Tableau de L'état Physique Et (... ) Villermé Louis Bpt6k6503b
Tableau de L'état Physique Et (... ) Villermé Louis Bpt6k6503b
Tableau de L'état Physique Et (... ) Villermé Louis Bpt6k6503b
DES OUVRIERS
EMPLOYÉS
DANS LES MANUFACTURES DE COTON,'DE LAINE ET DE SOIE.
SB CETTE
TOME PREMIER.
PARIS.
JULES RENOUARD ET G% LIBRAIRES,
RUE DE TOURÎSOS, If. 6.
1840.
TABLEAU
DE
L'ÉTAT PHYSIQUE
ET MORAL
DES OUVRIERS.
TOME I.
TABLEAU
DE
DES OUVRIERS
EMPLOYES
OUVRAGE
sxrcsau PAR OMRt gr ici Es ausmc» de VxckoiuK DU kibicu moraus rr volixiqu».
TOME PREMIER.
PARIS.
JULES RENOUARD ET G', LIBRAIRES
RUE DE TOURKON, r. 6.
1840.
INTRODUCTION.
L'ÉTAT PHYSIQUE
ET MORAL
DES OUVRIERS
ET DE SOIE.
ipaihwuw-
CHAPITRE PREMIER.
I.
(1) Savoir
(1) Savoir:
id.
1835 pour les occupations
A.
dits.
Dans les filatures ordinaires (2)
bobineurs.
journée.
Fileurs et fileuses proprement
Rattacheurset
Femmes à la
900
3oo
Q66
Hommes i33
B. Dans la filature de M. Nicolas Schlumberger,
ci Guebwiller, où l'on fabrique les fils les plus. fins,
les plus réguliers, et où, proportion gardée, les ate-
liers du battage et de la cardérie occupent le plus
de travailleurs, et les ateliers du filage le plus d'en-
fans (3)
Fileurs et fileuses
Rattacheurs etbobineurs. 176
36o
Pareurs.
C. Dans
classe.
classe.
les tissages mécaniques: (1)
divers
Imprimeurset
Tireurs (enfans des deux 333
Manœuvres et ouvriers 267
Filature.
Tissage
Homrn.
g3
836
Femm.
327
g3o
Impression d'indiennes. f>64 99
temps, ils ont une demi-heure pour le déjeuner
et une heure pour le dîner; c'est là tont le repos
qu'on leur accorde. Par conséquent, ils ne four-
nissent jamais moins de treize heures et demie de
travail par jour.
A Thann, à Yesserling, etc., la journée est aussi
longue; mais dans le dernier endroit les ouvriers
disposent chaque jour de deux heures entières. A
Guebwiller, dans la belle filature de MM. Nicolas
Schlumberger et compagnie, elle est de treize heures
et demie au lieu de quinze, et la durée de travail
effectifde douze heures au lieu de treize et demie ( [ ).
D'un autre côté, à Bitschwiller, village rempli de
filatures et de tissages mécaniques, situé entre Thann
et Saint-Amarin, la journée, si l'on m'y a dit vrai,
serait toujours de seize heures, car elle commence
à cinq heures du matin et le soir elle finit à neuf.
Enfin, tous les samedis, elle est communément
plus courte, ainsi que la durée de travail effectif,
dans les établissemens où les ouvriers sont à la pièce
ou à la tâche; elle l'est aussi tous les jours pour les
ouvriers employés à construire ou à raccommoder
les métiers et les machines.
(i) Suivant la note qui m'a été remise dans cet établissement.
(2) Voyez Bnquéte relative à diverses prohibitions, etc., t. ni,
p. 350.
(3) Id., p. 6i5.
(4) Travaillant à la pièce ou à la tâche.
(5) (5) Les rattacheurs et bobineurs sont presque toujours
payés par les fileurs eux-mêmes, lorsque ceux-citravaillent à la
pièce, et par les fabricans, lorsque c'est à la journée. Les salaires
de ces enfans ont été déduits ici de ceux des fileurs.
(6) Travaillant à la journée; il en est de même des suivans.
main-d'œuvre; ce qui ferait pour chacun, terme
moyen annuel, à très peu près 472 fr., ou par jour-
née de travail, si l'on -en suppose 3oo dans l'année,
i fr. 57 c. il3 (i). Mais il est évident que, dans cette
évaluation du salaire moyen, les rattacheurs et bobi-
neurs ne sont point compris, et que par conséquent
il était moins fort. La différence doit être de 3o à35 c.
(de 6 à 7 sous) par jour.
Un tableau statistique des ouvriers d'une grande
manufacture du Haut-Rhin, publié dans l'Industrïel
lllsacien du 6 août i836, vient appuyer cette ré-
flexion, car il en résulte que le salaire moyen payé
en i832,
en i835,
de.
dans les ateliers de filature a été
de. i
1
fr. o3 c.
ri
(1) Voici les données du calcul, telles qu'on les trouve dans le
rapport cité
« Les cotons bruts (consommés par les filatures du départe-
ment du Haut-Rhin) peuvent être évalués à 18,000,000
«
On
«
peut
Différence.
Les cotons filés
admettre que, dans les frais de
35,000,000
17,000,000
fabrication (quis'élè-
« vent à 17,000,000), la moitié s'applique à la main-d'oeuvre
« directe, et que l'autre moitié consiste en frais généraux.
« Le
nombre d'ouvriers des deux sexes employésdans les fila-
« tmCs, s'clèvn à 18,000 individus (Voyez les Bulletins de la
société industrielle de Mulhouse, t. vu, p. 436 et 437).
a° DANS LES TISSAGES.
(i) En voici le détail, tel qu'il a été donné dans les réponses
aux questions que j'avais soumises'à la Société industrielle de
Mulhouse
pain.
Les denrées se paient ordinairementcomme il suit
farine.
Le
La
12 à i5 cent. la livre.
io-za Id.
terre.
viande.
Les pommes de
lard.
La
80 fr. le double décalitre.
1
40-45 cent. la livre.
beurre.
Le
Œufs
45– 5o
lait.
Le
Le
bière
vin.
Le
J.a
70–75
5o
i5
cent. la douzaine.
cent. le litre.
4o-5o cent. Id.
30 cent. Id.
pensable à leur entretien complet, serait, d'après mes
renseignemens
(2.) Voici, pour la ville de Mulhouse, les nombres qui ont été
constatés pendant la période de 1818 à i834 inclusivement.On
pont les vérifier dans les feuilles des Affiches de Mulhouse.
Fille cle Mulhouse.
mariés, ci
et mariés ou
92,560
M. de Villeneuve-Bargemont, environ 92,56o de
l'âge de 15 à 25 ans, qu'il supposait n'être pas encore
trouve affecté d'une erreur de 10,000 j'ai dic les reproduire ici
tels qu'on les lit dans l'ouvrage de M. deVilIeneuve-Bargemont.
(i) En admettant 973,564 individus pour la population de
1828, ou bien un accroissement moyen annuel de 5,458;
comme on peut le déduire des deux chiffres totaux cités pour
1826 et z83z.
(2) II ne faut pas croire pourtant, ce que j'ai entendu dire
dans le pays, que ses manufactures de coton produisentla moi-
tié de ce qui se file et se fabrique dans la totalité de la France.
C'est une grande exagération que n'admettent point des fabri-
cans distingués, tels que M. Mimerel, filateur à Roubaix, M. Au-
guste mille, filateur à Lille, M. Serive, fabricant de çardes dans
cette dernière ville, etc. On regrette de la trouver dans l'ouvrage
Des dénombremens faits à la même époque ont
fourni la preuve que sur les 396,600 individus qui
n'avaient guère d'autres ressources pour vivre que
les manufactures, 1 63,453, c'est-à-dire, sur 2,42, où
un peu plus du sixième de la population totale du
département, étaient alors inscrits sur les registres
des bureaux de bienfaisance (1). 171,621 l'étaient
(Id. p. 53).
En 1789, la population du département du Nord était de
808,147 individus, et le nombre des indigens d'environ 120,000
(fd. p. 56). Sur la fin de l'an ix, c'est-à-dire, un peu avant le
z3 septembre 180 1, le nombre des indigens secourus à domicile
était de 142,961, pour une population de 794,872, ou un peu
plus du sixième de celle-ci (V. la Statistique du département du
Nord, par M. Dieudonné, préfet; t. ier, p. 33, 34 et 53). On
comptait alors 4o,i8o mendians (ibid.), ou i sur 3,56 indi-
gens, et sur 19,78 de la population totale. Mais en 1829, le
préfetd'alors,M. le vicomte de Villeneuve-Bargemonten évaluait
le nombre à environ 16,000, le soixantième de la population to-
forte propor-
en 1833 (1). C'est de beaucoup la plus
tion d'indigens qui ait été constatée en France dans
un départemententier. Et pourtant, celui du Nord,
le plus manufacturier peut-être du royaume, en est
certainement le mieux cultivé, celui dont le sol est
le plus fertile. (2)
i835, et l'un des membres les plus actifs des bureaux de bien-
faisance de la ville de Lille.
(i) J'ai alors entendu plusieurs personnes affirmer qu'il y avait
3o,ooo inaigens dans Lille.
(2) L'état officiel pour i83i indique 69,073, et celui de x836,
72,oo5.
(3) Tome n, p. 54.
famille, mettent en gage leurs effets et vendent les
vêtemens dont la charité publique ou la bienfaisance
particulière a couvert leur nudité (r). Beaucoup sont
en proie à des infirmités héréditaires (2). Il s'en trou-
vait, en 1828, jusqu'à « 3687 logés dans des caves
« souterraines, étroites, basses, privés d'air et de jour,
« où règne la malpropreté la plus dégoûtante, et où
« reposent sur le même grabat, les parens, les enfans
« et quelquefois des frères et sœurs adultes. » (3)
Ce tableau effrayantdoit paraître exagéré. Les faits
que j'ai observés moi-même en i835, à une époque
assez prospère, vont nous apprendre ce qu'il faut en
croire.
Le quartier de Lille où il y a, proportion gardée,
le plus d'ouvriers pauvres et de mauvaise conduite,
est celui de la rue des Etaques, et des allées, des
cours étroites, tortueuses, profondes, qui communi-
quent avec elle (4). Il comprend un espace de 200
mètres de longueur sur 120 mètres de largeur
moyenne. Ces mesures sont exactes, d'après un plan
de la ville sur lequelje les ai prises. Le quartier dont
il s'agit a donc 24,ooo mètres carrés ou environ de
(i) J'ai été une seconde fois à Lille pendant l'été de i837;
mais, soit par suite de la crise industrielle,qui privait les ouvriers
d'une grande partie de leurs salaires, soit par l'effet de la saison
qui les excitait moins à boire de l'eau-de-vie, soit par ces deux
causes réunies, le fait est que j'ai vu alors bien moins d'ivrognes
dans cette ville, que pendant les mois de novembre et décem-
bre i835.
Dans les pays à vin, la gaîté, les chansons, le bavardage,
l'épanouissement des physionomies, accompagnent ordinaire-
ment l'ivresse commençante; mais là, elle prend tout de suite
un caractère particulier de taciturnité, ce qui tient sans doute
à la différence des liqueurs enivrantes.
offert par quelques centaines d'individus seulement,
c'est, à des degrés.divers par la grande majorité des
3ooo qui.habitent le quartier de la rue des Etaques,
et par un plus grand nombre d'autres encore qui sont
groupés, distribués dans beaucoup de rues, et dans
peut-être soixante cours plus ou moins comparables
à celles dont j'ai parlé. (i)
Ainsi, M. de Villeneuve-Bargemont n'a point re-
présenté les ouvriers de Lille sous des couleurs trop
sombres et l'on ne doit accuser d'exagération ni sa
description ni la mienne. Si le lecteurpeut conserver
quelques doutes à cet égard, je le prie de lire deux
autres descriptions que je transcris en note. (2)
Ouvriers Amidonniers.
ÉTÉ. HIVER
te.f.f. e. iz 5o » »
e. if
SM.HRI5S
e.
ouvriers
Affréteurs d'étoffes.
ordinaires.
3
a
» » »
Bons
Ouvriers
ans.
Jeunes gens de 12 à i5
Il y a accroissement du salaire. Cette tranche
d'industrie est plus importante à Ronjiaix qu'à
i 5o »
» 60 i» ».
Hommes.
Lille.
1
On payait il y a deux ans 5o cent. environ de
plas qn'à présent par journée, parce que la com-
mande était alors plus grande.
Hommes Hommes
Blanchisseurs
defils.
1 5o » »
Blanchisseurs de toiles.
aop.mois,
Ils sont nourris, logés et travaillent sans temps
déterminé jusqu'au soir.
Ouvriers travaillant au blanc de
céruse.
