Poésie Et Versification

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S2-M / MODULE :

Poésie et versification

Corpus

Pr. MOUCHERIF ABDELHAKIM


Pr. Bouzrara Samir

Les Contemplations de V. Hugo


La Bonne chanson de Paul Verlaine
Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire
Alcools, Guillaume Apollinaire

Plan du cours

I- Introduction

1- Définitions de la poésie, étymologie des mots poésie /vers


2- Définition des dictionnaires
3- Conception des poètes
4- Approches thématiques et formalistes de la poésie
II- : Métrique
A. Deux approches métriques
1. La démarche quantitative
2. La théorie syllabique
2.1 Définition de la syllabe
2.2 Décompte des syllabes (cas du « e » muet, diérèse et synérèse)
2.3 Les types de vers (vers pairs, vers impairs)

III: Organisation strophique


1. Les types de strophes (strophes isométriques, strophes hétérométriques)

IV : Prosodie
1. Les types de rimes (genre, qualité, grammaticalité, disposition)
2. Les récurrences libres (allitérations, assonances, harmonie imitative)

V : Rythme
1. Les césures
2. Les coupes (coupe enjambante, coupes lyrique, coupe épique)
3. L’enjambement (rejets et contre-rejets)

VI : Les formes poétiques


1. Le sonnet
2. L’ode
3. La fable
4. Le poème en prose
5. Le vers libre
6. Le verset
7- Poésie orale
8-Poésie- performance

 Exercices d’application

VII : Les genres poétiques


1. La poésie lyrique
2. La poésie épique
3. La poésie dramatique
4. La poésie satirique

VIII : Thèmes, champs lexicaux et images plastiques


Exercices d’application
IX : Initiation au commentaire composé
XX : Exercices d’application
Définitions de la poésie

Etymologie : Le mot « poésie » vient du grec «poiêsis» qui signifie «création et


fabrication ».
C’est l’art de composer des poèmes.

Le vers:
L’étymologie du mot vers : le vers vient du mot «versus» qui signifie le fait de
tourner la charrue au bout du sillon, puis le sillon lui-même, ensuite de façon
métaphorique, la ligne d’écriture, et enfin le vers lui-même. Dans cette acception
du vers, le poème se définit par la récurrence, à intervalles variées, des figures
phonématiques, rythmiques, prosodiques et des couplages rimiques dans le cadre
de la poésie classique versifiée.

1. Définitions des dictionnaires

-Pour le Littré, la poésie c’est l’« art de faire des vers » ou « versification».
-Le Larousse définit ce terme ainsi : « Œuvre, poème en vers ».
-Le dictionnaire Larousse : « Art de combiner les sonorités, les rythmes, les
mots d’une langue pour évoquer des images, suggérer des sensations, des
émotions »
-Le Robert.- «Art du langage, visant à exprimer ou suggérer quelque chose par
le rythme, l’harmonie et l’image »

2. Conception des poètes :


-« Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense »,
(Baudelaire).
-« La poésie, c'est le langage dans le langage ». (Paul Valéry)
-« La poésie est la rencontre de deux mots que personne n'aurait pu imaginer
ensemble ». (Federico Garcia Lorca)
-« La poésie, c'est ce qu'on rêve, ce qu'on imagine, ce qu'on désire et ce qui arrive,
souvent ». (Jacques Prévert)
-« La poésie est un monde enfermé dans un homme ». (Victor Hugo)
-« La poésie est cette musique que tout homme porte en soi ». (William
Shakespeare).

3. Définition des critiques littéraires

I. La démarche thématique de Guy Michaud :

Dans son ouvrage, l’œuvre et ses techniques, Guy Michaud définit d’abord son
objet, puis précise ses principes théoriques et ses instruments d’analyse avant
de mettre à l’épreuve du poème sa démarche critique.
Donc comment l’auteur définit-il son champ d’investigation ?

