Kemites Et Theories de La Malédiction de Cham

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MALEDICTION DE CHAM, RACISME ET KEMITISME

Introduction
Le kémitisme est un courant de pensée surtout développé dans les cercles africanistes et panafricanistes ; ce
courant est systématisé dans les milieux intellectuels tels que les universités et dans le cercle des adeptes des
croyances traditionalistes. Les réseaux sociaux contribuent aujourd’hui à véhiculer et à amplifier ce courant.

I. Le kémitisme : quel est-il ?

a) Le kémitisme : présenté comme l’exaltation de la noblesse et de la beauté africaine


Cette vision est défendue par Jean Philippe Omotundé, égyptologue et promoteur du kémitisme, dans son
dernier ouvrage intitulé : « Qu’est-ce qu’être Kamit(e) ». Selon lui, « Kem », « Kam » est à la base un verbe
signifiant « être noir », « devenir noir ». Dans un sens plus large, «Kam» signifie encore « mener à son terme », «
accomplir », « mener à bien », « la totalité de », « élever ».

A partir des définitions qui précèdent, Omotundé affirme que les ancêtres de l’Afrique n’avaient pas de
complexes à se désigner « noirs», du moins Kamit qui valorisait même leur couleur de peau.

Le terme Kamit lui-même renfermerait le principe de l’excellence, à savoir accomplir une chose et bien
l’accomplir. C’est dans ce sens-là qu’Omotundé définit le verbe « Kam » comme le fait de « devenir noir », mais
aussi « être « complet », « être excellent, parfait », « être beau ».

Le terme « kam » pourrait éveiller en nous l’allusion au passage biblique où un fils de Noé « Cham » regarde la
nudité de son père ivre de vin (Gn 9, 20-27) et qui est maudit ainsi que sa descendance par son père. De ce
passage des idéologues pervers et pervertis valident ainsi bibliquement l’esclavage et la négrophobie.
Désactivons rapidement une telle pensée dangereuse pour la fraternité universelle et rétablissons la vérité du
passage biblique.

b) Déconstruction du terme « cham » pour justifier le racisme


Deux auteurs nous suffisent pour contredire la thèse, qui veut faire des Noirs, un peuple maudit sur la base de
référence biblique.

Le premier auteur est Ibn Khaldoun, historien du XIIe siècle, issue d’une famille andalouse (sud de l’Espagne)
d’origine arabe. Ibn Khaldoun est considéré comme le « précurseur de la sociologie moderne ». Il atteste dans
son ouvrage Prolégomènes (Al Muqqadima en arabe) de la diffusion d’une exégèse négrophobe de la «
Malédiction (dite) de «Cham» : « Quelques généalogistes n’ayant aucune connaissance de l’histoire naturelle ont
prétendu que les Nègres, race descendue de Cham, fils de Noé, reçurent pour caractère distinctif la noirceur de la peau, par
suite de la malédiction dont leur ancêtre fut frappé par son père, et qui aurait eu pour résultat l’altération du teint de Cham et
l’asservissement de sa postérité. Mais la malédiction de Noé contre son fils Cham se trouve rapportée dans le Pentateuque,

1
et il n’y est fait aucune mention de la couleur noire. Noé déclare uniquement que les descendants de Cham seront esclaves
des enfants de ses frères. L’opinion de ceux qui ont donné à Cham ce teint noir montre le peu d’attention qu’ils faisaient à la
nature du chaud et du froid, et à l’influence que ces qualités exercent sur l’atmosphère et sur les animaux qui naissent dans
ce milieu »1.

Le second est l’un des chantres éminents du mouvement pour les droits civiques : Martin Luther King. Il affirme
publiquement dans un de ses discours : « Je comprends qu’il y a des chrétiens parmi vous qui tentent de justifier la
ségrégation sur la base de la Bible. Ils soutiennent que le Nègre est inférieur par nature à cause de la malédiction de Noé sur
les enfants de Cham. Oh mes amis, c’est un blasphème. Ceci est contre tout ce que la religion chrétienne signifie. Je dois
vous dire comme je l’ai dit à tant de chrétiens avant, que dans le Christ « il n’y a ni Juif ni Gentil, il n’y a ni esclave ni homme
libre, il n’y a ni homme ni femme, car nous sommes tous un en Christ Jésus »2.

Les termes étant ainsi clarifiés, revenons à l’Egypte antique qui est le berceau du kémitisme.

2. Le kémitisme : religion ou spiritualité ?


Nous prenons appui sur les points de vue de certains auteurs africains sur le kémitisme.