Hommes
Il serait à désirer que le prix de la journée f4t
1 5o a »
ans.
Enfans
ÉTÉ. HIVER SALAIRES
» 80 » »
à t. «.
Femmes
Hommes niera.
Hommes
(Voyez le Tableau qui est à
Fabricans de broches.
Industrie peu connue à Lille.
·la suite de celui·ci.)
1 5 a »
ouvriers.
Caiendreurs.
Premiers
Ouvriers
Jeunes gens..
ordinaire.
Il n'y a point eu de changement dans le salaire
2 » » »
1 5o » »
» 60 » 75
Hommes.
de ces ouvriers depuis bien long-temps.
Fabricans de cardes.
Industrie très perfectionnée à Lille.
Chaudronniers (constructeurs de
3 » 5 »
Hommes..
cuves en cuivre, ete.).
Depuis dix ans le salaire des chaudronniers con-
strnctenrs a plus que doublé.
4 50 5 »
Chapeliers.
Hommes Sa»
Depuis dix ans il y a une grande baisse la
peluche ayant remplacéle feutre.
Hommes
Constructeurs de mécaniques
tulles. j
a5o5»
Hommes..
(Voyez la Tableau qui est à la suite de celui-ci.)
Couvreurs.
Mêmes observations que pour les briquetiers et
les charpentiers.
1 75 1 a5
ETE. HIVER SALAIRES
VOXKMI.
Corroyeurs. c e, f. e. 3 e. i4 e c.
Hommes
Industrie perfectionnée à Lille*
Première
Deuxième
classe
classe
Dentellières.
à la journée..
Ouvriers
sous.
Ebénistes.
Mêmeobservation que pour les couvreurs et les
2 50 2 25
Ouvriers. 2.
charpentiers.
Idem.
Ferblantiers.
50 2 50
Filature et tordage du lin à la méca-
Femmes
Hommes
Hommes
nique.
Filatures de coton.
il » i a5
classe.
Enfans
a 5o 3 »
Femmes, première
Femmes, deuxième classe. 1 » 1 75
» 75 i t5
» 5o » 60
La plupart des filatures étant mues par la vapeur,
les ouvriers éprouvent moins de fatigue qu'autre-
fois c'est là une cause de la baisse du prix de la
Fileurs
journée des hommes, tandis que celui des femmes
et des enfans a augmenté.
Filatures de laine ci la mécanique.
Rattacheurs payés par les
Ouvriers, du sexe
fileurs.
masculin, employés
aux
a 5o 3 5o
1 10 1 30
batteurs de la laine
premières préparations la veurs,trieurs,
laine 1 5o 2 5o
Peigneurs à bras de la
nique
Enfans du sexe masculin employés au
peiguagc méca
1 5o a 50
5o 1 5o
ÉTÉ. HIVER 1 SALAIRES
Etireusès et dévideuses.
Rattacheuses, dont beaucoup condui-
1 » » »
sent des métiers
Eplucheurs du fil ( enfans
» 5o
»4o
i s5
» 50
II n'y qu'un seul établissement de genre;
il est situéa à Marcq, à trois quarts de lieuecede Lille,
et il occupe environ 400 ouvriers. La durée de la
journée y est, indistinctement, pour tous les ou-
vriers, et en hiver comme en été, de douze heures
de travail. Les rattacheurs y sont payés fort cher,
parce que peu de jeunes gens consentent travail-
ler comme tels., et qu'il y a concurrence pour la
demandede leur travail.
classe.
première
FiltierSi
Hommes, contre-maîtres et ouvriers de
femmes.
Ouvriers de seconde classe, hommes et
i 50 » »
enfans.
Jeunes gens et
Les sept huitièmesde ces ouvriers gagnent i franc
t» 4510 » 80»
»
» 8 »
(Voyez le Tableau, qui est la suite de celui-ci.)
Hommes, première
Mouleurs, deuxième
classe
Fondeurs en cuivre.
classe
2 5o 3 »
Hommes.
Huiles de graines (fabrication
Ouvriers.3 » 3 »
tîepuïèplus de quarante ans)*
Ïmprimeurs en caractères.
ouvriers
ouvriers
Premiers
Imprimeurs sur tissus.
5 »
ordinaires.
Femmes.
Bons
Ouvriers
3 » » »
i 5o »
1 5o 2 5o
»
ÉTÉ. HIVER SALAIRES
ans.
Enfans de dix à douze
Le salaire de ces ouvriers est le même depuis
L c. U c. r. c. c.
» 50 » 6ô
à f.
Graveurs
bien long-temps.
Imprimeries d'indiennes.
3 » 5 »
Femmes,
Enfans, tireurs
rentreuses
Hommes,imprimeursde premières mains.
utilité.
Autres ouvriers, suivant leur âge, leur
force et leur
i 3o 3 »
i » 2 »
» 25 » 5o
» 5o i 5o
Joailliers.
Monteurs, premiers ouvriers 4 »
Jeunes ouvriers
Ouvriers ordinaires
Le salaire de ces ouvriers est le même depuis
beaucoup d'années.
a »
2 » 3 »
i » i 50
Ouvriers Maçons. »
a i5 i 5o
Manoeuvres i a5 i »
Même observation que pour les charpentiers.
Ouvriers Menuisiers. 2 5o a 5o
Idem.
Fabrication de noir animal.
Maîtres ouvriers 2
Ouvriers
Malgré
ordinaires
plus grandefabrication de sucres,
1 50 » »
une
le salaire de ces ouvriers n'est pas augmente
le fabricant se servant deux et trois fois du même
noir.
Paveurs de grès.
a 25
Ouvriersde première classe
de deuxième classe. i
Lorsque ces ouvriers travaillent au mètre carré
75
1
i
?5
a5
(aux pièces), ils peuvent gagner de 3 à 4 fr.
Peintres,
Ouvriers décorateurs t
de première classe.
4 » » »
a » » »
de deuxième classe. i 5o
Fabrieation de pipes et de briques
réfractaires.
Ouvriers de première classe.
classe
2 » 2 20
5o 1 ?5
-"• de deuxième 1
FaLfiialionencore naissante,qui compte déjà 100
ouvriers, teais presquetous étrangers.
ÉTÉ. HIVER SALAIRES
MOIEM.
f. c. f. c. f. c. à f, e.
Ouvrières en sarraux.
Monteuses de sarraux, bonnes ouvrières. 1 » a5
Ouvrières ordinaires 1
» 6o » »
Brodeuses aucrochet,premières ouvrières r » 1 a5
Petites filles de dix à douze ans » 50 » »
il faut que les bonnes ouvrières monteuses em-
ploient bien leur temps pour arriver au prix de
x fr. a5 c. par jour, puisqu'elles n'ont que x5 c.
pour monter un sarrau.
Quant aux brodeuses au crochet, leur état est
perdu. Leurs broderies, qui coûtentde 60 à <jS c.
par collet, se font aujourd'hui pour 10 c. an
moyen des métiers dits Jacquarts. Ces collets bro-
dés au crochet donnaient de l'ouvrage à un grand
Ouvriers
nombre de jeunes ouvrières.
Savonniers.
Depuis plus de vingt ans, l'ouvrier savonnier ga-
gne, avec tous ses profits, 12 fr. par semaine.
2 » » »
Serruriers.
Ouvriers
Ouvriers Scieurs de bois.
Même observation que pour les charpentiers,
2
3
5050
» 2 So
Ouvriers
les macons et les menuisiers.
Serruriers ajusteurs.
Il manque de ces ouvriers à Lille.
Sucre de betteraves.
4 0 5 »
Femmes
Enfans de dix à douze ans
Cette branche d'industrie, n'étant qu'à sa nais-
sance, on peut augurer qu'il y aura augmentation
dans le salaire, eu égard au nombre d'ouvriers qui
1 a5 » »
» 75 » »
» 60 » »
Bons ouvriers
Tailleurs de pierres.
Lorsqu'ils travaillent aux pièces, ils peuvent ga.
3 50 » »
gner de 5 à 6 fr. par jour.
Bons
Tailleurs de blancs.
ouvriers i 8o I 60
Leur salaire n'a pas reçu d'augmentation depuis
Tanneurs.
Hommes i 5o » »
ouvriers
Le salaire de ouvriers n'a
ces pas augmenté.
Teinturiers en toiles bleuea.
Premiers
ordinaires a » 2 50
i 755o » »
Ouvriers
Ouvriers de douze à quinze ans.
Les teintureries en blenn'ont eu de l'importance
» » »
Ouvriers en
Ouvriers
laine
à Lille que depuis la séparation de la Belgique les
ouvriers ne gagnaient pas autant dans le principe.
Teinturiers.
en coton
Ouvriers en fil de lia
2 5o » »
a 5o » »
a »» »
Ouvriers chevilleurs 1 80 » »
La journée des ouvriers teinturiers est de douze
Hommes
heures.
Femmes..
Tisseurs de calicots.
Tourneurs en bois.
1 5o » »
» 40 » 60
Ouvriers 3 »
en fer.
Ouvriers.
Tourneurs
3
Ouvriers
Les ouvriers tourneurs en fer manquent.
Tulle.
crochet
Brodeuses au
(Voyez le Tableau qui est à la suite de celui-ci.)
a 5o 3 »
» 70 1
1
»
ÉTÉ. HIVER SALAIRES
Limeurs
Forgerons de première classe
Doreurs
de deuxième classe
Menuisiers pour les caisses, aux pièces.
5
3
»6 »
» 4 »
2 5o 3 »
r
4
7&
» £ »
.a, »
Ouvriers en roues
Ouvriers ordinaires la journée
Charrons pour les trains,
Ci) Des recherches que j'ai faites pour connaître les salaires
payés à Lille aux ouvriers, dans les diversesbranches de l'industrie
ducotonetdulin, m'ont donné les mêmes chiffres que ceux qui se
lisent dans le tableau, excepté cependant pour la fabrication des
indiennes et pour la filature du lin à la mécanique car j'ai trouvé,
pour la première industrie, que des imprimeurs de première
mains pouvaient gagner jusqu'à 3o fr. par semaine, les autres jus-
qu'à i5 fr.; et, pour la seconde industrie, que les hommes char-
gés du peignage du lin à la main recevaient des salaires journa-
liers de a fr. 5o c. à 3 fr., et les femmes chargées de retordre le
fil et des autres opérations, des salaires de 60 c. seulement à i fr.
10 c., 1 fr. 2o. Mais à l'époque où je me trouvais à Lille,
M. Scrive commençait à établir sa filature de lin à la mécanique,
et elle n'employait encore que très peu d'ouvriers.
l'année, si la maladie de quelqu'un de ses membres
ou un manque d'ouvrage ne vient pas diminuer ses
profits, savoir:
Sa nourriture environ
(i) Mais je n'ai pu voir dans les rues de Litle, habitées par
les pauvres, le grand nombre de bossus, de rachitiques, de
manchots, de boiteux, d'infirmes, qu'on m'avait dit s'y rencon-
trer.
une indemnité représentative du salaire qu'ils ne
peuvent gagner. M. de Villeneuve-Bargemontn'a pas
compté, en 1828, moins de n3 associations sembla-
bles composées de 7667 personnes (i); en i836 il
yen avait 106 réunissant 7329 sociétaires (2). Mais
ici, la mauvaise organisation de ces sociétés, si dignes
d'éloges d'ailleurs, ne permet pas qu'elles fassent du
bien. En effet, le lieu où elles s'assemblent une fois
par mois pour traiter de leurs affaires, est toujours un
cabaret; et, à la fin de chaque année, ce qui reste en
caisse au-dessus d'une certaine somme, se partage en-
tre les sociétaires et se dépense immédiatement en
débauches, « pour recommencer l'année suivante la
« formation d'une nouvelle caisse dont les
produits
« auront la même destination. » (3)
brei833, par plusieurs amis zélés de s'aider les uns les autres
dans leurs maladies, les dispositions suivantes
« Le malade peut avantager son certificat (de maladie) chez
« le cabaretier du Cercle. » flrt. F.
« Tout associé qui se trouvera
à l'assemblée sera tenu de payer
« son pot (de bière) de suite, sous peine d'être rayé du Cercle. »
rlrt. XV.
« Tout
associé qui, étant à l'assemblée, jurera le saint nom
« de Dieu, ou donnera un démenti à un autre, sera à l'amende
« d'un pot payable de suite. Art. XX.
« Aucun argent ne sera
déposé entre les mains du Maître du
« mois.
Quand il en aura besoin, il s'adressera au cabaretier, à
« qui il déclarera le nombre des malades; alors le cabaretier lui
« donnera l'argent nécessaire, etc. » Art. XXVIII.
