PDF of L Epouse de Cristo Ravelli Indompable Milliardaire 1 1St Edition Lynne Graham Full Chapter Ebook
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1.
* * *
— Je les déteste ! s’écria Belle, son joli visage froissé par la colère. Je
déteste tous les Ravelli !
— Dans ce cas, il te faudrait haïr tes frères et sœurs, lui rappela sa grand-
mère. Et je sais que ce n’est pas le cas.
Non sans difficulté, Belle domina sa mauvaise humeur et dévisagea sa
grand-mère d’un air penaud. Isa Kelly était une femme menue aux cheveux gris
foncé et aux yeux vert profond — les mêmes que les siens.
— Ce maudit avocat n’a pas répondu à la lettre de maman concernant les
frais de scolarité, maugréa-t-elle. Je ne vois pas pourquoi nous devrions les
supplier pour ce qui nous revient de droit.
— C’est désagréable, concéda Isa avec un hochement de tête. Mais le seul
responsable de cette situation, c’est Gaetano Ravelli…
— Comme si je risquais de l’oublier !
Bouillonnant de rage, Belle bondit de son fauteuil et arpenta la pièce. Elle
s’arrêta enfin devant la fenêtre qui donnait sur le minuscule jardin à l’arrière de
la maison.
Non, elle n’oublierait jamais le nom de Gaetano Ravelli. C’était à cause de
lui que les autres enfants s’étaient moqués d’elle à l’école, ironisant sur la
relation illégitime de sa mère avec le célèbre milliardaire. La plupart des
habitants du village s’étaient offusqués d’une attitude aussi libérale. Mary avait
été mise au ban de la communauté, et Belle forcée de partager le fardeau de
celle-ci. Belle était née d’une précédente union, mais elle avait accepté le nouvel
amour de sa mère. Et elle s’était occupée avec dévouement de ses cinq demi-
frères et sœurs.
— Il est mort, maintenant, lui rappela Isa avec son équanimité habituelle. Et
malheureusement, ta mère aussi.
Un élancement douloureux perça le cœur de Belle. Cela ne faisait qu’un
mois que Mary avait succombé à une crise cardiaque mais elle ne s’était toujours
pas habituée à son absence. La chaleur et l’affection de sa mère lui manquaient.
Son médecin l’avait bien mise en garde après avoir détecté une faiblesse
cardiaque, mais qui pouvait s’imaginer qu’elle partirait si jeune, à quarante ans à
peine ?
Quoi qu’aient pu en dire les habitants du village — et nombreux étaient ceux
qui avaient, d’une façon ou d’une autre, jalousé Mary Brophy — sa mère avait
été une femme généreuse, travailleuse, toujours disponible quand on avait besoin
d’elle. Certains de ses détracteurs les plus virulents s’étaient même laissé séduire
par ses qualités et étaient devenus de bons amis.
Comme s’il avait perçu la tension qui régnait dans la pièce, Tag s’agita aux
pieds de Belle. La jeune femme se baissa machinalement pour gratter le ventre
du jack russel noir et blanc qui la fixait de ses grands yeux bruns. Lorsqu’elle se
redressa, elle repoussa avec impatience une boucle qui lui tombait dans les yeux.
Elle avait besoin d’aller chez le coiffeur mais quand trouverait-elle le temps ?
Sans parler de l’argent, une denrée de plus en plus rare ces derniers temps…
La loge de gardien de Mayhill House, au moins, leur appartenait. Gaetano
l’avait cédée à sa mère des années plus tôt pour lui donner une illusion de
sécurité. Même si Belle peinait à payer les factures, c’était mieux que de ne rien
avoir du tout. Mais il lui faudrait sans doute vendre la maisonnette et trouver un
logement plus petit et moins cher, une tâche qui s’annonçait ardue. Elle allait
devoir se battre bec et ongles pour protéger ses cinq demi-frères et sœurs, trop
jeunes pour revendiquer la part d’héritage qui leur revenait de droit.
— Il faut que tu me laisses m’occuper des enfants, reprit Isa. Mary était ma
fille, ce n’est pas à toi de payer le prix de ses erreurs.
— Non. Ce serait trop dur pour toi.
Sa grand-mère avait beau être en pleine santé et solide comme un chêne, elle
n’en avait pas moins soixante-dix ans. Belle se voyait mal lui abandonner une
telle responsabilité.
— Tu es délibérément partie faire des études loin d’ici pour fuir la situation
dans laquelle ta mère s’était mise, lui rappela Isa. Tu voulais aller à Londres sitôt
ton diplôme en poche…
— On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Les enfants ont perdu
leurs deux parents en l’espace de quelques mois, ils ont besoin de stabilité. Je ne
peux pas me permettre de disparaître.
— Bruno et Donetta sont en pension, ce n’est donc pas un problème hors
périodes de vacances, insista sa grand-mère. Les jumeaux sont en primaire. Il
n’y a que Franco à la maison, parce qu’il a deux ans, mais il partira lui aussi
bientôt à l’école. Ils peuvent se passer de toi.
Peu après la mort de sa mère, Belle s’était autorisé le même raisonnement.
Devoir s’occuper de cinq enfants était la dernière chose qu’elle voulait et dont
elle se sentait capable… Lorsque sa grand-mère avait généreusement proposé de
prendre les choses en main, Belle avait songé à accepter. Mais c’était avant de
constater par elle-même l’énergie que requéraient ses frères et sœurs. A vingt-
trois ans, Belle avait déjà du mal à s’en sortir. Sa grand-mère ne tiendrait pas six
mois ! Belle ne pouvait décemment pas se défiler. Elle se devait d’être présente
pour sa famille.
Les deux femmes sursautèrent en entendant frapper énergiquement à la
porte. Qui pouvait bien leur rendre visite ? Belle alla ouvrir et se détendit
immédiatement lorsqu’elle vit qu’il s’agissait de son vieil ami d’enfance Mark
Petrie.
— Oh ! c’est toi. Entre. Tu veux un café ?
— Avec plaisir.
— Comment vas-tu, Mark ? demanda Isa en embrassant le jeune homme.
— Très bien. C’est pour votre petite-fille que je m’inquiète, répondit
l’intéressé.
Il posa sur Belle un regard chaleureux, empreint d’une réelle admiration
pour elle, puis enchaîna :
— J’ai surpris une conversation téléphonique de mon père, ce matin.
D’après ce que j’ai compris, il parlait à quelqu’un de la famille de Gaetano
Ravelli. Son fils Cristo, sans doute.