D’abord, les kémites vénèrent les divinités égyptiennes. Ils pratiquent la heka qui est la magie égyptienne.
Robert K. Ritner, traitant de la religion dans l’Egypte ancienne, écrit, au sujet de la magie, ce qui suit : « Toute
tentative pour comprendre le rôle et la fonction de la « magie » dans la religion égyptienne doit passer par l’examen de
l’origine de Heka et de sa situation comme force au sein des cycles mythologiques relatifs à la création. Ils suivent également
les lois de Maât ou l'ordre cosmique »3.

En outre, BonyGuiblehon, enseignant-chercheur au département d’anthropologie et de sociologie de


l’université de Bouaké et spécialiste des religions, définit le kémitisme comme un « mouvement spiritualiste qui
promeut le retour aux ‘sources’, c’est-à-dire aux valeurs et croyances ancestrales comme seules conditions pour la
renaissance de l’Afrique »4.

C’est ainsi que le mouvement kémite rejette les religions abrahamiques, qu’il estime importées.

Du point de vue cultuel, l’écrivain malien Doumbi Fakoly explicite la pensée kémite dès la présentation de son
livre Introduction à la prière Négro-africaine5. Il écrit ceci : « Une prière inutile, dégradante et dangereuse est une
prière que le Négro-Africain adresse à un Dieu qui n’a pas été révélé par ses Ancêtres, ainsi qu’à des Ancêtres et à des
Génies tutélaires d’autres peuples. Aussi le Négro-Africain et la Négro-Africaine, sectateurs des Religions juive, chrétienne ou
musulmane, perdent-ils un temps précieux à prier à tort et à travers ».

1
Ibn Khaldun ~ Al Muqqadima, 1ère Section, 3e Discours Préliminaire.
2
Révérend Martin Luther King Jr. ~ « Lettre de Paul aux chrétiens américains », prononcé à l’Eglise Baptiste de Dexter
Avenue, le 4 Novembre 1956 à Montgomery en Alabama.
3
RITNER Robert K., Une introduction à la magie dans la religion de l’Egypte antique, p. 101. (Cf.
https://journals.openedition.org/asr/794?lang=en).
4
https://africa.la-croix.com/mali-tolle-autour-dune-video-jugee-blasphematoire-contre-lislam/.
5
DOUMBI Fakoly, Introduction à la prière Négro-africaine, Menaibuc Eds, 2005.

2
Bony Guiblehon affirme que les kémites qui rejettent les religions révélées « puisent paradoxalement leurs
références autant dans la Bible que dans le Coran mais également aux divinités de l’Égypte antique ou encore aux
rastafaris ».

A la lecture de ce qui précède, nous pouvons pertinemment nous poser la question suivante : le kémitisme
serait-il alors une forme une religion ou du syncrétisme religieux ? Le kémitisme, dans sa quête d’originalité par
le rejet, a tendance à se replier sur lui-même.

3. Le kémitisme : un repli de soi identitaire ?

Prôner le rejet de l’autre et de ses croyances dans un mode multiculturel marqué par de nombreux brassages,
est une aporie. En effet, le professeur Bony fait remarquer que « se replier sur soi et revendiquer des croyances
ancestrales dans un monde d’interdépendance et d’ouverture ne va certainement pas favoriser le développement du
continent »6.

Certains pensent que « le mieux, face à ce genre de groupuscules, qui utilisent la provocation pour se faire
connaître, est de les ignorer ».

4. Le retour aux racines de l’Afrique ?

Le kémitisme prône un retour aux racines qui semble être une quête de la culture africaine perdue par le contact
avec l’Occident. Cette idéologie du retour aux sources se voudrait un combat contre tout ce qui reflète
l’Occident et les souvenirs douloureux liés à l’esclavage et à la colonisation.

Les questions que l’on pourrait se poser sont les suivantes : la recherche légitime de l’identité propre devrait-
elle s’opérer par le rejet de l’autre et de sa culture dans un univers multipolaire et culturel ? De plus, la culture
africaine que l’on voudrait idéaliser idéologiquement, est-elle exempte de déchets dont on devrait la
débarrasser ?

* La langue

Les kémites prônent de choisir parmi ces nombreuses langues d’Afrique Noire, une langue qui sera parlée par
tous. Quelle illusion ! Une telle opération est vouée d’avance à l’échec. Béfoune affirme que cela est
quasiment impossible. Et elle se justifie : « Les haines tribales sont connues de tous. Au sein même des groupes
ethniques il existe différentes langues et des haines entre les sous-groupes. Quel sous-groupe sera prêt à se
soumettre en acceptant d’adopter la langue de l’autre ? Qu’on se l’avoue ou non, adopter la langue de l’autre c’est
accepter son ascendance sur nous »7.

