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La frontière Mexique-États-Unis, un espace de Marie-Carmen Macías

relations Centre d’Études Mexicaines et Centraméricaines (CEMCA)


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Documents :
1 - La région transfrontalière Mexique-États-Unis 4 - Modèle des relations transfrontalières au poste-frontière entre Tijuana et San Diego
2 - Une frontière constamment fortifiée 5 - La côte de Basse Californie, paradis des retraités états-uniens
3 - Évolution des flux frontaliers du Mexique vers les États-Unis

La frontière entre les États-Unis et le Mexique s’étend sur 3 141 km depuis le Golfe du Mexique jusqu’à la côte Pacifique. Elle est un cas unique dans le monde de contact
asymétrique de développement (rapport de 1 à 3,43 pour le produit intérieur brut par habitant en 2010) : au nord, les États-Unis (PIB de 47 400 dollars/habitant en 2010) alors
qu’au sud, le Mexique, considéré comme pays émergent doit encore faire face aux problèmes du monde en voie de développement (13 800 dollars/habitant).
La région de la Frontière Nord (Frontera Norte) regroupe les six États fédérés qui jouxtent les États-Unis. L’éloignement de cette région par rapport au centre du Mexique, où
se concentrent les richesses et les lieux du pouvoir, a généré des liens de dépendance de ses habitants avec le Sud des États-Unis qu’illustrent les mobilités transfrontalières
de natures multiples. En effet, chaque jour des milliers de Mexicains passent la frontière pour travailler légalement ou pas aux États-Unis, pour y réaliser leurs achats ou y
envoyer leurs enfants à l’école ; les camions de marchandises circulent continuellement entre les deux pays, etc. En dehors des postes frontières, on observe des flux illicites
qu’il s’agisse des migrants mexicains, centroaméricains ou latino-américains qui tentent d’entrer clandestinement aux États-Unis ou du trafic de drogues ou d’armes. Les
liens traditionnels de part et d’autre de la frontière se sont renforcés au milieu des années 1960 avec le développement de l’industrie d’assemblage d’exportation, appelée
maquiladora. Depuis lors, la population des villes frontalières augmente rapidement grâce aux flux de travailleurs venus des autres États de la République mexicaine à la
recherche d’un emploi que se soit au Sud ou au Nord de la frontière.
L’objectif de ce dossier documentaire est de représenter la région de la Frontière Nord sous la perspective des relations nouées des deux côtés de la frontière au travers des
exemples les plus caractéristiques de la vie de ses habitants en nous centrant sur leurs circulations. Nous commencerons par l’origine du tracé de la frontière au XIXe siècle et
l’évolution des flux transfrontaliers (légaux ou illégaux) pour rendre compte au mieux de la complexité des relations transfrontalières entre les deux pays à l’échelle régionale.
Pour cela nous avons composé un corpus de cinq documents de nature variée (cartographique, graphique et photographique) construits à partir de données fournies par des
institutions états-uniennes et mexicaines.

Pour en savoir plus

Coubès M.L. et M.C. Macías (coord.), 2007 Dossier « La frontière, après 15 ans d’Alena » in Cahiers des Amériques latines, n°3, éditions 2010
Richard Kiy y Anne McEnany, 2010, “Tendencias sobre la jubilación de estadounidenses en las comunidades costeras de México. Datos demográficos y prioridades en los estilos de vida”, marzo, (http://www.icfdn.org/
publications/retireeresearch/RETIRE_SP.pdf, document consulté le 31 mai 2011)
Picouet, P. & Renard, J.P., 1993, Frontières et territoires, éd. La Documentation Française, série la Documentation Photographique, vol. 7016

Collection de documents pour comprendre les Amériques. Tome I : Mexique


D.R. © 2013 Centro de Estudios Mexicanos y Centroamericanos, México • D.R. © 2013 Institut de Recherche pour le Développement, France.
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• GÉOGRAPHIE •