Belle se crispa instinctivement à la mention de ces noms. Puis elle se
composa une mine aimable pour demander :
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Cristo est l’exécuteur testamentaire de Gaetano. Mon père répondait à des
questions sur ta mère. De manière erronée, puisqu’il n’est pas au courant de son
décès. Il rendait visite à mon oncle en Australie quand c’est arrivé, et personne
n’a pris la peine de lui annoncer la nouvelle depuis son retour.
— Ton père et ma mère n’étaient pas exactement amis, lui rappela Belle en
s’assombrissant. Pas étonnant que personne ne l’ait prévenu.
De fait, une franche hostilité avait toujours régné entre Daniel Petrie, le
régisseur de Mayhill House, et Mary Brophy, la gouvernante. Cela n’était un
mystère pour personne.
Belle se représenta Cristo, le célèbre et séduisant financier, l’homme qui ne
souriait jamais. Elle avait fait tant de recherches sur les Ravelli au fil des années,
dans l’espoir de répondre aux questions que sa mère n’osait pas poser à Gaetano,
qu’elle avait l’impression de les connaître intimement. Elle savait en tout cas que
Gaetano était un bourreau des cœurs, un séducteur impénitent qui enchaînait les
maîtresses et, surtout, qui n’épousait que des femmes richissimes. Mary n’avait
jamais eu la moindre chance de le voir officialiser leur liaison — ce qui ne
l’avait jamais empêchée de continuer à espérer.
— Bref, reprit Mark, ce que j’ai compris en entendant leur discussion, c’est
que Cristo veut faire adopter tes frères et sœurs.
Belle le dévisagea, muette de stupéfaction.
— Les faire adopter ? balbutia-t-elle d’une voix rauque.
— Il veut enterrer toute l’affaire, confirma Mark avec une grimace. C’est le
meilleur moyen pour lui de la faire disparaître.
— Mais ce sont des enfants ! Une famille ! Il ne peut pas les séparer juste
parce qu’il en a envie !
Mark s’agita sur son siège, visiblement mal à l’aise. Puis il se racla la gorge
et demanda :
— Es-tu le tuteur légal des enfants ?
— Qui d’autre pourrait l’être ? interrogea la jeune femme.
— Mais est-ce écrit noir sur blanc sur un document officiel ?
Belle resta silencieuse. Fallait-il un document officiel pour cela ? En ce cas,
elle n’en avait jamais pris connaissance.
— Non, c’est ce que je craignais, reprit Mark en réponse au regard dérouté
de Belle. Tu devrais aller voir un avocat et rassembler tous les moyens à ta
disposition pour réclamer la tutelle des enfants. Sans quoi ce sont les Ravelli qui
auront le dernier mot, que ça te plaise ou non.
— C’est complètement ridicule ! Gaetano ne s’est jamais occupé des enfants
même quand il était là !
— La loi est la loi. Il a payé leur scolarité et a donné la loge à ta mère,
énuméra Mark avec le bon sens d’un étudiant en droit. C’était peut-être un piètre
père mais il a pris soin de l’essentiel. Cristo a sans doute plus de droits sur eux
que tu n’en as toi-même.
— Mais Gaetano ne les a pas inclus dans son testament ! fit valoir Belle,
désespérée.
— Ça ne change rien. Pas aux yeux de la loi.
La jeune femme se laissa tomber dans le fauteuil le plus proche, atterrée.
— L’adoption… C’est complètement dément. Ils n’auraient pas osé faire une
chose pareille du vivant de ma mère.
— Malheureusement, Mary n’avait pris aucune disposition pour éviter cela,
murmura Isa. Mais en tant que grand-mère des enfants, n’ai-je pas mon mot à
dire ?
Mark secoua la tête, la mine grave.
— J’en doute. Les enfants n’avaient jamais vécu avec vous avant le décès de
votre fille.
— Je pourrais peut-être me faire passer pour ma mère ? suggéra soudain
Belle.
Isa se tourna vers elle, éberluée.
— Ne sois pas ridicule, Belle.
— Pourquoi pas ? Cristo Ravelli ne sait pas qu’elle est morte. Il réfléchira à
deux fois avant de faire adopter les enfants s’il s’imagine qu’ils ont une mère.
— Tu n’as pas l’air d’une femme de quarante ans, fit valoir Mark.
Belle le dévisagea, songeuse. Son esprit tournait à cent à l’heure.
— Je n’ai pas besoin de ressembler à une femme de quarante ans. Ravelli ne
connaît sûrement pas l’âge exact de maman. Je dois juste le persuader que je
pourrais avoir un fils de quinze ans.
— Non, c’est perdu d’avance, intervint Isa. Ravelli va te démasquer.
— Comment ? Qui va le lui dire ? Il n’aura aucune raison de douter de mon
identité. Et je suis sûre qu’un type tel que lui a mieux à faire que d’aller poser
des questions aux gens du village. Je me maquillerai un peu plus et je mettrai les
vêtements de Mary.
Mais sa détermination ne parut pas convaincre Mark. Le regard qu’il posait
sur elle, en cet instant, était bienveillant, mais sans illusions.
— Belle, je sais que tu n’as peur de rien… Mais réfléchis à ce que tu
suggères.
La porte de la cuisine s’ouvrit au même instant sur un bambin de deux ans à
l’épaisse tignasse noire. Il tituba vers Belle en suçant son pouce et prit appui de
tout son poids contre sa jambe. Puis il grimpa sur les genoux de sa sœur et
marmonna :
— Sommeil… Câlin…
Attendrie, Belle serra Franco dans ses bras. Il se blottit contre elle avec un
soupir d’aise, les yeux mi-clos.
— Je vais le monter dans sa chambre, murmura-t-elle. C’est l’heure de sa
sieste.
Après avoir mis Franco au lit, Belle s’attarda quelques instants pour étudier
la vue depuis la fenêtre de la chambre qu’ils partageaient. Non loin de là,
Mayhill House dressait sa silhouette élégante sur une colline dominant des
hectares de bois et de prairies. Belle avait huit ans quand sa mère, veuve depuis
peu, avait commencé à travailler comme gouvernante pour Gaetano Ravelli.
Belle n’avait jamais pleuré la disparition de son père, un homme aussi
violent physiquement que verbalement et porté sur la boisson. Il avait été
renversé par une voiture un soir de beuverie. Mère et fille avaient cru qu’une
nouvelle vie s’offrait à elles quand Mary avait été embauchée à Mayhill.
Malheureusement, Mary était presque aussitôt tombée amoureuse de son
employeur. La naissance de leur premier fils, Bruno, avait fait d’elle une paria
dans le village.