Prôner l’adoption d’une seule langue pour l’Afrique multiculturelle et plurilingue relèverait de la pure utopie, de
l’idéalisme béat. Quelle langue choisir et quels mécanismes mettre en place pour que tous puissent l’apprendre
? Nous devons imaginer que cette langue fédératrice rêvée n’annulerait pas la multiplicité des autres langues.
Déjà, si nous imaginons la quasi impossibilité d’uniformiser la multiplicité des langues ethniques dans un pays,

6
https://africa.la-croix.com/quest-ce-que-le-kemitisme/.
7
https://www.wathi.org/valeurs-africaines/contributions-valeurs-africaines/mensonge-de-necessite-dun-retour-aux-
racines-afrique/

3
qu’en sera-t-il à l’échelle d’un continent ? Et toute politique d’uniformisation linguistique n’induirait-elle pas
une pauvreté culturelle ? Concernant la création d’une langue pour toute l’Afrique, Anne Marie Béfoune affirme
: « Pourquoi gaspiller du temps et des ressources pour créer une langue qui demanderait des années pour être
codifiée, et encore plus d’années pour être apprise des populations ? Dans quelle optique ? Pour se sentir supérieur
à qui et à quel prix ? »[16]. Une prétendue langue unificatrice comporte un danger d’isolement et de repli
identitaire dans un contexte irréversible … où tout le monde, même le chinois, parle l’anglais !

Les langues des colons ne devraient plus être considérées comme telles aujourd’hui. Nous nous les sommes
appropriées et elles nous appartiennent autant qu’à ceux qui les ont créées. Elles sont un facteur de cohésion.

Se détacher des puissances coloniales signifie-t-il renier toutes les avancées, repartir de rien au risque de créer
un chaos qui nous engloutirait ?

* Idéalisation de la culture africaine : le totémisme est-il vraiment un « bien culturel » ?

Une forme de fierté, voire d’orgueil identitaire pousse les kamites à surévaluer de façon consciente et
inconsciente, la culture africaine. Hisser la culture africaine à perfection est un leurre. Comme toute culture qui
est à l’image de l’homme, elle comporte des valeurs positives et des contre-valeurs qu’il faut travailler
toujours à élaguer pour le bien des bénéficiaires. Les cultures africaines n’en font pas l’exception. L’excision, le
mariage précoce, la marginalisation de certaines femmes, le totémisme et les castes magiques avec sacrifices
d’enfants ; et j’ajoute le recours aux fétiches, la référence constante au monde occulte pour faire du mal, pour
se venger, pour assouvir la jalousie contre la prospérité, la richesse et le bonheur de son voisin, sont autant
d’insuffisances non exhaustives tristement présentes dans les cultures africaines. Tous ces fléaux font partie
de nos cultures, et c’est grâce au contact avec le reste du monde que nous nous sommes rendus compte de
leur barbarie.

Le slogan populiste qui prône à tue-tête : « L’Afrique aux Africains », alors qu’en réalité l’Afrique est rejetée par
les Africains, mène à une impasse. Dans le domaine de culture littéraire par exemple, les auteurs Africains sont
plus lus ailleurs qu’en Afrique.

* La gouvernance politique

Sur le plan de la gouvernance politique, les ardents défenseurs du retour aux sources sont ceux pourtant qui
défendent largement les modèles de gouvernance hérités de la colonisation : la démocratie. Une cohérence
d’approche aurait voulu que l’on se batte pour une gouvernance monarchique de droit magique, largement
appliquée en Afrique : « En termes de gouvernance, nos modèles ancestraux sont les royaumes et les chefferies.
Sommes-nous prêts à retourner vers un mode de gouvernance par “l’élu de Dieu”, un chanceux qui se retrouvera au
pouvoir et nous imposera sa descendance à notre tête jusqu’à la fin des temps ou jusqu’à ce que l’alternance naisse
du miracle d’une guerre… qui à son tour nous imposera un nouvel élu de Dieu ? »8

Ce questionnement paraît en même temps une mise à nu de la contradiction interne enveloppant le kémitisme
qui semble se livrer à une forme d’équilibrisme. Face à ce deux poids deux mesures, au regard de cette justice à

8
https://www.wathi.org/valeurs-africaines/contributions-valeurs-africaines/mensonge-de-necessite-dun-retour-aux-
racines-afrique/

4
géométrie variable assumée par les promoteurs du kémitisme, qui savent admettre et intégrer ou rejeter ce
qu’ils jugent être les bonnes valeurs dans leur démarche d’exalter l’identité africaine, nous sommes invités à
déconstruire l’idéologie kémite et à assumer sans complexe notre patrimoine commun qui n’est plus le
monopole d’acteurs d’une histoire passée à la mémoire douloureuse.

