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L'autonomie du droit des contrats administratifs à la lumière de l'évolution récente


(Par Césaire KPENONHOUN, Maître-assistant en Droit public, Enseignant-chercheur à l’Université
d’Abomey-Calavi -UAC/Bénin-)

Problématique : Le droit des contrats administratifs est un droit hybride

Résumé

La mutation du fondement et des critères du contrat par la mise en concurrence qui infléchit la
portée de l’intuitu personae, la réduction de l’exorbitance en matière d’exécution et les modes
alternatifs de règlement des conflits que consacrent les droits interne et communautaire atténuent
l’autonomie du droit des contrats administratifs. Toutefois, celle-ci persiste à bien des égards comme
en témoigne l’internationalisation de pans entiers du régime juridique des contrats de droit public qui
administrative également en retour, des règles du droit privé.

Expressions clés : contrats administratifs, autonomie essentielle, autonomie accidentelle,


publicisation de règles du droit privé, privatisation et internationalisation du droit administratif.

Plan

I/ Les remises en cause subies par l’autonomie

A/ Un droit des contrats saisi par la logique du droit privé

1°) Les critères du contrat à l’aune de l’autonomie de la volonté

2°) L’extension du droit de la concurrence au régime des contrats

B/ Une atténuation normative du régime des contrats

1°) L’influence de la législation communautaire

2°) La privatisation de règles contractuelles en droit interne

II/ Les résistances observées au niveau de l’autonomie

A/ Un apport certain des sources du droit des contrats

1°) L’ancrage constitutionnel de règles contractuelles

2°) L’internationalisation de règles contractuelles

B/ Un aménagement spécial du contentieux contractuel

1°) La publicisation intense de règles du droit privé

2°) Le renouvellement du contentieux administratif


2

Introduction

Fondation et piliers vacillent, l’édifice résiste cependant. L’autonomie du droit des contrats
administratifs subit des perturbations, notamment sous l’influence conjuguée du droit privé 1 et du
droit communautaire.2 Elle traverse ainsi un moment de profondes réformes ou de purification, mais
pas de putréfaction.
En effet, la doctrine classique conçoit quasi unanimement3 le contrat administratif comme un
acte juridique bilatéral conclu entre personnes publiques ou par une personne publique et un particulier
en vue de la réalisation d’une mission d’intérêt général. Ainsi défini, « la loi qualifie expressément
certains contrats d’administratifs (…). Lorsque ce n’est pas le cas, c’est la jurisprudence qui dégage
les critères d’identification du caractère administratif ou non d’un contrat passé par
l’administration ».4 Il en découle trois centres d’intérêt.
Primo, mis à part le contrat par détermination de la loi,5 il existe trois critères jurisprudentiels
d’identification d’un contrat administratif : un critère organique6 et deux critères matériels qui
s’alternent, à savoir le service public7 et la clause exorbitante de droit commun.8
La combinaison des sources législative et jurisprudentielle donne lieu à une grande variété de
contrats administratifs, d’où la nécessité de procéder à leur typologie sans prétendre à l’exhaustivité. A

1
Voir Babacar GUEYE, « Le nouveau Code sénégalais des marchés publics : entre réponse aux attentes de
la société civile et prise en compte des influences communautaires », Revue Droit sénégalais, novembre
2008, n° 7, pp. 257-280. Yves GAUDEMET, Droit administratif, Paris, LGDJ, 21 édit., 2015, p. 299 et s.
2
Voir directive n°04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de
règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union économique et monétaire ouest-
africaine (UEMOA) ; directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marchés publics et des
délégations de service public dans l’UEMOA.
3
Voir Demba SY, Droit administratif, Dakar, L’Harmattan, 2e édit., 2014, pp.319-320 ; Gilles LEBRETON,
Droit administratif général, Paris, Edit. Dalloz, Coll. Cours Dalloz, 8e édit., 2015, p.301 et s.
4
Voir Frédéric COLIN, L’essentiel du droit public économique, Paris, Gualino. Lextenso éditions, Coll. Les
Carrés, 2e édit., 2014, p.50.
5
Voir Code béninois des marchés publics et des délégations de service public du 7 août 2009.
6
Conformément à l’article 8 du Code des Obligations de l’Administration-COA- au Sénégal, seules les
conventions auxquelles au moins une personne morale de droit public est partie sont susceptibles d’être des
contrats administratifs. Voir aussi TC 21 mars 1983, UAP, AJDA 1983, p. 356, concl. LABTOULLE).
Un contrat entre particuliers est donc par nature un contrat de droit privé (Voir N° 21/CA du Bénin du 02 mai
2002, Aïnèkpo ALINTINSOU c/ M.D.R.A.C., www.juricaf.org (consulté le 18 octobre 2016) ; TC, 3 mars 1969,
Société INTERLAIT, Rec., p.682, AJDA 1969, p.307 ; RDP 1969, p.695.
Cependant un contrat passé entre deux particuliers peut être un contrat administratif par détermination de la loi
(voir par exemple en France le décret-loi du 17 juin 1938, devenu l’article L2331-1 du Code général de la
propriété des personnes publiques (CGPPP). En outre la jurisprudence admet qu’un tel contrat est administratif
lorsque l’un des particuliers a agi pour le compte d’une personne publique sur la base d’un mandat explicite (TC
16 mai 1983, Cie Toulousaine de transport, Rec., p.778) ou implicite (CE, Sect. 30 mai 1975, Société
d’équipement de la région Montpelliéraine, Rec., p. 326 ; TC 8 juillet 1963, Société entreprise PEYROT, GAJA,
20e édit., 2015. La jurisprudence PEYROT est intervenue dans le domaine de la construction des routes et a
connu un rayonnement tel que le TC l’a jugée une exception trop importance au critère organique en y mettant
un terme (voir TC 9 mars 2015, Mme R c/ Sté autoroute du Sud de France, AJDA 2015, p.481, obs. PASTOR).
7
Le critère du service public se rapporte à la participation du cocontractant à l’exécution même du service
public (CE Sect., 20 avril 1956, Epoux BERTIN, GAJA, op.cit.), et au contrat perçu comme un moyen
d’exécution du service public par l’administration elle-même (voir CE 20 avril 1956, Ministre de l’Agriculture c/
consorts GRIMOUARD, GAJA, op.cit.).
8
L’exorbitance consiste en la rupture de l’égalité contractuelle au profit de l’un des cocontractants, en l’octroi au
cocontractant de l’administration des prérogatives à l’égard des tiers, en l’inclusion d’une règle spécifique au
régime juridique des contrats administratifs dans un but d’intérêt général qui a manifestement inspiré la
stipulation (article 15 du COA au Sénégal). Les deux premiers critères se rapportent aux clauses exorbitantes
(voir du côté français, le raisonnement mené a contrario par le juge administratif dans l’arrêt -CE 31 juillet
1912, Société des Granits Porphyroïdes des Vosges, GAJA, op.cit.) Les troisième et quatrième critères relèvent
du régime exorbitant préexistant à la passation du contrat (voir par exemple du côté français CE, 19 janvier
1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant, Rec., p.48 ; TC 13 octobre 2014, SA Axa France,
IARD, n° 3963).
3

titre indicatif on peut citer les marchés publics (MP),9 la délégation de service public (DSP),10 les
contrats de partenariat public-privé (PPP)11 qui sont des contrats de la commande publique12 et les
contrats qui n’en relèvent pas13 dans la mesure où à leur égard l’administration n’achète rien ou ne
confie aucune tâche particulière au cocontractant.14 Aussi, en dehors des contrats innomés15 qu’il
revient à la jurisprudence administrative de qualifier au cas par cas, existe-t-il des contrats d’achat
dont le régime juridique diffère de celui des contrats de la commande publique.16Au lieu d’un contrat,
l’on a donc affaire à des contrats administratifs.
Par conséquent, de façon traditionnelle, lorsqu’une personne publique signe, à titre onéreux ou
non, un acte bilatéral avec une autre personne publique ou avec un particulier, ou quand un tel acte est
signé entre deux particuliers dont l’un au moins agit pour le compte d’une administration publique en
vue de la réalisation d’un objectif d’intérêt général, l’on est en présence d’un contrat administratif de
plein droit en vertu de dispositions législatives ou, à défaut, le contrat est administratif sur la base de
critères jurisprudentiels.
Secundo, le législateur17 ou le juge18 dégage aussi des contrats de droit privé de
l’administration. Ajoutés aux contrats de droit public, l’on obtient les contrats de l’administration.19
Les uns relèvent notamment du droit privé et les autres d’un régime exorbitant de droit commun, ce
qui laisse susciter un intérêt théorique, voire des controverses doctrinales d’un intérêt récurrent.
Tertio en effet, il a été déduit de son caractère exorbitant, l’autonomie ou la spécificité, à

9
« Les marchés publics sont des contrats administratifs écrits conclus à titre onéreux par une autorité
contractante avec des entités privées ou publiques pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de
fournitures ou de services » (voir article 1er-22 du décret n° 2008 - 173 du 16 avril 2008 portant règlementation
générale des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso).
10
La délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion
d’un service public relevant de sa compétence à un délégataire dont la rémunération est liée ou
substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation du service ; elle comprend les régies intéressées, les
affermages ainsi que les concessions de service public, qu’elle inclue ou non l’exécution d’un ouvrage (article
3, § 19 du Code béninois des marchés publics et des délégations de service public du 7 août 2009).
11
En vertu de l’article 10 du COA au Sénégal du 19 juillet 1965, « constitue un contrat de partenariat, le
contrat par lequel une personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale
comprenant le financement et la réalisation, y compris la construction, la réhabilitation ou la transformation
d’investissements matériels ou immatériels, ainsi que leur entretien, leur exploitation ou leur gestion et, le cas
échéant d’autres prestations, qui concourent à l’exercice par la personne publique concernée de la mission de
service public dont elle est chargée.
La durée du contrat de partenariat est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements
ou des modalités de leur financement. Le cocontractant reçoit de la personne publique une rémunération
échelonnée sur la durée du contrat qui peut être liée à des objectifs de performances qui lui sont assignés ».
Mais l’exorbitance est aussi synonyme de sujétions pesant sur l’administration (voir Fabrice MELLERAY (dir),
L’exorbitance du droit administratif en question, Paris, LGDJ, 2004, p.6.
12
Au vu « de son contenu, le droit de la commande publique pose un socle commun de règles applicables aux
marchés publics, aux contrats de délégation de service public et aux contrats de partenariat public-privé » (Voir
Seynabou SAMB, Le droit de la commande publique en Afrique noire francophone : contribution à l’étude des
mutations du droit des contrats administratifs au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Cameroun,
Thèse de Doctorat, Université Montesquieu Bordeaux IV, 28 novembre 2015, p.70).
13
On note l’offre de concours qui consiste en un don en nature ou en espèces dans le but d’orienter une action
administrative conformément à la volonté du cocontractant, les contrats d’emprunt public d’Etat, les contrats de
recherche, les contrats portant occupation du domaine public, les subventions faisant l’objet d’un contrat, le
contrat administratif de travail, etc. et les contrats innomés qu’il revient à la jurisprudence administrative de
qualifier au cas par cas, etc. (Voir Demba SY, Droit administratif, op. cit., pp. 328-329).
14
Les contrats d’achat et de vente, de location, à objet social, et de louage de services sont d’autres catégories de
contrats spéciaux (voir Remi ROUQUETTE, « Contribution à la classification des contrats synallagmatiques de
l’administration, AJDA, 20 juillet-20 août 1995, p.483.
15
Voir l’ouvrage précité de Demba SY, pp. 328 et s.
16
Voir infra, II-A-2.
17
Voir Ibrahim David SALAMI, Droit administratif, Cotonou, Editions CeDAT, 2015, p.125.
18
Voir CE, 31 juillet 1912, Société Granits Porphyroïdes des Vosges, GAJA, op.cit.
19
Voir Charles EISENMANN, « Sur le degré d’originalité du régime de la responsabilité extracontractuelle des
personnes publiques », JCP 1949, n° 742 et 751.
4

savoir une certaine indépendance du doit applicable au contrat administratif de celui régissant les
contrats entre particuliers.20 Mais l’autonomie ou la spécificité ne signifie pas nécessairement le rejet
du Code civil par la juridiction administrative. Même quand celle-ci met en application des
dispositions du droit privé, de son propre chef, c’est-à-dire sans en être tenue, il y a encore une
manifestation de l’autonomie du droit des contrats administratifs.21 Toutefois, dans l’entendement de
la doctrine, les notions d’autonomie et de spécificité ne recouvrent pas forcément la même
signification. Une partie de celle-ci les nuance tandis que l’autre partie les confond.
L’argumentation des premiers auteurs tient au fait que « coexistent au sein du droit
administratif, des règles propres à celui-ci, sans équivalent dans le droit privé, mais aussi des règles
ou constructions librement transposées du droit privé pour être adaptées à l’action publique. De la
première catégorie sont toutes les prérogatives de coercition dont l’administration dispose à l’égard
des particuliers ; exprimées par l’emploi de l’acte administratif unilatéral (AAU) elles contrastent
totalement avec les techniques du droit privé dominées par le principe de l’égalité des volontés et de
la technique contractuelle ».22
Seulement, dans le domaine contractuel, la règle de droit administratif qui a son équivalent en
droit privé en diffère plus ou moins profondément, et les différences de régime qui sont fondées sur
des justifications rationnelles doivent être distinguées de celles qui peuvent résulter de pures
divergences entre les jurisprudences administrative et judiciaire, et qui constituent un particularisme
simplement « accidentel ».23 Dans le cas contraire, l’autonomie du droit administratif conduit
vraisemblablement à une spécificité, à un particularisme marqué du droit applicable aux contrats
administratifs en lui conférant « une autonomie essentielle ».24
Analysant ainsi l’autonomie en rapport avec les deux variétés d’actes juridiques, les auteurs
concernés débouchent sur la conclusion que l’A.A.U. est autonome tandis que le droit des contrats
administratifs est un droit spécifique.25 Il bénéficie d’une autonomie essentielle. Inversement, la
seconde partie de la doctrine ne fait pas une nuance entre autonomie et spécificité.26 Le droit
administratif et par voie de conséquence le droit des contrats administratifs serait un droit autonome au
même titre que l’A.A.U. Ce qui renouvèlera les débats à une époque où de façon pratique, les contrats
administratifs occupent de plus en plus une place privilégiée dans la conduite des affaires publiques.
En effet, les contrats administratifs absorbent une part assez importante des deniers publics. Par
exemple au Sénégal, en 2013, les crédits votés pour l’investissement et le fonctionnement de
l’Administration centrale s’élèvent à 1. 064. 006. 760. 421 FCFA. Ce montant a évolué en 2014 où les
crédits votés pour le fonctionnement et l’investissement s’élèvent respectivement à 606. 788.783.822
FCFA et à 684.996. 192. 169 CFA, soit une autorisation d’engagement de dépenses de 1.291.784.975.
991. CFA. Les autorisations de dépenses avaient été exécutées à hauteur de 88 % au titre des seuls
marchés publics.27 En outre, des contrats entiers peuvent être initiés au moyen d’une offre spontanée,
et financés par les particuliers dans le domaine des contrats de partenariat public-privé.28 Ainsi se

20
Voir Yves GAUDEMET, Droit administratif, Parsi, LGDJ, Lextenso édition, 21e édit., 2015, pp. 297.
21
Voir André de LAUBADERE, Traité théorique et pratique des contrats administratifs, Paris, LGDJ, 1ère édit.,
n° 6, cité par Jean WALINE, « La théorie générale du contrat en droit civil et en droit administratif », in
Mélanges en l’honneur de Jacques GHESTIN, 2014, p.965.
22
Yves GAUDEMET, « Le critère du droit administratif : une question nécessaire, une réponse impossible », in
Florilèges du droit public, Recueil de Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre BOVIN, Paris, Edit. La Mémoire du
droit, 2012, p.6.
23
Voir Georges VEDEL, Note sous TC, 26 mai 1954, Moritz, JCP 1954, II, 8334.
24
Ibidem.
25
Voir Yves GAUDEMET, Droit administratif, op.cit., pp. 30-32.
26
« En dépit des affirmations idéologiquement orientées des partisans de l’unité du droit contractuel, la science
du droit des contrats administratifs s’est largement bâtie en dehors de toute influence du droit civil des
obligations ». (Voir Benoît PLEXIS, L’utilisation du droit privé dans l’élaboration du droit administratif, édit.
Panthéon-Assas, 2003, p. 734 et s.; Jean-Maire BRETON, « Propos impromptus », in Demba SY et Alioune
Badara FALL (dir), Cinquante ans de droit administratif en Afrique, Presses de l’Université de Toulouse 1
Capitole, 2016, p.33).
27
Voir htpp : // www.armp.sn/ image/ armp. rapport annuel % 20122013.pdf (consulté le 19 août 2016).
28
Voir point 6.1.3 du décret n° 2014-349 du 2 juin 2014 portant approbation de la note de cadrage des Projets
en PPP en République du Bénin.
5

justifie-t-il que les citoyens s’intéressent de plus en plus à la réalisation des contrats administratifs, non
seulement pour des raisons d’ordre social, mais également pour des questions de transparence, de
performance ou de bonne gouvernance,29 que le régime juridique des contrats soit qualifié d’un régime
juridique autonome tout court ou d’une autonomie essentielle, ou que l’on prêche ou non30 pour la
privatisation pure et simple du droit des contrats administratifs.
De toute manière, si tant était que les contrats administratifs sont menacés de
reniement,31comment se fait-il qu’ils prennent autant d’ampleurs, que l’on parle globalement des
contrats de l’administration qui est une expression qui traduit la coexistence des contrats de droit privé
de l’administration avec les contrats administratifs dont le régime juridique ne cesse d’être
actualisé32 ou amplifié33? En effet, au moment où il examinait la question dans son contexte classique,
un doctrinaire34 avait par exemple démontré que l’exorbitance du droit administratif et par suite celle
du droit des contrats administratifs devrait être plus atténuée en France qu’au Sénégal parce que la
construction de l’Etat qui nécessite un renforcement des prérogatives de la puissance publique paraît
plus élaborée dans les Etats occidentaux que dans ceux de l’Afrique noire francophone. Ressort-il
néanmoins de pareils propos qu’une étude afférente au droit des contrats administratifs consisterait à
reprendre les termes des débats menés au siècle passé, en défendant littéralement son autonomie ? Le
cas échéant, le droit des contrats administratifs aurait été pris pour un droit stationnaire. On en aurait
ignoré les ‘’bases constitutionnelles35’’ de la fin du XXe siècle dont il doit être le reflet. En définitive,
quelle appréciation doit-on pouvoir alors effectuer en toute objectivité du droit des contrats
administratifs : continue-t-il d’être ou non un droit autonome ? De toute façon, les principes et règles
de droit qui s’appliquent aux contrats administratifs font état d’un régime juridique hybride.
Il en est d’autant plus ainsi qu’il existe encore autant de règles dérogatoires au droit commun
qui régissent les contrats administratifs que l’on enregistre et qui font l’objet d’une altération. Il en
sera rendu compte à partir des expériences sénégalaise et burkinabé que la revue de littérature
disponible a permis de cibler, et aussi à partir du Bénin où se mène la présente recherche. En outre, ces
Etats appartenant tous à l’UEMOA qui concourt pour une bonne part à la réglementation des contrats
administratifs notamment à partir du tournant des années 2000, en s’inspirant du droit français,36
l’argumentation adoptée sera également comparatiste. Le droit français permettra d’enrichir le droit
africain ou des Etats francophones sous étude, de le compléter ou de lui servir au besoin une source
d’inspiration pour d’éventuelles perspectives. Les démarches comparative et comparatiste seront
conduites à l’aune du droit qui régit la détermination, la passation, l’exécution et le contentieux37 mais
aussi la préparation38 des contrats administratifs, pour examiner la pertinence des différentes

29
Voir Babacar GUEYE, « Le nouveau Code sénégalais des marchés publics : entre réponse aux attentes de
la société civile et prise en compte des influences communautaires », op.cit.
30
« La consécration de l’économie du marché et la mondialisation semblent amorcer le déclin, à l’instar du droit
administratif, du contrat administratif. (Voir Joseph DJOBGENOU, Droit des obligations. Deuxième année de
Licence., UAC, 2012-2013, p.21). Voir en sens inverse, Ibrahim David SALAMI, Droit administratif, op. cit.
31
« La consécration de l’économie du marché et la mondialisation semblent amorcer le déclin, à l’instar du droit
administratif, du contrat administratif. (Voir Joseph DJOBGENOU, Droit des obligations. Deuxième année de
Licence., op.cit., p.21). Voir en sens inverse, Ibrahim David SALAMI, Droit administratif, op. cit.
32
Il existait en 1996 un Code des marchés publics (voir l’Ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 portant Code
des marchés publics en République du Bénin). Il a été abrogé par un Code des marchés publics et des DSP du 7
août 2009.
33
Le PPP était par exemple régi par un décret n° 2014-349 du 2 juin 2014 portant approbation de la note de
cadrage des Projets en PPP en République du Bénin. Mais récemment il a fait l’objet d’une loi n° 2016-24 du 24
octobre 2018 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du Bénin. La mise en application
de celle-ci est suspendue pour un motif de non exercice du contrôle de constitutionnalité a priori par le
Gouvernement (voir décision DCC n°17-39 du 23 février 2017).
34
Voir B. KANTE, Unité de juridiction et droit administratif. L’exemple du Sénégal, Thèse, Doctorat d’Etat,
Orléans, 1983, pp. 122-123.
35
Voir Georges VEDEL, « Les bases constitutionnelles du droit administratif», EDCE 1954, p.3.
36
Voir Séni Mahamadou OUEDRAOGO, « L’évolution du droit des contrats administratifs à l’épreuve de la
transparence au Burkina Faso et au Sénégal », Revue burkinabé de Droit, 2013, p.164.
37
Voir Thomas BIDJA NKOTTO, Les contrats de l’administration au Cameroun, Université de Lille, Agence
nationale de reproduction des Thèses, 2000.
38
Voir Demba SY, Droit administratif, op. cit.
6

tendances qu’on vient d’annoncer. Comme on le sait déjà, l’une d’elles parait favorable à la disparition
de l’autonomie essentielle, et une autre tendance semble adhérer à son maintien. Mais une dernière
tendance, médiane, qui est celle de notre réflexion exposera les résistances observées au niveau de
l’autonomie (I) des règles contractuelles face à sa privatisation (II). Mais pour une raison de
cohérence, l’accent sera mis au prime abord sur les remises en cause que l’autonomie a subies (I).

