Communio XXX, 2 - Mars-Avril 2005-Von - Balthasar
Communio XXX, 2 - Mars-Avril 2005-Von - Balthasar
Communio XXX, 2 - Mars-Avril 2005-Von - Balthasar
R E V U E C AT H O L I Q U E I N T E R N AT I O N A L E
COMMUNIO
Prochain numéro
mai-juin 2005
L’Europe unie et le christianisme
Sommaire
ÉDITORIAL ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
PHILOSOPHIE –––––––––––––––––––––––––––––––––––
Olivier BOULNOIS : Le nom et l’image de Dieu
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SOMMAIRE ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
77 Balthasar refuse de penser Dieu comme un objet parmi d’autres, soumis à des
approches extérieures, à nos interprétations humaines et scientifiques. En se révé-
lant lui-même comme contenu, il nous donne le moyen de l’interpréter, la forme
de la révélation. Dieu propose donc à notre expérience finie un moyen de s’ouvrir
sur ce qui la dépasse.
THÉOLOGIE –––––––––––––––––––––––––––––––––––
Xavier TILLIETTE : Le samedi-saint spéculatif
et la descente aux enfers
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COMMUNIO
Éditorial
Un hommage créatif
L
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de ce centenaire, de nombreux colloques seront consacrés à
son œuvre.
Mais la revue Communio, qu’il a fondée, ressent une dette parti-
culière à son égard. Nous avons voulu lui rendre hommage, dans le
même esprit qui présida à la fondation de la revue Communio, pour
servir l’intelligence de la foi dans ce pays et dans notre époque.
Nous avons voulu rendre hommage à son esprit catholique, c’est-à-
dire universel, à son immense culture, à son insertion dans la philo-
sophie, la théologie et la littérature européennes du XXe siècle.
L’Unesco, organisation internationale pour l’éducation et la culture,
était pour cela un endroit approprié.
En organisant un colloque le 22 janvier 2005, nous avons voulu
aussi, par fidélité à son esprit toujours créatif, toujours sur la brèche,
montrer la fécondité de son œuvre. C’est pourquoi nous avons invité
plusieurs philosophes et théologiens à présenter quels sont, selon
eux, les aspects les plus remarquables de la pensée de Balthasar, à
indiquer dans quelles directions ils ont pu prolonger ses travaux, et
comment nous pourrions, avec eux, aller encore plus loin.
Ce sont les communications du 22 janvier que nous livrons ici.
Nous y avons seulement ajouté une présentation biographique,
ainsi qu’un article de Mgr Henrici, coordinateur international de la
revue Communio, qui a bien voulu présider cette journée.
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Balthasar :
une figure et une œuvre
H
ANS
Suisse, « dans une famille foncièrement catholique ». Pas-
sionné de musique, il hésite entre des études musicales et
des études littéraires ; lorsqu’il choisira ces dernières, il continuera
de jouer. En 1925, son premier texte publié portera sur l’évolution
des idées musicales.
Ses études supérieures d’humanités classiques se déroulent à
Vienne, Berlin et Zurich. Il s’initie également au sanscrit et à la
mystique orientale. Ses études s’achèvent par une thèse intitulée
Histoire du problème eschatologique dans la littérature allemande
moderne, publiée sous le titre Apocalypse de l’âme allemande. Étude
pour une doctrine des attitudes ultimes, en trois volumes : L’Idéa-
lisme allemand, Sous le Signe de Nietzsche, La Déification de la
mort (Salzbourg, 1937-1939). L’ouvrage porte sur la relation entre
la poésie, la philosophie et la théologie dans la pensée allemande, de
Lessing à la première guerre mondiale.
À l’automne 1927, Balthasar suit les grands exercices de saint
Ignace. « Comme touché par l’éclair », il ressent l’évidence de la
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Olivier Boulnois
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Conclusion
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+ Jean-Marie Lustiger
Archevêque de Paris
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Peter HENRICI
La Trilogie
de Hans Urs von Balthasar :
une théologie
de la culture européenne
L’
IMMENSE
issue de deux souches différentes. D’une part, elle s’enra-
cine dans le terreau de son propre talent artistique (« peut-
être l’homme le plus cultivé de notre temps 1 », selon Henri de
Lubac,) et dans sa formation humaniste et littéraire. D’autre part,
à travers les visions et les propos dictés par Adrienne von Speyr, a
grandi en lui une vision du ciel, comme si elle émanait de l’intérieur
de la Trinité. L’image de l’arbre renversé, qui pousse la tête vers le
bas à partir du ciel, se trouve ici et là dans la littérature spirituelle ;
mais il est pour le moins inhabituel qu’à partir de deux racines d’ori-
gines si différentes ait grandi un seul et même arbre. Cette unité
issue des contraires ressort particulièrement nettement de son œuvre
maîtresse, la Trilogie théologique.
1. Organisation de la Trilogie
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5. La tragédie grecque, dont il a été très peu question dans la Gloire et la Croix,
reste en arrière-plan, comme nombre d’œuvres majeures de Shakespeare,
Corneille, Goethe et bien d’autres, « des œuvres qui ne laissent pas apparaître
directement une valeur théologique évidente ailleurs », Hans Urs von BALTHASAR,
La Dramatique Divine, vol. I, « Prolégomènes », Lethielleux, 1984.
