribles qu'elle ,
tomboit en foiblefie., & per-
doit connaifiànce & que du- ,

rant ce tems-là on lui atra-


choit au col cette Agate qui
,
ne manqudit jamais d’arrêter
aufiî-rôt le làng. L’imagina-
tion de la Dame ne pouvoir
avoir aucune part à cette gué-
rifbn puis qu’on lui apliquoit
5

cette pierre fans qu’elle en fut


,

rien mais ce qui eft au defius


;

de toute chicanerie > c’eftque


quand il falloir fâigner de tems
en tems le jeune homme , à
caufe de fon tempérament fan-
guin , qui lui faifoit trop de
làng , éc pour prévenir l’hé-
morragie > tant qu’il avoit l'A-
gate à Ion col , le lang ne cou-
loir jamais avec la facilité , &
l’abondance ordinaires 5 on é-
toit obligé d’ôter , & d’éloi-
gner la pierre : Venu cura a-
H ij
*>i Curiofitez^de la Nature
perienda foret , lapidem aliquan-
do feponere cogebatur quandiu -,

enim gcftabat ,
fanguis non ef-
fluebat , folità tamen , dejt- &
deratâ celeritate. Simplic. Medic.
Dtilit. & ufus , Pag. 63.
j Qui
dira après cela que les pierres
ne font bonnes en médecine
qu’à être mifes en poudre ,
Si
priiès intérieurement 1

VI.

La. "Pierre de petite Vérole„ •

Es Anciens , qui ont par-


lé des pierres , ne font
point mention de la pierre de
petite Vérole, fous ce nom-là.
Sans doute qu’ils l’auront con-
nue , &qu’ils en auront parlé
fous une autre dénomination.
Cependant je ne l’ai point trou-
vée décrite dans le petit Trai-
té de Théophrafte , ni dans
# de l'Art. C) \

Laët ,non plus que dans 1<


Julie volume de Boè'tius de
Boot. Cette pierre, qui vient
des Indes, eft belle , digne &
de confidération. On l’apellg
Pierre de petite vérole y parce!
que dans la couleur verdâtre
elle eft parfemée de taches
blanches ,
&
rondes, qui ré-
prélentent fort bien des grains
de petite Vérole meurs, &a-
platis. Cette pierre eft une e£
pçce de Jafpe vert. U
y en a
de toutes fortes de figures. Eh
les font ordinairement rondes
& un peu plattes. J’en ai vû une
qui étoit ronde & grofle com-
,

me une balle de jeu de pau-


me. On fait aujourd’hui beau»
coup de cas de cette pierre j
à caufe de la vertu qu’on lu|
atribuë de faire facilement for»,
tir la petite Vérole, & d’em-

pêcher qu’on n’en foie marqué,?


<)4 Curiojîtez^dc la "Nature
pourvu qu’on la laide apliquée
fur la chair du malade. Les Phi-
lolophes, comme Crollius, qui
prétendent que l’Auteur de la
nature a mis des indications
qu’ils apellent Signatures , dans
les plantes , 6t dans les pier-
res, 6e qu’ils regardent com-
me des marques extérieures
de leur vertu oculte, & inté-
rieure , ne manqueront pas de
foutenir que cette pierre doit
être un amulette merveilleux
contre la petite Vérole. Crol-
lius a fait un Traité de Si~
gnaturis internis rerum , qui rou-
le entièrement fur la reiïem-
blance , que les plantes ont
dans leurs feüilles, dans leurs
femences , ou dans leurs raci-
nes, avec le mal , ou la par-
tie malade. C’eft fur ce prin-
cipe , qu’il dit que la femen-
,

ce de raves, ou de lentilles
de î Art. 95
mife en décoétion 3 eft un bon
remède pour la petite Véro-
le i à caufe de leur reflèmblan-
ce avec les boutons naifîàns
de cette maladie. Kario-
fale
lis infantum feminis raparum
,

& lentium decoBum medetur à,


fmilitudine p. 48. Que n’au-
roit point dit ce fameux Pliy.
lîcien j s’il avoit connu la pier-
re , dont nous parlons ? Il au-
roit bien fait valoir fon grand
principe j qu’il apelle : miram
ex innatk rerum Jîgnaturk eum
corporis noflri membris harmoni-
cam corre fpondentiam. C’eft ,
dit-il, à caule de cette corref-
pondance harmonique , ôc de cet-
te relîèmblance que tous les
Médecins conviennent, que la
pulmonaire eft excèlente pour
les maladies du Poumon. Ce
qu’il juftilîe à l’égard d’un très-
grand nombre d’autres plan-
Curiojitez^de la Isfature T
tes ,
dont il parait que la Si-
gnature a été la raifon du choix,
qu’on en a fait pour certaines
maladies. Gaffarel excelle,
brille merveilleufement fur ces
Signatures , qui font comme au-
tant d’infcriptions gravées par
les mains de la nature fur les
choies naturelles ,
pour apren-
dre aux hommes l’ufage qu’ils
en doivent faire. Gaffarel , Cu-
rioJiteg_ inouïes ,
p. 85. Crottins a
fes admirateurs , comme il a
fêscontradi&eurs :Comment
connaitxe ceux qui ont raifon..?'

VIL '
.
;y

La Pierre nèfretique:

C Ette pierre
nouvelle Efpagne. Son
-

nom fait connaître qu’elle eft


vient de la

reconnue propre pour arrêter ,

les douleurs afreufes de la co-


& de l'Art. y-j
li que néfrétique ,
pour brifer
la pierre des reins, & pour fai-
re jetter le fable par les urines.
On l'atfecbe ordinairement au
col. Quelques perfonnes la por-
tent iur la région des reins.
On la met auffi à la cuifle
au bras , ou bien au doigt mon-
tée dans une bague, .

Il eft facile d’être trompé


dans le choix de cette pierre ;
parce qu’encore qu’elle foit
îe plus fouvent grife , & ver-
dâtre, il n’eft pas aifé de la
diftinguer d’un Jaipe qui eft
,

tout femblable Et d’autant


:

plus que la Pierre néfrétique


eft quelquefois mêlée de jau-
ne de blanc , ou de noir ce
, 5

qui la confond ablolument a-


vec une infinité de Jafpes dans
îefquels on voit le même mé-
lange de couleurs. Ce qui
pourroit y mètre de la diféren-
I
5>8 Curiojîtez^ de la Nature
ce 5 qu’ordinairement la
c’eft
Pierre néfrétique eft moins du-
re, & qu’elle ne prend pas un
lî beau poli que le Jafpe. A-
près tout il y a très-fouvent ft
peu de diférence entre le Jaf-
pe , &c la Pierre néfrétique ,
qu’on eft fort embarafle à les
diftinguer 5 & dans le choix,
on ne rifqueroit pas beaucoup
à faire, comme le juge Bri-
doye dont parle Rabelais ,
,

qui décidoit par deux coups


de dez , les procès qui l’embar-
ralîoient.

VIII.

La Pierre Divine.

C
tique,
Ette pierre eft une nouvel-
le elpèce de Pierre Néfré-
& à laquelle on commen-
ce de donner [du crédit dans le
monde. Elle eft cependant plus
de FArt. & t)p
brune plus dure 8c d’un<plus
, ,

beau poli que la Pierre Né-


,

frétique. J’en ai une qui elt


,
platte 8c taillée en cœur
, } que
je confens fort volontiex*s qu’-
on nomme Pierre Divine afin
5

de lui donner du relief parmi


mes Le nom de Di-
curiofîtez.
vine , qu’on donne à cette pier-
re ,
eft fondé lur les grandes
vertus qu’on
y a remarquées.
On allure qu’elle calïe la Pier-
re dans les reins, 8c la poulie
en petit labié par les urines
fion la porte attachée fur les
reins.
La grande queftion revient
toujours 8c il
y aura des gens
:

très-raifonnables qui doute-


ront des qualités qu’on attri-
bue à cette pierre. M. Redi
qui attaché a faire des
s’ell
expériences fur les choies qu’on
aporte des Indes & dont nous
,
ioo Curiojites^ de la Nature
avôns un ouvrage fur cetre ma-
tière ,
n’hefite point à dire qu’il
ne rien de toutes ces
croit
prétendues vertus.
On a , dit-il „ aporté plu-
sieurs fameux médicaments
d'Afrique , 6c des Indes tant
d’Orient, que d’Occident En
Europe , 6c on comptoit beau-
coup fur ces drogues cepen- -,

dant , quand j’en ai voulu faire


l’eflai 3 je n’ai rien trouvé qui
vaille : Rem loquor veram mul~
ta famofa médicamenta , inde
ab Africa y &
Indiis tam O-
rientalibus , quàm Occidentali-
bus , magna expeclatione in Eu-
ropam delata , mihi traîlanti
non refpondijfe , faBo peri- &
(ulo nullius valons fuijfe Ex-
periment. Natural. p. 88. Un
peu après il modifie cette cen-
fure fi violente ,
6c dit : Je n’i-

gnore pourtant pas > & j’en


& de l'Art. ïoï
fuis convaincu par moi- mê-
me ,
que les expériences font
di fi ci les
,
&: fur roue fort trom-
peufes en matière de méde-
cine 5 parce que les maladies
de même elpèce ont fou vent
des caules toutes diférentes ,
félon la difpofition des corps
r
ôc les circonftances du lieu,&:
du tems ; Sc qu’il ne faut que
très-peu de choie , pour arrê-
ter, diminuer , ou varier fac-
tion de la nature. Voila ce
qu’on apelle fai#e ufage de la
railon , & véritablement phi-
lofopher. Nec tamen ignoro y
aut quotidie minus experior , ex-
périmenta diffici liera , ma- &
xime fallacia ejje iUa quæ cir-,

ca res medicas fiunt &c. p. 9 o.


,

Les vrais Philofophes ne vont


pas h vite, & ne décident pas
avec hauteur. Ainlî fupofé que
dans les lieux , où le forment
I hj
lïn Curiofitez^de ta Nature 3
les pierres , il s’y trouve des
parties falines , vitrioliques ,
du foufre ,
du bitume , des fubfl
tances métalliques ,
avec les
fucs pétrifiants en voila tout
j

autant qu’il en faut pour com-


,

muniquer à ces pierres des


qualitez médecinales.
C’eft fur ce principe ,
que
M. Boyle démontre qu’il
y
peut avoir de grandes vertus
dans les pierres , 6c que la cha-
leur du corps humain eft fli-

fifante de déveloper , 8c
les'
d’en faire fortir de larges é-
couîemens de matière fubtile
& médecinale. Ce qui foit dit >
fans pourtant autorifer les ré-
cits fabuleux , 6c les hiperbo-
les , dont des Auteurs peu
exa&s , 6c trop crédules ont
rempli leurs écrits. M. Boyle
a pris fur cette matière , com-
me fur tout ce qu’il examine
& de F Art. 103
un raisonnable , St jufte tem-
pérament Et on ne fauroit
:

lire qu’avec beaucoup de fa-


tisfadion Ton dode Traité :

De gemmarum origine r & vir-


tutibus.

I.

Le Macha-mona , ou la Cal-
lebajje de Guinée •

fruit de la même
E
fes.
St
figure
un
que nos CallebaSl
Audi l’apelle-t-on pour ce -

Sujet : Caile baffe dé Afrique. Il

y en a qui ont un piédelong,


& Six pouces de diamètre.
L’écorce eft une fubftance li-
gneufe très- dure ; dont on &
'pouroit faire des taSTes, com-
me on en fait de Coco. Le
deSIus de cette écorce eSt cou-
vert d’une efpèce de velours
verdâtre qui fait un bel éfet.
îc>4 Cur ofîte\_ de
i la Nature >
Le dedans de ce fruit eft ad-
mirable. Il eft divifé par cô-
tes ,
comme
le melon l’eft par
dehors. Ces côtes font fépa-
rées par des filamens qui en ,

atachent la chair à la paroi


intérieure de l’écorce j & ces
filamens partent de la circon-
férence , & fe terminent au
cœur du fruit. La chair eft
proprement de la même cou-
leur , que le dedans de la ci-
troüille. Quand ce fruit eft
meur ,
cette chair eft d’un goût
aigrelet , &
qu’on trouve dé-
licieux dans les pays chauds ,
où l’on en ufe comme de Li-
monade à Paris, pour fe ra-
fraîchir.On en donne volon*
tiersaux malades ; & fur tout
dans les cours de ventre car 5

outre le fuc , qui eft un peu


ftiptique ,
la chair eft d’un aulîl
bon goût que le pain d’épices
& de l'Art. io
de Reims > &peutpaflèr quand
elle eft sèche, pour un excé-
lentablorbant. Les efclaves en
font de la bouillie. Il a dans
y
ce fruit grand nombre de pé-
pins gros comme de petits pi-
gnons, & dans chacun il
y a
une amande incomparable-
ment pins délicate au goût
que nos amandes douces. Ces
pépins font de couleur de châ-
taigne , Si de la figure d’un
rein ou de la graine de mufc.
,

Les femmes d’Afrique qui ne


connaiïïènt point la prèfure
fe fervent de la chair de Ma-
cha-mona, pour faire cailler
le lait. L’arbre qui porte ce
fruit eft gros, & haut pour le
moins ,
comme nos plus grands
chênes. Sa feüille eft épaiflè
grande que
Si plus la feüille de
Maronier d’Inde. On l’apelle
Macha-mona j c’eft-à-dire 3
io6 Curiojitei^de laNature ,
mangé par les oiféaux
> car les

oifeaux qui ont le bec fort, en


font très-friands , 6c crèvent
l’écorce pour manger le de
dans Nous l’appelions Calle-
baffe parce qu’apa-
de Guinée j

remment on en a aporté de
Guinée en France avant que
d’avoir obfervé , qu’il y en a
aux Ifles de l’Amérique. La
queue n’eft autre chofe que
tous les fîlamens du dedans du
fruit ,
lefquels fe réunifient là $

ou fi l’on veut, ils partent de


là pour fe feparer afin de ta-
,
;

piflèr l’écorce intérieure du


fruit, 6c de le partager en cô-
tes. Au que dans nos Ci-
lieu
abon-
trouilles la graine eft en
dance, 6c toute au cœur du
fruit au contraire dans le Ma-
cha-mona il y a peu de pé-
pins j 6c ils font répandus
dans toute là fubftance , fort
&
àe r Art. 107
énvelopez dans la chair , 8e loin
l’un de l’autre.

Il-

L' Aouara.

E St
ve
un
aux
qu’on trou-
fruit
Indes d’Occi-
dent , 8e qui craît à une ef-
pèce de Palmier fort haut , 8e
épineux. Cette efpèce de pom-
me fort d’une goullè qui con-
tient un bouquet de plufîeurs
de ces fruits. Quand l’Aouara
eft en maturité, il eft d’un jau-
ne doré. Sous l’écorce il a une
y
chair jaune , 8e qu’on mange
parmi les Indiens. Cette chair
cache un noyau gros comme le
noyau d’une pêche, 8e dans la
Itiperficie duquel
y a trois trous
aux cotez 8e deux plus petits
,

tout proche l’un de l’autre. Ce


noyau a deux lignes d’épai
ïo8 Curioftez^de la Nature ,
feurj il eft d’une dureté de pier-

re, très-dificile à cafter, ôc dans


lequel on trouve une belle a-
mande blanche, qui eft d’abord
d’un goût agréable , quand on
la mâche j puis on y trouve
lur la finune petite pointe pi-
quante , ÔC qui aproche fort du
goût du fromage de Saftenage.
C’eft de ce fruit, dont on ti-
re l’huile que nous apellons
ici huile de Palme ôc en éfet
-,

c’eft un efpèce de Palmier ,


comme je l’ai dit, qui porte
ce fruit qu’on trouve plus
communément dans l’Afrique,
que dans l’ Amérique. Et les
Vaifleaux, qui vont chercher
des Nègres en Afrique , font
ordinairement une grofle pro-
vilîon de ces Aouaras , pour les
nourir &: quand ces efclaves
:

font attaquez dans le voyage


par quelque cours de ventre }
& de l'Art. io 9
on cafle le noyau pour avoir l’a-
mande ,
qui eft un des meil-
leurs aftringents qu’ils con-
,

naiflènt pour arêter ce mal.


J’ai
apris cette pratique dans lefé_
jour que j’ai fait en Afrique ;
& à leur imitation je m’en fuis
quelquefois fèrvi avec fuccès.

III.

La Badiane.

L y a des Auteurs qui I’a-


I pellent 1 ’Anis des Indes
s
par la ièule raifon^qu’il a une
odeur, & un goût pareils à la
lëmence d’anis , quoi qu’il n’ait
rien en quoi il lui puifle reC
fembler pour le refte. La Ba-
diane eft une lemence qui vient
des Indes. Elle eft faite
à peu
près comme la graine de me-
lon , mais un peu plus gran-
de , & plus épaiftè >
la couleur
no Curiofîtez^de la Nature ,
reflemble allez à de la
celle
femence qui Te trouve dans les
Siliques de la Cafte 5 excepté
que la Badiane eft incompa-
rablement plus unie plus po-
,

lie, 8c plus luifante. Cette fe-


mence eft enferjnée dans une
capfule épaifte , dure , 8i qui
a la forme d’une étoile à fept
rayes. Il y a un grain de Ba-
diane dans chaque rayon. Cet-
te figure d’étoile eft très- bel-
le , 8c très-réguliere. La Ba-
diane célèbre à la Chi-
eft fort
ne , 8c par tout l’Orient > parce
que les Orientaux , à l’imita-
tion des Chinois , en mêlent
dans leur Sorbet , 8c dans leur
Thé. Ce mélange n’eft pas
feulement afin de les rendre
plus agréables } mais fur tout
parce que la Badiane a une
vertu carminative, c’eft-à-dire
très-propre , êc très-puiftante
& de l'Art. m
pour chaflêr les vents du corps,
& pour fortifier le cœur, &
l’eftomac. Cetulàge commen-
ce de s’établir aufîl à Paris
,
chez les perfonnes à qui il efl:
facile d’avoir fuffifamment de
cette précieufe Badiane. Gaf-
pard Bauhin apelle la Badia-
ne , fruclus fiellatus à caufè
,

que tout le fruit réprélènte iî


vivement une belle étoile.

IV.

Le Let-chi.

E Let chi efl: un des plus


L beaux fruits , & des plus
délicieux de la Chine. Il craît
particulièrement dans la Pro-
vince de Canton. Il efl: de la
groflèur d’une noix de Galle
commune. Le dehors eft une
ecorce chagrinée fort mince,
& d’un rouge éclattant de pon-
ni Curiojîtez^de la Nature ,
ceau , quand le fruit n’eft point
delféché , & qui fe termine en
pointe comme une grofle noix.
Il y a dans cette écorce une
efpèce de prune d’un goût très-
agréable. On doit etre atten-
tif à n’en manger pas trop ,
parce que ce fruit échaufe ter-
la chair
riblement. y a fous
11

molle de cette efpèce de pru-


neau long ,un petit noyau pier-

reux fait tout comme un clou


degerofle. Comme les Chinois
le iailfent fècher, ils en man-
dent toute l’année, ils en &
mêlent dans le Thé au lieu de
fucre pour lui donner un pe-
tit goût aigret , qui fait
beau-
coup de plailîr. Le R. P. de

Fontaney Jéfuite & Miiïio»-


,

naire à la Chine eft le premier


qui en aaporté à Paris en l’an
1700.
& de l' Art. 113

V.

Ze Manymftan.

C
qui
’Eft
le
eft le
un fruit qui craie
Royaume de Siam
plus délicieux de tout
dans
^ 6c

l’Orient fans exception. Il ref-


femble fort à nos groiîês noix
vertes. Il a fous fon écorce un
fruit blanc d’un goût un peu
,

aigr.ee , & qui furpafle d’ail-


leurs infiniment le goût de nos:
meilleures pêches. On tient
dans les Indes que ce fruit eft
froid aftringent. On le tranfi-
porte dans tout l’Orient où il

eft fort eftirné ,


particulière-
ment à caufo de la vertu qu’il a
d’arrêter toutes fortes de cours
de ventre.De fon écorce même
on en fait une excélente prî—
fonne, qui a la même faculté
9
•qui eft très-agréable à boire
3
K
314 Curioftter^de la Nature*
Si dans laquelle Indiens
les
metent de cache ,
la du ris
torréfie'. La figure de ce fruit
eft admirable, il a du côté de
la tête une petite rofè à fix
feüilles en relief, &. fi réguliè-
rement deffinée, qu’on ne la
fauroit voir ,
fans admirer ce
petit jeu de la nature.

VI.

Le Panache de mer , ou la ?ai-


me marine.