I/ Les remises en cause subies par l’autonomie

Le « droit de tout le monde »39 opère une forte transformation des relations contractuelles qui
existent entre l’administration et ses partenaires. En effet, lorsque deux règles de droit sont autonomes,
le moyen tiré de ce que l’une ne respecte pas l’autre est un moyen inopérant,40 un moyen inutile ou
sans effet. Il ne revient donc pas au droit privé de s’imposer de son propre chef, notamment au juge
administratif. Celui-ci ne l’applique qu’à volonté. Mais le fait est que la logique qui gouverne les
contrats entre particuliers envahit d’une manière latente et progressive l’esprit des contrats de droit
public de sorte que les sources du droit des contrats administratifs s’en prévalent à la faveur d’une
opinion favorable pour les normativiser, et donc pour les imposer à l’administration contractante et au
juge administratif. A partir de cet instant, avant de démontrer que l’on assiste à une atténuation
normative de l’autonomie du droit des contrats (B), il importe d’étudier au préalable que l’on est en
présence d’un droit autonome saisi par la logique du droit privé (A).

A/ Un droit autonome saisi par la logique du droit privé

Le droit privé est fait de notions, de principes et de règles qui régissent en principe les
relations entre les particuliers.41 Ceux-ci sont guidés par la logique ou l’esprit économique, de profit
ou de lucre.42 C’est un droit qui est fondé sur l’autonomie de la volonté des parties qui intègre le droit
de la concurrence au régime des contrats de droit privé.43 De ce fait, l’irruption du droit privé dans le
champ d’application du droit des contrats administratifs ne peut être exposée en marge de la volonté
des parties et du droit de la concurrence. Et les grandes subdivisions des contrats administratifs faisant
appel aux critères de leur définition et à leur réglementation, l’extension du droit de la concurrence au
régime des contrats (2) administratifs sera précédée des développements qui étudieront les critères (de
détermination) du contrat à l’aune de l’autonomie de la volonté (1).

1°) Les critères du contrat à l’aune de l’autonomie de la volonté

L’évolution d’un droit est fille de la transformation de son fondement.44 Pour cette raison, la
mutation des règles spécifiques qui s’appliquent aux contrats administratifs aura pour passage obligé
l’évolution de son fondement. En droit, il en existe deux catégories : une première catégorie concerne
le fondement conceptuel formé de «principes simples et essentiels, du raisonnement à partir duquel le
droit public (dans ses différentes disciplines) trouve une construction cohérente». Une seconde
catégorie traite des «bases matérielles, assises matérielles par lesquelles le droit public s’impose et

39
Voir George VEDEL, Droit administratif, Préface à la 7e édit.
40
Voir René CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, édit. Montchrestien, Coll. Domat Droit public,
12e édit., 2006, p.793.
41
Voir Yves GAUDEMET, Droit administratif, op.cit., p. 30 et s.
42
Voir Salif. YONABA, « Que reste-t-il du concept « d’intérêt général » dans la vie politique et administrative
sur le continent africain », in Demba SY et Alioune Badara FALL (dir), Cinquante ans de droit administratif en
Afrique, op.cit., p.94.
43
Voir Mbissane NGOM, Droit et intégration économique dans l’espace UEMOA : le cas de la régulation
juridique de la concurrence, Thèse, UGB de Saint-Louis, juin 2007, p. 223.
44
Voir Léon DUGUIT, Les transformations du droit public, Paris, A. Colin, 1913. (Réédition: Paris, La mémoire
du droit, 1999, 285 p.).
7

trouve le moyen de se développer sur un territoire».45 Ramené au droit administratif et plus


précisément au droit des contrats administratifs, le fondement conceptuel est de l’ordre des idées. Il a
une signification métajuridique,46 philosophique. Il dénote d’une idéologie47 qui irrigue le droit des
contrats administratifs. Il s’agit de la notion d’intérêt général.48 En outre, l’existence de critères est
importante pour fixer le champ d’application d’un droit administratif autonome par rapport au droit
privé.49 En matière contractuelle, l’intérêt général et les critères d’identification du contrat ont été
rappelés dans l’introduction du présent travail. Il s’agit du critère organique et des critères matériels
dont le service public et la clause exorbitante de droit commun. De leur affaiblissement dépend celui
du particularisme50du droit des contrats administratifs.
Aussi, comme on l’invoquait, le droit privé est-t-il mu par un esprit, en l’occurrence par le
principe de l’autonomie de la volonté.51 Conformément à ce principe, l’homme étant né libre, il ne
peut s’obliger que par sa propre volonté.52 En dérivent, les principes de l’égalité des parties et de la
liberté contractuelle. En vertu de ce dernier principe, l’homme est libre de passer ou de ne pas passer
un contrat,53 de choisir librement son cocontractant, et de déterminer librement les clauses du
contrat54 ; il rythme avec la force obligatoire du contrat. Conformément à l’article 1134 du Code civil,
ce deuxième principe signifie que les conventions légalement signées tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faites. Ainsi, un contrat s’impose au juge55 ; enfin, on note l’effet relatif des contrats. En vertu de
l’article 1165 du Code civil « les conventions n’ont d’effets qu’entre les parties ». S’inspirant de ces
différents principes qui fondent le consentement des parties et leur égalité en droit civil, les sources du
droit des contrats administratifs prônent de plus en plus l’égalité entre l’administration et ses
cocontractants. Pour ce faire au Bénin, une révision unilatérale par l’administration, à la baisse, du prix
d’une location abritant l’Arrondissement d’Akodéha dans le Département du Mono avait été annulée56
à bon droit. La modification unilatérale doit intervenir pour une raison d’intérêt général et elle ne porte
pas sur le prix du contrat.57 Ainsi, lorsque le consentement est donné par erreur, ou extorqué par le dol
ou par la violence, cela entraîne la nullité du contrat.58 Aussi un contrat dont la cause est illicite est-il
nul et de nul effet.59
45
Voir Florence GALETTI, Les transformations du droit public africain francophone: entre étatisme et
libéralisation, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 74.
46
Voir DOSSOUMON (Samson), Fonctions du contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie
de développement (cas des pays francophones d’Afrique noire), Thèse, Doctorat en Droit, Orléans, 1983, p. 102.
47
Voir Léon DUGUIT, RDP, 1907, p.407, cité par Gilles LIBRETON, Droit administratif, p.13.
48
Voir Salif. YONABA, article précité sur le concept « d’intérêt général », op.cit.
49
Voir Léon DUGUIT, Les transformations du droit public, op.cit.
50
Voir Jacques CILLOSSE, « La réforme administrative et la question du droit », AJDA, janvier 1989, p.3.
51
L’exposé des emprunts qu’effectue le droit privé au régime des contrats administratifs s’appuiera ici sur le
Code civil français qui n’est pas sans inspirer les législateurs communautaires africains -OHADA et UEMOA-
(voir Adolphe MINKOA SHE, « Le Code civil des Français, un modèle dans les pays d’Afrique francophone »,
op.cit.
52
Voir Jean CARBONNIER, Droit civil. Les obligations, Tome 4, 30 édit., n° 16.
53
De la même manière qu’un particulier, une autorité adjudicatrice peut refuser de conclure un contrat si après
dépouillement aucune des offres ne lui donne satisfaction (voir article 101 du décret (burkinabé) n°2008-173 du
16 avril 2008 portant réglementation des marchés publics et des délégations de service public).
54
La liberté de détermination du contenu d’un contrat administratif se traduit par les différents types de cahiers
des charges (voir article 112 du Code béninois des marchés public et des délégations de service public.)
55
Influencé par la théorie civiliste de la nullité de plein droit qui est assimilable à l’inexistence juridique, et qui
consiste à constater l’invalidité d’un contrat et à en tirer les conséquences, le juge administratif s’était confiné
dans un rôle passif (voir CE 14 décembre 1988, EPA St-Quentin-en-Yvelines ; voir aussi CAA Paris, 5 juillet
2007, Commune de Levallois-Perret, req. N° 07PA00560, cité par Laurent RICHET, « Les mutations de la
théorie des nullités des contrats administratifs », p.199. Mais cette jurisprudence a évolué et le juge administratif
est devenu beaucoup plus actif (voir infra, II-B-2).
56
Voir N° 15/CA du 27 juillet 1995, Michel BAMENOU c/MF, Rec CS Bénin, pp.111-116.
57
Ibidem.
58
Voir par exemple TA Paris 21 avril 1971, Ville de Paris, AJDA 1972, p. 164, note Godfrin. Il s’agit dans le cas
d’espèce d’un dol.
59
Dans les conclusions de l’affaire Michaux, Mr. THEIS déclarait : « Selon l’article 1131 du Code civil un
contrat sans cause ne peut avoir aucun effet, c’est-à-dire qu’il est nul. La règle vaut en matière administrative à
cette réserve près qu’elle doit être appliquée compte tenu des principes propres à l’organisation et au
8

En outre, l’article 6 du Code civil (français) déclare nulles et de nuls effets, les conventions
contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Pareillement la liberté contractuelle des personnes
publiques ne devrait pas porter sur toute matière, à peine de nullité.60La formation du contrat par
correspondance,61 du contrat tacite62 et de la promesse de contrat63 sont d’autres exemples de l’apport
du droit privé à l’élaboration du droit des contrats administratifs. Par le passé, les différents emprunts
qu’on vient de répertorier sont librement transposés par le juge administratif et sont intégrés de ce fait
au droit privé des contrats administratifs.64On parlait de publicisation65 de règles du droit privé. Mais
de nos jours, le droit privé des contrats de droit public est interprété dans un sens favorable à
l’inféodation du droit administratif par le droit privé, ou dans un sens qui rapproche les deux droits.66
Plus exactement, les parties à un contrat de droit public seraient appelés à jouer sur un même registre.
En amont, le principe de l’autonomie de la volonté prône le recul de l’intuitu personae à la phase de la
préparation des contrats pour permettre aux opérateurs économiques d’agir à volonté et sans être
victimes d’une discrimination. En aval, le principe accuse au nom du principe de l’égalité, les
prérogatives de la puissance publique en matière d’exécution en permettant à un cocontractant
d’opposer l’exception d’inexécution à l’administration, et de faire recours aux modes alternatifs de
règlement des conflits. Concrètement, la modification et la résiliation unilatérales d’un contrat
administratif sont mises à rude épreuve en même temps que la théorie de l’imprévision et le
contentieux administratif applicable aux contrats de droit public.
Les principes du droit privé qui sont exposés ci-dessus paraissent attractifs à des normes
supérieures qui s’en serviront pour privatiser en partie, les critères de détermination des contrats
administratifs, notamment au regard de la liberté contractuelle et de l’égalité entre cocontractants qui
constituent le sous-bassement de l’autonomie de la volonté. C’est pourquoi, sans qu’il soit encore
nécessaire de statuer sur les interférences qui existent, en l’occurrence entre le droit privé et la
législation communautaire au sujet de la redéfinition des contrats administratifs, les développements
seront toutefois articulés autour de normes communautaires pour tenter de rendre compte du
cheminement par lequel le principe de l’autonomie de la volonté qui est atypique à un contrat de droit
privé est parvenu à influencer le régime juridique classique des contrats administratifs qui est un
régime empreint de prérogatives exorbitantes de droit commun. Il convient de reconnaître que
l’itinéraire sera assez long parce qu’il remonte à l’héritage colonial.
En effet, sur la base de ce qui précède, les termes en lesquels la législation de l’UEMOA
conçoit le critère organique servira en quelque sorte d’épigraphe à la réflexion qui sera conduite ici. En
effet, les articles 4 et 5 de la directive n°04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 s’appliquent
respectivement aux « autorités contractantes personnes morales de droit public » et aux « autorités
contractantes personnes morales de droit privé». Il existe dorénavant un dédoublement du critère
organique. D’une part, on a les pouvoirs adjudicateurs qui sont les personnes publiques proprement
dites. D’autre part, il existe des entités adjudicatrices. En vertu de l’article 5 de la directive de
l’UEMOA du 9 décembre 2005 celles-ci désignent les personnes morales de droit privé qui agissent
« pour le compte de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’une personne morale de droit public,
d’une société d’Etat, d’une société à participation financière publique majoritaire, ou d’une
association formée par une ou plusieurs de ces personnes morales de droit public ». La jonction des
deux catégories d’adjudicateurs débouche sur un ensemble bipartite : les organismes adjudicateurs.67

fonctionnement des services publics. » Et au Conseil d’Etat de statuer : « …l’obligation contractée par la Société
requérante envers l’Administration pour être admise à importer ses marchandises reposait sur une cause
illicite ». (Voir CE 29 janvier 1947, Michaux, RDP 1949, p. 70, concl. THEIS, note WALINE).
60
Voir CE, 23 mai 1958, Amoudruz, Rec., p.302 ; Ibrahim D. SALAMI, Droit administratif, p. Xi.
61
CE 29 janvier 1954, Comptoir unique d’achat de légumes, Rec., p66.
62
CE 4 janvier 1952, Compagnie nouvelle de Pétrole, Rec., p.211.
63
CE 27 avril 1949, Syndicats des Lotis exploités de Proche fontaine, Rec., p.181.
64
M.J. LAMARQUE, Recherche sur l’application du droit privé aux services publics administratifs, Paris,
LGDJ, 1960, p. 165., cité par Babacar KANTE, Thèse précitée, p.74.
65
Ibidem.
66
Voir Jean WALINE, Mais l’originalité persiste à bien des égards (voir infra II-B-1).
67
Voir Pierre DEVOLVE, « Les contrats de la commande publique », RFDA, op.cit., p.202.
9

Ce qui ne serait que l’expression d’une déliquescence des repères classiques68 du droit des contrats
administratifs. Pour cause, une jurisprudence de la Chambre administrative de la Cour suprême du
Bénin qui avait donné une définition assez extensive du critère organique en 1997 paraissait
discutable. On pourrait se permettre de la reprendre en intégralité malgré son abondance.
« Considérant que s’il est vrai que la SONACOP,69 en tant que Société d’Etat, ne fait que des actes de
commerce, il n’est pas exclu, qu’assistée de personne morale de droit public, le ministère du
Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme et de la Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat, elle
conclut un contrat de droit administratif, notamment dans le cas d’espèce, un marché de travaux
publics ; considérant en effet que nombreux sont les éléments qui militent en faveur de cette thèse :
-le marché a été conclu avec un particulier par la SONACOP, Société d’Etat, maître de
l’ouvrage, le ministère du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme (ministère de tutelle), et de la
Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat (maître de l’ouvrage délégué). L’une des parties au contrat
est donc une personne morale de droit public ;
- son objet est la construction par un particulier du siège de la SONACOP qui est un travail
public exercé à des fins d’utilité publique. Les parties audit contrat ont manifesté leur volonté de se
soustraire au droit commun, en adoptant un cahier des charges contenant des clauses qui y dérogent
et qui répondent à des préoccupations d’intérêt général. Considérant que… l’existence de ses clauses
dérogatoires du droit commun est perçue par la doctrine et la jurisprudence comme constituant le
critère décisif du contrat administratif, qu’il s’en suit que les conditions de réalisation du marché de
travaux publics sont ainsi réunies, et que l’Entreprise MABB est en droit d’engager la procédure
devant la Chambre administrative. »70 Pourtant, de tels contrats deviennent conformément à l’article 5
de la directive de l’UEMOA du 9 décembre 2005, des contrats administratifs par détermination de la
loi, non pas en raison de leur objet, mais en fonction de l’entité adjudicatrice qui les conclut. Quelle
explication peut-on tenter d’en donner ?
Initialement en effet, et donc en France, le service public répondait du critère organique. Les
deux notions étaient confondues. C’était une activité d’intérêt général gérée par une personne
publique.71 Cette définition, organique, a été reprise par exemple par la doctrine sénégalaise.72 Par
ricochet, les contrats que l’Administration passait en vue de sa réalisation étaient des contrats
administratifs.73
Mais eu égard à la crise qu’il a traversée,74le service public est perçu par la suite comme « une
activité d’intérêt général gérée par une personne privée avec des prérogatives de puissance publique
sous le contrôle de l’administration ».75 L’association entre service public et prérogative de puissance
publique provoqua l’extension du critère organique.76 Les personnes publiques ne sont plus les seuls
prestataires de service public. Elles y concourent avec des particuliers, notamment par voie
contractuelle. En vertu de l’article 10 nouveau du COA au Sénégal, un contrat est administratif lorsque
la participation du cocontractant au service public est réalisée au moyen d’une délégation de service

68
Voir Salomon BILONG, « La crise du droit administratif au Cameroun », Rev. Juridique et Politique 2011,
n°1, p.48.
69
Par SONACOP, il faut entendre la Société nationale des corps pétroliers.
70
Voir N° 22/CA du 24 octobre 1997, Entreprise M.A.B.B.c/ Ministre du Commerce, de l’Artisanat et du
Tourisme, Rec CS Bénin, p. 158.
71
Voir Léon DUGUIT, RDP 1907, p.417, cité par Gilles LIBRETON, Droit administratif, op. cit., p.
72
Voir Demba SY, Droit administratif, pp. 262-263.
73
Voir CE 6 février 1903, Terrier (contrat de destruction des animaux nuisibles, notamment les vipères) ; CE 4
mars 1910, Théorond (contrat accordant le privilège exclusif au requérant de mettre en fourrière les chiens
errants et les bêtes mortes non revendiquées par leurs propriétaires). Voir pour les deux arrêts GAJA, op.cit.
74
Arrêt back d’Elocka et CE ass. 13 mars 1938, Caisse primaire « Aide et protection », GAJA, op.cit.
75
.Ibidem. Voir aussi CE ass. 13 mars 1938, Caisse primaire « Aide et protection », GAJA, op.cit. Dans cet arrêt,
il y a eu la gestion d’un service public sans que ce ne soit à l’occasion d’une concession de service public.
76
Voir Salomon BILONG, « La crise du droit administratif au Cameroun », op.cit., p.53.
10

public ou d’un contrat de partenariat public-privé (PPP) qui constituent une manière directe et
permanente pour le cocontractant de participer à l’exécution d’un service public. En clair, les deux
types de contrats sont des contrats administratifs. Est-ce à dire qu’en dehors de la DSP et des contrats
de PPP, le critère de service public ne constitue plus un critère jurisprudentiel de qualification d’un
contrat administratif ? En effet, «rien n’empêche le juge, en dehors de ces cas (DSP et PPP), de se
référer à la participation du cocontractant à l’exécution du service public»77 dans la mesure où les
contrats ne sont pas administratifs « par détermination de la loi », celle-ci ne faisant que constater une
réalité qui eut, de toute façon, été reconnue par la jurisprudence.78 En revanche, les contrats qu’un
délégataire de service public ou un partenaire à un contrat de partenariat public privé aura à signer
avec d’autres particuliers en vue de la réalisation de la mission qui lui est assignée seront en principe
des contrats de droit privé.79 Par ricochet, les marchés publics ne devaient être signés que par les
personnes publiques elles-mêmes.80
Aussi, en vertu d’une autre dimension de la crise du service public, la prestation de services
publics par une personne publique pourra-t-elle être à l’origine d’un contrat de droit privé si telle est la
volonté de la personne publique qui l’accomplira, à moins que le contrat visé comprenne une clause
exorbitante de droit commun.81 Celle-ci manifeste l’existence entre son titulaire et les tiers, d’un
rapport d’autorité et non d’égalité.82 Le monopole83 en est un exemple. Ce qui donna dans ce dernier
cas qui intéresse l’argumentation pour l’instant, une impulsion à l’intuitu personae qui caractérise
certains contrats administratifs (DSP) en les rendant inégalitaires tout en compromettant la liberté
contractuelle de nombre d’opérateurs économiques.
Ainsi, à l’issue de la deuxième définition, le service public et la clause exorbitante de droit
commun sont devenus des critères matériels, alternatifs, dont l’association avec le critère organique
permet à la jurisprudence de déterminer la nature administrative ou non d’un contrat passé par une
personne publique. Cette deuxième définition correspond au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal à la
période des années 1990 où le libéralisme économique a commencé par s’implanter dans les Etats
d’Afrique noire francophone.84
Cependant, avec le temps, le service public est devenu « une activité d’intérêt général gérée
par une personne privée sans prérogatives de puissance publique, mais sous le contrôle renforcé de
l’administration ».85 Les termes assez vagues dont fait état l’article 11 du COA au Sénégal en
disposant que le service public désigne « toute activité d’une personne morale de droit public en vue
de satisfaire un besoin d’intérêt général », devraient pouvoir faire l’objet d’une interprétation
englobant ou élastique.86