6. Ibid.
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volume était déjà écrit et publié dix ans avant le premier projet
concernant la trilogie, et se présente en fait comme un premier
volume qui devait être suivi par un deuxième sur « la vérité de
Dieu ». Balthasar, évidemment, avait déjà pensé à une théologie qui
s’édifierait sur des données pré-théologiques, même si elle se
construit sur des fondations philosophiques selon le schéma tradi-
tionnel. Mais il convient aussi de se demander si le deuxième volume,
le théologique, « n’a pas été écrit pour des raisons extérieures et
biographiques » 7. Balthasar aura bientôt remarqué les insuffisances,
qu’il avait prévues, d’un fondement purement philosophique pour la
théologie ; car dans ce cas on était obligé au préalable (comme il
l’indique dans le volume La vérité du monde) de contourner
l’amour. Le petit livre publié seize ans plus tard (L’amour seul est
digne de foi) peut en ce sens être considéré comme une nouvelle
ébauche des fondations entrevues dans La vérité du monde, et non
pas comme une introduction à l’histoire des idées qui est esquissée
dans ce volume 8.
De cet ensemble, on peut tirer un premier bilan, encore purement
formel. La théologie que présente Balthasar dans sa Trilogie repose
sur une masse de données encore à peine connues de l’histoire des
idées en Europe. Non seulement son contenu, mais ses structures
grandissent à partir d’un regard porté sur les vastes espaces de cette
« expérience » de l’esprit européen, esprit qu’on pourrait décrire par
un mot qui s’appuie précisément sur ce que Hegel appelle « la
science de l’expérience de la conscience », titre initial de La phéno-
ménologie de l’Esprit. Mais, contrairement à Hegel, Balthasar
reconstruit l’histoire des idées européennes non pas de façon dia-
lectique, mais de manière « phénoménologique », dans le sens de la
« vision de la figure » inspirée par Goethe, qu’il développe dans le
premier volume de La Gloire et la Croix. C’est à cause de cette
attitude fondamentale, qui ne construit pas a priori, mais se montre
réceptive a posteriori, que la théologie de Balthasar n’est pas,
comme celle de Hegel, une simple superstructure trinitaire de
l’histoire des idées en Europe, mais est issue de la Trinité même.
Elle tire son origine de sources tout autres. Ce que montre Balthasar,
en laissant deux derniers volumes de La Gloire et la Croix (un
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troisième n’a jamais été écrit) quasiment sans relation 9 avec les
trois volumes fondamentaux qui suivent, consacrés à l’histoire de la
pensée. Nous trouvons un procédé semblable dans La Théologique ;
car « ce que j’ai considéré comme vérité dans le premier volume, à
propos de cette parole de Jésus “Je suis la vérité” ne connaît pas de
continuité, mais subit une rupture » 10.
Comme tout théologien chrétien, Balthasar ne connaît le contenu
de la théologie que par la Révélation de Dieu, surtout lorsqu’il met
l’accent sur une théologie particulièrement « johannique », qui lui a
été rendue familière dans l’interprétation des textes bibliques donnée
par Adrienne von Speyr.
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Mgr Peter Henrici est évêque auxiliaire de Coire (Suisse). Il assure la coordi-
nation internationale de toutes les éditions de Communio.
27. Hans Urs von BALTHASAR, Raser les bastions (op. cit.), p. 37.
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Olivier BOULNOIS
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I. Le nom
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10. Alexandre DE HALÈS, Summa I, pars II, inq. II, Prologue (Quaracchi, Florence,
1924, p. 511), distingue la théologie symbolique, par paraboles, et la théologie
mystique, qui explique les paraboles de manière conceptuelle, à la suite de
DENYS (Théologie mystique ch. 3 ; PG 3, 1034) ; pour BONAVENTURE encore, Sen-
tences I d. 22, art. 1, q. 3 arg. 3 (Quaracchi, éd. minor, Florence, 1934, p. 315),
il n’existe que deux théologies, mystique et symbolique. (BALTHASAR consacre
une section de La Théologique II aux « paraboles » (Gleichnis), p. 77-85.)
11. Albert LE GRAND identifie théologie négative et théologie mystique,
théologie affirmative et théologie symbolique, Commentaire de la « Théologie
Mystique » ch. 1, trad. E.-H. Weber, Paris, Éd. du Cerf, 1993, p. 72.
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12. NIETZSCHE, Die Fröhliche Wissenschaft, trad. fr., Le Gai Savoir, III, § 125.
13. CLÉMENT D’ALEXANDRIE, Pédagogue I, 57, 2 (SC 70, 213), cité dans La Théo-
logique II, II. A.2, p. 70, n. 3.
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14. IRÉNÉE, Contre les Hérésies IV, 20, 1 et 4 (SC 100, 624 et 634), cité dans
La Théologique II, id., p. 71.
15. AUGUSTIN, Enarrationes in Psalmos 99, 6 (PL 37, 1274-75).
16. Jean DE LA CROIX, La Montée du Carmel II, ch. 22.
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II. L’image
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22. Voir Hans BELTING, Bild und Kult, Munich, 1990 ; trad. fr. Image et Culte,
Une Histoire de l’art avant l’époque de l’art, Paris, Éd. du Cerf, 1998.
23. Theologik II, p. 68 ; La Théologique II, II. A.3, p. 76.
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26. Voir déjà Die Wahrheit, trad. fr. R. GIVORD, Phénoménologie de la Vérité,
La vérité du monde, Paris, 1952, III. A. 2. p. 136 : l’essence « ne peut se révéler
qu’en apparaissant en images » ; Herrlichkeit, II/1, p. 135, tr. fr. La Gloire et la
Croix, II/2, p. 121 : « ce qui manque à l’essentialisme platonico-augustinien » ;
et surtout Theologik II, « Unwort und Überwort » (Non-parole et sur-parole),
p. 98-116, trad. fr. p. 118-119.
27. BERNARD, Apologia XII, 28.
28. BERNARD, In Dedicatione Ecclesiae, Sermo 2, Opera V, Sermones II,
Rome, 1968, p. 376, § 2.
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29. MALÉVITCH, Dieu n’est pas déchu, L’Art, l’Église, la Fabrique, (Vitebsk,
1922) § 11, cité par A. BESANÇON, L’Image interdite, Fayard, 1994, Gallimard,
Folio Essais, p. 678.