Cristo Ravelli ignorait sans doute tout de la vie des gens normaux — de
leurs peurs, de leurs rêves, de leurs combats. Belle le savait à force de s’être
secrètement renseignée sur lui. La nature l’avait fait beau comme un dieu, le
destin l’avait fait riche à milliards. Il avait grandi avec une cuillère d’argent dans
la bouche, fils d’une princesse italienne, élevé par son beau-père — un banquier
hongrois — dans un palais vénitien. Il était sorti des écoles qu’il avait
fréquentées, les plus prestigieuses bien sûr, avec les honneurs. La vie lui avait
toujours souri. Il ne savait pas ce que c’était que d’être humilié, rabaissé, et
n’avait jamais eu à rougir de ses parents.
Bruno, pour sa part, n’avait pas eu cette chance. Gaetano l’avait suspecté
d’être homosexuel lorsque, à l’âge de treize ans, il avait manifesté ses premières
inclinations artistiques. Le petit frère de Belle, alors si désireux d’impressionner
le monstre qui lui servait de père, avait été profondément ébranlé. A tel point
qu’il avait fait une tentative de suicide. Belle avait mal au ventre chaque fois
qu’elle y pensait. Oui, Bruno et les autres avaient besoin d’elle. Elle ne les
laisserait pas tomber.
Mark prenait congé lorsqu’elle redescendit enfin, quelques minutes plus
tard.
— Tu ne songes pas sérieusement à te faire passer pour ta mère, n’est-ce
pas ? lui demanda-t-il depuis le seuil.
Belle redressa le menton, déterminée.
— Si c’est le seul moyen de protéger ma famille, je le ferai sans hésiter.
* * *
* * *
* * *
Cristo était au téléphone quand le carillon résonna dans les pièces vides de
Mayhill. Il alla ouvrir, prêt à congédier l’importun, lorsqu’une rousse perchée sur
des hauts talons le dépassa en coup de vent. La gouvernante ? Si c’était le cas,
elle ne ressemblait pas du tout à l’idée qu’il s’en était faite !
Il mit fin à son appel et observa la visiteuse. Sa silhouette longiligne et ses
courbes parfaites lui rappelèrent quelque chose. Etait-ce elle qu’il avait vue un
peu plus tôt sur la pelouse ?
Il étudia son visage. Elle avait des yeux d’un vert étonnant, presque perdus
sous une couche de maquillage appliqué à la truelle. Ses lèvres étaient d’un rose
vif et vulgaire — mais étonnamment, ce détail ne le rebuta pas. Au contraire, il
fut soudain tenté d’y mordre comme dans un fruit mûr. Cette fille n’était
pourtant pas son genre. Jolie, certes, mais trop rousse, trop sensuelle… sans
distinction. Cristo avait appris à ses dépens qu’il n’était attiré que par les blondes
glaciales et sophistiquées.
Aussitôt son cœur se serra lorsqu’il pensa à sa précédente maîtresse. Il se
l’était depuis longtemps interdit et délibérément il reporta son regard sur les
seins voluptueux de la nouvelle venue.
Belle supporta cet examen sans tressaillir, tristement habituée à l’effet que sa
poitrine généreuse provoquait sur les hommes. A la différence des autres,
pourtant, Cristo paraissait la regarder sans vraiment la voir, comme s’il était
ailleurs, et elle en profita pour le détailler à son tour. Selon les standards en
vigueur, il avait un physique proche de la perfection. Ses cheveux et ses yeux —
du même noir de jais — lui donnaient l’allure d’un ange déchu. Il émanait de son
visage une douceur envoûtante, malgré ses traits anguleux et l’éclat déterminé de
son regard. Mal rasé, la mâchoire puissante, il paraissait incroyablement viril —
même si sa bouche pleine lui apportait une touche de sensualité. Enfin, il était
très grand, carré d’épaules. Du haut de son mètre soixante-dix, Belle n’avait
jamais eu l’impression d’être une petite chose fragile — jusqu’à aujourd’hui.
Elle détourna les yeux, soudain troublée par Cristo. Le fait de le regarder
provoquait d’étranges frissons au creux de son estomac. Simple effet de la
nervosité, songea-t-elle. Après tout, elle s’apprêtait à relever un énorme défi. Il
était normal qu’elle se sente intimidée.
— Je vais porter tout ça dans la cuisine et commencer à préparer le dîner,
marmonna-t-elle, désignant les sacs qu’elle tenait.
Cristo eut du mal à ne pas laisser son regard dériver de nouveau vers les
seins de la jeune femme, qui semblaient palpiter sous le tissu de son chemisier.
— Vous êtes la gouvernante de mon père ? demanda-t-il, médusé par cette
femme qui ressemblait si peu à la matrone gironde qu’il avait imaginée.
Avec un soupir, Belle déposa ses courses.
— Oui, confirma-t-elle en redressant le menton. Je suis Mary Brophy.
Un mélange de stupeur et d’incrédulité envahit Cristo Ravelli. Il eut grand-
peine à conserver son expression impassible, et parvint tout juste à articuler :
— Vous êtes… la maîtresse de mon père ?
Belle se mordit la lèvre, hésitante. Elle voyait mal comment décrire
autrement le rôle pour le moins controversé que sa mère avait occupé dans la vie
de Gaetano Ravelli. Elle acquiesça, les joues en feu.
— Oui.
Cristo, occupé à la déshabiller du regard quelques secondes plus tôt, eut un
mouvement de recul. L’idée d’avoir désiré la même femme que son père le
révoltait. C’était… inapproprié.
Une chose était sûre, il comprenait à présent comment elle était parvenue à
conserver l’intérêt de Gaetano, un homme connu pour son caractère volage. Il
était évident que Mary Brophy prenait grand soin d’elle-même. Même après
avoir donné naissance à cinq enfants, elle avait une silhouette de jeune fille. Et
sous le maquillage qu’elle avait appliqué sans discernement, il devinait une peau
diaphane et sans rides. Non, elle ne ressemblait pas du tout à l’image qu’il s’était
faite d’elle.
— Vous étiez aussi sa gouvernante ?
— Oui.
L’air déterminé, Belle se pencha pour ramasser ses sacs.
— Si l’interrogatoire est terminé, est-ce qu’une omelette et une salade vous
conviennent ?
Elle se dirigea vers la cuisine sans attendre sa réponse. Cristo lui emboîta le
pas, se demandant toujours comment elle avait pu avoir cinq enfants. Cinq !
— Vous avez dû rencontrer mon père très jeune, observa-t-il depuis le seuil.