Tout le reste du réglement répond assez bien au but de l'insti-
tution, exccplé pourtant en ce qui concerne le partage des
amendes et de la caisse, tous les ans à un jour fixé.
« tures, surtout dans la classe des gens de métiers et
a des journaliers, que les effets désastreux de cet
« usage sont le plus sensibles (r). » Enfin il affirme
que l'ivresse était presque continuelle parmi ces ha-
bitués de cabaret, et qu'il n'était pas rare de voir
les ouvriers des manufactures de Lille ne travailler
que trois jours de la semaine et passer les quatre au-
tres à boire (2). Le vice de l'ivrognerie paraît être
au surplus fort ancien dans le pays. Je citerai comme
une preuve de cette assertion, qu'on lit dans le Mé-
moire de la généralité de Flandre, dressé par l'in-
tendant en 1698 (il y a maintenant i^o ans), ces mots
remarquables sur les habitans delà province dont le
département du Nord fait partie ils sont exacts
à la messe et au sermon, le tout sctns prépidice du
cabaret, qui est leur passion dominante. (3)
Voici un fait qui seul prouverait combien l'ivro-
gnerie est dans les moeurs du peuple de Lille. L'usage
est, dans cette ville, de faire prendre aux petits
enfans auxquels on veut procurer du sommeil,
une dose de thériaque, appelée dormant. Eh bien,
je me suis assuré chez les pharmaciens qui vendent
ces dormans, que les femmes d'ouvriers en achètent
§ II.
(i) C'est ainsi que réduits en 1814 et i8i5 aux seuls produits
de leurs champs,ils purent contribuer à l'acquittement des charges
énormes qui pesaient alors sur le pays, pendant son occupa-
tion par les armées étrangères (Voyez ce que dit à cet égard
M. Brayer, dans sa Statistiquc du département de l'Aisne, 1. 11,
p. 290).
sages mécaniques, des apprêts et des blanchisseries,
les uns sont domiciliés dans la ville, dans l'endroit
même où se trouve l'établissement qui les emploie,
ou s'y rendent chaque matin des villages environ-
nans les autres, bien moins nombreux et sans
domicile fixe, appartiennent à la population mo-
bile ou flottante.
Il y a peu de manufactures, dans le département
de l'Aisne, qui aient été construites entièrement pour
l'usage qu'elles remplissent. On les a presque tou-
jours établies dans des bâtimens qui avaient dans le
principe une autre destination. Il n'y a rien à dire
néanmoins contre la grandeur des ateliers et contre
l'espace accordé à chaque ouvrier celui-ci y respire
un bon air, excepté pourtant, comme partout ail-
leurs-, dans quelques ateliers, surtout ceux du bat-
tage (i). C'est du reste chez eux, en famille, que les
tisserands font leurs toiles, et ici plus souvent encore
qu'ailleurs, dans des espèces de caves ou des celliers
humides, peu ou point aérés, où la température
est basse, mais égale. Ces pièces, enfoncées en terre,
f. c. f. c. f. c. f. c.
Pour les hommes, de 5oà3 3 » 1 2 »
femmes y> ;jo 1 25 » 70 1 »
enfans » Do 1 a5 » 3o » 60(1)
Un an plus tard, les salaires étaient encore les
mêmes dans la ville mais beaucoup d'enfans ne
recevaient pas plus de 6 sous par jour; et dans les
fn c. fr.
Hommes, de
fr.
»c. à i 75c.
fr.
126 375
Femmes
Jeunes gens »
1
» 70
»
ia5
» 75
» 90 270
225
Enfans.
Brodeuses
»
» 25 » 60
» 5o » .0
» 45
» 55
i35
i65
journée
et autres femmes à la
fileurs.
Maîtres
i » 1 ao
2 » 3 ao
1
2 5o
5 »
»
3i5
750
nenrs.
Rattacheurs et bobi-
» 3o 125 » 80 » 240
B. Dans les tissages mécaniques.
Pareurs.
Tisseurs.
fi-. e. fr. c.
3 » c.
4ao
fr. fr.
900
0
Tisseuses. 3oo
et hommes
la journée. »
à i 59 »
§1.
Des ouvriers en coton de la fabrique de Rouen.
DE 1825 1834.
»
Les tisserands, leurs aides et les autres ouvriers
les moins rétribués, recevaient à Rouen, par jour-
née de travail, en 1 833 et 1 834
de.
Les hommes, de
Les femmes, de
Les enfans,
i fr. 25 c. à 2 fr. c.
3)
»
75
5o i
i 50
(1) Ces lits se composent d'une bonne paillasse, d'un bon ma-
telas, d'un traversin, d'une paire de draps, et, suivant la saison,
d'une ou de deux couvertures. Ils m'ont paru, avec leurs acces-
soires, assez proprement entretenus, et, en général, pas trop
rapprochés les uns des autres dans les chambres, du moins dans
la maison dont il s'agit, où ne vont point les ouvriers dont le
salaire journalier est habituellement au-dessous de 5o sous.
(2) Celui qui tient cette maison ne permet pas aux femmes d'y
entrer, ni aux gens ivres de rester dans la pièce à manger, qui
sert aussi de cuisine. Il ne vend à boire à personne c'est seule-
ment en prenaut ses repas qu'on peut y avoir du cidre ou du
vin. C'est à cet homme, connu dans tout Rouen sous le nom de
Normand, quoiqu'il s'appelle Gossiou, que les ouvriers nouvel-
lement arrivés en ville ou sans travail s'adressent pour être pla-
cés chez les fabricans et entrepreneurs d'ouvrages, et que ces
derniers demandent des ouvriers. Il exerce sur ceux-ci, qui l'ai-
ment singulièrement, une très grande influence, et par son carac-
tère et par Une force prodigieuse qu'annonce une apparence her-
culéenne, et qui lui permet au besoin de les mettre à la raison.
il faut compter pour le pain 6 ou 8 sous; pour le
mets du déjeuner 4 sous; pour celui du dîner, le
bouillon compris, 6 sous; pour un peu de cidre.,
de 2 à 4 sous.
Il y a des maisons semblables pour les femmes
un lit s'y loue le même prix, mais la nourriture y re*
vient à i5, 18 ou ao sous au plus par jour. Moyen-
nant cette dernière somme elles sont assez bien on
leur donne jusqu'à du cidre et même le matin du
café au lait. On remarque qu'elles se logent, plus
souvent que les hommes, seules, ou deux à deux,
dans des cabinets, qu'elles paient alors depuis 6 fr.
par mois jusqu'à io.
D'après le témoignage unanime des logeurs d'ou-
vriers, des ouvriers eux-mêmes, et de beaucoup
d'autres personnes encore à Rouen un artisan
quand il est seul pourvoit amplement à tous ses be-
soins, y compris même, chaque semaine, quelque
chose pour ses plaisirs, avec un peu moins de 4o
sous par jour; et hors les époques de crise indus-
trielle il n'y a guère de misère, dans cette ville et
Tireurs.
Imprimeurs sans distinction, des deux classes
(hommes)
» 60 » »
empaqueteur. 2i a5 »
>
fr. c. fr. c.
Un »
Fileuses qui n'avaient point de rattacheras a5 à 1 ^5
i
cardes.
Femmes employées au rotas et au dévidage
125 » »
Etireuses ou veilleusesde
Empaqueteuses
1 a5 à 50
1 » à 1 a5
Femmes employées au battage mécanique et au
nettoyage du coton
nettoyage
Enfans employés au
Rattacheurs-bobiuenrs
1 10
»70
H 40 à
» »
»
60
travailleurs m'ont paru être en bonne santé, mais
parmi eux il n'y avait pas de jeunes enfans.
Ce qui vient d'être dit du bien-être habituel des
ouvriers de la campagne, ne s'applique point à la
classe des tisserands en coton (i), qui est ici, comme
presque partout, la plus mal rétribuée, la plus pau-
vre, par conséquent la plus malheureuse. Ils tra-
vaillent tous jusqu'à i5 ou 17 heures par jour, non
compris le temps des repas, et pour un salaire si
modique, qu'à Darnétal, à une lieue de Rouen, un
habitant, auteur d'un ouvrage sur cette petite ville,
évalue leurs gains à 5 fr. 4o c, seulement par semaine
ou 18 sous par jour. Sur cette somme, ils sont obli-
gés, ajoute-t-il, de s'éclairer, de se chauffer et de se
fournir de colle ou parement (2) ce qui certes est
au-dessous de la vérité dans les temps ordinaires (3).
Les tisserands, qui sont encore ici, comme presque
fr. tr.
c. fr. e' fr.
5/4 3o »c. à 3a » 4 5o à 4 7Sc..
414 16 » à 17 y> 3 3 25
i3/i6 12 » à i3 » 2 5o » »
3/4 8 x » »
n/16 5 » à9 »
5 5 5o i 50
Le travail des ouvriers d'une force ordinaire est à-peu-près
réglé dans la proportion suivante
5/4, deux douzaines par semaine.
4/4 deux douzaines et demie.
i3ji6, trois douzaines par semaine.
3/4, trois douzaines et demie.
11/16, quatre douzaines.
Ce qui fait par semaine 3o à 3z aunes d'étoffes et pour les
gains
1815. 1835.
§ II.
Fileurs..
draps
Tondeurs de
HOMMES.
» il.
2 80
2
c. à fr
75
c.
Laineurs
Manœuvres ou journaliers .175
'.tisserands travaillant chez eux
a
i
»
67
»
2
a
»
»
(i) En voici une preuve dans les prix suivans des journées, qui,
si l'on m'a dit vrai, étaient payés en juillet 1837, dans deux
Fileurs.
établissemens d'Elbeuf que j'ai visités alors
Tisserands
Tondeurs et laineurs
fr.
3
2
c. à fr.
25
»
2 » 2 25
3
» »
a.
67
Laveurs etteinturiers
journée. 2 1 7&"
» » »
a 25
Hommes à la
Tisserandes, en supposant qu'elles n'é-
taient pas distraites de leur occupa-
tion par les soins du ménage i 5o » »
Aides des tondeurs et laineurs 1 25 1 5o
Trieuses de
Femmes à la
laines
Rentrayeuses.
journée
x
1
l
25
5)
» M
B
»
Femmes, et enfans au-dessus de ir
à 12 ans employés au cardage. » g5 l 10
Rattacheurs dans les ateliers de filage. » 67
Enfans et jeunes gens. _.) » 60 l 25»
tain nombre, surtout à Elbeuf et dans la classe des
teinturiers qui sont, avec les serruriers, les moins
sobres et les moins économes. Toutefois, dans cette
ville, l'inconduite ne s'observe pas, proportion gar-
dée, autant qu'à Rouen peu d'ouvriers s'y reposent
les lundis, et depuis environ une douzaine d'années
l'ivrognerie y devient de moins en moins fréquente.
On est parvenu à ce résultat, dans plusieurs manu-
factures, en imposant une amende à l'homme vu ivre,
ou qui ne se présente pas à l'atelier le lundi, et en le
renvoyant à la seconde ou à la troisième fois.
Les ouvriers économes, et nous venons de voir
qu'il y en a beaucoup, remettent ordinairement à
leurs femmes le salaire entier de la semaine, lors-
qu'ils viennent de le toucher. Communément aussi
les parens font remise au jeune homme, arrivé à
l'âge de raison, d'une partie de ses gains, pour ses
plaisirs et ses dépenses particulières.
Les femmes préparent seules les trames, et entrent
pour i/5 ou T/4 dans le nombre des tisserands. Ce
sont presque toujours elles que les fabricans d'El-
beuf réforment d'abord dans les temps de crise,
parce que leur coup de balancier est moins fort que
celui des hommes. Ainsi, dans les temps malheu-
reux, leur faiblesse ajoute encore à leur misère.
Deux courts séjours à Elbeuf et dans les villages
voisins, ne m'ont permis de faire par moi-même
qu'une observation certaine c'est que les ouvriers
de tout sexe et de tout âge s'y portent bien et sont
assez bien vêtus, nourris et logés. Partout, d'ailleurs,
les ouvriers normands sont dans une meilleure posi-
tion que ceux d'Amiens et des villages environnans.
Des associations ayant pour but de procurer des
secours à ceux de leurs membres qui tombent ma-
lades, existent dans la Seine-Inférieure; mais il paraît
qu'elles y sont peu répandues, et l'on doit regretter
que l'administration de ce département n'ait rien
fait pour muitiplier ces utiles institutions qui amé-
liorent si efficacement les moeurs des travailleurs
partout où elles sont bien organisées. (t)
On m'a dit, à Rouen, que les ouvriers de cette
ville commençaient à faire des dépôts à la caisse
d'épargnes, lorsque la crise de 1837 est arrivée. Mais
ceux de la campagne se refusaient encore à lui con-
fier leur argent.