30. M. HENRY, Voir l’Invisible, Paris, F. Bourin, 1988, p. 41 et 12.
31. M. ROTHKO, « The Romantics were prompted », Possibilities, 1947-1948,
trad. dans Mark Rothko, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 14 janvier-
18 avril 1999, p. 260-261.
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35. Cur Deus Homo ? ch.1, éd. Schmitt, Opera Omnia, p. 49.
36. Wider die himmlischen Propheten, von den Bildern und Sakrament, 1525
(WA 18, 8).
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Conclusion
Vincent CARRAUD
La Gloire et la Croix
et l’histoire de la métaphysique
L
A
sarienne s’offrent à la lecture de l’historien de la métaphy-
sique selon deux approches possibles. La première met de
côté la visée propre à l’auteur – en l’occurrence rien de moins que
sa théologie – pour faire son bien des nombreuses monographies,
consacrées à tel ou tel philosophe, qui sont insérées dans l’œuvre.
Ainsi peut-on aisément tirer profit de la pénétration avec laquelle
Balthasar lit Platon, Boèce ou l’école de Chartres, Suarez, Kant ou
Heidegger. Pour féconde que soit cette manière de butiner dans la
Trilogie, elle n’en est pas moins insuffisante, frustrante même, puis-
qu’elle se prive a priori de l’intelligence qu’apportent les mono-
graphies au tout, et de celle que la perspective d’ensemble apporte
à chaque monographie. Ainsi, faire son miel des interprétations que
Balthasar donne des philosophes, quelque savoureux qu’il soit,
contredit un des principes du maître : l’intégration, das Ganze im
Fragment 1.
La seconde modalité selon laquelle un historien de la philosophie
peut envisager la Trilogie consiste au contraire à aller droit au
rapport qu’entretient à la métaphysique le projet accompli par une
(théo-)esthétique, une (théo-)dramatique et une (théo-)logique.
1. Selon le titre d’un des livres de BALTHASAR, Einsiedeln, 1963, tr. fr. Paris,
DDB, 1970.
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12. Voir I, 32. Avant même les Pères, c’est le recours à l’Antiquité, à
commencer par PLATON (« le kalon est coextensif à l’être, c’est un transcen-
dantal », IV, t. 3, p. 162), qui va évidemment donner raison à BALTHASAR, en
dépit de l’absence d’une doctrine des transcendantaux constituée comme telle :
voir tout le premier volume de Im Raum der Metaphysik – mais la difficulté est
alors autre part : c’est celle du rapport entre Dieu et le divin (théion), selon le
neutre employé par saint Paul lui-même (Actes 17, 29).
13. Voir la « note sur l’ensemble de l’œuvre » qui ouvre La Théologique (Vérité
du monde, 17) – il s’agit, là encore, d’une (auto-)relecture de 1985.
14. Somme de théologie, Ia p., q. 5, a. 4, ad 1um : « on appelle belles les choses
qui, étant vues, plaisent » – étant vues, c’est-à-dire en tant qu’elles sont
connues ; dans le beau, c’est la connaissance de la chose qui plaît. Certains
interprètes, comme MARITAIN, ont estimé que l’on pouvait librement aug-
menter la liste des transcendantaux, et que, pour saint THOMAS, le beau était un
transcendantal ; voir Art et scolastique, Paris, Rouart, 1920, p. 45-46 et n. 63 bis,
p. 265-268. C’est également le cas de dom POUILLON et d’Edgar DE BRUYNE,
Esquisse d’une philosophie de l’art, Bruxelles, Dewit, 1930, et surtout Études
d’esthétique médiévale, Bruges, De Tempel, 1946, 3 tomes (pour saint
Thomas, t. III, chap. X) – rappelons que DE BRUYNE est le premier nom propre
cité dans La Gloire et la Croix ! Les pages de Im Raum der Metaphysik consa-
crées à THOMAS D’AQUIN se ressentent de l’influence de DE BRUYNE, par
exemple IV, 2, 75 et 85. Olivier BOULNOIS, art. cité p. 416-431, analyse les
raisons de ce surcommentaire chez MARITAIN et DE BRUYNE et sape les fonde-
ments de cet acharnement à inventer une doctrine du beau transcendantal qui
ne se trouve pas chez saint THOMAS.
15. Connu comme traité des transcendantaux du codex d’Assise, De transcen-
dantalibus entis conditionibus (éd. D. Halcour in Franziskanische Studien, 41,
1959, p. 41-106) qui est « peut-être » une œuvre du jeune BONAVENTURE.
BALTHASAR s’appuie ici sur H. POUILLON, étude citée, et sur D. HALCOUR, Die
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so wenig als das Gute, das Wahre, Le Beau est aussi inexistant que
le Bien, ou que le Vrai. 19 »
4. Les transcendantaux sont des termes convertibles avec l’étant.
Or non seulement Balthasar a escamoté ce transcendantal qu’est
l’un – ce dont il se justifiera dans la note liminaire à Vérité du
monde et dans l’Épilogue en disant que sa considération était
« interne » à celle des trois autres 20 –, pour faire place au beau, mais
surtout il s’abstient totalement – au moins dans un premier temps –
de dire l’évident, à savoir que les transcendantaux ne sont transcen-
dantaux que dans le rapport qu’ils entretiennent à l’ens. De deux
choses l’une : ou bien, par impossible, l’ens lui-même aurait disparu
des transcendantaux – et de fait, c’est par son absence que brille
l’ens dans les premières pages de Herrlichkeit 21 –, ou bien il est
présupposé par leur emploi même, comme le premier connu avec
lequel les autres transcendantaux sont convertibles, donc par rapport
auquel les autres transcendantaux sont des transcendantaux – ce que
de nombreux passages postérieurs confirmeront évidemment. La
seconde possibilité semble aller de soi, qui confirme alors l’éton-
nante dépendance initiale de la Trilogie balthasarienne envers
la métaphysique, qui plus est, envers la métaphysique telle que la
scolastique de la fin du XIIIe et du début du XIVe siècles lui a conféré
son statut. Pourtant, l’absence de toute mention de l’ens ici pourrait
bien avoir un autre sens. Car il nous faut prendre la mesure d’un
cinquième et ultime coup de force. Revenons à l’avant-propos.