77
Voir Demba SY, Droit administratif, op. cit., p. 325. Voir dans le même sens, CE 20 avril 1956, Epoux Bertin,
GAJA, op.cit..
78
Voir René CHAPUS cité par Fabrice GARTNER, « Des rapports entre contrats administratifs et intérêt
général », RFDA, 2006, dossier n° 19-20.
79
Voir TC 26 juin 1989, SA Cie générale d’entreprise de chauffage, D 1990, SC, p.191, observations X.
PRETOT. Le Tribunal des Conflits décide que l’arrêt est « une règle de valeur législative ».
80
Voir article 2 de l’ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 portant Code des marchés publics en République du
Bénin.
81
Voir le raisonnement a contrario mené par le juge administratif dans CE 31 juillet 1912, Société des Granits
porphyroïdes des Vosges, GAJA, op.cit.
82
Voir infra, II-A-1.
83
Voir CE 4 mars 1910, Théorond , GAJA, op.cit. ; Voir CE Sect. 13 janvier 1961, Magnier, RDP 1961, p.155,
concl. FOURNIER.
84
Voir les Thèses précédemment citées de Adamou ISSOUFOU et de Seybou SAMB.
85
Voir CE Sect. 22 févier 2007, APREI, AJDA 2007, p.793. L’évolution a été amorcée depuis CE 20 juillet
1990, Ville de Melun, AJDA 1990, p.820, concl. Pochard.
86
Voir en sens inverse, Demba SY, Droit administratif précité, p.263. L’auteur qui est d’une grande notoriété a
noté qu’au Sénégal, « on semble faire prévaloir le critère organique ». Toutefois, il a reconnu par ailleurs que
« le service public peut être défini soit organiquement, soit matériellement », Ibidem.
11

La troisième définition a le mérite de s’adapter à l’évolution du service public. La diversité de


définitions n’est donc pas le signe d’une dégénérescence, mais d’un approfondissement de la notion
de service public.87Seulement, elle altère le critère organique au regard de la définition des contrats
administratifs. Ce critère est appelé à s’appliquer à la fois aux personnes publiques et aux particuliers
qui accomplissent une mission de service public.
De même, en occultant le critère d’exorbitance, la dernière définition en date suppose que les
particuliers qui gèrent un service public ne bénéficieront plus de privilèges, dont le monopole88 dans le
cas d’espèce. Il en résulte deux centres d’intérêt. D’une part, les contrats qu’ils auront à signer avec
l’Etat les mettraient sur un pied d’égalité avec celui-ci comme si l’on était en droit privé. En sus,
d’autres particuliers seront des soumissionnaires à un tel contrat. D’autre part, il en résulterait une
éclosion en droit administratif, de la liberté contractuelle propre au droit privé. Partant, la passation
des contrats administratifs sera progressivement assortie de la publicité et de mise en concurrence dans
un sens favorable à la liberté des opérateurs économiques de pouvoir contracter avec les organismes
adjudicateurs. On assista ainsi à un éclatement du critère organique et à une atténuation de l’ampleur
des autres critères (du contrat administratif) qui en dépendent.
Le renforcement de l’intervention des particuliers dans le secteur public ne prive pas donc
l’administration des « activités de plus grand service »89 que les contrats administratifs concourent
pour une bonne part à réaliser. Mais la présence des opérateurs économiques qui réclament de plus en
plus avec succès à être protégés contre la toute puissance étatique a fait également évoluer le
fondement unique qu’est l’intérêt général pour y adjoindre un intérêt fondé sur le profit. Chacun de ces
intérêts s’accole à un bénéficiaire déterminé : les personnes morales de droit public pour l’intérêt
général, et les sujets de droit privé pour l’intérêt économique. L’activité privée d’intérêt général90
sous-tend donc un intérêt économique ainsi que la liberté contractuelle et l’égalité entre
cocontractants.
Dit autrement, lorsque les deux intérêts (général et économique ou privé) s’associent au sein
d’un contrat administratif, on voit apparaître « un troisième type d’activité, à mi-chemin d’une activité
de service public et d’une activité purement privée, « une activité privée d’intérêt général » ».91 On
dirait une activité mixte, gouvernée à la fois par l’esprit de lucre et l’esprit de service public. En guise
d’illustration, cette définition de la commande publique est significative au regard de l’évolution du
critère organique : « Un contrat de la commande publique est un contrat par lequel une personne
morale de droit public ou une personne privée qui est, soit contrôlée par une ou plusieurs personnes
publiques, soit qui a en charge des deniers publics se procure pour elle-même ou pour les usagers du
service public dont elle a la responsabilité, des biens corporels ou des services. »92 Dès lors, les
personnes publiques et les particuliers gérant un service public sont tous appelés à passer des contrats
qui sont de droit public. Les contrats de la commande publique étant les plus significatifs au regard des
deniers publics et de la politique d’investissements publics, une distinction est intervenue entre eux et
les autres contrats de droit public qui ne sont pas des commandes publiques ou qui ne sont pas soumis
au même régime juridique que les contrats de la commande publique93 auxquels les entrepreneurs

87
Voir Gilles LIBRETON, Droit administratif, op.cit., p.136.
88
La réduction de la clause exorbitante sera plus visible au vu de l’argumentation qui suivra (voir infra, I-A-2).
89
« Les activités de plus grand service » ont pour objet de fournir des prestations aux administrés (les fonctions
régaliennes- défense, police administrative, justice, recettes fiscales- et les prestations-construction d’autoroutes,
enseignement, santé, etc.-). Voir René CHAPUS, Droit administratif général, Paris, Montchrestien, Coll. Domat
Droit public, 15e édit., 2001, pp.582 et s.
90
Voir CE ass. 13 mars 1938, Caisse primaire « Aide et protection », GAJA, op.cit.
91
Voir p. 131 de l’ouvrage de Gilles LIBRETON qu’on vient de citer.
92
Voir Grégory KALFLECHE, Des marchés publics à la commande publique : l’évolution du droit des marchés
publics, Thèse de Doctorat, Université Paris 2, 2004, 2 vol., p. 476.
93
Se référer à l’introduction de la présente réflexion.
12

doivent être associés sans un esprit de discrimination comme en témoigne le recul de l’intuitu
personae. C’est de cette façon qu’en mettant les critères de détermination des contrats administratifs
au centre des analyses, l’on débouche sur la réincarnation du droit civil dans le droit des contrats
administratifs dont il élargit les organismes adjudicateurs, démultiplie les intérêts au moyen de
l’activité privée d’intérêt général, tout en infectant la prérogative de puissance publique que constitue
le monopole, au profit de la liberté contractuelle et de l’égalité entre les parties. Ainsi, dans le
prolongement de l’arrêt Monpeut94 qui consacre le service public d’édiction d’un A.A.U. par un
particulier gérant un service public,95 on en vient aussi aux contrats administratifs passés par les
personnes privées gérant un service public comme le résume l’article 5 de la directive de l’UEMOA
du 9 décembre 2005 cité dans les propos préliminaires de la présente sous-partie. Par voie de
conséquence, la définition du contrat administratif est destinée à prendre en considération aussi bien
l’intérêt général que l’intérêt des particuliers, pour les faire fédérer au moyen de l’autonomie de la
volonté. Celle-ci servira à renforcer un lien de parenté qui était résiduel, entre la mise en concurrence
et le droit des contrats administratifs.

2°) L’extension du droit de la concurrence au régime des contrats

A l’entame, il y a lieu de rappeler que la concomitance d’intérêts dont on parle de plus en plus,
mais non pas une substitution d’un intérêt à l’autre, infère que « si aujourd’hui le thème de la
performance se trouve à l’ordre du jour, il s’agit de comprendre que cette idée se décline de manière
variable suivant la perspective dans laquelle l’on se place : le profit pour le secteur privé et le « bien
ou mieux-être » des administrés dans le secteur public ».96 Il est donc indéniable que les enjeux d’un
contrat administratif s’articulent à la fois autour de l’intérêt général qui n’épargne pas les
entrepreneurs97 et les intérêts économiques de ces derniers. Partant, comme précédemment, le
cheminement par lequel le droit de la concurrence a pu également s’insérer dans le droit des contrats
administratifs sera noué autour d’une disposition dont la teneur suit ; dans «l'application de la
législation communautaire de la concurrence, la notion d'entreprise se définit comme une
organisation unitaire d'éléments personnels, matériels, et immatériels, exerçant une activité
économique, à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut juridique, public ou
privé, et de son mode de financement, et jouissant d'une autonomie de décision… ».98 Les dispositions
qui ont été citées suscitent trois observations.
En effet, il est vrai que la réglementation qu’on vient de reprendre ne se rapporte pas
directement au domaine du contrat administratif. Mais en réalité, il a fallu que le droit administratif
soit d’abord réceptif dans son ensemble au droit de la concurrence pour que celui-ci s’applique aux
contrats administratifs, et le service public à caractère industriel et commercial (SIPC) en constituerait
la porte d’entrée. L’application du droit de la concurrence aux contrats administratifs remonterait à la
crise du service public, notamment à l’arrêt du Bac d’Eloka.99 Depuis cet arrêt, le droit de la
concurrence sommeillerait en quelque sorte dans le secteur public et se serait éveillé à la faveur d’un
puissant courant d’opinion.100 En effet, pour certains auteurs, très tôt, la solution de l’arrêt du Bac

94
Voir CE Ass. 31 juillet 1942, Monpeurt, GJA, op.cit.
95
Voir René CHAPUS, Droit administratif général, op. cit., p.590.
96
Voir Salif YONABA, « Que reste-t-il du « concept d’intérêt général » dans la vie politique et administrative
sur le continent africain ? », op.cit., p.95.
97
« Aucun intérêt public ne s’attacherait au maintien de la sécurité dans les villes et villages, et sur toutes les
routes, si habitants et voyageurs n’avaient pas eux-mêmes intérêt à ce que cette sécurité leur soit assurée. On ne
saurait donc ériger une barrière entre l’intérêt public et intérêt privé pour la seule raison que cette opposition
n’existe pas.» (Voir René CHAPUS, Droit administratif général, T1, op cit., p.583).
98
Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de
position dominante à l'intérieur de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine : notes interprétatives de
certaines notions.
99
Voir TC 21 janvier 1921, Sté commerciale de l’Ouest Africain, GAJA, op.cit.
100
Voir François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX, « La soumission des personnes publiques au droit de
la concurrence », Recueil DALLOZ- SIREY, 12e Cahier-Chronique, 1989, p.67.
13

d’Eloka avait été récupérée par la doctrine du service public. De ce fait, la cohérence de pensée qui
présidait à cet arrêt s’en est trouvée ruinée.101 « Au demeurant, la philosophie qui préside au nouveau
droit de la concurrence n’est nouvelle ni dans son principe, ni dans sa mise en œuvre. Elle constituait
déjà le sous-bassement de l’arrêt du Bac d’Eloka et trouve aujourd’hui son application dans le droit
communautaire. »102 Ainsi, contrairement aux législations nationales,103 la réglementation
communautaire dénie la nature « d’activités de plus grand service » 104 aux SPIC. Le « critère de
commercialité »105 l’emporte sur celui d’activité d’intérêt général des SPIC. Le droit de la concurrence
est alors d’applicabilité en droit administratif comme il avait été annoncé.106 Ainsi, s’il était vrai que
les EPIC passaient au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal des contrats administratifs107 avant
l’intervention de la réglementation communautaire qui ne leur dénie pas de conclure également des
contrats administratifs, c’était, dans le premier cas, en raison de ce que les SPIC sont des « activités de
plus grand service » tandis que dans le second cas, la législation communautaire considère les SPIC
comme des « activités de plus grand profit ». Par conséquent, comme il avait été démontré,108 le
critère organique s’est dilaté et le contrat administratif n’est plus l’apanage des seules personnes
morales de droit public109 comme par le passé.110
En outre, l’Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA s’est profondément inspirée
d’une ordonnance française du 1er décembre 1986 relative au droit de la concurrence. Ce qui sera à
l’origine du recours que l’on fait au droit comparé. L’article 53 de l’ordonnance française affirme :
« Les règles définies à la présente ordonnance s’appliquent à toutes les activités de production, de
distribution et de service, y compris celles qui sont le fait des personnes publiques ». Comme on le
voit, le principe étant ainsi énoncé, la France dont le système juridique inspire fortement celui du
Bénin, du Burkina Faso et du Sénégal, voire les normes communautaires de l’UEMOA ou de

101
Voir Alain-Serge MESCHERIAKOFF, « L’arrêt du Bac d’Eloka. Légende et réalité d’une gestion privée de
la puissance publique », RDP, 1988, p. 1059.
102
Voir François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX, « La soumission des personnes publiques au droit de
la concurrence », Recueil DALLOZ- SIREY, 12e Cahier- Chronique, 1989, pp.68.
103
Le législateur sénégalais fait une distinction entre les SPIC et les sociétés d’Etat (voir loi n° 90-07 du 26 juin
1990 relative à l'organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes
morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, J.O. En vertu de ladite loi, le
SPIC relevait du secteur public comme au Bénin ( voir N° 34/CA du 08 août 2002, Agossou Noël VIADENOU c/
Ministre du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2016) ou au
Burkina Faso (la loi n° 025-99 du 16 novembre 1999 portant réglementation générale des sociétés à capitaux
publics au Burkina Faso excluait l’EPIC (JOBF du 30 décembre 1999, p. 2898). Mais au Burkina Faso, le SPIC
est transformé en une entreprise publique dotée de la personnalité morale de droit privé au Burkina Faso (voir
loi n° 39-98/AN du 30 juillet 1998 portant règlement des établissements publics de l’Etat à caractère
administratif).
104
L’intérêt général permet de faire une distinction entre « activités de plus grand service » et « activités de plus
grand profit ». A l’opposé des « activités de plus grand service », les « activités de plus grand profit » sont à la
recherche du profit (les sociétés d’Etat). Il en découle que les activités d’intérêt général « sont des activités de
plus grand service » ou des services publics, sans distinction entre SPA et SPIC (Voir René CHAPUS, Droit
administratif général, Paris, Montchrestien, Coll. Domat Droit public, 15e édit., 2001, pp.582 et s.
105
Voir Gabriel ECKERT, Droit administratif et commercialité, Thèse, Strasbourg III, 1994.
106
Voir Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA précédemment citée.
107
Voir du côté du Sénégal, la loi n° 90-07 du 26 juin 1990 précitée, J.O n° 5358 du 07 juillet 1990, pp. 325-
330 ; article 2 de l’ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 portant Code des marchés publics en République du
Bénin ; voir aussi du côté de la Côte d’Ivoire, l’arrêté n° 188 du 02 août 2006 portant fixation des seuils de
passation, de validation et d’approbation dans la procédure des marchés publics (abrogé), art.3. Le seuil de
passation était de 30 millions pour les SAP et de 40 millions pour les SPIC. Celui-ci passait quand même des
contrats administratifs. (Voir http://www.dmp.finances.gouv.ci/pdf/arrete_sur_les_seuils_version_finale.pdf
consulté le 18 septembre 2016).
108
Voir supra, I-A-1.
109
Voir supra, note n°76 de bas de page, la définition de la commande publique qui a été empruntée à Grégory
KALFLECHE, Des marchés publics à la commande publique : l’évolution du droit des marchés publics, op.cit. ;
voir Pierre DEVOLVE, « Les contrats de la commande publique », op.cit.
110
Voir article 2 de l’ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 portant Code des marchés publics en République
du Bénin.
14

l’OHADA,111 en a fait la toute première application dans le domaine contractuel.112 En effet, un contrat
de gérance liait la Ville de Pamiers à une Société de distribution d’eau, la S. A. E. D. Pour la
modernisation de son réseau de distribution d’eau, la Ville entreprit de modifier le contrat de gérance
pour en faire un contrat d’affermage. Mais la S.A.E.D. s’opposa à la remise en cause de son contrat de
gérance pour laquelle elle entrevoyait juste quelques aménagements. La Ville de Pamiers la met en
demeure soit de présenter un projet d’affermage, soit de renoncer au service de distribution de l’eau.
Avec son refus insistant de revenir sur le contrat de gérance, la Ville confia la distribution de l’eau à la
Société Lyonnaise des Eaux (S.L.E.) et résilia le contrat de gérance de la S.A.E.D. Le recours dont le
juge judiciaire avait connaissance en appel, à la suite du Conseil de la concurrence,113 posait trois
problèmes auxquels l’arrêt rendu a répondu favorablement. Sa recevabilité supposait que d’une part, la
passation d’un contrat d’affermage pût être considérée comme une activité de production, de
distribution ou de services, et d’autre part, le juge judiciaire jouissait de la compétence d’en connaître.
Son succès au fond préjugeait que l’acte portant résiliation du contrat de gérance ou de sa
transformation en un contrat d’affermage pût être qualifié pratiques anticoncurrentielles. Approuvant
la position de la cour d’appel, un auteur avait écrit : « Rien dans les termes de l’ordonnance ne
suggère en effet qu’il faille en exclure les actes qui, situés en amont de l’activité, déterminent son
organisation et y inclure uniquement ceux qui, en aval, relèvent de son exécution matérielle. »114 En
effet, pour la cour d’appel, les contrats de concession ne sont pas des mesures d’organisation du
service public ; la Ville de Pamiers aurait exercé une action sur le marché. En outre, même si c’était
maladroitement115 qu’à l’occasion dudit arrêt la cour d’appel admettait que les AAU étaient à l’origine
de pratiques anticoncurrentielles, rien n’autorise à présager cependant qu’ils ne puissent à jamais être
une source de telles pratiques116 à l’occasion d’une modification ou d’une résiliation unilatérales de
liens contractuels.
Il va sans dire que l’unité du droit de la concurrence prône une mise en application sans
discrimination aucune entre personnes publiques et privées.117 Plusieurs arguments ont été avancés.
L’exigence de rapidité inhérente au contentieux de la concurrence s’oppose à l’existence de recours
incidents, et le respect du bloc de compétence évite de voir se développer deux droits distincts de la
concurrence, susceptibles de se contredire. De même, les particuliers seront préservés contre tout
sentiment de frustration, le principe du contradictoire paraissant plus établi en droit privé qu’en droit
des contrats administratifs aux yeux de ces derniers. En plus, la frontière entre le secteur public et le
secteur privé est devenue singulièrement mouvante et appellerait l’application d’un droit unique.
Enfin, l’égalité de traitement est une question d’équité et de logique en droit de la concurrence.118
Ainsi analysé, l’esprit du droit de la concurrence implique que le droit des contrats
administratifs soit basé sur l’égalité des parties pour que le contrat de droit public cesse d’être un
contrat d’adhésion.119 On pourrait souligner à ce sujet que le contrat entre deux personnes publiques

111
Voir Thèse précitée de Amadou ISSOUFOU.
112
Voir Cour d’appel (Paris) 1ère Ch.30 juin 1988, Affaire SAEDE c/ Ville de Pamiers, 88.I.R.211 ; BOCC 1988,
p.187. Voir en sens inverse, TC 6 juin 1989, Ville de Pamiers, rapporté par Ibrahim David SALAMI, Droit
administratif, op.cit., p.136.
113
Voir Maurice DRAGO, « Le Conseil de concurrence », J.C.P. 1987.I.3300. Le Conseil est devenu une
Autorité de la concurrence.
114
Voir François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX, article précédemment cité, p.71.
115
Ibidem.
116
Probablement, en marge des contrats administratifs, l’exemple d’un maire français qui avait autorisé
l’ouverture du débit de boissons de sa belle famille tout en ordonnant au même moment la fermeture de tous les
autres débits au motif qu’il préservait l’ordre public paraissait édifiant de ce qu’une mesure administrative soit
constitutive d’abus de position dominante. Voir CE Sect. 23 mars 1979, Commune de Bouchemaine, Rec., p.
127.
117
Voir Mbissane NGOM, Droit et intégration économique dans l’espace UEMOA : le cas de la régulation
juridique de la concurrence, Thèse, UGB de Saint-Louis, juin 2007, p. 223.
118
Voir François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX, article précité, p.71.
119
Au sujet du contrat d’adhésion, Jean WALINE s’est appuyé entre autres sur les contrats d’assurance pour
démontrer que, que ce soit en droit public ou en droit privé, l’on en rencontre. A propos du principe de l’égalité
et, par delà l’autonomie de la volonté des parties, il affirmait aussi que, que ce soit en droit privé ou en droit
public, l’égalité des parties à un contrat se réalise en dernier ressort sous l’autorité de la loi. Il y a dans les deux
disciplines, non point une différence de nature, mais seulement de degré. Il s’est inspiré de Raymond CARRE
15

étant fondé sur l’égalité des parties,120 et les particuliers étant de plus en plus nombreux à devenir aussi
des entités adjudicatrices, le bon sens exhorterait qu’il y ait une égalité de traitement entre les
organismes adjudicateurs121 et les cocontractants. Déjà, comme on le sait, l’égalité suppose également
que les soumissionnaires soient traités sur un pied d’égalité, ce qui infère un recul de l’intuitu
personae122et l’avancée de la liberté contractuelle.
Enfin, les transformations qui viennent d’être présentées se répercutent nécessairement sur
l’exécution des contrats administratifs. On assiste à l’insertion dans les contrats de clauses de révision
du prix.123 Il en résulte une altération de la théorie de l’imprévision. En sus, l’exemple du Contrat
relatif au Programme de Vérification interne (PVI) Nouvelle Génération au Bénin qui porte sur le
contrôle des recettes douanières en vue de leur renforcement peut être rapporté. L’article 48 dudit
contrat stipule in fine : « « toute modification que l’une des parties souhaite apporter au texte du (…)
contrat est proposée à l’autre partie pour être examinée avec soin. Les parties s’efforcent de parvenir
à une solution acceptable, et le cas échéant, la modification proposée peut faire l’objet d’un
avenant », faute de quoi les parties peuvent recourir aux modes alternatifs de règlement des conflits
(conciliation, homologation ou arbitrage). Le contrat PVI avait été à l’origine d’une sentence arbitrale
rendue au tort du Gouvernement béninois.124 Dans la même lancée et pour enrichir le raisonnement au
moyen du droit comparé, le Conseil d’Etat français a admis pour une première fois que le
cocontractant oppose l’exception d’inexécution à la puissance publique.125 Les prérogatives de la
personne publique seront ainsi atténuées dans la mesure où les législations sur les contrats
administratifs seront élaborées en tenant dûment compte des différents mécanismes qu’on vient
d’exposer ci-dessus.