Belle, occupée à ranger les denrées périssables dans le réfrigérateur, se
raidit.
— Pas tant que ça, répondit-elle évasivement.
Elle aurait voulu lui dire de se mêler de ses affaires mais elle redoutait de le
vexer. Après tout, elle n’avait pas intérêt à s’en faire un ennemi si elle voulait
protéger sa fratrie.
— Je pensais que vous habiteriez dans la maison, reprit-il au même moment.
— Je… j’y vivais quand Gaetano était là, improvisa Belle.
— Et le reste du temps ? Je sais que mon père ne venait que trois ou quatre
fois par an, et qu’il ne restait jamais plus de quinze jours.
— J’habite la loge à l’entrée du domaine, lui apprit la jeune femme,
déposant une laitue et des œufs sur le plan de travail.
La nouvelle déplut à Cristo. Elle allait devoir déménager, car il ne pouvait
pas vendre Mayhill tant que la loge était habitée. Mais le moment était peut-être
mal choisi pour le lui annoncer.
Elle avait entrepris de casser des œufs avec une concentration presque
comique, et il en profita pour la détailler. Ses cheveux passaient du roux à l’or en
fonction de l’éclairage et des mouvements de sa tête. Leurs boucles formaient un
halo autour de son visage, qui était d’une incroyable beauté. Cristo se demanda
pourquoi elle éprouvait le besoin de le tartiner d’une telle couche de maquillage.
Elle devait être plus vieille qu’elle n’en avait l’air, supposa-t-il, pour être la mère
d’un adolescent. Peut-être Gaetano lui avait-il offert quelques séances de
chirurgie esthétique ?
Belle, pendant ce temps-là, sortit le pain à l’ail de son emballage et le mit au
four. Pourquoi ce type ne la laissait-il pas travailler en paix ? Sa présence la
troublait et la rendait gauche et hésitante.
Elle se mit à fouiller dans les placards, à la recherche des ustensiles dont elle
avait besoin. Elle était rarement venue dans la demeure de Mayhill et connaissait
mal l’endroit. Lorsque Gaetano venait en visite, Mary emmenait ses enfants chez
leur grand-mère, au village, afin de se préparer à sa guise à la venue de l’homme
qu’elle adulait !
Avec un pincement au cœur, Belle se remémora l’excitation qui précédait les
séjours du milliardaire — la façon dont sa mère se mettait à faire de l’exercice,
ses rendez-vous chez l’esthéticienne et chez le coiffeur. Témoin de ce spectacle
avilissant, Belle s’était juré que jamais elle ne dépendrait d’un homme. Mary
avait fait preuve d’une dévotion aveugle envers Gaetano — mais qu’avait-elle
gagné en échange ?
Elle lava rapidement la salade, toujours plongée dans ses souvenirs, puis
prépara la vinaigrette préférée de sa mère, tentant de se rappeler les proportions
de chaque ingrédient. Cristo avait disparu et ce fut avec un soupir de
soulagement qu’elle entreprit de mettre la table dans le salon.
Dieu merci, il avait accepté sans sourciller sa fausse identité. Daniel Petrie,
le régisseur, finirait bien par apprendre que Mary Brophy était morte mais Belle
était sûre qu’il garderait le secret. Il aurait l’air ridicule de dévoiler à Cristo son
ignorance de la situation — et serait trop honteux d’avouer qu’il l’avait mal
informé !
Rassurée par ces considérations, elle se pencha sur le fourneau à gaz et tenta
d’en comprendre le fonctionnement — un mystère pour une étudiante habituée à
cuisiner sur une unique plaque électrique.
* * *
Lorsqu’il avisa le dîner disposé devant lui, Cristo sentit son appétit
s’envoler. Avec une moue dubitative, il piqua dans son omelette du bout de sa
fourchette. Elle avait la consistance d’un vieux matelas, la souplesse en moins.
La salade qui l’accompagnait nageait dans l’huile et le pain à l’ail était
carbonisé, même si la cuisinière avait fait un effort louable pour en ôter les
morceaux les plus calcinés. Elle n’était pas douée, c’était sûr, mais il supposait
que ce n’était pas le genre de talent que son père avait recherché chez ses
maîtresses.
Il repoussa son assiette avec un soupir et se leva. Il n’avait aucune envie
d’être là, à devoir gérer les conséquences des frasques de son père. Mais il savait
qu’il n’avait pas le choix. Il devait cependant gérer le problème que
représentaient Mary Brophy et sa marmaille. Si ce n’était pas lui, qui s’en
occuperait ?
Belle fouillait dans un placard à linge du premier étage lorsqu’elle entendit
du bruit derrière elle. Elle se retourna et fixa avec étonnement un homme appuyé
contre la rambarde de l’escalier. Il semblait assez jeune, et pourtant, il avait une
carrure si massive que Belle en fut presque effrayée.
— Voilà donc où vous cachez les draps, observa-t-il.
— Qui… qui êtes-vous ?
— Rafe est l’un de mes gardes du corps, expliqua Cristo, émergeant à son
tour de l’escalier. John et lui veillent à ma sécurité. Ils vont résider ici.
— Rassurez-vous, intervint le dénommé Rafe en s’approchant pour regarder
dans le placard, nous allons nous débrouiller.
Avec un haussement d’épaules, Belle prit les draps qu’elle destinait à Cristo
Ravelli et se dirigea vers la chambre principale. Alors qu’elle s’éloignait, elle
sentit le regard du propriétaire des lieux lui brûler le dos. Pourquoi diable la
fixait-il ainsi ? Et pourquoi ne lui avait-il pas dit qu’il était accompagné ? Elle
n’avait pas acheté de quoi manger pour trois. Ce qui lui faisait penser que leur
visiteur lui devait de l’argent.
Elle déposa les draps sur le lit et tira le ticket de caisse de sa poche. Elle ne
fut pas surprise, en se retournant, de voir que Cristo l’avait suivie.
— Voici ce que vous me devez, annonça-t-elle.
Tout en regardant autour de lui d’un air réprobateur, il prit son portefeuille
dans sa veste et en sortit un billet qu’il lui tendit.
— C’est la chambre de mon père ? demanda-t-il avec un froncement de nez.
— Oui.
— Je dormirai dans une autre pièce si vous voulez bien. Cette décoration de
bordel victorien n’est pas trop mon genre.
Belle était la première à reconnaître que le décor, avec ses épaisses draperies
et ses couleurs sombres, avait quelque chose de vulgaire… et de sinistre. Elle
récupéra les draps et conduisit Cristo dans l’une des nombreuses chambres de la
maison. La décoration n’était pas beaucoup plus sobre, et commençait à se
défraîchir — la propriété tout entière avait bien besoin d’être rénovée.