5. Si Herrlichkeit remet la théologie sur ses rails, c’est-à-dire
« sur une voie essentielle qui avait été délaissée » (I, 11), ce n’est pas
dire qu’il faille négliger les autres transcendantaux, le vrai et le bien.
Il ne s’agira donc pas d’élaborer une esthétique « au détriment des
points de vue logique et éthique ». Tout au contraire, la théodrama-
19. Volonté de Puissance, § 804. Sur cette citation voir HEIDEGGER, Nietzsche, I,
GA 6.1, 111 ; tr. fr. P. KLOSSOWSKI, Paris, Gallimard, 1971, p. 105. Voir déjà p. 75
et 106, tr. fr., p. 76 et 101 ; un peu plus loin, HEIDEGGER, qui n’écrit pas le terme
« transcendantal », nomme la vérité, la beauté et l’être des « mots fondamentaux,
Grundworte » (p. 144, tr. fr., p. 133) ; voir aussi GA 56/57, 38, GA 58, 21 et GA
17, 177 : dans toutes ces occurrences, la triade apparaît tout à fait banale.
20. Cette note le nomme « le transcendantal de base ». Mais là encore, il est
frappant que ce qui intéresse BALTHASAR est aussitôt la question de sa « struc-
ture divine », à savoir : « comment l’unité absolue peut-elle être trinitaire ? ».
Pour Épilogue, voir 33. Pour l’unum lui-même, voir ibid., II § 4.
21. La première mention de l’ens se fait sous couvert de saint THOMAS, mais
au nom de la distinction entre les transcendantaux et l’être (I, 17).
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22. I, 13. Voir Épilogue, 46-47 puis, pour la vérité, 53. Nous ne nous interdi-
sons pas de citer Épilogue, dont le deuxième chapitre contient un exposé des
transcendantaux, bien qu’il s’agisse typiquement d’une relecture, avec sa part
de réinterprétation. Mais rappelons que le « mot de la fin » est bien donné dans
les dernières lignes de L’Esprit de vérité.
23. Respectivement III, 2, 208 et 224 (BALTHASAR veut dire que la gloire
accompagne toutes les phases et tous les degrés de la Révélation) Mais le
glorieux ne se substitue-t-il pas ici purement et simplement au beau ?
24. Épilogue, 79. Mais cette approche restait précisément « imparfaite ».
25. Que la phénoménologie du beau soit en effet son ontologie, annulant ainsi
l’écart du phénomène et de la chose en soi, laisse intacte cette différence ; Jean-
Yves LACOSTE signale in fine la difficulté, énoncée à partir des apories du
concept d’expérience esthétique : « l’on ne peut accorder à BALTHASAR sa thèse
inaugurale sans rencontrer une objection majeure : des noms de l’être aux
noms de Dieu, la transition pose question », ibid., p. 615.
26. Quitte à être radicalement repensée, comme chez Erich PRZYWARA, Analo-
gia entis, Einsiedeln, 1962, tr. fr. P. Secretan, Paris, PUF, 1990. Voir aussi Karl
Barth. Darstellung und Deutung seiner Theologie, 4e éd. Einsiedeln, 1976.
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de l’ens ut sic : non pas une théologie ontique (pas plus qu’une
théologie esthétique n’intéresse Balthasar), mais bien une ontique
théologique, à laquelle serait assigné en propre le but d’une
« confrontation dans la théologie dogmatique [...] de <l’étantité>
et de la révélation » (I, 12). Autrement dit, décrire la réception de la
manifestation de Dieu, son agir et son expression dispenserait de le
penser comme étant. Bref, l’ontologie est inutile au projet théolo-
gique de Balthasar – car (portons-nous immédiatement à la fin) il va
s’agir de penser bien autre chose que l’étant en tant qu’étant, à
savoir l’amour.
Entendons-nous bien. Balthasar ne dit pas qu’il faut se passer de
l’ontologie, et encore moins que l’on doit penser Dieu en faisant
l’économie du concept d’être. Tout au contraire, il prend soin de
se démarquer de cette position, la jugeant trop influencée par
Heidegger et renvoie ses tenants à Siewerth et à Ulrich – il y revient
dans deux notes explicites de Vérité de Dieu, à l’occasion d’une
mise en garde adressée à Jean-Luc Marion en particulier 29. Mais si
Balthasar ne dit pas qu’il faut se passer de l’ontologie, il s’en passe
de fait !
On en trouverait la confirmation dans les tomes titrés Im Raum
der Metaphysik : Balthasar n’y fait pas une « histoire de la philo-
sophie », mais examine les avatars de la gloire antique dans l’histoire
de la métaphysique. Loin d’être traitée pour elle-même comme
science de l’étant, et à ce titre d’être principielle, la métaphysique y
est conçue comme espace, Raum. Nous avons affaire à une projec-
tion de l’esthétique théologique dans l’espace de la métaphysique.
Autrement dit, Im Raum der Metaphysik, alors même qu’il peut
apparaître comme un précis de philosophie, reste entièrement gou-
verné par l’unique souci du beau en métaphysique. C’est pourquoi,
puisque Balthasar convoque de très nombreux philosophes, les
absents sont peut-être plus significatifs encore que les présents : au
premier rang des absences, celle d’Aristote saute aux yeux, Aristote,
pourtant le penseur de l’étant comme un et de l’étant comme vrai !