B/ Une atténuation normative du régime des contrats

Alors que depuis les arrêts Nicolo et Perreux126 le processus de la prévalence des normes
communautaires sur le droit interne, notamment sur la loi et sur les actes administratifs a connu son
couronnement, et qu’au même moment on notera l’ampleur de la législation de l’UEMOA127 en
matière contractuelle, un auteur a tout de même écrit : « Les contrats administratifs, depuis leur
identification jusqu’à leur contentieux sont régis par les dispositions du COA »128 au Sénégal.
Paradoxe sur les normes communautaires ou complémentarité entre elles et les dispositions nationales
régissant les contrats administratifs ? En effet, à y regarder de près, on se rend compte dans l’ensemble

De MALBERG, La formation du droit par degré, n°56, et de Jacques GHESTIN, « La formation du contrat », in
Traité de droit civil, 3e édit., n° 36. ; Jean WALINE, « La théorie générale du contrat administratif en droit civil
et en droit administratif », op.cit., pp.965-981.
120
Voir Demba SY, La technique des contrats-plan au Sénégal : contribution à l’étude de la contractualisation
entre l’Etat et les entreprises du secteur parapublic, Thèse, Doctorat d’Etat en Droit public, Dakar, 1989, 682 p.
121
Les organismes adjudicateurs comprennent les pouvoirs adjudicateurs (les personnes de droit public) et les
entités adjudicatrices (personnes morales de droit privé qui sont créées pour satisfaire spécifiquement des
besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial). Voir Pierre DEVOLVE, « Les
contrats de la commande publique », RFDA, 2016, p. 303).
122
Voir Aurélien ANTOINE, « L’intuitu personae dans les contrats de la commande publique », RFDA,
septembre-octobre 2011, n°5, p.1879.
123
Voir infra, I-B-1.
124
Voir C.C.J.A., Sentence arbitrale du 13 mai 2014, Société Bénin Control SA c/ Etat du Bénin
(www.ohada.com/2758/arbitrage-ccja (consulté le 10 décembre 2016).
125
Voir CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Location, rapporté par Urbain NGAMPIO-OBELE-BELE, Les
évolutions jurisprudentielles relatives aux contrats administratifs, inédit, p.13.
126
Voir CE. Ass. 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. p.190, concl. FRYDMAN) ; CE Ass. 30 octobre 2009, Mme
PERREUX, AJDA 2009, p.2385, chron. LIEBER et BOTTEGHUI).
127
Le Traité de l’Union monétaire ouest-africaine-UEMOA- a été signé le 10 janvier 1994 à Dakar. Il est entré
en vigueur le 1er août 1994. L’Union qui comprenait sept membres au départ (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte
d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) a connu l’adhésion de la Guinée- Bissau en 1997.
128
Voir Moustapha NGAIDE, « La loi 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant le Code des obligations de
l’Administration ou le renouveau du droit des contrats administratifs au Sénégal ? », Rev. Droit sénégalais,
novembre 2007, n°6, p.107.
16

que par l’effet de la transposition, on note la privatisation de règles contractuelles en droit interne (2)
corrélativement à l’influence de la législation communautaire (1).

1°) L’influence de la législation communautaire

Le moment est venu de démontrer que les règles juridiques communautaires se sont appuyées
sur le droit de la concurrence pour déployer un important arsenal normatif dont l’effet réducteur de
l’autonomie du droit des contrats administratifs sera manifeste. En effet, dans les années 1980
comme dans les années 2010, l’intérêt général est malmené par les acteurs de la vie politique et par les
administrateurs,129 et le domaine des contrats administratifs dont au premier rang les marchés publics,
en est un goulot d’étranglement.130 Il n’est pas outrancier d’avancer que la réglementation des contrats
administratifs rappelle la caricature d’une pêche sans butin : du vide entouré par un fil.131 Or, les
contrats administratifs absorbent une part assez importante des deniers publics.132 Le besoin s’était
alors fait sentir de lutter contre la corruption en garantissant la publicité et la mise en concurrence dans
le domaine des contrats administratifs.133
Il en a résulté l’adoption du Code communautaire de la concurrence. En relation directe avec
les marchés publics et les délégations de service public, le Code comprend trois règlements adoptés le
23 mai 2002.134 Les règlements n’épargnent aucune étape d’élaboration des contrats administratifs :
détermination, publicité, mise en concurrence ou la passation et son contrôle, exécution, et règlement
des litiges contractuels.
Pour ce qui est de la détermination du contrat administratif, il ne paraît pas opportun de revenir
sur l’altération des critères alternatifs (service public et clauses exorbitantes de droit commun) et sur le
redimensionnement des organismes adjudicateurs. Il s’agira plutôt d’en tirer les conséquences sur les

129
Voir YONABA, « Que reste-t-il du concept « d’intérêt général » dans la vie politique et administrative sur le
continent africain », op.cit, p.92.
130
L’essor pris par certaines pratiques déviantes comme le recours aux marchés par ententes directe ou de gré à
gré, le fractionnement des marchés, les surfacturations, les livraisons fictives ou partielles, le règlement des
factures sans livraison, l’accumulation des arriérés de paiement, l’inefficacité des mécanismes de contrôle et / ou
de sanction,130 en sont des manifestations (voir Adamou ISSOUFOU, Thèse précitée, p. 22.)
131
Voir Florian LINDITCH, Le droit des marchés publics, Paris, édit. Dalloz, 2e édit., 2002, p. 156.
132
Voir supra, l’introduction de la présente réflexion.
133
Une Conférence s’est tenue du 30 au 3 décembre 1998 à Abidjan sur la réforme des marchés publics en
Afrique, sous l’égide de la Banque mondiale (BM) et de la Banque africaine de Développement (BAD) avec la
participation de 33 Etats africains, de la Chambre de Commerce internationale (CCI), du Programme des
Nations-Unies pour le Développement (PNUD), de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), de la
Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) et de la BM elle-même. A
l’occasion de la Conférence, les Etats étaient conviés à engager une réforme de leurs procédures de passation des
marchés publics. La Déclaration de Paris du 2 mars 2005 sur l’efficacité de l’aide s’inscrit dans la même logique.
Les Conférence et Déclaration ont été relayées par des réglementations de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA) dont l’article 76 porte déjà sur la mise en concurrence sur le marché de l’Union. Cet
article a été complété par les articles 88 à 90. Au vu des ces trois derniers articles les pratiques
anticoncurrentielles peuvent être à la fois imputables aux particuliers qu’aux personnes publiques. Pour cette
raison, les articles ainsi ciblés mandatent le Conseil des ministres de l’Union pour élaborer les textes juridiques
définissant et précisant les procédures applicables aux pratiques anticoncurrentielles. Au demeurant, les articles
88 à 90 du Traité confèrent compétence à la Commission et à la Cour de justice pour veiller à l’application des
règles de la concurrence. L’UEMOA a adopté une charte de transparence et d’éthique des marchés publics. En
outre, elle avait élaboré la directive n° 01/ 2000/ CM/ UEMOA du 29 juin 2000 portant adoption du document de
conception du projet de réforme des marchés publics des Etats membres (de l’UEMOA) et par suite, les
Directives n° 4 et 5 /CM /UEMOA du 9 décembre 2005. Les directives se sont inspirées de la loi-type de la
Conférence des Nations-Unies pour le Droit commercial international (CNUDCI) adoptée en 1994 par la
Résolution 49/54 du 9 décembre 1994. La loi-type tient lieu d’une référence internationale de réforme du droit
des marchés publics. En tant que telle, elle vise à garantir la transparence, la bonne utilisation des deniers
publics, l’équité et l’efficacité des marchés publics.
134
On note les règlements n° 02/2002/CM/UEMOA relatifs aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de
l’UEMOA, n° 03/2002/CM/UEMOA portant sur les procédures applicables aux ententes et abus de position
dominante, et n° 04/2002/CM/UEMOA sur les aides d’Etat et sur les modalités d’application de l’article 88 (c)
du Traité (Voir www.uemoa.int (rubrique actes) et le Journal officiel de l’Union en ligne (www.izf.net.)).
17

autres phases de l’existence d’un contrat administratif. Concernant la publicité, l’article 27 alinéa 1
de la directive n°04/2005/CM/UEMOA portant procédure de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et de DSP du 9 décembre 2005 impose aux Etats membres d’établir des plans
prévisionnels annuels de passation des marchés publics sur le fondement de leur programme d’activité.
Conformément à l’alinéa 2 du même article, les plans sont révisables. Ils sont approuvés par les entités
nationales compétentes, et doivent être cohérents avec les crédits qui leur sont alloués. Les plans sont
communiqués aux entités administratives nationales et communautaires chargées du contrôle des
marchés publics qui en assurent la publicité, à peine de nullité. La publicité commence dès l’étape du
plan, donc bien avant l’engagement de la procédure de passation proprement dite. Aussi la création
d’institutions de régulation des marchés publics et de DSP sur laquelle nous reviendrons au sous-titre
suivant est-elle liée à la volonté affichée du législateur communautaire de lutter contre la violation du
principe de l’égalité qui est une caractéristique fondamentale du droit de la concurrence. Tout
morcellement de commandes en violation du plan annuel de passation des marchés publics constitue
une pratique frauduleuse (alinéa 3 de l’article 27 de ladite directive) ou anticoncurrentielle.
En fonction de l’article 28 de la directive, l’appel d’offres ouvert est la règle; le recours à tout
autre mode de passation doit être exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et être autorisé au
préalable par l’entité administrative chargée du contrôle des marchés publics. Le gré à gré ou l’entente
directe et l’appel d’offres restreint ne peuvent donc intervenir qu’à titre exceptionnel. Pour l’efficacité
du contrôle de la procédure de passation, les Etats membres sont invités à mettre en œuvre des
procédures et mécanismes garantissant la séparation et l’indépendance des fonctions de contrôle et de
régulation des marchés publics et de DSP.135 Le contrôle de la procédure de passation des contrats
administratifs est par exemple à l’origine des référés précontractuel (contrôle de la régularité des
formalités de publicité et mise en concurrence) et contractuel (vérification de la régularité des offres
après la publication de l’avis de notification du contrat) en droit de l’Union européenne.136 L’analyse
prémonitoire d’un alignement du régime de la concession sur celui des marchés publics137 intègre
ainsi le droit positif de l’UEMOA. Le principe fondateur de la passation de la DSP, l’intuitu personae
a alors connu une paralysie, une mutation.138
Quant à l’exécution des contrats administratifs, le principe d’égalité est aussi d’une application
presque sans restriction, notamment en matière de contrats miniers.139 Il est vrai, le Code minier
communautaire prévoit ainsi la sécurité juridique140 du cocontractant. Toujours est-il que le pouvoir de
modification unilatérale est plus ou moins anéanti par la réglementation communautaire qui se veut
anti-autonomiste141 au regard du droit des contrats administratifs. On dirait du nuage sur le principe
fondamental et classique du droit des contrats administratifs : l’aléa administratif qu’est le fait du
prince. De même, « les marchés sont conclus à prix ferme ou à prix révisable ».142 Dans ces conditions

135
Voir article précité de Babacar Gueye.
136
Voir Gilles LEBRETON, Droit administratif, op.cit., pp.311-312.
137
Voir Laurent RICHER, «Que reste-t-il de la délégation de service public?», AJDA 2007, p. 2225.
138
Voir Michel GUIBAL, «Droit public des contrats et concurrence, le style européen», op. cit. p. 164 ; Patrick
SITBON, «Choix du délégataire: que reste-t-il de l’intuitu personae?», Contrats publics, n° 100, juin 2010, pp.
121-123. On est revenu sur les deux types de référés (voir II-A-2).
139
« La stabilité du régime fiscal et douanier prévu dans la réglementation en vigueur au sein de l'Union est
garantie aux titulaires de titres miniers pendant la période de validité de leurs titres. Pendant cette période les
règles d'assiette et de liquidation des impôts, droits et taxes prévus par la réglementation en vigueur demeurent
telles qu'elles existent à la date de délivrance desdits titres miniers et aucune nouvelle taxe ou imposition de
quelque nature que ce soit n'est applicable au titulaire ou bénéficiaire pendant cette période ».( Voir article 17
du Règlement n° 18/2003/CM/UEMOA du 22 décembre 2003 portant adoption du Code minier communautaire
de L'UEMOA.).
140
Marion UBAUD-BERGERON, « Sécurité juridique et contrats administratifs », RDPSP en France et à
l'Étranger, 1er mai 2016, n° 3, P. 779.
141
L’expression est empruntée à Benoit PLEXIS, L’utilisation du droit privé dans l’élaboration du droit
administratif, op.cit., p.374.
142
Le prix est ferme lorsqu’il ne peut pas être modifié en cours d’exécution du marché à raison des variations des
conditions économiques.
Les marchés ne sont conclus à prix ferme que lorsque l’évolution prévisible des conditions économiques
n’expose ni le titulaire du marché, ni l’autorité contractante à des aléas importants. Le prix ferme est actualisable
entre la date limite de remise des offres et la date de notification du marché.
18

que restera-t-il de l’aléa économique ou de la théorie de l’imprévision et de celle des sujétions


imprévues qui constituent de même des principes sacrosaints du droit des contrats administratifs143 ?
Au surplus, l’article 2, alinéa 2, de l’Acte uniforme d’Arbitrage (AUA) de l’OHADA énonce
que «…les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les établissements publics
peuvent également être parties à un arbitrage144 sans pouvoir invoquer leur propre droit pour
contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre la validité de la convention
d’arbitrage ». L’article 1er du Traité fondateur de l’OHADA encourage le « recours à l’arbitrage
pour le règlement des différends contractuels ». Or, en droit public l’arbitrage est honni.145 Il
constitue un désaveu de la justice étatique.146 « L’Etat ne peut pas soumettre ses procès à des
arbitrages, tant en raison des conséquences aléatoires de l’arbitrage que des considérations d’ordre
juridique qui veulent que l’Etat ne soit jugé que par des juridictions instituées par la loi ».147
Théoriquement, la clause compromissoire n’est régulière qu’en matière commerciale.148 Toutefois, le
Règlement n° 18/2003/CM/UEMOA du 22 décembre 2003 portant adoption du Code minier
communautaire de L'UEMOA prévoit la possibilité de compromettre en tant que faculté mise à la
disposition des parties au contrat. Le cas échéant, ce sera la renonciation par l’administration à son
privilège de juridiction.149 Car, le contentieux administratif désigne « l’ensemble des réclamations
fondées sur un droit ou sur la loi, et qui ont pour objet, soit un acte de puissance publique émané de
l’administration, soit un acte de gestion des services publics déféré à la juridiction administrative par
des dispositions de lois générales ou spéciales ».150
Mais, s’il est à noter qu’en matière minière la faculté pour les personnes publiques de
compromettre est expressément formée par le législateur communautaire, tel n’est pas le cas au regard
du Traité de l’OHADA. Il a juste prévu en son article 21 que tout « différend d’ordre contractuel »
peut être soumis à un tribunal arbitral. Aussi les directives n°4 et n°5 de l’UEMOA du 9 décembre
2005 n’évoquent-elles pas express verbis le recours à l’arbitrage comme mode de règlement des
différends lorsque l’administration fait usage de prérogatives de puissance publique ou recourt à une
gestion publique. Cependant, le litige qui a opposé la Société Bénin Control SA à l’Etat béninois dans
le cadre du Contrat PVI de Nouvelle Génération à été connu de la Cour commune de Justice et
d’Arbitrage -CCJA151- (de l’OHADA). C’est dire que les réglementations nationales ne tarderont pas
à prendre la relève de la législation communautaire152 dans le dévoiement de la spécificité du droit des
contrats administratifs.

2°) La privatisation de règles contractuelles en droit interne

Les articles 93 alinéa 1er et 14 alinéa 1er des directives n° 4 et 5 de l’UEMOA du 9 décembre
2005 prévoient que les Etats membres prendront toutes les dispositions législatives, réglementaires et

Le prix est révisable lorsqu’il peut être modifié durant l’exécution des prestations aux conditions de révision
expressément prévues par le marché en vertu d’une clause de révision du prix stipulée au marché par application
des indices de prix officiels nationaux et, le cas échéant, étrangers » (article 80, alinéas 3, 4 et 5 de la directive
n°04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005).
143
Voir la réponse à cette question infra, II-B-2.
144
«Dans « son sens traditionnel auquel se réfère le Code de Procédure civile (…) l’arbitrage constitue une
procédure par laquelle les parties en litige conviennent de soumettre leur différend à un arbitre et s’engagent à
accepter la sentence arbitrale et à la considérer comme obligatoire » (Jean-Bertrand AUBY, « La bataille de
San Romano. Réflexions sur les évolutions récentes du droit administratif », AJDA, 20 novembre 2001, p.917 ;
Gilles Le CHATELIER, « Les incidences du droit communautaire sur le droit du contentieux administratif »,
AJDA du 20 juin 1996, pp. 99-100.
145
Elise LANGELIER, L’office du juge administratif et le contrat administratif, Paris, LGDJ, 2012, p. 606.
146
Voir Jean RIVERO, « Personne morale de droit public et arbitrage », Rev. Arbitrage, 1973, p. 263.
147
Edouard LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, T. 2, p. 152.
148
Voir article précité de D. Abdou Aziz KEBE, p. 23.
149
Ibidem.
150
Voir Edouard LAFERRIERE, Traité précité, p.9.
151
Voir C.C.J.A., Sentence arbitrale du 13 mai 2014, Société Bénin Control SA c/ Etat du Bénin, op.cit.
152
Les Etats membres disposent après la mise en vigueur des directives de l’UEMOA, d’un délai de deux (2) ans
pour s’y conformer. (Voir articles 93 alinéa 1er et 14 alinéa 1er des directives relatives à la passation, à
l’exécution et au règlement, et au contrôle et à la régulation des marchés publics et de DSP).
19

administratives nécessaires pour se conformer à celles-ci. Pour autant, les directives doivent être
conformes à la Constitution des différents Etats dont le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal pour
pouvoir être transposées ou être traduites dans les droits nationaux. Il en ressort que le constituant
concourra aussi à la réduction de l’autonomie du droit des contrats administratifs et après la
Constitution, les autres sources internes du droit des contrats administratifs, écrites ou non, joueront la
plus grande partition à l’aune des différentes étapes d’élaboration des contrats de droit public.
En effet, l’article 146 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose : « Si la Cour
constitutionnelle saisie par le président de la République ou par le président de l'Assemblée nationale
a déclaré qu'un engagement international153 comporte une clause contraire à la Constitution,
l'autorisation de la ratifier ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. »154 Par
conséquent, alors qu’elles comportent des articles qui se situent à l’antipode de l’autonomie du droit
des contrats administratifs, les directives n°4 et 5 de l’UEMOA ne contredisent pas néanmoins la
Constitution. Par ricochet, la Cour constitutionnelle du Bénin a déclaré que sont « conformes à la
Constitution, toutes les dispositions de la loi 2009-02 du 7 août 2009 portant Code des marchés
publics et des délégations de service public en République du Bénin votée par l’Assemblée nationale
le 26 janvier 2009 ».155 A fortiori, ce ne sont pas les décrets burkinabé n°2008-173 portant
règlementation générale des marchés publics et des délégations de service public, modifié par le décret
n° 2013-1148 du 12 décembre 2013, et sénégalais n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code
des marchés publics, moins encore le décret 2014-349 du 2 juin 2014 portant approbation de la note de
cadrage des projets de partenariat public-privé en République du Bénin156 qui vont contredire la
Constitution de ces Etats.157 On peut alors affirmer, au vu des dispositions constitutionnelles et des
jurisprudences constitutionnelles qui viennent d’être rappelées qu’il ne fait pas de doute que le
constituant béninois, à l’instar d’autres d’Afrique francophone, a « préparé un terrain juridique propice
à l'intégration ».158 A titre de comparaison, en France par exemple, le Conseil constitutionnel avait
admis que les pratiques anticoncurrentielles des établissements publics soient sanctionnées.159 En
outre, une Société d’Economie mixte locale (SEML), donc créée par une collectivité décentralisée doit
respecter les dispositions relatives à la procédure de publicité et de mise en concurrence précédant
l’attribution d’une délégation de service public. De ce fait, la loi dite « Sapin » qui avait prévu
d’exclure de son champ d’application les SEML, fut considérée comme contraire à la Constitution.160
Pour son efficacité, le contrôle de la procédure de passation des contrats a été institutionnalisé.
En effet, il convient de rappeler que l’UEMOA avait imposé aux Etats membres de se doter de