*La libération de l’Homme noir de l’impérialisme occidental

L’esclavage et la colonisation sont des égarements et des blessures dont les traumatismes restent
profondément ancrés dans le psychisme de l’Homme noir par la force de la transmission de la cette mémoire
sombre. Somme toute, un travail de guérison est à poursuivre. Mais cela ne se réalisera pas si l’on est dans une
dynamique de transmission du poison de la revange ou de la vengeance qui pousse aux guerres fratricides.

Le racisme Kémite est un nouvel esclavage mental, dégradant le visage du monde et ralentissant
dangereusement sa marche vers son accomplissement en Jésus, Médiateur et Rédempteur, dans une
perspective chrétienne.

Tous les habitants de l’Afrique doivent travailler à se purifier de la corruption, de la concussion, de la gabegie
vis-à-vis du bien commun, des guerres ethniques et tribales, de la manipulation des faibles à des fins politiques,
des pseudo-démocraties qui semblent etc. Avant d’incriminer les acteurs de la colonisation, l’Afrique doit se
débarrasser de son néocolonialisme à l’interne sous toutes des formes qui plombent son développement. N’est-
il pas connu en Afrique qu’il faut d’abord balayer devant sa propre case ?

*Le syncrétisme

Le kémitisme est un mélange de plusieurs religions dans lesquelles il puise pour se forger sa propre croyance et
ses rites cultuels. En effet, le judaïsme, le christianisme et l’islam sont des religions dans lesquelles le kémitisme
puise pour bâtir ses propres croyances. Dans une vision chrétienne, le syncrétisme est une porte d’entrée de
toutes les dérives spirituelles capables d’enchaîner l’Homme que le Christ a libéré par sa mort et sa
résurrection.

Hébreux 2.14,15 « Ainsi donc, puisque ces enfants sont unis par la chair et le sang, lui aussi, de la
même façon, a partagé leur condition. Il l’a fait pour réduire à l’impuissance, par la mort, celui qui
détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et pour délivrer tous ceux qui étaient réduits
à l’esclavage leur vie durant par la peur de la mort. »

Le kémitisme est une porte ouverte par laquelle les puissances du Mal entrent pour semer le désordre dans la
vie personnelle des humains et créer la zizanie dans leur vivre-ensemble.

*Le recours à la magie

Tandis que le christianisme rejette, par exemple la magie, le kémitisme y recourt comme une valeur culturelle et
cultuelle.

La foi chrétienne est incompatible avec la magie. Le Christ Jésus est l’Unique Sauveur du visible et de
l’invisible, le seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tm 2. 5). Le recours aux forces occultes est en

5
contradiction avec la foi chrétienne, car le disciple de Jésus lui est configuré par la victoire de son sauveur sur
toutes les entités spirituelles :

Colossiens 2.13-15 « Et vous, qui étiez morts à cause de vos fautes, et parce que vous étiez des
incirconcis, des païens, Dieu vous a donné la vie avec le Christ. Il nous a pardonné toutes nos
fautes. Car il a annulé l’acte qui établissait nos manquements à l’égard des commandements.
Oui, il l’a effacé, le clouant sur la croix. Là, il a désarmé toute Autorité, tout Pouvoir, les
donnant publiquement en spectacle quand il les a traînés dans son cortège triomphal après sa
victoire à la croix. »

Il ne convient donc plus qu’il retourne à ses vieilles chaînes dont il a été libéré par la Croix du Christ.

De plus, le port des amulettes, les rites sacrificiels, les pactes, etc. pour se mettre sous les bonnes grâces d’une
entité, d’un génie, de mamiwatta, ou d’un esprit tutélaire (se présentant comme un ancêtre), est incompatible
avec la foi chrétienne qui confesse le Dieu de Jésus-Christ comme l’unique protecteur de tout être humain.

*Le rejet du christianisme


Le christianisme doit donc être chassé hors de l’Afrique Noire ? Les kémites ou les kamites considèrent le
christianisme comme une religion de l’Occident (ce qui est faux, car les occidentaux ont été évangélisé au
même titre que les Africains !), donc un véhicule, un vecteur de de la domination du colonisateur. Le
christianisme est indexé comme l’une des causes du sous-développement de l’Afrique, un fossoyeur de la
culture et de la religion léguées par les ancêtres.

Conclusion
La quête d’authenticité pour l’Afrique est louable et devrait être encouragée. Cependant, c’est une illusion que
croire que l’Afrique pourrait se développer dans un repli identitaire ou dans une vie en vase clos. Il est de
nécessité que l’Afrique communique avec les autres continents, se frotte à d’autres cultures, s’inspire d’autres
valeurs dans une vraie réciprocité… et tirer sur la foi chrétienne n’y changera rien !

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