– voilà un autre exemple, et non des moindres, de ce que nous
appelons trancher ou retrancher dans l’histoire de la métaphysique.
Pour le dire d’un mot : l’espace métaphysique dans lequel pénètre
le transcendantal gloire est celui du platonisme, entendu au sens le
plus vaste. Il s’agit de ne pas l’oublier, surtout au moment où l’on
29. 146 (note 10) et 192 (note 9). Nous laissons de côté la question du sens de
l’amour comme « transcendantal pur et simple » chez Siewerth (Metaphysik
der Kindheit, Einsiedeln, 1957, p. 63).
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37. Mario SAINT-PIERRE, op. cit., p. 275 et 292. Comme plus haut, nous réservons
la question de l’usage analogique des transcendantaux : voir Vérité de Dieu, IV,
A I, 187-201.
38. Voir la note liminaire à Vérité du monde, 11.
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Jean-Louis CHRÉTIEN
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n’apparaît que dans l’horizon de la vérité totale, qui par elle est, fût-
ce discrètement et pudiquement, apprésentée, elle n’est que la proue
d’un plus vaste transport qui vient au-devant de nous. L’appel est
mis en abîme dans l’appel, il y a un appel dans l’appel lui-même, un
autre appel résonne dans l’appel que nous saisissons immédia-
tement, et c’est cela qui fait que nous sommes saisis au lieu même
où nous saisissons, que nous sommes compris au lieu où nous
comprenons, et que cet être-saisi et cet être-compris excèdent et
dominent d’emblée notre propre saisie et notre propre compréhen-
sion. La même page de Vérité du monde introduit expressément ce
thème de l’appel au sein de l’appel, de l’appel de l’infini au cœur de
l’appel du fini : « (La raison finie) se sait obscurément en chemin
vers cette vérité éternelle et toujours déjà, à travers l’appel (Anruf)
de tous les objets finis, regardée et appelée (angeblickt und aufge-
rufen) par elle. 13 » Cet appel au sein de l’appel demeure pour
Balthasar tout à la fois irrécusable – et constituant pour la raison une
véritable vocation –, et en même temps pris dans un indépassable
clair-obscur quant à son origine – sinon, la révélation serait super-
flue, et la raison supralapsaire. Il est question jusqu’à présent de la
vérité, et non de la beauté. Mais l’insistance permanente de Balthasar
sur l’enveloppement mutuel des transcendantaux, sur leur caractère
inséparable, fait que le passage de l’une à l’autre n’a rien de violent.
Une tradition néoplatonicienne, reprise et relayée par des penseurs
chrétiens, fait de la beauté, dans son être même, un appel ; le beau
n’est pas d’abord tel ou tel pour ensuite lancer, nous lancer, un
appel, c’est au contraire d’être de part en part, dans sa manifes-
tation, un appel, qui fait qu’il est beau. Balthasar reprend à sa
manière cette pensée, mais en parlant plutôt d’impérieuse adresse,
d’exigence envers nous dirigée. Le beau est « exigence (Zu-mutung) :
il ne se replie pas sur lui-même, ne s’enferme pas ; il se tourne au
contraire vers tous ceux qui sont à même de le saisir ». C’est ce qui
fait « le rayonnement de la chose sur ce qui l’entoure ». Même muet,
ou plus rigoureusement tacite, il est parole, et même adresse qui
requiert (Das Schöne spricht an) 14. Il dit dans un autre livre :
« comme êtres à la fois sensibles et spirituels, nous sommes inter-
pellés (angesprochen) à travers les sens – et ce n’est pas autrement
que comme interpellés que nous nous éveillons à la conscience de
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soi spirituelle » 15. Ailleurs, d’un mot discret (bittend) qui reprend un
thème augustinien, Balthasar décrit la forme, même imparfaite, se
présentant à nous avec une sorte de prière, de supplique d’être
accueillie, comme si la beauté des choses attendait de nous que nous
lui fissions accueil 16. Et cette requête nous saisit tout entiers, rien de
nous n’est par elle laissé intact : « Le beau requiert une réponse
de tout l’homme, bien qu’il soit perçu d’abord par le moyen d’un
ou de plusieurs sens. 17 » Nous pouvons assurément, et cela est
d’expérience quotidienne, nous fermer à la beauté, et nous cadenasser
contre elle ; mais si nous lui entrouvrons notre vie, nous ne savons pas
jusqu’où elle peut y pénétrer, et jusqu’à quel point la changer.
Là encore, il y a mise en abîme, et appel dans l’appel. Car cette
beauté finie qui nous appelle, ce n’est pas seulement à soi, ni ulti-
mement à soi, qu’elle le fait. Bien des philosophes ont constaté,
sous des modes divers, que le beau m’appelle et m’arrête à lui, sus-
citant en moi, au moins tendanciellement, le désir de le voir et de le
revoir sans fin, de le contempler sans que jamais ne me vienne de
lassitude, comme si j’en avais assez vu. Mais le beau qui s’excepte
et comme se préserve de ce qui n’est pas lui, et se coupe du reste du
monde au lieu d’être le point d’incandescence du feu caché qui
couve partout, est-il encore le beau dans toute sa force ? N’y a-t-il
pas quelque chose d’abstrait et d’outré dans le thème du désir de la
contemplation perpétuelle d’un unique phénomène, qu’il soit naturel
ou artistique ? L’appel du beau ne peut me requérir que s’il a, avec
moi, convoqué le monde lui-même, que si en lui viennent à la
lumière, de proche en proche, des forces endormies qu’il réveille,
des voix éteintes qu’il ressuscite et porte à leur résonance. Toute
grande œuvre d’art fait surgir inchoativement à nos yeux un monde
possible, qui n’est pas au-delà du réel, mais un visage de celui-ci
que je n’avais pas encore vu, et dont elle est comme la clef – à la
fois au sens de la clef musicale, une tonalité définie, et aussi comme
une clef qui ouvre des espaces de signification sans elle inacces-
sibles. La pensée baudelairienne des « correspondances » est une
admirable voie pour rendre compte de cela, mais c’est loin d’être la
seule possible. L’œuvre nous envoie à autre chose qu’elle-même, où
c’est pourtant elle encore qui nous accompagne, ou selon elle
encore que nous rencontrons autre chose. Ce premier retentissement
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19. Verbum Caro, p. 118-119. L’être-ouvert est associé un peu plus haut à
l’être-manifeste : Offen- und Offenbarsein.