— Quand j’ai parlé de bordel victorien, fit son compagnon depuis la fenêtre
où il s’était posté, j’espère que je ne vous ai pas insultée.
— Pas le moins du monde. Je ne suis pas responsable des choix esthétiques
de Mayhill. Gaetano a engagé un décorateur il y a dix ans, avec le résultat que
vous voyez.
Belle se rappelait encore à quel point sa mère avait été blessée de ne pas se
voir confier cette tâche. Le résultat aurait sans doute été pire encore — Mary
Brophy adorait le rose dans toutes les déclinaisons possibles.
Cristo étudia Belle à la dérobée pendant qu’elle faisait le lit. Elle avait des
fesses parfaites, des seins magnifiques, un visage d’une délicatesse étonnante.
De nouveau, son propre corps réagit de manière embarrassante. Aussitôt, il
détourna le regard en tentant de dissiper les marques de son désir. Il refusait de
se laisser charmer par la même femme que son père mais était-ce sa faute si elle
était si séduisante ? Il n’était pas fait de pierre.
Tout en s’affairant, Belle jeta un regard discret en direction de Cristo. Son
détachement et son air de supériorité méprisante n’auguraient rien de bon. Elle
regretta soudain d’avoir accepté ce rôle de gouvernante, qui la mettait par
définition en position d’infériorité.
Elle secoua la couette avec plus de force que nécessaire, puis se rendit dans
la salle de bains pour y disposer des serviettes fraîches. Malgré sa mine
dédaigneuse, Cristo était un très bel homme — elle devait en convenir. Elle
n’était pas insensible au magnétisme de ses yeux noirs comme l’onyx, et à la
sensualité de ses lèvres pleines… Elle aimait également la manière dont il
bougeait — avec virilité et distinction. Sans s’en rendre compte, Belle imagina le
torse nu de Cristo et tenta de se rappeler le détail de ses mains. Au creux de ses
cuisses, elle sentit son sexe palpiter, et ses seins se tendirent, comme sous l’effet
de caresses. Il était impossible de se méprendre sur la nature de cette réaction :
elle le désirait. Pas consciemment, pas intentionnellement, mais de façon
instinctive. Devait-elle en déduire qu’elle ne valait guère mieux que sa mère ?
Etait-ce l’effet que Gaetano avait produit sur Mary ?
— J’aimerais vous voir demain matin pour discuter de certains détails,
déclara Cristo quand elle ressortit de la salle de bains. 10 heures, cela vous
conviendrait ?
Belle se contenta d’acquiescer, puis demanda :
— Quand voulez-vous rencontrer les enfants ?
A cette question, les traits du milliardaire se durcirent.
— Je ne veux pas les rencontrer, déclara-t-il d’une voix glaciale.
Belle pâlit, se demandant comment interpréter sa réponse. Son absence totale
d’intérêt pour sa famille était-elle inquiétante ou au contraire encourageante ?
Elle pouvait signifier que cette histoire d’adoption n’était qu’une rumeur
infondée. Ou, au contraire, qu’il l’envisageait sérieusement…
Belle scruta son visage, atterrée par la réserve glaciale et le manque
d’humanité de son regard. Comment pouvait-il à ce point se moquer de ses
demi-frères et sœurs ? La plupart des gens auraient accepté de les rencontrer, ne
serait-ce que par politesse. Apparemment, Cristo Ravelli ne se sentait pas tenu
par ce genre d’obligation.
Le vague mépris qu’elle éprouvait pour lui se transforma en animosité,
soudaine et brutale. Les enfants de Mary Brophy, c’était évident, n’étaient pas
dignes de la famille Ravelli. Pourquoi s’en étonner, quand Mary elle-même
n’avait jamais été considérée autrement que comme la maîtresse de Gaetano ? Sa
gorge se serra et elle prit congé abruptement, prétextant son ménage à terminer.
Elle descendit l’escalier quatre à quatre et s’activa à débarrasser les restes du
repas de Cristo. Elle espérait que celui-ci ne lui demanderait pas de revenir
cuisiner pour lui. Mais elle eut bientôt la certitude qu’il n’en ferait rien quand
elle ouvrit la poubelle et y trouva son dîner. Son visage s’enflamma sous le coup
de l’humiliation. Elle se reprit pourtant bien vite. Quel goujat ! Tant pis si
l’omelette ne lui avait pas plu. Il ne méritait pas mieux. Et il était temps pour elle
de rentrer, de fuir ce lieu détestable !
Tremblant sous l’effet de ses émotions conflictuelles, elle enfila son
manteau, monta en voiture et reprit le chemin de la loge. Quel gâchis…
Comment sa mère avait-elle pu consacrer sa vie à un mufle tel que Gaetano ? Il
lui avait confié à plusieurs reprises qu’il était malheureux avec sa femme et
Mary s’était imaginé qu’il finirait par divorcer pour l’épouser. Non seulement il
n’avait jamais divorcé, mais il était de notoriété publique qu’il avait une
maîtresse dans chaque port. Belle avait eu beau montrer divers articles dénichés
sur internet à sa mère, cette dernière avait toujours trouvé des excuses à son
amant.
— Tu ne comprends pas, Belle. Il ne peut pas quitter sa femme, j’ai fini par
l’accepter. D’abord, c’est une princesse de je ne sais quel pays du Moyen-Orient,
et ce serait très mal vu pour elle. Et je sais que si Gaetano n’est pas amoureux
d’elle, ils sont quand même amis. Il ne l’a épousée que parce qu’il avait besoin
de quelqu’un à son bras, d’une hôtesse pour recevoir ses amis de la haute
société. Je ne pourrais jamais la remplacer, je me suis fait une raison. Mais c’est
moi qu’il aime.
Mary était tombée amoureuse de Gaetano dès l’instant où elle avait posé les
yeux sur lui et, depuis ce jour, n’avait jamais prêté l’oreille à la moindre critique
le concernant. Sa mort, de manière bien compréhensible, lui avait brisé le cœur.
— Il n’était pas parfait, j’en ai bien conscience, avait-elle confié à sa fille.
Mais quand tu aimes quelqu’un, Belle, tu l’aimes tel qu’il est, avec ses qualités
et ses défauts. J’ai déjà eu de la chance qu’un tel homme s’intéresse à une
femme comme moi.