1-Définition de l’objet : la poésie

Selon Guy Michaud, l’acte poétique se déroule en deux moments : le premier


moment correspond à une illumination, une fulgurance, un état
d’interpénétration mystique entre le sujet et l’objet. «L’acte poétique, dit-il,
suppose d’abord un état particulier, état de participation entre le sujet et
l’objet(…).»
Le second moment est une distanciation de l’objet, le créateur fait appel à ses
connaissances livresques et à ses compétences métriques, prosodiques et
linguistiques pour rationaliser son objet. « Mais la poésie n’est pas seulement
émotion, précise Guy Michaud, elle est prise de conscience de cette émotion,
elle suppose une attitude cognitive. »

II. L’approche structuraliste


Jakobson est le premier poéticien qui a élaboré une démarche d’obédience
structuraliste très cohérente des différentes figures de symétrisations et
d’équivalences de la poésie concernant tous les niveaux : métrique,
prosodique, syntaxique, lexical, rhétorique, etc.
Selon Jakobson la poésie se caractérise par une très grande unité, sémantique
et formelle, grâce à la fonction structurante et symbolique de la fonction
poétique qui «projette le principe d’équivalence de l’axe de la sélection sur
l’axe de la combinaison». C’est-à-dire que des termes qui se situent au niveau
de la chaîne (syntagmatique) contractant des relations de contiguïté sont
rappelés sur le plan paradigmatique par des relations fondées sur
l’équivalence (sémantique, phonologique métrique etc.).
Par opposition au langage ordinaire, qui «tend à s’évanouir, aussitôt qu’il est
compris, pour faire place aux idées, impressions, actes, et ce qu’il évoque», la
poésie est mémorisable, elle persiste dans la mémoire du lecteur grâce à ses
structures formelles harmonieuses et régulières, aux phénomènes de rappels
et de retours.
C’est que étymologiquement, «versus=vers» signifie : retour, principe poétique
caractérisant différents phénomènes de réitérations formelles. C’est pourquoi
le parallélisme joue un rôle très fécond en poésie.
Selon G. M. Hopkins le parallélisme constitue un trait distinctif du texte
poétique : «La poésie en tant que principe artistique […] se ramène au principe
des parallélismes». Il ajoute que «la structure de la poésie est caractérisée par
un parallélisme continue». Jakobson définit le parallélisme ainsi : «Des entités
équivalentes se mettent mutuellement en valeur en venant occuper des
positions équivalentes». Il ajoute que « n’importe quelle forme de parallélisme
est un mélange d’invariants et de variables. Plus la distribution des premiers
est rigoureuse, et plus les variations sont perceptibles et efficaces». Le
linguiste distingue donc deux niveaux dans les parallélismes : le premier est
sujet à un libre choix (correspondant aux catégories grammaticales, aux
structures syntaxiques et lexicales, etc.), alors que le second est codé et
contraignant : le mètre et la rime. De là, il définit deux sortes de parallélismes :
un parallélisme généralisé qui s’étend à tous les niveaux : phonologique,
syntaxique, etc. et un parallélisme condensé qui correspond à la rime. Selon
Jakobson, la réitération d’une même figure grammaticale et la récurrence
d’une même figure phonique constituent le principe de tout parallélisme.
Selon Jakobson, la poésie lyrique est déterminée par la
prédominance des fonctions poétiques, émotives et conatives.

La fonction poétique est centrée sur le message, c’est-à-dire


sur le discours lui-même régi par un système d’équivalences
métriques et prosodiques : rimes, assonances, allitérations,
échos sonores, refrains, patrons métriques, etc.

La fonction émotive: le poème se caractérise par la dominance


de la première personne, associée traditionnellement au sujet
lyrique.

La fonction conative : Le discours vise à susciter un sentiment


chez le destinataire ou à partager des expériences affectives
avec lui. Les actes de langage qui témoignent de la relation que
le poète tisse avec une autre personne ou avec le monde
extérieur (comme louer, célébrer, déplorer, se lamenter,
exhorter, supplier) sont dominants dans la poésie lyrique.

