Popsoc 599 0001
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Les horaires atypiques de travail, tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche, ont
progressé ces dernières décennies suite aux lois favorisant la modulation du temps de travail et
étendant le recours dérogatoire au travail dominical. Quelles catégories socioprofessionnelles
ont été les plus touchées par cette évolution ? Les femmes ont-elles été affectées de la même
façon que les hommes ?
Les inégalités sur le marché du travail ont longtemps été exami- les horaires décalés dans la journée (le soir, la nuit, tôt le
nées au travers des seules questions du statut d’emploi, du salaire matin) et dans la semaine (le week-end). La mesure de ces
et de la durée du travail. La répartition des heures et jours de horaires varie selon les réglementations nationales et les
travail dans la semaine soulève également d’importants défis conventions statistiques (voir annexe en ligne [7]). Un salarié
pour les familles et la santé des salariés [1, 2, 3]. Si la « journée est dit en horaires atypiques ici s’il déclare travailler habituel-
de bureau » s’est progressivement imposée comme la norme de lement selon au moins l’une des modalités suivantes : tôt le
référence au cours du XXe siècle, les horaires standards sont matin (5h-7h), tard le soir (20h-0h), la nuit (0h-5h), le samedi,
numériquement en recul. En 2019, 37 % des salariés de l’Union le dimanche. Sont ainsi exclus les salariés qui travaillent
européenne travaillent ainsi habituellement en horaires non occasionnellement en horaires atypiques pour ne retenir que
standards, c’est-à-dire le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche. les expositions les plus fréquentes, susceptibles d’avoir des
Plusieurs évolutions ont favorisé le développement des horaires répercussions importantes dans la sphère familiale.
atypiques de travail : l’essor de l’économie numérique et du
Horaires atypiques de travail :
© Ined Éditions | Téléchargé le 01/06/2024 sur www.cairn.info (IP: 92.89.167.97)
numéro 599 • avril 2022 • Population & Sociétés • bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques www.ined.fr
Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées
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En bas de l’échelle sociale, les ouvrières et employées non qua-
lifiées font plus souvent face à des journées discontinues et des
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HommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmesHommesFemmes
Cadres et Professions Employés Employés non Ouvriers qualifiés Ouvriers non
HommesFemmes
Ensemble
horaires imprévisibles, dans des proportions identiques ou
professions intermédiaires qualifiés qualifiés
intellectuelles
supérieures
qualifiés
supérieures aux hommes de leur catégorie : elles sont parmi les
2013 2019 plus exposées. Au contraire, les femmes qualifiées (cadres, et
A. Lambert et L. Langlois, Population & Sociétés, n° 599, INED, avril 2022. dans une moindre mesure professions intermédiaires et
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré). employées qualifiées) apparaissent moins touchées par ces
Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine.
Note : les pourcentages sont arrondis à l’unité.
contraintes et sont toujours plus protégées que les hommes de
leur catégorie.
En outre, comme pour les horaires atypiques, ces contraintes Tableau. Fréquence des contraintes temporelles
temporelles tendent à se réduire pour les plus qualifiés au cours chez les salariés ayant des horaires atypiques,
de la dernière décennie, en particulier pour les femmes, alors par catégorie socioprofessionnelle et sexe,
2019 (%)
qu’elles connaissent des évolutions contrastées pour les moins
qualifiées (figure 3). Chez les cadres en horaires atypiques, la part Contrainte temporelle
Catégorie socio-
Journée discontinue Horaires imprévisibles
de femmes exposées aux horaires imprévisibles et aux journées professionnelle
Hommes Femmes Hommes Femmes
discontinues diminue respectivement de – 58 % et – 49 % entre
Cadres et PIS* 7,8 4,9 15,5 6,8
2013 et 2019, la plus forte baisse observée. Au contraire, les Professions 6,4 4,5 7,2 4,4
employées non qualifiées sont de plus en plus exposées aux intermédiaires
horaires imprévisibles (+ 18 %), tandis que les ouvrières non Employés qualifiés 4,6 1,6 7,2 6,9
qualifiées en horaires atypiques ont moins de journées disconti- Employés 16,6 16,1 10,0 10,3
non qualifiés
nues mais toujours autant d’horaires imprévisibles. Ouvriers qualifiés 8,0 6,2 23,5 17,2
Ouvriers 5,1 11,2 12,4 12,4
Les différents régimes temporels de travail non qualifiés
Quatre groupes de salariés se distinguent si on utilise une analyse Ensemble 8,1 10,3 14,8 8,9
Source : Enquête Conditions de Travail (voir encadré).