En résumé, la condition des ouvriers manufactu"
tiers du département de la Seine-Inférieure, du
moins de ceux qu'emploient en si grand nombre les
deux industries du coton et de la laine, parait être,
habituellement et en général, aussi bonne qu'il est
possible de l'espérer, excepté pour les tisserands en
HOMMES, 97.
Ouvriers diableurs*
7 diableurs ont gagné par jour fr. e.
1
1
Idem
1 chef d'atelier à la
i ouvrier
journée.
à la
idem
3 jeunes ouvriers à la
tâche.
journée.
A 30
2 68
1
?3o
1
gz
a
Débourreurs.
3
gagné
2
débourreurs à la journée ont
1 x
x 35
75
Fileurs sur métiers de 120 broches
Le plus
Le moins
actif.
(payés à la tâche.)
actif.
35 ont gagné par jour de travail. fr. c.
3 58
2 35
Fileurs sur métiers de 60 broches
(payés à la tâche).
17 ont gagné par jour de travail
Le plus actif 3 p6
Le moins actif
V
169
Boudineurs
Le plus
Le moins
actif.
(payés à la tâche).
18 ont gagné par jour de travail
actif. «
3 85
2 55
Hommes de peine dans les magasins,
et journaliers.
17 payés à lajournée ont gagné
par jour de travail:
9
8 t 5o
EHEANS, 107.
Dévideuses (femmes)
(à la tâche).
22 ont gagné par jour fr. c.
La plus active i 94
La moins active i 55
« Ces chiffres
m'écrivait M. Passy, ont toute
l'exactitude désirable et représentent les moyennes
ordinaires du prix du travail. Vous remarquerez que
les gains des dévideuses à la tâche sont très forts pour
des femmes.
« Si l'on voulait faire le compte d'une famille ou-
vrière dont le chef serait fileur, la femme dévideuse
et un enfant rattacheur, en calculant à raison de 3oo
jours de travail par an pour le père et l'enfant, et de
25o seulement pour la femme, on trouverait que
cette famille gagne de bons salaires,
En effet
«
« Un fileur de moyenne habileté, pour
3oo jours de travail, à 2 fr. 96 par jour,
reçoit par an
o
jour.
« Une dévideuse, pour 25o jours à
1 fr. 74 par
435
279
Total.. 1602. »(i)
NOTES A ET B.
POUR ON HOMME.
VOUS. UNE FEMME.
POUR UN OUVRIER OU UNE OUVRIÈRE DE 12
A 16 ANS.
CHAPITRE VI.
(1) D'où, elle s'étend tout autour dans les campagnes, prin-
cipalementà l'ouest et au nord,jusque dans les départemens de it
Loire et de Saône -et-Loire.
soieries et les tissus de laine avaient diminué le
nombre des métiers employés à faire des mousse-
lines, et, par conséquent, celui des tisserands et
des autres ouvriers en coton (i ). On assure qu'ils
étaient redevenus en i836 aussi nombreux que
jamais, surtout dans les villages, où l'on voyait par-
tout des agriculteurs tisser dans les momens libres
que leur laissaient les travaux de la terre.
En supposant que le chiffre de 5o,ooo ouvriers ne
soit pas exagéré, il paraît devoir se diviser à-peu-
près ainsi
20,000 hommes et femmes tissant les mousselines;
i5 ou 16,000 femmes et enfans employés à dévi-
der les fils des trames et à faire les canettes pour le
compte des tisserands;
4 ou 5,ooo chargés, pour le compte des fabricans,
de mesurer et peser les écheveaux de fils, de dévi-
der les chaînes, de les ourdir, ou employés comme
épinceteuses, couturières etc.
Le reste se compose presque entièrement de
femmes et de jeunes filles, qui s'occupent, à temps
perdu, à broder les mousselines sur une espèce de
tambour. On voit pendant l'été ces dernières y tra-
vailler devant les maisons, ou bien dans les champs
en gardant les bestiaux.
(i) Voy. Enquête relative à diverses prohibitions, etc., tome III,
p. 294.
Si l'on excepte ceux qui sont chargés de préparer
les écheveaux de fils, de dévider et d'ourdir les chaî-
nes, d'épinceter les pièces de mousseline et d'y faire
les rentraitures, il n'y a que très peu d'ouvriers,
40o au plus, qui travaillent hors de leurs domiciles,
et l'on n'en compte rarement plus de quelques-uns
chez le même fabricant. Une seule manufacture d'ap-
prêts, en réunit habituellement 160 à 2oo dans ses
ateliers. (i)
La journée est de i3 à 14 heures, et la durée du
travail de 10 à 12 (2). Quant aux ouvriers qui tissent
ou dévident chez eux, c'est comme ailleurs ils
quittent et reprennent le travail quand ils le veulent,
mais, en général, ceux qui ne sont pas en même
temps tisserands et agriculteurs le prolongent très
avant dans la nuit.
Les logemens de la classe ouvrière sont partout
assez bons, quoique tenus souvent avec peu de pro-
preté. Dans la ville de Tarare, ils consistent presque
toujours en une chambre à coucher, un grenier, et
(i) J'ai trouvé leur pain mauvais, mais il m'a été affirmé qu'il
l'était moins qu'il y a dix ou douze ans.
rare. J'en ai visité les cabarets et les cafés dans le mois
de juin pendant tout un dimanche et tout un lundi;
c'était un jour de foire, et, à mon grand étonnement,
je n'ai pas vu dans un seul -de ces lieux, qui sont d'ail-
leurs moins nombreux là que dans beaucoup d'autres
villes, plus de huit ou neuf buveurs à-la-fois, et, dans
d'autres, il n'y avait personne, même aux heures où
les cabarets sont le plus fréquentés. Je n'ai pas non
plus entendu de ces chants qui accompagnent si
fréquemmentl'ivresse, ni rencontré dans les rues un
seul homme à marche chancelante. Enfin, il m'a été
affirmé que les gens ivres que l'on y voit quelquefois,
sont presque tous des compagnons étrangers au pays,
où ils ne restent pas ordinairement long-temps. Il
est vrai, d'un autre côté, que Tarare est presque une
ville du midi, où l'ivrognerie s'observe bien moins
souvent que dans celles du nord; qu'elle n'a pas tout-
à-fait 8,000 habitans (1), et que, comme on l'a déjà
dit, ses divers établissemens, à l'exception d'un seul,
renferment chacun très peu d'ouvriers.
Frappé de voir beaucoup d'enfans dans les fa-
milles, j'ai fait, à la municipalité de Tarare, des re-
cherches, desquelles il résulte que, sur une période
de onze années consécutives, commencée le or jan-
vier 1825, les seules naissances légitimes ont été
Première qualité
(i) En ville, et année commune, la livre de pain coûte
Deuxième qualité; celle que mangent or-
20 centimes.
vin.
qualité
Le double décalitrede pommes de terre, de
Le litre de
40
75 à go c.
30
Dans les villages de la montagne, où tout est moins
cher encore qu'à Tarare, les dépenses de la même
famille que nous supposons, contre la réalité, tout-
à-fait étrangère à l'agriculture, doivent être diminuées
de 100 fr. pour la nourriture;
25 pour le logement;
io pour le chauffage,
et de 3o pour les autres frais,
En tout, de i65fr.; ce qui réduit les dépenses to-
tales à 69o fr.
Pendant mon séjour à Tarare, il en coûtait par
mois à un homme seul, pour être nourri, blanchi et
logé ( deux couchent ensemble dans un même lit ),
de i5 à 18 fr. dans les villages et de 2o à 35 fr. en
ville; ou, par an, depuis 180 jusqu'à 216 fr., et de-
puis 240 jusqu'à 42o. Les prix ordinaires étaient 16
et 25 fr. par mois, ou Tga et 3oo fr. par an.
CHAPITRE PREMIER.
Les deux tiers des tisserands sont du sexe masculin, et les plus
jeunes n'ont pas moins de 17 à 18 ans.
Il y a aussi plus d'hommes que de femmes parmi les peigneurs
de laine.
(3) Dans les premières années de ce siècle, un recensement
officiel portait la population de Reims il. 3o,a25 habitans. Le
recensement de 1826 en a donné 34,862; celui de 1831, 35,971,
et celui de 1836, 38,359' Mais, conformément aux instructions mi-
nistérielles qui ont prescrit ce dernierrecensement,la populationa
dû comprendre un certain nombre d'enfans trouvÉS mis en nour-
rice ou en pension dans les campagnes, lesquels n'avaient jamais
figuré jusque-là dans le chiffre de la population. Enfin l'année
gré le rang qu'elle tenait autrefois (i), elle manque
de tout moyen économique de transport, elle n'a
ni canal ni rivière navigable (2). Au reste, il en est
de même pour Nîmes, ville aussi manufacturière
que Reims, et qui n'est ni moins ancienne ni moins
populeuse.
La fabrique rémoise a fait depuis 2o ans des
progrès continuels. Elle a perdu, il est vrai, beau-
coup d'articles; mais d'autres les ont remplacés avec
avantage (3). Pendant la crise manufacturière de 1 83o
Deuxième classe.
ainsi le salaire des ouvriers payés à la journée
Première classe, et la moins nombreuse, de. 2 5o à 3 »
(1) Voici les prix de ces denrées à Reims, pendant que j'étais
dans cette ville, en octobre, novembre et décembre 1836.
Pain blanc de première qualité, acheté chez les boulangers,
7 sous le pairi de 3 livres, i4 sous celui de 6 livres.
Viande de boucherie, seconde qualité, de 7 à 9 sous la livre.
Légumes secs 7 à 8 sous le pot de lentilles, et 8 à 10 sous le
pot de haricots, selon la qualité. Le pot est une mesure locale qui
contient un peu plus du litre.
Pommes de terre, i sou la livre des jaunes, et 1 sou 1/2 la livre
des ronges. Il en vient si peu dans la banlieue de la ville, qu'on
en apporte de la plaine de Laoh.
Un petit choux, 2 à 4 sous.
Et tous les produits du jardinage proprement dit, très chers,
proportion gardée.
(2) C'est i5 ou 16 sous par jour, dont 4 pour le pain, et 11 à
un autre dans une chambre'e commune dans un
cabinet particulier, ou bien qu'il couche seul, de
36 à 5o fr., de 48 à 54 fr., et de 84 à 96 fr. Par
conséquent, son logement et sa nourriture réunis
lui reviennent depuis 3io fr. 5o c. jusqu'à 388 fr. Le
prix le plus commun est peut-être 365 fr., ou 7 fr.
par semaine, 2o sous par jour, pour être nourri, et
n'avoir que la moitié d'un lit dans une chambrée
commune. (1)
La nourriture des femmes leur revient à meilleur
marché. Celles qui n'ont point de famille et ne vivent
pas en concubinage, se réunissent ordinairement
deux ou trois dans un cabinet ou une petite cham-
bre qu'elles meublent à frais communs.
Si à l'aide de tous ces détails nous cherchons
maintenant à évaluer les dépenses, du moins autant
qu'il nous est possible de le faire, et si nous les
rapprochons des recettes, il en résulte qu'à Reims,
ménage
Son père, simple journalier, en recevait 28
vail.
Et la mère, à cause des soins qu'elle donnait à
son 10 sous seule-
ment, pour éplucher de la laine, au lieu de 18
à 2o qu'elle aurait pu gagner.
Total 4i sous.
Ou, pour toute l'année, en supposant 3oo journées de tra-
6i5 fr.
sur lesquels il fallait retrancher pour le loyer. 72
Reste pour toutes les autres dépenses. 543
Ou, pour chacune des neuf personnes, terme moyen, 60 fr.
33 c. par an, c'est-à-dire 16 centimes et demi par jour, pas tout-
à-fait 3 sous et demi.
Cette famille, secourue heureusementpar le Bureau de Bien-
faisance et par la charité particulière, se nourrissait de pain, de
légumes, de soupes maigres, et achetait chaque jour pour un sou
de lait aux deux plus jeunes enfans. Chaque dimanche,elle ache-
tait aussi une livre de viande pour faire de la soupe grasse. Elle
couchait sur deux paillassesplacées sur des châlits, et couvertes
de mauvaises couvertures. Le jour où j'ai visité cette famille, le
père ne portait pas de chemise, et la mère, avec deux enfans, en
portaient de si mauvaises, qu'on aurait dit de la vieille toile
d'emballage. Je n'ai pu voir, à Reims, un autre exemple d'une
indigence aussi profonde et sans vice. Il est vrai qu'il n'y avait
peut-être pas une seconde famille d'ouvriers qui comptât autant
d'enfans en bas âge.
