TD 3 Pouvoir Réglementaire

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Le pouvoir réglementaire désigne la compétence de prendre unilatéralement des actes de

caractère général et impersonnel. La Constitution du 4 octobre 1958 reconnaît


expressément le pouvoir réglementaire en ce qu’elle crée un domaine autonome du
règlement qui n’est pas non soumis à la loi (article 37). La constitution limite le champ
d’action du législateur à des matières bien déterminées (article 34). Toutefois aujourd’hui,
le pouvoir réglementaire est une notion difficile à cerner, au point que certains auteurs
évoquent même une “crise“ du pouvoir réglementaire (Bertrand Faure, AJDA, n°7-8/1998,
pp. 547-552). Cette situation s’explique par la multiplication des détenteurs du pouvoir
réglementaire. Dès lors, il s’agira de répondre à la question suivante : l’unité du pouvoir
réglementaire, mythe ou réalité ?

Selon les représentations les plus souvent admises en doctrine et tirées de l’article 21 de la
Constitution, l’unité du pouvoir réglementaire qui garantit la cohérence de l’ordre juridique
national s’exprime tant au plan matériel qu’au plan organique. Le pouvoir réglementaire est
une compétence détenue en vue d’assurer exclusivement l’exécution des lois confiée au
Premier ministre. Mais dans la pratique, cette unité est largement contestée tant d’un point
de vue organique que matérielle.

I. L’unité matérielle : l’attribution du pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois

En dépit de l’échec du pouvoir réglementaire institué en 1958 (A), le pouvoir réglementaire


ne se réduit pas à la simple exécution des lois mais poursuit avec l’aval de la jurisprudence
des fonctions larges (B).

A. L’échec du pouvoir réglementaire autonome

Contrairement à ce qui existait avant, le constituant de 1958 a conforté la place du pouvoir


réglementaire. En effet, à son article 37, la Constitution a réservé au règlement la
compétence de régler les matières qui ne relèvent pas du champ d’action de la loi. La
constitution a ainsi créé une frontière entre le domaine de la loi et celui du pouvoir
réglementaire. En principe, l’un ne doit pas empiéter sur l’autre. Pour s’assurer de
l’effectivité du pouvoir réglementaire, la Constitution a prévu deux mécanismes de
protection. L’un résulte de de l’article 41 de la Constitution qui permet au gouvernement de
faire échec à tout amendement ou à toute proposition de loi qui concerne le domaine
réglementaire. En outre, sur le fondement de l’article 37, le gouvernement peut modifier par
décret une loi qui est intervenue dans le domaine réglementaire sur autorisation du Conseil
constitutionnel.

Nonobstant la consécration et la protection constitutionnelle du pouvoir réglementaire, son


exercice est subordonné au respect de la loi. En outre, la pratique a conduit à limiter
considérablement le poids du pouvoir réglementaire par rapport à la loi. Cette pratique a été
réconfortée par la jurisprudence du Conseil constitutionnelle qui a interprétée de façon
libérale de l’article 34 de la Constitution. Ainsi, dans sa décision du 30 juillet 1982, ‘’Blocage
des prix et salaires’’ le conseil constitutionnel avait admis les empiètements de la loi sur le
domaine réglementaire.

Par ailleurs, le Président de la République peut en dehors de toute habilitation législative et


en vertu de ses propres pouvoirs, prendre des mesures de police applicables dans
l’ensemble du territoire national. Cette exception au monopole du pouvoir réglementaire du
Premier ministre découle de la décision Labonne rendue par le Conseil d’Etat en 1919.
Cette jurisprudence rendue sous la IIIe République est toujours maintenue. Ainsi, en cas des
circonstances exceptionnelles, l’article 16 de la Constitution de 1958 confère au Président de
la République le pouvoir de prendre des mesures qui s’appliquent sur toute l’étendue du
territoire. Même si le Premier ministre est le titulaire du pouvoir réglementaire, dans
certaines matières son pouvoir est résiduel et doit respecter les pouvoirs propres du
Président de la République.