Syntagmatique (axe) / paradigmatique (axe). « chaque


élément d’un énoncé est en effet à considérer dans un double
système de relations : d’abord, par rapport aux éléments qui le
précèdent et le suivent( le choix de « nous » comme sujet va
entrainer telle terminaison verbale), ensuite par rapport à
l’ensemble des éléments qui pourrait prendre sa place ( dans
« le beau poème » poème pourrait ainsi commuter avec roman,
livre, beau avec magnifique…) L’énoncé croise donc à chaque
instant deux axes : celui des combinaisons ou axe
syntagmatique (…) celui des substitutions ou axe
paradigmatique » Lexique des termes littéraires sous la
direction de Michel Jarrety
« Parfum exotique » de Baudelaire, extrait des Fleurs du Mal est régi par le
principe structurant des parallélismes :

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne


Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne


Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,


Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Les deux quatrains et le sizain ont une construction syntaxique identique : ils sont
constitués d’une subordonnée temporelle (« Quand, les deux yeux fermés…. "
« Pendant que….. ») et d’une principale dont la structure syntaxique est parallèle
dans les deux cas :
 Je vois se dérouler des rivages heureux
 Je vois un port
En plus, tous les syntagmes nominaux qui occupent la place initiale des vers (5-
6-7-8) sont parallèles syntaxiquement. Les déterminants indéfinis déterminent
à chaque fois des substantifs au pluriel ( à l’exception du mot « île » au
singulier »)
 Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Déterminant+substantif
Des hommes ……………..
Et des femmes…………………

Figures de répétition
Anaphore (féminin) : Une anaphore est un procédé qui consiste à commencer par le
même mot les divers membres d’une phrase. Exemple dans Horace de Corneille (acte
IV, scène 6) : « Rome, l’unique objet de mon ressentiment ! / Rome, à qui vient ton bras
d’immoler mon amant ! / Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore ! / Rome enfin
que je hais parce qu’elle t’honore ! »
Antanaclase (féminin) : Une antanaclase est la reprise d’un même mot avec un sens
différent. Exemple : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » (Blaise
Pascal, Pensées, XXVIII)
Polyptote (masculin) : Un polyptote consiste à employer plusieurs formes
grammaticales (genre, nombre, personnes, modes, temps) d’un même mot, dans une
phrase. Exemple dans l’Oraison funèbre d’Henriette-Anne d’Angleterre de Bossuet : «
[…] Madame se meurt ! Madame est morte ! […] ». Ou encore « Tel est pris qui croyait
prendre.
Jeux sur les sons :
Allitération (féminin) : C’est la répétition de sons identiques. À la différence de
l’assonance, le terme « allitération » est réservé aux répétitions de consonnes.
Exemples : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (Racine,
Andromaque, V, 5) ou encore « La chasseresse sans chance / de son sein choie son sang
sur ses chasselas » (Desnos, Corps et biens, « Chanson de chasse »).
Assonance (féminin) : C’est la répétition d’une même voyelle dans une phrase ou un
vers. Exemple dans Poèmes saturniens de Verlaine (« Mon rêve familier ») : « Je fais
souvent ce rêve étrange et pénétrant […] ».
Paronomase (féminin) : Une paronomase consiste à employer côte à côte des mots
La versification

Selon J. Molino et Tamine, le terme de versification s’applique à : «l’étude de


tous les types de structuration du vers, qu’il s’agisse de la structure interne
ou de l’arrangement des vers entre eux, qu’il s’agisse des mesures fixes et
conventionnelles qui définissent chaque type de vers, comme les hémistiches
de l’alexandrin ou des groupements syntaxiques et rythmiques par des
coupes».

