Napoléon Noir
Napoléon Noir
Napoléon Noir
DE
NAPOLÉON BONAPARTE;
MEMOIRES
DE
NAPOLÉON BONAPARTE.
PARIS.
BAUDOUIN FILS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE,
RUE DE VÀUOÏRARD, «8 36.
14 JUILLET i8ai.
AVERTISSEMENT,
DE L'ÉDITEUR.
bureaux.
.'-. -.v.ï(.J,,)V:-
Ma vie a été si étonnante, que'lès
admirateurs de, mon pouvoir ont pensé
que mon enfance même avait été ex-
traordinaire.'Ils se sont trompés. Mes
premières années n'ont ri§n eu de sih-
|gulier. **Je n'étais qu'un enfant obstiné
et curieux. Ma"première éducation a
"été pitoyable comme tout ce qu'on
,
faisait en Corse. Tai apprisassezjfuyi-
lement lejrajiçais^par les miTîtaïres de
la gftrniifjft,, avec lesquels je passais
mon temps. t >,
]
t
trouvai lié à la ctnigedéla révolution.
Je commençai oTà mesure*, et je res-
tai convaincu qu'elle serait victorieuse,
/'parce qu'elle avait pour elle l'opinion,
le nombre, et l'audace. r
efforts in-
/<lfOyl$les;pôuY reprendre l'Italie. Jefiis
obligé de défaire cinq fois leurs armées
pour en Venir àlbout, ls
Maître de l'Italie, il fallait y établir le
système de la révolution, afin d'attirer
1
France.
Le parti-que j'avais favorisé au 18
fructidor, était resté maître de la repu**
bliqûe. Je l'avais favorisé parce que c'é-
tait le mien, et parce que c'était le seul
qui pût faire marcher la révolution. Or,
plus je m'étais mêlé des affairés, plus je
m'étais convaincu qu'il fallait achever
cette révolution,-parce qu'elle était le
fruit du siècle et des opinions. Tout ce
qui retardait-sa-marche ne servait qu'à
prolonger la crise.
La paix était faite 3ur le Continent ;
nous n'étions plus en guerre qu'avec
l'Angleterre ; mais,: faute de champ de
bataille;, cette guerre nous laissait dans,
^inaction, J'avais la conscience de mes
„
moyens j ils étaient de nature à me met-
(*4)
tre en évidence jnais ijs n'avaient. p,bjn>
>
d'emploi, Je savais cependant quîil f^lr?
lait fixer l'attention pour rester en. vuq>
«H qu'il fallait tenter pQupçela dqs. clipses,
extraordinaires, parce que les hommes
savent gcé de îps.étonneg. C'est en vertu
Ide celte opinion, que, j'ai;Imagine! l'exp,é>
,
•
Quoi que fût mOn-désir, de faire à-la
révolution.un établissement stable, je
voyais clairement que je ne.pourrais y
parvenir qu'après avoir vaincu de gran-
des résistances : car il'y avait antipathie
nécessaire entre les anciens et les hou->
veaûxrégimcs. Ils formaient deux masses
dont les intérêts- étaient précisément en
sens, iuverse. Tous les gouvernemens
(45)
qui subsistaient encore en vertu de l'an*
cien droit public, se voyaient exposés
par Jes principes de la révolution; et
celle-ci n'avait de garantie qu'en traitant
avec l'ennemi,- ou qu'en l'écrasant s'il
refusait de là reconnaître.