des correspondances multiples pour appréhender la manière Note* : professions intellectuelles supérieures
dont s’articulent les différentes contraintes temporelles (voir Champ : salariés de 15 à 64 ans en France métropolitaine déclarant travailler
habituellement en horaires atypiques.
annexe en ligne [7]). Le premier groupe, qui réunit 58 % des Lecture : En 2019, 7,8 % des hommes cadres et professions intellectuelles supérieures
salariés, correspond aux personnes ayant « des horaires standards déclarant travailler habituellement en horaires atypiques ont des journées de travail
discontinues.
de travail ou très faiblement atypiques ». La majorité d’entre
elles travaillent entre 35h et 39h par semaine, en journée, même de trois fois plus que l’ensemble des salariés, et près d’un quart
si un salarié sur dix exerce habituellement le samedi. En outre, travaille entre 40h et 44h par semaine, contre un sixième de l’en-
83 % travaillent tous les jours aux mêmes horaires (contre 64 % semble des salariés. En outre, la moitié travaille souvent ou tous
de l’ensemble des salariés), de sorte que les horaires sont connus les jours au-delà de l’horaire prévu (contre un quart des salariés
longtemps à l’avance. Les cadres et les professions intermédiaires en moyenne) et déclare avoir des horaires variables d’un jour à
sont surreprésentés dans ce groupe, ainsi que les employées l’autre. Enfin, les horaires atypiques concernent surtout la soirée
qualifiées (employées administratives d’entreprise et secrétaires et sont occasionnels. Au sein de ce groupe majoritairement com-
notamment) ; 49 % sont diplômés du supérieur (contre 44 % de posé d’hommes qualifiés en milieu de carrière (40-49 ans), les
l’ensemble des salariés), rappelant le rôle protecteur du diplôme cadres sont surreprésentés, de même que les salariés du secteur
dans l’exposition aux contraintes temporelles. public (27 % contre 23 % de l’ensemble des salariés).
Les autres groupes rassemblent des personnes ayant différents Le troisième groupe, qui correspond aux « petits temps frag-
types d’horaires atypiques, en fonction de leur fréquence et de la mentés et horaires imprévisibles » et rassemble 18 % des salariés,
manière dont ils se cumulent avec les autres contraintes tempo- est majoritairement féminin et peu qualifié. Près de la moitié
relles. Dans le deuxième groupe, celui du « surtravail et horaires des personnes de ce groupe travaille moins de 35h par semaine
débordants », qui rassemble 12 % de l’ensemble des salariés, deux (contre un cinquième de l’ensemble des salariés) et une sur
personnes sur cinq travaillent plus de 44h par semaine, soit près quatre a des journées de travail fragmentées (contre 5 % de
Ouvriers non qualifiés Ouvrières non qualifiées Ouvriers non qualifiés Ouvrières non qualifiées
hommes femmes hommes femmes
Ined : 9, cours des Humanités • CS 50004 • Numéro 599 • Avril 2022 • Population & Sociétés
93322 Aubervilliers Cedex • France DOI : 10.3917/popsoc.599.0001
Directrice de la publication : Magda Tomasini Bulletin mensuel d’information de l’Institut national
Rédacteur en chef : Gilles Pison d’études démographiques