La versification englobe les domaines suivants :


La prosodie : rime, assonance, allitération, anaphore, répétitions
phonématiques.
La métrique : mètres, mesures fixes, coupes, césures.
Le rythme : figures rythmiques, rythme accentuel, rythme consonantique,
enjambement, rejet.

La métrique quantitative et
syllabique

La notion de mètre désigne la mesure d’un vers, un nombre défini de syllabes.


On distingue deux types de théories de versification : la théorie quantitative
(qui se base sur la longueur ou la durée comme c’est le cas dans la métrique
latine) et la théorie syllabique qui repose sur le nombre de syllabes comme
c’est le cas de la métrique française. La métrique latine se base sur la notion de
pied.
Un pied est un groupement de syllabes dont l’une est marquée d’un temps
fort :
Exemples : Le trochée composé d’un temps fort (-) et d’un temps faible : ᴗ
Exemple : âme - ᴗ (« âme » ce mot est composé d’un temps fort (-, â) et d’un
temps faible( ᴗ /me)
L’iambe : constitué d’une brève et d’une longue : exemple : a/ mer ᴗ -
L’anapeste : constitué de deux brèves et d’une longue.
Exemple : adorer : ᴗ ᴗ -

L’origine de la théorie syllabique remonte à l’époque classique, avec des


théoriciens, comme Malherbe, qui ont redéfini les constituants formels du vers
français par la rime et le syllabisme.
Boileau définit, lui aussi, le vers par l’harmonie et de la cadence :

Enfin Malherbe vint, et le premier en France


Fit sentir dans ses vers une juste cadence.

A cette époque, Mourgues a souligné l’originalité de la poésie française qui a


un fondement syllabique et non pas quantitatif comme la poésie grecque et
latine : «C’est seulement par le nombre de syllabes, et par la qualité des
voyelles longues ou brèves, qu’on a déterminé les différentes espèces des vers
français».
Au début du XIXème siècle, une autre approche du vers français, absolument
différente, voit le jour, considérant que «l’accent joue un rôle bien plus
important que la syllabe. C’est la description accentuelle introduite en France
par l’italien Antonio Scoppa.

A partir des matrices prosodiques de la langue italienne, Scoppa a mis en


œuvre, dans les mots bisyllabiques et trisyllabiques deux patrons
accentuelles : le chorée, ou trochée, (composé d’une longue et d’une brève :
- ᴗ ) et l’iambe (constitué d’une brève et d’une longue ᴗ- ).
Il affirme que la répétition du même nombre de pieds est une caractéristique
métrique universelle qui détermine le rythme et l’harmonie des vers des
différentes langues.
A l’aune de cette description accentuelle, cet alexandrin de Corneille, trimètre
régulier (4/4/4), est composé de six iambes :
/ / /
ᴗ - ᴗ - ᴗ - ᴗ - ᴗ - ᴗ -

Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Scoppa confond la notion de pied avec celle du mot lexical. Selon lui, les mots
sont accentuables, alors que le français est une langue à accent de groupe où
le mot est désaccentué au profit de l’accent de groupe.
Certains théoriciens, notamment Gouvard et Cornulier, ont revisité la notion
du mètre et ont redéfini l’alexandrin par exemple comme deux structures
équivalentes de deux segments de six syllabes.
Ainsi, cet alexandrin d’Apollinaire peut être schématisé de la manière
suivante :
/ / / /
A la fin tu es las de ce monde ancien / = accent secondaire
X X X X X S + X X X (X) X X S / = accent principal
1 2 3 4 5 6+ 1 2 3 4 5 6

« X » marque une syllabe numéraire, dont la qualité prosodique n’importe


pas,
« S » une syllabe accentuée,
« (X) » une syllabe surnuméraire, et « + « la place de la césure.»

Benoît de Cornulier a montré que «la forme du mètre propriété des vers en
tant que tel, est une relation d’équivalence entre deux expressions, qui, disons
approximativement ont le même nombre de syllabes».
Selon ce linguiste, le rythme du vers est perceptible grâce à l’égalité syllabique
entre des vers et ne se base pas sur des durées et des intensités comme le
prétendent les théories accentuelles et quantitatives.