L
y a des prairies , des Jar-
I dins, Si des forêts mêmes,
au fond de la mer. Pline le dit
formellement de la mer rou-
ge, Si de la mer d’Orient. Mare-
Jiubrum , totus Orientis 0-
ceanus refertus eft ftylvis. Hift-
Nat. Lib. XIII. cap. 25 Il .

remarque enfuite fort curieu-


femenc que ,,
pendant qu’il y a
&
de ï Art. rry
aux environs de la mer rou-
ge, desfolirudes afreufes, fans
plantes , & fans arbres , fî on
excepte une efpèce d’épine
y
qu’on ne trouve que de loin à
loin j il y a fous les eaux dé
cette mer des forêts d’arbres
qui fleurifîènt , èc qui portent
des fruits ; comme fi la nature
avoir voulu par ces végétations
marines , nous dédomager de
ce qu’elle ne produit rien dans
les terres léchés , &
fteriles de
l’Arabie pierreufe. Il
y a dans
cette nier, dit Pline, particu-
lièrement des Lauriers , des &
Oliviers. Le Laurier y porte
les baies, & l’Olivier y eft char-
gé d’olives : Mirum eft in ma-
ri rubro fylvas vivent ; lanrttm
maxime , Olivam fèrentsm.
baecafv Que de merveilles là
mer cache fous fes eaux i J’ai
aportç d’ Orient un Panache dg
K ij
1 6 Curiofîtez^ de la Nature ,
la mer rouge, qui eft tout-à-fait
curieux. Il eft tout d'une
couleur , mais il eft fingulier en
ce qu’il eft d’une couleur de ta-
né clair en fa croûte , qui fem-
ble être une efpèce de chaux
pétrifiée : Sc deflous cette croû-
te légère il
, y a un tiftu de fi-
lamens ligneux pliables , èc
,

auffi dificile à rompre que de la


baleine. Dans mon panache
de la mer rouge ces filamens
,

ligneux font de couleur d’o-


live , mais fort liftez , fore &
beaux à voir. Il y a encore cet-
te Angularité; qu’il eft, comme
la Madrépore ,
percé d’une in-
finité de que
petits trous, ce
je n’ai point remarqué dans
les Panaches qui viennent de
la Mer des Indes Occidenta-
les. Cette belle végétation eft:

donc une efpèce de plante ma-


rine, toute plate , & étendue
C?- de l'Art. ny
en forme d’évantail. Il eft ra-
porré dans le Cabinet de Cal-
ceolarius p. 1 7. que les Dames
de l’Amérique font fort cu-
rieufès de ces panaches de mer
5
qu’elles les eftiment fort &c
5

qu’elles les recherchentavec


beaucoup d’emprelfementjpar-
ce qu’elles s’en fervent com-
me d’éventails ,
pour s'éven-
ter & pour fe
, rafraîchir dans
les grandes chaleurs.
Les branches de’ mon Pa-
nache font tifluës très-délica-
tement en forme de point
,

coupé ou bien comme dit


, ,

Cluftus ainii qu'un filet, ou un


rets à prendre des poifions &c
,

des oilèaux. C effc à caufe de


cette admirable contexture

que ce lavant homme nomme
cette planter -planta retiformis .
Ce lacis fi délicat eft loûte-
nu dans le milieu des branches»
IiS Curiojîtez^ de la Nature ,
par une efpèce de carde , ou
de côte , qui fort de la raci-
eine , & qui fe termine vers le
haut de la feüille, où cette
efpèce de tige fe perd imper-
ceptiblement. Ce Panache
vient du fond de la mer rou-
ge r aiant crû fur des rochers
où il avoit pris racine , à la
maniéré de tous les Pana-
ches. Quand un Panache a plu-
fieurs branches, ôc qu’il efî de
trois couleurs , comme celui
du Cabinet de feinte Gene-
viève ,
mérite proprement
il

le nom de Panache h parce


qu’alors il reflèmble aux bou-
quets de plumes , 6c aux vrais
Panaches , qui ornent la tête
des Acteurs d’une Tragédie.
Et c’eft fans doute cette ref-
femblance, qui a fait donner
à cette végétation marine > le
nom de Panache de mer
& de l'Art. n cf
Outre mon panache de
couleur tance qui a un , &
pied &
demi de haut de au- ,

tant de large , j'en ai un pe-


tit du plus beau rouge qui fe
puiflèj voir. Sa croûte n’eft pas
jercée de petits trous comme
'autre : mais il a cela de fîn-
gulier ,
qu'il eft tout chagri-
né ce qui n’eh: pas ordinaire
r

aux panaches qui viennent des.


Indes d'Occident-

VII
La Feve fébrifuge.

C
pines
’Eft une efpèce de fève *
qui craît aux Ihes Philip-
,
de dont les Originaires
du pays fè fervent , comme
d’un fébrifuge immanquable.,
la figure ,
de la grofleur font
prefque comme celles d’une
hermodade ; mais, Thermo--
ii o Curiofttez^de la Nature
dacle eft blanche ,
2c la fève
de Ignace eft grizâtre ,
faine &
blanchâtre par dedans. Elle
eft d’une très- grande amer-
tume. On la nomme dans une
partie des Indes
,
feve de faint
Ignace parce
-,
que ç’a été un

Jefuite Efpagnol qui le pré-

mieryena aporté la connaii-


fance. Elle y eft fort eftimée.
Dans le commerce que ce Jé-
fuite eut avec les Habitans des
Philipines , il reconnut qu’ils
s’en fervoient pour le guérir
de la fièvre. C’eft un pu (Tant i

purgatif.Ce qui n’allarme point


les Indiens, qui ne font point
de façon de fe fervir de pur-
gatifs violents. Et fur ce fa-

jet M. de Tournefort dans la

Préfacé de fon Hiftoire des


Plantes des environs de Pa-
ris ,
fans ménager la ridicule

délicate fié de ceux qui aiant


un
fi de l'Art. ï i i
nn grand fond de mauvaifês
humeurs , aprehendent cepen-
dant les purgatifs un peu forts,
a dit très- à-propos
,
comme s'il
étoit ÿofjiblede bien vuider un fac
fans lefecoüer-, ou fi l'on fouvoit
rétablir les humeurs fansy exci-
,
ter quelque mouvement qui les
,

débrouille , (fi qui procure la


fé-
faration de la matière , qui en
avoit changé la tijfure. On m’a
alluré que la fève de Saint
Ignace crailfoit auffi dans rif-
le de Sam- cham où eft mort
,

Saint François Xavier , dont les


Reliques ont été depuis tranf-
portées à Goa.
Tout ce que je puis dire fur
céte fève c’eft que j’en ai vû
,

dans les Indes des éfets mer-


veilleux , & que j’en garde fort
foigneufement quelques - unes
que j’ai eues de quelques Ef-
pagnols , qui venoient des Ma-
nilles. L
lu Curiojïte^àc la Nature

VIII.
Le Bois de Bambou.

E Bois eft fort célébré


dans les Indesjnon-feule-
ment parce qu’il entre dans la
matière médicale des Indiens j
mais encose parce qu’ils en
font quantité d’ouvrages, qui
font d’une grande utilité dans
leur domeftique. On tire du
Bambou, quieftuneefpécede
canne, ou rofeau, un fucre ,que
les Indiens regardent comme
un excélent remède à plufeurs
maux. Mais ce n’eft pas par
ces raifons là, que j’ai eu la eu*
riofité de rechercher , &: d’a-
porter du bois de Bambou. On
lait de quelle utilité le feu eft
dans la vie j & fur tout dans
les pays Septentrionaux. Les
Poètes qui envelopent toû-
&de l'Art. ii 5'
jours quelque vérité fous le
voile de leurs Fables, difent
que Prométhée monta dans le
cielpar le fecours de Minerve
& qu’ayant aproché un flam-
beau du chariot du Soleil il ,

vola le feu du ciel, qu’il aporta


fur la terre : Et en éfet le feu efl
un préfent très précieux que ,

l’Auteur de la nature a fait aux


hommes. Vitruve dit que ç’a
été par le doux plaifir qu’il
y
a à 'fe chaufer que les hom-
,

mes qui yivoient auparavant


de gland, féparez dans les forêts
comme les bêtes ,
commencè-
rent à former la fociété civile,
fe polir par des loix
,
&
à régler
leurs intérêts par des contrats
& des conventions. Et nous re-
gardons aujourd’hui avec é -
tonnement ce qu’on vient de
publier des Habitans des If-
ies Mariànes % aufquels le feu
r

ü4 Curiofitez^ de la Nature.
étoit inconnu. Ce qui efi déplus
étonnant , die le Pere le Gobien
Jefuice , & ce qu'on aura peine
à craire ,
c efi que les Habitant
des Ifies Marianes n’ avoient ja-

mais. vû de feu 3 cet élémentfi ne-


cejfaire leur étoit entièrement in-

f
connu. ils n' en avoient ni l'ufa-
ge , ni les qualité -, & jamais
ilsne furent plus furpris que
quand ils en virent pour la pre-
mière fois a la décente que fit
Magellan dans une de leurs If-
les , où il brûla une cinquantai-
ne demaifons , pour punir ces In-
fulaires de la peine qu'ils lui a-
voient faite. Ils regardèrent lo

feu dans les commencement 3 com-


me une efpèce d'animal qui s'a-
tachoit au bois , dont il fe nourif-
foit. Les premiers qui en apro-
cherent de'trop prés 3 s'étant bru -
lesg en donnèrent de la crainte aux
autres 3 & n'oférent plus le regar-
~&de l'Art. îrf
derque de loin, de peur , difbienc-
ils
,
d'en être mordus , & que ce
terrible animal ne les ble-ffhtpar
par fa violente refpiration Liw .

ILpag. 44-&4V
Vitruvedit que les premiers
hommes ne connurent le feu T
que par hazard: quelques ar-
bres qui étant près les uns des
autres , fe frottant violemment
par tempête , s’enflamérent
la
& cauférent un grand incen-
die. Lib. IL cap. 1.
Ce que les premiers hommes
ne connurent que par hazard ,
les Indiens le connailfent par
une expérience journalière , 8c
qui eft d’autant plus curieufè
qu’elle donne du feu avec une
très-grande facilité. Qua.nd les
Indiens veulent fumer du ta-
bac , 8c allumer leur gargou-
lis, |ils tirent du feu du Bam-
bou par le frottement. Voici
L iij
1 16 Curiofitezjle la Nature
comme ils font. Ils ont deux
morceaux de Bambou fendu.,
dans l’un ils font une coche ,
6C
ils frotent avec l’autre mor-
ceau dans cete coche , 6c fans
que le Bambou s’enflame , ni
qu’il étincelle , quelque feüil-
lage fec ou autre matière in-
,

flammable , 'que l’on aplique à


la coche , prend feu auffi-tôt.
C’eft cette curieufe faculté de
faire du feu facilement ,
qui
m’a porté à rechercher de ce
bois , 6c à le placer parmi les
chofes,dont on doitfairecas.il
medecinale dans
y a une vertu
fa racine ,
6c qui la rend d’un tr-
iage très-frequent dans les In-
des. Cefl: un diurétique très-
éflcace ; 6c les femmes de roau-
vaife vie ne connaiflent que
trop en ce pays-là le fecours
qu’elles en peuvent tirer pour ,

cacher 6c pour continuer leurs


defordres.
& de l'Art. 1 17

IX.

La noix d' Areca.

C ’Eft le fruit d’une efpé-


ce de Palmier, qui craîc
en plufiers lieux des Indes d’O-
rienc.Quand ce fruit n’eft pas
bien meur j il eft allez agréa-
ble mais il étourdit ceux qui
:

en mangent 5 &. ils tombent


dans une maniéré d’ivrelîe,
dont ils ne reviennent pas fi-
tôt, &
durant laquelle ils font
fort gaillards. Il devient infi-
pide à mefure qu’il meurit.
Les Indiens fe forvent de la.
noix d’Aréca^ pour compofor
des trochifques ,
qu’ils mâ-
chent comme
quelques - uns
font ici le tabac , afin de fe fai-
re cracher, &
de dégager le
cerveau. Ils la mêlent avec le
Bétel j donc la feuille eft ad~
L iiij
ï 18 Curiofîtezjle la Nature.
mirable ,
pour raréfier la pi-
tuitedu cerveau pour fortifier
,

l’eftomac èc pour rafermir les


,

gencives. Ils y mêlent encore


le Cardomomum. Ce flic épaifi-
ftd’Arequeeft ce qu’on apelle
Cache , quand il eft feul. C’eft
de quoi ufe le petit peuple. Et
quand il eft mêlé avec des cho-
fes aromatiques on le nomme
,

Cachou &c il eft beauc oup plus


-,

cher. Les Indiens mâchent de


cette compofition, afin de fe
rendre l’haleinedouce,&:agréa-
ble. Ce bétel leur rend les lè-
vres fort belles ; parce que le
fuc qui en fort, eft rouge comme
du làng. M. l’Abbé de Choify
dans fon Journal du Voyage de
Siam parlant d’une collation ,
,

qui fut lervie à Batavie devant


M. le Chevalier de Chaumont,
Ambafladeur du Roy à Siam
dit , Les Dames s'y font trouvées :
&
de r Art. 125J
mais bon Dieu quelles Dames f
!

qui toujours mâchent du Bétel , &


de l' Are que ! Or vous fauresg que
de ce Bétel découle une liqueur
rouge comme du fang j &
Mef-
dames ont la bouche , comme fi
on leur venait d'arracher quatre
greffes dents, pag. 2 34,
Le Bétel eil une plante des
Indes d’Orient , dont les feuil-
lesreflèmblent allez à celles du
Citronnier.Elles font d’un Offout
aromatique , &
d’une odeur
qui fait beaucoup de plaifir.
Au Indiens font per-
refte les
fuadez que l’Arèca , ou Arè-
que eft excélenc pour réta-
blir ,
èc pour fortifier l’eftomac.

X.

Le Bois d' Aigle.


E ne croi point qu’on doi-
J ve confondre le bois d’Ai-
A v
x 3 o Curiefîtez^ de la Nature,
gle avec le bois d’Aloès; parce-
qu’il me paraît que ce font
deux bois tout-à-fait diférens.
Le dehors de ces deux fortes de
bois eft allez femblable. Mais
ils diférent en ce que le bois
d’ Aloèsô un goût amer quand
,

on quelque tems dans


le tient
la bouche on ne trouve rien
de cette amertume dans le
bois d’Aigle. Ainlî il me femble
qu’il en faut faire une efpéce
diférente. Quand on brûle le
bois d’Aigle , il en exhale une
fumée legere , qui eft d’une o-
deur charmante, très-propre
à fortifier le cerveau , le cœur
l’eftomac , & à ranimer les ef-
prits. Ce bois non-feulement
eft rare en France, mais mê-
me dans les Indes. On le trou-
ve dans la Cochinchine Et ce :

qui fait que ce bois eft fi rare


c’elt que les Cochinchinois font
fi de l'Art. 1 3 i
gens peu pratiquables, &d’un
très- dificile commerce. Ce
qu’on en peut avoir à Siam fb
garde dans les Magafins du
Roy. C’eft fur cela que M. l’Ab-
bé de Choify a dit fi agréable-
ment '.Dans quelques jours nous
irons dans les Magafins du Roy,
choifir ce quil y aura de -plus
beau. Si M. Confiance prend
mes avis , (fi quil tombe fions
ma main de gros vafies d'or , je
ne les laififierai pas èchaper : cela
vaut bien des paravants 3 fi du
bois d' Aigle, pag. 3 GG.
. Dans les préfens que le Roy
de Siam enyoyoit en France,
il
y avoir quelques livres debois
d’ Aigle i comme nous le voyons
dans Relation de M.-le Che-
la
valier de Chaumont.
Les I ndiens qui peuvent avoir
de ce bois, s’en fervent dans
Jeurs maladies contagieufes ,
131 Curiofitc^ de la Nature
pour faire des fuffimigations fur
lefquelles ils comptent beau-
coup. Comme ils croient de
grandes vertus dans ce bois ,
ils fe les font entrer dans le

corps en parfum par le moyen


de la fumée en éfet le fel vo-
:

latile de ce bois non feulement


eft fudorifique mais encore il
,

fortifie le cerveau, réjouit le


cœur , échauffe l’eftomac, ra-
nime les efpnts & refifte puif-
,

famment au venin. Cette ma-


niéré de prendre ces efprits
volatiles des remedes’ par la fu-
mée ,
èc en parfum eft non-
,•

feulement très- bénigne mais ,

encore plus éficace qu’on ne


penfe. Cettë voie eft merveil-
ieufe pour purifier l’air de la
chambre d’un malade , & pour
qu’il ne refpire qu’un air falu-
bre. Mais par deffus cela, ce
qu’on ne fauroit trop eftimer }
& de /'
Art. i
3
3'

on guérit par ce moyen les plus


terribles maladies 6c iur
, tout
celle qu’on dit avoir été tranfl
mife de l’Amerique en Europe,
dont elle a jnfe&é foutes les
Régions. Elle n’effc point in-
connue chez les Tartares Pré-
Mais ce que l’on ne lait
copices.
peut-être pas alTez ; c’eft que
ces peuples s’en gueriflènt ra-
dicalement 6c avec la plus
,

grande facilité du monde, par


la feule hiffimigation* du
Cin-
nabre > comme on le peut voir
dans le Capiyaccius de lueve-
,
nerea. cap.iz.Je fai qu’il y a
dans Paris de très-habiles Mé-
decins , qui ne condamnent
pas l’ufàge des hiffimigations
j
& il feroit peut-être à fouhai-*
ter qu on ne les négligeât pas
rant.
134 Curtofitet^de lu Nature
X I.

Le Bois & la Gomme de Td-


camaca.
E Tacamaca un grand
L arbre ,
eft
qui eft fort
mun dans la nouvelle Efpa-
com-

gne , 6c qui fe trouve aulîî à


Madagafcar 3 6c dans l’Ille
Bourbon.
ffe Quoique dans ces pays le
bois de cet arbre foit employé
à faire des planches , des mats,
6c des pièces de bois pour les
Vaiflèaux , il ne lailfe pas d’a-
voir des qualitez medècinales.
Dans les grands maux de tê-
tes , êcdans l’abatement d’ef-
prit , la fumée de ce bois dimi-
nue la douleur 6i réjoüit. Ce
bois eft fort refineux , reflem- &
ble allez, pour la couleur au
bois de Sainte Lucie.
La Gomme de Tacamaca la
& de l'Art. 13?
plus eftimée efl: celle qui fort
,

de l’arbre fans incifion.On


la
nomme ,
par excellence , la
Gomme de Tncdmrtcrt Çublime.
Elle eft rougeâtre tranfpa-
,
xente.,& d’une odeur réjoüif-
fante. Les Indiens font
grand
cas de cette Gomme. Ils
s’en
fervent contre plufîeurs maux,
& en font des baumes excel-
lens contre les bleiTures.
L’u-
fage le plus ordinaire
qu’on en
fait a Paris j c’ell d’en
faire de
petits emplâtres qu’on apli-
,
que fur 1 artère de la temple#
pour apaifèr la douleur
des
dents. Ce qui réiifïît très-fou-
vent. Je n’en ai point
vû de
plus belle que celle
que
, M.
Hebert Directeur de la Com-
,

pagnie des Indes d’Orient


don-
na il
y a quelque tems à M.
1 Abbé de Vallemont. Il
y en
ivoit bien une livre d’un beau
Î36 Curiojite^ de la Nature,'
choix & elleétoit envelopée
:

dans une grande feüille, qui.


a voit plus de deux pieds de
long, & plus d’un pied de large.
Le tout étoit au même état
qu'on lui avoir aporté de Tlfle
Bourbon.il ne faut pas ici ou-
blierqueEtmuler recommande
extrêmement laGomme deTa-
camaca pour fortifier le cœur
èc l’eftomac en l’apliquant en
,

epitème fur la partie. On la


tient pour un Souverain re-
mede aux douleurs des jointu-
tu-
res. Elle réfout toutes
les

meurs invétérées ,
& arrête
le

cours des humeurs froides.Cet-


te Gomme a beaucoup de ver-
tus medeçinales $
mais laquef*
tion eft d’avoir de la véritable.

Vn
D
nu de
Epuis que Monfieur Li-
gnon le jeune , eft reve-
la Guadeloupe , on ne
fauroit ignorer à Paris ce que
c’eft que Litophiton. Il en a a-
porté de 1* Amérique une fi gran-
de quantité, &
de plusieurs ef-
péces fi curieufes qu’il n’y a
,

point de cabinet où il ne s’en


trouve. Ainfî il eft prefque inu-
tile de dire que cette plante
pierreufe eft un prodige dans
la nature. C’eft une plante &
comme telle , elle appartient
au régné des Végétaux. Mais
elle eft
fî pierreufe par la croû-

te blanche & tartareufe qui


,
,
couvre fa tige & fes bran-
ches que le régne des Miné-
,

raux poiiroit la revendiquer,


M.
î'$ 8 Curiojîtez^ de la Nature
Le Litopniton ,
donc je veux
parler ici, devroit avoir place
parmi les Minéraux par un
double titre j
non-feulement
par l’écorce pierreufe qui le
couvre, à la maniéré de tous
les autres mais encore par une
:

lingularité , qui le rend tout-à


fait rare ,
& extraordinaire.
Tous les Litophitons craiflènt
attachez fur des rochers dans
la mer ,& depuis la racine juf-
qu’au bout des branches , fous
la croûte pierreufe , il y a u-
ne efpéce de bois fort dur
pliant ,
èc auffi difîcile à rom-
pre que de la baleine. Mais
le mien eft fort diférent. 11 a
végété en pierre purement plus
de deux pouces de haut} ài. a-
près cela, le tronc de pierre
de ce merveilleux arbriÏÏèau fe
fépare en trois branches. Et
c’eft de là que s’élèvent un
&
de î Art. Tjÿ
grand nombre de branches
qui forment une toufe ronde
en maniéré de bouquet. Ce qui
fait encore une rareté dans ce
Litophiton s parce qu’ordinai-
rement ces plantes marines
craiflènt étendues en large
comme un éventail. Il a été
trouvé dans fameufe Fontai-
la
ne delà Guadelou-
boiiillante
pe laquelle quoique fouvent
j
,
couverte par deux , ou trois
pieds d’eau de la mer ne laif-
,
Ye pas de faire encore voir lès
boüillons d’eau qui s’élèvent
au-deffiis.Cette Fontaine vient
de la grande Montagne de la
Soufrière qui brûle continuel*
lement & c’eft fans douce ce
;

qui rend fes eaux il chaudes.