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tout ce qui est beau sur terre, elle ne s’évapore pas en une réalité
sans forme, laissant derrière elle une nostalgie tragique infinie, mais
ressuscite en Dieu comme figure, c’est-à-dire comme la figure qui
est maintenant devenue définitivement une, en Dieu Lui-même,
avec la Parole et la Lumière divines que Dieu a destinées et données
au monde » 20. Cette dimension au sens strict cruciale de la mort et
de la résurrection de la forme, en tant que celle-ci peut en rendre en
elle-même témoignage, fût-ce en un clair-obscur, est ce qui permet
à Balthasar de se tenir sur la ligne de crête qu’est sa pensée de la
beauté comme annonce analogique de la gloire, sans choir dans l’un
ou l’autre des abîmes qui l’entourent. Le premier abîme est celui
d’une absolutisation du fini, dont la beauté est alors prise comme
étant la gloire même, et la seule ; ce qui tend, dans une religion du
beau ou de l’art, à une idolâtrie de la beauté finie, profane en réalité
ce qu’il entend adorer, en coupant la beauté de sa source, et de la
lumière originaire par laquelle seulement elle se donne à voir et à
entendre librement. Le second abîme est celui d’une dissolution
jubilatoire de toutes les formes, qui ne sont alors que des signes
fugitifs, ne valant que de s’effacer, dans l’absolu informe qui les
pose et les dépose sans fin, car aucune ne peut le montrer, mouve-
ment où l’amour de la lumière finit dans l’éblouissement aveuglant,
où plus rien ne subsiste de ce qu’elle pourrait éclairer, une sorte
d’érostratisme supérieur. Dans un cas comme dans l’autre, le carac-
tère créaturel de la beauté mondaine est nié, et comme sacrifié,
selon des mouvements opposés par leur sens, mais également
destructeurs.
La ligne de crête consiste au contraire à penser la beauté finie
comme nous offrant gratuitement quelque chose de définitif, à penser
aussi la joie et la gratitude que nous avons de ce qu’elle nous tend
comme le merci à un don sans rémission ni repentir, tout en consi-
dérant que ce définitif n’existe en elle que sur le mode de l’in-
choation et de la promesse, d’une promesse qui tient déjà, qui est
déjà tenue, tout en demeurant promesse, et non pas plénitude de
l’accomplissement. Ce qui tient la beauté, ce qui lui donne un point
d’émergence hors de la caducité, c’est précisément qu’elle pro-
mette, et ce qu’elle promet. Elle est alors l’ostensoir de la gloire, au
moins d’une gloire possible, car cette ostension peut être équivoque
ou obscure, et comme le dieu delphique selon Héraclite, faire signe
sans cacher ni dire. Mais c’est bien la loi de l’ostensoir que tout en
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Jean-Luc MARION
Le « phénomène du Christ 1 »
selon Hans Urs von Balthasar
L’
ORIGINALITÉ
les vrais penseurs, à l’évidence et à la radicalité des questions
qu’il pose. Parmi lesquelles, celle-ci : dans le christianisme
et sa théologie, ce que l’on nomme la « Révélation » consiste-t-elle
simplement en un moyen facultatif ou accidentel de communiquer
certaines vérités utiles au salut des ignorants, mais dont les sages
(les théologiens et les philosophes) pourraient se dispenser ? Ou
bien appartient-elle intrinsèquement à ce qu’elle communique,
comme son contenu autant que son acte ? La réponse de Balthasar à
cette question n’a rien de banal : « Que le Christ soit ce centre – et
non, par exemple, seulement le début ou l’initiateur d’une figure
(Gestalt) historique qui se déploierait ensuite sans lui – cela fait par-
tie du caractère particulier de la religion chrétienne et l’oppose à
toute autre. 2 » Contre une tendance lourde et peut-être majoritaire
dans la pensée, même chrétienne, il entend montrer que l’acte même
de la manifestation ne peut se dissocier de ce qu’il manifeste, donc
que le contenu du don ne peut se séparer du mode de son accomplis-
sement, car, sans cet acte, le don ne pourrait pas se donner, parce
1. L’amour seul est digne de foi, tr.fr., Paris, 1966, p. 111, « das Phänomen
Christi », Glaubhaft ist nur Liebe, Einsiedeln, 1963, p. 58.
2. La Gloire et la Croix. Les Aspects esthétiques de la Révélation, t.I, Apparition,
Paris, 1965, tr. fr. de Herrlichkeit. Eine theologische Ästhetik. I. Schau der
Gestalt, Einsideln, 1961, p. 445.
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(Jean 14, 24). Et si ses propres paroles, à lui, celles qu’il nous donne
comme les seules significations qui fassent sens à son propos, ne
sont pas les siennes, comment pourraient-elles être les nôtres ?