« percevoir partout où il y en avait, nous frappait
a bien moins qu'aujourd'hui.D'un autre côté, l'amf
« bition est dans tous les esprits plus d'ouvriers
« veulent devenir fabricans, et plus de fabricans
a veulent devenir promptement riches. De là, le re-
« lâchement du lien qui les unissait les uns aux au-
« tres le maître ne voit dans l'ouvrier qu'une ma-
« chine qui fabrique, il l'abandonne pour tout le
« reste; jadis ce n'était pas ainsi.
Enfin, il y a pour
« toutes les aisances
de la vie, un progrès très sen-
« sible mais au moral il y a recul, les ouvriers pa-
cc raissent
n'avoir pris de l'état actuel de notre civi-
« lisation que les vices; et l'agrandissement des ma-
« nufactures, les réunions nombreuses des deux
« sexes dans les mêmes ateliers y ont beaucoup con-
« tribué. »
J'ai vu en général, peu d'enfans à Reims, chez
nos ouvriers, et les registres de l'état civil viennent
confirmer la même observation pour la ville entière,
car ils donnent, terme moyen,pour les onze années
consécutives de 1825 à 1835 inclusivement, 3,3g nais-
sances légitimes par mariage (i). J'ignore d'ailleurs
l'âge auxquels les ouvriers se marient mais je
sais que beaucoup d'entre eux vivent en concubi-
nage tous mes renseignemens s'accordent sur ce
de
ciale de i834, offre d'ailleurs la preuve que je n'exagère en rien
la longueur du travail, car elle est ainsi conçue La moyenne
« des salaires est la journée calculée à 15 heures de
travail(Y. Enquête relative, etc., tome III, p. 146).
(2) Chez MM. Bacot.
les fabricans en une chambre à feu, dans laquelle
le locataire établit souvent un cabinet, et en un petit
grenier ou une cave. La chambre est assez grande,
bien éclairée, convenablement meublée, et tenue
avec une propreté remarquable. Le tout est loué 75
ou 80 fr. par an, quelquefois 100 fr. dans certaines
rues, quand ce logement est sur le devant, et jus-
qu'à 1 io ou 120 fr., quand il s'y joint une seconde
pièce habitable plus petite que la chambre à feu.
Dans les campagnes, à trois quarts de lieue de Se-
dan, on a pour 60 fr. un logement semblable à celui
qui se paie 80 fr. en ville, ou même plus grand; et
pour go à 100 fr. deux chambres ordinairement très
bien éclairées, avec un grenier, une petite étable à
chèvres (1) une cour ou portion de cour, et même
quelquefois un très petit jardin. Des deux cham-
bres, l'une est presque toujours au rez-de-chaussée,
et parfois accompagnéed'un petit cabinet; on y cou-
che, on y fait la cuisine et l'on y mange. L'autre,
appelée boutique, est au premier étage; le plus sou-
vent elle contient deux métiers à tisser, un très grand
pour les draps larges, et un petit pour les étoffes
légères ou étroites. Chaque famille de tisserand oc-
cupe ordinairement un pareil logement, qu'elle paie
un peu plus ou un peu moins cher qu'on ne vient
(1) On à cochons.
de le dire, selon qu'il est plus près ou plus loin de la
ville. Ceux que j'ai vus annonçaient généralement
l'aisance des habitans.
Enfin, dans la ville et dans les villages, mais sur-
tout dans la ville, les ouvriers m'ont paru très bien
vêtus. Il y en a même beaucoup qui, les dimanches
se confondent, par leur mise propre et recherchée,
avec la classe bourgeoise.
Ces ouvriers forment une population excellente,
laborieuse, soumise, tranquille, amie de l'ordre, fa-
cile à conduire, et peu ou point ivrogne. Tous les
maîtres s'accordent à leur reconnaître ces qualités;
tous disent que nulle part il n'y en a de meilleurs;
et, ce qui s'observe rarement, les ouvriers à leur
tour se louent de leurs maîtres, reconnaissent en
être bien traités, les respectent et les aiment.
Ces éloges sont mérités, et il est juste de les don-
ner. Il faut aussi ne pas taire le mal. Je demande
pardon à mes lecteurs si pour le dire je reviens sur
des détails déjà mentionnés plusieurs fois dans les
chapitres précédens. Mais c'est une des nécessités de
mon sujet d'être toujours placé sur le même théâtre
et de n'en pouvoir varier la scène ce sont toujours
en effet des manufactures, des ateliers, des travaux
ordinairement exécutés en commun par les deux
sexes, et dès-lors ce sont aussi les mêmes désordres,
la même dépravation de mœurs. A Sedan, pour un
assez grand nombre de jeunes ouvrières, cette dé-
pravation commence, m'a-t-on dit, dès l'âge de
quinze ans; et là, comme dans beaucoup d'autres
villes de manufactures, elles cèdent bien moins en-
core à la séduction qu'aux détestables conseils des
femmes avec lesquelles elles travaillent. Pressées,
poursuivies sans cesse par leurs discours, leurs rail-
leries, leur exemple, elles succombent; et telle est,
assure-t-on, la force de ces attaques renouvelées
chaque jour, qu'il n'est point rare que pour les faire
cesser la victime s'empresse d'avouer dès le lende-
main sa chute de la veille (i). Dès-lors, elle s'unit très
féquemment aux autres, pour faire succomber, à son
tour, toute nouvelle compagne dont la sagesse est un
reproche pour elle.
Comme ville de fabrique du nord de la France,
Sedan est remarquable par le petit nombre de ceux
qui fréquentent les cabarets, et il y a peut-être très
peu de villes d'Europe, situées sous la même lati-
tude, où l'on vende, proportion gardée, aussi peu
d'eau-de-vie. C'est bien moins, il paraît, parce que
les ivrognes d'habitude cessent de l'être, que parce
laineurs
Restent net
tondeurs.
1 zo
1 8o
go
3
2
3
05
80
10
36o
540
570
gi5
840
930
etc.
1
presseurs apprêteurs
gagés, 2 » 2 80 600 840
2° pOUR LES FEMMES.
Aux éplucheuses or dinaires
de laine » 75 1 » 225 3oo
éplucheuses vieilles fem. 0 5o » 75 i5o 225
ses
drôusseusesetcardeuses. 1 » 1 x5 3oo 345
fileuses en fin 1 65 2 » 495 600
dévideuses et ourdisseu-
1 » 1 i5 3oo 345
bobineuses chez les tis-
serands 5o » 75. i5o M5
ses.
tisserandes ( gain net )
cpinceteuses ou nopeu-
Rentrayetises
1 ?1 1
i
1
»
5o
r
5)
55
15
»
3oo
300
45o
465
345
»
3u POUR LES ENFANS ET LES JEUNES GENS.
liLilBM iNKBBLS.
«ALIIM» «UOTIDIKKJ.
ses.
Aux crocheteurs de tondeu-
fr,.
i
conducteurs de lisières. 3) 75
nettoyeurs de chardons. » 75
c. â fr.
» 1
1
1
c.
70
5o
25
300
225
225
fr. à
5io
45o
375
fr.
rands.
bobineurs chez les tisse-
» 40 » 6o 120 180
(i) Les velours de coton, les alépines, les escots, en sont les
branches les plus importantes.
(a) J'ai visité deux manufactures où ii en était ainsi. Mais il y
en avait encore un certain nombre en 1834, comme le prouvent,
et la déposition de M. Delahaye-Martindans l'Enquête commer-
ciale de la mêmeannée (Ir. t. iIT, p. 4i5), et une hlaintc du con-
seil des prud'hommes d'Amiens, dont je parlerai plus loin. Il ne
s'agit pas ici des moulins à mouliner les fils, ces machines légères
étant mises partout eu mouvement par des hommes.
Dans aucun on ne confectionne tout à- fait une
pièce d'étoffe le filateur n'est pas fabricant de tis-
teindre, impri-
sus, et celui-ci fait presque toujours
mer, etc., hors de chez lui, par des entrepreneurs,
les pièces dont il avait confié les matières premières
aux tisserands. (1)
Cette fabrique n'est pas celle qui a le plus souffert
de la crise industrielle de i 83o et i83i parce qu'a-
lors les alépines, que la ville et les faubourgs d'Amiens
fabriquaient presque seuls, étant devenus à la mode,
un grand nombre d'ouvriers leur dut de ne pas man-
étoffes
quer de travail mais la demande de ces
ayant toujours été en diminuant depuis i835, et
plusieurs articles (les velours de coton surtout),
ayant cessé.d'être exportés en Espagne, par suite de
la guerre civile qui la désolait, j'ai vu, lors de mes
deux séjours dans le pays, beaucoup d'ouvriers sans
occupation, et, par conséquent, dans une véritable
détresse (2). La plupart n'étaient pas employés plus de
Pour ioo fr. par an, dans Amiens, une famille serait tou-
jours parfaitement chanffée avec ce combustible, môme en sup-
posant l'hiver long et rigoureux.
mais je m'y trouvais à deux époques où la plupart
des ouvriers, sans ouvrage ou à la veille d'en man-
quer, étaient forcément tempérans. C'est, du reste,
comme ailleurs, au cabaret, les dimanches et les
lundis, qu'ils s'enivrent, principalement dans l'après-
midi et la soirée ils commencent par boire de la
bière, et ils finissent par de l'eau-de-vie (r). La so-
ciété de tempérance d'Amiens parait n'avoir aucun
effet sur cette habitude; elle n'en avait pas eu du
moins jusqu'au mois de juillet 1837, époque où elle
n'avait fait encore que solliciter et recueillir des
souscriptions,dans l'unique but de récompenser l'au-
teur de l'écrit le plus propre à guérir ou à prévenir
l'ivrognerie chez le peuple, et couronner l'un des
mémoires qui lui avaient été présentés. (2)
Il m'a été affirmé qu'avant l'établissementde cette
société, le goût des boissons enivrantes commençait
à devenir moins commun dans la ville d'Amiens.
Quelques manufacturiers avaient senti, qu'ils de-
vaient d'abord s'opposer au repos du lundi et sou-
mettre à une amende les ouvriers qui, sans une
excuse valable, ne se présentaient pas à l'atelier un
jour ouvrable, ou bien s'y présentaient trop tard et
« qu'il est ainsi très essentiel et dans l'intérêt des bonnes mœurs
« de prévenir les
inconvéniens qui résultent du rapprochement
« des deux sexes, surtout pour les jeunes garçons Arrifte ce qui
« suit Il est très expressément ordonné auxhommes comme
« aux femmes de n'avoir pour
aides que des jeunes gens de leur
sexe respectif. » Les réflexions seraient ici
superflues. On re-
viendra plus loin sur cet arrété.
que le département entier en compte seulement
une sur i3,3o. (r)
Mais aussi le libertinage et l'ivrognerie sont des
vices très communs chez les ouvriers d'Amiens
moins cependant que chez les ouvriers de Lille. Dans
les temps ordinaires,beaucoup font du lundi un jour
de repos et de débauches. Les ouvriers qui se con-
duisent le mieux sont les coupeurs de velours, les
tisserands travaillant dans leurs propres domiciles,
les tisserands peu nombreux des velours d'Utrecht,
et surtout ceux qui ayant leurs familles établies à
quelques lieues de la ville, vont s'y réunir chaque
samedi soir, pour revenir le lundi matin.
A ces détails sur leurs moeurs, il faut en ajouter
quelques-uns sur leurs mariages.
352, contractés entre eux seuls, en premières noces,
dans la ville d'Amiens pendant les trois années
i834-r836, donnent les résultats suivans
La moitié avait été célébrée à 25 ans pour les
hommes et à 24 ans pour les femmes;- l'âge
moyen était 26 ans trois mois pour ceux-là, 2.5 ans
Mariages.
légitimes
Naissances
4,i5i
r3,96i
45,83g
149,614
Naissances illégitimes.. 2,608 12,160
trois mois pour celles-ci; c'est à 21 et à 21 ans
qu'il y en a eu le plus pour les deux sexes (1)
les six septièmes se sont concentrés sur la période
de la vie qui se trouve comprise entre 2 1 et 3i ans
pour l'homme, et pour la femme, entre ig et 3o
ans (2).-Enfin, si aux mariages en premières noces
(i) Nous trouvons' réunis sur ces deux seules années de la vie
près du quart des mariages pour les hommes, et du sixième au
cinquième pour les femmes.
Avant l'âge de 20 ans, le septième des filles et le vingt-cin-
quième des garçons sont déjà mariés.
(2) VILLE D'AMIENS.
AGES AUXQUELS ONT ÉTÉ CÉLÉBRÉS LES MARIAGES EN PREMIÈRES
NOCES DES OUVRIERS DE LA FABRIQUE, PENDANT LES TROIS
ANNÉES (1834-36).
Ases. Hommes. Femmes. Ages. Hommes. Fcmmci.