Autre merveille c’eft qu’au mi-
5

lieu d’une eau brûla nte,il nelaif


le pas de le faire une végétation
aulfi admirable que le Litoplii-
Mij
i4° Curioftet^de la Nature
ton, dont je viens de parler.
Un Philofophe ne va guère
loin fans trouver un éciieil , qui
l’arrête cela mortifieroit bien
:

l'on orgüeil,s’il fe pouvoit qu’-

un homme ,
qui palfe fouvent
la nature en revûë ,
où il ne
comprend prefque jamais rien
eût quelque bonne opinion de
fon favoir. Il en eft pourtant
qui font faits de la forte 5 puif-
que Saint Jérôme définit un
Philofophe Gloria: animal ,
j

popularis aura atque honorum


venale mancipium.

XIII.
Une Racine de Mabouia.

I les hommes n’avoient


S
que les
point
animaux
d’autres ennemis
les plus féro-

ces, & les plus furieux ,


il

n’auroit pas été nçeeJTaire de


& de £Art. •
14Î
forger le fer ,
& d’aiguifer l’a-
cier pour en faire des armes.
,

L’Empire que Dieu donna à


l’homme fur cous les animaux
de la terre, qui lui étoient fou-
rnis ,
tant qu’il fut lui-même
fournis à fon Seigneur, n’efl pas
tellement détruit par le péché,
qu’il ne refie encore fur la face
de l’homme, des traits de cet-
te première Souveraineté qu’il
avoit fur toute la nature. C’efl
pourquoi il n’arrive guere que
lesanimaux, quand ils ne font
pas irritez , fe portent à nous
attaquer. Mais
l’homme a pour
ennemi l’homme même i & il
ne pouvoir trouver dans la na-
ture un ennemi plus redouta-
ble, & plus cruel, Homo homi-
ni lupus. "Les hommes fe font ar-
mez les uns contre les autres,
6c ont cherché toutes les
voies poffibles pour fe détruire
14-1 Curiofiteï^ de la Nature ,

mucuellement.L’ArtilIerie, de-
poudre
puis l’invention de la
à canon , une maniéré
eft
bien expeditive, pour porter
promtement chez, fes enne-
mis le feu , l’horreur , la &
mort. Les hommes , qui n’ont
point conn^iflance de ces arts
funeftes qui aiguifent le fer ,

& compofent la poudre


qui
à canon ne laiftènt pas de
,

fe guerre , èc d’avoir
faire la
des instruments propres à la-
tisfaire leurvengeance & leur
fureur. Les Sauvages de l’A-
merique font de la racine de
Mabouia , des maniérés de
mafluë dont ils s’arment pour
,

attaquer, & pour fe défendre.


Cette racine eft noire, plus du-
re , èc plus pefante que le bois
de fer. Elle elLtoute garnie de
nœuds gros comme des châ-
taignes, Le feul alpect de ce
&
d'e F Art. 143
bâton long d’environ trois
,

pieds , peint l’image de la mort


dans l’imagination de l’homme
le plus alluré. Quoique les Poè-
tes nous aient appris que la
malîuë d’Hercule étoit d’ai-
rain ,
il eft certain qu’elle ne
pouvoir avoir rien de plus af-
freux, que la racine de Ma-
bouia. Aulîî eft-ce par l’excel-
lence que ces Sauvages imagi-
nent dans cette racine , qu’ils
la nomment racine de Ma-
bouia > c’elLà-dire , du
racine
diable 5 parce que quand ils font
armez de cette malîuë ,
ils fe
croient infiniment redouta-
bles. L’arbre , d’où, l’on tire
cette racine, n’eft pas com-
mun. On en trouve fur le haut
de la montagne de la Soufrière
à la Guadeloupe d’où les Ef- ,

claves Importent > & ils fe font


une grande fête de rencontrer
144 Curiofite\<fe la Nature
de ces racines, fur tout qûancl
elles ont la figure de mafluë.

XIV.
Z e fruit & la Gomme du Cèdre
du Liban.

E Cèdre eft unarbre cé-


lèbre de tout tems. Les
Poëtes du Paganifme pour >

loüer les Vers &. les Ecrits de


quelqu’un dilent qu’ils méri-
>

tent d’être écrits fur le Cèdre :

Et Cedro digna locutus j parce


que fon bois eft incorruptible.
Les Paiens employoient le bois
de Cèdre à caufe qu’ils ne fie
corrompt jamais , à faire les
Statues de leurs Dieux 5
doute pour la même
c’elt fans
raifon que Salomon fit faire le
Temple dejerufalem de ce mê-
me bois & qu’il
,
fit alliance a-
yec Hiram Roy de T yr, ,
afin
qu’il
& de l'Art.
envoyât des Cèdres , du mont
Liban , dont il avoit befoin.
Lib. Reg. III. c. y. Le Cèdre eft
toujours verd aime les lieux
: Il
froids de couverts de neige.
Comme cet Arbre cil fort lèm-
blable au Sapin Ion fruit elt ;

auffi à peu-près de la même fi-


gure, que la pomme de pin
5
excepté qu’il eft plus uni, plus
égal en fa fuperficie,& moins en
pointe par l 'extrémité. La pom-
me de Cèdre ,
que j’ai ,
elt des
plus belles de elle eft en quel-
:

ques endroits toute couverte


de la gomme, ou réfine qui
,
découle de cet arbre.
La gomme découle du
Cèdre fans incifion, dans les
grandes chaleurs ; de dans les
autres faifons on fait des inci-
fions à l’Arbre pour en faire
,

diftiler ce que la chaleur n’a pft


faire fortir. Cette gomme eft
N
I 4<j Curiofîtegde la Nature
fudorifique j 8c elle eftrecom-
mandée pour la vertu qu’elle a
de digerer de refoudre , d’a-
,

molir, de confolider ,
8c de for-
merveilleufement
tifier.Elle eft
déterftve ,
propre pour refi-
8c
fter à la gangrène. On rem-
ploie auffi pour les fra&ures , 8c
diflocations. Les Egyptiens s’en
fervoient pour embaumer leurs
morts , à caufe de la faculté
qu’on y a toujours reconnus
d’empêcher la corruption , 8c
afin de communiquer à leurs
cadavres cette efpece d’immor-
talité , que la nature a donnée
au bois de Cèdre.

XV.
Une greffe Rofe de Jèrico.

A Rofe dejéricon’eft point


L une
toute entière
mais une plante
fleur
d’environ
,

demi
de r Art. 14. y
pied de haut , avec fa racine.
Cette plante a des branches
dures, 6c Ijgnuefos qui en font:
,
un petit arbriflèau en bou-
quet. Quand elle fo sèche , elle
fe ferme , en forte que toutes
les extremitez des branches
,
en fo courbant en dedans fe
,
réüniflènt à un centre com-
mun , composent une e/pèce
6c
de petit globe. Celle
que j’ai,
n’a point de feuilles j mais
elle eft toute pleine de petites
fleurs. Vvormius dit qu’elle eft
mal nommee ,
11 ofe de Jérico j
parce qu’on n’en trouve point
du tout au tour de jérico mais 5

dans l’Arabie Deferce après •


&
Bellon il s’en prend à un Moi-
,

ne qui lui a donné ce nom mal-


a-propos Rofa Hierichuntinœ
:

nomen fuum ab imperito quodam


Monacho fortita eft , tefte Bello-
nio. Vvorm. Mufeum pag. 15 1.
N ij
14S Curiofîtezjle la Nature,
On dit des merveilles delà
Rofe de Jérico , 6e ce feroit une
belle chofe fi la fable n’avoit
point de part à ces récits. Il
que cette
y en a qui aflurenc
Rôle s’ouvre la nuit de Noël,
quoi qu’elle foit entièrement
fièche auparavant. Je ne vou-
drois pas nier ce fait abfolu-
ment 5 mais il a befoin de quel-
que modification. J’ai remar-
qué que ma Rofe dejérico effc
un excelent Hygromètre pour
connaître lafeehereffe, ou l’hu-
midité de l’air. Dans le tems
que j’écris ceci cette Rofe effc
,

extrêmement recoquillee 6c ,

fermée , 6c plus qu’elle ne la


été depuis long-tems -, parce
que l’air effc ge-
très fec ,
6c la

lée très âpre. Mais quand l’air

eft mêlé de beaucoup d’humi-


dité , 6c qu’il doit pleuvoir , cet-
te Rofe eft prefque toute deve-
0“ de l'Art. 149
lopée ,
& ouverte. Ainfi peut
il

arriver, comme il arrive quel-


que fois ,
que la nuit de Noël
foie pluvieufe 5 & alors ce ne
feroit pas un miracle ,
fi la R'ofê
de Jérico s’épanoüiflbit. Ce
qu’fl
y a de vrai c’eft qu’ellè
,

s’ouvre en tout tems dans l’eau;


& plus promtement fi on la ,

met dans de l’eau chaude.


En Italie , 6c même en Fran-
ce, les femmes grofles ont beau-
coup de confiance en cette Ro-
fe,lorfqu’elles fentent les pre-
mières douleurs de l’accouche-
ment. Car enfin elles font per-
luadées que , fi dans ce tems-là,
on la met dans de l’eau , elle
n’efi: pas fi tôt ouverte, que l’en-

fant vient au monde. Si cetar-


b ri fl eau avoit véritablement
cette vertu, je lui donnerais le
premier rang entre toutes les
plantes , que la terre porte. Je
N iij
1 50 Curiofitezjie la Nature,
garde laRofe que j’ai avec foin ^
parce que je la regarde, & con-
fulte fouvent , comme un des
plus vifs ,
6c des plus fenfibles
Hy gromètres ,
qu’on ait jamais
inventez ôc pour cela elle mé-
:

rité la préférence fur les bar-


bes de l’avoine fauvage , fur &
la goufle de Vefle fauvage ,
qui
fe meuvent fuivant la fècheref-
fe ,
ou l’humidité de l’air j 6c
dont on a fait jufqu’à prefent
des Hygrofcopes inventez par,

Meilleurs de la Société Royale


d’Angleterre comme nous le
:

voyons dans l’Hiftoire de cette


illuftre Académie.
& de l'Art. 151

I.

le Cancre marin pétrifié.

Es prétrificationsfont avec
raiion l’objet de la curio-
des Savants. Ce font autant
lîté
de miracles de la nature ^ qui
fourniflent de grands fujets de
philolbpher aux Phyiiciens. En
éfet,onne fauroit trop admi-
rer ,
comment la 'matière lapi-
difîque peut être allez fubtile
pour s’infinuer dans les pores
de la fubftance d’un os , ou du
bois5& pour les métamorphofer
en pierre fans en changer la fi-
gure primitive , ni détruire leur
première nature. Il faut que la
liqueur pétrifiante foit d’une
merveilleule aéfcivité. On voit
avec dans le morceau de
plaifir
Cancre marin pétrifié , dont je
parle ,
tous les veftiges de ce
qu’il étoit primitivement -, la
N iiij
1 ji CurioJitezjle la 'Nature ,
nature , en le pétrifiant , y a
confervé jufqu’à la couleur qu’il
avoit. Cette curieufe pétrifica-
tion eft très - eftimable ,
tant
pour le jeu de la nature qu’on
y voit que pour
,
les vertus me-
tiecinales ,
qui la rendent pré-
cieulè. Ona trouvé cette pé-
trification dans l’Ifle de Haï-
nam à la Chine, d’où l’on apor-
te avec foin tout ce que l’on y
en peut rencontrer.
Voici les vertus qu’on atribuë
au Cancre marin fi l’on s’en
>

fert comme nous allons dire.


i. Broyé avec de l’eau, il di-

minue très-lenfiblement la fie-

vre,fi l'onen prend au commen-


cement, ou à la fin de l’accès.
2.11 arrête la dilïenterie &C ,

les autres cours de ventre, étant


pris broyé avec du vin , fi le
cours de ventre vient de froi-
deur, & foiblelîe d’eftomac i on
d* de l'Art. ifj
bien avec de l’eau , il le mal eft
caufé par une chaleur exceffive,
3. Il mollifie, & ouvre les
doux frondes, abfcès,
, & tu-
meurs, qui doivent aboutir ou 5

bien il les diffipe par une infen-


fible tranfpiration , il étant
broyé avec du vinaigre, on en
frotte fouvent le mal.
4. Etant broyé avec du vi-
naigre il apaife les douleurs
,

de la goutte , fi on en frotte la
partie malade.

Ç Etant broyé avec de l’eau


rofe,il guérit l’inflammation,
tk. rougeur
des yeux , en y fai-
fant couler quelques gouttes
de cette liqueur.
6 Etant broyé avec de
. bonne
eau-de- vie,& bu un peu chaud,
il apaife les coliques les plus
violentes.
7‘ Etant broyé avec du fuc
de Limon il apaife la douleur
,

de la pierre , fait couler le fa-


Ij4 Curiefîtexjde la Nature,
ble des reins , &. eft excellent
contre l’afthme.

II.
Un Caïman ,
ou Crocodile des
Indes £ Orient.

L Es Crocodiles fe tiennent
ordinairement dans le Nil
en Egypte , dont ils font même
le fimbole. En éfet , après que
Céfar Augufte eut fubjugué l’E-
gypte , on mit dans les Médail-
les frapées à fon honneur,
un Crocodile avec ces mots,
Ægypto-Capta. Nous
voyons encore fur les Médail-
les, qui furent faites à Nîmes
ce même Crocodile attaché
à un Palmier avec une Couron-
ne ,
pour féliciter cet Empe-
reur fur fa conquête de l’Egyp-
te. Cependant il y a auffi des
Crocodiles dans l’Ifle de Cuba,
au Méxique , dans le Brefil , Sc
«n differents endroits de l’A-
& de l'Art. tfô
mérique Septentrionale , &
Méridionale. On apelle ces
Crocodiles Iguanes. Il en a
y
encore dans les Indes d’Orient,
dans le Gange , où on les nom-
me Caïmans. Celui qui j'ai , eft
donc un Caïman j parce qu’il
a été prisaux Indes. Il eft long
d’environ trois pieds ; &• la
queuë feule eft aufîî longue »

que tout le du corps. Il


refte
a 38. dents à la mâchoire fupe-
rieure Ôc 30. dans la mâchoire
,

inférieure: ce qui fait 68. dents,,


très-fortes , très-blanches
,
&
très-aigues. Il a les pieds armés
d’ongles fort pointues. Sa peau
eft dure , couverte d’é-
elle eft
cailles &
garnie de pointes
,

affez piquantes. Il eft noirâtre


fur le dos &
le ventre tire fur
,,

un gris marbré. On dit que cet


animal eft pefant, & parefleux
fur terre ,
quand il faut qu’il fe
1 56 Curiofitci^ de la Nature,
tourne. Si fa figure ,
qui eft
tout -à- fait femblable à nos
Lézards , choque la vûë 3
du
moins l’odorat y trouve fon
compte > car cette bête exhale
une odeur, qui eftaffez agréa-
ble. Dans les quatre mois de
l’année , qui font froids, le Cro-
codile ne mange point , 8c de-
meure caché dans des trous’
jdprès tout , il eft très- perni-
cieux 3
déchire avec fes on-
il

gles brifeavec fes dents 8c 3


,

il n’y a point d’os fi dur, qu’il

ne pulvérife en un moment.
Il faut pourtant o'oferver
que les Caïmans des Indes ne
font pas méchants que les
fi ,

Crocodiles de l’Egypte. S’ils


vivent 60. ans comme on le ,

dit ,
ne faut pas s’étonner fi
il

on en voit de fi grands. Celui


du Cabinet de fainte Gene-
viève- eft des plus longs que
C? de î Art.
1

ïyy
j’aye vus. Le mien efl; un jeu-
ne Caïman.
Les Américains mangent
fans façon des Crocodiles, de
même leurs œufs , qui font gros
comme des œufs d’oïe , de d’af-
fêz mauvais goût.
Vvormius dit que la chair
de Crocodile eft excéîente
,
pour ceux qui ont été piquez
par des araignées , ou par des
guêpes. Ce 'qu’il ajoute de la
vertu des dents du côté droit
pour les hommes , de du côté
gauche pour les femmes pour-
,

vû qu’elles aient été arachées


à l’animal vivant eft un conte
,

fait à plailïr.C’eft avoir bien en-


vie de devenir amoureux que
,
de hafarder à arracher les
fe
dents à un Crocodile. Cette
expédition feroit auffi hardie
que celle desArgonautes quoi-
j

que la conquête ne fût pas éga-


ï ^ 8 Curiojitcs^ de la Natures
le. Ce
qu’il
y a de férieux ici
c’eft que la graille de Crocodi-
le eft admirable pour les- vieil-
les plaies , Ôc-contre les morfu-
res des bêtes venimeufes. Les
Egyptiens en frotent leurs fé-
bricitans , pour empêcher le
friffon de la fïevre. La peau
brûlée ,êt apliquée fur un bras,
ou une jambe , en ôte toute la
fenfibilité , rend la chair ftupi- ;

de , en forte qu’on ne font point '

le fer s’il faut faire une ampu-


,

tation.
Quant à la pierre, qu’on trou-
ve dans l’eftomac ,
ou dans la

tête des Crocodiles & qu’on ,

vante comme des amulettes in-


faillibles contre la fïevre quar-
te ,
M. Rédi toujours fur le mê-
me ton répond 5
jen’en crai-
rai jamais rien ;
l’expérience
me le défend. J en ai fait 1 ef-

fai, non feulement avec des


gj-' de t Art. ijy
pierres des Caïmans d’Eciopie j
mais même avec celles des
Crocodiles d’Egipte. Nolim ei
fidem babere , id vetante expe-
rientik , quant non de Ætiopum.
modo Caïmanis , fed Ægyptio-
vum etiam Crocodilis habeo. Ex-
Nat. pag. 1 13. C’eft
périmenta.
ainfi qu’il parle de quelques
expériences, que Monard avoit
faites avec ces pierres , qui &
lui avoient parfaitement bien
réiiffi. Ces pierres, dit Monard,
font fort eftimées par les Ef-
pagnols , à caulê de la vertu
qu’elles ont de guérir la fievre
quarte en apliquant deux de
,
ces pierres aux temples du ma-
lade. Us ont de grandes expé»
riences là-deffus. Car enfin ce-
lui , qui m’a donné les deux
pierres que j’ai, en avoit guéri
un Religieux fort tourmenté
de la fievre quarte , en les lui
i6o Curiofitctjle la 'Uattire ,
apliquant à chaque temple 3
.'

ou 4. fois. Laiflons M. ilédi,

6c Monard s’acorder 5 6c difons

quelque chofe de la deftinée


du Crocodile. Pline dit que cec
animal dort toujours la gueule
ouverte 3 6e que dans ce tems-
fort
]à il y a un petit oifeau
friand, qui entre dans la gueule
de bête 6c qui fe régale de
la ,

ce qu’il ramafle en curant


les
,

dents du Crocodile. Ce n effc

pas tout. Lorfque le Crocodile


dort j il y a un animal nommé
Jchneumon qui a plus d un pie
,

de hauteur , 6c dont l’adrefle


eft merveilleufe. Cet
Ichneu-
mon fe barbouille bien fort
dans la bouë 3 6c s’en couvre
tant qu’il peut 5
enfuite il va le

fécher au foîeil :
quand il eft
en-
bien fec, 6c que la bouë eft
durcie le voila comme un
cui-
-,

ralher armé de pié en cape. En


& de l'Art. i6r
cet état va le promener fur
il

les bords du Nil


,
& s’il trouve
un Crocodile endormi il ne
,
manque point de lui entrer
dans la gueule, & de- là dans
î eftomac
, où il tait ravage. Il
ronge les entrailles de fon hô-
te & quand l’Ichneumon pré-
j

lumeque le Crocodile eftmort,


il lui perce le ventre ,
& fort
victorieux du corps de fon en-
nemi & rafla fié de fon fang,
,

Pline Hifi , Nat. lib AIII. cap,


2 j. On dira fans doute que
voila une de ces Hiftoires que
,
Pline a prifê dans de mauvais
mémoires mais j’opofèrai l’au-
:

torite du célébré Antonitcs Au-


guftinus Archevêque de Tara-
,

gone , qui dans les lavants Dia-


logues de A*vterum Aomifmatum
Antiquitate , nous dit que ce
combat d’animaux eft répré-
fénté fur des ftatuës antiques
y
9
161 Curiofte^ âe la "Nature
qu’on voit dans les Jardins du
Vatican } où Ton trouve aufli
beaucoup de fingularitez tou-
chant l’Hiftoire naturelle d’E-
gypte. Nilus. Dialo^. 1 1 X.
fa%. 49
III.

Lu Pierre de Lamantin.

