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Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de

plus en plus exposées


Anne Lambert, Laetitia Langlois
Dans Population & Sociétés 2022/4 (N° 599), pages 1 à 4
Éditions Ined Éditions
ISSN 0184-7783
DOI 10.3917/popsoc.599.0001

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-4-page-1.htm
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Attribution - Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).
Numéro 599
Avril 2022

Population & Sociétés


Horaires atypiques de travail : les femmes
peu qualifiées de plus en plus exposées
Anne Lambert* et Laetitia Langlois*

Les horaires atypiques de travail, tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche, ont
progressé ces dernières décennies suite aux lois favorisant la modulation du temps de travail et
étendant le recours dérogatoire au travail dominical. Quelles catégories socioprofessionnelles
ont été les plus touchées par cette évolution ? Les femmes ont-elles été affectées de la même
façon que les hommes ?

Les inégalités sur le marché du travail ont longtemps été exami- les horaires décalés dans la journée (le soir, la nuit, tôt le
nées au travers des seules questions du statut d’emploi, du salaire matin) et dans la semaine (le week-end). La mesure de ces
et de la durée du travail. La répartition des heures et jours de horaires varie selon les réglementations nationales et les
travail dans la semaine soulève également d’importants défis conventions statistiques (voir annexe en ligne [7]). Un salarié
pour les familles et la santé des salariés [1, 2, 3]. Si la « journée est dit en horaires atypiques ici s’il déclare travailler habituel-
de bureau » s’est progressivement imposée comme la norme de lement selon au moins l’une des modalités suivantes : tôt le
référence au cours du XXe siècle, les horaires standards sont matin (5h-7h), tard le soir (20h-0h), la nuit (0h-5h), le samedi,
numériquement en recul. En 2019, 37 % des salariés de l’Union le dimanche. Sont ainsi exclus les salariés qui travaillent
européenne travaillent ainsi habituellement en horaires non occasionnellement en horaires atypiques pour ne retenir que
standards, c’est-à-dire le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche. les expositions les plus fréquentes, susceptibles d’avoir des
Plusieurs évolutions ont favorisé le développement des horaires répercussions importantes dans la sphère familiale.
atypiques de travail : l’essor de l’économie numérique et du
Horaires atypiques de travail :
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travail à la demande, aussi appelée « ubérisation » de l’économie ;
le vieillissement de la population et la hausse des besoins en une stabilité en trompe-l’œil
matière de soins aux personnes âgées ; les changements dans les entre 2013 et 2019
modes de vie et de consommation ; la dérégulation du temps En France métropolitaine, en 2019, 36 % des salariés travaillent
de travail. En France, alors que les règles régissant la durée du habituellement en horaires atypiques. Cette fréquence, qui situe
travail sont fixées par le Code du travail, une série de lois récentes la France dans la moyenne européenne, apparaît stable au cours
a favorisé la modulation du temps de travail par accord d’entre- de la dernière décennie. Toutefois, tandis que le travail du soir
prise et étendu le recours dérogatoire au travail dominical. Ces et de nuit a légèrement reculé entre 2013 et 2019, le travail du
transformations économiques et juridiques s’accompagnent- samedi, du dimanche et du matin (de 5h à 7h) a augmenté pour
elles d’une progression des horaires atypiques de travail et, si certaines catégories de salariés qui apparaissent plus exposées
oui, pour quels types d’activités et groupes de salariés ? (figure 1). Les femmes sont désormais proportionnellement plus
nombreuses que les hommes à travailler avec des horaires aty-
Qu’entend-on par horaires piques même si elles n’effectuent pas les mêmes types d’horaires.
atypiques de travail ? Elles travaillent plus souvent le samedi et le dimanche, et la part
Au sens strict, les horaires atypiques de travail désignent les de femmes exposées à ce type d’horaires a augmenté au cours
jours et horaires de travail non conventionnels, c’est-à-dire de la dernière décennie contrairement à celle des hommes. Ces
derniers restent proportionnellement plus nombreux à travailler
tôt le matin, le soir et surtout la nuit, mais leur exposition aux
* Institut national d’études démographiques. horaires atypiques tend à se réduire sur la période.

