Institut de Recherche Sur Le Maghreb Contemporain: Chapitre II. Les Privatisations À
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Institut de
recherche
sur le
Maghreb
contemporain
Le temps des entrepreneurs ? | Myriam Catusse
l’épreuve. La
cession des
entreprises
publiques
p. 83-125
Texte intégral
1 Près de vingt ans après le lancement de l’ambitieux
programme de privatisation au Maroc, les bilans que l’on
peut en faire sont contrastés. En termes macroéconomiques
et en tendances générales, le pronostic de D. Ben Ali en 1989
s’est plutôt vérifié :
« En rattachant le secteur public à sa stratégie de
reproduction, l’État confère à son action un contenu qui
transcende l’économie et qui surdétermine le politique. (...)
L’intervention du Makhzen dans la sphère économique par la
médiation du secteur public lui a permis d’instituer des
rapports conformes à l’organisation moderne de l’activité
économique et de normaliser ces rapports par l’intégration
des nouvelles couches en constitution ». (D. Ben Ali, 1989,
128-129).
Publiciser la privatisation
5 Les deux premiers ministres successifs chargés du dossier,
M. Z. Zahidi (1992-1993) puis surtout A. Saaïdi (1993-1998),
donnèrent de nombreuses interviews aux journaux
marocains, à la télévision, lors de conférences de presse à
l’étranger afin de se faire l’avocat de leur politique et
promouvoir le programme de privatisation à tous les
acheteurs potentiels. Une réelle stratégie de communication
fut mise en œuvre au moment de l’impulsion du programme.
En juin 1995, une publication commença à être éditée,
Transfert, le journal des privatisations au Maroc. Le
ministre, A. Saaïdi, en signa le premier éditorial :
« La politique marocaine de privatisation a été voulue,
Note 33
36 Au regard des opérations d’ores et déjà effectuées, deux
catégories d’acheteurs se distinguent : ceux qui bénéficièrent
du droit de préemption, actionnaires précédents ou
directeurs des sociétés publiques et des grands groupes
privés marocains.
37 Ceci s’explique à la fois par des raisons politiques et des
raisons plus structurelles, liées aux modalités d’accès au
crédit et au financement. La structure du système bancaire
marocain, organisée de façon oligarchique, longtemps
dominée par un important secteur financier public (M. Saïd
Saâdi, 1989, 50) associé à de grands groupes privés, fut un
frein certain à l’émergence d’un actionnariat élargi. Ce
« favoritisme d’État » (O. Toscer, 2003) bénéficia à une
poignée de grands groupes qui jouèrent de la promiscuité
qu’ils pouvaient entretenir avec la technocratie d’État.
Procès exemplaires
90 Bien que largement contrôlées, les privatisations ne furent
pas un long fleuve tranquille. Elles donnèrent lieu à quelques
procès retentissants. Ainsi, au début de 1997, une violente
controverse opposa le ministre des Privatisations à un
homme d’affaires par ailleurs élu d’Essaouira, qui reprochait
au premier de l’écarter systématiquement des opérations de
transfert. Durant l’été 1998, les privatisations retournèrent
sur le banc des accusés quand le nouveau gouvernement
« d’alternance » attaqua en justice les actionnaires d’une
société privatisée en cessation de bilan. L’analyse de ces deux
affaires permet d’examiner les modalités de certaines
opérations : au-delà de leur aspect anecdotique, c’est tout un
système politique et économique qui est mis en accusation.
Au discours policé, volontariste et progressiste des
campagnes de publicité sur les privatisations, à la conversion
tacite de ses pourfendeurs initiaux, s’opposent des
Notes
1. Pour reprendre une formule qu’emploie souvent B. Hibou (2006) à
Myriam Catusse