Une femme comme moi… Mariée précipitamment à dix-sept ans, veuve
moins de dix ans plus tard, Mary était presque aussitôt devenue la maîtresse d’un
homme marié — l’une de ses maîtresses, plus exactement. La vie n’avait pas été
tendre avec elle. Mais comme ne manquait pas de le rappeler Isa, Mary avait fait
les mauvais choix. Personne ne lui avait forcé la main.
Lorsqu’elle ouvrit la porte de la loge, sa grand-mère l’attendait.
— Alors ? Il a gobé que tu avais quarante ans ?
— Je n’ai pas essayé de lui faire croire que j’avais quarante ans, juste que
j’avais un fils de quinze ans. Apparemment, il ne l’a pas mis en doute. Il m’a
demandé de revenir demain à 10 heures. Je suppose qu’il veut parler de l’avenir
des enfants.
Isa laissa échapper un soupir de dépit.
— J’ai un mauvais pressentiment, Belle. L’honnêteté est toujours la
meilleure stratégie.
— A ceci près que Cristo Ravelli n’est pas un homme bon et honnête.
— Tu détestais Gaetano, mais il est inutile de faire payer son fils.
Belle pinça les lèvres, irritée par ces conseils qu’elle n’avait pas sollicités.
— Il ne veut même pas rencontrer les enfants !
— La faute en incombe à ta mère. Si seulement elle avait réfléchi aux
conséquences de ses actions, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
* * *
Cristo dormit mal. Il rêva qu’il poursuivait une femme aux jambes
interminables sur la lande embrumée. Chaque fois qu’il allait la rattraper, elle lui
échappait avec un éclat de rire cristallin. Sa résistance ne faisait qu’exciter son
ardeur, un désir explosif lui emplissait le corps. Il parvint enfin à la saisir mais,
lorsqu’elle se retourna, il s’agissait d’une autre — une blonde aux grands yeux
bleus inquisiteurs. Il la relâcha dans un mouvement de dégoût.
Il se réveilla en sueur, le cœur lourd de culpabilité. La femme blonde, c’était
Betsy, la femme de Nik. Même en rêve, elle le narguait. Le ventre noué, Cristo
bondit de son lit et alla prendre une douche.
Il resta un long moment immobile sous le jet d’eau, assailli par un flot de
souvenirs. Il n’avait jamais eu l’intention de briser le mariage de son frère. Betsy
était simplement venue se confier à lui, bouleversée par des révélations que Zarif
lui avait faites. Le hic, c’était que Zarif tenait ces révélations de Cristo lui-même.
Il avait beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il savait qu’il était
responsable de l’échec de la relation de Nik et de sa femme. Cristo avait trahi la
confiance de son frère. Mais tout cela résultait d’un enchevêtrement de
quiproquos et de maladresses. Il n’avait jamais eu l’intention de séduire Betsy.
Comme chaque fois qu’il se sentait coupable, Cristo ne put s’empêcher de
dresser la liste de ses erreurs. Oui, il avait pensé que Nik ne méritait pas une
femme telle que Betsy. Et oui, il avait assisté à la lente dissolution de son
mariage sans lever le petit doigt. Pour couronner le tout, sa loyauté était allée à
Betsy, pas à son frère.
Voilà pourquoi il lui incombait de régler le problème que leur avait légué
leur père. Nik avait déjà bien assez à faire et Zarif, quant à lui, souffrait toujours
des retombées de son indiscrétion. Comment s’étonner, après cela, que les trois
frères ne se fussent pas parlé depuis une éternité ?
* * *
— Ça fait très mémère, observa Isa le lendemain matin, quand elle découvrit
la tenue de Belle. Ce sont les affaires de ta mère ?
— Oui. J’en ai gardé quelques-unes en souvenir. La jupe est un peu grande
mais avec la ceinture, ça passe.
— On ne peut pas en dire autant de ce vieux gilet, de ce collier de perles et
de cette chemise, maugréa Isa. Tu ressembles à une jeune femme déguisée en
vieille dame.
— C’est parce que tu connais mon âge. Cristo va me voir en plein jour et je
dois faire attention à ce genre de détail si je ne veux pas me trahir.
— Rassure-toi, même la lumière du jour ne pourrait pas pénétrer une telle
couche de maquillage ! Mais tu as raison sur un point : ça te vieillit.
— Je sais bien que Cristo s’apercevra tôt ou tard de la supercherie.
L’essentiel, c’est que je parvienne à le faire renoncer à cette idée d’adoption
avant que ça n’arrive.
— S’il est comme son père, il sera très en colère quand il s’apercevra que tu
lui as menti.
— Tant pis. Je survivrai.
— Justement, j’en doute. Tu ne pèses pas lourd face à son pouvoir et à sa
fortune.
Belle quitta la loge d’humeur massacrante pour se diriger vers sa voiture,
titubant sur ses hauts talons. Elle n’était pas si vulnérable que sa grand-mère le
croyait. D’accord, elle n’avait pas le sou. Mais elle était sans doute aussi rusée
que Cristo Ravelli — n’avait-elle pas un doctorat en économie ? Et puis, elle
bénéficiait de l’effet de surprise. Cristo pensait qu’elle était Mary Brophy, ce qui
lui donnerait un avantage dans leur duel à venir. Car c’était bien d’un combat
qu’il s’agissait. Contrairement à sa mère, Belle n’avait pas l’intention de faire le
dos rond avec les Ravelli.
Cristo la vit approcher de Mayhill depuis une fenêtre du salon. Elle était
vêtue de manière moins provocante que la veille mais, même à distance, il
ressentit de nouveau le désir insensé de la veille. Il le réprima aussitôt, serrant les
poings dans ses poches — comme s’il était prêt à batailler avec lui-même.
D’accord, elle était attirante. Et alors ? Les maîtresses de son père l’avaient
toujours été, à l’inverse de ses épouses, plus communes. Gaetano avait fait
passer la classe sociale et la richesse avant l’apparence toutes les fois qu’il s’était
agi de se marier.
Cristo soupira, se demandant combien il lui faudrait dépenser pour
convaincre Mary Brophy d’accepter son plan. Tout le monde avait un prix, il le
savait. De plus, Gaetano n’avait pas été généreux avec sa maîtresse puisqu’il
n’avait pris aucune disposition à son égard. Et puis, elle ne devait pas être
particulièrement maligne pour avoir laissé un homme lui faire cinq enfants sans
rien exiger en retour. Non, il n’attendait pas vraiment de résistance de sa part.
Un sentiment de miséricorde dont il n’était pas coutumier l’envahit. Nul
besoin de sortir tout son arsenal de guerre pour vaincre Mary Brophy. Il résolut
de lui imposer son plan avec le plus de douceur et de diplomatie possible.