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Xavier TILLIETTE
Le Samedi-Saint spéculatif
et la descente aux enfers
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Michel CORBIN
I. L’Événement ultime
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à dire, la preuve n’est pas difficile. Dans le Cur Deus homo de 1098,
ce Père affirme, par la bouche de son disciple Boson, que « Dieu est
si bienveillant que plus bienveillant ne se puisse penser 4. » Ce n’est
rien d’autre que l’article de foi majeur du Proslogion : « Il est juste
que Tu sois si bon qu’on ne puisse Te reconnaître meilleur, et que
Tu œuvres si puissamment qu’on ne puisse Te penser plus puissant. 5 »
Assurément, il faut dénoncer, faire passer par une mort et une résur-
rection semblables à celles de Jésus, certaine image qui habite
d’emblée notre esprit : celle d’une miséricorde qui nous laisserait
inchangés, blanchis en surface, incapables de répondre au Don de
Dieu par la totale soumission de notre volonté à la sienne. Il faut
passer par des « défilés angoissants 6» pour découvrir que ni la misé-
ricorde seule ni la justice seule ne sont dignes de Dieu, mais uni-
quement cette indicible union de la justice et de la miséricorde, qui
advient quand le Père restitue « le Nom au-dessus de tout nom »
(Philippiens 2, 9) au Fils qui s’en est « vidé » (2, 7). C’est une telle
union, une telle summa concordia, qu’Anselme fait admirer à son
ami au terme de leur commune recherche :
Quant à la miséricorde de Dieu qui te semblait périr lorsque nous
considérions la justice de Dieu et le péché des hommes, voici que
nous l’avons trouvée si grande, si accordée à la justice que ni plus
grande ni plus juste ne se pourrait penser 7 ?
Ainsi, la même formule, composée d’une négation et d’un compa-
ratif : « tel que plus grand ne se puisse penser », qualifie Dieu dans
son éternelle divinité et Dieu dans l’événement de miséricorde où,
selon Maxime le Confesseur, Il « dépasse la dignité de Dieu et
déborde la gloire de Dieu 8 ». Est-ce enterrer non seulement la dis-
tinction de la théologie et de l’économie, mais aussi toute distinc-
tion possible de l’ontologie et de la christologie ? Ne nous hâtons
pas de répondre, même si la parole de Jésus à Philippe, le soir de la
Cène : « Qui me voit, voit le Père » (Jean 14, 9), nous incline à
croire que Dieu est Dieu, « au-delà de tout ce que nous pouvons dire
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Telle est la théologie que le Père Hans Urs von Balthasar nous a
enseignée au long de son œuvre. Elle est puisée dans la tradition
patristique qu’il découvrit, avant la guerre, au scolasticat jésuite de
Lyon-Fourvière. Elle ne se meut pas dans la représentation, d’où le
sujet parlant s’absente alors même qu’il prétend l’avoir en sa posses-
sion, mais dans le symbole, où le sujet croyant se sait partie prenante
de ce qu’il confesse au-dessus de lui. Elle a, pour lieu de naissance
et de déploiement, la prière. Elle en procède, elle y demeure, elle y
fait retour. C’est pourquoi, s’il faut distinguer l’ontologie et la
christologie, sans les séparer ni les confondre comme il se doit, ce
n’est nullement pour soumettre l’Événement chrétien à une pré-
compréhension philosophique, qui « rendrait vaine la croix du
Christ » (1 Corinthiens 1, 17), mais pour s’émerveiller que tout soit
grâce, ou qu’il ait éternellement plu à notre Dieu, sans nul besoin de
sa part mais par excès de charité, d’aller au-delà de lui-même dans
le don de lui-même, de se rendre visible en son Fils pour nous ravir
en l’amour des biens invisibles. Rien ne peut se mettre ni se penser
hors et au-delà de ce « bon plaisir » (Luc 10, 21) et, comme l’écrit
ailleurs celui à qui nous devons tant :
Dieu est assez divin pour devenir, à travers l’incarnation, la mort
et la résurrection, en un vrai sens, et non seulement en un sens appa-
rent, ce qu’il est depuis toujours en tant que Dieu 33.
33. Hans Urs von BALTHASAR, Le Mystère pascal, Paris, Éd. du Cerf, p. 203.
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Georges CHANTRAINE
Le surnaturel
chez Henri de Lubac
et Hans Urs von Balthasar
Introduction
1. Hans Urs VON BALTHASAR, Karl Barth. Darstellung und Deutung seiner
Theologie, Einsiedeln, Johannes Verlag, 1951, 2e éd., 1961 ; 4e éd., 1976. La
traduction française de cet ouvrage, faite par Eric IBORRA, fut mise à ma dispo-
sition par l’éditeur Johannes Verlag en vue de cette conférence. Je l’en remercie
sincèrement. Karl Barth sera suivi de la pagination de l’édition allemande, puis
de celle de la traduction française (non publiée).
2. Le colloque sur le Surnaturel organisé par l’Institut Saint-Thomas en mai 2000
à Toulouse en fournit le dernier exemple.
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Surnaturel
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Barth et Lubac
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20. Karl Barth VI. Sur le fond, l’ouvrage de BALTHASAR s’accorde avec Henri
BOUILLARD, Karl Barth, 3 vol., Paris, Aubier-Montaigne, 1957, et Hans KÜNG,
Rechtfertigung. Die Lehre Karl Barths und eine katholische Besinnung. Mit
einem Geleitbrief von Karl Barth, Einsiedeln, Johannes Verlag, 1957 (Karl Barth,
VII-VIII).
21. Erich PRZYWARA, Analogia entis, 1932 ; Einsiedeln, Johannes Verlag, nou-
velle éditioni, 1962 ; trad. par Philibert SECRETAN, Paris, Presses universitaires
de France, Collection Théologiques, 1990, 190 p. ; du même, « Philosophie »,
dans Philosophisches Jahrbuch, 1941, 1-9.