16 5 5 3i i5 325 8 324
17 5 10 3a 4 329 7 33r
18 7 7 16 26 33 7 336 4 335
19 7 14 25 5x 34 2 338 4 339
20 9 23 27 78 35 3 34i 1 340
21 44 6m 33 ni 36 2 343 4 344
22 40 107 3o 141 37 3 346 3 347
23 3i i38 23 164 38 4 35o
a4 25 i63 27 191 39 1 35i J
348
25 25 188 25 aiG 43 1 349
26 14 202 25 241 44 1
35o
27 3i 233 24 265 45 1
352
28 3i 264 Il 276 48 1
35
29 14 278 20 298 5o 1
352
30 32 3io 20 316
on ajoute les autres, ces résultats s'en trouvent si
peu modifiés que l'on n'a pas à en changer les
termes (i). Par conséquent, les unions légitimes
entre les ouvriers de la fabrique d'Amiens ont lieu,
en général, de bonne heure, du moins dans cette
ville, et plus tôt que dans les autres villes manufac-
turières où j'ai fait une semblable recherche.
D'un autre côté, on ne voit pas plus de femmes
que d'hommes être mariées à l'âge de 3i ans; mais
Les
Les
trieurs
laveurs. iz
fr.
13 5o i5 »
o i35o
c. à Cr. e. fr.
2 25
2
c. à fr.
or 2 25
2 5o
c.
Les peigneurs z2 » 18 » 2 » 3 »
Les soigneuses et autres femmes
employées aux opérations
ment dits
préparatoires
Les fileurs ou fileuses propre-
i5 » 28 »
Lesrattacheursourattacheuses. 4 » 7 8&
» 67
2 50 4 67
» 67
1
1
77
30
bobineuses 2 50 3 50 » 42 » 58
Prix
Prix
moyens.
extrêmes 9
7
y>
»
» »
13 50
i
1 17
5o » x
a 25
4° DANS LES TISSAGES.
P1R SEUAITÎE. PI* 'OCX.
(1) Celui des plus aisés est fait avec de la farine de méteil, ou
de froment et de seigle mélés ensemble, auxquelles on ajoute
fréquemment de la farine d'orge.
Voici quels étaient les prix des denrées de première néces-
sité, à Amiens, lorsque j'y étais
Pain blanc, première qualité, les 8 liv. 1 » ou 12 1/2 la liv.
Pain bis-blanc, première qualité, ici, » 85 10 5/8
deuxième qualité. » 80 io »
Pain bis, première qualité, les 8 livres. » 75 9 i/3
qualité
Viande de
Petit salé
boucherie
deuxième » 70
» »
» »
8 3/4
55
70
»
»
Pommes de terre, assez à bon marché.
Légumes proprement dits, chers.
semaine, on lui fournit un lit où elle couche seule,
et pour 18, 20 ou 24 sous de plus une portion du
mets que la famille prend à son souper, avec même
un verre de petite bière. Mais elle achète son pain,
et chaque jour elle fait pour quatre sous un repas
dans le voisinage de l'atelier où elle est employée
il se compose d'un bouillon gras et d'une petite
portion de la viande et des légumes qui ont servi
à le faire. (1)
Tl en coûte de 20 à 24 sous par semaine dans les
pensions d'hommes pour partager un lit avec un ca-
marade et avoir chaque jour deux bouillons, un
gras au dîner et l'autre maigre au souper (2).
Tout le reste se paie à la portion ( ordinairement
4 sous ), et un ouvrier n'en prend qu'une à chacun
de ses deux grands repas. Il y ajoute le plus sou-
Pour difformités
taille
Exemptions du service militaire.
Pour défaut de
Dans Ie quarticr
57
il
^ûd-ïl'01'
39
46
constitution.
Pour faiblesse de 5i 33
(1) Pour treize années, au lieu de quinze; car les détails con-
cernant les causes manquent entièrement dans les deux registres
de 1837 et 1829.
Ces seconds faits viennent appuyer les premiers.
J'ai recherché, en outre, s'il n'y avait pas de rap-
ports entre les professions, d'une part, et les exemp-
tions du service militaire, de l'autre, pour cause d'in-
firmités, de maladies, de faiblesse de constitution et
de défaut de taille. Ici, je n'ai plus eu égard aux
quartiers de la ville, mais j'ai divisé les professions
des conscrits en deux classes ou catégories celles
qui font supposer l'aisance ou une sorte d'aisance,
et celles qui font supposer la misère, ou au moins
la gêne.
Voici les résultats de ce travail:
Les hommes âgés de 20 à 2 1 ans ont été trouvés
d'autant plus souvent aptes au métier des armes, par
leur taille leur constitution leur santé, qu'ils
appartenaient à la classe aisée de la population, et
d'autant moins souvent, qu'ils appartenaient à la
classe pauvre à la classe ouvrière de la fabrique.
Contre cent hommes supposés propres au service,
quatre-vingt-treize ne l'étaient pas dans la première
catégorie, et jusqu'à deux cent quarante-trois dans
la seconde. Cette différence est énorme.
Les mêmes résultats se montrent également, si,
au lieu d'avoir égard aux professions des conscrits
eux-mêmes, on a égard à celles de leurs parens. Sur
cent hommes bons pour l'armée, soixante.dix-huit
seulement ne le seraient pas, parmi les fils des per-
sonnes dont la condition sociale annonce l'aisance,
et jusqu'à deux cent cinq parmi les fils d'ou-
vriers. (i)
dans sa
dans sa Statistique dusuivantes, extraites des deux
l'asources
peut-être di-
citées,
minuée. Les données suivantes, extraites des deux sources citées,
en offrent la preuve.
trouve ici des enfans plus jeunes, proportion gardée,
que dans les autres fabriques de draps. Beaucoup,
en effet, n'ont pas encore neuf ans accomplis. Les
ouvriers qui fournissent la journée la plus longue,
sont les fileurs et leurs aides ou rattacheurs.
Les familles se composent communément, à Lo-
dève, de cinq à six pcrsonnes le père, la mère, trois
ou quatre enfans, quelquefois même un ou deux
aïeuls de ceux-ci c'est un nombre moyen très fort.
J'ai calculé, à l'aide des tableaux publiés par le Mi-
nistre du commerce, que, pour les onze années de
i8a5 à 1835 inclusivement, 4,78 naissances légi-
times et 4*9/4 j bien près de cinq naissances totales,
répondent à un mariage dans cette ville (i); tandis
que la proportion est, clans le département entier
de l'Hérault, de 3,73 et 3,g3 (2), et dans son chef-
lieu, à Montpellier, de 3,67 et 4>47- (3)
Une grande, mais unique chambre, ou bien plu-
sieurs petites pièces, servent d'habitation à chaque
famille. Beauconp de ces logemens occupent, dans
Aux teinturiers i j5 i j5
fr. c. à fr.. c.
etc.
serands, tondeurs de draps, laineurs,
etc fin.
presseurs, apprêteurs, 2 » 3
trieuses de laine épinceteuses no-
peuses,
tisserandes et fileuses en
»
1
j5 t
» 1
»
5o
enfans » 5o 80
la caisse
(1) On n'en peut douter d'ailleurs, quand on sait que
février 1837, ne
d'épargnes de Lodève, qui a été ouverte le 19
comptait encore après dix mois, c'est-à-dire,au 3i décembre, que
roi sur les
dix livrets appartenant à des ouvriers (V. Rapport au
1837).
caisses d'épargnes, pour l'année
sociétés dont il
(2) Voici les noms et la composition des cinq
s'agit:
nuits., lorsqu'ils en ont besoin., les soins d'un socié-
taire qui veille auprès d'eux.
La. fabrique de Lodève, et c'est par là que- je veux
terminez, est dans une position tout exceptionnelle.
Ainsi ses fabricans, confectionnant surtout pour les
troupes, les draps qu'ils livrent au ministère de la
guerre ou de la marine, avec lequel un marché les
enga.ge, ne peuvent, sous aucun prétexte, arrêter
ni même ralentir leur fabrication il faut qu'ils four-
nissent aux époques convenues les quantités^comme
lesiqnalités promises. Cette nécessité entraîne celle
de- produire régulièrement et d'occuper, toujours.,
dût-on perdre sur leur travail, assez d'ouvriers pour
remplir les conventions. Il en résulte que les ou-
vriers de Lodève touchent un salaire plus élevé que
dans tbut le reste du midi de la France (on a dit
plus haut ce fait, mais sans l'expliquer), et qu'ils
peuvent en outre compter sur une même quantité
de travail, tant que dure l'engagement du maître,
c'est-à-dire presque indéfiniment, car le contrat (l)
de celui-ci se renouvelle taujours d'avance- (a)
Enfin la guerre, ou seulement une menace: de
guerre, qui est pour les autres fabriques un sujet
§ II.
Les hommes.
femmes
if.
i3
47 c. i/3 442 f».(i)
Les i 1/7 3B9 (2)
Et sans distinction desexe 1 19 1/6 3*88
(i) Les tisserands que j'ai consultés sur le taux de leurs sa-
laires, ne paraissent pas avoir fait entrer dans le calcul de ceux-
ci, le onzième jour employé à rendre la pièce fabriquée et à
monter la nouvelle.
de l'Hérault, m'a empêché d'en visiter d'autres que
celles de Lodève, ne m'a point permis de les voir.
CHAPITRE PREMIER.
où il
(i) J'ai vu à Nîmes, dans un atelier de tirage de la soie,
vieille femme bossue
y avait quatre fourneaux ou bassines, une contrefaites, qui
et trois jeunes filles très pâles, dont deux très Mais
servaient chacune de moteur pour tourner les dévidoirs.
cette profession est le refuge des plus faibles.
instant dans l'eau bouillante- ou presque bouillante
des bassines, (i)
L'orgaEsisiage n'a pas ees-.iaeoay/éaiena. Sa, durée
journalière est, comme celle du tirage, aussi longue
<ju« te perm-efc Le soleil, et il est rétribué de salaires
aussi mûdiques au à-peu-près. Ceux-ci varient sui-
vant le pays la
saison, et l'habileté des ouvrières,
depuis i.5 à t6 sous par jour jusqu'à a©; on 22. En
général, sous est un bon salaire moyen. Les
1 &
Largeur
(1) Les dimensions de l'atelier étaient comme il suit
Hauteur
Longueur, 5i mètres 7 décimètres, mais disons. 52
6 met. 7 déc.
3 6
»
(2) Article 866.
(3) Voici les dimensions de cet atelier
Hauteur
Largeur
Longueur 28
6 met.
2
»
2
( époque des observations février, mars, avril z83$, tuât et juin i836. )
environ 5 sous par jour, et sont nourris par lui. Leur métier passe
pour très fatigant.
qu'il emploie, presque aucun lien réel de clientelle
et de patronage (i) ils peuvent même ne pas se
connaître. Aussi cette absence de tout lien entre eux
a-t-elle été, avec l'influencede la révolution de 1 83o,
jointe à quelques autres circonstances dont je par-
lerai plus loin, ce qui a le plus contribué aux funestes
insurrections de novembre i83i et d'avril i83/j.
Il n'y a véritablement qu'une exception à tout ce
que je viens de dire c'est une grande manufacture
connue sous le nom de la Sauvagère, située très près
de Lyon (2), et dans les ateliers de laquelle on réunit
communément quatre à cinq cents travailleurs, qui
fabriquent toutes sortes d'étoffes de soie, principa-
lement des étoffes mélangées de laine ou de coton,
et brochées ou nuancées de plusieurs couleurs. Le
propriétaire s'y occupe avec sollicitude du sort et
des moeurs de ses ouvriers, et ceux-ci peuvent, s'ils
le veulent, se nourrir dans l'établissement à meilleur
marché que partout ailleurs (3). Chacun y couche
aussi lorsqu'il le désire il est seul dans un lit, les
viande.
La portion de soupe
de
etc. i
5 c.
3o
dedessert.
de légumes,
livres
Plus un pain de six
i5
go
Et un litre devin ^5
Les seuls ouvriers de la fabrique sont admis à ces repas, qu'ils
prennent en commun dans des réfectoires, et avec la vaissellede
la maison. La dépense journalière de chacun est porté au débit
d'un compte dont le crédit se forme des salaires qui lui sont dus,
et dont l'excédant lui est remis chaque semaine.
(l) Le lit se compose d'une paillasse, d'un matelas, d'une paire
de draps renouvelée tous les mois, d'un traversin, et, suivant la
saison, d'une ou de deux couvertures. C'est exactement comme
chez les logeurs ordinaires d'ouvriers, mais avec cette différence
que, chez les logeurs, deux personnes couchent dans un lit, et
que chacun ici couche seul et paie son logement moins cher,
quand il le paie.