Document 1 - La région transfrontalière Mexique-États-Unis vrai que la présence de population hispanique est un fait de plus
en plus général sur l’ensemble du territoire aux États-Unis, celle-ci
La frontière nord du Mexique est longtemps restée un « front pionnier » dont la pacification et la mise en valeur est plus particulièrement présente dans les États du sud-ouest :
furent difficiles. Il s’agit en effet d’une région désertique, parfois montagneuse comme dans la région de la selon le recensement de 2010, la Californie et le Texas réunissent
Sierra Madre occidentale (appelée Montagnes Rocheuses aux États-Unis), faiblement peuplée que les Espagnols à eux-seuls 46,5 % de la population hispanique des États-Unis
eurent néanmoins du mal à soumettre. Son tracé fut fixé par les Traités de Guadalupe-Hidalgo en 1848-1853 (surtout d’origine mexicaine, mais pas seulement) et, à l’exception
qui, à l’issue de la guerre contre les États-Unis de 1836-1848, obligent le Mexique à céder la moitié de son du comté de San Diego, la population des comtés délimités au
territoire de l’époque (les États de Californie, d’Arizona, du Nouveau Mexique, d’Utah, du Nevada, du Texas et sud par la frontière est majoritairement hispanique. Cette continuité
une partie de ceux du Wyoming, du Colorado, du Kansas et d’Oklahoma). de peuplement est encore un marqueur de l’identité ethnique du
Ce traité ne changea ni la distribution ni la composition du peuplement de la région car, à cette époque, quelques sud-ouest des États-Unis, elle explique aussi les nombreux liens
75 000-80 000 Mexicains avaient choisi de rester au sud des États-Unis comme en témoigne la toponymie. S’il est qui existent entre les populations installées de part et d’autre de
la frontière ; la présence de doublets urbains transfrontaliers (où
parfois les deux villes portent le même nom telles que San Luis,
Légende Nogales, Laredo et Nuevo Laredo) en témoigne.
Frontière Longtemps marginalisés et sous-peuplés en raison de leur
Salt Lake Frontière équipée d’un mur éloignement, les États adjacents à la frontière ont fait l’objet
Reno City
Ville d’attentions particulières de la part du gouvernement fédéral
Sacramento Nevada Doublets urbains frontaliers
Utah mexicain qui a adopté des conditions particulières de dévelop-
Colorado Grande voie commerciale
San Francisco
pement. Dès l’origine de la frontière, le gouvernement crée une
États mexicains de la Fontière Nord
Californie Las Vegas Santa Fe
zone libre permettant aux habitants de bénéficier d’exemptions
Territoire annexé par les États-Unis
(1848-1853) fiscales lorsqu’ils s’approvisionnent aux États-Unis. En 1964, son
Los Ángeles
Alburquerque Programme d’Industrialisation Frontalière propose des mesures
Arizona Nouveau
1 Mexique
favorables à la délocalisation des usines d’assemblage des en-
2
Phoenix ÉTATS-UNIS 200 km
treprises étrangères, les maquiladoras, vers les villes frontalières
Dallas
Tucson
4 dont la production est exclusivement vouée à l’exportation. A
Océan 3
Texas partir de cette étape, la région connaît un essor démographique
Pacifique
Basse
Houston et économique important. Ainsi, Ciudad Juarez passe de 252 000
Sonora Chihuahua 5
Californie San Antonio habitants en 1960 à plus de 1,3 million en 2010 et Tijuana de
Hermosillo Chihuahua
177 000 à plus de 1,5 million.
Principaux doublets urbains Coahuila 6 Enfin, l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA),
(EU-Mex) 7 8 entré en vigueur en 1994, place la région de la Frontière Nord au
1. San Diego - Tijuana Saltillo
Golfe cœur des échanges du Mexique avec les États-Unis, son principal
2. Calexico - Mexicali Réalisation : M.-C. Macías 2012
Monterrey
3. Nogales - Nogales du partenaire (80 % des exportations).
4. El Paso - Cd Juárez Nuevo Tamaulipas Mexique
5. Del Rio - Cd Acuña León
6. Laredo - Nuevo Laredo San José Tampico
Los Cabos
7. Mac Allen - Reynosa MEXIQUE
8. Brownsville - Matamoros

