Cours Travail 2024
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Le travail est une activité qui a pour finalité d'assurer la survie matérielle et biologique de l'homme.
L'époque moderne a tendance à le valoriser dans la mesure où l'argent qu'il procure nous libère de la
nécessité, en permettant le confort, l'aisance et la satisfaction des besoins. Par conséquent, le temps
libre devient suspect et le temps travaillé admiré et encouragé.
1) La position grecque.
Cette pensée moderne concernant le travail est l'exact opposé de ce que pensent les Grecs de
l'Antiquité. Ces derniers défendent la thèse qu'une vie authentiquement humaine doit se libérer du
travail. Il s'agit de se consacrer, non pas à la vie active, mais à la vie contemplative, tournée vers la
recherche de la vérité, du beau et du bien, ainsi que vers la politique. Cette vie se nomme chez les
Grecs « skholia » (loisirs, repos, liberté, temps libre), ou « otium » chez les Romains.
L'argument contre la vie active consiste à dire que le travail nous enchaîne aux besoins corporels et
vitaux. En effet, nous travaillons essentiellement pour assurer notre survie organique. Par
conséquent, travailler revient à se rendre l'égal de l'animal qui lui aussi, d'une certaine manière,
travaille pour vivre. Or, pour les Grecs, ce que nous partageons avec les animaux n'est pas
authentiquement humain. Autrement dit, il y aurait peu de différence entre une fourmi travailleuse
et un homme laborieux. Devenir humain consiste ici à actualiser une puissance que l'animal n'a pas.
2) La nuance hégélienne.
Or, il est également possible de penser le travail comme émancipateur et libérateur, c'est-à-dire
comme l'unique possibilité de réaliser l’essence de l'homme, c'est-à-dire sa vie matérielle et sa
liberté.
Hegel défend l'idée que le travail est bien un instrument de libération. Dans son ouvrage la
Phénoménologie de l'esprit, il consacre un chapitre à la dialectique du maître et de l'esclave. Il
défend cette thèse qui semble contradictoire : L'esclave, par son travail, devient le maître, c'est-à-
dire libre, autrement dit humain.
1. L'humanité que réalise l'esclave est liée au fait que, pour satisfaire les désirs du maître, il a
dû refouler ses propres instincts. Par exemple, l'esclave prépare un repas qu'il ne mangera
pas, tout en désirant le manger. Ainsi, il fait comme violence à sa nature, il se nie, se
supprime en tant qu'animal égoïste. Par conséquent, le travail de l'esclave est à la fois un
acte "auto-négateur", acte par lequel l'homme se nie en tant qu'être naturel déterminé, mais
aussi un acte auto-créateur, c'est-à-dire un acte par lequel l'homme se crée lui-même comme
homme. Cette humanité qui passe par une gouvernance de soi répond à un idéal grec de
tempérance nommé enkrateia. Cette gouvernance intérieure, que le travail de l'esclave
réalise, actualise la liberté de l'homme, c'est-à-dire l'autonomie vis-à vis de l'animal en lui.
2. Deuxièmement, l'esclave, grâce aux perfectionnement de sa technique, parvient à dominer le
monde naturel, à l'humaniser et à s'en rendre maître. Par exemple, le champ qu'il fait
fructifier est une manière de s'approprier la nature et particulièrement le processus de
germination. Cette acte organisateur prend aussi la forme d'une maîtrise de la nature, dans
l'acte de spiritualiser la matière. En effet, l'esclave injecte librement dans la matière toutes
les idées qu'il a dans l'esprit. Par exemple, l'action artisanale est libre de révéler le potentiel
du bois, l'artisan peut créer aussi bien une barque, qu'un escalier.
Conclusion.
Le maître qui jouit passivement du travail de l'esclave n'a aucune technique et finit par devenir
dépendant de son esclave. Inversement, le travail artisanal crée et manifeste l'humanité et la liberté
du travailleur en le rendant indépendant de son animalité et, par sa technique, maître, ou du moins
organisateur, de la nature. Le travail artisanal permet à l'homme de produire et de créer
matériellement et librement sa vie pour donner satisfaction à ses besoins élémentaires, c'est en ce
sens qu'il est humanisant et libérateur.
3) Le travail aliéné.
Or, Marx remarque que l'avènement de la société industrielle a transformé l'artisan en prolétaire,
donc transformer la définition du travail et du travailleur. Le prolétaire est un travailleur qui vend,
non son savoir-faire, mais sa « force de travail ». Il la vend contre salaire. Dans la société
industrielle, le travail s'achète et s'exploite, comme une marchandise.Le prolétaire désigne un type
de travailleur qui ne se libère pas grâce au travail, mais, au contraire s'aliène. S'aliéner signifie être
dépossédé d'une chose qui devrait nous appartenir. En effet, la thèse de Marx est que la société
industrielle capitaliste aliène le travail, c'est-à-dire dépossède le travailleur de son travail.
Premièrement, le travailleur perd son savoir-faire pour se greffer à la machine, comme un de ses
rouages. Par exemple dans une usine à pain moderne, l'ouvrier prolétarisé fabrique du pain en
assistant la machine. Or, il ignore comment le pain se fabrique, c'est la machine qui « sait ».
Troisièmement, le corps de l'ouvrier est lui aussi aliéné car, durant son temps de travail, il appartient
à celui qui est capable de l'acheter et ne peut plus en jouir librement.
Pour conclure, dans la société industrielle, le travail est aliéné car il est « extérieur » à l'ouvrier et
non « intérieur ». En effet, dans ces conditions, le travail n'est plus l'essence de l'ouvrier. C'est-à-
dire que le travail n'est pas une possibilité d'affirmer et de réaliser son essence, mais une manière de
se nier physiquement et psychiquement.