153
L’engagement international inclut le niveau communautaire (voir CE sénégalais, 31 août 1994, Prosper
Guena NTICHEN c/ Université Cheikh Anta DIOP, Bull. 1993-1997, n° 38, p.85).
154
Voir dans le même sens l’article 150 de la Constitution burkinabé du 11 juin 1991, modifié par l’article 1er de
la Loi constitutionnelle n°003-2000/AN du 11 avril 2000 et l’article 97 de la Constitution sénégalaise du 21
janvier 2000. Par exemple, voir aussi l’article 170 de la Constitution nigérienne du 25 novembre 2011.
155
Voir Cour const. Bénin, décision DCC-09-082 su 6 août 2009 relative au contrôle de constitutionnalité du
Code des marchés publics et de DSP, Rec. des Décisions et Avis, 2009, vol. 2, pp. 414-415 ; du côté du Burkina
Faso, la loi n° 020-2013/AN portant régime juridique du partenariat public-privé, et au Sénégal, la loi n° 05-
2014 du 10 février 2014 relative aux contrats de partenariat et la loi n°65-51 du 19 juillet 1965 portant COA
modifiée par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006.
156
Une loi n° 2016-24 du 11 octobre 2016 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du
Bénin est adoptée par l’Assemblée nationale et est en instance de contrôle de constitutionnalité. Elle n’est donc
pas encore promulguée.
157
Voir Louis FAVOREU, Thierry S. RENOUX, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Paris,
Sirey, Coll. Droit public, 1992, p.8.
158 Voir Alioune SALL, « Le droit international dans les nouvelles Constitutions africaines », RJPIC 1997, n° 1
p. 352.
159
Voir décision 88-D-27 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la messagerie-groupage, B.O.C.C.
30 juin 1988, p.172. Appréciant cette décision, des observateurs ont noté qu’« il serait fait application de la
même solution aux agissements analogues de services gérés directement par l’Etat ou les collectivités locales ».
(François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX, « La soumission des personnes publiques au droit de la
concurrence », op.cit, .p.70. Mais voir en sens inverse (II-A-1).
160
Voir Cons. Const. DC n°92-316 du 20 janvier 1993, citée par Laurent RICHER, « Constitution, contrat et
commande publique », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/4 - n° 37, p. 37 et s.
20

mécanismes de contrôle.161 A ce sujet, l’article 30 de la loi du 30 juin 2006 modifiant le Code des
obligations de l’administration au Sénégal énonce : «Une structure administrative spécialement mise
en place assure le contrôle a priori des procédures de passation des marchés publics, de délégations
de service public et contrats de partenariat, les missions de collecte et diffusion d'informations sur
l’attribution et les conditions d’exécution de ces marchés et contrats ainsi que le conseil aux autorités
contractantes et à leurs agents». En relation avec ce texte de loi du 30 juin 2006, un décret n° 2007-
547 du 25 avril 2007 a créé la Direction centrale des Marchés publics (DCMP). Elle est chargée d’un
contrôle a priori.162 L’arrêté ministériel n° 9286 du 3 octobre 2007 portant organisation et
fonctionnement de la Direction centrale des Marchés publics crée entre autres, la Division du contrôle
et des visas qui a spécialement en charge la mission de contrôle proprement dite.163 En outre, il est créé
auprès des autorités contractantes une cellule de contrôle des marchés publics.164Les opérations de
passation des marchés, depuis la phase de la planification jusqu’à leur attribution sont soumises à la
Cellule. L’émergence des différentes institutions fait du contrôle a priori une fonction à part entière,
distincte de celle de régulation. Celle-ci s’applique au système ou à l’ambiance générale qui
caractérise la réalisation des contrats administratifs.
Dans cet ordre d’idées, l’article 15 du Code béninois des marchés publics prévoit la création
d’une Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP).165 Elle est rattachée à la présidence de la
République. Il assurera parmi d’autres fonctions, le contrôle a posteriori des procédures de passation
des marchés publics et des DSP lorsqu’un contrôle a priori n’aura pas été exercé (article 11 alinéa 7,
3e tiret). Les différentes institutions veillent au respect de la publicité et de la mise en concurrence, ce
qui infléchit le cours de l’intuitu personae. En effet, en vertu de l’article 58 du décret n° 2008-17du 16
avril 2008 portant règlementation générale des marchés publics et des délégations de service public
au Burkina Faso,166l’appel d’offre ouvert est la procédure de droit commun.

161
Voir l’article 4 de la directive 05/2005 du 9 décembre 2005.
162
Voir Adama MBOUP, «Direction centrale des marchés publics, un instrument du contrôle a priori des
procédures», Revue des marchés publics, mai 2011, n° 2, pp. 14-15.
163
Au Bénin, le Code des marchés publics et de DSP prévoit la création d’une Direction nationale de Contrôle
des Marchés publics placée sous la tutelle du ministre en charge des finances. La Direction procède à la
validation des dossiers avant le lancement de l’appel d’offre, accorde les autorisations et dérogations nécessaires
aux autorités contractantes, valide le rapport d’analyse comparative des propositions et du procès-verbal
d’attribution provisoire du marché par la commission de passation, examine juridiquement et techniquement le
dossier du marché avant son approbation et peut demander des éclaircissements à l’autorité contractante, procède
à la validation des projets d’avenants, assiste techniquement les autorités contractantes et contrôle l’activité des
Directions départementales de contrôle des marchés publics ( voir article 11) . Au Burkina Faso, le décret du 16
avril 2008 relatif aux marchés publics et aux délégations de service public a érigé en son article 1 er, la Direction
centrale des marchés publics en une Direction Générale des Marchés Publics (DGMP). La Direction a
compétence pour émettre des avis, pour donner des autorisations et des dérogations qui sont prévues par la
réglementation sur les marchés publics.
164
Le Code béninois des marchés publics et des DSP crée une Cellule de contrôle des marchés publics (CCMP)
en son article 12 ; voir au Sénégal l’arrêté n° 00865 du 22 janvier 2015 relatif à l’organisation et au
fonctionnement des Cellules de passation des marchés des autorités contractantes. L’arrêté est pris en application
des articles 35 et 141 du Code des marchés publics ; le Burkina Faso pour sa part, dispose de spécialistes de
passation des marchés publics qui sont des délégataires de la DGMP lorsque le seuil du marché est inférieur à
200 millions de francs CFA ( voir article 2 de l’arrêté n° 2010-028/ MEF/ CAB/ du 8 février 2010 portant
fixation du seuil de délégation d’attributions entre le Directeur des marchés publics et les spécialistes en
passation des marchés, Revue des marchés publics du Burkina Faso, éd. Spéciale février 2010).
165
Voir décret n°2010-496 du 26 novembre 2010 portant organisation, attribution et fonctionnement de
l’Autorité de Régulation des Marchés publics, in M. P. Chérifatou SEIBOU, Passation des marchés publics dans
la Commune de Ouidah, du droit au fait : quelles limites ?, Master II en AGT, ENAM-UAC, 2016, p.49 ; du
côté du Burkina Faso, voir décret n° 2014-554 du 27 juin 2014 portant création, attribution, organisation et
fonctionnement de l’Autorité de régulation de la commande publique J.O, op.cit. ; décret sénégalais n° 2007-
546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics
(ARMP), J.O du 2 juin 2007, pp. 2938-2947.
166
Voir en ce qui concerne le Bénin, l’article 28 du Code des marchés publics ; article 60 alinéa 3 du Code des
marchés publics au Sénégal. L’appel d’offres ouvert est la procédure par laquelle l’autorité contractante choisit
l’offre évaluée économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères préalablement
21

Ainsi présentée, la législation sur les contrats administratifs, en l’occurrence celle relative aux
contrats de la commande publique a donné lieu à une mise en application conséquente, c’est-à-dire
allant dans le sens de la réduction de l’autonomie du droit des contrats administratifs. En effet, au
Sénégal, l’article 67-5 du Code des marchés publics exige que les offres soient étudiées sur la base de
trois plis. Pour ce faire, l’autorité contractante qui en a reçu trois dont l’un constitue un désistement
n’est pas fondé à procéder à leur ouverture.167 Au Burkina Faso, la question a été posée de savoir si
une offre qui est économiquement plus avantageuse que les spécifications techniques du dossier
d’appel d’offres doit être rejetée. Le Comité de règlement des différends (CRD) de l’ARMP a répondu
positivement168 à la question. Est ainsi annulée la décision portant attribution d’un marché où le
soumissionnaire a fourni des échantillons de thé de 50 grammes en lieu et place des 36 grammes que
contient le dossier d’appel d’offres. Dit autrement, la régularité d’un pli s’apprécie en relation avec le
dossier d’appel d’offres, mais non pas en rapport avec l’avantage que l’administration y tirera,169 et qui
pourrait, on peut l’imaginer, être une entente inavouée, donc une pratique anticoncurrentielle entre
l’administration et le soumissionnaire considéré. Au Bénin, la Société ABT international SARL170 a
contesté avec succès l’attribution d’un marché à un soumissionnaire. En effet, le dossier de la Société
a été rejeté par la Commission de dépouillement des offres. Le rejet a été confirmé par la Commission
nationale de régulation des marchés publics (CNRMP).171 Il lui a été reproché de n’avoir pas fourni les
originaux des pièces constitutives de son offre. Or au regard de l’ordonnance172 relative aux marchés
publics à l’époque, les photocopies certifiées conformes aux originaux suffisaient pour constituer un
dossier de soumission. Saisi de l’affaire, le juge de l’administration avait fait droit au recours de la
Société ATB International SARL.
Dans le domaine de l’exécution des contrats administratifs, il a été mentionné que la tendance
est à l’émergence du principe de l’égalité des parties.173Cependant, au vu des principes traditionnels
qui gouvernent l’exécution d’un contrat administratif, l’acte portant modification est un A.A.U. et
relève des prérogatives exorbitantes de droit commun.174 On pourrait alors avancer que la législation
nationale est également anti-autonomiste par endroits dans les Etats qui font l’objet de la présente
réflexion.
Au demeurant, la procédure de conciliation175 prévue à l’article 49 du Contrat PVI ayant
échoué, le même article in fine impose aux parties de décider « de saisir la juridiction arbitrale pour
le règlement de leur litige conformément aux dispositions du traité de l’OHADA qui régissent la

portés à la connaissance des candidats dans le dossier d’appel d’offres (article 58 du décret burkinabé n° 2008-
17 du 16 avril 2008 portant réglementation des marchés publics et des DSP).
167
Voir ARMP du Sénégal, décision n° 356/13/ARMP/CRD du 20 novembre 2013 du CRD statuant en
commission litiges sur le recours introduit par la Société SONAM contestant l’attribution provisoire du marché
relatif à la couverture des risques pour la gestion 2013 au profit de la RTS
http://www.armp.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=746:decision-nd-35613armpcrd-du-20-
novembre-2013&Itemid=778 (consulté le 30 août 2016).
152 Voir ARMP du Burkina Faso, décision n° 2013-305/ARMP/CRD, 28 mai 2013 sur recours de E.G.F SARL
(lots 01 et 04) et de l'entreprise CO.GEA INTERNATIONAL (lot 04) contre les résultats provisoires de l'appel
d'offres n° 2013- 000019/MESS/SG/DAF pour l'acquisition de vivres au profit des cantines scolaires du
secondaire.
(http://www.armp.bf/images/stories/docs/DECISION_CRD/CRD_JUIN_2013/CONTESTATION/decision_305
_armp_crd_28_05_2013.pdf (consulté le 30 août 2016).
169
Ibidem.
170
Voir CA CS (Bénin), 10 décembre 2009, Société ATB International c/ CNRMP (inédit).
171
Voir décision de la DMP du 4 novembre 2005, visée par CA CS (Bénin), Société ATB International c/
CNRMP, ibidem.
172
Voir l’article 29 de l’Ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 portant Code des marchés publics en
République du Bénin (abrogée par le Code des marchés publics et des DSP du 7 août 2009).
173
Voir supra, I-A-2.
174
Voir N° 76/CA du 10 août 2006, Société Ouvrière du Bâtiment et Travaux Publics (SOBA-TP) c/ MCAT -
AJT PCC, www.juricaf.org (consulté le 16 septembre 2016) ; article 109 du COA au Sénégal ; ou encore CE 2
février 1983, Transports publics urbains et régionaux, Rec., p.33 ; RDP 1984, p.212.
175
Le règlement amiable ou la conciliation est synonyme de résolution des litiges relatifs à l’exécution des
contrats administratifs par l’organe de règlement des différends au sein des organes de régulation » (Voir
Seynabou SEMB, Thèse précitée, p.654).
22

matière ». C’était à l’occasion du Contrat PVI que l’Etat béninois avait perdu le procès devant le
Tribunal arbitral de la C.C.J.A.176 Toutefois, aux termes de l’article 25 de l’AUA, le recours en
annulation contre l’acte arbitral est du ressort « du juge compétent dans l’Etat Partie » dont la décision
est « susceptible de pourvoi en cassation devant la Cour commune de Justice et d’Arbitrage ».177 Au
même moment, l’article 146 alinéa 9 du Code béninois des marchés publics prévoit que « les
décisions de l’autorité de régulation des marchés publics peuvent faire l’objet d’un recours devant un
organe juridictionnel (…) ». Le juge compétent pouvant être le juge judiciaire, une juridiction arbitrale
de l’OHADA ou le juge administratif, il ne serait pas insensé d’observer que l’office de ce dernier
paraisse certes menacé, mais il n’est pas voué à la disparition. Pour preuve, une pareille disposition,
expression d’une compétence concurrente entre les ordres de juridictions dans le domaine du
contentieux des contrats administratifs, figure aussi à l’article 139 du Code des marchés publics au
Sénégal. La puissance publique n’est donc pas totalement dépouillée de son privilège de juridiction.
Au contraire le particularisme qui caractérise le droit des contrats administratifs résiste à bien des
égards aux invasions qu’il subit de la part des principes et de la logique du droit privé qui sont
consacrés par la législation communautaire de l’OHADA et notamment par celle de l’UEMOA ou par
le droit positif béninois, burkinabé ou sénégalais.

II/ Les résistances observées au niveau de l’autonomie

A l’issue d’un développement assez critique qu’un auteur africain avait presque linéairement
consacré au déclin du droit administratif dont une bonne partie se rapporte au droit des contrats
administratifs,178l’observateur concerné ne pouvait pas s’empêcher d’en arriver cependant, avec
l’appui de plusieurs d’autres chercheurs avertis qu’il a cités, à une conclusion aussi rude,
laborieuse ou indécise : « Il est possible de se demander si ce n’est pas le droit administratif, loin d’un
déclin aussi annoncé, qui s’adapte aux transformations de l’Etat. La cohabitation entre droit
communautaire et droit administratif semble être inéluctable. Elle est facilitée ou imposée par la
constitutionnalisation des différentes matières juridiques179et du droit administratif en particulier.180 »
C’est sans doute par des « habits neufs »181que le droit administratif (…) pourra s’adapter face au
mouvement de modernisation des administrations publiques ». 182Bien que le droit des contrats
administratifs demeure un droit prétorien dans l’absolu, le tissage des « habits neufs » ou de ténacité
ne fit pas seulement appel à un réaménagement du contentieux contractuel (B) dans son ensemble,
mais tient aussi à un apport certain de ses sources (A).

A/ Un apport certain des sources du droit des contrats

« Il ne fait pas de doute, le droit constitutionnel et le droit communautaire contribueront l’un


et l’autre fortement à la définition des équilibres fondamentaux »183 de l’autonomie du droit des
contrats administratifs. Il en découle qu’en dehors des bases constitutionnelles du droit administratif,
l’on assiste en quelque sorte à un rajout : les bases communautaires du droit administratif ou du droit

176
Voir C.C.J.A. Ass. Plén. 15 octobre 2015, Société Bénin Control SA c/ Etat du Bénin,
(www.ohada.com/2758/arbitrage-ccja (consulté le 10 décembre 2016).
177
Voir en sens inverse, TC, 16 octobre 2006, Caisse centrale de réassurance c/ Mutuelle des architectes
français, RFDA, 2007, p. 285 ; TC, 17 mai 2010, n° C3754, Institut national de la santé et de la recherche
médicale c/ Fondation Letten F. SAUGSTAD, JCP 2010, n° 21.
178
Voir Abdou Aziz D. KEBE, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », Ibidem, pp.19-27.
179
Voir Louis FAVOREU, « la constitutionnalisation du droit », in Mélanges en hommage à Roland
Drago : l’unité du droit, Paris, Economica, 1996, p. 39.
180
Louis FAVOREU, « La constitutionnalisation du droit administratif » in Mélanges Epaminondas
SPILIOTOPOULOS, Athènes, Sakkoulas et Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 453- 459, pp.97-113.
181
Voir Jean LESSI et Louis. Dutheillet de LAMOTHE, « Les habits neufs de la clause exorbitante », AJDA
2014, p. 2180.
182
Voir Abdou Aziz D. KEBE, article précité. Le diagnostic que ce dernier a effectué ne vaut pas seulement
pour le Sénégal. Il inclut les autres Etats membres de l’UEMOA comme le Bénin et le Burkina Faso.
183
Voir Jean-Bertrand AUBY, « Le mouvement de banalisation du droit des personnes publiques et ses limites »,
op.cit., pp. 2 et 11.
23

des contrats administratifs. En parlant des sources, l’on s’intéresse donc aux sources externes,
notamment au droit constitutionnel et à la réglementation communautaire. Leur présence se fait de
plus en plus sentir184 dans le domaine du droit des contrats administratifs. Pour ce faire et en
considération de la hiérarchie des normes juridiques, l’étude afférente à l’internationalisation de règles
contractuelles (2) sera précédée de celle portant sur l’ancrage constitutionnel de telles règles (1).

1°) L’ancrage constitutionnel de règles contractuelles

L’ancrage ou le réajustement constitutionnel de l’autonomie est à la fois l’œuvre du


constituant lui-même et de la jurisprudence constitutionnelle, notamment dans ce dernier cas à
l’occasion du contrôle de constitutionnalité de la loi. En effet, il avait été démontré que l’arbitrabilité
du contentieux des contrats administratifs constitue une entorse à l’autonomie du droit des contrats
administratifs en ce sens que la puissance publique perd en partie son privilège de juridiction, et est
soumise par ricochet à des règles de droit qui ne sont plus nécessairement exorbitantes de droit
commun. Toutefois, si au même moment, l’existence de la juridiction administrative venait à avoir une
base constitutionnelle, il ira de soi que l’émergence des normes communautaires n’équivaille pas à une
abrogation des institutions spécialisées dans le domaine des litiges liés aux contrats administratifs.
Elles sont à la limite concurrencées, mais ne sont pas vouées à la disparition. Ce n’est donc pas fortuit
quand l’article 131 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose en son alinéa 1 er que
« la Cour suprême est la plus haute juridiction de l'État en matière administrative (…). » Cela paraît
d’autant plus vraisemblable que l’alinéa 3 du même article affirme : « Les décisions de la Cour
suprême ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir
législatif, ainsi qu'à toutes les juridictions ».185 Au Burkina Faso, « le Conseil d’Etat constitue un
ordre de juridiction différent de l’ordre judiciaire (article 126-2 de la Constitution). Aux termes de
l’article 27 alinéa 1er de la Constitution, il « est la juridiction supérieure de l’ordre administratif ». Le
Sénégal avait créé un Conseil d’Etat186 en 1992 avant de le supprimer en 2008.187 Néanmoins, en vertu
de l’article 92 alinéa 3 in fine de la Constitution du 21 janvier 2001, « la Cour suprême connaît, par la
voie du recours en cassation, des décisions des Cours et Tribunaux relatives aux contentieux
administratifs ». L’unité de juridiction est maintenue. En revanche, il existe une séparation des
contentieux administratifs et judiciaires.
La portée de la constitutionnalisation de la juridiction administrative dans les Etats qui
viennent d’être ciblés peut être mieux appréciée par comparaison à sa consécration récente en droit
français par le Conseil constitutionnel. En effet, ce n’est qu’en 1980 que le juge constitutionnel188 s’est
fondé sur une loi du 24 mai 1872 pour affirmer que l’indépendance, donc l’existence de la juridiction
administrative est au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République »,
et qu’elle a ainsi une valeur constitutionnelle.189 A la suite du Conseil constitutionnel, le pouvoir
constituant dérivé a intégré la juridiction administrative au texte de la Constitution. L’article 61-1
alinéa 1 énonce : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le
Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de
cassation dans un délai déterminé ». Le Conseil constitutionnel en a explicitement déduit que la
Constitution reconnaît deux ordres de juridictions, judiciaire et administratif.190
Mieux, il convient de noter en guise d’un rapprochement que la Constitution nigérienne du 25
novembre 2011 est allée plus loin dans l’ancrage constitutionnel du droit des contrats administratifs.