O
«and
N vante fort la pierre

de Lamantin, quieftun
poiflon det 5. ou 1 6. pieds,
Amérique,
que l’on prend en'
beaucoup a
5c dont on vend
S. Chrifto-
la Guadeloupe à ,

Le 1
phe & à la Martinique.
.. I
,

Jacobin, '& Mil-


du Tertre
Antilles , fait
lionnaire dans les
agréable defcription
une fort
de la maniéré ,
dont on prend
dit-il,
ce poifïon. On trouve ,
quatre
dans la tète de cet animal
pierres , deux grojfes ,, &
deux.
& de ïArt. 163
fetites j aufquelles on atribu'è
la force de faire diffoudre la
fi erre dans la vejjie } (f de fai-
re jetter la grave lie des reins :
mais je n en faurois afrouver
l ufage , dautant que ce remède
efi fort vomitif
, &fait de gran-
des violences à l'eftomac.
p. 200.
Ce qu’il y a de vrai , c’eft qu’-
on ne le fert pas préfentement
de cette pierre offeufe. On la
trouve abandonnée chez les an-
ciens A poticairescar ceux qui
:

s’établillent maintenant ne fe
,

mettent pas en peine d’avoir


dans leurs boutiques une pier-
re qui n’eftdenul ufage. Il a
y
cependant des curieux qui re-
,
cherchent encore aujourd’hui
ces pierres de Lamantin. Ils di-
iènt que les a. grofïès font des
pierres mâles
; &
les 2. petites
des pierresfemel les J’en con-fêr-
we quelques-unes en memoh-e
1 6 4 Curiofitez^ de la Nature »
de mon voyage en Amérique , &C
parce qu’elles ont été autrefois
eftimées 5 ce qui doit avoir été
fondé fur quelque raifon. Mais
les remèdes nouveaux font ou-
blier les anciens quoique très-
,

bons. Pour dire ce que je fai


de moi-même, j’ai vu les Sau-
vages avoir une très -grande
confiance en la pierre de La-
mentin qu’ils eftiment un
,

excellent amulète contre la


fievre. Ils portent cette pierre
pendue au col , comme un
préfervatif contre toutes fortes
de fievres ; &
quand ils ont ac-
tuellement la fievre , ils le l’at-
tachent au poignet fur l’artere. .

IV.

Le Cheval marin.
’Animal qu’on apelle Hip^\
L fontaine >
c’eft - à - dire 3
BSSSSS
de l'Art. iC')
cheval marin , fe pourroie mieux
nommer ours, auquel il reflem-

ble mieux qu’à un cheval ; ex-


cepté qu’il hannit : & c’eft fans
cloute ce hanniflèment qui lui
a fait donner le nom de cheval
marin. On le trouve ordinai-
rement en Egypte dans leNil
d’où il fort quelquefois pour
courir la campagne. Il
y a
dans le Cabinet du Duc d’Arl-
cot une belle Médaille de
l’Empereur Hadrien où le Nil,

eft au revers fous la figure d’un


vieillard qui tient à famain
droite un rofeau,& delà gauche
une corne d’abondance il a -,

y
proche de ce vieillard un Cro-
codile, qui eft un animal fort
commun for les bords du Nil y
& il aàfes pieds un Hippopo-

tame. Cette Médaille fut fra-


pée à l’occafîon du voyage
jjue cet Empereur fît en Egyp-
ï66 Curiofitez^de la Kfature r
te , 6c de fa navigation fur le
Nil , traînant après lui fon mi-
ferable Antinous, qu’il perdic
alors, 6c qu’il pleura avec au-
tant de foibleflè qu’auroit fait
une femme , dit Spartien. An-
tinourn fuum , dum per Ntlum
navigat , perdidit quem mulie-
briter flevit. Le cheval marin a
fix dents } qui lui fervent de
défenfes, 6c aufquelles on attri-
bue de grandes qualitez. Une
feule fufiroit, pour me
rendre
très-précieufe la dent , que j ’ai-
Je me contenterois de là feule
vertu de guérir les hemoroï-
des , s’il étoit bien certain qu-
elle eût cette faculté. Elle a
wn pié quatre pouces de long
& elle efl fi dure qu’on pourroit
s’en fervir comme de pierre à
fufil
,
pour faire du feu , en la
frapant avec l’acier. Voici une
expérience faite à Goa d’une#
& de l' Art.
dent de cheval marin, & qui me
flateroit bien, fi elle étoit véri-
dans l’Hôpital
table. J’ai vu.
de Goa une de ces grandes
dents de cheval marin avec ,.

laquelle on fait là des prodiges.


Quand on faigne un malade
choie admirable fi on touche
*

dé cette dent à l’ouverture de


la veine, le fang qui venoit rapi-
dement, s’arrête fur le champ.
Chacun fait l’hiftoire de ce
Prince Malabare , que les Por-
tugais ont afîafîné. Quoi qu’il
fut tout percé de coups il ne ,

fortit jamais de fes plaies une


feule goutte de fang. On lui
•êta fes habits, & un os d’hip-
popotame qu’il avoit pendu au
col 5 & alors il fe fît un débor-
dement de lang, comme il s’en
fait d’eaux arrêtées , quand
une digue eft rompue ce qui :

étonna merveilleufement tous


i68 Curiojîtez^de la 7Tattire,
ceux qui étoient prefents.
M. R-édi qui raporte cette hif-
toire d’après le Pere Michel
Boim dit qu’il n’en croit rien 5
,

que cela eft bon à conter à des


vieilles femmes crédules à des ,

Indiens qui font Amples j mais


non pas aux Européens, qui
veulent voir avant que de crai-
re. On a donné., dit-il , au
-

Grand-Duc mon Maître ,

quantité d’os, 6e de dents dif-


ferentes ,
dont j’ai voulu feirel
des épreuves : je n’ai rien trou-
vé, qui aproche de cette ver-
tu d’arrêter le fan 6e qu’011
g 5

leur attribue dans tant d’ Au-


teurs. J’en dis autant des os-,
6e des dents du cheval marin;
6e j’en parle comme lavant -
y

puifque j’en ai fait l’expérien-


ce r idemque experientià edoctus
affirma de de nu b us &
o.ffîbus ,

Jriippopotamiy vcl equi marini.


Experient.
de l Art. l6y
Experient. natur. pag. 9 6. Si
cela eft que deviendront tant
j

de dents d'hippopotame, qu’on


garde dans les Cabinets des
Curieux ? On en fera des
dents, pour remplacer celles
qui manquent à beaucoup de
perfonnes. Mais que pe-nfer de
tous ces récits merveilleux que
çertaines gens font de leurs
dents de cheval marin ? On
penfera qu’ils mentent comme
des arracheurs de dents car :

enfin il faut bien quelquefois


prendre le parti des expérien-
ces, èc des fèntimens de M.
Rédi. Nous devons bien cet-
te reconnaiflance à un Savant 3
qui a tant travaillé à cultiver
la fience naturelle.
»

la Nature
i
y o Curiojïtez^ de

Y,

Nids d' Alcyon? d'Orient.

Es Nids ,
qu’on aporte-
depuis quelque tems,avec
tant de foin des Indes d’O-
rient, font à peu près de la fi-
gure de ces coquilles , qui fem-
blent être de nacre de perles t
6cqu’on apelle Godiches. Ils
font tout d’une pièce , 6c faits
d’une matière , qui rdfemble
tout- à -fait à de la colle de
poiflon. Tant que nous n’en
{aurons pas davantage là-def-
fus , il fera bien difficile de dé-
cider où ces Oifeaux
petits
prennent la ,
dont ils
matière
font leurs nids. Ordinairement
ces nids font prefque au niveau
de la mer ,
6c contre les ro-
chers : comme font les nids
d’hirondelles contre les mu-
& de l'Art. vji
railles des Eglifes. Audi les
Alcyons font-ils faits comme
des petites Hirondelles. On
trouve ces Nids à la Cochin-
chine le long de la mer, où
ceux du pays les cherchent ,
pour les porter à la Chine, où
l’on les vend fort cher. Les
Chinois font fort friands de
ces Nids 2c ils en mangent par
5

délices. Nous voyons bien dans


Galien , que les nids d’Oifeau
ont été autrefois mis au rang
des chofos médicales 5 mais il
ne nous relie aucun monu-
ment , qui nous aprenne , où
l’on prenoit ces nids. Nous ne
remarquons point non plus ,
qu’on les ait jamais rangez par-
mi les bons morceaux des ta-
bles délicates. Cela étoit refer-
vé pour l’extrême fenfualité
de ces tems-ci où l’on recher-
j

che avec avidité ce qui eft


371 Curiofîteg_de la Nature
nouveau , ce qui vient de loin
& ce qui peut flater le goût.
Ce n’efl pas feulement en Fran-
ce ,
qu’on étale fur les tables
une abondance fi fenfuelle que ,

les Epicuriens
y auroient trou-
vé à redire j
c’eft encore dans
l’Orient ,
où l’on facrifie tout
pour du goût. Les
les plaifirs
Nids d’Alcvons dans la Chine,
font aujourd’hui l’honneur des
feftins5 &
un repas pafle pour
vulgaire, fi l’on n’y fertpasde

ce nouveau genre de ragoût.


Ce mets eft, dit-on , très-dé-
licieux 5 & il eft raporté dans
l’Hiftoire de la Société Royale
d’Angleterre , pag. zo 6. que
les Nids d' O iféaux font un grand

yeflaurant a la nature que


j

les Chinois luxurieux s’en fervent


fort. chef d’œuvre d’un
C’eft le
Chine , de bien
cuifinier à la
préparer ces Nids d 'Alcyons.
<& de PArt. 173
On les met
cuire dans du jus
de veau , ou de bœuf, jufqu’à
ce qu’ils loient bien amollis j
& puis on les aprête avec du
beurre, du fromage, des her-
bes, &
des racines aromatiques.
Wormius dit que ceux, qui le
veulent diftinguer dans les dé-
bauches , ufent de ce ragoût 1
Çomedunt in primes ii qui in ca-
firis venereis firenu'e fe exercere
fiudent •
MufitumW ormiam.
lib.
III. cap i\. Mais M. Rédi ,
dit que certaines gens, qui mé~
toient leur efpérance dans les
forces qu’ils attendoient de ce
prétendu reftaurant , y ont été
trompez & qui ne voudra pas
:

m’en craire,dit-il, qu’il en falTe


l’expérience , comme quelques-

uns ont fait ,& qui en ont été la


dupe. Nimis profetlo Jîbi blan-
diuntur , qui in hoc tali medica-
mento fpes fuas ponunt ;
quod fi
174 Curiojîtcz^ de la 'Nature
mihi non credunt fenculum ejus
,

rei faciant 3 utjam ante a in Jïmi-


li occajïone fecerunt nonnulli. Ex-

periment. Natur. pag. 68. 1

On voie bien par-là qu’on


ne convient pas encore de la
vertu , que peuvent avoir ces
petits nids. M.-Lémery, dans
ion excélent Dictionnaire des
Drogues ,
dit qu’ils font pro,
près ,
pour reftaurer les conva-
lefcentSj 8c pour fortifier l’efto-
mac. J’ajoute que les Indiens
s’en fervent avîc fuccès pour
la diffeneerie, 8c les autres cours
de ventre.
Les Alcyons font leurs Nids
aparemment dans une faifon ,
où la mer n’eft pas ordinaire-
ment agitée autrement leurs
:

Nids feroient fubmergez. C’effc


pourquoi les Poëtes on dit que ,

lesNéréides cherifloient par-


ticulièrement les Alcyons Oi-
ér de l'Art. 175
féaux marins , qui ont l’adrefle
de faire leurs nids fur les flots
de la mer , même au plus fort
de I’hyver 5 & que quand ils

ont leurs petits , 1 a mer fe cal-


me, jufqu’à ce qu’ils foient en
état de voiler.

VI.

Nids du Tati , ou Oifeau


Mouche.

N fait de Nids, on ne ver


ra jamais rien de plus cu-
rieux ,
éc de plus digne d’atten-
tion ,
qu’eft la ftru&ure des
Nids duTati, qui efl: un petit
Oifeau s;ros comme une noifet-
te.J’ai aporté deux de ces Nids
à Paris , qui auroient été d’une
parfaite confervation ,
s’ils n’a-
voient pas pafle par les mains
des Douanniers, quicroyoient
trouver la pie au nid. Ils m’ont
P iiij
ï7 Curîofitei^ de la Nature,
été tous deux donnez par le
R. P. Papin Jéfuite à Ougli ,
qui en envoyoit un au R. P.
Verjus, Procureur général de
la Million des P. P Jéfuites en
Orient 6c qui en a fait préfent
;

à M. l’Abbé de Vallemont tk. :

l’autre m’eft demeuré. Ces Nids


fontfaits, comme les Nids de
nos Roitelets où il n’y a qu’un
-,

petit trou vers le haut , pour


l’entrée, 6e la l'ortie de ce pe-
tit Oifeau. Mais ce quieft fur-
prenant , c’eft que ces Nids
font coufus contre une , ou
deux, ou bien trois feuilles de
Goiavier , qui font grandes
comme font les feuilles de nos
Châtaigniers d’Europe. Il y en
a un qui eft très - agréable à
voir. Il eft contre une feule
feuille, que cet Oifeau a percée
avec Ion bec 6c il a pâlie par
:

ces trous ,
qui font comme au-
'& de î Art. 177
tant de trous d’aiguille , une
e/pèce de fil de coton , avec le-
quel il a attaché Ton Nid à cet-
te feuille. Celui qui m’efi: refté,
eftcoufo de la même maniéré
entre trois feuilles , dans lef-
quelles il étoit parfaitement
biencaché.Enfin ces nids admi-
rables font fofpendus en l’air,
ne tiennent pour l’ordinaire
qu’à une feuilie. Dans le tems
que 4 esTatis font leurs Nids,
il ne foufle dans ce pays -là
,

que de doux zephirs car enfin :

s’il s’élevoit de gros vents que ,

deviendroient ces petits Nids,


qui ne tiennent qu’à une feuil-
le d’Arbre ? J’ai aportéauffi des
œufs de ces petits Oifeaux. Ces
œufs font gros comme des œufs
de for mi. Je voudrais qu’on
leur eût trouvé quelque vertu
médecinale afin de joindre
,

l’utile à l’agréable.
Curiojîtez^ de la "Nature
1 7S >

VII.

Un Serpent de la Guadeloupe.

C
eft
E Serpent eft d’une gran-
deur extraordinaire. Il
long de plus de 15. pieds,
& gros à proportion. Cet hor-
rible reprile dormoit fous des
feuilles ,
dont il étoit couvert
dans une épaifte forêt lors ;

que fept, ou huit Efclaves Cher-


chant l’ombre, &la fraicheur
pour manger , èc pour fe repo-
fer, s’allerent coucher fur les
fetiilles fous lefquelles cet é-
,

pouventable animal s’étoit en-


dormi. Un de ces Efclaves en
remuant ces feüilles , décou-
vrit le dos de ce ferpent. Il
ne fut pas fi laili de frayeur ,
qu’il ne lui reliât de la force
pour fe lever promtement , dz
des paroles pour avertir fes ca-
& de l'Art. 179
marades du danger où ils é-
toient. Comme ce Serpent ne
fit aucun mouvement, ils fè
remirent peu à peu de leur
peur j & prirent le deffein de
l’aflommer. Ce qu’ils firent a-
vec les inflrumens de fer, dont
ils coupoient des arbres dans

la forêt. On ouvrit cet épou-


vantable Serpent on lui trou-
:

va dans le corps une efpèce


de petit Chévreuil , qu’il avoit
avalé entier tout récemment.
Comme #il étoit rempli de cet-
te proie , il dormoit fortement;
& auroit aparemment encore
dormi, autant qu’auroit duré
la digeftion. C’eft pourquoi il
ne fentit point le poids de ces
Efclaves couchez fur lui. Si nous
n’avions point une horreur na-
turelle du Serpent, il eft cer-
tain qu’on auroit pris plaifîr à
voir celui-ci. Sa peau que j’ai
ï 8 o Curlüfîtezjle la Nature
aportée â Paris, eft très- bel-
le. Elle eft marbrée de diffé-
rentes couleurs ,
comme eft la
peau de tous les Serpents que
nous voyons ici y mais ce qu’on
-

ne voit point dans nos Ser-


pents , ce font ces couleurs vi-
ves de rouge , de blanc , 6e de
noir par compartimens avec
une fimmétrie admirable. Cet-
te fimmétrie eft fi exactement
recherchée , 6e exécutée , qu’il
fùrvient dans l’efprit mille pen-
fées diférentes, quand on exa-
mine de près , férieufement
ôc
ce merveilleux arrangement
de figures bizarres fur la peau
de cet animal , que la nature
a paré fi fuperbement. Il faut
qu’il y ait un Maître dans la
nature , 6e un Maître d’une in-
telligence fuprême qui arran- ,

ge ainfi la matière. Une ma-


tière brute ,
6e fans intelbgen-
& de l'Art. i g r
ce ne fàuroitfe donner mou-
le
vement , & un mouvement II
fenfé, de ü entendu qu’on
le
voit dans la fïmmétrie fi
bien
obfervée fur le dos de ce rep-
tile. Le hazard
3 de toutes les
loix de quelque mécanifme
qu’-
on puiffè imaginer fans un ef-
,

prit intelligent., ne fauroit


rien
faire de fî régulièrement
beau.
J’âvouë que je fuis épris des
merveilles qui s’ofrent aux
yeux en coniîderant cette peau*
quej’eftime iîngulierement.En-
fîn cet animal eft maudit de
Dieu 5 de fa
morfure eft mor-
telle. On la guérit en apli-
quant deiîus la plaie la tête ^
,
écrafée du Serpent même.
On
trouve dans fa mort la
guéri-
fôn du mal qu’il a fait cfe
fon
vivant. Il fèmble que le
Saint-
Lfprit fafîe allufîon à cette
fa-
cilite du Serpent , dont la te-
i Si Curiojîtcz^ de la Nature
te brifée guérie la morfure ,

lors que dans la Genefe chap.


3. f. 15.
Dieu dit au Serpent
qui avoit trompé Eve Je mé- 5

trai une inimitié entre toi , &


la femme } entre fa race , (f la
tienne. Elle te brifera la tète.
Il eft certain que la chair ,

le foie ,
& le cœur du Serpent
font fudorifiques , & propres
pour purifier le fang ,
pour re-
fifter à la malignité des hu-
meurs, 6c pour chaflèr les fiè-

vres intermittentes. les ré- On


duit en poudre qui eft encore
excèlente pour exciter l’urine.
La graiffe eft réfolutive , &
un bon remède pour diminuer
les douleurs de la goûte. Quel-
ques-uns s’en frottent le bord
des yeux , pour conferver 3 ôc
fortifier la vue.
& de l'Art. iS 5

VIII.
Le Rinocèros.

L
gipte
E Rinocèros que quelques-
uns nomment le bœuf d’E-
,
ou le taureau d’Etiopie,
eft grand à peu - près com- '

me un Eléfant &: refîemble à


j

un Sanglier plusqua tout au-


,
tre animal. Il a une corne fur le
bout du nez , d’où il prend fon
nom de Rinocèros 5 cette cor-
ne eft longue comme la main.
Piine dit que cet animal ai-
guilè la corne contre les ro-
chers quand il veut combatre
,

contre quelque èlèfant. Il eft


lûrprenant qu’après quePline a
dit, que leRinoceros n’a qu’une
corne lui à qui cet animal ne
-,

devoit point être inconnu


puifqu’aux jeux que l’on don-
noit au Peuple Romain, on
«
t-34 Curiofite^ de
la Nature
•feifoit fouvent paraître des
Ri-
nocéros dans les ampithea-
tres il fe trouve des gens
qui
,

veulent qu’il en ait deux. .Sa


peau eft très-epaifle ,
tres-du-

re , Se chargée d’une elpèce


d’ecailles , qui la rendent im-
pénétrable meme aux Sabres
du japon dit Bontius. Il y en
,

a un allez grand morceau au


Cabinet de fainte Geneviève
où l’on garde encore deux cor-
nes, & une queue de ce monf-
trueux animal.
On fe fert en Médecine de
fon fang, pour fortifier le cœur,
pour toutes les maladies con-
tagieufes parce qu’il excite
;

la lueur. Il fait cef-


fortement
purifie
fer le cours de ventre ,
le fang , 5e arrête les
pertes de
fang immanquablement.
De fa corne on en fait des
le pré-
tafles pou*boire,afinde
fer ver
Çe de l' Art. 18 5
fèrver du mauvais air en tems
de contagion.
A l’égard de la dent, on dit
que lî dans les plus fortes dou-
leurs des dents, on aplique la
dent du Rinocéros à la dent
qui fait foufrir , le mal celle
auffi-tôt. Wormius qui rapor-
te cela, ajoute qu’il n’en a
point fait l’expérience. Pour
moi j’ai delfein d’en faire l’é-
preuve à première occalîort
la
qui Ce que je
fe préfentera.
fai c’eft que quoique les Ri-
j

nocéros ne foient pas rares f

dans l’Orient , on ne laide pas


d’y eltimer prodigieufement
les cornes de cet animal. Il
y
en avoit fix dans le prélent ,
que le Roy de Siam envoya
en France en 1686. Il ne faut
pas ici diffitnuler que M. Ré-
di ne fait aucune eftime de
ces diférentes parties du Ri,-
i8<5 CuYiojitex^de la Nature
nocéros. Voici comme il en
parle Que ne dic-on point
:

de la vertu de la corne du
Rinocéros ? on allure qu’elle
eft capable de défendre le
cœur ,
6e la vie de l’homme
contre l’action de quelque poi-
fon que ce foit. Cependant,
moi qui ne parle qu’après les
les expériences que j’ai fai-
tes , je n’ai pas trouvé la moin-
dre aparence de cette vertu ÿ
& fpécialement à l’égard du
venin des Viperes , 6c des Scor-
pions de Tunis Attamen ey>
:

- hacienus ne minimum quidem e*


jufdem effeeium vidi... Experi-
ment. nat. pag. 141. M. Rédi
ne trouve pas plus de vertu
dans le fang , 6c dans les dents
du Rinocéros.. Il n’ell: pas
hûreux dans fes expériences.
Peut-être n’a-t-il pas eu ces
chofes-là de bonne main 3
ou
& de l' Art. j 87

bien il les a eues trop furannées.