numéro 599 • avril 2022 • Population & Sociétés • bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques www.ined.fr
Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées

cours de la dernière décennie pour les plus qualifiées alors qu’elle


Figure 1. Fréquence des horaires atypiques
de travail selon le sexe et l’année augmente au contraire pour celles qui le sont le moins. La part
40
% des femmes cadres en horaires atypiques diminue de 23 % entre
37 37
35
36
35 2013 et 2019 tandis qu’elle augmente de 11 % pour les ouvrières
30 29 29 non qualifiées, catégorie qui subit la plus forte dégradation. Chez
25 23 22 les hommes, la polarisation sociale des horaires de travail est
20 19 19
16
moins marquée. La part des cadres en horaires atypiques dimi-
15 15
15
12 13
14
12 12
11
14
nue de 14 % entre 2013 et 2019, tandis que celle des ouvriers non
10 9 8
qualifiés stagne.
5 4
5
L’association entre les horaires atypiques et le sexe varie selon la
0
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité comme le
Ma�n (5h-7h) Soir (20h-0h) Nuit (0h-5h) Samedi Dimanche Ensemble des
horaires non confirme un modèle de régression logistique (voir annexe en
standards
2013 2019
ligne [7]). Si les employés sont en moyenne plus susceptibles de
A. Lambert et L. Langlois, Population & Sociétés, n° 599, INED, avril 2022. travailler en horaires atypiques que les cadres, être une femme
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré).
dans cette catégorie attenue le risque d’exposition. Employées
Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine. qualifiées, les femmes exercent en effet plus souvent dans les
Note : les pourcentages sont arrondis à l’unité.
bureaux que leurs homologues masculins, qui sont surreprésentés
dans les emplois de pompier, police, armée, agent de sécurité, où
D’importantes différences existent également selon la catégorie les horaires atypiques sont répandus. De même, les ouvriers non
socioprofessionnelle des salariés et les écarts entre groupes qualifiés sont plus susceptibles de travailler en horaires atypiques
sociaux se creusent sur la période (figure 2). En 2019 comme en que les cadres mais, cette fois, être une femme renforce le risque
2013, les horaires atypiques sont plus fréquents parmi les salariés d’exposition à des horaires atypiques : les ouvrières non qualifiées
peu qualifiés. En 2019, un cadre sur six travaille habituellement travaillent fréquemment comme agentes d’entretien tandis que
en horaires atypiques contre près de la moitié des ouvriers et les hommes de cette catégorie sont plus souvent manœuvres dans
plus de la moitié des employés non qualifiés, catégorie la plus le bâtiment et les travaux publics (BTP) où les heures diurnes et
exposée. Au sein de ce groupe, quatre salariés sur dix travaillent en semaine sont plus fréquentes.
habituellement le samedi et un quart le dimanche. Mais entre
2013 et 2019, l’exposition aux horaires atypiques a diminué de Des contraintes temporelles qui se cumulent
18 % chez les cadres tandis qu’elle stagnait ou augmentait pour pour les moins qualifiées
les autres salariés. La nature des emplois (plus souvent télétra- En matière de temps de travail, les horaires atypiques peuvent
vaillables) et le statut d’activité (CDI) ont pu constituer pour les se combiner avec d’autres formes de contraintes temporelles [5].
cadres des facteurs favorables à la mise en œuvre d’accords Parmi ces dernières, les horaires irréguliers (variables d’un jour
d’entreprises visant à favoriser la conciliation des temps de vie, à l’autre), les journées discontinues (périodes de travail séparées
promue de longue date par l’Union européenne [4]. d’au moins 3h) et les horaires imprévisibles (connus un jour à
En croisant la catégorie socioprofessionnelle et le sexe pour tenir l’avance ou moins) sont susceptibles d’affecter le bien-être et
compte de la ségrégation sexuée du marché du travail, il apparaît l’organisation familiale des salariés [6]. Les salariés habituelle-
que l’exposition des femmes aux horaires atypiques se réduit au ment en horaires atypiques sont davantage concernés par ces
contraintes temporelles que les salariés en horaires convention-
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Figure 2. Part des salariés en horaires atypiques nels : en 2019, 35 % des salariés travaillant habituellement en
de travail par catégorie socioprofessionnelle, horaires atypiques ont également des horaires variables (contre
sexe et année 24 % des autres salariés), 12 % ne connaissent pas leurs horaires
%
70
65 de travail à l’avance (contre 8 % des autres salariés) et 9 %
60
5960
60 57
55 effectuent des journées de travail discontinues (contre 3 % des
52
50 4949
46
49
autres salariés).
43
40 3837
3635 3737 La proportion de salariés en horaires atypiques concernés par
30
30
27 28
29
2827 ces autres formes de contraintes temporelles varie toutefois selon
20 17
23
18
le sexe et la catégorie socioprofessionnelle (tableau et figure 3).
15