L'administration estimait, au commencement de
i835, qu'il y avait alors à Lyon et dans ses fau-
bourgs, environ 8,000 chefs d'atelier, et au moins
3o,ooo compagnons, en tout 38;ooo tisseurs, sans
compter les apprentis (i); mais un nmr1bre très grand
de femmes et d'enfans de chefs d'atelier, était com-
pris dans les 3o,ooo compagnons.
A tous ces individus, il faut ajouter les-ouvriers
des professions accessoires ou qui préparent la soie,
et les constructeurs de métiers. Leur nombre patatt
n'avoir jamais été connu; on sait seulement qu'il est
considérable et presque aussi élevé peut-être que
celui des tisseurs.
Ceux-ci occupaient, d'après M. Girod (de l'.Ain),
environ 3o,ooo métiers, total égal à celui des simples
compagnons (2). Mais si les rensèignemens que j'ai
pu recueillir à cet égard sont exacts, il y avait au
plus 27,000 de ces derniers au commencement de
i835 (3). Il en résulte encore qu'il y a, dans la classe
entière des ouvriers en soieries, plus de femmes que
d'hommes; mais parmi les tisseurs-, et surtout parmi
C'est une opinion générale à Lyon, que dans cette ville et dans
les communes sub-urbaines de la Croix-Rousse, de la Guillottière
et de Vaise, qui en sont les faubourgs, les ouvriers en soie four-
nierit, avec leurs familles, la majorité 'de la population. Mais
cette opinion n'est pas fondée sur des dénombremens excepté
pour la Croix-Rousse, qui est principalement habitée par les ou-
vrièrs dont il s'agit. Eh voicila preuve pour'les trois communes
sub-- urbaines, dans la copie d'un documentmanuscritqui ni'a été
communiqué à Lyon par M. de Gasparin, alors préfet du Rhône.
Ce document est pour 183%.
de 1789
Avant la révolution
Sous l'empire
16 à 17,000
12,000
Sous la restauration, de 1824 à 1825 27*000
Répartis ainsi
1 8,000dans la ville,
et 9,000 dans les faubourgs et la banlieue.
En i833 40,000
Répartis comme il suit
17,000 à Lyon, intrà-muros.
g,coo dans les trois villes ou faubourgs de la Guillottière,
la Croix-Rousse et Vaise.
5,o83 dans les campagnes du département du Rhône.
8,917 dans les départemens voisins, la Loire, Saône-
et-Loire, Ain, Isère, et Dr6me.
(i) On sait qu'à Paris, les maçons sont, pour la plupart, des
ouvriers nomades fournis, par quelques départementsdu midi, et
qu'ils ont une bien meilleure.conduite,en général, que les ouvriers
de beaucoup de pcofessions.Lesmêmes, départemeusen.fournissent
un grand nombreà Lyon, et un habitant de cette ville, qui les a
aussi observés à Paris, me disait qu'ils $QUt les. mêmes d^os le
chef-lieu du département du Rhône et. dans la capitale de la
France, et que cependantils ne lui paraissaient pas valoir mieux
à Lyon, sommetoute, que les ouvriers.de la fabrique.
Comme partout,,et pour toutes les professions,, les compagnons
sont ici les moins .moraux.
Afin de les bien faire connaître, je vais dire les
résultats de mes observations dans les rues sur
la place publique, et dans les cafés et cabarets
de la Croix-Rousse, pendant l'après-midi et toute
la soirée, jusqu'à onze heures, du dimanche i5
mars i835.
Je n'ai vu qu'un seul homme ivre. Ceux qui bu-
vaient du vin étaient en très petit nombre, excepté
pourtant dans un cabaret fréquenté par des com-
pagnons. Dans chacun de ces lieux il y avait
un billard sur lequel ils jouaient, sans bruit, la
bière qu'ils buvaient. Là, aucune vocifération au-
cune chanson, aucun mot grossier n'est venu frap-
per mon oreille. Dans un café où l'on ne voyait
que des chefs d'atelier, on aurait dit, et pour la
mise, et pour la décence, sous tous les rapports,
des bourgeois aisés. Il y avait à peine quelques
femmes parmi eux.
Beaucoup parlaient de la fabrique des soieries de
Lyon, de ses embarras, de son avenir et de la con-
currence des fabriques étrangères. Ils émettaient sur
ces choses si importantes pour eux, des opinions fort
différentes, et cela sans trop élever la voix et pres-
que comme l'auraient pu faire des gens désintéressés
et de bonne société.
J'ai recueilli dans leurs discours des plaintes contre
plusieurs marchands ou négocians fabricans, mais
surtout contre les commis de ceux-ci (i). J'ai pu faire
aussi la remarque que plusieurs avaient été travail-
lés, si je puis dire ainsi, par des idées saint-simo-
niennes car ils s'entretenaient, à une table, de la
nécessité qu'une portion de l'héritage des riches
tombât dans le trésor public, pour diminuer les im-
pôts et doter les établissemens utiles. Ils soutenaient
d'ailleurs que l'homme qui a su se créer des richesses
par son industrie, doit en avoir la jouissanceentière
pendant toute sa vie. Au reste, j'avais déjà entendu
émettre les mêmes idées, dans mes conversations
avec plusieurs et je suis bien porté à croire que le
saint-simonismea, sans le vouloir, préparé en partie
les malheureux événemens de Lyon en i83i et i834-
Mes autres observationssur les ouvriers en soieries
de cette grande ville, m'ont confirmé dans l'opinion
qu'avait fait naître en moi ma visite des cafés et des
cabarets de la Croix-Rousse. On en conclura que,
(i) Je cite aussi les journées d'avril i834 bien qu'il résulte
de mes renseignemens particuliers qu'elles n'aient pas été faite,
comme celles de novembre 1831, par les seuls canuts, ou qne, du
moins, ceux-ci n'y aient.pas joué le rôle principal.
de la crise commerciale qui commençait alors ),
malgré toutes les assertions contraires, leur santé
laissait peu à désirer, surtout si l'on a égard A ce que
leur profession n'exigeant point des individus ro-
bustes, beaucoup d'hommes, qui ne peuvent être
forgerons, charpentiers, ouvriers des ports, etc.;
se font tisseurs de soie,
Les métiers la Jacquart ont contribué à Famé-
lioration de leur constitution. Grâce à eux., aa fabri-
cation des étoffes dites façonnées, c'est-à-dire de
celles dans lesquelles on représente des fleurs, des
dessins, ou que l'on broche d'or et d'argent, .est
maintenant plus facile, plus prompte qu'autrefois
et moins fatigante, à durée égale de travail. On doit
encore à Jacquart une heureuse modification ap-
portée à l'habitation des ouvriers la hauteur de
son métier force les propriétaires et constructeurs
de maisons, d'espacer beaucoup les planchers, et
par conséquent de donner abondamment de l'air
et de la lumière dans l'intérieur des logements. En-
fin, ce métier a fait supprimer la classe entière
des tireurs, qui était composée d'enfans dont la con-
stitution, m'a-t-on assuré, se détériorait toujours
par la grande fatigue à laquelle ils étaient soumis, et
par les attitudes vicieuses qu'ils étaient obligés de
prendre.
La circonstance qui, d'après les ouvriers eux-
mêmes, leur occasionne le plus de fatigue, la seule
même qui nuise à leur santé, si l'on met à part la
longue durée du travail, est la percussion, renou-
velée à chaque instant, du balancier du métier, ser-
rant chaque fil de la trame sur le fil précédent. Cette
percussion se transmet à la partie inférieure de la
poitrine par l'ensouple ou gros cylindre sur lequel
on enroule l'étoffe à mesure qu'on la tisse.
Si j'en crois les assertions unanimes de beaucoup
de personnes, l'usage devenu modéré des boissons
alcooliques, plus de propreté et moins de misère
qu'autr.efois contribueraient encore à rendre meil-
leure la santé des ouvriers en soierie de Lyon. (i)
II est indubitable que depuis un certain nombre
d'années, ils ont beaucoup gagné à plusieurs égards.
Néanmoins, ils sont mécontens, et ils l'étaient sur-
tout quand je les ai vus. Ils se croient malheureux
parce qu'ils se sont créés de nouvelles habitudes, de
nouveaux besoins; qu'ils s'imaginent être les pre-
miers, les seuls importans dans l'industrie des étoffes
(i) Que cette accusation fût vraie ou fausse, des gens s'en
sont fait les échos pour exciter la haine des ouvriers coutre les
fabricans, et ils se sont bien bardés de dire que partout, en tout
temps et dans toutes les classes de la société, il y a des hommes
qui feraient malheureusement ainsi.
et les deux fois ces simples paroles ont produit im-
médiatement leur effet. Ainsi s'explique comment je
les ai vus si réservés dans les cafés de la Croix-
Rousse.
En juin i836, leur irritation contre les fabricans
ne se laissait plus apercevoir; mais deux ou trois
d'entre eux, des médecins et d'autres personnes qui
recevaient leurs confidences, m'ont affirmé qu'elle
n'était que diminuée. Quoi qu'il en soit, il est bien
certain que les uns et les autres étaient alors plus
contens de leurs relations mutuelles qu'ils ne l'avaient
encore été depuis i83i.
Il est peu de sujets, dans toutes mes recherches
sur lesquels il m'ait été aussi difficile d'avoir une
opinion, que sur les salaires payés par la fabrique
de Lyon et sur leurs rapports avec le prix des choses
nécessaires à la vie; on ne s'entendait même. pas sur
le point le plus facile à constater, le chiffre des sa-
laires.
Si l'on s'en rapporte aux ouvriers tisseurs- de la fa-
brique lyonnaise, ou à M. Jules Favre (i), leur organe,,
la journée du compagnon se payait en i833 moins
d'un franc à i fr. 5o c., au plus 2 fr. (2), et pour la
(i) Des ouvriers, appelés Zisems (ce sont presque toujours des
femmes), disposent les fils de la chaîne de telle manière, que
leur enlacement avec ceux de la trame représente sur l'étoffe les.
dessins que l'on veut imiter. Cette opération, que l'on nomme
lisage, exige dix, quinze, vingt jours, et souvent un mois; elle
est toujours aux frais du fabricant, quand le dessin est un peu
compliqué.
frais et le temps qu'on y emploie, une avance de 5o
à i5ofr., même aoo fr., suivant lav complication du
dessin qui doit être exécuté. « Malheur, en outre, à
« ce chef d'atelier, s'il ne fait pas bien ses conven-
« tions; car une forte somme peut peser sur une
« seule pièce de cinquante aunes, et en diminuer
fr. c. fr. c.
Lyon 5 5o ui 5o
La
Vaise
Guillottière
La Croix-Rousse
2
i 55
1
»
5o
10
10
10
»
»
Et C'est ainsi que ces deux endroits se sont singuliè-
rement accrus dans ces dernières années, quoique
les canuts préfèrent lé séjour dé la ville proprement
dite.
En outre, les deux insurrections lyonnaises et la
criae momentanée qui en x été le résultat immédiat
pour la fabrique,, ont fait naître des craintes dans
l'esprit des ouvriers, et décidé toi certain nombre
d'entré eux à se répandre plus loin et en plus grande
quantité que jamais dans les campagnes, et jusque
dans les dèparteinens qui entourent celui du Rhône.
Quelques-uns, qui s'étaient compromis dans les ih-
Stifrectioné ont même foi jusque en Suisse; 5 et,
comme je le dirai dans un autre chapitre, ce pays
leur ddvrâ de voir se développer plus tôt, au détri-
ment de la manufacturé de Lyon, l'industrie des
étoffes façonnées. Dès l'année 1825, d'ailleurs, ceux
qui fabriquaient les étoffes unies légères durent émi-
grer dans les villages pour vivre à plus bas prix, et
soutenir la concurrence de lâ Suisse et de l'Allemagne,
devenue de plus en plus redoutable. Il y avait la
fin de iSS'] assure-t-on, hors de la ville et de ses
faubourgs, au moins i 8,000 métiers qui ne servaient
qu'au tissage de ces dernières étoffes, dont la con-
fection ne demande presque aucune surveillance de
la part des fabricans ou de leurs commis. Cette
tendance actuelle de la fabrique lyonnaise à se dis-
perser, est un fait très remarquable; mais il me
semble qu'on l'exagère. Il ne faut pas croire, en ef-
fet, que tous les ouvriers travaillant dans les cam-
pagnes aux environs de Lyon, en soient d'anciens
habitans ce sont bien plus souvent des campa-
gnards qui se sont fait tisseurs, ou d'anciens tis-
serands en colon de la fabrique de Tarare, qui
préfèrent tisser la soie, que des canuts qui se sont
fixés dans les villages. C'est de cette manière, que
Lyon devient aujourd'hui le centre d'une vaste fa-
brication qui, naguère, était presque resserrée dans
ses murs. ( 1 )
Jusqu'ici l'industrie des riches étoffes façonnées
appartenait exclusivement à cette ville; mais elle est
fortement menacée d'en perdre bientôt le mono-
pole. La Suisse commence à en fabriquer de pareilles;
et l'Amérique du nord n'achète déjà plus à Lyon que
des échantillons que l'on transporte à la Chine, où
Mariages
enfans. Ces rapports résultent des nombres suivans
Naissances légitimes
16,107
J54jr57
illégitimes 21,342
(r. dans la Statistiqac de la Francepubliéepar M. le ministre
des travaux publics, le volume de 1837, iutitulé Territoire po-
pulation, p. 457).
mains des nourrices Plus on moins long-temps après
qu'ils ont été sevrés, et communément lorsqu'ils
marchentbien seuls.