Les vertus des. drogues le dif.
fipent avec les fels volatils ,
qui s’en féparent inceflàm-
ment par l’évaporation.
Quand on entre dans la bou-
tique d’un Droguifte auPrin-
tems on s’aperçoit bien-tôt de
j

l’étrange diffipation que fait ,

la chaleur naifiante de la fai-


lôn dans toutes ces drogues
qui exhalent une odeur dont ,

on eft incontinent entêté ,


fi on
efk lu jetaux vapeurs. Quelles
pertes ? Quels écoulemens de
vertu Et que peut-on atten-
?

dre de bon de drogues , fur


lefquelles cinq, oufixEtezde
fuite ont fait de fi violents ra-
vages ? Franchement il y a à
trembler pour des malades
qui prennent des drogues , où
il ne relie plus peut-être que

les mauvailès qualitez. Les ma-

Qjj
1 88 Curiojîtei'de la Nature
tieres médicales, dit M. Boy-
le , changent incelïamment a-
vant même que d’être vieilles j
& je pourois montrer aux Cu-
rieux combien les feiiilles d’u-
ne même plante changent de
vertu en un inftant. Dans un
certain tems de l’année j’en
tire par la diftillation un ef-
prit acide , &
dans une autre
faifon il n’en vient point du
tout mais au contraire un ef-
j

prit urineux , &c. Simpl. med.


utilitas & ufus i fag. 49.
Cependant il eft parlé avan-
tageufement de la corne , &
des autres parties du Rinocé-
ros dans les Réponfes du Che-
valier Philibert Vernati , Ré-
lîdent à Batavie dans l’Ifle de

Java aux demandes que lui


,

avoient faites Meilleurs de la


Société Royale d’Angleterre.
Article XX. On deman-
& de £ Art.
de fi l’animal nommé Abados ,
ou le Rinocéros n’a pas des
dents , des ongles ,*la chair ,
le fang, &
la peau ,
même fes
excrémens , aufii-bien que lès
cornes, qui font autant dedi-
férents antidotes ? ou fi les
cornes de ces animaux font
meilleures félon la nourritu-
re dont ils ufent ? Réponse,
On tient que leurs cornes ,
leurs dents ,
leurs ongles , Sc
leur fang font des antidotes j

& ils ont ulage dans


le même
la Pharmacopée des Indiens ,
que la Thériaque a dans les
Pharmacopées d’Europe. La
chair que j’en ai mangée, efl
fort douce y & fort courte.
Quelques jours avant que j’eufi-
fe reçû vôtre Lettre, j’en a-
vois un jeune , qui n’étoit pas
plus grand qu’un gros chien „
qui me foi voit par tout, où j’ai.
190 Curiojîtc^de la Nature
lois ,
6e qui ne bûvoic que du
lait de Bufle. Il a vécu envi-
ron trois lemaines. Les dents
lui commençoient à fortir il 5

lui prit un flux de yentre, dont


il eft mort. Je croi que toute
nouriture eft indiférente à cet
animal ,
6c qu’il mange de tou-
tes chofes 5
puis qu’on ne le
voit guere , que parmi des
branches sèches, des chardons,
6c des épines } de forte que la
corne ne tire point fa ver-
tu précifément des chofes bon-
nes ou mauvaifes dont il fe
,

nourit. Voila ceque Meilleurs


de la Société Royale d’An-
eleterre ont inféré dans leur
Hiftoire^ pag. 206.
[& de l'Art. 151

IX.
Le Bénard.
T L y en a de plufieurs eipè-
X ces.
Le plus célèbre eft le Bè-
xoard d’ Orient qui eft une pier-
re qu’on trouve dans le ventre
d’une Clievre fauvage des In-
des Orientales.
Il
y a a u fîî le Bèzgard d' Occi-
dent, qu’on tire du ventre des
chevres fauvaçes du Pérou.
Le Bezpard de Porc eft fort
eftimé 3 il fe trouve dans le fiel
des Sangliers des Indes en Ma-
laca.
Quelques - uns donnent la
préférence au Bézoard de Sin-
ge , &; qui fe trouve dans une
efpéce de Ange en rifle de Ma-
caflàr
,
proche de Java en Afle.
Le Bèzpard de Porc- épi l’eni-
1 9 Curiofîtez^ de la Nature ,
porte fur tous les Bézoards ,

dont je viens de parler. On le

trouve dans le Porc-épi des In-


des au Royaume de Malaca,
dans la Province dePam.
J’ai été allez hûreux de trou-
ver une de ces pierres de Bé-
zoard de Porc- épi dans mon
voyage des Indes d'Orient.
On lui attribue de grandes
vertus. Elle chaflèpar la tranf-
piration les mauvaifes hu-
meurs. Prife dans un mélan-
ge d’eau 3 êc de vin elle refif-
j

te au venin , &
fortifie puiC

famment le cœur. Elle arrête


le cours de ventre. On s’en fert
avec fuccès dans la pefte, dans
la petite verole , êc dans les
fièvres malignes. On en don-
ne aux enfans pour les vers.
Elle eft excèlente dans l’épi-
lepfie dans les vertiges , dans
,

lespalpitations ,
& répare très-
fenîiblement
Ô“ de rArt. i c>3
fenfîblement les forces.
11 eft furprenanc que le Bé-
zoard , donc tant de Méde-
cins ont vante' les vertus qe
,
foie plus employé dans la méde-
cine. C’étoic un préfent qu’on
faifoicil
y a cent ans , aux
,

Rois , aux plus grands Prin-


6c
ces > 6c alors on le recom-
mandoit comme un antidote
fouverain contre le poifon la
,
pefte ,
6c les fièvres fufpe&es
de venin. Et aujourd’hui il n’eft
plus en ufàge.
Il mefemble que M. Sachs
en dit ia raifbn dans la page
303. de fa Gammarolcgie. Il
y a , dit-il , beaucoup de Mé-
decins non-feulement qui ne
fe fervent jamais de Bézoard
1
mais même qui en condam-
nent très-fortement i’ufage.:
à caufe que le véritable Bézoard
tfi très- rare dans les Indes
, &
R
j 94 Curiofitegde la Nature
que la plupart de celui qu'on
aporte en Europe efl factice , &
compofè de magifleres de plan
tes. Les Juifs de Confiantinople
font de grands fourbes là-defjus.
Car enfin quoi qu'il y ait des
marques certaines pour difcerner
le Bézpàrd naturel d'avec l'ar-

tificiel > il arrive qu'on y efl fou-


vent trompe. Et cette incertitude

a obligé plufîeurs fava'ns Mé-


decins à profcrire de la médecine
l’ufage du Bètpard Ut inde
propter incertitudinem à plu-
rimis Medicis lapidis Bezoar-
tici ufus improbatus. .

Quand on a donc du vrai Bé-


zoard on a un antidote excel-
,

lent, contre la perte, 6c con-


tre les fièvres malignes. Fol
-

linus en raportant dans Ton A-


TYiulctuM Antonianum cap* 14 *

les remèdes les plus fouverains


contre la perte , il n oublie pas
&
de PArt. inf
h vraie pierre de Bézoard
;
Vcrus lapis 13ezpard.
Marfîie Ficin Cap. 24. de Ton
Antidote contre l’Epidimie
dit très- bien La pierre
:
de Bé-
zoard 3 fi quelqu’un' en pou-
voit avoir, eft l’antidote le
plus
puifiànt contre toute forte
de
venin. J3 ezpard lapis
> fl quis
pojfet habere eum fuper omnia
,
valet adverjus venena. Il cite
apres cela plulîeurs Auteurs
Arabes, qui élevent le Bézoard
infiniment au defiiis de la Thé-
riaque, èc de tous les autres an-
tidotes, il
y a là de très- belles
expériences. Si elles font fidel-
Iementraportées,une pierre de
vrai Bezoard groflè comme
une noilette, vaut mieux qu’un
diamant du même volume.
Chioccus parlant de la pier-
re de Bézoard dans le Mu -
feuin Calceolarii 342. trou-
lÿC Cunofitez^ de la Nature ,
ve très mauvais que Minde-
rerus , Craton, ÔC Jourdain
aient

oie avancer qu’ils n ont jamais


vû un bon eiet du Bezoard ,
toutes les fois qu’ils l’ont em-
ployé j 6t il ajoute qu il eft

certain que ces Médecins-là


n’avoientpas du vrai Bezoard,
qui eft rare , d’un grand prix ,
èc qu’on ne trouve guere que
chez les Princes que fans
j &
doute ils n’avoient que du Bé-
zoard d’Occident , & peut-
être des pierres qu’on trouve
dans les chevaux ou bien , :

dit-il ,
ils n’avoient pas bien
purgé, 6c préparé leurs mala-
des à recevoir un antidote il
propre à fortifier le cœur , ôc
a le défendre contre le venin ,
& l’air infeélé. Enfin Chiqccui
conclut J’ai un grand nombre
:

d’expériences par devers moi


qui m’ont confirmé dans la
de t Art. & ïç)j
pratique où je fuis de donner
le Bézoard en Italie pour les
maladies r ou il
y a du venin ;
& de tous les remèdes , donc
on ulè en tems de pelle le
,
Bézoard eft celui à qui je don-
ne la préférence. Nos in Ita-
lie pericuhs multis faciis
y con-
trariant pojjumus affumere fen-
tentiam ,
e catalogo pejlilen-
tium rente diorum quidvis aliud
potius expungere*
M. Volîîus le Pere , parlant
d’après les Arabes, dit que le
Bézoard eft très-falutaire con-
tre la pelle , les maladies con-
tagieufes , l’apoplexie , l’épi-
leplîe ,
le vertige la pierre
,

les vers ,
les
palpitations, la
lepre ,
&c. Lib. III. de ido~
lolat. cap. 68 .

Gafpard Bauhin eft celui qui


a écrit le plus làvamment, 8c
avec plus d’étenduë lur cette
R iij
1518 Curioftez^de la Nature
matière. Il a fait un Trai-
té exprès du Bézoard. Com-
me il en a fait une étude par-
ticulière , &
qu’il a écrit après
les autres ,
fon fentiment doit
être d’un grand poids. Il rend
juftice au vrai Bézoard qu’-
il eftime infiniment. Audi je
regarde comme un des plus
doux fruits de mon voyage des
Indes , d’avoir trouvé une pier-
re fur la vérité de laquelle je
puis compter.
J’en ai encore un fa&ice qui
eil compofé en partie du Bé-
zoard de Porc-épi , & de quel-
ques partiesdu corps de cet ani-
mal. Il eft de la façon d’un
Médecin Arabe qui fait la Mé-
decine dans les Etats du Mo-
gol. On le fubftituë an vrai
Bézoard du Porc-épi , qui eft
très- rare , & dont une petite
pierre vaut 50. écus dans les
Indes.
l'Art.ér de iÿy
une pierre cordia-
J’ai auffi
le compofée par Manouchi
Médecin de Madras fur la cô-
te de Coromandel. Il la vend
un écu 'l’once. Je ne fai point
ce qui entre dans fa compofi-
tion ce Médecin en fait un
:

très-grand fecret.
Il
y a outre cela le Bezoarà
fadlice , de Galpard Antonio.
C’eft une compolîtion dont la
,

baze eft de Bézoard. On la


nomme encore Pierre Cordia-
le. Ce font de petites boules
dont la furface eft marbrée
,
& dorée en quelques endroits
fort proprement.
La doze
eft ordinairement
le poidsde lîx grains de fro-
ment^ un peu plus, ou un peu
moins félon l’âge , la force ,
&
la dilpofition du malade. O11
la prend en poudre,
i. Dans les fièvres chaudes,
R iiij
zoo Curiofitez^âe la Tfature
& malignes , lorfque le mal
preflè , on peut donner de cet-
te poudre au malade dans un
peu d’eau froide , à quelque
heure que ce foit. Ce remède
réjouira le cœur du malade
le fortifiera ,
&; apaifera l’ar-
deur de la fièvre.
2. Il faudra donner auffi ce
remède à un fébricitant, quand
il fe fent une forte envie de
boire du vin.
3. Lorfqu’on le lentira abatu
de mélancolie, mais fans fièvre,
ce remède étant pris avec du
vin, foula géra beaucoup laper*
fonne mélancolique.
4. Quand on efi: convalef-
cent cette poudre efi: mer-
,

veilleufe prife dans de l’eau ,

ou dans du vin.
5. Etant prife dans du vin,

ou dans de l’eau elle a une,

vertu très-puilfante contre tou-


& de tArt. xoi
tes fortesde poifbns , morfures
de Vipères , de chiens enragez>
& autres anirfiaux venimeux.
Outre ce qu’on en prend par
la bouche , il en faut encore
apliquer fur la morfure.
6 Cette poudre étant pri-
.

fe dans de l’eau > elle a la ver-


tu d’arrêter le crachement de
fang , qui vient de la poitrine
5
& étanche le fang du nez en
la prenant en forme de Ta-
bac.
7. Elle efl admirable pour
conferver» &
fortifier la vûë

étant prife dans de l’eau une
fois la femaine.
8. Etant prife dans du vin
,
ou dans de l’eau elle préfêrve
,

de la lèpre & efl fort bonne


,

pour les perfonnes qui font


ataquées de la petite vérolle.
9. Etant prife dans du vin,
elle eft fort bonne contre- le
zoi Curiofitez^de la Nature 3
flux de fang , qui provient d’u-
ne caufe froide. S’il vient de
chaleur , on prend la poudre
dans de l’eau.
On peut juger de-làquele
Bézoard Oriental tout pur, 8c
fans mélange , doit être d’une
vertu beaucoup plus merveil-
leufe. C’eft le fentiment des
deux plus favan'ts Médecins
qui foient dans le monde. On
comprend aflez par ces leuls
termes, que je veux parler de
Monfieur Fagon premier Mé-
decin du Roy & dé Monfieur
5

Bourdelot , premier Médecin


de Madame la Duchefle de
Bourgogne. M. l’Abbé de Val-
lemont à qui on avoir fait pré-
,

fent des trois fortes de Bézoard,


dont je viens de parler, fut cu-
rieux de favoir à quoi cela pou-
voit fervir, 8c pour cela ilfu-
plia un Seigneur de la Cour
& de l'Art 203
d’en conflilter les Médecins
fur ces diférents Bézoards.
Voici la réponfe qu’il reçut
& que je place ici comme un
oracle de nos Maîtres , & com-
me un morceau qui fait hon-
neur àmon ouvrage.

LETTRE
D’UN SEIGNEUR DE LA
Cour à M. l’Abbé
,

de V allemont.
’Ai parlé à M. Fagon fui*

J le Bézoard 5
j’en ai auffi en-
tretenu M. Bourdelot. Ils pré-
tendent qu’il y en a de trois
fortes. L’Oriental, qui eft le
plus petit, & le meilleur. L’Oc-
cidental qui eft plus gros , de
moins bon. Enfin le faétice ,

qui ne laifle pas d’avoir quel-


que vertu ,
quand il eft bien
104 Curiojîtex^de Id 2Tattire
fait. Le Bézoard fe forme dans
le corps d’un animal fait com-
me une chèvre. Le plus excè-
lent vient de chéz les Tarta-
res d’Ufbek. Il eft cordial ,

6c chafle les venins. L’ani-


mal dans le pays Pa-
s’apelle
%ard d’où par corruption eft
venu le mot de Bézoard. Cette
pierre eft ordinairement ron-
de , 6c de la figure , 6c grof-
(ëur d’un œuf de pigeon. Voi-
la tout ce que j’ai retenu des
deux converfatiçns que j’ai
eues aujourd’hui à la Méde-
cine du Roy , ôé dont je viens
fur le champ vous rendre com-
pte.

A F/Mtamddtett ,
ce 24. Ottohre 1700.

Après ce témoignage auten-


tique je ne faurois mieux fi-
,

nir cet article que par le fen-


,

timentdu Chevalier Philibert


fi de l'Art. 205
Vernati ,
que Meilleurs de la
Société d’Angleterre ont fait
inferer dans leur Hiftoire pag.
21 r. parce que cela fait voir
que tous les Savans n’ont qu’-
un même fentiment fur le Bé-
zoard : En Malacca-, mais
ra-
rement on trouve une pierre dans
-,

l'eflomac du Porc-épi , dont on a


décrit amplement les rares ver-
tus. Les Hollandais en font
maintenant fi affolez^ , que j'ai
vu. en donner 400. pièces de
huit, pour une qui n'étoit pas
plus grojfe , qu'un oeuf de pigeon.
Il y a de la fophijlication en ce-
la aufjî-bien qu' au Bézpard , au
mufc , fi tous les jours nou-
(fie.
velles fauffetez^ Je ne faurois
vous donner de règle pour con-
,
naître le véritable, il faut a-
voir recours à l' expérience. Je
vous en envoie une qui ejl facti-
ce t fi qui imite de bien près la
aol? Curiofîtez^de la "Nature
vertu de la vraie pierre . Elle efi
plus groJJe,& d'une autre couleur.

X.

Un Huart ,
oijeau de Canada

C Et oifeaueft grand, com-


me un Coq d’Inde mais
le plumage elt bien plus beau :
:

il eft maillé comme une per-

drix j les mouchetures du


Huart font d’un noir , d’un &
blanc plus vifs. Il à le ventre
tout blanc , le col aufli long
qu’un Cigne. Mais ce col eft
d’une couleur de gorge de pi-
geon j
qui change fuivant qu’-
elle eft expofée diverfement
au Soleil. Le Huart a fous la
gorge une efpèce de petite
cravate blanche , êc noire , qui
fait un allez plaifant éfet. Il
a le bec long comme celui
d’une Bécaffe i mais beaucoup
& 207
de l'Art.
plus gros , queue 8c la
très-
courte. Ses jambes font fort
longues j 8c il a les pieds faits
comme ceux d’un Cigne , 8C
des autres oifeaux de riviere 5
lefquels n’ont point ces divi—
fions ^ comme fi c’étoient des.
doigts diferents. Auffi le Huart
eft-il un oifeau, qui vit dans
l’eau ,
où il mange le poiflon
qu’il peut atraper. On le trou-
ve ordinairement au bord de la
mer dans les rivières 8c dans
, ,

les lacs. Nous favons de ceux,


qui ont voyagé le long de la
rivierede Miffiffipi, qu’il y en
a beaucoup dans ce pays-là. Ce-
lui que je décris , vient du Ca-
nada. On le nomme Huart 5
parce qu’il prononce fi diftinc-
tement ce mot-là , que s’il fe
trouvoit un homme de ce nom
dans les ,
environs
prendroit il

ce cri pour une voix humai-


îo 8 Curiofitcz^ de la Nature,
ne , Se crairoit qu’on l’apelle-
roic. La graifle de cet oifeau
eft réfolutive , Se admirable
pour fortifier les nerfs,

XI.
Une Mangoujte.

Cleu-près
’Eft un petit animal à 4.
pieds très joli, Se fait a
comme font nos bel-
f«m-psde France. Il eft un peu
plus grand , & il a la queue
plus longue 5 Se à proportion
comme celle d un rat. Mais il
eft d’une couleur
incompara-
blement plus belle. Sa peau
eft charmante elle eft char-
j

gée d’un long poil de trois

couleurs. Leblanc, Se le noir


dominent fur chaque poil Se 3

il
y a
une efpèce de rouge en-
Se le blanc qui
tre le noir , ,

fert de nuances pour en adou-


cir

* 1
&
de l'Art. 209
tir lemélange, Sa queuë ell
couverte d’un poil de mêmes
nuances , & plus long que ce-
luidu corps. Il a la tête pref-
que comme un Ecureiiil , &
couverte d’un petit poil ras.
Ses yeux font gros, &: îës oreil-
les courtes, &
arondies com-
me font les feiiilles à'
A[arum.
La Mangoufte, que je décris
ici ,
deux pieds &c demi
avoit ,

de long , depuis la tête juf-


qu a l’extrémité de la queue.
Elle étoit fort agile, s’elt
aprivoifée facilement. Elle far-
foit de petits tours plailans ,
comme font les Singes. Elle ve-
noit du Royaume de Caiicut 5

êc elle a étéaportée en France


dans un Varfîèau de notre Ef-
cadre. Elle a vécu à Paris cinq
mois,où elle étoit devenue fort
familière ,
& fort di vert nian-
te, Elle eft morte jon ne lait'

S
% i o Curiofltez^de La 'Nature
comment. On préfume que ce,
petit animal eft mort de
chagrin , de n’a.voir point de
Perroquets à manger. Il en a
croqué plus d’une vintaine
dans le Vaifleau , ou il a
été apqrté. On peut dire qu’il
étoit le fléau des Perroquets,
On en a pleuré quelques-uns,
qui promettoient d’être de
grands jafeurs j &
on a quel-
quefois chanté ces trilles pa-
roles.

