À Genève, les horlogers aiment les complications
Au salon Watches and Wonders, tourbillons et calendriers des grandes manufactures repoussent le champ des possibles.
Passer la publicitéSi elles ne prédisent pas encore la météo, les montres à grandes complications ont déjà la faculté de se projeter dans le futur. Par leurs savants calculs, fruits d'années de travail et de recherches, dans le secret des ateliers des grandes manufactures, elles savent anticiper les aléas célestes et terrestres sur des décennies, voire des siècles. Et ceci dans un espace extrêmement contraint, à l'aide de pièces mécaniques infiniment petites. Mieux encore, par la composition lisible de leurs cadrans, ces garde-temps complexes savent rendre visuellement accessibles à chacun des mystères qui peuvent sembler réservés aux seuls savants. Tout cela régale évidemment plus que tout les connaisseurs qui arpentent les allées de Watches and Wonders cette semaine.
Sophistication suprême, les montres calendriers portent en elles une promesse vertigineuse : pouvoir faire le point le plus exact possible de sa trajectoire à un instant donné. Déjouer les pièges célestes et terrestres du calendrier suppose une capacité à se renouveler et à réfléchir en dehors des schémas traditionnels de la pensée horlogère classique. C'est ce qu'ont fait les trois maîtres horlogers de l'atelier des Cabinotiers de Vacheron Constantin durant huit années. Le résultat, présenté au salon, est magistral : rien de moins que la montre la plus complexe jamais mise au point. « Le calendrier traditionnel chinois (intégré ici pour la première fois, NDLR) n'a pas été révisé depuis 1645. Sa particularité est de ne pas être exclusivement solaire ou lunaire, mais une combinaison des deux, explique Christian Selmoni, directeur du style et du patrimoine de la manufacture genevoise. Les nombreuses irrégularités dans les informations astronomiques liées à ces deux calendriers rendaient en principe impossible la création d'un calendrier chinois perpétuel. Ainsi, certaines années durent 364 jours, d'autres 355, 383, ou 384, et tout ceci dans le désordre… » Au total, ce garde-temps comprend pas moins de 63 complications différentes, servies par un calibre mécanique constitué de 2 877 composants. Derrière ce projet titanesque, il y a la passion d'un grand collectionneur, William Berkley. Légitimement, il donne son nom à ce garde-temps qui possède d'ores et déjà sa place dans l'histoire de l'horlogerie.
À son échelle, Laurent Ferrier ne manque pas d'ambition et, avec sa Classic Moon, l'horloger indépendant dévoile deux complications au sein de ses collections : un calendrier annuel et une indication de phase de lune (en verre aventurine réalisé à Murano). Si une aiguille centrale indique la date, le jour et le mois s'affichent en abrégé dans deux guichets bien alignés, et placés haut, à midi. La lune apparaît grâce à un élégant cadran dédié, placé à 6 heures. Une pièce discrète et élégante, équipée du calibre maison LF126.02 à remontage manuel aux finitions exemplaires.
Permettant une meilleure régulation et donc plus de précision, le tourbillon semble cette année au centre de toutes les attentions si l'on prend comme baromètre les vitrines de Watches and Wonders. Chez Jaeger-LeCoultre, il trouve une expression par ticulièrement virtuose sous la forme du Duometre Heliotourbillon Perpetual. Au concept original de Duomètre, breveté en 2007 et permettant de stabiliser l'alimentation entre le barillet du mouvement et l'échappement pour ajouter des complications sans compromettre la précision, la « grande manufacture » ajoute un tourbillon inédit, construit sur trois axes. Visuellement, l'effet cinématique est captivant, presque hypnotisant. En prime, ce garde-temps intègre un quantième perpétuel au calibre 388 de la manufacture qui assure aussi l'affichage de la grande date. Les amateurs d'indications lunaires considéreront la Duomètre Chronograph Moon, dont le cadran riche en indications assume une grande élégance empreinte de modernité.
Les grandes complications savent aussi être de beaux exercices de style. La manufacture allemande A. Lange & Söhne ne ménage pas ses effets en dévoilant un Datograph Tourbillon présenté dans un boîtier en « Honeygold », cet or couleur de miel spécifique à la marque saxonne, associé à une finition « Lumen », translucide et luminescente. Au-delà des apparences, il s'agit d'une pièce complexe de haut niveau à chronographe retour en vol avec un compteur de précision à minutes sautantes, doté en outre d'un quantième perpétuel et d'un tourbillon avec mécanisme d'arrêt secondes.
Dans ce vertige créatif, TAG Heuer se singularise quant à elle par une pièce sportive à grande complication de haut vol, le chronographe Monaco Split-Seconds embarquant le mouvement mécanique à rattrapante TH81-00, entièrement réalisé en titane. De quoi propulser la marque dans une nouvelle dimension horlogère. « Le lancement de pièces de ce niveau crée une désirabilité aspirationnelle, qui vient enrichir notre discours horloger, explique Julien Tornare, son président. La chronométrie fait partie de notre ADN, et je tiens vraiment à la remettre sur le devant de la scène. Avoir une rattrapante dans une pièce iconique comme la Monaco, entre la forme et le travail de design, permet de mettre en scène le mouvement d'une manière spectaculaire. »
De son côté, Roger Dubuis propose une lecture résolument moderniste de la complexité horlogère, avec quatre tourbillons : l'Excalibur Titanium Monotourbillon, l'Orbis In Machina, l'Excalibur Sunrise Double Tourbillon et l'Excalibur Dragon Monotourbillon. Mention spéciale, enfin, pour Pequignet dont le Calibre Royal Tourbillon est le premier mouvement de ce genre pour la marque française. « Quand on est une maison indépendante, on a toujours besoin de prouver sa légitimité », estime Hugues Souparis, son président.
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