184
Ibidem.
185
Mais la Cour constitutionnelle ne se sentirait pas liée par les arrêts de la Cour suprême lorsqu’ils violent les
droits fondamentaux de la personne humaine (voir décision DCC 09-087 du 13 août 2009, Rec. des avis et des
décisions, 2009, vol. 2, p. 432 et s.).
186
Voir El Hadji MBODJ, « Les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux
administratif sénégalais », EDJA, avril-juin 1995, n° 25, p.17.
187
Voir loi n° 92-24 du 7 août 2008, citée par Demba SY, Droit administratif, op.cit, p.138.
188
Voir Con. Cons. décision n°80-119 DC, 22 juillet 1980, Constitutionnalité des lois de validation, GDCC, 16e
édit., p.122 et s.
189
Voir Gilles LIBRETON, Droit administratif, op.cit., p.17.
190
Voir décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, RFDA 2010, p.1.
24

En effet, l’article 150 de la Constitution instaure que « les contrats de prospection et d'exploitation des
ressources naturelles et du sous-sol ainsi que les revenus versés à l'État, désagrégés, société par
société, sont intégralement publiés au Journal officiel de la République ». Quant à l’article 151, il
prescrit : « l'État s'assure de la mise en œuvre effective des contrats d'exploration et d'exploitation
octroyés. » Il s’est ainsi opéré au Niger, une évolution relative à la constitutionnalisation des contrats
de partenariats publics-privés.191 Le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal devraient pouvoir s’en
inspirer. Parallèlement, et à titre d’illustration en rapport avec le droit français, saisi d’un recours
contre la loi d’habilitation sur le fondement de laquelle l’ordonnance du 17 juin 2004 sur le PPP a été
prise, le Conseil constitutionnel français avait admis la validité du PPP compte tenu de son régime
dérogatoire qui en fait un contrat subsidiaire auquel les personnes publiques ne peuvent recourir que
pour les projets complexes.192 Contrairement au juge constitutionnel français, la Constitution du Niger
fait des contrats de PPP un principe à l’instar de la législation du Bénin, du Burkina Faso ou du
Sénégal.193
Raisonnablement, le constituant et le juge constitutionnel africains, notamment des Etats dont
traite le présent travail ne sont pas des anti-autonomistes. Ils s’efforcent de trouver une ligne médiane
entre l’autonomie essentielle ou les spécificités des règles de droit public et les règles de droit privé
applicables aux contrats administratifs en adoptant une démarche nuancée comme le décrit si bien cet
auteur : « Saisi par le Président de la République du traité OHADA signé à Port-Louis le 17 octobre
1993, la Cour constitutionnelle du Bénin a considéré que ce traité d'intégration ne contenait aucune
clause contraire à la Constitution, se fondant sur une approche souple de la souveraineté de l'État.194
En effet, si elle reconnaît que certaines stipulations (compétences reconnues à la Cour commune de
justice et d'arbitrage, dessaisissement de certaines institutions nationales, etc.) constituent un
abandon partiel de souveraineté », la Cour affirme par ailleurs « qu'il n'en résulte pas cependant un
changement de statut international du Bénin en tant qu'État souverain et indépendant » ».195 Au même
auteur d’ajouter que la position de la Cour constitutionnelle béninoise rejoint, à certains égards, celles
adoptées d’une part, par le Conseil constitutionnel sénégalais et d'autre part, par la Cour suprême de
justice de la République démocratique du Congo. Pour le premier, le préambule de la Constitution
fonde d'éventuels abandons de souveraineté,196 et en tout état de cause le traité OHADA s'assimile
« non pas à un abandon de souveraineté, mais [à] une limitation de compétences qu'implique tout
engagement unilatéral ».197Quant à la seconde, elle a jugé – se fondant sur l'article 217 de la
Constitution198 – que les stipulations conventionnelles incriminées doivent être analysées comme « des
clauses de transfert de compétences et de limitation de souveraineté des États membres au profit de
l'OHADA ».199 Or, en matière contractuelle, l’arbitrage est gouverné par l’AUA et par la CCJA qui
relèvent tous deux de l’OHADA. De ce fait, il est soutenable qu’il existe un fondement
constitutionnel de consolidation de l’autonomie du droit des contrats administratifs qu’il importe de
préserver.
Pour tirer quelques éléments d’analyse du droit comparé, il importe par exemple de noter que

191
Voir Abraham GADJI, « L’économie dans les Constitutions d’Etats d’Afrique francophone », in La
Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ? Mélanges en l’honneur de Maurice
AHANHANZO-GLELE, L’Harmattan, 2014, p.801 et s.
192
Voir décision DCC du 26 juin 2003, Simplification du droit, JO. 3 juillet 2003.
193
Voir infra, II-A-2.
194 Voir Décision DCC 19-94 du 30 juin 1994, Président de la République, rapportée par Alain ONDOUA, « La
Constitution béninoise du 11 décembre 1990 et les normes d'origine externe » (inédit).
195 Ibidem, Considérant n° 8.
196 Le passage pertinent du préambule de la Constitution sénégalaise de 2001 prévoit que : « la République du
Sénégal ne ménagera aucun effort pour la réalisation de l'Unité africaine ».
197 Voir Conseil constitutionnel sénégalais, 16 décembre 1993 : Recueil Pénant, n° 827, mai-août 1998, pp. 225-
234, note Alioune SALL.
198Aux termes de l'article 217 de la Constitution de 2006 : « La RDC peut conclure des traités ou accords
d'association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l'Unité
africaine ».
199 Voir Cour suprême de justice de RDC, décision n° R.CONST.112/TSR, 5 février 2010, comm. Marcel
WETSH'OKONDA KOSO, www.la-constitution-en-afrique.org/8-categorie-10195444.html, citée par Alain
ONDOUA, « La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 et les normes d'origine externe »,op.cit.,
25

c’est le juge constitutionnel français qui avait utilisé pour la première fois la notion de commande
publique.200 D’après la même juridiction, le concédant est libre de déterminer avec le concessionnaire
la durée du contrat. Partant, l’article 40 de la loi anticorruption du 29 janvier 1993 qui entendait limiter
la durée de la concession à la période nécessaire à « l’amortissement des installations mises en place »
a été interprété d’une manière très souple201 Certes, la loi du 2 février 1995 est revenue à la charge,
mais elle dispose néanmoins que, sauf exception, « dans le domaine de l’eau potable, de
l’assainissement, des ordures ménagères et autres déchets, les délégations de service public ne
peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans »,202 ce qui n’est pas négligeable, une concession
n’étant pas assimilable à un bail emphytéotique administratif. Aussi pour protéger la propriété
publique en vue du respect de l’intérêt général, le Conseil constitutionnel français a-t-il prohibé les
clauses contractuelles portant occupation du domaine public pour une durée excessive,203 tout en
exigeant la présence de clauses respectant le principe de la continuité du service public.204
Dans le même ordre d’idées, afférent au droit comparé, le Conseil constitutionnel français a
conforté la position du Conseil d’Etat français. Il s’est aligné sur la jurisprudence de celui-ci, liée aux
prérogatives relatives à l’exécution des contrats de droit public. Les clauses exorbitantes sont au
nombre de quatre : le pouvoir de direction et de contrôle, le pouvoir de modification unilatérale, le
pouvoir de résiliation unilatérale et le pouvoir de sanction.205L’arrêt Syndicat intercommunal des
transports publics de Cannes qui a décidé qu’un contrat peut prévoir les prérogatives concernées tout
comme l’administration peut en bénéficier de plein droit, c’est-à-dire en dehors de tout texte juridique,
les qualifie de « règles générales applicables aux contrats » 206 à la suite du Conseil constitutionnel qui
les considère comme étant des « principes ».207 Pourvu que l’exercice des prérogatives soit
naturellement mu par un motif d’intérêt général208. Le cas échéant, « le devoir du cocontractant de
s’acquitter de ses obligations contractuelles est strict : il continue à s’imposer même lorsque
l’administration cesse de son côté de respecter les siennes. Le cocontractant n’a en effet aucun
pouvoir d’action unilatérale. Face à une faute de l’administration, il n’a pas le droit de riposter par
une mesure de rétorsion. Il ne peut que saisir le juge administratif de sa réclamation ».209
En plus, pour le juge constitutionnel français, « figurent au nombre des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République », à valeur constitutionnelle, le principe (assorti
d’exceptions) selon lequel « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction
administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de
puissance publique », par les autorités administratives.210 Un commentateur notera qu’« est ainsi
constitué, autour de la notion de puissance publique, autrement dit de la gestion publique, un noyau
dur du droit administratif auquel même le législateur ne peut en principe porter atteinte », ce qui
constitue un atout pour le contentieux des actes détachables en contentieux contractuel211 en ce qu’il
incombe uniquement à la juridiction administrative. A juste tire, après le Conseil constitutionnel, le
Tribunal des Conflits a décidé que « l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix

200
Voir Cons. Cons. 23 juin 2003 décision n° 2003-473 DC, op.cit.
201
Voir Conseil constitutionnel décision DCC 20 janvier 1993, Prévention de la corruption, RFDA, 1993, p.902,
note POYAUD.
202
Voir CGCL, article L. 1411-2 ; Philippe TERNEYRE, «La durée des contrats », RFDA, 2016, n° 2, p.277.
203
Voir décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 (Loi complétant le code du domaine de l’Etat et relative à la
constitution de droits réels sur le domaine public), rapportée par Laurent RICHER, « Constitution, contrat et
commande publique », op.cit., pp. 37 à 48.
204
Voir décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation sur la sécurité
intérieure – à propos du crédit-bail, citée par Philippe TERNEYRE, ibidem.
205
Voir CE 7 janvier 1976, Ville d’Amiens, AJDA 1976, p.632 ; Cons. const., 18 janvier 1985, Loi
Chevènement », cité par Gille LIBRETON, ouvrage précité, p.314.
206
Voir CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes, AJDA, 2010, p.2076.
207
Voir Cons. const., 18 janvier 1985, Loi Chevènement », précité.
208
Pour un approfondissement de la portée des clauses exorbitantes relativement à l’exécution des contrats en
vue de la sauvegarde de l’intérêt général, voir infra, II-B-2.
209
Voir CE 7 janvier 1976, Ville d’Amiens, AJDA 1976, p.632 ;
210
Voir Cons. Const. 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence, GDCC, p.216 et s. Voir infra, II-B pour
d’autres décisions du Conseil constitutionnel français dans le domaine contractuel.
211
Voir infra, II-B-2.
26

et de la concurrence n’a pas pour effet de soumettre au contrôle du Conseil (devenue Autorité) de la
concurrence et à la Cour d’appel de Paris, les actes de passation des marchés publics qui sont des
actes administratifs et non des activités de production, de distribution et de service ».212 Ce n’est donc
pas seulement le droit des contrats administratifs qui se conforme à ses sources, mais celles-ci
s’adaptent aussi à l’intérêt général qui est une tradition séculaire qui fonde la capacité du discours
constitutionnel à peser sur le cours du jeu économique et social213en rapport avec le droit
communautaire.

2°) L’internationalisation de règles contractuelles

Pour s’en tenir à une jurisprudence du Conseil d’Etat sénégalais, l’internationalisation vise
fondamentalement la réglementation communautaire214 relative aux contrats administratifs. Sur cette
base, avoir encore à rappeler qu’en érigeant l’appel d’offres ouvert en une procédure de droit commun
de passation des contrats de la commande publique pour faire de l’appel d’offre restreint ou de
l’entente directe des procédures exceptionnelles, constitue une manière pour le droit communautaire
de s’administrativiser,215 relève de l’ évidence. Il en est de même de la planification ou de la
budgétisation des contrats de la commande publique dont les contrats de PPP qui intègrent les
objectifs stratégiques de développement et les exigences de la législation communautaire de
l’UEMOA.216 S’y ajoutent le respect des règles de la comptabilité publique, la rédaction des différents
types de cahiers des charges217 qui caractérisent les contrats de droit public. Ces différentes règles qui
sont des exigences de la législation communautaire n’existent pas au regard des contrats de droit privé
signés entre particuliers. Aussi la conclusion d’une gamme assez variée de contrats administratifs est-
elle soustraite des règles de publicité et de mise en concurrence.218 Qualifiés d’exceptions, ces contrats
administratifs sont si nombreux qu’il serait plus objectif d’avancer qu’ils concurrencent le reste des
contrats administratifs qui sont soumis à la publicité et à la mise en concurrence.219 En outre, on peut

212
Voir TC, 6 juin 1989, Ville de Pamiers, rapporté par Ibrahim D. SALAMI, Droit administratif, op.cit., p.136.
213
Voir Matthieu CARON, « Réflexions sur la constitutionnalisation des politiques économiques
conjoncturelles », RDP, 2016, n° 2, p.14.
214
Voir CE sénégalais, 31 août 1994, Prosper Guena NTICHEN c/ Université Cheikh Anta DIOP, opc.it. p.85.
215
A titre de comparaison, le dialogue compétitif relève par exemple du droit de l’UE. Il consiste à engager une
discussion entre plusieurs entrepreneurs économiques sur le choix des solutions les plus adaptées aux
préoccupations de la personne publique, quitte à celle-ci d’évaluer et de comparer les différentes solutions en
rapport avec les questions de performance pour faire droit à celle qui paraît la plus appropriée ( voir directive
2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de
passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services).
216
Voir articles 17 et 43 de la directive n°6 2009 / CM / UEMOA du 26 juin 2009 portant loi de finances au sein
de l’UEMOA ; Seni Mahamdou OUEDRAOGO, Le contrat de partenariat public-privé au Burkina Faso,
Ouagadougou, UO2, Mémento, 1ère édit., 2015.
217
A tous ces égards (budgétisation des contrats, le respect des règles de la comptabilité publique et la portée des
cahiers des charges), voir respectivement articles 6, 9 et 12 du Code sénégalais des marchés publics ; articles 110
et 112 du Code béninois des marchés publics et des DSP ; articles 55, 56 et 76-78 du décret relatif à la
réglementation des marchés publics et des DSP au Burkina Faso.
218
En effet, il y a un « pouvoir souverain (de la puissance publique) pour modifier, voire résilier, moyennant
compensation un contrat conclu avec des particuliers (…), ainsi le veut la prééminence des intérêts supérieurs
de l’Etat sur les obligations contractuelles » (voir CEDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran c/ Grèce,
B n° 301).
219
En cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou de cas de force majeure ne
permettant pas de respecter les délais prévus dans les procédures d’appel d’offres nécessitant une intervention
immédiate, et lorsque l’autorité compétente n’a pas pu prévoir les circonstances qui sont à l’origine de la
nécessité », elle peut avoir recours à un marché de gré à gré (article 49, 4 e tiret du Code béninois des marchés
publics et des DSP, article 76 du Code sénégalais des marchés publics et les articles 71 et 188 du décret portant
réglementation des marchés publics et des DSP au Burkina Faso). En outre, ces différents Codes des marchés
publics et des DSP ne s’appliquent pas aux marchés de travaux, de fournitures, de services ou de prestations
intellectuelles lorsqu’il concerne des besoins de défense et de sécurité nationale exigeant le secret ou pour
lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec des mesures de publicité (article 7
Code béninois ou article 188 du décret burkinabé). Voir aussi Florian LUNDITCH, « Recherche sur la
dimension non concurrentielle de l’achat public ou ‘’101 raisons de ne pas mettre en concurrence les candidats à
27

avancer que le règlement amiable, propre à la procédure administrative contentieuse220 est désormais
communautarisé. En effet, avant la saisine d’une juridiction donnée, qui peut être arbitrale,221 les
candidats évincés à l’occasion d’un appel d’offres doivent d’abord adresser leur plainte à une autorité
administrative.222 Le recours administratif préalable n’est donc plus l’apanage du contentieux
administratif au plan national, mais il intègre également la réglementation communautaire sur les
contrats de la commande publique.
Par exemple, comme il avait été souligné, en droit comparé le référé précontractuel était
transposé par le jurislateur français dans le souci de renforcer le jeu de la libre concurrence en matière
de passation des contrats administratifs. Aussi, le référé précontractuel a-t-il une origine
communautaire en Europe. Il procède des directives communautaires « Recours ».223Sur la base de
celles-ci, les candidats évincés jouissent d’une voie de recours qui permet de prévenir les
manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats administratifs ayant
pour «objet l’exécution de travaux, la livraison de fourniture ou la prestation de services, avec une
contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation ou la délégation d’un
service public ».224 Mais la saisine de ce dernier est conditionnée par l’exercice d’un recours
administratif préalable, notamment un recours gracieux. Il est saisi dans les dix jours suivant un
recours infructueux que le candidat évincé aurait adressé à l’autorité adjudicatrice.225 Or, en droit
interne, le recours administratif n’est pas de tout temps apprécié. En raison de sa nature administrative,
il ne paraitrait pas opportun qu’il transparaisse dans une procédure administrative contentieuse
juridictionnelle.226 En revanche, qu’il soit admis en droit communautaire comme un préalable à la
phase juridictionnelle proprement dite, ne puisse qu’être analysé dans le sens de sa revitalisation.
Ainsi, le droit des contrats administratifs n’est plus seulement communautarisé, il tend à être
internationalisé.
Le raisonnement qui précède vaut pour le sursis à exécution ou pour le référé contractuel. On
peut affirmer qu’un tel référé existe en droit des contrats administratifs au Bénin d’autant qu’il est
assimilable au sursis à exécution. L’argumentation prendra concomitamment sa source dans le droit
béninois et le droit comparé, à savoir français ou européen. En effet, il s’agit en l’espèce d’une
décision attribuant la location-gérance du complexe cimentier d’Onigbolo à l’adjudicataire provisoire.
Le requérant a sollicité qu’il soit sursis à l’octroi du contrat à l’adjudicataire, et sans qu’aucun texte
l’ait prévu en matière contractuelle, la Chambre administrative de la Cour suprême a fait droit à la
requête en sursis à exécution qui lui a été adressée.227 De la même façon, le référé contractuel
intervient après la signature du contrat qui en fait l’objet. Il est instauré en France par une ordonnance
du 7 mai 2009 relative aux directives « Recours ». Le recours y afférent est introduit dans les 30 jours
qui suivent la publication de l’avis portant notification d’un marché concerné. Il est ouvert au préfet228
et aux candidats évincés qui n’ont pas engagé un référé précontractuel. La décision du juge intervient
dans un délai d’un mois. Il dispose entre autres prérogatives (résiliation du contrat, réduction de sa
durée, pénalités financières), du pouvoir de suspendre l’exécution du contrat. En d’autres termes, le

la commande publique, et quelques autres », in Yves LUCHAIRE (dir), Actes du Colloque « Collectivités
territoriales et gouvernance contractuelle » des 5 et 6 mai 2004, Centre d’études en service public, Centre de
Formation des Elus locaux et Etablissements publics d’Aix-en-Provence, 2006, p.141 et s.
220
Voir CS (Burkina Faso), 26 juin 1998, Délégués syndicaux et du personnel c/ Brakina Bobo-Dioulasso, cité
par Salif YONABA, Les grandes décisions de la jurisprudence burkinabé : droit administratif, Ouagadougou,
UO 2, Coll. Précis de Droit burkinabé, 2e édit., décembre 2013, p. 206 et s.
221
Voir l’article 139 du Code des marchés publics et également l’article 139 du COA au Sénégal.
222
Voir Seynabou SEMB, Thèse précitée, p.654.
223
Directives 89 / 665 du 21 décembre 1989 et 92/13 du 25 février 1992, modifiées par la directives 2007/66/CE
du 11 décembre 2007.
224
Voir article L.551-1 du Code de Justice administrative (CJA) en France.
225
Voir Pierre - Laurent FRIER, Jacques PETIT, Droit administratif, Paris, LGDJ, Lextenso Editions, Coll.
Domat Droit public, 20e édit., 2015-2016, pp. 429-433.
226
Voir Babacar KANTE, Unité de juridiction et droit administratif, l’exemple du Sénégal, Thèse, Doctorat
d’Etat, Orléans, 1983, 426 p, dactylographiées.
227
Voir N° 26/ CA (Bénin) du 22 octobre 1998, Groupe MYC International (SARL) c/ FCBC-Etat béninois, Rec.
CS, pp. 198-202. (Consulté le 18 juillet 2016).
228
Voir Pierre - Laurent FRIER, Jacques PETIT, Droit administratif, op.cit.
28

référé contractuel constitue une éclosion du sursis à exécution au niveau communautaire. Il est
défendable de mener un tel raisonnement. Habituellement en effet, les conditions de réalisation du
sursis à exécution sont de deux ordres : la forte présomption d’illégalité qui plane sur un acte
administratif, et la réparation presque impossible du préjudice invoqué par le requérant. Par
conséquent, le sursis à exécution ne prospère pas outre mesure en plein contentieux ou dans le
domaine économique parce qu’il revient au demandeur de démontrer (chose difficile à effectuer)
l’insolvabilité de l’Etat.229 La vérification du critère d’irréparabilité pose donc problème en règle
générale. Lorsque le sursis à exécution est accordé, la mise en application de l’acte administratif
incriminé est paralysé tout comme l’est la conclusion d’un contrat assorti d’un référé contractuel
fructueux dont l’exercice n’incombe pas seulement aux soumissionnaires évincés, mais également au
préfet. De ce point de vue, la source du déféré préfectoral s’est renforcée. Elle n’a plus seulement une
origine nationale. Mais il est également renforcé au plan communautaire ou international. C’est
pourquoi il avait été annoncé que la législation communautaire valorise à certains égards, le droit des
contrats administratifs.
Relativement à l’exécution des contrats administratifs, à partir du moment où le champ de la
réglementation de l’UEMOA ou de l’OHADA se limite aux contrats de la commande publique, il va
sans dire que d’une façon indirecte, les normes communautaires ne rejettent pas l’application du
régime juridique classique aux autres contrats administratifs qui ont été répertoriés dans l’introduction
du présent travail.230 L’autonomie du droit des contrats administratifs est donc réduite, mais pas
totalement anéantie par la réglementation de l’UEMOA ou de l’OHADA.
Quant à l’exécution des décisions de justice, la puissance publique bénéficie d’une immunité
d’exécution. C’est dire que les voies d’exécution applicables en droit privé ne concernent pas les
personnes publiques. L’inexécution d’une décision de justice en matière de contrats administratifs ne
saurait donc entraîner une exécution forcée contre la puissance publique. Sont catégoriques à cet effet,
les dispositions de l’article 30, alinéa 1 de l’AUPSRV. L’article affiche : « l’exécution forcée et les
mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité
d’exécution ». Or, il s’agit là d’un principe classique en droit administratif.231 Ce faisant, la CCJA
« renouvelle l’exorbitance du droit administratif ».232 La Haute Juridiction estime par ailleurs qu’il
s’agit d’un tempérament à l’immunité d’exécution.233 Toutefois, l’Etat béninois n’a pas exécuté la
sentence arbitrale corrélative au Contrat PVI de Nouvelle Génération malgré les injonctions qui sont
contenues dans l’exéquatur.234 Mais, il n’a pas fait l’objet d’une exécution forcée.
L’extension des règles du droit administratif n’épargne pas les contrats de travail que passent
les institutions communautaires elles-mêmes avec leurs employés, et il ne paraît pas superfétatoire de
le rappeler comme on c’en est aussi le cas en droit interne.235 En effet, le Président de la Commission
de l’UEMOA avait mis fin aux fonctions d’un agent pour un motif de stage non satisfaisant. Mais il
n’avait pas cru devoir observer la procédure administrative contentieuse non juridictionnelle. La Cour
de justice de l’UEMOA236 a été saisie de l’affaire. Le dossier soulève en dernière analyse une question