Pleurez^, pleurez^mes yeux


vous fonde z^en eau.
Des tous mes perroquets Man-
qoufte efl le fléau.

On Pa donnée au R. P. Sar-
rebourfe, Chanoine Régulier
de S. Augullin , qui l’a mife au
célèbre Cabinet de Sainte

Geneviève,
& de r Art, 'aï
Les Indiens atribuent quan-
tité de vertus aux diférentes
parties de la Mangoufte. Son
Foie eft bon pour l’épileplîe.
Sa chair prilè en poudre 8c
,

apliquée lùr les morfures des


bêtes venimeufes , les guérit
certainement. Son fiel elt ex-
cèlent pour le mal des yeux.
Sa graillé eft un grand remède
pour les humeurs froides, 8c
rumatifmes , 8c diminué les
douleurs de la goutte.
O

XII.
Defcription d' une oreille, du cœur
?
& d'un ventricule extraor-
dinairement dilatez^

E ne raporte ce phénomè-
J ne ,
que par l’orde de M.
de Littré Doéteur en Médeci-
ne, 8c célèbre Anatomifte de
l’Academie Royale des Sien-
S ij
2ii Curiofte^de la U attire
ces à qui j’ai rendu compte y
,

à mon retour des Indes, de


quelques maladies extraordi-
naires que j’ai vues durant mon

voyage. Car de ma part je ne


me fèrois pas déterminé à ra-
porter le détail d’une mala-
die , dont prefque tous les fim
ptômes font les mêmes que
ceux que le Savant M. Dio-
nis , prémier Chirurgien de
Madame la Ducheiïe de Bour-
gogne , a décrits dans la pag.
663. de (on Anatomie de l hom-
m.e. Il eft cependant vrai que

le phénomène que j’ai vû, a


des fingularitez, qui ne fe trou-
vent point dans l’obfervanon
de M. Dionis.
Le malade > dont il eft ici
queftion , étoit un matelot â-
gé d’environ 40. ans , qui iê
plaignoit depuis long-tems d’u-
^e grande dificulté de refpi->
& de TArt. if|
rer. Ii femit au lit deux jours
feulement avant fa mort. A
l’ouverture que j’en fis je fus
,

furpris de trouver une tumeur


d’une grofleur extraordinaire
qui ocupoit toute la partie
moyenne de la poitrine , 8c
qui étoit formée par la dila-
tation du Péricarde. Je trou-
vai enfuite les poumons flétris
adhérants aux côtes , au dia-
phragme, 8c marquez de ta-
ches d’un rouge livide 5 je dé-
couvris un fac au côté gauche
de la poitrine ,
formé entre la
plève , 8c les côtes , 8c qui ren-
fermoit plus de deux pintes
d’eau rou-flâtre. J’ouvris le Pé-
ricarde 8c je trouvai le cœur
,

qui n’étoit pas moins gros que


la tête d’un enfant. Ce Péri-
carde quoique dilaté fi con-
,

fidérablement , ne contenoit
pas plus d’eau. ^ qu’il
y en de.
H4 Curiojîtez. de la> "Nature
voit avoir. L’oreille droite du
cœur que le
étoit plus grofle
poing, & longue de demi pied.
La cavité du ventricule de ce
même côté étoit fi grande ,
qu’elle contenoit près de deux
pintes de fang noirâtre & il :

y en avoir bien une chopine


dans l’oreille droite.
Cet homme avoir le foie ,

Sclaveffieuledu d’une grof-fiel

feur furprenante. Le foie, qui


étoit d’ailleurs allez fain ,
n’é-
toit pas moins gros ,
que celui
d’un bœuf '>
tk. la véhiculé du
fiel étoit à proportion. L’Epi-
ploon étoit prefque tout con-
firmé &; fort livide. Les an-
,

tres parties me
parurent allez
faines. Ce y a à obier*
qu’il
ver ici , c’eil que ce même hom-
me étoit d’un naturel impé-
tueux violent , Se emporté au
,

de là de tout ce qu’on peut


d* de F Art. nj
dire : ce que je remarque ex-
près j
parce que cela s’accor-
de parfaitement avec ce que
M. Dionis raporte de l’hu-
meur de celui dans le corps
duquel on a trouvé un phéno-
mène allez reflèmblant.

XIII.
Vers fortis far le nez^ d'uif

malade.

Ans le tems que nous hi-


vernions dans le Gange
un de nos Matelots qui rele-
voit d’une maladie dangereu-
fc, ôt que je ne comptois plus
parmi mes malades , rendit par
le nez cinq petits vers blancs
un peu plus gros que des
grains d’orge avec une ma-
,

tière purulente Sc d’une odeur


,

cadavéreule. Il fut prisen mê-


me tems d’une fièvre continue^
i ï 6 Curiofîte^ de la 'Nature
qui au bout de trois femaines
le mit au tombeau. Durant ce
tems-là il jettoit plufîeurs fois
par jour de ces mêmes vers.
On en compta jufqu’à un
cent. Après quoi on n’eut plus
d’attention à la quantité qu’il
en rendoit. Quelques jours a-
vant fa mort, la matière étoit
un fang noirâtre , &: d’une
puanteur fi infuportable, qu’on
fut obligé de le féparer des
autres malades. La mafTe de
cette corruption étoit fi a-
bondante ,
qu’outre ce qu’il
rendoit par le nez en fi gran-
de quantité , qu’il étoit obligé
d’avoir toujours la tête bail-
fée ,
il s’en écouloit encore
prodigieufement par l 'anus.
Dans les obfervations que
je dans l’ouverture du fu-
fis

jet , je reconnus encore de ces


mêmes vers dans les Sinus mas.
xilaires 5,
& de l'Art. ti
salaires ; que les membranes
«]ui les tapiflènt
intérieurement
étoient toutes détruites , 6c la
furface interne des os maxi-
Iaires étoit cariée : ce qui prou-
ve que le liège de
la corru-
ption étoit là, &
non pas dans
le cerveau , que je trouvai très-
lain ,
que la partie
auffi-bien
cribleufe de l’os ethmoide j
par où quelques Médecins é-
trangers m’avoientfoutenu que
ces vers palîbient.
i.ï 8 Curiofîtez^de la Nature

l
'Za Pierre divine four les yeux..

D
plus fenfibie
E tous les maux il

a point de plus vif, de


, &
n’y

qui chagrine
en

davantage que le mal-des yeux.


Un Auteur Italien nomme
fort bien les yeux , les miroirs
où fe peint la nature , les ju-
ges fouverains de la beauté ,
les guides de l’homme , les
peintres de la penfée , les in-
terprètes du cœur , les mefla-
gers de l’amour , des Spheres
mobiles , &
vivantes , les Af-
fres de la -terre , en un mot les
miniftres des Siences , des &
Arts.
Platon parlant des yeux ,
dit ce font eux qui nous ont
:

découvert toute la face de l’U-


niversj &. fans leur lècours nous
'& de l Art. 119
«e connaîtrions point* les ri-
chefles que la nature étalle for
ia terre. Le Ciel , le Soleil 8c
,

les Aftres foroient pour nous


comme les chofos qui ne font
point. Sans les yeux la char-
mante alternative du jour
de la nuit la lumière de l’un

les ténèbres de l’autre nous


feroient absolument incon-
nues. La divifîon du tems le
,

partage des mois , & le retour


des années for quoi nous ré-
,

glons nos afaires , &


nos de-
voirs, ont été déterminez for
le mouvement du Soleil
,
par
le Secours des yeux. Enfin la
PhiloSophie, qui eft le plus pré-
cieux ,•& le plus utile prélent
que le Dieu immortel ait fait
&c Sera jamais aux hommes mor-
tels, n’eft venuë à nous, que
par le miniftere
des yeux....
TJ nde J? hüofoÿhiœ venus nabis
T ij
îio Curiofitez^de la Nature
comparavimus qua neque ma-
»

jus , neque utilius bonum Deo-


rum immortalium beneficio , at-
que munere ad hominum genus
pervenit ,
neque perveniet un-
quam. Hoc autem loco OCTJ-
LORV M maximum beneficium.
Jn Timœo.
La vue eft en éfet un fi
grand avantage qu’on ne fau-
,

roit trop eftimer un fecret qui


fert à la conferver & à la for-
tifier. La pierre verte qu’on
nomme Divine , à caufe de fes
merveilleufes vertus pour les
maux des yeux , eft le plus ex-
cèlent Colyre , qui ait jamais
été trouvé. C’elt une de ces
découvertes qui font tant
d’honneur à notre fiécle. Quoi-
que les Médecins après Ga-
lien, comptent 113. maladies des
yeux, il y en a peu de tout ce
grand nombre , que la pierre
& de l’Art. 21 ï
verte ne guérifle. Elle fait des
guérifons fi promptes , 6c fi
uirpre liantes ,
qu’on les pren-
drait volontiers pour des mi-
racles. Il n’eft pas jufte qu’un
trefor de cette importance ,
6c fi utile aux hommes , de-
meure plus long-tems caché.
Je fuis redevable de ce fecrec
à Monfeigneur de Cicé , Evê-
que de Sabule qui me l’a don- ,

né dans notre voyage des In-


des. On le tient d’un Méde-
cin Arabe, qui faifoit la Mé-
decine à laChine. Voici com-
me on le prépare , 6c comme
on en ufe. Prenez
4 oncesde Vitriol deChipre,
.

4 onces de Nitre,ou Salpêtre s


.

4 onces d’Alun de Roche.


.

Il faut mètre ces trais cho-


fes en pondre , 6c les faire fon-
dre dans un pot neuf vernif.
fé ,
d’abord à petit feu ^
6c puis
T iij
ut Curiofîtei^ de la 'Nature
l’augmenter jufqu’à ce que
tout loit fondu.
Enfuite jettez dans cette ma-
tière, qui eft très-chaude, un
gros de camphre mis en pou-
dre^ Remuez bien tout cela a-
vec une fpatule de bois 6c lors
5

que le camphre fera bien fon-


du 6c bien incorporé avec les.
,

autres matières , couvrez le


pot de fon couvercle 6c le ,

luttez avec de la pâte de fa-


rine.
•La liiez refroidir tout cela
durant vingt- quatre heures,
puis vous caflerez le pot , ou
vous trouverez votre pierre
verte ,
qu’il faut féparer pro-
prement des morceaux du pot.
On conferve cette Pierre dans
une fiole de verre , pour em-
pêcher l’évaporation de ce qu’-
il
y a de plus fpiritueux , 6c
déplus volatile dans cette com-
pofition.
& de l'Art.
V S A G E.

L en faut mètre un demi


I gros en poudre dans un de-
mi iêpcier d’eau de fontaine >
èc quand on veut s’en fervir ,

il faut faire tiédir l’eau, & en


laifler tomber une goûte dans
l’œil, ou dans les deux yeux,
s’il
y a du mal à tous les deux.
en faut ufer trois fois par
Il

jour le matin en le levant , à


-,

midi , & le foir en le couchant..


Quand on veut cette eau plus
forte, on y met un gros de la
Pierre verte. D’abord elle fait
une douleur allez vive ,& rou-
git même les yeux. La dou-
leur fe pafle , & la rougeur fe
diffipe alfez vite.
Cette eau éclaircit la vuë ,

la fortifie ,
nétoie les yeux ,
en
mange les taies nailïantes -,

T iiij
Z 4“ Cttri ojît
2,
^ de la JW^ttUTB
guérit les Suffufions, enlève la
rougeur , &c.
Elle eft encore merveilleu-
se , pour faire cicatrifer les
vieilles plaies , &
les vieux ul-
cérés des jambes.
Elle emporte Souveraine-
ment les dartres du vifage, 8c
des autres parties du corps en
,

apliquant deflùs un petit linge


bien propre 8c trempé dans
,

cette eau.

II.

Pilules 'purgatives

E tiens la compofîcion de
ces merveilleuies pilules
d un Médecin Indien qui m’a
,
donné ce fec ret comme un fé- y
brifuge indubitable. Il m’a de
plus a fleuré qu’il s’en eSt Servi
plufîeurs fois avec fuccès pour
le mal ,
que les Napolitains
&
de l'Art. iif
*>nt aporté de TAmerique en
Europe 5 & qu’ils nomment
mal-à-propos Morbus Galli-
cus , afin de lui faire perdre,
s’il fe pouvoir, fon premier
,
& véritable nom qui efl: ,
le
mal de Naple, Voici la com-
pofition.
io. gros de Mercure doux
io. gros de Sel Armoniac.
io. gros d’Orpiment.
io. gros de Mirobolans des ,

trois fortes également.


40. gros de petits Pignons
d’Inde , dont on mêle d’abord
20. gros, fans en ôter les pel-
licules , avec les autres dro-
gues bien pulverifées. On fé-
pare des autres %o. gros ref-
tants ,
les pellicules , & puis on
les fait un peu rôtir dans une
petite poëlle à feulent; on in-
corpore le tout avec du vin
blanc , ou autre liqueur aro-
i i’6' Curiofter^ de la Nature
matique ,
& on
en fait de pe-
tites pilules qui ne péfent que
quatre grains. Une fufït pour
chaque prifedeux jours a-
:

près, s’il efl befoin, on en


prend
une féconde. Et pour les ma-
ladies auffi opiniâtres que le
mal de Naple on comprend ,

«bien qu’il y faut revenir plu-


fleurs fois ,
8c durant trois ou
quatre femaines. Du relie on
prend un bouillon aux her-
bes, après que le remède a
commencé de faire éfet j 8c
on garde le même régime ,
qu’on a coutume de garder,
lors qu’on fe purge.

III.

jttiroir de metail du Japon,

L Es Japonnois cultivent les


Arts avec plus de foin
qu’aucune nation du monde.
S" de l' Art. xxj
Maffée Lib. u. nous les répré-
fente d’une politelfe fi exqui-
fe ,
& fi bien entendue 3 que
quoi qu’ils la faflfent feuvent
conlifter en des maniérés tou-
tes opofées aux nôtres, nous
ne laiflons pas d’y trouver un
bon Cens vif , & lumineux. A
l’égard de la Médecine, ils ne
s’acommoderoient point de
celle qui fe pratique à Paris ,
où l’on feigne beaucoup > ôô
où l’on croit avoir tant de rai-
fen d’en ufer ainfi. Au con-
traire lesJaponnois qui vivent*
ordinairement da moins cent
ans, non-feulement ne feignent
jamais leurs malades ; mais
même ils regardent la feignée
comme une aétion inhumai-
ne ,
cruelle, Ôc qui fait hor-
reur à la nature. Pour les Arts
ils
y font pour le moins aulîl
habiles que nous mais il
> y en»
2z8 Curiojîtez^ de la "Nature
a, où ils furpafiènt toutes les
autres nations du monde. .Leur
verni eft inimitable ;
6e celui
de la Chine eft infiniment au
deftous de celui du Japon ,
pour pour la dure-
le luftre
,

té , pour l’odeur. J’ai un mi-


6c
roir de métail fondu , 6e poli
au Japon , 6e qui eft d’un é-
clat que nous ne voyons point
dans nos miroirs ardents qui
fe font en France. Il eft d’un
poliment fi parfait , qu’il eft
impoflîble d’y découvrir aucu-
ne raie. Auffi faut-il avouer ,
que les Japonnois ont une a-
drefie merveilleufe à travail-
ler les métaux. J’ai quelques
autres ouvrages de leur beau
cuivre, 6e de leur façon, que
je conferve comme un argu-
ment qui prouve qu’il y a des
nations ,
que nous regardons
comme barbares , 6e qui n’ont
& de l'Art. iiy
rien d’inférieur à nous pour les
talens, pour le bel elprit.
Mon miroir eft rond , a en- &
viron fix pouces de diamètre,

IV.
Une petite Pagode du Japon.

C Omme la Religion des


Paiens a toujours été
chancelante , &
qu’ils n’ont
point été fermes dans ce qu’ils
croyoient de leurs Dieux, ils ne
les répréfententprelque jamais
déjàmême maniéré & fous la ^
même idée. Les uns ont figu-
ré leurs Dieux d’une grandeur
énorme. Telle étoit h Statué
du Jupiter d’Olimpie qui é;
,
toit d’ivoire
, & quon a mis en-
tre les fepc merveilles du mon-
de. Strabon Lib. VIII. re-
marque que Phidias avoir fait
ce Jupiter d’une grandeur fi
$ 3 0 Curîofîte^ de la TJœture
prodigieufe , quoi qu'il fuc at
fis, qu'il n’auroit pû être de
bout , fans percer la voûte du
Temple, qui étoit pourtant de
la hauteur de 60. pieds. Ce qui
faifoir dire à ceux qui vouloient
rire, que ce Dieu êtoit par là
condamné à la néceffité d’ê-
tre éternellement aflis. D’au-
tres difoient que lè Dieu n’a-
voit point été fait pour le
Temple ,
ou que le Temple
n’avoit point été fait pour le
Dieu*
Au contraire une partie de
la dévotion de l’Empereur du
Japon aujourd’hui à
-confifte
répréfenter le Dieu qu’il ado-
re ,
plus petit qu’une mouche ;

comme il paraît dans la peti-


te Pagode , que j’ai aportée des
Indes, & qui m’a été donnée,
comme une choie fort rare
par M. du Livier, Directeur
de P'Art. îjï
de la Compagnie de Bengale,,
& à cjuion a alluré qu,e le cul-
te de ce petit Dieu étoit re-
fervé pour l’Empereur
, & pour
là famille.
C’eft une Divinité dont
on ne m’a pii dire le nom &
,
qui eft dans une niche. Le
Dieu &
la niche font faits
,

d’un foui grain de ris. Mais


cet ouvrage eft d’une délica-
telle achevée. On voit diftinc-
tement dans la tête les yeux,
le nez ,£c la bouche. C’eft
un vrai plailïr, que d’exami-
ner ce travail avec une loupe
de verre. Ôn voit que toutes
les proportions y font gardées
dans ia derniere exactitude.
Ce petit Dieu avec la niche eft
planté for un poil de ces barbes
qui font aux épis de ris > &
la moitié d’un grain de ris fort
de piéd’eftail à cette petite
431 Curiojîtez^âe la "Nature
Idole. Cet objet du culte de
l’Empereur du Japon efb enfer-
mé dans un petit tuyau de fort
beau verre blanc, un peu moins
gros qu’une plume d’oie. Tou-
te cette jolie machine fe por-
te en poche dans un petit étui
long comme la moitié du pe-
tit doigt , 5c fait de bois odo-
rant. Si on a mis le Jupiter
Olimpien parmi les merveilles
du monde à caille de fa gran-
deur énorme on y mêtroit la
j

petite Pagode du Japon, lî on


s’avifoit de ranger auffi entre
les chofes merveiileufes ,
des
ouvrages d’une proaigieule pe-
titelfe. On parle d’un Manufcit

en parchemin de toute 1 Iliade


d’ Homère , d’une écriture fi
menuë que tout le volume
,

s’enfermoit dans une coque


de noix. Mirmecidès avoit fait
pn petit chariot tiré par quatre
phevaux
& de TArt. 235
chevaux qu’une mouche cou-
,

vrait entièrement. Callicra-


tès faifoit des formis d’yvoire
fi petites, que les yeux les plus

perçants avoient peine à démê-


ler les diférentes de
parties
ces petites infeéies. On
vend
tous les ans en Allemagne à
la foire de Franc-Fort des pu-
ces enchaînées par le coh Car-
dan raconte que de fon tems
on fit prêtent au Duc d’Urbin
d’une bague d’or, dont le cha-
ton j au heu de diamant enfer-
moit untf petite montre 5 fur la-
quelle toutes les heures étoient
diftin&ement marquées,' &
qui
lônnoit un coup à chaque heu-
re. Cardan, de* Subtilit. Xib.
x y n.
Enfin les hommes ne font
pas moins bizares dans la ma-
niéré , dont ils peignent le dia-
ble. Nous le répréfentons tou-
V,
234 Curiojîtez^de la? Nature,
jours noir j & Marc Paulo af- ;
fure que les Habitans du Mala-
bar, dont le teint eft fort rem-
bruni peignent le diable
blanc.

y;

Tambour de la Mufiquc du Roy


de Siam.