10
En bas de l’échelle sociale, les ouvrières et employées non qua-
lifiées font plus souvent face à des journées discontinues et des
0
HommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmes
Cadres et Professions Employés Employés non Ouvriers qualifiés Ouvriers non
HommesFemmes
Ensemble
horaires imprévisibles, dans des proportions identiques ou
professions intermédiaires qualifiés qualifiés
intellectuelles
supérieures
qualifiés
supérieures aux hommes de leur catégorie : elles sont parmi les
2013 2019 plus exposées. Au contraire, les femmes qualifiées (cadres, et
A. Lambert et L. Langlois, Population & Sociétés, n° 599, INED, avril 2022. dans une moindre mesure professions intermédiaires et
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré). employées qualifiées) apparaissent moins touchées par ces
Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine.
Note : les pourcentages sont arrondis à l’unité.
contraintes et sont toujours plus protégées que les hommes de
leur catégorie.

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Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées

En outre, comme pour les horaires atypiques, ces contraintes Tableau. Fréquence des contraintes temporelles
temporelles tendent à se réduire pour les plus qualifiés au cours chez les salariés ayant des horaires atypiques,
de la dernière décennie, en particulier pour les femmes, alors par catégorie socioprofessionnelle et sexe,
2019 (%)
qu’elles connaissent des évolutions contrastées pour les moins
qualifiées (figure 3). Chez les cadres en horaires atypiques, la part Contrainte temporelle
Catégorie socio-
Journée discontinue Horaires imprévisibles
de femmes exposées aux horaires imprévisibles et aux journées professionnelle
Hommes Femmes Hommes Femmes
discontinues diminue respectivement de – 58 % et – 49 % entre
Cadres et PIS* 7,8 4,9 15,5 6,8
2013 et 2019, la plus forte baisse observée. Au contraire, les Professions 6,4 4,5 7,2 4,4
employées non qualifiées sont de plus en plus exposées aux intermédiaires
horaires imprévisibles (+ 18 %), tandis que les ouvrières non Employés qualifiés 4,6 1,6 7,2 6,9
qualifiées en horaires atypiques ont moins de journées disconti- Employés 16,6 16,1 10,0 10,3
non qualifiés
nues mais toujours autant d’horaires imprévisibles. Ouvriers qualifiés 8,0 6,2 23,5 17,2
Ouvriers 5,1 11,2 12,4 12,4
Les différents régimes temporels de travail non qualifiés
Quatre groupes de salariés se distinguent si on utilise une analyse Ensemble 8,1 10,3 14,8 8,9
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré).
des correspondances multiples pour appréhender la manière Note* : professions intellectuelles supérieures
dont s’articulent les différentes contraintes temporelles (voir Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine déclarant travailler
habituellement en horaires atypiques.
annexe en ligne [7]). Le premier groupe, qui réunit 58 % des Lecture : En 2019, 7,8 % des hommes cadres et professions intellectuelles supérieures
salariés, correspond aux personnes ayant « des horaires standards déclarant travailler habituellement en horaires atypiques ont des journées de travail
discontinues.
de travail ou très faiblement atypiques ». La majorité d’entre
elles travaillent entre 35h et 39h par semaine, en journée, même de trois fois plus que l’ensemble des salariés, et près d’un quart
si un salarié sur dix exerce habituellement le samedi. En outre, travaille entre 40h et 44h par semaine, contre un sixième de l’en-
83 % travaillent tous les jours aux mêmes horaires (contre 64 % semble des salariés. En outre, la moitié travaille souvent ou tous
de l’ensemble des salariés), de sorte que les horaires sont connus les jours au-delà de l’horaire prévu (contre un quart des salariés
longtemps à l’avance. Les cadres et les professions intermédiaires en moyenne) et déclare avoir des horaires variables d’un jour à
sont surreprésentés dans ce groupe, ainsi que les employées l’autre. Enfin, les horaires atypiques concernent surtout la soirée
qualifiées (employées administratives d’entreprise et secrétaires et sont occasionnels. Au sein de ce groupe majoritairement com-
notamment) ; 49 % sont diplômés du supérieur (contre 44 % de posé d’hommes qualifiés en milieu de carrière (40-49 ans), les
l’ensemble des salariés), rappelant le rôle protecteur du diplôme cadres sont surreprésentés, de même que les salariés du secteur
dans l’exposition aux contraintes temporelles. public (27 % contre 23 % de l’ensemble des salariés).
Les autres groupes rassemblent des personnes ayant différents Le troisième groupe, qui correspond aux « petits temps frag-
types d’horaires atypiques, en fonction de leur fréquence et de la mentés et horaires imprévisibles » et rassemble 18 % des salariés,
manière dont ils se cumulent avec les autres contraintes tempo- est majoritairement féminin et peu qualifié. Près de la moitié
relles. Dans le deuxième groupe, celui du « surtravail et horaires des personnes de ce groupe travaille moins de 35h par semaine
débordants », qui rassemble 12 % de l’ensemble des salariés, deux (contre un cinquième de l’ensemble des salariés) et une sur
personnes sur cinq travaillent plus de 44h par semaine, soit près quatre a des journées de travail fragmentées (contre 5 % de