Si ces faits ne prouvent-point l'aisance des parens,
ils prouvent au moins leur non-misère habituelle.
L'instruction que les enfans de nos ouvriers re-
çoivent dans leurs familles passe pour être très né-
gligée. Mais où ne fait-on pas avec plus ou moins de
raison ce reproche au peuple Je ne. le crois pas mé-
rité ici quelques enfans examinés par moi savaient
tous lire; et j'ai entendu plusieurs chefs d'ateliers
exprimer le désir que leurs fils pussent un jour
suivre les leçons de la nouvelle école d'arts et mé-
tiers établie à Lyon sous le nom de la Martinière,
où l'on ne peut être admis si l'on ne sait au moins
lire et écrire.
Dès l'âge de huit à-neuf ans, les enfans dévident la
soie et préparent les canettes mais ce n'est que vers
l'âge de seize ans qu'ils cessent, garçons et filles,
d'être à charge à leurs familles.
Je me suis déjà expliqué sur la santé des ouvriers
signaler sous
en soieries de Lyon, et je n'ai point à
les
ce rapport, de différences notables entre eux et
autres ouvriers des professions sédentaires. Leurs
maladies, d'ailleurs, ne sont pas plus fréquentes que
celles de ces derniers, ni d'imo autre nature. Lors-
qu'elles ne se prolongent point, les chefs d'atelier
et les personnes de leurs familles n'entrent pas,
sauf quelques rares exceptions, dans les hôpitaux
pour s'y faire traiter. Quant aux compagnons et ap-
prentis, qui n'ont ni famille ni domicile, ils sont
dans la nécessité d'en réclamer l'entrée dès que leur
maladie est un peu grave ou dure depuis quelques
jours.
L'utilité des caisses d'épargnes n'est pas encore, à
beaucoup près, assez appréciée par eux. Cependant
le nombre de leurs dépôts a augmenté chaque an-
née, du moins jusqu'à i838; et, nulle part, en
France peut-être, les ouvriers n'en font autant, re-
lativement aux autres classes. (i)
Quant aux sociétés de secours mutuels, dites aussi
de prévoyance, ces utiles associations d'ouvriers qui
(i) Ces faits résultent d'un tableau qui m'a été communiqué
à la mairie de Lyon. Des chefs d'atelier de la Croix-Rousse ont
i834.
en outre formé une association de secours-mutuels en
Il ne pas faut confondre avec l'institutionéminemment morale
dont il s'agit, les deux associations qui s'organisèrent à Lyon,
après les journées de novembre i83i, sous les noms l'une, de
Société des mutuellistes, composée de chefs d'atelier; et l'autre,
de Société des ferrandiniers, composée de compagnons. Qu'une
caisse commune, destinée à secourir les ouvriers sans travail, ait
été ou non la pensée de ceux qui, les premiers, fondèrent ces
sociétés, elles ne furent pas moins, dès le principe, une coalition
qui menaçait l'autorité légale, et produisitplus tard l'insurrection
d'avril i83/4. Elles voulaient faire hausser le prix du travail, et,
ruineux.
sous ce rapport même, elles n'ont eu qu'un résultat
pulation de la Croix-Rousse, composée en très grande
majorité de ces ouvriers et de leurs familles, con-
vienne très bien pour cet examen. Mais il ne faut que
réfléchir un peu pour être convaincu des erreurs
auxquellesil conduirait. En effet la Croix-Rousse est
un lieu d'émigration pour un nombre considérable
de nouveau-nés (les trois quarts ou environ), que
l'on envoie plus ou moins loin en nourrice, et d'im*
migration pour les individus âgés depuis quinze à
seize ans jusqu'à trente ou quarante, qui s'y rendent
comme compagnons ou apprentis.
Le départ des nouveau nés dont beaucoup
meurent dans les villages où on les a transportés,
ferait nécessairement paraître la vie plus longue, ou
la mortalité moins forte, moins rapide qu'elle ne
l'est réellement; et, d'un autre côté, l'arrivée de
nombreux étrangers, tous dans la force de l'âge,
aurait encore le même effet,
Enfin, à ce double mouvement habituel, simul.
tané, de départ des uns et d'arrivée des autres
( mouvement qui s'observe aussi, mais avec une.
moindre intensité, dans la ville de Lyon et ses au-
tres faubourgs ), il faut ajouter encore les fluctua-
tions de la fabrique, qui font souvent affluer et
partir beaucoup d'ouvriers compagnonsà des inter-
valles fQrts courts.
Pour ces raisons, les résultats des décès par âges,
tels qu'on peut les déduire des registres de fétat civil
de la Croix-Rousse ne sauraient justifier aucune
conséquence fondée sur la mortalité des habitans.
Ces résultats présenteraient certainement une mor-
talité trop faible pour les quinze premières années
de la vie. (i)
S 1.
(i) Deux anciens chefs d'atelier de Lyon, que j'ai vus à Hor-
Ces salaires paraîtront bien modiques., pour la
plupart. Mais ce n'est pas leur chiffre qui importe
c'est la manière de vivre qu'ils permettent. Or,
comme on l'a déjà vu, ceux qui les reçoivent ont très
généralement d'autres ressources que l'industrie de
la soie ou du coton; et parmi eux, beaucoup ne s'en
occupent que dans les intervalles laissés par d'autres
travaux et d'autres soins. Les tisserands en coton,
qui comptent, proportion gardée plus d'hommes
que les tisserands en soie ont moins souvent
que ces derniers la ressource de l'agriculture. Ils
trouvent, au besoin, d'ailleurs, dans celle-ci un re-
fuge contre ces alternatives de travail forcé et de
chômages prolongés, qui démoralisent et affament
chez nous les populations industrielles. Leur double
profession prévient donc l'oisiveté qui résulte de
ces chômages. Elle contribue en même temps. à
maintenir, par la concurrence, le bas prix de la
Pour un homme,
une femme,
de.
de.
fr. c. à fi.
5 5o 5 goc.
4 30 4 70
fr.
286 »c.
223 60
à fr.
c.
3o6 80
244 40
un enfant de 8 ans et
au-dessous,de.. 3 5o 4 » i&a »(*)ao8 »
France
idem.
Pommes de terre, une mesure pesant 28 à 34 li-
vres, poids de
France 33 c. à 5o c.
Viande,
Lait, une mesure
Pain, 18 onces, poids de »
30
4
i5
35
6
4 fr. 80 c. ou 5 fr. pour être nourri, blanchi
et avoir la moitié d'un lit. Cette pension est or-
dinairement de 3 fr. dans les villages voisins de
Rapperschwill.
De ces dépenses, rapprochées des gains, on doit
conclure que si les ouvriers des fabriques de soie
et de coton étaient réduits aux salaires qu'ils re-
çoivent, les moins rétribués ne pourraient pas vi-
vre, et qu'il n'y aurait d'épargne possible pour les
autres, à l'exception de ceux qui gagnent le plus,
qu'autant qu'ils ne seraient pas chargés d'enfans.
Aussi leur nourriture habituelle se compose-t-elle
des choses suivantes
De pommes de terre, qui en font la base et se
mangent avec tout en guise de pain, lorsqu'on ne
les mange pas seules.
D'un peu de pain, qui est ordinairement de bonne
qualité.
De soupes ou potages maigres aux farines, aux
gruaux, etc.
De laitages.
De fruits.
D'œufs de temps à autre.
Quelquefois de poisson, dans certaines localités.
Enfin, de café de chicorée au lait pour le déjeuner
des femmes.
La viande de boucherie est pour eux un aliment
rare ils n'en mangent pas ou à peine une fois par
semaine.
En outre, les hommes vont communément au ca-
baret les dimanches; et, selon la localité, ils boivent
un peu de cidre ou de vin dans leurs ménages.
Il y a bien loin de ce r égime dont ne se conten-
tent pas les compagnons étrangers, à celui des ou-
vriers de Lyon et de Sedan un mince ordinaire de
ces derniers serait un repas de fête pour l'ouvrier
de Zurich.
La position matérielle de celui-ci paraît gênée
pour ne pas dire pénible, malgré son économie, et
néanmoins, il est assez content de son sort. La plu-
part même ne conçoivent peut-être pas la possibilité
d'en avoir un autre. Une maison et un petit champ,
voilà l'objet de l'ambition de ceux qui neles possèdent
pas. Ils sont d'ailleurs moins irrités qu'ils ne le seraient
chez nous par le spectacle des plaisirs et du luxe
des riches, soit que naturellement ils les jalousent
moins, soit que ce que j'ai dit de la simplicitéde leur
vie, de leurs moeurs, de leurs habitudes, doive s'en-
tendre aussi, proportion gardée, de toutes les classes
de la population. Enfin on n'observe pas qu'ils
abandonnent plus souvent qu'autrefois le pays pour
aller s'établir dans un autre. Cette dernière circon-
stance prouve d'autant plus qu'ils ne se regardent
pas comme très malheureux, que depuis un certain
nombre d'années, une fièvre d'émigration s'est em-
parée de beaucoup de familles dans différentes par-
ties de la Suisse. (i)
On conçoit qu'en rapport continuel avec les ou-
vriers de l'agriculture, et ouvriers agricoles eux-
mêmes, en même temps qu'ils sont industriels, leur
caractère moral ne se distingue pas de celui des ha-
bitans qui ne sont qu'agriculteurs.
Des caisses d'épargnes leur sont ouvertes; ils y
font très souvent des dépôts, et, dans la plupart des
manufactures, il y a encore des caisses de secours,
dans lesquelles ils versent chaque semaine, une
petite partie de leurs gains, pour ceux d'entre eux
qui tombent malades. C'est ainsi que se manifeste
chez eux l'esprit d'association.
Excepté quelques tisserands en coton des monta-
gnes, qui sont plus mal logés et paraissent moins
à leur aise que les autres, leur état sanitaire m'a
paru très bon, principalement sur les rives du lac. (3)
(1) Il ne s'agit point ici des Suisses, qui, chaque année, quit-
tent leur patrie pour aller exercer quelque industrie, ordinaire-
ment le commerce, dans les pays étrangers, d'où ils reviennent
ensuite avec les gains qu'ils ont pu faire.
(2) Si j'en crois quelques renseignemens, les hernies seraient
très fréquentes parmi les tisserands en coton.
J'ignore complètement le nombre des enfans vivans par mé-
nage, la proportion des bâtards, la fécondité des mariages,
l'âge où l'on se marie communément, et la mortalité. Ces choses
Une dernière remarque terminera ce chapitre.
En Suisse, la plupart des villages possèdent des biens
communaux, qui sont ordinairement considérables,
et qui fournissent à chaque famille du bois pour se
chauffer, des pâturages pour quelques têtes de bé-
tail, et souvent un terrain pour faire venir des pom-
mes de terre. Dans cet état, l'ouvrier, qui n'a pas
d'ailleurs à payer d'impôt ou qui n'en paie presque
point, peut donner son travail à très bas prix. Il est
exactement, sous ce rapport, comme l'ouvrier an-
glais qui reçoit la taxe des pauvres seulement, le
revenu en nature, qu'il tire de la commune, n'est une
charge pour personne. Enfin, en Suisse comme en
Allemagne, l'ouvrier, habitué à gagner peu, désire
moins que chez nous, et par conséquent, a moins de
besoins. Il résulte de cette position, à-la-fois indus-
trielle et agricole et de cette manière de vivre
toute particulière, que malgré l'élévation des frais
d'arrivage des matières premières et de transport
des produits manufacturés, le bas prix de la main-
d'œuvre, rend la concurrence des fabriques suisses
redoutables aux nôtres. Sans les droits d'entrée en
France, les fabricans de Lyon, qui souffrent le plus
de cette concurrence, n'auraient rien de mieux à
f-ttt.
IireiioiMrcwoS. j
SECTION PREMIÈRE.
SECTION SECONDE.
SECTION TROISIÈME.