229
« S’agissant du caractère irréparable, dans la mesure où c’est l’Etat qui est le défendeur dans le présent
dossier face au requérant, il serait difficile de soutenir que le préjudice que le demandeur va subir du fait de
l’exécution immédiate de la décision de l’Administration sera irréparable ou en tout cas insusceptible d’être
réparé par l’attribution d’une indemnité à supporter par l’Etat… » Le juge avait tenu à rappeler le principe qui
gouverne le sursis à exécution dans le domaine contractuel avant d’y apporter une restriction en l’accordant dans
l’affaire Groupe MYC International (ibidem).
230
Voir également infra, II-B-2.
231
Voir TC, 8 décembre 1899, Canal de Gignac, Sirey, 1900, 3, p. 49, note Hauriou.
232
Voir article précédemment cité de Abdou D. Aziz KEBE, p.15.
233
CCJA, 1ère Ch., n° 043/2005 du 07 juillet 2005, AZIABLEVI YOVO et autres c/ Société Togo Telecom,
Juriscope.org. 2006.
234
Voir C.C.J.A. Ass. Plén. 15 octobre 2015, Société Bénin Control SA c/ Etat du Bénin, op.cit.
235
Voir infra, II-B-2.
236
La Cour de justice de l’UEMOA est créée par l’article 38 du Traité constitutif de l’Union. Elle a été installée
le 27 janvier 1995. Elle est devenue fonctionnelle à partir du 20 janvier 1996 (voir Demba SY, « L’activité de la
Cour de justice de l’UEMOA »
(http ://196.1.97.20/viewer.php ?c=articles&d=l_activite_de_la_cour_de_justice_de_l_uemoa, consulté le 17
janvier 2017).
29

de contrôle de proportionnalité en cas de sanction d’un agent. Il est vrai que le juge a fait économie du
moyen relatif à l’erreur manifeste d’appréciation. Mais s’il n’y avait pas eu le manquement à une
formalité substantielle, il serait amené à examiner le second argument du requérant. Dit autrement, la
décision juridictionnelle paraît perfectible. Il était normal que le juge annule la décision du Président
de la Commission de l’UEMOA comme il l’avait fait. Mais à un double titre, l’annulation pure et
simple ne suffisait pas pour protéger à la fois les intérêts de l’UEMOA et les droits du demandeur.
D’une part, l’agent devrait être réintégré. Mais allait-il servir l’UEMOA sans améliorer les lacunes
dont il a fait preuve au cours de son stage ? Le juge devrait aller plus loin. Il prescrivait par exemple le
renouvellement du stage qu’il aurait réussi à mieux protéger l’intérêt de l’UEMOA. D’autre part, à
partir du moment où c’est le non respect d’une formalité substantielle qui a été sanctionnée, il aurait
suffi que le Président de la Commission revienne à la charge, en respectant les règles de procédure
pour que le plaignant perde le procès en dernière analyse. La meilleure façon de protéger ce dernier
consistait à étudier l’erreur manifeste d’appréciation en apportant une main secourable au requérant
étant donné que le domaine de la fonction publique fait désormais l’objet d’un contrôle de
proportionnalité en droit administratif, même à propos des agents contractuels237 qui nous concernent
dans la présente étude qui est consacrée aux contrats administratifs. Mais, il convient de reconnaître
que la Cour de justice de l’UEMOA n’est qu’à ses débuts. Le temps ferait probablement son œuvre.
Le cas échéant, le juge communautaire pourrait, les années à venir, contribuer à la transformation du
contentieux des sanctions disciplinaires de la fonction publique dans les Etats membres au nombre
desquels le Bénin, le Sénégal et le Burkina Faso, en un recours de plein contentieux comme
l’évolution avait eu lieu en France.238
Dans ces conditions, il ne paraitrait pas inopportun de proposer la création d’une section du
contentieux administratif en matière contractuelle au sein de la Cour de justice de l’UEMOA ou de la
CCJA. Cela y va de l’intérêt de l’internationalisation du droit administratif.239 De toute manière,
comme le note un observateur averti, « la Cour de justice de l’UEMOA est en train de poser les jalons
d’un droit administratif communautaire (…) Elle est en train de construire un véritable droit
communautaire en s’inspirant des solutions du droit administratif en vigueur dans les Etats
membres ».240
Mieux, le droit communautaire étant un droit transversal,241 les arbitres peuvent recourir à
l’équité, au droit privé ou au droit des contrats administratifs. Partant, les normes communautaires et /
ou les juridictions communautaires seraient probablement confrontées à la question de la distorsion du
champ d’application du droit des contrats administratifs. Il s’agit en effet d’une critique qui démontre
qu’à une opération administrative donnée, en l’occurrence un contrat administratif, il arrive des fois
que le droit administratif s’applique à une étape de sa réalisation alors que le droit privé régit une autre
phase d’existence d’un même contrat. L’auteur en a déduit qu’il y a une dichotomie verticale.242 Pour
y remédier, l’on a recours à une technique d’identification du champ d’application du droit des
contrats administratifs fondée sur la distinction gestion publique-gestion privée.243 Le droit
237
N° 34/CA du 08 août 2002, Agossou Noël VIADENOU c/ Ministre du Commerce, de l'Artisanat et du
Tourisme, op.cit.
238
Voir CE Ass., 16 février 2009, Société Atom, rapporté par Frédéric COLIN, L’essentiel des grands arrêts du
droit administratif, Paris, Gualino, Lextenso éditions, Coll. Les CARRES, 7e édit., 2015-2016, p.177.
239
L’expression est empruntée à Jacques MOREAU, « Internationalisation du droit administratif français et
déclin de l’acte de gouvernement », in Mélanges en l’honneur de Yvon LONSONNARH, pp.293-301.
240
Voir Demba SY, « L’activité de la Cour de justice de l’UEMOA », op.cit., pp. 337 et 341. On peut affirmer
au regard du droit comparé que la juridiction administrative française fait aussi l’objet d’une certaine
communautarisation ou européanisation (voir infra, II-B-1).
241
D’après un auteur, « la justice communautaire est à la fois une justice administrative (légalité,
responsabilité), constitutionnelle (répartition des fonctions, interprétations des textes), internationale (conflits
entre sujets de droit international) et régulatrice (unité d’interprétation et d’application du droit
communautaire : recours en renvoi préjudiciel en interprétation) » (voir Demba SY, « L’activité de la Cour de
justice de l’UEMOA », op.cit. p.331).
242
Voir Babacar KANTE, Unité de juridiction et droit administratif, l’exemple du Sénégal, op.cit., pp.56-58.
243
La distinction gestion publique-gestion privée est une méthode de détermination du champ d’application du
droit administratif ou du droit des contrats administratifs. La méthode se présente sous deux aspects : une
application globale ou synthétique et l’autre qui est une application analytique ou pointilliste. Dans le premier
cas si un contrat était passé par un SPA, en cas de litige, le juge serait enclin à appliquer le droit public. Il
30

communautaire devrait pouvoir s’accommoder une telle méthode pour apprécier au mieux l’étendue
du champ d’application du droit des contrats administratifs.
Les spécificités du droit des contrats administratifs influencent davantage les normes
communautaires à plus d’un titre, et il ne pouvait en être autrement. En effet, le droit administratif fait
appel au service public ou à l’intérêt général. Le même service public fait partie des critères
jurisprudentiels de détermination d’un contrat administratif. En outre, le principe de la mutabilité
constitue une caractéristique fondamentale du service public. Par ricochet, à force de transformer le
régime juridique applicable aux contrats de la commande publique, la réglementation communautaire
subit elle-même l’influence du principe de l’adaptabilité. Ainsi peut-on tenter d’analyser la
combinaison des dispositions et jurisprudence constitutionnelles avec des normes communautaires en
vue de la consolidation des sources du droit des contrats administratifs dans un sens favorable à la
préservation nécessaire de l’autonomie du droit des contrats administratifs. Celui-ci opère en retour un
changement de paradigme qui le conforte dans son baptême originel et séculaire : la peau de
léopard.244
B/ Un réaménagement spécial du contentieux contractuel

En droit administratif d’une manière générale et en droit des contrats administratifs en


particulier, coexistent des règles propres à celui-ci, sans équivalent en droit privé que le juge ne cesse
de remettre sur les rails, mais il existe aussi des règles ou constructions librement transposées par la
juridiction administrative, du droit privé pour être adaptées à l’action publique. C’est alors qu’on dit
qu’il y a une publicisation245 de règles du droit privé. Or, même quand on parle de contrats de droit
privé de l’administration, le droit privé est refondu au contact du droit des contrats administratifs.246A
plus forte raison, la publicisation ne peut que s’accroître lorsque des principes et notions du droit privé
sont appliqués aux contrats administratifs. Mieux, elle s’intensifie à l’aune de l’évolution récente du
droit des contrats de droit public d’autant plus que le droit privé des contrats administratifs amorce une
dimension nouvelle, procédurale. C’est pour en rendre compte, et en fonction aussi de son aspect
pédagogique que la présente réflexion se permet de traiter de l’aménagement spécial du contentieux
contractuel en y regroupant à la fois le renouvellement du contentieux administratif (2) contractuel
proprement dit, ainsi que la publicisation intense de règles du droit privé (1).

1°) La publicisation intense de règles du droit privé

La publicisation de règles du droit privé, ainsi qu’elle a été annoncée, a connu une rénovation
ces derniers temps. Elle s’est dédoublée. Il y a l’approche classique qui est en mutation, et la tendance
actuelle. La conception traditionnelle de la publicisation de règles du droit privé est allée dans deux
sens. L’une est propre à la législation communautaire applicable dans les Etats sous étude. Elle est
discutable. L’autre relève du droit comparé, en l’occurrence du droit européen ou français. Elle
semble plus protectrice des spécificités du droit des contrats administratifs et revêt de même une
portée didactique. Il serait préférable que le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal s’en inspirent. Une
bonne partie des développements prendront donc leur source dans le droit comparé.
Relativement à la publicisation de règles du droit privé telle qu’elle se présentait, il a été
rappelé qu’il puisse arriver qu’une juridiction administrative applique exceptionnellement et d’une
manière volontaire des règles du droit civil au litige dont il aurait connaissance. C’est alors
qu’intervient la publicisation de règles du droit privé, ou l’enrichissement du droit public par le droit

s’agirait d’une application du droit administratif à titre de présomption. Il restera à vérifier si la présomption sera
ou non irréfragable. Interviendra alors l’application analytique. Elle ne s’en tient plus à l’activité ou à l’opération
en cause, mais à la situation litigieuse proprement dite. Le cas échéant, il reviendrait à la juridiction
administrative de s’assurer si le litige ne portait pas sur un contrat du droit privé de l’administration étant donné
qu’un SPA pouvait aussi en conclure. C’est alors que la présomption sera confirmée ou infirmée. (Pour un
approfondissement, voir Demba SY, Droit administratif, op.cit., pp.90-94).
244
Voir Babacar KANTE, Unité de juridiction et droit administratif, l’exemple du Sénégal, op.cit. p.53.
245
Voir supra, I-A-2.
246
Voir M.J. LAMARQUE, Recherche sur l’application du droit privé aux services publics administratifs, Paris,
LGDJ, 1960, p. 165., cité par Babacar KANTE, Thèse précitée, p.74.
31

privé.247C’est par la voie de l’enrichissement que la doctrine classique africaine ou sénégalaise


prévoyait la consolidation de l’autonomie essentielle et le recul de l’autonomie accidentelle. La
doctrine sénégalaise n’est donc ni entièrement autonomiste, ni totalement anti-autonomiste. On
pourrait risquer de la qualifier de doctrine néo-autonomiste. Pour revenir brièvement248 sur la place
qu’occupait le droit privé des contrats administratifs, il avait été mentionné qu’au même titre qu’en
droit privé, le défaut de consentement entraînera la nullité d’un contrat administratif,249 mais sauf si
« la victime préfèrerait se contenter d’une indemnisation250 ».251 De ce fait, l’originalité du régime du
contrat en droit public réside dans la possibilité d’une confirmation du consentement vicié, au moyen
d’une indemnisation de la victime.252 En sus, on peut citer la compétence de l’autorité signataire. Un
équilibre est établi entre elle et la capacité en droit privé.253 Il y a donc effectivement une adaptation.254
Mais au-delà de ce classicisme, l’évolution récente de la privatisation de règles du droit privé tient à
une certaine administrativisation des règles de procédure qui régissent les contrats de droit privé.
En effet, en vertu de l’article 25 de l’AUA, le recours en annulation contre l’acte arbitral est
adressé au « au juge compétent dans l’Etat partie ». Mais la décision que ce dernier rend « n’est
susceptible que de pourvoi en cassation devant la Cour commune de Justice et d’Arbitrage ». Il en
résultera que la spécificité du droit des contrats administratifs et la juridiction administrative seront
dévoyées par la réglementation communautaire dans les Etats comme le Bénin, le Burkina Faso ou le
Sénégal.
En revanche, le juge administratif français s’est inspiré de la procédure judiciaire pour
transposer les modes alternatifs de règlement des conflits.255 Pour le Tribunal français des Conflits,
« l’arbitrage n’a ni pour objet, ni pour effet de modifier la nature des litiges qui demeurent ce qu’ils
sont et ne cessent pas d’être régis par les règles juridiques qui leur sont applicables ».256 Ainsi quand
une « sentence arbitrale est rendue dans le cadre d’un litige administratif au vu des règles
administratives, le juge la considère rendue par une juridiction administrative spéciale ».257 Partant «
le Conseil d’Etat est compétent pour connaître d’un recours contre une sentence arbitrale : comme
juge d’appel si cette voie est ouverte et que les parties n’y aient pas renoncé, comme juge de
cassation dans les autres hypothèses ».258 En outre, le juge administratif français a par exemple
recours à l’homologation pour trancher certains litiges qui lui sont soumis. « La demande
d’homologation est examinée par une formation collégiale ; le ministère d’avocat n’est nécessaire que
lorsque la matière correspondant au litige qui aurait eu lieu sans transaction exige son

247
Voir Babacar KANTE, Unité de juridiction et droit administratif. L’exemple du Sénégal, op.cit.
248
Pour des informations complémentaires, voir supra, I-A-2.
249
Voir par exemple TA Paris 21 avril 1971, Ville de Paris, AJDA 1972, p. 164, note Godfrin. Il s’agit dans le
cas d’espèce d’un dol.
250
Voir CAA Paris, 22 avril 2004, Société Bouygues, AJDA 2004, p.1417, conclusion HAÏM ; voir dans le même
sens CE 19 décembre 2007, Société Campenon-Bernard, RFDA 2008, p. 109, note Moderne.
251
Gilles LIBRETON, Droit administratif général, op.cit., p.304.
252
Ibidem, p.312.
253
Voir Babacar KANTE, Thèse précitée ; Pierre-Laurent FRIER, Jacques PETIT, Droit administratif, op.cit.
254
Voir également en droit public, une originalité relative à l’effet relatif des contrats. Sa transposition fait état,
d’une manière ou d’une autre, d’une innovation par rapport à l’application qui en est faite en droit privé (voir
infra, II-B-2).
255
Voir CE, Rapport Ass. gén. 4 février 1993, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction et
arbitrage en matière administrative, Paris, La Documentation française, 1993 ; CE Ass. Avis, 6 décembre 2002,
Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l’Hay-les-Roses et
Société CDI 2000, Rec., p. 433, concl. G. Le CHATELIER ; RFDA 2003, p. 291, concl. G. Le CHATELIER.
256
Voir TC, 16 octobre 2006, Caisse centrale de réassurance c/ Mutuelle des architectes français, RFDA, 2007,
p. 285.
257
Voir Elise LANGELIER, L’office du juge administratif et le contrat administratif, Paris, LGDJ, 2012, p.606.
258
Voir Daniel LABETOULLE, « Pour un statut de l’arbitrage en droit administratif », in Le droit administratif :
permanences et convergences, Mélanges en l’honneur de Jean-François LACHAUME, op.cit., 675.
32

intervention ».259 De même, le juge administratif peut désigner un expert pour concilier les parties à un
contrat administratif.260
C’est au vu de tout ce qui précède que la présente étude estime que la privatisation de règles
de droit privé qui enrichissent le régime juridique des contrats administratifs s’accommode une
dimension inédite ; elle est à la fois organique et matérielle. On note une mosaïque d’institutions,
privées (l’organe arbitral qui applique en principe des règles de droit privé) et publiques (la juridiction
administrative qui s’en tient en règle générale à la mise en œuvre du droit public). On pourrait oser
avancer qu’il s’agisse d’une compétence concurrente, d’enchevêtrement, mais sans risque de conflits
de décisions. Ainsi, la compétence concurrente, classique, où chaque ordre de juridictions est confiné
dans ses règles de procédure pour statuer sur une compétence qu’il détient en commun avec l’autre
ordre de juridictions, avec un risque d’autonomie accidentelle, serait prise pour une compétence
concurrente d’approche parallèle.
Il en découle que contrairement à la position d’un analyste qui croyait que l’exorbitance
devrait être plus renforcée261 au Sénégal ou en Afrique qu’en France, c’est plutôt le système juridique
de ce dernier Etat qui se révèle plus protecteur de l’intérêt général que la réglementation de l’UEMOA.
Probablement le temps ferait son œuvre dans le sens d’une transposition par celle-ci ou par les Etats
membres des modes alternatifs de règlement des litiges au lieu de leur transcription qu’on observe
actuellement. Il y va aussi de l’intérêt des exercices de commentaire de décisions juridictionnelles en
contentieux administratif au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal, car le monisme juridique qui
semble se dégager de la réglementation communautaire paraît un peu plus forcé qu’il ne va de soi,
qu’il ne reste collé au contexte juridique qui gouverne fondamentalement262 l’existence des contrats
administratifs.
Pour ce qui est de la tendance actuelle de la privatisation de règles de droit privé, il paraît
nécessaire de noter que traditionnellement une personne publique peut avoir sa propre société.263 Mais,
pour en quelque sorte répliquer au secteur privé, l’Etat crée désormais des institutions au sein
desquelles les particuliers sont minoritaires, sans que ce soit des sociétés anonymes, des SEM ou des
SEML, mais plutôt des personnes publiques (administratives), à savoir les GIP.264
Ceux-ci sont à l’origine d’une double nouveauté. D’une part, on assiste à une extension d’un
type particulier du critère organique ; les GIP peuvent passer des contrats administratifs conformément
à l’article 5 de la directive de l’UEMOA du 9 décembre 2005. D’autre part, le mode contractuel de
leur création entraîne une inféodation organique et matérielle du droit privé par le droit public.
L’apport du juge administratif réside dans la description et la qualification qu’il fait des GIP. Ces
derniers sont des personnes morales de droit public dotées de la personnalité juridique et de
l’autonomie financière. Ils relèvent du domaine de la loi. Ils sont créés à l’initiative d’une ou de
plusieurs personnes publiques qui peuvent s’associer avec une entreprise publique, des privés gérant
un service public et avec des particuliers. Ils mènent en principe des activités d’intérêt général non
assorties de gain ou de partage de bénéfice. Ce qui révèle leur caractère administratif.265 La convention
259
Voir Jean-Claude BONICHOT, Paul CASSIA, Bernard POUJADE, Les grands arrêts du contentieux
administratif, Paris, Edit. Dalloz, 3e édit., 2011, p. 1364 ; voir aussi CE avis 4 avril 2005, Société cabinet JPR
Ingénierie, Rec., p. 139. Il s’agit aussi dans ce dernier arrêt d’une homologation de transaction.
260
Voir CE Sect. 11 février 2005, Organisme de gestion du cours Sacré-Cœur, Jean-Claude BONICHOT, Paul
CASSIA, Bernard POUJADE, Les grands arrêts du contentieux administratif, op.cit., pp. 1367 et s.
261
Voir Babacar KANTE, Unité de juridiction et droit administratif. L’exemple du Sénégal, op.cit., pp. 122-123.
262
Voir infra, B-2.
263
Le cas échéant, on parlera d’une société d’Etat. Elle peut s’associer majoritairement à des particuliers qui
seront minoritaires. C’est le schéma de la société anonyme à participation majoritaire (par exemple près de 96,96
% des parts. (Voir René CHAPUS, Droit administratif général, T1, op.cit., pp.360-361). Si la société provenait
de personnes privées et de personnes publiques, celles-ci détenant au moins 51 % des parts, on parle de société
d’économie mixte (SEM) dont la réglementation est assortie de règles dérogatoires (Voir Gérard CORNU (dir),
Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2005, p.858). Au plan local, on se trouverait en présence d’une société
d’économie mixte locale (SEML).
264
Le Doyen Maurice HAURIOU se plaignait depuis fort longtemps du caractère hybride d’une association qui
avait été prise pour une personne publique, notamment pour un établissement public (voir Note sous TC 4
décembre 1898, Association syndicale du Canal de Gignac, Rec. p.731). Mais le phénomène s’intensifie.
265
Les GIP étaient initialement créés en France pour la promotion de la recherche scientifique. Mais ils ont été
étendus à d’autres domaines (voir TC 14 février 2000, Groupement d’intérêt public « Habitat et Interventions
33

portant création des GIP est approuvée par l’Etat. De plus, les personnes publiques, les entreprises
publiques ou les particuliers gérant un service public doivent détenir la majorité des voix dans les
organes du GIP (assemblée générale, conseil d’administration). Le gouvernement nomme un
représentant qualifié de commissaire du gouvernement auprès des GIP. Ce faisceau d’indices a conduit
le Tribunal des Conflits à voir dans les structures concernées, des personnes publiques spécifiques,266
ce qui concourt naturellement à une rénovation de l’office du juge des contrats de droit public.