B. Le dépassement de la fonction d’exécution des lois

1. conception large de la notion d’exécution

Selon l’esprit de l’article 34 de la constitution, l’existence du pouvoir réglementaire est


corrélative l’application ou à l’exécution de la loi. C’est une conception restrictive du
pouvoir réglementaire. Toutefois, la jurisprudence administrative a permis l’élargissement
de mission d’exécution des lois. Pour exemple, alors que la loi n’autorisait le gouvernement
qu’ contrôler les importations pétrolières, il pouvait arrêter d’autres mesures en vue de
régler l’installation et l’extension des stations-service (CE 1964, Sté des pétroles Shell-
Berne). De même, les CT pouvaient prendre en charge une activité marchande en
complément de leurs missions principales. Ainsi, une commune pouvait aménager le parc
municipal de stationnement (CE, 1959, Delansorme). L’exécution des lois va au-delà de la
simple d’exécution. En vue d’assurer le maintien de l’ordre public et au bon
fonctionnement des services publics, l’autorité réglementaire peut prendre d’autres
initiatives (voir CE 1936, Jamart et 1950, Dehaene : reconnaissance des pouvoirs des
ministres et des chefs des services des possibilités d’organisation et de fonctionnement de
leurs services). Le dépassement de la fonction d’exécution est accentué par la théorie des
pouvoirs implicites

2. La théorie des pouvoirs implicites

C’est une création jurisprudentielle qui permet aux autorités réglementaires d’agir au-delà
des strictes limites de la loi d’habilitation pour vue que les droits des administrés soient
respectés. C’est la manifestation d’un pouvoir non prévu explicitement par le texte mais qui
apparaît utile à la mise en œuvre effective de la loi. L’arrêt Labonne constitue une fois de
plus une belle illustration qui a autorisé au Président de la République d’intervenir en
l’absence de toute habilitation législative. La contestation de l’unité du pouvoir
réglementaire ne se limite pas à l’aspect matériel, elle affecte aussi l’unité organique de ce
pouvoir.
II. L’unité organique : le monopole du Premier ministre

Si le monopole du Premier ministre est contesté au sein de l’exécutif (A), sa primauté est
maintenue à l’égard des autorités secondaires (B).

A. La contestation du monopole du Premier ministre au sein du pouvoir exécutif

La constitution protège le monopole du pouvoir réglementaire du Premier ministre.


Toutefois, ce monopole est souvent confronté aux prérogatives du Président de la
République voire des ministres. Ainsi, le pouvoir réglementaire est partagé entre ces
différentes autorités.

À son alinéa 1, l’article 21 de la Constitution consacre le monopole du réglementaire du


Premier ministre. En vue d’assurer la supériorité de l’implementation de ce pouvoir, l’alinéa
2 de cette disposition interdit aux les ministres d’exercer le pouvoir réglementaire en
l’absence d’habilitation législative précise. C’est en considération de cette disposition que le
Conseil d’État a expressément refusé d’admettre le pouvoir réglementaire général des
ministres dans son arrêt Sté Distillerie Brabant de 1969. En dehors de la qualité de chef de
service, la Constitution de 1958 n’attribue aucun pouvoir réglementaire général qu’au
Premier ministre.

Par ailleurs, si l’article 21 de la Constitution reconnaît au Premier ministre la plénitude du


pouvoir réglementaire, son exercice ne doit pas empêcher au Président de la République
de mettre en œuvre le pouvoir que lui confère l’article 13 de la Constitution. En effet, en
vertu de cet article, le Président de la République a le pouvoir de signer les ordonnances et
les décrets délibérés en conseil des ministres. Au clair, le monopole du pouvoir
réglementaire dont dispose le Premier ministre s’exerce dans le respect des prérogatives du
Président de la République. Cette position a été rappelée par le Conseil d’Etat dans son
arrêt Meyet rendu en 1992. Mais, il convient de relever que le Président de la République
exerce un pouvoir réglementaire subsidiaire car la plénitude appartient au Premier
ministre. Aussi, les ministres participent, de façon indirecte, à l’exercice du pouvoir
réglementaire général en préparant les mesures d’exécution et, surtout, en disposant d’un
pouvoir réglementaire “interne“ d’organisation des services : CE, Sect., 7 février 1936,
Jamart, GAJA.