Avec un peu de chance, elle reconnaîtrait bien vite que sa solution était dans
l’intérêt de tout le monde.
3.
* * *
* * *
* * *
Lorsqu’il arriva sur la plage, Cristo eut le plaisir de voir Belle décontractée
pour la première fois. La brise soulevait sa lourde chevelure rousse et plaquait
son T-shirt contre son corps, soulignant la perfection de ses formes. Elle faisait
une démonstration de ricochets, au grand ravissement du petit garçon qui s’était
accroché à la jambe de Cristo la veille. Son roquet courait autour d’elle en
aboyant frénétiquement.
Le jack russell ne tarda pas à le repérer et se mit à lui foncer dessus, tous
crocs dehors. Mais cette fois, Cristo ne comptait pas se laisser impressionner. Il
s’approcha de l’animal et prit son air le plus autoritaire.
— Couché ! cria-t-il.
Tag tressaillit et roula aussitôt sur le dos, les quatre pattes en l’air, une
expression terrorisée dans ses yeux noirs.
— Ce n’était pas la peine de lui hurler dessus ! protesta Belle en courant
auprès de l’animal. Regardez, vous lui avez fait peur. Il est très sensible.
— Moi aussi je suis sensible : aux morsures, par exemple !
Le petit garçon, pendant ce temps-là, s’était pendu au bras de Cristo.
— Monsieur !
Cristo se figea, se demandant tout à coup s’il était capable de mettre son plan
à exécution sans risquer de devenir fou. Il ne connaissait rien aux enfants, il ne
savait pas comment une famille normale fonctionnait — et il n’avait pas
particulièrement envie d’apprendre.
Belle le dévisageait d’un air intrigué, son charmant minois empreint d’une
expression presque timide. Dans la lumière de la mi-journée, ses yeux étaient
d’un vert pastel. Sa beauté balaya les derniers doutes de Cristo.
— C’est ma grand-mère qui vous a dit où j’étais, je suppose ? lui demanda-t-
elle.
— Pourquoi, je n’ai pas le droit de venir me promener sur la plage ?
Belle dévisagea Cristo. Que faisait-il ici ? Sa présence était incongrue et ne
lui inspirait pas particulièrement confiance… même s’il lui parut extrêmement
séduisant. L’air matinal lui donnait bonne mine. Elle ne l’avait jamais vu qu’en
costume, tiré à quatre épingles, mais sa silhouette athlétique indiquait clairement
qu’il ne passait pas sa vie derrière un bureau. Ses épaules étaient larges, sa taille
étroite et ses cuisses puissantes. Il était manifestement sportif, et Belle se plut à
l’imaginer courir sur la plage dans une tenue appropriée. Elle se morigéna et
reporta son attention sur les souliers vernis et couverts de sable du milliardaire.
— Ça m’étonnerait que vous soyez venu vous promener dans une telle
tenue, dit-elle d’un ton grinçant.
Cristo secoua la tête.
— Non, en effet.
L’heure n’était pas aux badineries. Il baissa la tête et observa le bambin qui
s’accrochait à lui. Il est en manque d’affection masculine, avait dit Belle la
veille. Pour une fois, c’était un concept qu’il comprenait parfaitement. Jamais
Gaetano ne lui avait manifesté la moindre affection quand il était enfant, jamais
il ne l’avait touché ou ne lui avait adressé un mot gentil.
— Nous devons parler, déclara-t-il laconiquement.
— Tout ce que nous avions à nous dire, nous nous le sommes dit la nuit
dernière.
Puis Belle tourna les talons et s’éloigna, la main tendue vers son petit frère.
— Franco ! On rentre à la maison.
— Non ! protesta fermement le bambin.
Il s’était désormais agrippé au pantalon de Cristo d’un poing ferme,
entravant ses mouvements. Le milliardaire retint de justesse un soupir exaspéré
et s’avança tant bien que mal à la suite de Belle.
— J’ai mis Mayhill sur le marché ! lança-t-il, s’adressant à son dos.
La jeune femme s’arrêta, saisie d’une panique irrépressible à la perspective
de se retrouver à la rue. Il n’y avait évidemment pas la place d’entasser cinq
enfants dans le studio qu’occupait Isa au village. Elle tourna son regard vers la
mer mais le bruit du ressac ne parvint pas à calmer ses nerfs.
— Ça n’aurait pas pu attendre quelques semaines ? demanda-t-elle en se
retournant, le regard flamboyant.
Cristo la rejoignit enfin, Franco toujours accroché à son pantalon.
— Non. Je veux vendre le plus vite possible, afin que le secret de Gaetano
ne soit pas éventé.
— Et nous ? demanda Belle, qui sentait la colère lui monter au nez. Que
sommes-nous censés faire ? Ça prend du temps de se reloger.
— Vous aurez au moins un mois pour trouver quelque chose, répondit Cristo
d’un air distrait.
Tout en parlant, il étudiait sans vergogne la façon dont le T-shirt de Belle
moulait ses seins, lesquels pointaient sous l’effet de la fraîcheur matinale. Une
érection malvenue fit enfler son sexe et il inspira profondément pour reprendre le
contrôle de son corps.
— Un mois, ce n’est pas assez ! Bruno et Donetta vont bientôt revenir de
pension pour les vacances d’été. Cinq enfants, ça prend de la place ! Et ce sont
aussi vos frères et sœurs, même si vous faites semblant de l’ignorer !
— Je ne l’ignore pas. C’est pour ça que je suis venu vous proposer un
marché. Nous allons nous marier.
— P-Pardon ?
— Vous allez m’épouser, ce qui permettra aux enfants d’avoir un foyer.
Pour la première fois de sa vie, Cristo se demanda s’il savait ce qu’il était en
train de faire. Dans les affaires, il avait pris des décisions audacieuses… qui lui
avaient toujours réussi. Mais concernant sa vie personnelle, c’était autre chose !
Peut-être était-il en train de faire une erreur monumentale. L’expression ahurie
de Belle ne fit que renforcer son malaise.
— Vous épouser ? répéta-t-elle. Vous avez perdu la tête ?
— Vous avez dit que vous vouliez que vos frères et sœurs bénéficient du
nom et du style de vie des Ravelli. C’est ce qui se passera si nous nous marions
et que je les adopte.
Belle fit un pas en arrière, l’air consterné et presque effrayé.
— Vous êtes en train de vous jouer de moi, n’est-ce pas ?
— Non. Pourquoi plaisanterais-je sur un sujet pareil ?