 Les règles du décompte syllabique


Le syllabisme : chaque vers est composé d’un nombre déterminé de syllabes
(le numérisme).
La syllabe : « On appelle syllabe la structure fondamentale qui est à la base de
tout regroupement de phonèmes dans la chaine parlée. Cette structure se
fonde sur le contraste de phonèmes appelés traditionnellement voyelles et
consonnes ». Jean Dubois (Dir), Dictionnaire de Linguistique, Larousse, 1973.

Segmentation syllabique:

Quan/d, les/ deu/x yeu/x fer/mé/s, en/ un /soir/ chau/d

d'au/tomne

1 2 3 4 5 6/ / 7 8 9 10 11 12

Je/ res/pi/re/ l'o/deur/ de/ ton/ sein/ cha/leu/reu/x,

1 2 3 4 5 6// 7 8 9 10 11 12

Je/ voi/s se/ dé/rou/ler/ des/ ri/va/ge/s heu/reu/x

1 2 3 4 5 6 // 7 8 9 10 11 12

 Structures syllabiques ouvertes (terminées par un phonème vocalique) ( : C+V ;

: chau/d ; heu/reu/x voi/s


 Structures fermées : C+V+C : (terminées par un phonème consonantique)

l'o/deur

Cas litigieux

1. Le cas du «e» caduc :

Les règles de la diction du « e» caduc dans la tradition classique sont les


suivantes:
En général le «e» est compté et prononcé devant une consonne. Il est élidé
devant une voyelle et en fin de vers.

Le soleil du matin doucement chauffe et dore


Les seigles et les blés tout humides encore,
Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
L'an sort sans autre but que de sortir : on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.

Dans ces vers extraits de La bonne chanson de Verlaine, les « e »comptés et


prononcés sont soulignés (exemple seigles), alors que les « e » élidés devant
voyelles (exemple chauffe et) et en fin de vers (exemple : dore) sont écrits en gras.

La pratique de l’apocope du «e» caduc (coïncidence avec un mot à initiale


vocalique, devant un «h» non aspiré, et systématiquement en fin du vers) vise
à rendre harmonieux l’enchaînement des syllabes et l’emboîtement de la
syllabe «proéminente» du premier hémistiche avec celle du second, par
l’amuïssement des «e» muets.
Dans cette strophe de «Cors de chasse» d’Alcools de Guillaume Apollinaire,
l’amuïssement du «e» surnuméraire (non compté) est pratiqué à plusieurs
reprises devant une voyelle:

Notre histoire est noble et tragique


Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent

2. La diérèse:

La diérèse est une cheville pour le compte syllabique: c’est la séparation


syllabique de deux voyelles en contact dans un même mot.
Exemples : odi-eux; prodigi-eux
Va te purifi-er dans l’air supéri-eur

La synérèse : c’est le fait de prononcer et de compter prosodiquement en une


seule syllabe une succession de deux voyelles dont la première est « i », « u »
ou « ou »:
Dans la prononciation usuelle la structure Voyelle + v est réduite au groupe
semi-consonne+V : attention; fruit; louis.

L’hiatus:
Est proscrit, dans les traités de versification classique, l’ hiatus qui est défini
comme étant la rencontre immédiate de deux voyelles à valeur syllabique sans
possibilité d’élision à l’intérieur d’un mot ou à la limite de deux mots contigus,
considéré comme facteur de solution et de suspension de continuité prosodique
et source de cacophonie et de disharmonie sonore.

L’hiatus interne : «Noémi»


L’hiatus entre deux mots successifs : « cri étrange».

Les métriciens et les poètes classiques interdisent l’hiatus pour des raisons
d’euphonie et d’harmonie sonore. La rencontre disharmonieuse de deux
voyelles est interdite.