Cette lutte devait décider en dernier
ressort ,du renouvellement de l'ordre*sou-
ciai do l'Europe. J'étais à la tête de la
grande faction> qui voulait anéantir le
<
\
Franco pour qu'elle osât rester clans l'j-
naction pendant la paix, Il fallait qu'elle
fûttoiijoursredo'utable, Il fallait donner
uriepàtûre à laT curiosité dès oisifs. 11
fallait tenir constamment l'armée en
mouVementpbur l'empêcher doVendor-
ïnir. Enfin, j'étais- bioirâise d'essayer
les marins,- -
Du teste, l'expédition a été mal con-
duite. Partout où je n'ai pas été, les
choses ont tmqours été mal, Cela reve-
nait'd'ailleurs; nssox aû,même i car il était
5
(<5°)
facile de .voir qiic le ministère anglais
allait rompre la trêve ; et si nous avions
reconquis,Saint-Domingue, ce n'aurait
été que pour eux,
Chaque jour augmentait ma sécurité ,-
lorsque l'événement du 3 nivôse m'ap-
prit que. j'étais sur un volcan, Cette
.conspiration fut imprévue : c'est la seule
que la police n'ait pas déjoUéo d'aVance.
Elle n?ayàit pas de çonfidens ; c'est pour-
.quoi elle a réussi,
*.
J'échappai par un miracle. L'intérêt
qu'on me ^témoigna me dédommagea
amplement. On avait mal choisi' le mo-
ment pour conspiror. Ifion n'était prêt
.en France pour les Courbons. - -
],
On chercha lçs coupables. Je le dis
avec veille ; je lî'cn accusai que les Bru-
tus du coin, En fait de trimes, on était
.toujours disposé à leur en faire honneur.
Je fus très-étonné, lorsque la-suite dés
enquêtes vint à prouver que.c'était aux
royalistes que les gens de la rue Saint-
Nicaiso avaient l'obligation d'être sautés
en l'air,
Je croyais les rovalistcs honnêtes
gensv parce qu'ils nour^cusaient de ne \
pas l'être. Je les croyais ,,J|irtout, très-
incapablcs de l'audace et de la scéléra-
tesseque suppose un tel projet : au reste,
il n'appartenait qu'à un petit nombre de
voleurs' de diligences,, espèce qui était
prince, mais* peu considérée dans :1e
parti.
.
Les loyalistes, tout-à-fait oublias de-
puis la pacification de la Vendée, «epa-
raissàient ainsi sur l'horizon politise.
C'était une conséquence naturelle de
l'accroissement de mon autorité. Je i*->
faisais la royauté. C'était chasser sù^
.
leurs terres,
Ils ne se doutaient pas que ma monar-
chie n'avait point de rapport à la leur.
La mienne était toute dans les faits ; la
leur,-toute ^dans les droits. La leur n'é-
( «» 1
tait.fondée que sur des-habitudes; la
mienne s'en passait; elle Jiiarchait en'
ligne avec le génj&jliusiècle. Là leur-
tirait à la' cordé ,pour le retenir. '
Les: républiMfns: yeifrayaient de la
.
hauteur où ^e, portaient les çircons-
tances : ils. se défiaient de Tusàge que
.
j'allais faire de ce pouvoir. Ils rcçUm-.'
tajent que je ne remontasse une vieille
royauté à l'aide .de jnqn\,arniée.r Les-
royalistes^fom.eniajén.t ce bruit, et £e
plaisaient à me présenter comme un;
singe deé anciens monarques ; d'autres
rOYNaJisleJSl^pJuf adroits, répandaient
s.6ur^îpment que je m'étais enthoun
sjasmé du rôle de Monck,>et que. je.rie>
prçnajs là peine de restaurer le,pouvoir'
que pour en faire hommage aux Bofur-
bons, lorsqu'il serait en état de leur
être offert, ' '
Les têtes médiocres, qui ne mesu'-;
raient pas ma,force,ajoutaient foi àces
bruits. Ils accréditaient le parti roya-
(53)
liste, et me décriaient dans le peuple
et dans- l'armée; car ils commençaient
à douter»de mon attachement à leur
cause. Je ne pouvais pas laisser courir
une telle opinion, parce qu'elle tendait
à nous désunir. "
Il fallait à tout prix détromper la
France, les royalistes et l'Europe, afin
qu'ils sussent tous à quoi s'en tenir avec
1
.