— Qu’est-ce que j’en sais ? Hier, vous pensiez qu’il était raisonnable de
suggérer à une mère de faire adopter ses enfants ! Maintenant vous revenez avec
cette proposition ahurissante !
— Réfléchissez, Belle. Je suis sérieux. Et je vous garantis qu’en vous
proposant cela, je ne fais que penser au bien de nos familles respectives.
Belle, sous le choc, ne savait pas comment réagir. Devait-elle tourner les
talons et refuser de lui parler sans son avocat ? Etait-il fou ou machiavélique ?
Ou devait-elle considérer cette proposition de mariage arrangé — qui serait un
sacrifice pour tous deux, mais garantirait la sérénité et la prospérité de leurs
familles ? Un rayon de soleil perça les nuages et vint caresser le visage de Cristo.
Sous ses airs durs et ténébreux, elle voyait une certaine douceur. De nouveau,
Belle se représenta un ange déchu. Il avait des yeux remarquables, noir et or —
fiers et tendres à la fois. Belle fut prise de vertiges… Elle eut de nouveau du mal
à respirer.
— Je suis un homme pratique, enchaîna-t-il. Un mariage résoudrait tous nos
problèmes. Vous savez que je ne veux pas d’un procès. Je souhaite éviter que la
nouvelle de la double vie de Gaetano se répande. Tout ce que vous aurez à faire,
c’est de promettre de ne jamais parler des parents des enfants. Je ne vous
demande pas de mentir, juste de ne rien dire si l’on ne vous demande rien. Aux
yeux du monde, vous aurez adopté vos frères et sœurs orphelins — et vous aurez
fait un beau mariage avec l’un des héritiers Ravelli. Les enfants de Mary et
Gaetano ne manqueront de rien. Jamais.
Belle inspira profondément pour s’éclaircir les idées — en vain. Une brume
épaisse l’empêchait d’aligner deux pensées cohérentes.
— Je n’arrive pas à croire que vous suggériez une chose pareille.
— Vous ne m’avez pas laissé le choix, n’est-ce pas ? Vous êtes prête à
trouver un arrangement financier en dehors des tribunaux ?
— Non, répondit Belle sans hésiter.
— Dans ce cas, nous n’avons pas d’autre option que de nous marier, n’est-ce
pas ?
— Cette idée est ridicule.
— Pourquoi ? Ça répond à toutes vos exigences.
Belle secoua vigoureusement la tête.
— Mes exigences pour mes frères et sœurs ne vont tout de même pas jusqu’à
m’obliger à me marier avec… avec vous !
Elle avait prononcé ces mots avec un mépris si évident que Cristo ne put
s’empêcher de se sentir offensé. C’était la première fois qu’il demandait une
femme en mariage et, même s’il s’agissait d’une alliance de pure forme, la
réaction de Belle avait de quoi le vexer. Sans prétention, il se savait séduisant,
riche, et très recherché par toutes les croqueuses de diamants du monde entier.
Alors pourquoi cette fille faisait-elle la fine bouche ?
— J-je dois rentrer, dit Belle en balbutiant. Je ne manquerai pas de réfléchir
à votre proposition.
Le ton de Belle se voulait ironique, mais Cristo fit mine de l’ignorer. Et son
agacement était tel qu’il ne résista pas à poursuivre, du ton le plus mordant qu’il
pouvait :
— Pas de problème, prenez votre temps. Au fait, il est important de préciser
que je veux un vrai mariage.
— Un vrai mariage ?
Belle se figea. Qu’était-il en train de lui dire ? Il n’avait tout de même pas
l’outrecuidance de… Une telle grossièreté la souffla littéralement.
— Vous me demandez de… de coucher avec vous ? murmura-t-elle, la voix
étouffée par la colère.
— Bien sûr, murmura Cristo d’un air nonchalant, comme s’il s’agissait de la
chose la plus naturelle du monde. Sachez que je n’ai pas la moindre intention
d’imiter mon père et de prendre des maîtresses. Je serai un mari exemplaire. En
retour, j’attends de ma femme qu’elle me soit fidèle. Je veux que nous soyons un
modèle de stabilité pour les enfants. Ça les changera.
Belle fit tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas perdre contenance. Les
propos de Cristo lui semblaient si indécents qu’elle ne parvenait pas encore à les
intégrer totalement. Cette situation la mettait en rage, mais l’embarrassait tout
autant. A tort ou à raison, Mary Brophy avait eu l’image d’une femme dissolue,
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The young man listened to Cope’s words, frowning a little, the
blood slowly mounting into his cheeks.
“They seem determined to make as much trouble for me as
possible,” he said. “I have a feeling that Hutchinson doesn’t like me
too much, and there is another individual in town who is doing his
prettiest to stir things up. Benton King is the chap I mean. He has
sent for a photograph of Paul Hazelton.”
“Has he? Well, what d’ye think o’ that? See here, Bent’s ruther
smashed on the parson’s daughter. You ain’t been cuttin’ in on his
preserves, have ye?”
“I scarcely know the girl,” answered Locke; but the flush in his
cheeks deepened. “Mr. Cope, consider that I’ve been in this town
only a few days.”
“I know that, but some o’ you baseball fellers are pretty swift with
the gals. They generally git their pick in towns like this, for the gals
go smashed on ’em right off. Still, Janet Harting ain’t just that kind;
she’s a fine little lady, and she wouldn’t pick up with no stranger in a
hurry, whether he played baseball or not.”
“I’d scarcely fancy her foolish or forward. She appears to be a very
nice girl, indeed.”
“They don’t grow none better, boy. She’s all right, though her
father’d put an everlastin’ end to baseball, if he could have his way.
You’re dead sure this man Riley ain’t got nothin’ on ye?”
“I’m practically sure of it. He’s bluffing, Mr. Cope, and he’ll lay
down when he finds he can’t drive you.”
There was something in the way this was said, however, that left a
vague uneasiness in the grocer’s mind. “Practically sure,” he
muttered, as he sat on the bleachers, scarcely paying any attention
to the run of the game. “Why ain’t he dead sure? It’s mighty odd that
he should be at all onsartin on that p’int.”
CHAPTER XXVII
THE ITEM IN THE NEWS
It was characteristic of the man reading the letter that he did not
show his rage by flushing. His nose, however, became a livid, sickly
white, and his thin lips were pressed somewhat more closely
together, causing his mouth to resemble a straight, colorless scar.
His face was that of a most dangerous man who would strike at an
enemy’s back in the dark.
There were other paragraphs that Hutchinson read without
skipping a line: