«La centralisation française est morte, donnons toute sa place à la proximité»
FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour le maire LR de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, la centralisation a nourri une hyper-bureaucratisation kafkaïenne qui pénalise lourdement les territoires ruraux. Selon lui, le temps est venu de changer de modèle et redonner au local la place qu'il mérite.
Passer la publicitéFrédéric Masquelier est maire LR de Saint-Raphaël et membre du comité de la Revue politique et parlementaire.
Emmanuel Macron, alias Jupiter, s'était donné pour mission de diriger la France depuis les hauteurs de l'Élysée, incarnant ainsi le pouvoir centralisé dans sa forme la plus pure. Gouvernance forte et centralisée, société de progrès tenue d'une main de fer : tout devait se décider depuis Paris, chaque nomination passait par son bureau, imposant sa volonté aux quatre coins du pays. Mais, surprise ! Cette centralisation à outrance, censée tout maîtriser, s'est heurtée à une déconnexion avec les territoires et leurs réalités. Le constat est clair : l'approche «jupitérienne» est en phase terminale, et il est grand temps de lui dire adieu pour accueillir une France de proximité.
La centralisation en France n'est pas une nouveauté. Louis XIV, Napoléon et même la Révolution française ont construit un État où tout est gouverné depuis le centre, à Paris, car, bien sûr, tout le monde sait que rien de pertinent ne peut émaner d'ailleurs. Le président est devenu une figure quasi-monarchique, dirigeant tous les aspects de la vie publique jusqu'à la caricature.
Emmanuel Macron, dans son personnage olympien, n'a fait qu'en rajouter. Dès ses premiers pas dans la cour du Louvre, il a cultivé l'image d'un dirigeant fort, sûr de lui, un «Jupiter» qui prend toutes les décisions, au-dessus de la mêlée. C'est à se demander si le sommet de l'État voit encore le terrain quelque part en dessous des nuages.
Dans le Gard, un village sinistré attend des années que ses travaux de lutte contre les inondations soient approuvés par Paris. Si ces situations font sourire, elles sont le reflet d'un mal bien profond : la bureaucratie parisienne.
Frédéric Masquelier
Le modèle centralisateur a nourri une hyper-bureaucratisation qui ferait pâlir Kafka. Quand tout se décide d'en haut, on peut s'attendre à des relais pour exécuter, vérifier, contrôler… et contrôler à nouveau. Plus tout se décide d'en haut, plus il faut des relais pour faire appliquer chaque décision. Résultat : un millefeuille administratif et des strates censées vérifier et appliquer les directives, veillant à ce qu'aucune tête ne dépasse dans une société standardisée. Mais comme dans le mythe de l'Atlantide, l'appareil bureaucratique s'est vite transformé en une multitude de petites chefferies, chaque échelon se croyant investi d'une mission régulatrice ; chaque bureau s'attribuant le pouvoir prométhéen d'imposer sa propre interprétation de la règle avec des normes qui s'accumulent jusqu'à l'absurde.
Voilà comment un projet local simple, nécessaire et évident prend des airs de parcours du combattant. Dans les Alpes, par exemple, pour débloquer une route, une commune doit passer par plusieurs niveaux administratifs pour parvenir à une décision du ministre. Dans le Gard, un village sinistré attend des années que ses travaux de lutte contre les inondations soient approuvés par Paris. Si ces situations font sourire, elles sont le reflet d'un mal bien profond : la bureaucratie parisienne, dopée par ce nouveau monde prophétique, impose sa logique lointaine, qui méprise les réalités d'un terrain qui n'entre pas dans son cadre de réflexion. Une commune qui souhaite rénover un port doit traiter avec des administrations qui n'ont jamais vu la mer ; le résultat ? Des années d'attente et des dossiers qui prennent la poussière.
Ce centralisme poussé à son paroxysme ne fait que déconnecter davantage les citoyens, surtout en zones rurales, d'un État qui semble les avoir oubliés. Les «petites gens» de la province, qui sont pourtant au cœur de la France, ont depuis longtemps l'impression d'être les laissés-pour-compte d'une élite préoccupée par des enjeux qui leur échappent. Le mouvement des «gilets jaunes», qui s'inscrit dans une longue tradition de jacqueries, n'a fait que confirmer cette fracture grandissante entre le peuple et ceux qui gouvernent depuis des bureaux capitonnés à Paris. Le temps est venu de réduire ce fossé historique et de redonner au local la place qu'il mérite.
Les premières failles du modèle jupitérien sont apparues avec la crise des «gilets jaunes», et ont éclaté au grand jour lors de la pandémie de Covid.