Un homme de beaucoup d'esprit, et
qui doit s'y connaître, a dit de cet at-
tentat que c'était plus qu'un crime que >
r c'était
une faute. N'en déplaise à ce
personnage, c'était un crime, et,-ce
n'était pas une faute. Je sais fort bien
f la valeur des
mots. Le'délit de ce mal-
heureux grince se bornait .à de miséra-
bles intrigues avec, quelques vieilles bar
rbnncs de Strasbourg. Il'jouait s,on'jeu.
Ces intrigues étaient surveillées î elles
ne menaçaient ni là sûreté de la France
(ni la mienne. Il a péri victime de la po-
litique ,' et d'un concours inoui do. cir-
constances. ,
' ' ',
Sa ïnort n'était pas une faute, car
(«5)
toutes les conséquences que j'avais pré-
vues sont arrivées,
La guorre avait recommencé avec
l'Angleterre, parce qu'il ne lui est plus
possible de rester long-temps en paix.
Le territoire de l'Angleterre est devenu
trop petit pour sa population; il lui faut
pour vivre lo monopôle des quatre par-
ties du monde. La guerre procure seule
ce monopole aux Anglais,-parce qu'elle
lui «vaut le droit.de détruire sur mer,
C'est sa sauve-garde,
Cette guerre était paresseuse, faute
de*terrain pousse battre': l'Angleterre
était .obligée d'en louer sur le Conti-
nent , mais il fallait donner le temps à
la moisson de croître. L'Autriche avait
reçu de si rudes leçons, que.les mi-
nistres' n'osaient proposer la guerre, de
si tôt, quclqu'ehvie qu'ils eussent do
gagner-leur" argent, La Prusse s'en-
graissait de sa neutralité; la Russie
avait fait en Suisse-une futaie expé-'
rience de la fuerrc. L'Italie et l'Es-
pagne étaient entrées, à peu de chose
près, dans mon système. Le Continent
faisait halte,
Faute de mieux, je mis en avant un
projet de descente en Angleterre. Jô
n'ai jamais pensé a le réaliser; car il
aurait échoué : non que le matériel du
débarquement ne fût possible, mais la
retraite ne l'était pas, Il n'y à pas uri
Anglais qui ne se fût armé p^our sauver
...l'honneur, de son pays et l'armée
,,
française laissée sans secours à leur
,
merci, aurait fini par périr bu par ca-
pituler, J'avais pu faire cet essai en
Egypte ; mais à Londres*, c'était jouer
trop gros jeu, •
gnal. -r-'1
'
combat. Cette réunion lui servit |)e si-^
<-;''. '.';/ '-
La bataille devait être rude. Les Au-
trichiens rassemblaient toutes leurs for-
ces V et lès Busses s'étaient décidés à y
réuhir les leurs.
4f Le jetuié Alexandre
"
de
Venait monter /
sur ïé trônd : comme les enfans aiment
à faire lb contraire de leurs parons ^11.
me déclara la guerre/, parce, que '.son
père avait fairla-paix* Car'nousf^a-*
vjons rien ericorcVa démêler avec les
*
i
Les Russes débouchaient seulement ;
les débris autrichiens coururent se.ré^
fugier sons leurs drapeaux» .L'ennemi
voulnf t^nirA Austerlit?; il fut battu,
Les Russe* se retirèrent en bon ordre,
et me laissèrent, l'empiré d'Autriche*
;
L'çmpêrêut François me demanda
une .entrevue : je/la donnai dans un
fossé. Il me demanda^la*paix; je l'ac-
cordai ; car qu'aurais*]o fait de son pays :
il n'était pas moulé pour la révolution.»
Mais pour* diminuer ses forces, jb de-
mandai Venise pour laLombardie, et
le Tyrol pour la .Bavière; afin de ten*
forcer au moins mes' amis aux' dépens
de mes ennemis» C'était bien le moins.
Co n'était pas le moment de disputer \
.< 70 )
.
la paix fut signée. Je la fis proposer en
même temps* aux dusses i Alexandre la
refusa»
Ce' refus était noble '; car en accep-
tant la paix, il acceptait.l'humiliation
des Autrichiens.
En refusant,-il montra de la fermclé x
,
sager que je venais do rendre au conti-
*nent, ppnr élargir la base de l'empiré;
afin de la rendre plus solide pour les at-
taques avenir. Le trône était héréditaire
dans ma famille t elle commençait ainsi
unb dynastie nouvelle, que le temps
devait consacrer, comme il a légitimé
toutes les autres. Car depuis Ch'arle-
magne aucune couronne n'avait été
donnée avec autant de solennité. Je Pa-
vais reçue du Voeu des peuples et de la
,7
(?4),
sanction cl© l'Église.* nu famille, appelée
ai régner, ne 4eV.ait pas. rester mêlée
dans Içs. ra,ng& dg, la société; c'eût été
Un contre-sens..
J'étais, riçÎAp «un. conquêtes* Il fallait
lier intimement ces États au système do
l'empù'Q aji,n d'a,çqroUvQ sa. prépondé-
»
rance» 1\ n'y, fc pas d'autres, liens entre
les peuples, qup çe.ux,dj&$ intérêts, qu'ils
mettent en cjq^nuuiu II fallait donq éta-
blir une entière comniun&mé d'intérêts
entre nou$ et les pays conquis. Il ne
s'agis(S.ait pour cela que. de changer lçur
ancien orjdie soeiaW pour leur donnpjt;
lo nôtre, on mettant à la tète, do ces
nouvelles institutions, des souverains in?
téressés à lc^, maintqnn\
Je remplissais ces, conditions eu pla-
çant ma. familial surAes trônes.qui se
trouvaient, vacajbs..
La LonuSardle,était le plus essentiel
deecs$tats, pavée .qu'elle devait être
continuellement exposée aux regrets de
la maisoft d'Aùtricliéi Je "mi VoMiis ps
ltii domtef l<30|iltii»hr- dé mettre lin tiê
mes IVèrés sur co trône.'J'étais seul càf
p^blô déporter kcouronriô de foryét)é_
làtnlsstirmatètèVf •*' ^* --
n:tfe tfohnai par4à plus de èéhfiaucô
5
f
•
ft^res monta
sur ce trôné. =
M.^-
^Là rtollaitde avait peru^t depuis lohg-
temps l'étiérgie qui fait les ré^U^ùcsï
Elle n'aVait plus la force àb jôueV c^
(76)
rôle. Elle en avait donné làprcuVélors
dit ^débarquement do çjgfj Je ne devais
>
en ne
faisant pas usage de crédit,
.J'ai substitué au système des em-
prunts qui avait perdu la France, celui
des impôts qui Ta corroborée. '
J'ai organisé la conscription : loi ri-
goureuse , mais grande, et seule digne
d'un peuple qui chérit sa gloire et sa
liberté ; car il ne doit confier sa dé-
fense qu'à lui-même. •
.,
La guerre avait détruit sans retour le
système niaritime. Les ports de mer
étaient ruinés. Aucune force humaine
ne pouvait leur rendre ce que la révo-
lution avait anéanti. Il fallait donc don-
ner une autre impulsion à l'esprit de
trafic, pour rendre de la vie à l'industrie
de la France. Il n'y avait pas d'autre
moyeu d'y parvenir que celui d'enlever
aux Anglais le monopole de l'industrie
manufacturière, pour faire de cette in-
dustrie la tendance générale de l'écono-
mie de l'Etat. Il fallait créer le système
continental.
Il fallait ce système, et rien de moins ;
parce qu'il fallait donner une prime
énorme aux fabriques, pour engager le
commerce à mettre en dehors les avan-
ces qu'exige l'établissement de tout un
ensemble de fabrication.
Le fait a prouvé en ma faveur ; j'ai
déplacé le siège de l'industrie y en lui
faisà^ er là mer. Elle. a fait de si
.
gj^hSâspas^, le continent, qu'elle n'a
(98)
,
plus de cShcurrence à-redoïiteiv Si là.
France veut prospérer, qu'elle garde
mon système en changeant èoîi nom. Si
elle veut déçlieoir, elle n'a qu'à recom-
mencer dès entreprises maritimes; car
les Anglais les déirUiront à la prendèré
guerre, J'ai éto forcé; de porter lesys-^
tèmé continental à l'extrèmejpàrce qu'il
avait pour but «de faire nou^éulcment
du" bien à la France, mais; du-niai à
l'Angleterre. Nous ne recëvionsles deit>
réeé coloniales*que par son ministère *
el
qn que fût le pavillon qu'elles emprun-?
tassent pour naviguer» Il fallait donc en
recevoir; le moins pessibleWil n'y avait
pas de meilleur moyen pour cela que
d'en* élever leprix outre mesure. Le
but politique était rempli ; leS finances
de l'État en profitaient/mais j'ai désolé
les' bonnes' femmes-, ; et eîle& s'en sont
vengées, ^'expérience montrait chaque
jour qûe^k^stème'Co^itincntallétàit
, bon,
car l'État prospérait^ malgré le
( C 9D )
fardeau de la guerre. Les impots étaient
àjqur,le.Crédit au pair avec l'intérêt
de l'argent. L'esprit d'amélioration se
montrait,dans l'agriculture comme dans
les fabriques». On bâtissait les.villages £
n.euf> comme les rues 4e Paris. Les
routes et les canaux facilitaient le mou-
vement intérieur. On inventait chaque
semaine quelque.perfectionnement; je
faisais .faire du sucre avec des navets,
et de la soude avec du sel. Le dévelop-
pement des sciences marchait de front
avcc^celui de l'industrie.
Jl aurait donc été insensé de renoncer
à un système, .au moment où il portait
ses fruits. Il fallait l'affermir, pour don-
ner d'autant plus de prise à l'émulation.
Cette nécessité n influé sur la-politi-
.
que de l'Europe, en ec qu'elle a fait à
l'Angleterre une nécessité de poursuivre
l'état de guerre. Dès ccr< moment, aussi
la jfuerreapris en Anglëtiej^î un carac-
tère plus sérieux. Il s'agissait pour elle
( 100 )
de la fortune publique, c'est-à-dire,
de son existence. La guerre se popula-
risa. Les* Anglais ne confièrent plus à
des auxiliaires le soin de leur protec-
tion; ils s'en chargèrent eux-mêmes, et
parurent en grosses masses sur le ter-
rain. La lutte n'est devenue périlleuse
que depuis lors. J'en reçus l'impression
en signant le décret. Je soupçonnai
qu'il #y. aurait plus de repos pour moi,
et que ma vie se passerait à combattre
des résistances que le public ne Voyait
plus, mais dont j'avais le secret, parce
que. je suis le seul que les apparences^
n'aient jamais%omP^» Je nié flattais,
au fond du coeur» dé rester maître de
l'avenir, au moyen de l'armée que j'a-
vais faite : tant de succès l'avaient ren-
due invincible. Elle ne doutait jamais
du succès; ses mouvemens étaient fa*
ciles, parce que nous avions renoncé au
système des camps et des magasins. On
pouvait la transporter à l'instant sur"
(-101.)
toutes les directions, et partout elle ar-
rivait avec la conscience de sa supério-
rité. Avec de tels soldats,' quel est le
général qui n'eût aimé la guerre, Je
l'aimais, je l'avoue, et cependant je n'ai
plus senti en moi, depuis ^l'affaire dé
Jépà, là plénitude pie confiance, ni le
inè*pris.de l'avenir^ auxquels j'avais dû
mes premiers succès. Je me défiais de
moi-même t cette défiance portait dq
l'incertitude dans mes décisions : mon
humeur en était altérée ; mon caractère
abâtardi. Je me commandais, mais ce
iqui n'estpas natureln'estjamais parfait.
Le système continental avait décidé
les Anglais à nous faire guerre à mort.
Le nord était soumis, et contenu par
mes garnisons. Les Anglais n'y avaient
plus d'autres rapports que..ceux de la
contrebancJjÉ ; mais on leur avait livre le
Portugal, et je savais que l'Espagne fa-
vorisait leur commerce à l?abri de sa
neutralité.