Nous illustrons cette pratique prosodique irrégulière par le poème « Zone »


extrait d’Alcools de Guillaume Apollinaire où l’hiatus est largement employé:

A la fin tu es las de ce monde ancien


Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant
Te voici à Marseille au milieu des pastèques
Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

 Les différents types de vers

Nombre de syllabes Vers impairs Nombre de syllabes Vers pairs


1 monosyllabe 2 Dissyllabe
3 trisyllabe 4 Tétrasyllabe
5 pentasyllabe 6 Hexasyllabe
7 heptasyllabe 8 Octosyllabe
9 ennéasyllabe 10 Décasyllabe
11 hendécasyllabe 12 Alexandrin

Tous les vers de plus de huit syllabes sont segmentables en deux hémistiches
(hémistiche : du grec hêmi « moitié » et stikhos, ligne, vers, c'est-à-dire moitié
de vers) séparés par la césure.
Ces vers de Verlaine ont une césure et sont, dans la plupart des cas,
segmentables en 4/5 :
4 / 5
De la musique/ avant toute chose
Et pour cela préfère l’impair, 4/5
Plus vague et plus soluble dans l’air, 2/ 7
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. 4 / 5

L’alexandrin est divisé en deux segments isométriques (égalité syllabique)


coupés en 6/6:
6 /Césure 6
Sou-vent- pour- s’a-mu-ser / le-s ho-mme-s d’é-qui-page
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
La strophe

Jean Mazaleyrat définit la strophe comme «un groupe de vers formant un système
complet d’homophonies finales». Elle est donc régie par des principes esthétiques
qui renvoient à une conception générale de l’œuvre d’art à savoir : la continuité,
l’harmonie, la complétude et la périodicité. Des groupements de vers
fragmentaires non intégrés dans un système métrico-prosodique sont exclus. La
cohésion métrique et les modes de liaison sonores rimiques assurent l’unité de la
strophe. Les poètes du XIX° siècle comme Verlaine, Baudelaire et Victor Hugo ont
respecté cette conception traditionnelle de la strophe. Nous analyserons à titre
d’exemple, l’agencement strophique de « Harmonie du soir », extrait des Fleurs
du mal, poème de facture traditionnelle :
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige a
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ; b
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ; b
Valse mélancolique et langoureux vertige ! a

Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ; b


Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ; a
Valse mélancolique et langoureux vertige ! a
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. b

Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige, a


Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! b
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ; b
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige. a

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir, b


Du passé lumineux recueille tout vestige ! a
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige… a
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ! b

Ce poème repose sur la répétition des vers isométriques (alexandrins) et de


la même forme strophique (retour du quatrain 4 fois). Chaque strophe est
séparée de l’autre par un blanc typographique. La structure et l’unité de chaque
groupement strophique sont assurées par les homophonies finales identiques. Il
s’agit de 4 quatrains composés de deux rimes seulement.

 Poème composé d’un vers : monostiche

 Groupement de 2 vers : distique

 ………………………..3 vers : tercet

 ………………………… 4 vers : quatrain

 …………………………. 5 vers : quintil

 …………………………. 6 vers : sizain

 ……………………………8 vers : huitain

 …………………………………..9 vers : neuvain

 …………………………………...10 vers : dizain


Dans la plupart des textes poétiques de forme régulière d’Alcools de
Guillaume Apollinaire, le poète recourt à la polymétrie pour enrichir et varier les
structures métriques de ses textes. Il s’agit d’un patchwork métrique qui rend
problématique la définition même de la strophe basée sur le retour du même
nombre syllabique. Le poème «Annie», à titre d’illustration, ne respecte pas le
principe de l’alternance classique, puisque après un quintil viennent deux quatrains,
et on remarque aussi que le système métrique y est hétérogène.