La distribution des masques, par exemple, a donné lieu à un ballet bureaucratique ahurissant, où les Agences Régionales de Santé devaient attendre des directives et des stocks de Paris, laissant les collectivités locales et les citoyens dans une attente interminable, obligés de bricoler leurs propres protections avec des bouts de tissus. Qui aurait cru qu'une gestion centralisée pouvait mener à de telles scènes d'absurdité ?
Avec une France de proximité, chaque région et commune pourrait gérer elle-même des domaines essentiels, de l'éducation au logement en passant par la santé.
Frédéric Masquelier
Lors de leurs réunions, les élus locaux ne manquent pas d'anecdotes tout aussi édifiantes. Le maire d'un village raconte comment, pour aménager un terrain, il a dû batailler pendant des années auprès de trois instances différentes pour se voir opposer un refus à cause de la présence d'excréments de chauve-souris alors qu'un autre raconte sa déconvenue face à la présence d'un lézard célibataire. Un troisième se demande même s'il vaut la peine de voter un budget quand, pour planter des arbres dans une allée, il doit remplir des dossiers, payer des bureaux d'études, pour finir avec un refus émis par des fonctionnaires inconnus. Faut-il rappeler que les besoins et la vie des habitants est un sujet que les gens qui sont sur le terrain connaissent peut-être mieux qu'à la capitale ?
Impuissants face à cette machine infernale, les Français ne veulent plus que leur vie soit guidée par des décisions venues d'en haut. Pour ne pas devenir les héros tragiques de cette farce, ils réclament une gouvernance de proximité, où les décisions sont prises par ceux qui connaissent les réalités en fonction du bon sens, c'est-à-dire par les représentants qu'ils ont choisi lors d'élections démocratiques locales pour s'occuper de leur vie quotidienne. Les citoyens réclament des solutions pragmatiques, et non imposées par des élites ayant souvent comme seule expertise de la province leurs souvenirs de vacances.
Jupiter incarne le pouvoir autoritaire, distant, immobile ; Hermès, quant à lui, représente la communication, l'adaptabilité, et le pragmatisme. Là où Jupiter impose, Hermès coopère. Là où le sommet croit tout savoir, Hermès est le messager des réalités du terrain. Il incarne parfaitement la décentralisation, un modèle où chaque territoire peut trouver ses solutions, sans devoir attendre l'aval d'un grand maître de cérémonie.
Avec une France de proximité, chaque région et commune pourrait gérer elle-même des domaines essentiels, de l'éducation au logement en passant par la santé. Les décisions seraient adaptées aux spécificités locales, sans avoir besoin d'un tampon parisien pour donner son aval.
Avec une gouvernance locale forte, chaque citoyen pourrait se sentir entendu et respecté.
Frédéric Masquelier
Des pays comme la Suisse et l'Espagne prouvent qu'il est possible de concilier autonomie et unité. Ils respectent les réalités locales tout en assurant une cohésion nationale – une leçon de pragmatisme qu'on pourrait bien appliquer ici. La Bretagne, par exemple, a su développer des initiatives pour une gestion directe. En Alsace ou en Corse, le désir de gestion autonome sur certains domaines reste fort. Ajoutons le Pays basque et tant d'autres territoires. La France de proximité n'est pas un mirage, c'est une voie réaliste, si l'on accepte de laisser respirer les régions et pourquoi pas rêver jusqu'au fédéralisme autour de territoires cohérents ce qui serait une grande idée moderne pour un pays épuisé par l'hubris de son administration.
Avec une gouvernance locale forte, chaque citoyen pourrait se sentir entendu et respecté. Finis les projets bloqués pendant des lustres. Avec le fédéralisme, la débureaucratisation cesserait d'être un vœu pieux dès lors que les relais du pouvoir central auraient perdu leur utilité en fournissant au pays un bol d'air salutaire. Et si les Français retrouvaient le contrôle de leurs propres affaires, peut-être finiraient-ils par croire de nouveau en leurs institutions aujourd'hui si mal représentée à l'Assemblée nationale par un personnel politique dépourvu de toute légitimité aux yeux du citoyen de base.
Alors, disons adieu aux références antiques, et laissons enfin les réalités locales prendre la barre. La France, en fin de compte, n'a jamais été aussi forte que lorsqu'elle résonne de ses milliers de voix et initiatives locales.
R.I.P. Jupiter : Épitaphe pour le modèle jupitérien. «Ci-gît la centralisation française, morte d'arrogance et de lourdeur bureaucratique. Que la proximité lui succède.»
Le Gaulois 69
le
Le Gl De Gaulle est parti sur un référendum .
Lequel ?
PA75
le
En fait il faudrait retourner à l’organisation territoriale du 13ème siècle, c’est-à-dire une France qui n’était pas du tout centralisée et où le Roi de France n’était que le suzerain suprême.