( 104 )
' Pour que le système continental fût
bon à quelque chose il fallait qu'il fût
,
complet. 3e l'avais établi, à peu de chose
près, dans le Nord :' il fallait le faire
respecter dans'le Midi. Je demandai à
l'Espagne tm passage pour un corps
d'armée que je vonlais envoyer en Por-
tugal. On me l'accor<la. A l'appr'ôchë
de mes troupes, la cour de Lisbonne
s'embarqua pour :le Brésil, et me laiisa
son royaume. Il fallut établir, au tra-
vers de l'Espagne , une route militaire,
pour "communiquer avec le-Portugal.
Cette' roule nous mit eh' rapport avec
PEspagnc. Jusqu'alors je n'avais jamais
songé à ce jiays à cause de sa nullité.
",
bannières.
-
Je conviens que j'ai eu fort de mettre
le jeune roi en séquestre à Valençay.
J'aurais dû le laisser voir à tout le mori-
t? 1Q "'"'
t »•)
de, afin de détromper ceux qui s'inté-
ressaient à lui.
J'ai eu tort surtout de ne pas lui.per-
mettre de rester sur le trône» Les choses
auraient été de mal en pis en Espagne,
Je miserais; acquis le titre de protecteur
du vieux roi, en lui donnant un asile»
Le nouveau gouvernement n'aurait pas
manqué derse compromettre avec les
Anglais» Je lui aurais déclaré la guerre
tant en mon nom qu'en qualitéde fondé
de pouvoirs du vieux roi. L'Espagne
aurait confié à son armée le sort de celte
guerre, et dès, quelle aurait été battue,
la nation se serait soumise au droit de
t
conquête» Elle n'aurai pas même 'son gé
à en murmurer, parce qu'en.disposant
des pays conquis., on ne fait que suivre.
les usages reçus.
Si j'avais été plus patient j'aurais suivi,
cette inarche. Mais je crus que le ré-
sultat étant le même, les Espagnols ac-
cepteraient à priori un changement uo
(m )
dynastie que la position des affaires ren-
dait inévitable. Je mis de la gaucherie
dans; cette entreprise, parce que ie sup-
primai les gradations» Je venais de dé-
placer' ainsi l'ancienne dynastie d'Une'
manière offensante jiour les Espagnols.
Blessés dans leur orgueil, ils ne vou-
lurent pas reconnaître celle que j'avais
mise àsa place. 11 en résulta qu'il n'y eut
plus-d'autorité nulle part, c'est-à-diro
qu'elle'se'trouva partout» La nation en-
masse se crut chargée de la défense de-
l'État; phisquMl n'y avait pins d'armée'
ou d'autorité auxquelles oti pût confier
cette défense. Chacun, en^prit la res-
ponsabilité : je créai l'aharehie. Je trou-
vai contre moi toutes les ressource*'
^qu'elle donne. J'eus toute la nation sur
les bras.
•
tCette nation, dont Tbistoire n'a si-
gnalé que l'avarice et la férocité, était
peu redoutable devant l'ennemi; elle-
fuyait à la vue de nos, soldats ; mais ellfr
les assassinait par derrière, Ils on étalent
révoltés s ils avaient les; aimes à la main :
ijs usaient dp représailles» J)o1rçpr(S-
s,ail}cs. en représailles cette guerre est
devenue, une arène d'atrocités,;
-
J?ai senti qu'cllq imprimait nn carac-
,-.f
•
-
Enfin je parvins à jeter dé,nouveaux
ponts sûr le Danube. L'armée passa le
fleuve jpar une nuit épouvantable; J'as-
sistai à ce passage, parce qu'il me don-
nait de l'inquiétude. Il se fit à souhait,,
Nos colp'ntîes-eurent'le temps de >'se>
former, et cette grandêjournéos'ouvrit
-sous* d'heureux auspices, *' *:*.
La bataille fut belleV parce' qu'elle
fut disputée. Les généraux ne^ firent
cependant pas de grands efforts d'ima*
gination, parce' qu'ils Commandaient
do^lgrosses masses, sur-un- terrain
plat.'Jl fut longtemps déféndiu L'iftW
( *'9 )
trépidUé de nos troupes, et une ma*»
ncouvro hardio de Macdonald décidè-
rent la journée.
Une fois rompue, l'armée autri-
chienne défila en désordro dans une
longue plaine, où elle perdit beaucoup
•de mtmde. Je la suiyis vivement, car il
fallait décider la campagne. Battue en
•
Momie,k il n'y eut*d'autre parti a
-prendre que celui de me demander la
paix. Je l'accordai pour la quatrième
fois, i v •
.
J'espérais qu'elle serait durable
,
-parce! qu'on se lasse d'être battu ,
• comme de toute «autre chose et parce
^
qu'un assez-grand parti, dans Vienne',
opinait "en faveur d'un'e alliance finale
»
avec l'empire,
• Je souhaitais la paix, parce que je
sentais le besoin d'accorder quelque
relàehc aux peuples, -Car au lieu do
goûter les avantages de la révolution*,
ils'n'en avaient vu jusqu'à, présent que
((fiao,)
.les ravages* Nous n'étions plus dés pro-
#çte«(rs pour eux, comme au commen-
cement de la guerre et pour 'accoulu-
*,
xi
ï laa ). ^.
-,
avec les malheurs qui l'ont' suivie/ La
guesrre n'a pas dépendu davantage de
moi que des alliés. Elle a dépendu de
la manière dont la créationja -fait le
genre humain.
L'Angleterre continua la guerre sans
auxiliaires, mais non-pas sans alliés;
car elle avait pour tels tons les'eunomis
de la révolution. jWis avions du ter-
rain en Espagne pour nous battre. J'y
renvoyai mes troupes $ mais je n'y re-
tournai pas moi-même. J'ai-eu tort,
*parce qu'il n'y a que soi-qui fas'se bien
ses *aflaires, Mais j'étais fatigué de ce,
tracas, et je.méditais dès-lors un projet
qui devait donner à mon règne un nou*
1
Au lioûd^ïTêtQrrcflervesccnco,cette;
. ••
( *«*
-i
mesuré,
>
.
en apparence^ et beaucoup d'autres à
ma placé les auraient acceptées. Car on
(«44) ,/
,ne demandait que, la restitution despro*
vinces illyrierines et des villes ahséa*
tiques \ h nomination dé souverains &#•
dépendans dans les royaumes- d'Italie
p| dp Hollande la retraite de l'Espa**
*,
f
être traité comlno tel. Mais soit par cette
sortpde respect qu'inspire un vieux
guerrier,,seit par l*csprit,de généjppsité
qui a présidé à celte révolution ,oSi me
,
proposa de choisir un asile. Les alliés
me cédèrent une lie et unHfrlre, qu'ils
regardèrent comme aussi vains l'un que
l'autre. Ils me permirent, ( et.eu cela
,
leur générosité fut pleine de noblesse,)
ils me permirent d'amener avec moi un
petit nombre de ces vieux soldats avec
lesquels j'avais couru tant'de fortunps.
Ils me permirent d'amener avec mpi
quelques-uns de ces hommes que le
malheur ne décourage pas. «
.
ment où l'ennemi s'est approché de ma
retrailp. Tant qu'il n'y eut que des
Français autour de moi, j'ai voulu res-
tpr au milieu 'd'eux seul et désarmé ;
c'était la dernière preuve de confiance
et d'affection que je,, pouvais leur don-
ner. C'était un grand témoignage que
je rendais à^leûr loyauté à* la face du
monde.
La France a respecté dans moi le
malheur, jusqu'au moment où j'ai
rjiutté pour jamais son mage, J'aurais
./<:ȣ-}
. . .•
'pu*passer'en-Amérique, et promener
hia défaite dans le heuveàu moftde;
ïnâisaprès àvoirrégné sur la France,
il ne fallait pas avilir son' trône en
cherchant d'autre gloire.