2°) Le renouvellement du contentieux administratif

Le contentieux administratif, entendu dans le sens des litiges qui naissent des actes tant
juridiques que matériels de l’administration, et qui sont soumis à la juridiction administrative par
application en principe, de règles de forme et de fond qui relèvent du droit administratif,267 a connu un
aménagement dans le domaine du recours pour excès de pouvoir (REP) avec la politique
jurisprudentielle des actes détachables.268 Mais celle-ci est aujourd’hui en déclin au profit du plein
contentieux qui est non seulement maintenu, mais également redimensionné. Toutefois, le REP
connaîtra une résurrection sous sa forme classique avec la naissance des différentes autorités
administratives indépendantes (A.A.I.) chargé du contrôle et de la régulation de la procédure de
passation269 des contrats administratifs, dont le fonctionnement peut être à l’origine de litiges dont
connaîtra la juridiction administrative. La question des actes détachable et celle relative au maintien du
plein contentieux feront notamment appel au droit comparé. Elles paraissent plus élaborées en France
qu’au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal.270
En effet, dans le domaine de la validité d’un contrat administratif, en dehors des emprunts au
droit privé, il existe d’autres conditions qui sont exorbitantes de droit commun. L’autorisation de
contracter, la décision de signer le contrat ou de l’attribuer, de le renouveler ainsi que l’approbation
sont des critères de validité qui n’existent pas en droit privé quand un particulier signe un contrat.271
De ce fait, l’effet relatif des contrats n’a véritablement de sens qu’en droit privé.272Il est contrarié par
la notion de bien commun ou d’intérêt général dont la gestion implique, par nature, les tiers. De façon
classique, ce fut l’origine du REP ou de l’acte détachable273 en matière contractuelle. La détachabilité
ne concerne pas nécessairement les seuls actes relatifs à la validité d’un contrat administratif comme
on le note à la lecture de l’article 89 du Code des marchés publics au Sénégal. Les actes postérieurs, à
savoir ceux qui sont afférents à l’exécution d’un contrat administratif en sont également inclus.274
Ouvert initialement aux parties275 et à la suite aux tiers,276 les cocontractants ne sont admis à contester

sociales pour les mal-logés et les sans abris » c/Mme VERDIER, Rec., p. 748 ; AJDA 2000, p.465, chron.
GUYOMAR et COLIN).
266
Ibidem.
267
Voir Raymond ODENT, Contentieux administratif. Cours à l’Institut d’Etudes politiques de Paris. Les
cours de droit, 1e édit. 3 fasc. 1949- 1950, pp. pp. 67 et s.
268
Voir Bernard-Franck, Les actes détachables dans le droit public français, Limoges, PUL , Coll. Droit public,
2002, p.138.
269
Voir supra, I-B-2.
270
« La recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière de contrat administratif est limitée sur le
continent noir. Les limites concernent le champ d’application, l’objet, les effets sur le contrat, les pouvoirs du
juge et la qualité du requérant. » (Marie Epiphane SOHOUENOU, « La détachabilité en Afrique francophone »,
RBSJA 2013, n° 29, p.143.
271
Conformément à l’article 89 du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics
au Sénégal, le REP est exerçable contre la « décision d’attribuer le marché, les conditions de publications des
avis, les règles relatives à la participation des candidats aux capacités et garanties exigées, le mode de
passation et la procédure de sélection des retenus, la conformité des documents d’appel d’offres à la
réglementation, les spécifications techniques retenues, les critères d’évaluation ».
272
Voir Laurent RICHET, « Les mutations de la théorie des nullités des contrats administratifs », op.cit.
273
Voir CE 4 août 1905, MARTIN, Rec., p.749, Concl. ROMIEU, GAJA, op.cit.
274
Voir CA/CS Bénin 25 juin 1976, Claude Paris c/ État béninois (Ministère des Travaux publics) (inédit). Le
requérant exploitait le bar et le restaurant de l’aéroport de Cotonou. Le ministre chargé des Travaux publics
prononça par arrêté, l’expulsion du sieur PARIS des locaux qu’il occupait. La Chambre administrative a fait
droit à son recours.
275
Voir CE 11 décembre 1903, Commune de Gore, Rec., p.70.
34

les actes relatifs à l’exécution du contrat que si ceux-ci ont une nature réglementaire.277
Mais l’annulation, le cas échéant, de l’acte détachable, n’a qu’un caractère platonique. « On ne
peut être à la fois détachable du contrat au moment du recours et rattaché au contrat au moment de la
décision du juge ».278 Les propos de l’auteur étant doublés de la nécessité de sauvegarder les relations
contractuelles par-delà l’évolution « saccadée de la jurisprudence française »,279 la possibilité est
offerte aux candidats évincés lors de la passation d’un marché, de contester directement sa validité
devant le juge des contrats ou du plein contentieux.280 A la suite de l’arrêt Société Tropic Travaux
Signalisation, le plein contentieux a été ouvert à tout tiers justifiant un intérêt à agir.281 Mieux, les
tiers, dont notamment le juge administratif,282 est fortement impliqué dans les relations contractuelles
plus qu’on ne le note en droit privé. Il y a donc une survivance du plein contentieux en droit
administratif en général et dans les Etats africains dont le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal en
particulier. Le plein contentieux a donc été maintenu et rendu plus opérationnel. En vertu de l’article
168 du décret 2008-173 du 16 avril 2008 portant règlementation générale des marchés publics et des
DSP au Burkina Faso, «à défaut d’un règlement amiable devant l’Autorité de régulation des marchés
publics, le règlement contentieux peut être recherché soit devant un tribunal arbitral, soit devant la
juridiction administrative compétente ». L’article 139 du COA au Sénégal ne paraît pas dévoyer la
juridiction administrative. Il dispose : « les Tribunaux de première instance sont compétents pour
connaître du contentieux des contrats administratifs ». (…) » Les arrêts BAMENOU TOKO283 et
Société SOBA-TP284 respectivement relatifs à la révision unilatérale du prix d’un contrat et à la
modification unilatérale d’un contrat de construction d’un ouvrage public, en l’occurrence un pont
dans ce dernier cas, en sont des illustrations. Il y a donc une survivance de la juridiction
administrative285 et du plein contentieux en matière contractuelle.
Pour ce qui est de la résurrection du REP, on assiste à son accroissement exponentiel.286 Par
exemple au Bénin, une Commission de dépouillements des offres a rejeté le dossier de la Société
ATB International SARL.287 Il lui est reproché de n’avoir pas produit les originaux des pièces
constitutives du dossier. Le rejet a été confirmé par la Direction des Marchés publics. Or, en fonction
du Code des Marchés publics,288 une copie certifiée conforme à l’originale aura suffi pour constituer le
dossier. Le requérant en a saisi la Chambre administrative de la Cour suprême qui s’est prononcée en
sa faveur. En outre, la Société dite Consortium d’Etudes et de Réalisations Techniques (CERTEC) a
contesté l’attribution provisoire d’un marché au motif que l’attributaire provisoire ne dispose pas de

276
Voir arrêt Martin précité.
277
Voir René DEGNI-SEGUI, Droit administratif général, Abidjan, édit. CEDA, 2003, Tome 23. L’action
administrative, p. 610 ; CE Ass. 10 juillet 1996, Cayseele, cité par Frédéric COLIN, L’essentiel des grands
arrêts du droit administratif, Paris, édit. Gualino Lextensoéditions, Coll. Les CARRES, 7e édit., 2015-2016,
p.159.
278
Voir Nicolas BOULOUIS, « Les recours autour de la signature », in Actes du 15e Colloque de l’AFAC
l’Association française des Avocats Conseils auprès des Collectivités territoriales), Commande publique. Le
contentieux de la passation : comment les gérer ?, Paris, 2011, p.8. Sur l’évolution de l’acte détachable, voir
Gilles DARCY, « Variations sur l’acte détachable du contrat », in Contrats publics. Mélanges en l’honneur du
Pr Michel Guibal, Vol. 1, Montpellier, CREAM, Pres. de la Faculté de droit de Montpellier, 2006, pp. 508 et s.
279
L’expression est empruntée à Boubacar BA, « Le contentieux de l’excès de pouvoir des marchés publics »,
Annales africaines. Nouvelle série, avril 2015, Volume 1, p.169.
280
Voir CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, AJDA, 2007, p.1577.
281
CE Ass. 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, AJDA 2014, p.1035.
282
Voir CE Ass. 28 décembre 2009, Commune de Béziers, AJDA 2010, p.142 ; CE Sect. 21 mars 2011,
Commune de Béziers, Rec., p.111.
283
Voir N° 15/CA du 27 juillet 1995, Michel BAMENOU c/MF, Rec CS Bénin, pp.111-116
284
Voir N° 76/CA du 10 août 2006, Société Ouvrière du Bâtiment et Travaux Publics (SOBA-TP) c/ MCAT -
AJT PCC, op.cit.
285
Voir la Thèse précitée de Seynabou SAMB.
286
Voir par exemple Boubacar BA, « Le contentieux de l’excès de pouvoir des marchés publics », op.cit, ou
encore les Thèses précitées de Seynabou SAMB et de Adamou ISSOUFOU.
287
Voir N° 01/CA10 décembre 2009, Société ATB International SARL c/ Commission nationale de régulation
des marchés publics (inédit).
288
Voir article 10 alinéa 1er, 2e tiret et l’article 29 de l’ordonnance n° 96-04 du 31 janvier 1996 portant Code des
Marchés publics en République du Bénin.
35

ressources humaines qualifiées pour assurer le service après-vente conformément aux indications de
l’article 16 des cahiers des charges. Son recours est adressé sans succès au Comité de Règlement des
différends (CRD) de l’autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP). Il en a saisi le juge de
l’administration qui lui a donné raison.289 Il ne fait pas donc de doute qu’avec l’émergence des organes
de régulation et de contrôle de la procédure de passation des marchés public et de DSP, l’on enregistre
un renouveau du REP. Il ne paraît pas donc réaliste d’estimer que le droit des contrats administratifs
n’est plus du tout un droit spécifique ou autonome. Il garde une bonne partie de son autonomie.
En fonction de la politique de renouvellement du contentieux administratif, à défaut du
législateur, le juge pourrait par exemple inclure les facilités essentielles dans les conditions de validité
d’un contrat administratif sous peine de nullité. Ce serait une façon de renforcer la loyauté ou la bonne
foi, donc l’exorbitance en matière de régulation économique ; en effet, « alors que la régularisation
accompagne généralement la libération économique, elle se traduit abondamment par des limitations
de la liberté d’action des entreprises : interdictions et sanctions de pratiques déloyales, obligation de
comportement, restriction d’accès au marché…Il convient en effet de favoriser « les nouveaux
entrants » afin de rendre la concurrence effective : l’opérateur historique est obligé de mettre ses
installations ( les « facilités essentielles ») à la disposition des entrepreneurs qui émergent, à un tarif
non dissuasif pour eux. Il ne doit pas abuser du service public ou du service universel dont il est
chargé pour capter la clientèle. Le temps passant, les rapports entre les concurrents devront se
rapprocher de la pratique habituelle du principe d’égalité ».290 Parce qu’on ne saurait nier qu’il y a
dans les relations contractuelles « des éléments exorbitants d’autant plus que l’Etat se trouve
fréquemment en face de situations de monopole et qu’il veut faire de sa politique de l’achat public un
élément de sa politique dans le domaine économique, technologique ou social. »291 Il ne se concevrait
pas donc que dans les cinquante ou cent ans à venir, des entreprises béninoises, burkinabé ou
sénégalaises ne soient pas compétitives à tous les égards dans des domaines comme le bitumage des
voies, la gestion des ports ou l’extraction des ressources naturelles, etc. Le régime des contrats
administratifs devrait veiller à ériger les facilités essentielles en une exigence sous peine de nullité, à
tous le moins les intégrer aux conditions irréversibles de sélection des entrepreneurs étrangers. Les
contrats seraient prioritairement accordés à ceux d’entre eux qui accepteraient en contre partie de
relever le niveau technique, financier et en équipements d’entreprises nationales ou communautaires.
En sus, il pourrait y avoir un renforcement de l’étude des conditions de validité dans les
enseignements universitaires relatifs aux contrats administratifs.292
Il reste que les cocontractants ne peuvent jamais tout prévoir lors de la conclusion d’un
contrat. Il serait par voie de conséquence irréaliste de penser à un reflux des théories du fait du prince,
de l’imprévision ou des sujétions imprévues.
Au demeurant, et sous réserve de quelques nuances, la définition classique du contrat de droit
public qui a été invoquée dans l’introduction du présent travail prévaudrait. Il désignerait un accord de
volonté entre personnes publiques, entre l’administration et les particuliers ou entre ceux-ci dans leurs
rapports avec les personnes publiques (dimension communautaire), en vue de la réalisation d’un but
d’intérêt général et d’intérêt économique, impliquant par voie de conséquence un régime juridique
dont l’exorbitance est tempérée du fait de la concurrence du droit privé.

289
Voir CS (Sénégal) 3 juin 2011, Société dite Consortium d’Etudes et de Réalisations Techniques (CERTEC) c/
CRd de l’ARMP), cité par Boubacar BA, « Le contentieux de l’excès de pouvoir des marchés publics », op.cit.,
p.173 ; voir dans le même sens CS (Sénégal), 22 août 2013, Complexe industriel Thiaré GUYE c/ ARMP,
ibidem.
290
Voir Didier TRUCHET, Droit administratif, op.cit., 2011, pp 366-367.
291
Voir Roland DRAGO, « Paradoxes sur les contrats administratifs », Etudes offertes à Jacques FLOUR, 1979,
p.152.
292
Il a été préconisé que les contrats administratifs fassent l’objet d’un enseignement qui, pour être complet,
devrait être séparé du cours de droit administratif général (voir Adamou ISSOUFOU, Thèse précitée).
Néanmoins, pour la licence, on se contenterait de donner les notions de base aux étudiants. En master, ils se
spécialiseront au besoin. Ainsi, au lieu d’un master en marché public qu’on note souvent, il serait préférable de
s’en tenir à un master en droit des contrats administratifs (voir Fabrice GARTNER, « Des rapports entre contrats
administratifs et intérêt général », op.cit. L’intéressé dirige un Master 2 professionnel Droit des contrats publics.
36

Conclusion

« Il souviendra à chacun que la rengaine du droit administratif, qui eut pu, selon certains,
conduire cette affaire293 dans les casiers de la Chambre administrative aux fins, à tout le moins, de
réfrigération prolongée, fut chanté dès le départ. Un solide fondamentalisme s’était développé à cet
effet, de sorte à faire de chaque Béninois (…) un affidé de droit administratif. Le contrat était enseigné
dans les facultés, la sentence prononcée dans les marchés».294 La réplique était la suivante : « Cette
opinion est le parfait reflet d’un esprit civiliste peu préparé à comprendre les subtilités du droit
administratif et les prérogatives de puissance publique dans une économie de marché (…)Il ne faut
donc pas s’étonner de voir défendre l’idée qu’un marché public, faisant participer une société privée à
la mission régalienne de la douane, soit considéré comme un contrat de droit privé… Il y a lieu en
effet de rendre le droit administratif accessible (…) dans la mesure où la vie des administrés est
quotidiennement saisie par ce droit régalien ».295 Il reste à éviter que la guerre de la doctrine au
même titre que celle des ordres de juridictions296ait lieu.
Entre anti-autonomistes et autonomistes du droit des contrats administratifs, s’élève une
troisième voix ou voie, celle des néo-autonomistes qui est une ligne médiane. Pour cette tendance,
l’exorbitance n’est pas totalement incompatible avec la réglementation communautaire des contrats
administratifs ou avec le droit positif des Etats comme le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal. En fait,
c’est d’une refondation qu’a besoin la notion de contrat administratif, mais pas d’un « refoulement ».
Le temps que les esprits se décantent, et l’on aura l’occasion de s’en raviser. Parce qu’ « il va de soi
que si tous les acteurs font de « l’intérêt général » cet idéal commun auquel tous les Etats civilisés du
monde attachent du prix, le contrat social retrouvera naturellement tout son sens en tant que liant les
relations qui unissent l’ensemble des membres de la communauté nationale, tant il est vrai que la paix
sociale, le vouloir vivre ensemble ne saurait faire économie de cette valeur noble ».297
En définitive, l’intérêt national ou régalien, l’intérêt social et l’intérêt économique
s’imbriquent les uns dans les autres au moyen d’un mariage sans la moindre possibilité d’un divorce.
Peut-être, la transformation du contentieux des contrats administratifs dans son ensemble en un
contentieux de pleine juridiction oscillant entre le contentieux subjectif et le contentieux objectif, avec
un recours en appréciation de légalité où le juge des contrats se doterait du pouvoir d’assortir
l’exception d’illégalité des conditions dans lesquelles la légalité de l’acte apprécié eut été satisfaite,
permettrait de maintenir et d’amplifier les espoirs aussi bien chez les administrativistes qu’au niveau
des civilistes et leur suite respective, les affidés, dont le salut ne réside pas certainement dans la
putréfaction de l’autonomie (du droit des contrats administratifs) qui ne se réaliserait qu’à une seule et
laborieuse condition : l’avènement d’une nouvelle société, d’un monde sans Etat. En tout état de
cause, tant que l’idée de bien commun ou d’intérêt général ne serait bannie de la vie sociétale, il ne
serait pas indéfendable que l’autonomie du droit des contrats administratifs soit perçue comme un
apport des Etats francophones dont le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal au patrimoine commun de
l’humanité.

293
L’auteur de la citation fait allusion au Contrat PVI de Nouvelle Génération, op.cit.
294
Voir Joseph DJOGBENOU, Quotidien Le Matinal du vendredi 30 mai 2014, p. 13, cité par Ibrahim D.
SALAMI, Droit administratif, op.cit., p. Xi.
295
Ibidem.
296
Voir Maxence CHAMBON «Renoncer à une guerre picrocholine : retour sur la controverse
jurisprudentielle relative au recours par les personnes publiques à l'arbitrage international », Rev. Droit
Administratif juillet 2016, n°7, étude 12.
297
Voir Salif YONABA, « Que reste-t-il de la notion d’intérêt général dans la vie politique et administrative sur
le continent africain ?», op. cit., pp. 109-110.

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