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Document 2 - Une frontière constamment fortifiée matérialiser leur frontière méridionale par la construction d’un mur
et d’accroître sa surveillance en lançant plusieurs opérations de
Cette photographie a été prise depuis la promenade de la plage de Tijuana vers les États-Unis en octobre 2011 surveillance en plusieurs points, afin de lutter contre le narcotrafic
par José Pastor, lors des travaux de réparation du mur qui ont donné lieu à des améliorations de celui-ci. Une et l’immigration clandestine. En 1993, Hold the line est la première
partie de la séparation métallique attaquée par la houle étant tombé, la reconstruction de la barrière métallique a opération lancée sur 40 km autour de El Paso qui sera suivie de
été complétée par un ponton afin de permettre aux agents de la patrouille frontalière (Border Patrol) de s’avancer Gatekeeper en Californie (1994), Saveguard (1995) et de Río
à quelques mètres du rivage pour surveiller d’éventuelles embarcations qui tenteraient de franchir la frontière. Grande (1997), cette dernière s’étendant sur 2 000 km à partir de
Malgré l’entrée en vigueur de l’ALENA, qui a permis d’accroître les échanges commerciaux entre le Mexique, Brownsville sur toute la vallée du Rio Grande. Après les attentats
les États-Unis et le Canada, la frontière n’a pas disparu ; bien au contraire. Alors que traditionnellement les du 11 septembre 2001, ce contrôle s’est durci (tout comme dans
habitants de la frontière passaient facilement d’un côté à l’autre, la situation change dans les années 1990. les aéroports du pays) et le mur a été non seulement dédoublé
En effet, les États-Unis ont renforcé leur surveillance sur la frontière afin de mettre fin à l’entrée illégale de et équipé de technologies de surveillance (caméras infrarouges,
travailleurs mexicains vers leur territoire. Anticipant les effets « réels ou fantasmés » de l’ALENA, ils décident de mirador, etc.) mais il a été également prolongé.
Bien que depuis cette période le gouvernement des États-Unis
ne cesse d’augmenter le budget dédié au renforcement de la
Photo : José Pastor

frontière aussi bien en augmentant le nombre d’agents de la Border


Patrol qu’en prolongeant et en sophistiquant ce mur, le dispositif
n’a pas eu les résultats escomptés. En effet, on estime que 400 à
500 000 migrants parviennent à passer clandestinement aux
États-Unis chaque année. En revanche, la surveillance a eu pour
conséquence de rendre plus difficile et plus dangereux le projet
migratoire. Les migrants qui jadis entreprenaient leur voyage vers
les États-Unis grâce à des réseaux de solidarité et d’entre-aide
dans leur communauté d’origine sont désormais obligés de payer
de fortes sommes à des passeurs professionnels peu scrupuleux
(coyotes). Leur route s’écarte sur des grandes villes de la frontière
et passe par les régions désertiques, montagneuses : le nombre de
décès ne cesse d’augmenter depuis les années 1990 : en 2011 on
a enregistré 767 migrants morts en tentant de franchir la frontière
vers les États-Unis.

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• GÉOGRAPHIE •

Document 3 - Évolution des flux frontaliers du Mexique vers les États-Unis ENTRÉES DE VOYAGEURS
300 000
L’évolution du nombre de passages transfrontaliers entre les États-Unis et le Mexique est
révélateur des dynamiques socio-économiques existant entre les deux pays. Ce document
250 000
qui ne traite que des flux Sud-Nord, relevés aux 25 postes frontières des États-Unis, a pour
objectif, premièrement, de présenter l’évolution du trafic de voyageurs et de marchandises
aux postes frontières vers les États-Unis (histogramme des passages en milliers) et, 200 000
deuxièmement, de comparer l’évolution des deux types de passages sur la période de
1997 à 2010. Les deux graphiques sont construits sur le même principe à partir des bases
150 000
de données de deux institutions publiques états-uniennes : le département des transports
et celui de la Sécurité intérieure (Homeland Security).
Sur la même période les deux types de flux connaissent des évolutions différentes : 100 000
alors que le trafic de voyageurs tend à diminuer (passant de 293,1 à 168,3 millions de
personnes de 1999 à 2010), le trafic de marchandises est, lui, en augmentation (il passe
50 000
de 1,7 à 3,17 millions de camions de 1997 à 2010). Les passages transfrontaliers sont
réalisés par : les migrants transnationaux mais surtout les travailleurs frontaliers, les
touristes et la population locale qui passent réaliser leurs achats de l’autre côté de la 0
97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 Année
frontière. Ces trois dernières catégories de voyageurs passent la frontière plusieurs fois
par mois. Jusqu’en 2000, le trafic de voyageurs était en augmentation.
Plusieurs facteurs provoquent la baisse des passages frontaliers, le principal étant ENTRÉES DE CAMIONS CHARGÉS DE MARCHANDISES
directement lié à la politique du Homeland Security mis en place après les attentats du 3 500
11septembre 2001. Ensuite, la baisse se poursuit en raison de l’insécurité des villes
frontalières liée aux activités du crime organisé, particulièrement violentes après 2006.
3 000
Enfin, la variation du taux de change peso/dollar (jusqu’à 15,3 pesos/dollar en 2009) et
les crises économiques (en 2000 et après 2008) rendent moins opportunes les excursions
2 500
des consommateurs mexicains vers les États-Unis. La conjoncture économique explique
aussi les variations du taux de croissance du trafic de marchandises. Les périodes de
2 000
crise économique sont marquées par une croissance ralentie mais ce n’est qu’avec la
récession économique mondiale de 2008 qu’elle est devenue négative (- 8 %) car les
États-Unis sont le premier partenaire commercial du Mexique et toute variation de son 1 500

économie se répercute sur les importations de produits mexicains.