Sur la côte du Texas a 7 syllabes

Entre Mobile et Galveston il y a a 10 syllabes

Un grand jardin tout plein de roses b 8 syllabes

Il contient aussi une villa a 9 syllabes

Qui est une grande rose a 7 syllabes

Une femme se promène souvent a 10 syllabes

Dans le jardin toute seule b 7 syllabes

Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls b 14 syllabes

Nous nous regardons a 5 syllabes

Comme cette femme est mennonite a 9 syllabes

Ses rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutons b 13 syllabes

Il en manque deux à mon veston b 9 syllabes


La dame et moi suivons presque le même rite a 12 syllabes

Ce poème ne contient aucun mètre de base qui pourrait assurer l’unité du


vers reposant généralement sur le retour du même nombre syllabique dans le cas
des pièces isométriques ou sur le jeu entre vers fondamental et vers
d’accompagnement dans le cas des pièces polymériques. Il s’agit essentiellement
d’une mosaïque d’îlots métriques dont les mesures asymétriques et inégales minent
l’unité et l’harmonie de la strophe. De même le système des homophonies finales
est basé sur des rimes approximatives (Texas : il y a : villa / souvent : regardons).
«Clotilde » est un poème polymétrique composé de deux mètres de base (7 et 8
syllabes) :

L’anémone et l’ancolie 7 syllabes A


Ont poussé dans le jardin 7 syllabes B
Où dort la mélancolie 7 syllabes A
Entre l’amour et le dédain 8 syllabes B

Il y vient aussi nos ombres


Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaîtra

Les déités des eaux vives


Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Ces mètres ne diffèrent que d’une seule syllabe, ce qui constitue une entorse au
principe classique de distinction :
« consist[ant] à brouiller la perception métrique en rapprochant des mesures
censément inégales, mais ne différant que d’une syllabe […]. Ce
rapprochement gène leur discrimination, et est parfois associé à un brouillage
rimique analogue. Ce n’est pas par hasard que les vers « faux » sont
généralement faux d’une seule syllabe».

Cette dissymétrie syllabique entre mesures impaires et mesures paires donne


naissance à un rythme claudicant et bancal comme chez Verlaine. Dans son Art
poétique, ce poète souligne que le vers impair crée un mouvement rythmique varié,
dynamique et irrégulier, alors que le rythme pair est monotone et répétitif :

« Et moi-même que fais-je en ce moment /, dit-il, Que d’essayer d’émouvoir


l’équilibre / D’un nombre ayant deux rythme seulement ? // Il est vrai que je
reste dans ce nombre / Et dans la rime, un abus que je sais / Combien il pèse
et combien il encombre […] ».

Les métriciens définissent la strophe comme un système clos et complet


d’homophonies finales appariées. Chaque vers doit trouver son écho au sein du
groupement jusqu’à clôture du système équivalent généralement à une fin de
phrase, matérialisée à l’écrit par une ponctuation forte.

L’effet d’attente et la saturation du système sonore constituent des facteurs


nécessaires dans la conception classique de la strophe comme l’explique
Mazaleyrat :

« Le principe esthétique de la strophe est alors […] comme un principe


d’attente déçue, renouvelée, puis progressivement satisfaite avec une
distribution des homophonies qui ajoute à l’effet de répétition le plaisir
structurale d’une organisation sensible».

A rebours de la conception traditionnelle de la strophe qui repose sur la


prévisibilité, l’attente, la complétude et l’unité, dans la poésie moderne, les poètes
ont multiplié les infractions pour cultiver la dissonance au sein des ensembles
strophiques traditionnels. C’est le cas du célèbre monostiche d’Apollinaire, hapax
(Mot, forme dont on n'a pu relever qu'un exemple. Vocable n'ayant qu'une seule
occurrence dans un corpus donné) dans son œuvre poétique et dans la poésie
française en général, isolé d’une manière surprenante sur l’aire de la page.