22. Ainsi Karl Barth, 266.
23. Karl Barth, IV, IX. Balthasar renvoie à Henri BOUILLARD (Blondel et le
Christianisme, Paris, Seuil, 1961) et à Gustav SIEWERTH (Die Frage nach Gott,
Einsiedeln, Johannes Verlag, 1959, 361-517). Il renvoie aussi dans Verbum
caro (Einsiedeln, Johannes Verlag, 1960) à deux articles : « Implikationen des
Wortes » et « Gott redet als Mensch » (Karl Barth, IX).
24. Karl Barth, VI.
25. Karl Barth, 273.
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l’ordre surnaturel du monde qui existe de fait, qui est l’unique réel,
bien qu’il n’ait aucune nécessité dans le double sens de la gratuité
de la création et de la gratuité de la grâce (Karl Barth, 312). »
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Conclusion
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37. Hans Urs VON BALTHASAR, L’Heure de l’Église, entretien avec Angelo
Scola, suivi de La paix dans la théologie, trad. par Patrice Hauvy, Paris,
Fayard, coll. « Communio », 1986, 20.
38. Dramatique divine IV, 135.
39. Henri DE LUBAC, Athéisme et Sens de l’homme. Une double requête de
Gaudium et Spes, Paris, Éd. du Cerf, 1968, 96.
40. Ibid.
41. Hans Urs VON BALTHASAR, « Regagner une philosophie à partir de la
théologie », dans Pour une philosophie chrétienne. Philosophie et théologie,
Paris-Namur, Lethielleux-Culture et Vérité, coll. « Le Sycomore », 1983,
181-182.
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8 h 45 :
Accueil
9 heures :
Ouverture : Jacques FONTAINE
Membre de l’Institut,
Président de la Société des Amis du Cardinal Daniélou
9 h l5 :
Conférence d’ouverture
Jean Daniélou, Doyen de la Faculté de Théologie
de l’Institut Catholique de Paris
Jacques BRIEND, Institut Catholique de Paris
9 h 45 :
Jean Daniélou et le judéo-christianisme
Michel FÉDOU s.j., Centre Sèvres
10 h 30 :
Jean Daniélou et la théologie du Logos avant Nicée
Joseph WOLINSKI, Institut Catholique de Paris
Grégoire de Nysse selon Jean Daniélou
Bernard POTTIER s.j., Institut d’Études Théologiques, Bruxelles
13 h 30 :
À la découverte des Pères de l’Église avec le Père Daniélou
Joseph PARAMELLE s.j., EPHE, Sources chrétiennes, Marie-Josèphe RONDEAU
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14 heures :
« La vérité vous rendra libres »
Mariette CANÉVET, Université Marc Bloch, Strasbourg
14 h 30 :
Le Père Daniélou, éveilleur spirituel
Jacqueline d’USSEL, Communauté Saint-François-Xavier
15 heures :
Jean Daniélou et la culture
Xavier TILLIETTE s.j., Institut Catholique de Paris et Université grégorienne,
Rome
16 heures :
Jean Daniélou et la théologie de l’accomplissement
Antoine GUGGENHEIM, Faculté Notre-Dame de l’école Cathédrale, Paris
16 h 30 :
Jean Daniélou et les religions non chrétiennes
Michel MESLIN, Université Paris IV-Sorbonne
17 heures :
Table ronde : avec Frédéric-Marc BALDÉ, Faculté Notre-Dame de l’École
Cathédrale, Paris, Françoise JACQUIN, Cercle saint Jean-Baptiste
18 heures :
Conclusions des travaux : M. le Cardinal Jean-Marie LUSTIGER
19 heures :
Eucharistie à Saint-Germain-des-Prés
présidée par M. le Cardinal Jean-Marie LUSTIGER
Renseignements :
Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses
01 44 39 52 51 [email protected]
Tarif 20 m, paiement sur place
Gratuité pour les étudiants
sur présentation de leur carte 2004-2005
Communio Mars-avril 2005 30-03-2005 15:48 Page 124
R E V U E C AT H O L I Q U E I N T E R N AT I O N A L E
COMMUNIO
pour l’intelligence de la foi
En collaboration
avec les éditions de Communio en :
BULLETIN D’ABONNEMENT
À RETOURNER ACCOMPAGNÉ DE VOTRE RÈGLEMENT À :
Communio – 5, passage Saint-Paul – 75004 Paris – CCP 18676 23 F Paris
pour la Belgique : « Amitié Communio », rue de Bruxelles 62, B 5000 Namur
pour la Suisse : « Amitié Communio », monastère du Carmel, CH 1661, Le Pâquier
pour le Canada : PERIODICA CP 444 OUTREMONT QC. H2V1E2
❑ Je souhaite que le bénéficiaire de ce parrainage soit informé de mon identité que je vous
précise ci-dessous :
Nom ............................. Adresse .........................................................................................
................................................................................................................................................
Montant du règlement à joindre* ........................................................................ par chèque
bancaire ou postal à l’ordre de Communio.
Date : ................................................................ Signature :
56 m 100 m
Normal
2 259,04 FB 4 034 FB « Amitié Communio », rue de Bruxelles
Belgique 61 B-5000 Namur
68 m 127 m CCP 000 0566 165 73
Soutien
2 743,12 FB 5 123,18 FB
61 m 114 m
Économique
400,14 FF 747,79 FF Communio, 5, passage Saint-Paul,
Autres pays
75004 Paris
(par avion)
Prioritaire 70 m 127 m CCP - 18676 - 23 F Paris
et Soutien 459,17 FF 833,07 FF
* Indiquez le montant de votre règlement après avoir coché dans le tableau de tarifs, ci-dessus,
la case correspondant à votre choix.
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