1 000

500

Sources : graphiques élaborés par M.-C. Macías à partir des données du U.S. Department of Transportation Research and Innovative Technology Administration Bureau
of Transportation Statistics Border Crossing/Entry Data basées sur les données du U.S. Department of Homeland Security Customs and Border Protection OMR database.
0
Consulté le 19 mai 2011. 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 Année

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Document 4 - Modèle des relations transfrontalières au poste-frontière entre Nous observons d’abord que selon leur origine, les flux sont inégalement distribués :
Tijuana et San Diego les frontaliers mexicains sont plus soucieux de profiter des opportunités offertes par cette
situation géographique alors que les voyageurs venus du nord de la frontière sont plus
Cette représentation graphique montre les flux de voyageurs transfrontaliers au poste- occasionnels et leurs motivations relèvent d’activités moins basiques. Plus de la moitié
frontière entre Tijuana et San Diego selon les motifs de déplacement. Pour chaque type des passages sont réalisés par des résidents du Mexique (55,6 %). Si les entrepreneurs
de motif, l’épaisseur des flèches est proportionnelle au nombre de personnes interrogées. transfrontaliers sont aussi nombreux à se déplacer pour affaires d’un côté à l’autre de
Le total des réponses recueillies est supérieur à 100 % car certaines personnes réalisent la frontière, les travailleurs frontaliers, quant à eux, sont majoritairement mexicains. Les
leurs déplacements en vue de satisfaire plusieurs activités. La longueur des flèches est, passages transfrontaliers motivés par l’offre de services et de marchandises sont encore
elle, proportionnelle à la distance du déplacement des voyageurs : du local (zone blanche plus inégaux entre les deux côtés. En allant vers le nord, les transfrontaliers réalisent
autour de la frontière) à l’international (zone la plus sombre) en passant par la région. Il des achats au bénéfice des commerces de détail états-uniens. En allant vers le sud, les
s’agit d’un graphique construit à partir des données brutes (traitées et classées par l’auteur) visiteurs, majoritairement d’origine hispanique, recherchent la consommation de services
de l’enquête du San Diego Dialogue réalisée auprès de 6 000 personnes en 1992. dans le cadre de leurs activités de loisirs (43,4 % des déclarations), de tourisme (31,2 %)
ou de shopping (31,4 %) - cette dernière motivation allant souvent de pair avec les loisirs.
Affaires Travail Tourisme Loisirs Services Shopping Les voyageurs originaires des États-Unis visitent principalement la Basse Californie lors
de séjours touristiques (séjour hors du domicile supérieur à 24 heures) ou les loisirs
E.U. (séjour inférieur à 24 heures). Il s’agit là d’une pratique très ancienne puisque depuis les
années 1910-1920, les Californiens passaient la frontière pour fréquenter les bars (surtout
Californie
pendant la période de la prohibition), les discothèques, les Casinos et les maisons closes
de Tijuana. Depuis lors, des complexes hôteliers se sont développés sur la côte pacifique
s’adressant à une clientèle plus variée. En revanche, 62 % des transfrontaliers venant du
San Diego Mexique déclarent compter réaliser des achats à l’occasion de leur visite. Ils ne sont
respectivement que 19 % et 10 % à déclarer se rendre aux États-Unis pour leurs loisirs ou
Tijuana
y passer des vacances. Le plus souvent ces dernières activités sont également associées
au shopping : la sortie au centre commercial est l’occasion de faire une promenade en
Basse-Californie famille. Que ce soit à Tijuana ou à San Diego, les Mexicains profitent des installations
commerciales pour aller au restaurant, au cinéma ou au parc.
Mexique Depuis le 11 septembre 2001, les flux Nord/Sud ont considérablement diminué du
fait des contrôles qui ralentissent le passage de la frontière et des restrictions (comme
Motivations du passages Vers le Vers les l’obligation du passeport pour les citoyens états-uniens). Cette tendance s’est accentuée
transfrontaliers (> 100%)* Mexique États-Unis depuis le lancement de la guerre contre le narcotrafic en 2007 ; dans les villes les plus
Affaires 9,7 % 8% violentes de la frontière, notamment à Ciudad Juárez, les touristes états-uniens sont rares
Travail 6,0 % 30 %
et les frontaliers mexicains préfèrent passer la frontière vers le nord pour se divertir.
Tourisme 31,2 % 10 %
Loisirs 43,4 % 19 %
Shopping 31,4 % 62 %
Services 11,7 % 5%
* Flèches proportionneles aux réponses cumulées
Sources : M.-C. Macías, « Jeux et enjeux d’une mobilité transfrontalière à contre-courant à la frontière Mexique-États-Unis », in Transcontinentales, 8/9 | 2010,
consultable en ligne URL: http://transcontinentales.revues.org/796.