CHANTRE

Et l'unique cordeau des trompettes marines

Alcools, (1898 - 1912)

Un vers unique ne peut constituer une strophe qui est basée


traditionnellement sur un jeu de récurrence métriques, lexicales, syntaxiques et
rimiques entre des vers intégrés harmonieusement dans une superstructure :
3/ 3 3/ 3
Et l'unique cordeau // des trompettes marines
6 // 6
Certes, le vers est un alexandrin classique régulier, mais le mètre (12 syllabes) ne
peut pas constituer à lui seul un poème qui nécessite le retour du même nombre
syllabique et la réitération d’homophonies finales identiques en fin de vers. Ce
vers déstabilise l’horizon d’attente du lecteur qui est déconcerté par
l’incomplétude sémantique (le coordonnant « et » étonne par sa place au début
du vers : il ne renvoie à aucun mot ou segment antérieur) et métrico-prosodique
du vers (il n’est pas intégré dans une superstructure).

Disposition, alternance et qualité des rimes

1. Qualité des rimes :

La rime est dite pauvre si l'homophonie porte sur un seul phonème


(vocalique). Elle est suffisante, si elle porte sur deux phonèmes. Et si elle porte
sur trois phonèmes et plus, elle est désignée comme riche.

2. Le principe de l’alternance :

Les traités classiques stipulent que le poète doit respecter dans le système
rimique le principe de l’alternance entre rimes masculines (terminées par une
voyelle prononcée, éventuellement suivie d'une consonne) et rimes féminines
(terminées par un e caduc non prononcé).

3. Disposition des rimes :

Rimes croisées : AB AB

Rimes plates : AA BB

Rimes embrassées : ABBA

Enjambement, rejet, contre-rejet

Dans la réglementation classique, le mètre est souverain, ce qui signifie que


l’organisation syntaxique du discours doit respecter la césure et la fin du vers.
Boileau, dans son Art poétique, préconise ce précepte classique et condamne,
par conséquent, l’enjambement. Il énonce, sous une forme versifiée, cette
règle:

Ayez pour la cadence / une oreille sévère


Que toujours dans vos vers, /le sens, coupant les mots,
Suspende l’hémistiche,/ en marque le repos
1. L’enjambement

Quand la phrase d’un vers se prolonge sur le vers suivant, on appelle ce


phénomène de discordance : l’enjambement

Tout va de pis en pis : les cités qui vivaient

Tranquilles ont brisé la foi qu’elles devaient. (Ronsard)

Dans ce vers, la proposition relative « les cités qui vivaient » et l’adjectif


« Tranquilles » n’appartiennent pas au même vers.
On dit que le premier vers enjambe sur le second.

2• Le rejet : est une variante de l’enjambement, il consiste à rejeter un élément


court au début du vers suivant:

Accrochant follement / aux herbes des haillons


D’argent ; où le soleil, / de la montagne fière (Rimbaud)

Dans le premier vers, le rejet prolonge un groupe de mots syntaxiquement


solidaires (Syntagme prépositionnel: Préposition+SN+ Prép + SN) sur toutes les
premières syllabes du vers suivant (SP de matière, mot bi-syllabique)
(« D’argent »)

 Un autre exemple de rejet:

Serait-ce déjà lui ? / C’est bien à l’escalier


Dérobé. Vite, ouvrons. / Bonjour, beau cavalier.
Hernani, de Victor Hugo (1830)

Ici le rejet prolonge le groupe de mots « c’est bien à l’escalier » au début du


vers suivant. L’adjectif trisyllabique « Dérobé » dépend du nom « escalier ».

3. Le contre-rejet :

Le contre-rejet est le procédé inverse, un élément court d’un vers est rejeté
sur le vers précédent.

 Exemple1 :
- Douces colonnes, - Aux
Chapeaux garnis de jour. (Valéry)

 Exemple 2:
C’est ce qu’en peu de mots j’ose à dire, et j’estime
Que ce peu que j’ai dit est l’avis de Maxime

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