C E petit Tambour
preuve, que les Arts ne:
font pas fi négligez par les Sia-
eft une;

mois , que quelques-uns l’ont


voulu dire. La iculptûre , la.
dorure , &
tout le deffein de.
cet ouvrage font admirables
j

on peut dire que tout


y eft
magnifique. Il Yn’a été donné;
par M. du Livier , Directeur,
de la Compagnie des Indes à
Behgale r & qui s’eft fait un;
nom honorable dans l’Orient:
par la maniere.ohligeante ; dont;
& de l' Art. iyj
il reçoit les Curieux, & par
tous les bons ofîces qu’il leur
rend. Il eftimoit fort ce petit

Tambour, qu’il conlervoit loi,


gneulèment, Le corps de cet
inftrument eft d’une terre bien
préparée , & très-bien cilèlée.
Il eft orné de. petits rotins tra-

vaillez fort proprement.il n’eft.


couvert de peau que d’un cô-
té; & c’eft d’une peau de Ser-
pent fort agréablement bigar-
rée , &qui rend, quand on,
bat deftus , un Ion doux 1

charmant. Au deftous au liesu^


de peau, il
y a une efpèce de
manche ,
qui eft pareillement
de terre-, Sc fur lequel il
y ai
de la fculpture dorée. La fi-
gure de tout le Tambour ref-
fèmble ailes à une grofle ca-
rafe qui auroit une peau au?
lieu de fond. -Le. col de la ca,
raie, eft le. manche du- Tara*-

WiL
Curioftey de la 'Nature
bour.C’efl l’inftrument que dé-
crit M. de la Loubére , En-
voyé extraordinaire du Roy
auprès du Roy de Siam en
1687. & 1688. Voici ce qu’il
en dit en parlant de la Muiîque
des Siamois. Le peuple acom-
pagne aujjî quelquefois la voix
de ceux qui chantent le foir dans
les cours des logis > où y a desil

nbces avec une efpéce de. Tam-


bour appelle Tong. On le tient
de la main gauche » on le&
frape de tems en tems d'un coup
de poing de la droite. C'efi une
bouteille de terre fans fond, &
qui au lieu de fond efi garnie
d'une peau rattachée au goulet
avec des cordons. Hiftoire de
Siam Tom. 1. chap. ir. pag.
,
r
JLa petite Balance portative
des Chinois.

C
pée ,
Orame la monnoie des
Chinois n’eft point fra-
&
que ce n’eft que de pe-
tits lingots d’argent qu’on cou-

pe lur le champ pour payer ,

ce que l’on acheté , cela obli-


ge chacun à avoir fa petite ba-
lance attachée à la ceinture ,
afin d’y pefer le prix dont on
eft convenu. Il
y a particulie-
ent trois fortes de mon-
;
j
qui font toutes trois en
de petits lingots,
s Condrins qui valent ce
,

nous apellons un fou.


ïs Malles, qui valent io.
drins, ou io. fous
Les Taëls , qui valent xo*
malles, ou ioo. fous.
X3'S' Curiofttex^ de la '
Nature
La petite balance, où Ton'
pefe ces morceaux d’argent
a beaucoup de raport à l’an-
cienne balance , que l’on nom-
me Romaine ou Pe%on. Elle
,

eft compofée, i°. d’un bras


,
branche , ou levier ; 2°. d’un
crochet, ou d’un petit baf-
fin } & fouvent tous les deux*
0 d’un poids
y font 3: . cou-
rant fur le levier , qui eft or-
dinairement d’yvoire , ou de
bois d’ébène. Il eft de la lon-
gueur d’un pié , gros comme;
une plume décrire , fur le- &
quel il y a trois lignes ponc-
tuées. C’eft fur ces points mar-
quez qu’on melûre la pelàn-
,

teur des corps graves, com-


me on fait lur la verge de nos .

Romaines, Au lieu de l'anneau., ,

avec lequel nous tenons nos pe--


zoos fuîpendus^ il y a à, la ba-
lance, des. Chinois. trois petits.
& de 23 5 ?
cordons de foie qui font at-
,
tachez au levier dans trois di-*
ferents points de fofpenfion.-
On met dans le baffin ce que
Bon veut pezer 5 ou bien on
l’attache au petit crochet.

VS AGE.
Our mètre
P
le
équilibre
cordon
.,

le plus
la balance
on la tient
éloigné du
par
en

petit baffin on arrête lè


$
&c
poids mobile for le premier
point de la ligne latérale qui
,
efo la moins ponctuée.
C’eft .

for cette ligne que l’on péze*


les Condrins
,
les MalTes , &
les Taëls..
Sur la ligne fupérieure en
,
tenant le cordon du milieu om
péze les Malles & les Taëls;.,

Et for l’autre ligne latéra-t-


le, en prenant, le. cordon 1§;
;
a 4° Curiofiteï^ de la "Nature
plus proche du baffin ,
on pèze
les Taëls.
Cette petite machine de Sta-
tique eft d’une précifion mer-
veilleufe j ôc un cheveu fait

pancher de la balance*
le baffin
On porte cette balance dans
une boëtte de vernis ,-ou de
bois odorant.

VII.

La Gargoulette , & le Porte-


Gargoulette des Indiens'.

A Gargoulette eft un va-


L leen forme de grofle ca-
rafe y & qui eft d’une terre fort
legere 5 mais qui a une quali-
té toute particulière pour ra-
fraîchir promptement l’eau
qu’on y met. Le Porte-Gar-
goulette eft une efpèce de pa-
nier avec un couvercle , fait
de petits filamens de bois de
Bambou 7
C^“ de /’ Art. 141
Bambou 6s
,
employez, comme
nous employons ici le jonc ,
ou l’oiîer. Tout ce panier eft à
jour j une moitié du Bambou
eft: peinte d’un verni rouge Sc
,

l’autre moitié d’un verni vert.


Ces deux couleurs font mê-
lées avec tant de fimmétrie ,
que cela fait un éfet très-a-
gréable. Il eft: rond ,
6c de la
figure d’une tour. deux Il a
pieds de baut , fur environ neuf
pouces de diamètre. C’effc dans
ce panier qu’on met la Gar-
goulette remplie d’eau , 6c qu’-
un oficier porte à la fuite des
grands Seigneurs du pays. Cet
Oficier tient ce panier par
quatre cordons de foie , qui fe
terminent à un bouton , où il
y a une touffe de foie de di-
férentes couleurs. Il porte ce-
la à famain ,
6c l’agite à droit
êc à gauche, comme on agite
X
44 * Curiojïtei^de la Nature
ordinairement un encenfoir ;
ce qui contribue merveilleufe-
ment à rafraîchir l’eau.

. VIII.

Le Hamac , & le Tamara des


Américains.

E Hamac
eft un lit fait
de coton tout d’une piè-
ce que les Indiens portent
,

avec eux dans les forêts , 8e


qu’ils fufpendent par les deux
bouts a deux arbres, lors qu’ils
veulent fe coucher. plupart
font de Rocou , 8c
peints
par compartimens en guillo-
chis faits avec alfez de propor-
tion , 8e de juftelfe. Les Breû-
liennes qui en font, font fiin-
duftrieufes que de cent lits de
coton qu’on aporte d’un mê-
me endroit , il ne s’en trou-
vera pas deux , dont les façons
&
r

de PArt. 145
foientfemblables. Auffi les lits
<jui viennent du Bréfil font-
ils beaucoup mieux faits, que
ceux qu’on fabrique en la
Guiane. Mais cependant on
voit toûjours dans les uns, Sc
dans les autres beaucoup d’in-
du (trié*. Les Indiens ne vont
jamais à la campagne fans ces
lits-là.
Le Pagara eft un panier de
jonc fort propre , ôcinduftrieu-
fement peint de rouge par
compartimens dans lequel les
,

Sauvages metent leur Hamac,


<piand ils- voyagent. Le Ha*
mac ,
& le Pagara que j’ai, font*
bienfaits; je les ai aportezde
Caïenne.
Il faut obforver que fi les
Philofophes , &
les Légifla-
teurs ont fait des règlemens
fur l’âge
,
que les hommes , &
les femmes doivent avoir pour
544 Curiofîtez^de la Nature
fe marier , les Sauvages
èc les ,

peuples les plus barbares, par


les ièules lumières de la natu-
ture, quoiqu’étrangement cor-
rompues en eux , ne laifient
pas d’y aporter auffi quelque
façon. Il efb vrai que les O-
rientaux font en cela plifc dé-
chaînez dans leurs voluptez
que les Américains. Les filles
Banianesdes Indes Orientales
fe marient dès l’âge de fept, ou
huit ans j & celles qui en ont
douze font réputées furan-
nées. Platon veut que l’hom-
me ait dix ans plus que la fem-
me qu’il époufo. Mais les Sau-
vages ,
comme je l’ai déjà dit
par leur feule raifon , qui
n’eft guere plus lumineufe
chez eux que l’inftincl des bê-
tes , veulent pourtant que les
perfonnes qui fe marient , aient
jfonné quelques preuves de
ér de î Art. 24 ^
leur iriduftrie. Les filles doi-
vent avoir fait le Hamac ,
c’eft-
à-dire ,,
où le mariage le
le lit
doit conlommer & l’on exige
;

des garçons de lavoir faire le


Pagara qui eft le panier, où
l’on porte le lit dans les voya-
ges.

XX.

Vie de Saint Thomas Apbtre ±


en la langue du Malabar 5

autres Manufcrits des Indes,

Thomas eft dans une


Aint
S grande confîdération
fort
parmi les Chrétiens des In-
des parce que ç’a été par la
^

prédication de ce faint Apô-


tre, qu’ils ont été convertis à
la Religion Chrétienne. Son
corps eft dans la Ville de Ma-
liapur fur la côte de Coroman-
del , où il eft en une finguliere
Xiij
2. 46 Curiofitez^de la Nature
vénération. Les Chrétiens de
S. Thomas habitent particuliè-
rement dans ce gra ndT riangle
ifocèle de terre qui eft entre
les embouchures de l’Inde 8c ,

du Gange 5 dont Cambaie 8c ,

Bengale font la baze , 8c le


Cap de Comorin fait la poin-
te. Du côté du Fleuve Inde
eft la côte de Malabar, 8c du
côté du Gange eft la côte de
,

Coromandel. Maliapur,8c faint


Thomé font fur la côte de Co-
romandel. Quand les Portu-
gais décendirent dans ces quar-
tiers-là
, ils y trouvèrent en-
viron feize mille familles de
Chrétiens mais qui étoient
-,

fort infectez des erreurs du


Neftorianifme. Cette Seéle s’eft
fort étendue dans l’Orient.
Paul Diacre dit que Cofrhoès
Roy de Perlé en haine de la
guerre fanglante que l’Empe-
& de l’Art. 14-7
feur Héraclius lui avoit faite ,
contraignit tous les Chrétiens,
qui étoient dans la Perfe, d’em-
b rafler les opinions de Nefto-
rius. Depuis ce tems-là les
Chrétiens de la Perfe en di-
latant par la prédication leur
Religion du côté de l’Orient
ils
y ont répandu pareillement
le Neftorianifme. En 1599. ces
Chrétiens de faint Thomas a-
bandonnérent par les foins des
Portugais, leur Patriarche de
Muzal, ou de Babilone* dans &
un Sinode tenu par l’Arche-
vêque de Goa à Diatnper ,
proche de Maliapur ils fe fou-
,

rnirent auPape,embraflèrent la
Religion Romaine, renoncè-&
rent formellement le Neftoria-
nifine. Comme la mémoire de
iaint Thomas eft toujours pré-
cieufe parmi ces Chrétiens-là,
on y eft fort curieux d’avoir
X iiij
2.4^ Curiojîtez^ de la Nature
la vie de ce faine Apôtre des
Indes. J'en ai une écrite en la
langue , & en caractères du
Malabar. Ce livre confifte en
des feuilles de Latanier lon-
gues d’un pied &
larges d’un
,,

pouce , qui font coupées de


&
même longueur, enfilées a-
vec un cordon de coton. Com-
me chaque feuille eft chifrée ,
on trouve facilement la fuite
de la matière par les marques
qui y fonr.
J’ai encore en la même lan-
gue un Journal de Marchand ,

& quelques lettres touchant


le commerce , pliées à leur
maniéré, qui eft en forme de
brafîelet , ou d’anneau.
De plus, j’ai un Manufcrit
Chinois qui eft un Catechifme,
ou une explication de la doc-
trine de la Religion Chrétien-
ne.
Le Portrait de Cha-gèhan ;
Empereur des hÆogols.

E Portrait eft une minia-


ture des plus fines ,
6e des
mieux exécutées. C’eft une
peinture parlante 5 &on peut
bien voir par ce petit tableau,
qui n’eft pas plus grand qu’un
écu, qu’il
y a d’babiles Pein-
tres dans l’Empire du Mogol j
foit qu’ils foient originaires du
pays , ou que ce foient des é-
trangers qui s’y font établis.
C’eft un préfent qu’un grand
Seigneur de la Cour du Mo-
gol avoit fait à M. du Livier
qui remplit fi dignement la
place de Diredeur general de
la Loge d’Ougli que lui a
,

lailfée M. des -Landes , après

y avoir âquis la réputation d’un


i$o Curiojîtcz^de la Nature
parfaitement honnête homme;
C’eft un témoignage que lui
rendent dans toutes les occa-
iîons les Habitans du pays. Le
portrait de Cha-géhan a été
donné à M. du Livier , com-
me une curiofité très-confidé-
rable ;
êc d’autant plus que
ceux, qui ont vu cet Empe-
reur, avouent que l’on ne peut
rien faire de plus reflèmblant.
Comme Cha-géhan étoit un
grand Prince , on efb curieux
dans les Indes d’avoir fon por-
trait, Il avoit ufurpé la Cou-
ronne fur fon neveu Boliki,6c
exerça d’abord plufieurs cruau-
tez pour s’afleurer l’Empire.
Mais comme il avoit ôté la
Couronne au légitime héritier,
il fut traité de même & de ;

fon vivant il en fut privé par


Aureng Zeb, fon troifiéme fils,
en i’an 1660. Aureng-Zeb ré-
de T Art *5?
gne depuis ce tems-làj & fou
pere Cha-géhan mourut trifte-
ment en prifon en 1 666 à .

Agra où fon fils le faifoit gar-


,

der à vûë.
J’ai encore du même goùc
un Tableau fort joli fait dans
l’Empire du Mogol. C’ell: la
répréfentation d’un combat de
deux Elephans , for chacun
defquels un homme efi: mon-
té j qui les gouverne avec fon
croq de fer.
Il
y a encore deux hommes
qui pour animer davantage au
combat ces deux animaux, leur
mêtent le feu fous le ventre.
Il de plus naturel
n’y a rien ,,

& de fi hûreufement deflinér


Les attitudes font répréfentées
avec une vivacité., ôc uneexa-
titude,qui font qu’on ne fo lafiè
point de les voir, êedelesexa*
miner.
ïyi Curiojîtez^de la Nature

XI.
Portrait de Confucius, Philofo -
phe de la Chine 5 auprès du-
quel ejl un Elève , & l'Oi-
feau ibis.

E Portrait de Confucius
préfentement ra-
n’eft pas
re en France on en a tant a-
:

porté de la Chine, qu’on peut


dire , qu’il y eft préfentement
•commun. Mais celui, donc je
parle ici , eft plus curieux que
ceux que l’on voit ordinaire-
ment i 0 parce que ce grand
:
.

Maître de la Philofophie Chi-


noi/e eft aflîs- fur un Siégé , ôc
dans l’attitude d’un homme
qui parle , & qui enfeigne avec
autorité. z°. Il
y a auprès de
lui un Elève qui eft debout
& dans la pofture
d’un Difci-
ple docile qui écoute avec ref-
de l'Art. & ij5
pe£t les paroles de fon Maî-
tre. 3 0 deux
. Il
y a entre les
l’Oifeau Ibis ,
qui eft une Ci-
gogne noire.
Quelques uns ont crû que
ces petites Statues étoient fai-
tes de terre mais il eft certain
:

qu’elles font d’une pierre du


pays ,
6c qui eft tendre com-
me Cette pierre eft
l’albâtre.
fort belle j a de grandes elle
veines rouges , jaunes , 6c le
fond eft de couleur d’olive.
On en fait auffî de très-beaux
vazes qu’on aporte de la Chi-
,

ne , 6c qui font fort eftimez à


Paris. Cette pierre fe nomme
à la Chine Tim-lo-ho.
Il n’y a qu’à dire un mot de

ce qu’a été Confucius à la


Chine , pour reconnaître que
ce n’eft pas fans raifon qu’on
,

recherche tant fon Portrait.


Environ 550. aiis avant l’Ere

%
4^4 Curiojîtez^âe la Nature
vulgaire floriifoit célèbre
le
Confucius, le plus grand Phi-
lofophe que la Chine ait ja-
mais eu. Il tiroit fa naiflance
du Bourg de Leuyé, affez pro-
che de la Ville de Kiofeu ,
dans la Province de Xanton
au Nort de Nankin. Ce fut
fous Kin-vam XXIV- Empe-
reur de la III. famille, que ce
Sage commença à fe diftinguer
par la beauté de (a Philofo-
phie , à la profeffion de laquel-
le il joignoit une admirable
innocence de mœurs. Ses é-
crits font remplis de maximes
très- belles, &. qui tendent tou-
tes à établir le repos dans les
familles , 5c l’abondance > 5c
la tranquilité dans l’Etat. Il
étoit perfuadé qu’il eft très-
important aux Souverains que ,

les peres aient une grande au-


torité fur leurs Enfans. Il veut
& de l'Art.
même qu’ils la portent loin
;
parce que l’imagination d’un
enfant ployée de bonne heu-
re , &
entretenue dans une
dépendance enciere fous l’au-
torité paternelle, trouve dans
la fuite moins de peine
à por-
ter le joug de la Domination
Royale. Les Chinois Sc les
,

peuples voifms de la Chine


comme font ceux du Ton-'
<]uin Sc du Japon apellent
^
, ,
Confucius le Sage le Saint-
L’Evangile n’eft pas en plus
grande vénération chez les
Chrétiens , que fes écrits le
font parmi ces Nations. Il n’y
a point de ViHe qui n’ait un
,
Collège magnifique dédié à
Confucius j 6c on
y voit par
tout ces infcriptions en lettres
d or Au grand Aiaitre , ou
:

bien A
l'illufire Roi des lettres
:

Jamais Philolophe n’a reçu.


tfj G Curiojîtez^de la 27attire

plus d’honneurs de fa Nation }


jufque-là qu’on a même ho-
noré fa pofterité
,
non-feule-
ment par des titres de No-
blefle ; mais encore par de
grands revenus , &par des dif-
tin&ions particulières. Comme
il n’eft permis qu’aux Rois de

la Chine d’avoir des Cigognes


pour Simbole & que cela eft
,

défendu aux Seigneurs quel- ,

que grands qu’ils foient c’eft ;

donc une grande diftin&ion


pourConfueius,d’en avoir dans
lès images. Cela eft fans doute
permis pour de grandes raifons.
Je croi en pouvoir donner quel-
ques-unes.
Il faudroit n’avoir jamais lu
les Livres d’ Ornithologie .pour
ignorer tout ce qu’on dit de
curieux fur cet Oifeau ,
lî con-
nu fur les rivages du Nil ^ com-
me parle Alciat , Emblem. 87.
& de l'Art. *57

Quœ roflro clyjlere velut Jîbi pro-


luit alvum
ibis Hiliacis coqyiita littoribus.

i. La Cigogne efl: d’un natu-


rel doux, 8c très-facile à aprivoi-
ferj 8c elle le plaît à demeurer

parmi les hommes. Ceft pour-


quoi cet oileau a toujours été
en conlîdération chez toutes
les nations. Dans la Thedàlie
c’ët-oit un crime de tuer une

Cigogne 8c on en punifToit le
^

meurtrier, de la même peine»


que les Loix ont décernées
contre celui qui avoir tué un
homme. En éfet les Cigognes
tuent , 8c mangent les Ser-
pents , 8c en purgent les pays
qu’elles fréquentent. Pline »
Z,ib. JC. cap. 23. Et Cicéron
avoit dit avant lui, que l’Oi-
ièau Ibis eft. l’invincible de£^
Y
a 5 S Curiojîtez^de la "Nature
trucleur des Serpents , qu’il
met en pièces avec un bec d’u-
ne corne très-dure. Ce font
ces Oifêaux, ajoute-t-il ,
qui
empêchent que la pelle ne foie
toujours dans l’Egipte 5
parce
qu’ils tuent, & mangent ces Ser-
pents aîlez que le vent Sud-
,

Ouell amène des valleslolitu-


des de la Libie. Ainfi les Ibis
font bien faifantes durant leur
vie, & ne Tentent point mauvais
après leur' mort. Cicéron , de
Natur. Dearum. Lib. II.
2. Plutarque dit que les Egip-
tiens ont obfervé , que la Cigo-
.gne fe donne à elle-même a-
vec Ton bec un clillére fait
d’eau de la mer j ce que l’on a
depuis adopté 3 &
introduit
dans la médecine. De induf-
tria animalium. C’ell pourquoi • !