Figure 3. Salariés exposés à des journées discontinues et des horaires imprévisibles


parmi ceux ayant des horaires atypiques, par catégorie socioprofessionnelle, sexe et année
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Journée discon�nue Horaires imprévisibles
Cadres et PIS* femmes Cadres et PIS* femmes
20 20
15 15
Employés non qualifiés Employées non qualifiées Employés non qualifiés Employées non qualifiées
hommes 10 femmes hommes 10 femmes
5 5
0 0

Ouvriers non qualifiés Ouvrières non qualifiées Ouvriers non qualifiés Ouvrières non qualifiées
hommes femmes hommes femmes

Cadres et PIS* hommes Cadres et PIS* hommes

2013 2019 2013 2019


A. Lambert et L. Langlois, Population & Sociétés, n° 599, INED, avril 2022.
Lecture : La part de femmes cadres et professions intellectuelles supérieures
exposées aux horaires imprévisibles de travail est passée de 16 % en 2013 à 7 % en 2019.
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré).
Note* : professions intellectuelles supérieures
Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine déclarant travailler habituellement en horaires atypiques.
Lecture : En 2019, 7,8 % des hommes cadres et professions intellectuelles supérieures déclarant travailler habituellement en horaires atypiques ont des
journées de travail discontinues (voir tableau).

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Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées

L’exacerbation des différences sociales en matière d’horaires de


Encadré. L’enquête Conditions de Travail de la Dares
travail, en particulier chez les femmes, semble résulter de la
Créée en 1978, l’enquête Conditions de Travail de la Dares (voir annexe conjonction de deux phénomènes. D’un côté, les politiques de
en ligne [7]) constitue la principale source d’informations sur l’organi-
conciliation du travail et de la famille mises en œuvre dans les
sation et les rythmes de travail en France. Afin de décrire l’exposition
des salariés aux horaires atypiques, nous utilisons le volet « individus »
grandes entreprises depuis le milieu des années 2000 ont pu
des enquêtes Conditions de Travail 2013 et 2019, qui posent des contribuer à améliorer les conditions de travail des plus qualifiés,
questions identiques sur l’organisation du temps de travail et per- notamment des femmes, également ciblées par les dispositifs
mettent des comparaisons dans le temps. d’égalité professionnelle. D’un autre côté, les femmes peu qua-
lifiées sont surreprésentées dans les métiers du commerce et de
l’ensemble des salariés). Le travail du week-end y est le plus la distribution, où le travail dominical a progressé (vendeuse,
fréquent d’entre tous les groupes (64 % des salariés de ce groupe agent de nettoyage, ou personnel polyvalent qui se développe
travaillent habituellement le samedi et deux sur cinq le dimanche, avec l’automatisation des caisses), ainsi que dans les métiers du
soit trois fois plus que l’ensemble des salariés) et s’accompagne soin et des services à la personne (aide-soignante, aide à domicile,
d’horaires décalés en soirée, tôt le matin ou la nuit. En outre, la aide-ménagère), où les horaires atypiques sont structurels et peu
majorité ont des horaires variables, non modifiables et imprévi- sujets à amélioration.
sibles. C’est dans ce groupe que l’imprévisibilité est la plus forte
avec un salarié sur huit qui connaît ses horaires du jour au len- Références
demain. Les femmes (65 % des effectifs), les jeunes de 15 à 29 ans
et les moins diplômés sont surreprésentés dans ce groupe (la [1] Presser H. B., 2003, Working in a 24/7 economy: Challenges for
moitié n’a pas le bac). Disposant de statuts d’emploi moins American families, New-York, Russell Sage Foundation.
protecteurs (22 % sont en CDD, contre 15 % de l’ensemble des [2] Boulin J.‑Y., Lesnard L., 2016, Travail dominical, usages du
temps et vie sociale et familiale : une analyse à partir de l’enquête
salariés), ils et elles travaillent comme employées non qualifiées
Emploi du temps, Économie et Statistique, 486-487.
(aides à domicile, aides ménagères, aides-soignantes), ouvriers
[3] Täht K., Mills M., 2016, Out of time: The consequences of
non qualifiés (agents d’entretien), dans le secteur du commerce, non-standard employment schedules for family cohesion, Springer.
du transport, de l’hébergement et de la restauration. [4] Brochard D., Blond-Hanten C., Robert F., 2015, Les effets de
Enfin, le quatrième groupe, celui des « horaires alternants régu- l’invitation européenne à agir sur la conciliation emploi-famille :
liers », qui concerne 12 % des salariés, est lié au monde de l’usine une analyse comparée de la négociation collective en France et
(pour les hommes) et au secteur de la santé (pour les femmes). au Luxembourg, La Revue de l’Ires, 85-86, 99-143.
Ainsi, 45 % des personnes de ce groupe travaillent habituelle- [5] Létroublon C., Daniel C., 2018, Le travail en horaires atypiques :
ment la nuit, la plus forte proportion de tous les groupes. La quels salariés pour quelle organisation du temps de travail ?,
majorité travaille également régulièrement tôt le matin (80 %), Dares analyses, 30.
le soir (68 %) et le week-end (près de la moitié). L’importance [6] Bèque M., 2019, Conciliation difficile entre vie familiale et vie
professionnelle. Quels sont les salariés les plus concernés ?, Dares
des horaires atypiques dans ce groupe est liée à l’organisation
analyses, 45.
du travail en continu : 55 % ont des horaires alternants (contre
[7] Lambert A., Langlois L., 2022, Annexe sur les sources et les
8 % de l’ensemble des salariés), travaillant le plus souvent en illustrations, https://doi.org/10.34847/nkl.efafyj01.
équipe et contre-équipe afin d’assurer la production ininterrom-
pue d’un bien ou d’un service. Les employées qualifiées de la Résumé
santé constituent une part importante des effectifs de ce groupe
L’exposition aux horaires atypiques de travail se recompose au
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avec les ouvriers qualifiés des industries de process et de la
cours de la dernière décennie plus qu’elle ne se diffuse à
manutention. Les jeunes de 15-39 ans y sont également nom- l’ensemble des salariés. Ce sont les femmes peu qualifiées qui
breux, le travail de nuit diminuant en général avec l’âge. pâtissent le plus de la montée des horaires atypiques, en
*** particulier du travail habituel le samedi et le dimanche. À l’inverse,
les cadres connaissent une relative normalisation de leurs
L’exposition aux horaires atypiques de travail, loin d’être margi-
horaires de travail, avec un recul des horaires atypiques, mais
nale en France, se recompose au cours de la dernière décennie aussi des horaires imprévisibles et variables.
plus qu’elle ne se diffuse à l’ensemble des salariés. Ce sont les
femmes peu qualifiées qui pâtissent le plus de la montée des Mots-clés
horaires atypiques, en particulier du travail habituel le samedi et
le dimanche. À l’inverse, les cadres connaissent une relative nor- Horaires atypiques de travail, travail de nuit, travail dominical,
malisation de leurs horaires de travail, avec un recul des horaires dérégulation du temps de travail, catégories socioprofessionnelles,
genres, enquête Conditions de travail, France
atypiques, mais aussi des horaires imprévisibles et variables.

Ined : 9, cours des Humanités • CS 50004 • Numéro 599 • Avril 2022 • Population & Sociétés
93322 Aubervilliers Cedex • France DOI : 10.3917/popsoc.599.0001
Directrice de la publication : Magda Tomasini Bulletin mensuel d’information de l’Institut national
Rédacteur en chef : Gilles Pison d’études démographiques

Éditrice : Marie-Paule Reydet Retrouvez Population et Sociétés dès sa parution sur le


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