B. Le développement du pouvoir réglementaires des autorités réglementaires secondaires

En dépit de l’unicité du pouvoir réglementaire, d’autres autorités publiques peuvent se voir


confier le pouvoir réglementaire dans les limites de leurs champs de compétences. Très
souvent, cet aménagement résulte de la volonté du législateur. Toutefois, l’exercice de ces
autorités est limité. Les collectivités territoriales et les autorités administratives
indépendantes sont des exemples des autorités qui exercent le pouvoir réglementaire limité
voire spécialisé.

1. Les CT

Dans le premier cas, l’article 72,3 de la Constitution la libre administration des collectivités
territoriales : « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent
librement par des conseils élus… ». Ainsi, les autorités locales (le maire et le préfet) peuvent
prendre des mesures tendant à régler les situations dans leurs collectivités respectives.
Cependant, l’exercice est soumis au respect de la loi. Ici, le pouvoir règlementaire n’existe
que pour l’exercice des compétences des collectivités territoriales dont la relève du
domaine de la loi d’après l’article 34 de la constitution. Le pouvoir réglementaire des
collectivités territoriales est toujours exercé en application ou à l’exécution de la loi, d’où
c’est un pouvoir subordonné. Le caractère subordonné du pouvoir réglementaire des Ct a
été rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2002, ‘’ loi relative à la Corse.
Par ailleurs, si le pouvoir règlementaire des CT est bien une garantie à l’exercice de leurs
compétences, il est également précaire. Cette précarité apparaît lorsqu’il est confronté au pouvoir
règlementaire national d’exécution de la loi. En effet, l’article 21 de la Constitution donne en principe
au Premier ministre la compétence pour prendre des décrets d’exécution ou d’application de la loi.
Cette position est partagée par Louis Favoreu (Cahiers du CFCP, oct. 1983, n° 13, p. XIV) qui oppose le
pouvoir réglementaire des autorités locales au pouvoir réservé. En effet, considéré comme un
pouvoir résiduel, le pouvoir réglementaire des autorités locales est en effet un pouvoir « susceptible
d’être envahi progressivement. Même dans l’hypothèse où la loi renvoyait aux autorités territoriales
le soin de déterminer ses conditions d’application, rien n’empêcherait le pouvoir réglementaire
national d’intervenir.

2. Pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes (AAI)

Créées au début des années 70, les AAI sont chargées de la mise en œuvre de la régulation
économique et financière. Elles découlent de la volonté du législateur qui décide de déléguer
quelques missions à des institutions autonomes. La Commission nationale de l’informatique
et des libertés (CNIL) est la première AAI mise en place en 1978 en charge de veiller à
l’utilisation et à la protection des données informatiques. D’un point de vue matériel, le
pouvoir réglementaire des AAI est limité à la régulation économique.

De la même manière, l’exercice de leurs missions est juridiquement limité. En effet, selon les
termes de Jean-Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d’Etat, les AAI représentent une
exception à l’article 20 de la Constitution, selon lequel le gouvernement dispose de
l’administration (voir Audition par le Comité parlementaire d’évaluation des politiques
publiques sur les AAI, février 2010). Le pouvoir réglementaire des AAI ne doivent en aucune
circonstance empiéter ou concurrencer le pouvoir réglementaire reconnu au Premier
ministre en vertu de l’article 21 de la Constitution. La jurisprudence constitutionnelle défend
également le pouvoir limité du pouvoir réglementaire des AAI (Décision du Conseil
constitutionnel, loi sur le Conseil supérieur de l’audiovisuel de 1986). Ainsi, les AAI ne
peuvent pas agir après que le pouvoir réglementaire national ait déjà intervenu. En outre,
dans son rapport sur les AAI publié en 2001, le Conseil d’Etat affirme sans équivoque que le
pouvoir réglementaire confié aux AAI est étroitement spécialisé et subordonné. C’est un
pouvoir qui relève par nature d’un pouvoir réglementaire d’application de de la loi, et en
aucun cas d’un pouvoir réglementaire autonome.

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