George Pilidas dit fort élé-


gamment , que l’Ibis eft plus
de l'Art & 2 59
Savante que Galien., & que la
médecine eft plus redevable à
cec Oilêau qu’à ce grand hom-
me. Pifîd. in oper. fcx cheruni,
3 Pline dit une choie admi-
.

rable èc qui eft vraie } que


,

quoi que les Cigognes foient


desoifêaux paffagers ^ on ne les
voit jamais ni arriver ,
ni par-
tir. Elles cachent leur mar-
che ,
bien
qu’on ne les aper-
fi

çoit jamais palTer par aucun


endroit. Ce qui eft un mer-
veilleux fimbole du fecret qui
doit être dans le Confeil des
Rois.
4. Les Phifiologiftes difent
que les Cigognes prennent
loin de leurs peres , èc meres
dans leur vieillefle,. &c qu’ils
les nouri fient avec un loin tout
fingulier. Genitricum feneciam
eâucant , Pline lib, X. cap. 23,
On ajoute encore qu’elles leur
160 Curiojîtez, de la "Nature
aident à voiler, Sc qu’elles vont
les premières pour leur fendre
l’air, afin de leur rendre le vol
moins pénible.
Il ne faut pas après tout cela
demander la raifon,pourquoi le
SculpteurChinois a placé l’Oi-
feau Ibis entre Confucius , &;
fon Difciple. Toute la Philofo-
phie de Confucius tend à main-
tenir la paix dans l’Etat, ôc le
repos dans les familiesjéc à bien
démontrer ce que nous devons
aux Princes qui nous gouver-
nent, Sc aux parents, dont nous
tenons l’être > & la vie : & de
ces diférents devoirs, l’Ibis eft
un modelle vivant , naturel , Sc
très-parfait. Elle eft donc pour
les enfans à l’égard des pa-
rents, èc pour le$ Sujets à l’é-
gard des Souverains ,1e fimbo-
le de la piété , dont on doit les
honorer , ôc les fervir. Saint
& de F Art. i6ï
Bafile le Grand renvoie aux
Cigognes , les enfants ingrats,
& dénaturez , pour aprendre
d’elles ce qu’ils doivent à leurs
parents. Jam vcro pietas , &
obfequium Ciconiarum erga fms
fenio confeclos parentes , Jatis
profeclo libéras noflros benevolos
parentibus , atque obfervan-
ti.fjîmos efficere potefi , modo men-
tent adhibere velint. Hoijiil,
VIII. Battit fi -por.

Nous voyons fur le revers


d’une Médaille de l’Empereur
Hadrien,une Cigogne avec ces
deux mots P JET AS AV-
GV ST A. C’ell qu’elle eft en-
core l’image des bons Princes j
anfquels elle aprend qu’ils doi-
vent cultiver la piété, avoir &
un foin extrême de s’abftenir de
tout ce qui peut avoir l’air de
rigueur , &; d’inhumanité. Voi-
la pourquoi les Rois ancienne-
ï 6\ Curiojîte^ de la Nature
ment porcoiencau haut de leur
Sceptre la figure d’une Cigo-
gne ,
comme dit Suidas en-
: &
core aujourd’hui l’Empereur
de la Chine porte toujours fur
fà poitrine deux Cigognes en
broderie.
Enfin l’autorité de la doctri-
ne de Confucius , fur laquelle
les Rois de la Chine font obli-
gez de fe régler le titre même
5

d’illuftre Roy des lettres, dont


on l’honore dans toutes les infi.
criptions publiques, lui don-
nent droit d’avoir dans fes por-
traits une Cigogne , qui eft
dans la Chine tellement la
marque de la Royauté, qu’elle
eftrefervée à la feule perfonne
de l’Empereur,
x6j
&&
^/î?>
55te
/C3?w s^:-i
/Ç^V?
s&a <^/V%SZ

CATALOGUE
DE PLUSIEURS
Curiolîtez de la Nature*
&: de l’Art.

MIN ER AV JT.

M
que.
Mine
ine d’or.
Marcalîte d’or d’Afri-*

d’argent.
Marcalîte d’argent.
Aline de cuivre.
Marcalîte de cuivre.
Mine de fer.
Mine d’Etain.
Mine de Plomb.
Mine de Mercure ou Cîn£5 ,

bre minéral.
Cuivre rouge du Japon,
Antimoine de Siam»
2 6 4- Curioftte ^ de la Nature
Aimant d’Orient Syderitis. ]

Aimant blanc.
Caillou d’Orient , c’eft une
efpèce d’Agate.
Afbeftos , pierre incorn bufti-
ble, comme l’Amiante.
Divers Talcs.
Diverfes fortes d’ Agates d’O-
rient.
Pierre Arménienne. Mélo-
chitès.
Corne de Jupiter Ammon,
Pline la place parmi les Pier-
res Divines d’Etiopie. Il dit
qu’elle a la vertu de faire ex-
pliquer ce qu’il y a de Divin
dans les longes.
Cératitès , o\\V nicornu mine-
raie.
Pierre Judaïque , Phamici-
tés , ou T ècolithos.
Pierre Lunaire , Selènitès.
Pierre Etoilée.
Borax minerai brute ,
qui
*
vient
de l’Art.
(
& 2
vient d’une mine proche
d’A-
La, Ville du Mogol.
Os pétrifié , plufieurs au- &
tres petiifications curieufès.
Langue de Serpent , Glojfope-
tra. On a crû que cette pierre
étoit une langue de Serpent
petrifiee.Mais on efl revenu
de cette erreur & on fait
;

parfaitement aujourd’hui
que c’ed une pierre qu’on
,
trouve ordinairement dans
la
terre. , On l’apélle Gloffop-
tra ,
c eft-a - dire Langue de
,

fierre5
parce qu’elle a la figu-
re d une langue. Pline
Lib.
XXXJ^ji. cap. i o. dit que cette
pieire refièmble à la
langue
d un homme j il s’eft trompé y
fans doute
, parce qu’il n’en
avoir point vu. Mais elle
eft
aflez lènfiblable à la langue
du
Carcharias 5 c’eft-à dire, Chien
de mer , ou Rejdn. Ce que
z66 Cunojttex^ de lu N attire

Pline ajoute ,
n’eft pas plus
raifonnable. Il dit fur la foi
des autres , .que cette pierre
ne s’engendre point dans la
terre > mais qu’elle tombe du
Ciel au decours de la Lune ,
& quelle favorife les defirs

des femmes perdues voila la :

Fable mais difons ce que


-,

nous favons de vrai là - deflùs.


Bien loin que cette pierre fe
forme dans la moyenne région
de l’Air avec les foudres ,
&
les tonneres , on la trouve
quelquefois très-adhérente aux
rochers , &
très - fouvent dans
les terres ,
où il
y a
beaucoup
de fable*, Se des pierres de
chaux. Gefner veut qu’il y ait

de ces pierres-là , qui loient


des langues de Serpent. Voici
comme il en parle. Il y a,
dit -il, une certaine efpèce de
pierres en forme de langues v
5
&
de rArt. 2£7
qu’on trouve dans J’Iile de
Malte , que quelques -
uns
croient avoir été des
dents de
ces Lamies ou femmes
, mon-
ltrueufes, qui iuccent
le fana;
des enfans que les nourrices
ne
gardent pas.avec alTez de
foin,
autres eftiment que
j ce font
des dents de Serpent
; ce qui
nie paraît plus
vrai-fembla-
ble. On les trouve collées en-
tre des pierres
, & contre les
rochers. Leur fyrface eft fort
polie ôc elles ont de
,
petites
dents tout autour taillées
, ôc
arrangées , mieux, qu’un
ou-
vrier ne pourrait jamais
faire.
Les langues en un mot
font
tres-recommandables ar la
, p
vertu qu’elles ont de
refiler
puiflamment au venin ; ce
qui
me fait croire
,
que ce font
des langues de Serpent.
Ge/l
wery JLib. IV. de Aquatilib
Z il
2.6S Curiofitei^âe la "Nature
Plufieurs Bitumes minéraux.
Soufre tranfparent de ^ la
montagne de la Soufrière a la
Guadeloupe. .

y E G ET AV X

R Acine de Gimzim fi re-


commandée chez les Chi-
nois pour un très- grand nom-
,

bre de vertus qu’ils lui attri-


,

buent.
Terra-mérita j ou le Curcu-
ma des Arabes 5 ou bien le
Crocus des Indiens.
Pout-eha racine odorante
,

d’Afie ,
excèlente pour réta-
blir, & fortifier l’eftomac.
Bois de Sagapenum.
Bois dont on tire le Baume du
Pérou.
Boisde Crabe , dont lesPor-
tugais fe fervent au lieu de
Gérofle , èc de Mufçade.
& dc l'Art.
Bois de Campefche de Siam.
Bois Néphrétique.
Tous les Santaux.
Charé bois fort leger
, ,
que
quelques Idolâtres d’Orient
emploient pour les inftrumens
de leurs Sacrifices , & de leurs
cérémonies.
Feuilles de Bétel.
Feuilles de China- China.
Feuilles de Gérofle.
Rôle de la Chine qui craîc
,

fur un arbre, dont les' feuilles


relTemblent à celles de la Mau-
ve.. .

Fleur de Gingembre.
Fleur de Poivre de Guinée.
Fruits de diférents Cocos.
Une gouÏÏe de Cocotier ,
dans laquelle eft renfermé un
bouquet de fruits.
Toile de Cocotier, gu l’en-
velope , qui tient la Palme at-
tachée au tronc de l’arbre.
Z iij
lyo Curiofttez^de la Nature
Petit fruit d’Afrique qu’on
,

eftime un fpècifîque afluré con-


tre les Cancers , porté en a-
mulette fur le mal. Sa figure
eft fort finguliere.
Fruit de Tamarin.
Atte fruit formé en grap-
pe de raifin , 6c couleur de rai-
fin violet.
Cacao , avec quoi
Fruit de
le fait labaze du Chocolat.
Gouflès de Rocou.
•Goufles de Bonduc., apellé
par les Indiens Lata.
Pommes de Savonnettes.
Olives d’Afie.
Piftaches de Perfè.
Anacardes, épeliez par les
Indiens Bibaut.
Pignons de plufieurs elpè-
ces.
Mufcàde mâle.
Grofle caflê longue. d’Amé-
rique.
& de t Art. vji
Une longue Gouiîe qui ren-
ferme douze châtaignes d’A-
mérique dans autant de cel-
lules.
Fruits de Coton.
Yecolt fruit long , couvert d€
plufieurs écailles, qui craîtfur
le Palmier de montagne dans
la nouvelle Efpagne > 6e que
les Américains nomment Quai-
chtlepopotli. Ce fruit a quelque
reiïemblance avec la pomme-
de Pin. D’une feule racine il ,

en fort deux , ou trois troncs


qui portent des fleurs blan-
ches, 6e agréablement odori-
ferantes/Jean de Laët dit , que
ces fruits font tous vuides : Il
s’eft trompé puis
fans doute j

que tous ceux que j’ai ont au ,

dedans une efpèce de pruneau


long ,
qu’on mange avec plai-
flr.

Noix d’Acajoux.
Z iiij
17 * Curîofte\ de la Nature
Fruit d’Ouatte.
~ Vanille.
Palmes.
Courbaris.
Abricot de Paint Domin-
gue.
Cannes de Hicfe.
•Un Coco du Pérou. Ce fruit
e/l très-curieux. Je croi que le
premier Auteur qui l’a décrit,
e/l le R. Pere Aco/la Jé/uite
,
ILib. IV. Hift. natural. & mo-
ralis Indiarum.
Ce Coco e/l rempli d’une
pulpe , ou moelle bien difé-
rente de celle des autres Co-
cos. On trouve dans cette pul-
pe , quantité d’amandes très-
délicieufes que l’on apelle or-
,

dinairement Amandes d' An-


dos , parce que l’arbre qui
,
porte cette efpèce de Coco
le trouve particulièrement
dans les montagnes d’Aado s
~ér de l'Art. 27^
au Pérou. Ces amandes font
dans une coque fi dure, qu’il
ne faut pas moins qu’un mar-
teau, pour les calfor. Tout le
fruit eft d’une figure allez ex-
traordinaire 5 il eft fait com-
me une cloche ,
lors qu’on l’a
ouvert vers la tête , où il eft
fermé par une efpèce de cham-
pignon qui le bouche. Son é-
corce a un doigt d’épaiïïeur
& eft aulfi dure que le font or-
dinairement les Cocos. Acofta
allure que les amandes, qu’on
trouve dans ce fruit, font d’un
très- bon goût , trois fois plus
grollès que les amandes or-
dinaires , & qu’on les fort for
table parmi les fruits les plus
eftimez, &
les plus délicieux.
Chioccus a fait graver ce fruit
& on le trouve dans le Cabi-
net de Calceolarius pag. 623.
où il eft fort bien répréfonté.
. %

a 74 Curiojite ^ de la Nature
Ris en épi.
Millet de faint Ambroifè.
Graine de Coton.
Acacia d’Egipte.
Pois à gratter.
Goufle , & graine de la man-
ne mufquée d’Amérique, au-
trement graine de mufc.
Pois de merveilles.
Graine d’une Rôle de la
Chine.
Graine de jonc odorant.
Plufieurs goufles de diféren-
tes efpèces de Cardamome.
Graine de Varougou, plan-
te d’Afle.
Graine de Nat-chéni ,
plan-
te d’Afle.
Graines de plufleurs efpèces
de Senfitive.
Graine d’Ozeille quarrée
d’Afle.
Graine d’Achek-pitcha fleur
d’Afle.
& de îArt. 27 5
Pépins d’Attes.
Coton commun.
Coton de Maho.
Kaire , Filaflè qui couvre les
Cocos ,
&
donc les Indiens
font leurs cordages.
Pitte 3 Filaffe d’Amérique.
Différents Litophitons , ou
plantes pierreufès de mer.
Différentes Mouffes d’O-
rient, très-curieufes.
Baume blanc, d’Egipte.
Baume du Pérou.
Baume de Copahir.
Bdellium, Gomme.
Benjoin.
Huille de Palme.
Huille de Camfre de Céiîan,
qui fe tire de la racine du Ca*
nellier ; &
ainfi apellée parce
,

que fon odeur aproche de cel-


le du Camfre,
Sucre d’Erable du Canada.
Zj6 Curiojîtcz^de la Nature

A. NUMAV2T.
M
Taxai.
Ogue Soie d’un Vers
,

fauvage d’Afie, apellé

Cancre de mer.
Une Etoille de mer ,
Poif-
fon.
Mouches cornues de l’Amé-
rique.
Un Damier, Oifeaude mer
qui trouve aux environs du
fe
Cap de bonne Efperance ain- j

fi nommé,. parce que la plume

de de (Tou s Tes ailes effc par quar-


rez blancs , Se noirs.
Hannetons d’un verd doré ,

d’Orient.
Touffe d’aigrette qui fe trou-
ve couchée entre les aîles de
l’Oifeau nommé ,
Aigrette.
Nez d’Efpadon, poiffon de
&
de l’Art. 177
Ôeufs d’ Autruche. Il faut ob-

fêrver que ceux , qui ont été


pondus dans l’Afrique ont la ,

coque incomparablement plus


épaiffe, queles œufs des Au-
truches de la Menagerie du
Roy.
Differents coquillages cu-
rieux.
Coris, petit coquillage blanc»
qui vient des Maldives , ôc qui
fert de monnoie dans une par-
tie de l’Afrique, &: de l’Aile.
Blatta Byfantia ,
ou Vnguis
odoratus.
Différentes Tortues de ter-
re , &. de mer.
Colibripetit Oifeau d’A-
,

mérique , & dont les femmes


Américaines fe font des pen-
dants d’oreilles aux jours de ré-
joüiffance.
Un doigt d’une ancienne
momie d’Egipte.
ijS Curiojïte^de la Nature

LES AK T S.

G
rientaux.
Argon lis ou Vai fléau à
,

fumer, à l’ufage des O-

Plar d’une terre qui fe trou-


ve dans les Montagnes de Nel-
gari , Province d’Orixa dans
l'Empire du Mogol. Cette ter-
re elt fort eftimée des Ido-
lâtres du pays
parce qu’ils
,•

croient qu’elle eft tellement


fainte par elle-même, qu’elle
nefauroitêtre fouillée, quel-
que y fa g^ qu’en puiflent faire
ceux qui ne font pas de leur
Religion. Au contraire ils n’o- -

fent fe fervir des vaifleaux faits


d’une autre terre, quand d’au-
tres gens qu’eux les ont tou-
chez.
Une boëtte verniflee dans la-
quelle ,
les femmes Indiennes
&
de ï Art, 279
mettent une poudre minérale
rouge j dont elles fe barbouil-
lent le front j pour aprendre à
ceux qui les voient, qu’elles
font mariées.
Flèches ,
dont fe fervent les
'Siamois.
•Autres Flèches d’Améri-
que.
Arc de ,
Bois de fer d’Amé-
rique.
Arc fait de corne de Bu-
lle.

Autre Arc de bois de Bam-


bou, pour la chafle des Oi-
feaux ;
&
ou l’on met au lieu
de flèches , de petites balles de
terre cuitte.
Un Bouclier , ou Rondache
fait de bois de Bambou du
Tonquin,
Un Boutou , ou bâton de
Chef de troupes parmi les
Sauvages d’Amérique.
iSo Curiofîtez^de la Nature
Armes; favoir un Arc, des flè-
ches un Carquois, avec une
,

efpéce de Pannetiere à l’ufage


des Seigneurs Tartares. Le
Carquois, &
la Pannetiere fonc
de peau d’homme paflee très-
,

proprement.
Flûte des Sauvages de l’A-
mérique.
Flambeau apellé Damar >
fait de gomme odorante , dont
les Orientaux de condition le
font éclairer.
Cabaïe, ou habit des Mo-
gols
Cadenatz de la Chine.
Or batu de la Chine.
Or filé de la Chine.
Papier de la Chine fait de
foie.
Eftampes de la Chine.
Petites Taflès, d’une elpèce
de vitrification blanche de la
Chine.
Braflêlets,
& de l’Art. zS i
Braflelets ,
dont fe fervent
Le Damés des Indes.
Le plan de la Loge de la
Compagnie des Indes, à Chan-
dernagor.
Différents houragans ou pe-
,

titspaniers faits d’écorces d’ar-


bres par les Sauvages du Ca-
nada..
Le Souï , liqueur rouge qui
,
au Japon,
fe fait & qui eftpeu
connue en France 5 les Indiens
en font un grand ufage. Ce
feroit un excèlent Reftatirant
y
pour réparer les forces d’un
malade convaîefcent » ou d’un
homme fatigué. Les Indiens
en abufent , afin d’exciter en
eux une paffion qui ne les do-
mine déjà que trop. L’incon-
tinence eft un des delbrdres
régnants dans les Indes, & ce-
pendant il n’eft rien que ces
malhûreux Idolâtres ne mé-
Aa
*8i Curiojttex^ de la Nature
tent en œuvre , pour l’augmen-
ter ,
& en eux.
la fortifier
Tout ce que j’ai pu
de lavoir
cette compofition c’eft que fa
,

baze eft de jus de bœuf à moi-


tié cuit. Les Japonnois font
fort jaloux de ce fecret. Us
rangent le Souï entre les mar-
chandifes qu’ils eftiment da-
vantage i parce que cette dro-
gue leur attire le commerce
des Indiens „ qui viendroient
au Japon par le feul empref-
fement qu’ils ont d’avoir de
cette liqueur.
Quelques Monnoies des In-
des.

F I N.
m mmsmmsm
. TABLE
R EIation abrégée de deux
ges faits aux Indes
Indes d’Occident , &
;
Voya-
Jun aux
Tautre aux
Indes d’Orient page i»
,
Lettre de M„ l’Abbé de Vallemont *
. j-
Curiofitez de la Nature , & de TArt^
LES MINEE AV X.


La
terre de Patna ,
Les Pierres de Serpent y
Pierre d’Âigle : la Pierre quar-
écp

72,

rée 'des Indes ^ 77


Le Jade, 8z
Le Jafpe vert fanguin Oriental , Sy
La Pierre de la petite Vérole ^ 92.
La Pierre N éfr étique , 9^
La Pierre Divine 5 98
Âa i
j
TABLE
LES VE G ET AV X %

T E Macha-mona ,
ou la Calle-
JL j baffe de Guinée, ioj
#
L'Aouara ,
10*7
La Badiane , 109
Le Let-chï, ru
Le Mangouftan , 113
Le Panache de mer ,
ou la Palme
marine, 114
La Fève fébrifuge ,
*

119
Le Bois de Bambou, 121
La Noix dJ Aréca , - 12.7
Le Bois d' Aigle , 129
Le Bois , & la Gomme de Taca-
maca , 134
Un Litophiton extraordinaire, 137
Une Racine de Mabouia 140 ,

Le fruit 3c la gomme du Cèdre


,

du Liban , 144
Une grollè Rofe de Jérico , 146

LES AN I M AV X»
E Cancre marin pétrifié ,
LU n Caïman , ou Crocodile
Indes d’Orient 7
iji
des
154
TABLE
La Pierre de Lamantin , t€%
Le Cheval-marin , 164
Nids d’Alcyons ,
oiieaux d’Orient ,

170
Nids da Tati ,
où oifeau mouche 9
175
Un Serpent de la Guadeloupe , 17&
Le Rinocéros , •
j8$
Le Bézoard ,
Le Huart , oifeau de Canada , 20 G
La Mangoufte , 208
Defcription d’une oreille du cœur^
8c d’un ventricule extrêmement
dilatez. , 21I
Vers fortis du nez d’un malade 2.1
, §

LES ARTS.

LA Pierre Divine pour les yeux,:

Pilules purgatives
118
, 224,
Miroir du métail du Japon
, 226
Une Pagode du Japon , 229
petite
Tambour de la Mufique du Roy de
Siam , 23-4:
La petite Balance portative des Chu
nois , 237
La Gargoulette , & le Porte -Gar-
Fin. de la Table,
iiï -
ifr m£T; ~ ir* îfi 'nV*i^'‘'i afetiJlüAir f

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