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• GÉOGRAPHIE •

Document 5 - La côte de Basse Californie, paradis des retraités états-uniens Un climat clément et un niveau de vie inférieur à celui des États-Unis font du Mexique le
premier pays récepteur de retraités nord-américains (nous trouvons quelques Canadiens).
Cette photographie aérienne oblique de la côte de Basse Californie illustre le phénomène Il y aurait entre 200 et 300 000 retraités et/ou propriétaires états-uniens de résidences
de la migration des retraités (majoritairement anglo-saxons) des États-Unis vers le Mexi- secondaires sur les littoraux mexicains - selon les estimations basses de l’International
que. Prise par Antonio Frías en 2007, ce cliché est tiré des archives photographiques du Community Foundation. La majorité d’entre eux maintiennent des relations assez fortes avec
Colegio de la Frontera Norte. leur pays d’origine ce qui fait de la côte de Basse Californie une des premières régions
Au premier plan, le lotissement résidentiel fermé de Baja Malibu à San Antonio del réceptrices de retraités. En outre, les villes de la Frontière Nord du Mexique comptent
Mar (municipe de Tijuana) est coincé entre la côte pacifique et l’autoroute fédérale (à avec un équipement médical adapté à ce type de population vieillissante. Cet apport de
péage) - dite escénica car elle longe la côte depuis Tijuana jusqu’à la ville portuaire de population bénéficie à l’économie de la région, raison pour laquelle ces retraités sont
Ensenada (100 km au sud). Cet espace est occupé par des maisons individuelles dont assez bien perçus, mais présente également des inconvénients. En effet, ces espaces
certaines sont équipées de piscine ; les maisons les plus proches de la côte jouissent fonctionnent comme des enclaves puisqu’il s’agit d’ensembles résidentiels fermés situés
d’un accès privé à la plage (matérialisé par les escaliers qui apparaissent sur la falaise). en dehors de la ville à mi-chemin entre les villes de Tijuana et Rosarito. Ils sont difficiles
Au second plan, de l’autre côté de l’autoroute, un second ensemble résidentiel, Real del d’accès car on n’y parvient que par l’autoroute à péage et leur accès est contrôlé par des
Mar, est, lui aussi fermé et possède son propre service de sécurité. Il se compose de agents de sécurité privés. Leur emprise sur le territoire interdit tout passage jusqu’à la côte
grandes maisons individuelles, d’un hôtel-restaurant (le bâtiment blanc le plus grand) et malgré la réglementation fédérale relative aux zones restreintes qui interdit la privatisation
d’installations sportives privées dont le terrain de golf est visible. La majorité des résidents des terrains le long du littoral (art. 17 de la Constitution). Outre l’aspect réglementaire de
de ces deux lotissements sont des retraités états-uniens et des citoyens mexicains aux ces opérations immobilières, nous pouvons nous interroger sur leur viabilité en termes
revenus confortables. écologiques. Implantés dans des zones qui se caractérisent par leur déficit en eau – ici, la
zone méditerranéenne –, ces lotissements sont très demandeurs en services (eau, tout à
l’égout, routes asphaltées, etc.) pourtant défaillants dans la région. De plus, ces opérations
Photo : Antonio Frías, archives photographiques du Colegio de la Frontera Norte (2007)

recherchent des cadres paysagers paradisiaques en dépit de l’équilibre écologique de


ces milieux fragiles ou des risques liés à la situation topographique, à la qualité friable
de la roche attaquée par l’érosion littorale et aux conditions sismiques de la région.

Conclusion

Le degré d’asymétrie socio-économique à la frontière Mexique-États-Unis ainsi


qu’une longue tradition de relations sociales et familiales nouées par-delà la frontière
déterminent les dynamiques des échanges transfrontaliers dans cette région. De
nombreuses formes d’interactions au quotidien contribuent à construire une région
transfrontalière ; alors que les mesures adoptées par les États-Unis pour lutter contre
la migration des Mexicains et des Centraméricains font de la frontière un espace de
plus en plus violent sans l’éradiquer pour autant. La frontière Mexique/États-Unis jadis
perméable tend à se fermer.

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