Matthieu 20 1 16
Matthieu 20 1 16
Matthieu 20 1 16
Matthieu 20,1-16
Jean-Mathieu Thallinger
Froeschwiller
Introduction
Prêcher à propos d’une parabole est la promesse de beaucoup d’agrément. Pour une
fois il n’y aura pas d’expressions théologiques complexes qu’il nous faudrait
longuement expliquer en entrainant les auditeurs dans l’embrouillamini de nos
pensées. Il n’y aura pas non plus de rhétorique absconse dont nous aurions à
convaincre en 7 minutes qu’elle est pleine de vérité mais réservée à l’esprit
jésuitique de quelques élus. Non, prêcher à propos d’une parabole c’est partir
d’événements concrets, réels, quotidiens, appréhensibles par chacun.
Agrément aussi de par la liberté interprétative que le texte nous laisse parce qu’une
parabole par principe nous provoque, nous interpelle avant de vouloir nous
enseigner ou nous dogmatiser.
Texte et contexte
La parabole des ouvriers de la 11e heure, nommée aussi parabole des ouvriers de la
dernière heure ou parabole des ouvriers dans la vigne, pose un cadre aux repères
bien situés pour l’habitué du monde biblique : un maître de maison, une vigne, des
ouvriers. On pourra aisément décrypter les références auxquelles renvoient chacune
des pièces du décor de la fresque :
Le décor
Cette expression fonctionne comme une mise en abyme, il est bien connu que si les
premiers deviennent derniers ceux-ci à leur tour redeviendront premiers, un peu
comme au jeu de l’oie où arrivé presque au terme on tombe sur la case « retournez à
la case départ », la roche tarpéienne est toujours proche du capitole. Cependant nous
ne sommes pas capables d’en tirer toutes les conséquences, si Louis Braille a su
permettre à des aveugles de lire, l’écriture braille pour nous permettre de lire et
comprendre les texte bibliques aux aveugles que nous sommes n’a pas encore été
inventée.
Cette lecture au premier degré a connu beaucoup de faveurs. Elle fait de Jésus une
sorte de pré-léniniste, transfigurant le royaume de Dieu en Grand Soir. Le royaume
égalitaire parfait instaurant un super Revenu Minimum d’Existence pour tous. Dans
ce paradis, les militaires américains seraient payés au même prix que les mercenaires
des sociétés privées de sécurité présentes en Irak (payés de 500 à 1000 $ par jour),
les femmes au même prix que les hommes, les ouvriers chinois au même prix que
les ouvriers français (ou plutôt belges qui sont paraît-il ceux qui perçoivent les plus
hauts salaires au monde http://www.lefigaro.fr/emploi/2009/01/26/01010-
20090126ARTFIG00321-tour-du-monde-des-salaires-la-france-a-la-traine-.php la
limite du projet étant que cela augmenterait nettement le prix de beaucoup de nos
biens de consommation). L’égalité contrainte au détriment de la liberté, vieux débat
philosophique repris par le maître de maison qui proteste du droit d’user de son bien
selon son loisir. Un pays de Cocagne tel que celui peint par Pierre Bruegel l’ancien–
http://bruegel.pieter.free.fr/images/noces/cocagneg.jpg – royaume où tout serait à
portée de main, où toutes les classes sociales seraient réconciliées dans l’abondance
commune.
Jésus paraît être un sacré farceur à taquiner notre relation à l’argent, au mérite. Il
pourrait finir par semer la zizanie dans nos paroisses.
Pour ceux qui souhaiteraient malgré tout risquer d’aborder la parabole sous cet angle
deux ressources utiles :
- Un manifeste d’Alain Houziaux paru il y a quelques mois qui fit couler de l’encre
dans le courrier des lecteurs de Réforme. Son argumentaire était le suivant : une
égalité pour tous du montant des retraites serait tout à fait légitime : « Un
polytechnicien retraité n'est pas plus productif qu'un ouvrier retraité. Pourquoi la
veuve d'un cadre supérieur (même si elle n'a jamais travaillé) touche-t-elle davantage
qu'une femme célibataire qui a travaillé toute sa vie comme ouvrière »
http://castelg.club.fr/documents-archive/M48.htm
- un commentaire « paraphrasé » du livre « Unto This Last » de l’historien d’art et
écrivain John Ruskin par Gandhi (il disait de ce texte qu’il avait été l’une des
sources de sa pensée). L’essai « Ouvriers de la dernière heure » dans sa version
française, était inspiré directement de notre parabole. Parmi les enseignements qu’il
y trouva, Gandhi cite, entre autres : « Que le travail de l’homme de loi ne vaut ni
plus ni moins que celui du barbier, dans la mesure où tout le monde a également
droit à gagner sa vie par son travail ».
3. Au pays de Candy, comme dans tous les pays, il y a des méchants et des
gentils
(Cela n’a rien à voir directement avec notre propos mais je propose de nous accorder
une pause en lien avec ce qui précède, une jolie et juste réécriture des paroles de la
chansons citée en titre : Au pays de Ghandi Comme dans tous les pays On médite,
on jeûne, on prie Il y a les védas et les Indis Et quand arrivent les moments
difficiles Se tremper dans les eaux du Gange c’est si facile Un peu d’eau
fraîche Un peu de riz C’est la vie de Ghandi! Trouvé sur :
http://geekaroni.wordpress.com/2007/11/13/ephemeride-du-13-novembre/)
Un peu comme si Jésus avait dit : je ne suis pas venu appeler les pécheurs ni les
prostitués, mais toi le bien-pensant, toi le pieux, toi le bon croyant, toi le pharisien,
toi le légaliste, toi qui me lit.
Essayez pour voir dimanche prochain, citez la phrase de Matthieu 9, 13 mais dites :
« je ne suis pas venu appeler les pécheurs mais les justes ». Et demandez si
quelqu’un s’est rendu compte de l’inversion.
(Vous pourriez faire le même exercice avec le Notre Père : évoquez-le pour
mémoire et récitez : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton
règne vienne, que ma volonté soit faite sur la terre comme au ciel).
4. L’interprétation impossible